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Titre : État de la France, dans lequel on voit tout ce qui regarde le gouvernement ecclésiastique, le militaire, la justice, les finances, le commerce, les manufactures, le nombre des habitans, & en général tout ce qui peut faire connoître à fond cette monarchie. Tome 1 / . Extrait des mémoires dressez par les intendans du royaume, par ordre du roi, Louis XIV... Avec des mémoires historiques sur l'ancien gouvernement de cette monarchie jusqu'à Hugues Capet. Par Monsieur le comte de Boulainvilliers. On y a joint une nouvelle carte de la France... Tome premier [-second]
Auteur : Boulainvilliers, Henri de (1658-1722). Auteur du texte
Éditeur : A Londres, chez T. Wood & S. Palmer. M.DCC.XXVII.
Date d'édition : 1727
Contributeur : Mercier, Philippe (02). Éditeur scientifique
Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb36279116t
Type : monographie imprimée
Langue : français
Langue : Français
Format : 2 vol. ([12]-14-XXVII-182-[2]-387-[5] ; [2]-581-[1 bl.-4] p.) ; in-fol.
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Format : Format adaptable de type XML DTBook, 2005-3
Description : Avec mode texte
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k1054350q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, FOL-L1-3 (1)
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/03/2014
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ETAT
DE LA
FRANCE,
DANS LEQUEL ON VOIT
Tout ce qui regarde le GOUVERNEMENT ECCLESI-ASTIQUE,
ECCLESI-ASTIQUE, MILITAIRE, la JUSTICE, les FINANCES, le COM-MERCE,
COM-MERCE, MANUFACTURES, le Nombre des HABITANS, & en ge-neral
ge-neral ce qui peut faire connoître à fond cette Monarchie :
EXTRAIT
Des MEMOIRES dressez par les Intendans du Royaume,
par ordre du Roi, Louis XIV. à la sollicitation de Monseigneur le
Duc de BOURGOGNE, Pere de LOUIS XV. à présent règnant.
AVEC
Des MEMOIRES HISTORIQUES sur l'ancien
Gouvernement de cette Monarchie jusqu'à Hugues Capet.
Par Monsieur le COMTE DE BOULAINVILLIERS.
On y a joint une
Nouvelle CARTE de la FRANCE Divisée en ses Generalitez,
Reveuë & approuvée par Mess. de l'Academie Royale des Sciences.
TOME PREMIER.
A LONDRES,
Chez T. WOOD & S. PALMER. M. DCC. XXVII.
AU ROY.
SIRE,
L'OUVRAGE que j'ose presenter à VOTRE MAJESTÉ a l'avantage d'être sorti de la plume d'un des plus judicieux des plus habiles hommes de notre Siécle. La lecture en paroit si utile pour mieux connoître qu'on n'a fait jusqu'à présent un Etat si voisin, & qui depuis tant de siecles tient un rang si considerable en Europe, que j'ai cru pouvoir prendre la liberté de mettre à la tête de la description d'une aussi belle Monarchie, un Nom aussi Auguste que celui de VOTRE MA JESTÉ. LA verité, dont l'Auteur a fait son principal objet, osera paroitre devant VOTRE MAJESTE qui lui a tou-
jours donné accez. LAuteur a sceu accorder cette même verité avec les sentimens de respect pour ses Princes & le zele pour sa Patrie.
Ces raisons, jointes à l'importance de l'Ouvrage, me donnent la hardiesse de le presenter à un ROI aussi grand par ses Vertus que par sa Puissance, également au dessus des éloges & de la flatterie, & dont la qualité de Pere de ses Peuples fait toutes les délices. Je suis avec le plus profond respect,
SIRE,
de VOTRE MAJESTÉ,
le très-humble, trh-obeijjanî
& très-fidelle Serviteur & Sujet,
PHILIPE Mercier.
A LIST OF THE SUBSCRIBERS To this WORK.
Their Royal Highnesses the PRINCE and PRINCESS of WALÈS, Ch. M.
Theit Highnesses the Princesses ANNE, AMELIE, and CAROLINE, Ch. M.
A
HIS Grâce the Duke of Argyll.
The Right Honourable the
Lord Ashburnham. Ch. Mai.
D'Antigny, Esq ;
The Honourable Richard Arundel, Esq ;
The Reverend Mr. Adenbrooke.
Mr. 'Daniel Arthur. Ch. Maj.
B
His Grace the Duke of Bridgwater. Ch. Maj.
The Right Honourable the Earl of Burlington.
The Right Honourable the Marquis of Blandford. Ch. Maj. I S. P
Monsieur le Comte de Bothmar.
Madame la Comtesse de Buckembourg.
Monsieur de Billerbeck.
The Honourable Tattee Byng, Esq ;
The Honourable Bentinck, Esq ;
The Honourable – – – Ballandine, Esq ;
Monsieur le Comte de Broglio.* Ch. Maj.
John Banceì Esq ;
Monsieur de Behre,
Thomas Brereton, Esq ;
Monsieur du BreuìL Ch. Maj. I S.P.
John Anthony Balaguier, Esq ;
Monsieur de Bernage. Ch. Maj.
Mr. John Brindley, Bookbinder.
C
The Right Honourable the Lord Cartes et, Lord Lieutenant of Ireland. Ch. Maj.
Monsieur Carie, Lieutenant General in the Service of his Portuguese Majesty.
Monsieur le Comte de Cailus. 4 Ch. Maj. 8 S. p.
Monsieur de Chamorel
The Right Honourable theLord Vifcount Cobbam.
The Right Honourable the Lord Clinton.
The Right Honourable the Earl of Cholmondley.
Colonel Campbell.
Sir Thomas Cooke, Knight of the Bath.
The Honourable Brigadier Churchill. 2
Anthony Col lins, Esq ;
Colonel John Cope.
Monsieur le Coq, Envoy Extraordinary of his Polish Majesty.
The Right Honourable the Lord Vifcount Carmicheal.
Mr. Colmar.
Monsieur D. de Mendofa Cortés Real, Secretary of State to the King of Portugal.
The Honourable Thomas Clutterbuck, Esq ;
George Carowle, Esq ;
Monsieur Cavalier.
The Right Honourable the Earl of CheSterfield.
The Right Honourable the Lord James Cavendish.
Sir Clement Cotterel.
D
His Grâce the Duke of TDevonfhire.
Monsieur D'Agueffeau, Chancellor of France. Ch. Maj.
Monsieur le Baron de sDiefcau.
Monsieur le Comte cD, Oenhausen.
Monsieur Philippe des Viennes.
Henry H'Avenant, Esq ; Ch. Maj. I S.P.
James Douglas, Esq ;
Lady Dutrey.
The Right Honourable George Bubh Tìodington, Esq ; Ch. Maj.
The Reverend Mr. Durand. 6
Mr. Dunoyer, Bookseller in the Strand. 35
E
The Right Honourable Richard Edgecombe, Esq ;
F
The Right Honourable the Lord Finch. Ch. Maj.
Monsieur le Marquis de la Forêt.
Monsieur le Marquis de Fronteira.
Major Henry Foubert.
Monsieur Fritsch. 6
Coulson Fellows, Esq ;
John de Fonvive, Esq
G
His Grâce the Duke of Grafton. Ch. Maj.
The Right Honourable the Earl of Godolphin. Ch. Maj. and I S.P.
The Right Honourable the Lord Vifcount Garlies.
Monsieur le Duc de Gesvres, Governor of Paris.
Monsieur de Galvaons, Envoy ËxtçaOrdinary of ;, tóÌ TfttbgueJe'Mtsdky.
Monsieur le Baron Gaultier. Ch. Maj.
Monsieur le Marquis de Gandelu. Ch. Maj.
John Girardot, Esq ;
May nard Guerin, Esq ;
Thomas Goodman, Physician to his Britannick MAJESTY.
H
His Grâce the Duke of Hamiltoyi.
The Right Honourable the Lord Herbert.
Monsieur le Baron de Hattorf.
The Honourable Harley, Esq,
Hasch, Esq ;
Maurice Hunt, Esq ;
Hugh Howard, Esq ;
Monsieur Housaye.
Edward Harrison, Esq ;
Monsieur Hop, Envoy Extraordinary of
the United Provinces. Ch. Maj.
The Honourable Mrs. Howard. Ch. Maj.
Mr. Heideigger.
Mr. Humbert, Bookseller at Amsterdam. 35 S.P. and I Ch. Maj.
I
Monsieur D'Ilten.
James Joye, Esq ; Ch. Maj.
Mr. Jackson, Bookseller in Fail-Mail. 35
K
The Honourable Brigadier Ker,
L
The Right Honourable the Earl of Lincoin.
Lincoin. Maj.
The Right Honourabie the Lord VisÊount Lymington.
Monsieur le Comte de la Lippe Buckembourg.
The Right Honourabie the Lord Viseount Lonsdale.
The Honourable Anthony Lowther Esq ;
Sir William Leman, Bart »
Colonel "John Ligonier.
Monsieur Isaac Loftau.
M
His Grâce the Duke of Manchester.
His Grace the Duke of Montagu.
The Right Honourable the Earl of Marchmont.
The Right Honourabie the Earl of Macclesfield.
Charles Montagne, Esq ;
Le Comte de Morville. Ch. Maj.
Richard Mead, M.D. 2 Ch. Mai. and 6 S.P.
Monsieur Majsey, Brigadier in the Service of his Portuguese Majesty.
Monsieur Moracin. 2
Samuel Molyneux, Esq ;
John Misaubin. M.D.
Monsieur le Comte de Mant eusses Minister of State to his Polisti Majesty. 4
N
His Grâce the Duke of Newcastlet one of his Majesty s Principal Secretary's of State. 1 Ch. Maj. I S.P.
Sir Michael Newton, Knight of the Bath.
– Newton, Esq ;
The Honourabie Francis Negus, Esq ;
Mr . Van Neck.
O
Lhe Right Honourabie the Earl of Oxford. Ch. Maj.
Sir Adolphus Oughton, Bart.
P
The Right Honourabie the Earl of Pembroke.
The Right Honourable the Lord Viscount Primrose.
The Right Honorable the Lord Pereival.
The Right Honourablz -Henry Pelhmrg Esq ; Secretary at War.
Colonel Paget.
Monsieur le Baron Palm. Ch. Maj.
Captain Peter Petit.
Mr. Palmer. Printer. 8
Q
His Grâce the Duke of Queensbury.
R
His Grâce the Duke of Richmond.
His Grâce the Duke of Rutland. Ch. Ma ;.
Sir Robert Rich, Bart.
Monsieur de Reich, Private Secretary to his Britannick MAJESTY.
S
The Honourable Sir Robert Sut ton,
Knight of the Bath. Ch. Maj.
Monsieur de Schrader, Ch. Maj.
The Right Honourabie. William Stanhope, Vice-Chamberlain to his Britannick MAJESTY.
Sir Luc Schaub. Ch. Maj.
Monsieur le Baron de Sollendhàl, Envoy Extraordinary of his Danifh Majesty.
The Right Honourabie the Earl of Sujfêx.
The Right Honourabie the Earl of Sìinderland.
The Honourabie Brigadier Sut ton,
The Rt. Hon. the Earl of Scarborough.
Sir Hans Sloane, Bart. M.D.
Thomas Scawen, Esqj
The Honourabie Charles Stanhope, Esq
Monsieur le General de St. Sashorin. 2
Monsieur Simon.
– – – Smith, Esq ;
Colonel James Stewart.
Thomas Stanhope, Esq ;
T
The Rt. Honourabie the Lord Tyrawle.
Colonel Tyrrell.
The Right Honourabie the Lord Thomond. Ch. Maj.
The RightHonourable the Lord Viscount Tyrconnel. Ch. Maj.
Edward Thom f son, Esqj
George Teissier, Physician to the Houshold of his Britannick MAJESTY.
V
Monsieur le Baron de Vallenrodt, Envoy Extraordinary-of the King of Rrussta.
Monsieur Sébastian van Veenigen de Vigier. Ch. Maj.
W
The Right Honourable the Lord Waldegrave.
The Right Reverend the Lord Bishop of Winchester.
The Right Honourable Sir Robert Walpole, Knight of the most Noble Order of the Garter, Ch. Maj.
Thomas Wyndham, Esq ;
Francis Whitworth, Esq ;
The Honourable Lieutenant General Wade.
Sir Anthony Wefcomb. Ch. Maj.
The Countefs of Walfingham. Ch. Maj.
Mr. Wood, Printer. 4.
Z
Monsieur Zambony, Agent to the King of Roland. I Ch. Maj. and 4 S.P.
AVERTISSEMENT.
Sl les foins que l' on s'est donnez pour cette Edition doivent la rendse recommendable, l'augmentation d'environ 60 feuilles de plus qu'on n'avoit promis, mérité qu'on y faffe quelque attention –, & s'il est juste que ceux qui ont favorisé cet Ouvrage en souscrivant, profitent de cet avantage, il ne l'est pas moins que MUX qui n'ont pas foufeript le payent quelque chose de plus. Tl fera donc pour ces derniers à deux Livres Sterl. dix Shelings. On propose auffi aux mémes fouscrivans un troizième volume qui fera la fuite complette de cet Ouvrage, puisque ce sont des LETTRES OU MÉMOIRES HISTORIQUES pour la 3e. Race des Rois de France, avec des remarques sur les differens Parlemens tenus depuis Hugues Cap et, jusqu'à Louis XI. on croit pouvoir dire que c'est-là le Chef d'oeuvre de Monsieur de Boulainvilliers & l'on ose se flatter, qu'ayant rempli, & au delà, les engagemens dans lesquels on étoit entré en proposant Cette Edition, on trouvera le même appui du coté des fouferivans. Pour faciliter l'intelligence de cet Ouvrage on y a joint une Carte nouvelle de la France, divisée en ses Generalitez, que l'on a fait faire avec tout le foin postible, & qui a été reveuë par Messieurs de l'Académie des Sciences, dont voici l'approbation.
Extrait des Registres de l'Academie Royale des Sciences.
du 4. Decembre, 1726.
MESSE. Maraldi a Chevalier, qui avoient été nommés pour éxaminer une nouvelle Carte generale de France dressée par M. d'Anville, en ayant fait fait leur rapport ; la Compagnie a jugé que cette Carte étoit conforme aux Observations dans la determination des Longitudes & Latitudes autant qu'une Carte générale le peut être, qu'elle étoit correctement & proprement dessinée, le détail de Costes précis, & le choix des Positions fait avec connoissance & jugement. En foi de quoi j'ai signé le présent certificat. A Paris ce 5. Dec. 1726.
signé FONTENELLE,
Sec. perp. de l'Ac. Roy. des Sc.
A LIST OF THE SUBSCRIBERS To this WORK. The KING. Ch. Maj. The Q. UEEN. Ch. Maj.
Their Highnesses the Princesses ANNE, AMELIA, and CAROLINE. Ch. M.
A.
HIS Grâce the Duke of Argyll.
The Right Honòurable thé
Lord AJhburnhamCh. Mai »
– D'Antigny, Esq ;
The Honourable Richard Arundel, Esq ;
– Asche, Esq ;
The Reverend Mr. Adenbrooke.
Mr. Daniel Arthur, Ch. Mai
Mr. d1'Allet.
Mr. d'Arbond.
Mr. Aubert.
B.
His Grace the Duke of Bridgwater. Ch. Maj.
The Right Honourable the Earl of Burlington.
The Right Honourable the Marquis of Blandford. Ch. Maj. I S. Pe
Monsieur le Comte de Bothmar.
Monsieur le Comte de Broglio, Ch Mai
Madame la Comtesse de Buckemboùrg,
The Honourable Pattee Bing, Esq ;
The Honourable Bentinck, Esq ;
The Honourable Èsqs
Sir John Buckworth,
Orlando Bridgman, Esq ;
John Bernet, Esq ;
John Bance, Esq ;
Thomas Brevetons Esq ;
John Anthony Balaguier, Esq ;
Monsieur du Breuil. Ch. Maj. I S.P.
Monsieur de Bernage, Ch. Maj.
Monsieur de Billerbeck.
Monsieur de Behre,
Monsieur Bruire,
Monsieur Buleau.
Mr. Isaac Barbut,
C.
The Right Honourable the Lord Carteret, Lord Lieutenant of Ireland, Ch. Maj.
The Right Honourable the Earl of Cholmondeley.
The Right Honourable the Earl of Chesterfield.
The Right Honourable the Lord Viscount Cobbam.
The Right Honourable the Lord Viscount Carmichael.
The Right Honourable the Lord Clinton,
The Right Honourable the Lord James Cavendish.
The Honourable Brigadier Churchill, 2
Sir Thomas Coke, Knight of the Bath.
Sir Clement Cotterel.
Colonel Campbell.
Colonel John Cope.
The Honourable Thomas Clutterbuck, Esq ;
The Honourable – – Carter et, Esq ;
Thomas Coke, Esq ;
Anthony Collins, Esq ;
George Carowle, Esq ;
Monsieur Carie, Lieutenant General in the Service of his Portuguese Majesty.
Monsieur le Comte de Cailus, 4 Ch. Maj. 8 S.R.
Monsieur de Chamorel.
Monsieur le Coq. Envoy Extraordinary of his Poli/h Majesty.
Monsieur D. de Mendosa Cortes Real, Secretary of State to the King of Portugal.
Monsieur Cavalier.
Monsieur Carp entier.
Monsieur de Chanlieu.
Mr. Colmar.
Mr. Coderc, Bookseller in Little Newportstreet.
D.
His Grâce the Duke of Devonfhire,
The Right Honourable George Bubb Dodington, Esq ; Ch. Maj.
The Honourable General Dormer.
Lady Dutrey.
The Revèrend Mr. Durand. 6.
Henry D'Avenants Esq ;
James Douglas, Esq ;
William Danehil, Esq ;
Monsieur D Aguejseau, Chancellor of France. Ch. Maj.
Monsieur le Baron de Disescau.
Monsieur le Comte D'Oenhausen.
Monsieur Philippe des Viennes.
Mr. D'Aranda.
Mr. Durolle.
Mr. D'Estang.
Mr. Dunoyer, Bookseller in Strand. 35
E.
The Right Honourable Richard Edgecombe, Esq ;
Sir John Eyles.
Sir Joseph Eyles.
Mr. Emmy.
Mr. Van Eynick.
Mr. Edmond.
F.
The Right Honourable the Lord Finch.
Ch. Maj.
The Right Honourable the Lord Foley.
Major Henry Foubert.
Coulson Fellows, Esq ;
John de Fonvive, Esq ;
William Falkner, Esq ;
John Freind, M.D.
Monsieur le Marquis de la Foret.
Monsieur le Marquis de Fronetira.
Monsieur Fritsch. 6
Mr. de Fargusen.
Mr. le Baron de Filen.
Mr. Franc.
Mr. Philbert de Croû.
Mr. Charles de la Faye.
G.
His Grâce the Duke of Grafton. Ch. Maj.
The Right Honourable the Earl of Godolphin. Ch. Maj. and 1. S.P.
The Right Honourable the Lord Vifcount Garlies.
John Girardot, Esq ;
Maynard Guerin, Esq ;
William Greeny, Esq ;
Thomas Goodman, Physician to his Britannick MAJESTY.
Monsieur le Duc de Gesvres, Governor of Paris.
Monsieur de Galvaons, Envoy Extraordinary of his Portuguese Majesty.
Monsieur le Baron Gaultier. Ch, Maj.
Monsieur le Marquis de Gandelu. Ch. Maj,
Monsieur le Grand.
Mr. Galby.
Mr. Guitand.
H.
His Grâce the Duke of Hamilton.
The Right Honourable the Lord Herbert.
The Honourable. – – Harley, Esq ;
The Honourable Charles Hamilton, Esq ;
The Honourable William Hanber, Esq ;
The Honourable Mrs Howard.
Maurice Hunt, Esq ;
Hugh Howard, Esq ;
Edward Harrifony Esq ;
Charles Hammond, Esq ;
Monsieur Hop, Envoy Extraordinary of
the United Provinces. Ch. Maj.
Monsieur le Baron de Hattorf.
Monsieur Housaye.
Monsieur de Hautcroche.
Mr. Haulin.
Mr. Heideigger.
Mr. Humbert, Bookfeller at Amsterdam. 35 S.P. and I Ch. Maj.
I.
James Joye, Esq ; Ch. Maj.
James Irell, Esq ;
Colonel Jonayfon.
Monsieur D'Ilten.
Monsieur de Jauras.
Mr. Jaubert.
Mr. Johnson.
Mr. Jackson, Bookseller in Pail-Mail. 35
K.
The Honourable Brigadier Ker.
Jones Kaly, Esq ;
Mr. Kirchman.
L.
The Right Honourable the Earl of Lincoln. Ch. Maj.
The Right Honourable the Lord Viscount Lymington.
The Right Honourable the Lord Viscount Lonsdale.
The Honourable Anthony Lowther, Esq ;
Sir William Leman, Bart.
Sir John Lambert.
Colonel John Ligonier.
Monsieur le Comte de la Lippe Buckembourg.
Monsieur Isaac Lostau.
Monsieur de l'Isle.
Mr. Labassu.
Mr. Long.
M.
His Grâce the Duke of Manchester.
His Grace the Duke of Montagu.
The Right Honourable the Earl of Marchmont.
The Right Honourable the Earl of Macclesfield.
The Right Honourable the Lord Malpes.
Sir Paul Methuin.
The Honourable RobertJMyddleton, Esq ;
Charles Montagne, Esq ;
Samuel Molineux, Esq ;
Le Comte de Morville. Ch. Maj.
Monsieur le Comte de Manteuffel, Minister of State to his Poli/h Majesty. 4.
John Misaubin, M.D.
Richard Mead, M.D. 2 Ch. Maj. and 6 S.P.
Monsieur Massey, Brigadier in the Service of his Portuguese Majesty.
Monsieur Moracin. 2
Monsieur le Baron de Mulberg.
Monsieur de Malmaison.
Mr. Maud.
N.
His Grâce the Duke of Newcastle, one of his Majesty's Principal Secretaries of State 1 Ch. Maj. 1 S.P.
Sir Michael Newton, Knight of the Bath.
Newton, Esq ;
The Honourable Francis Negus, Esq ;
Mr. Van Neck.
Mr. Nicolson.
Mr. Van Neagen.
O.
The Right Honourable the Earl of Oxford. Ch. Maj.
Sir Adolphus Oughton, Bart.
P.
The Right Honourable the Earl of Pembroke.
The Right Honourable the Lord Viscount Primrose.
The Right Honourable the Lord Percival
The Right Honourable Henry Pelham, Esq ;
Secretary at War.
William Parker, Esq ;
Colonel Paget.
Monsieur le Baron Palm. Ch. Maj.
Captain Peter Petit.
Mr. William Pate.
Mr. de Pilly.
Mr. Isaac Dupuis.
Mr. Palmer, Printer. 8.
Q.
His Grâce the Duke of Queensbury.
Monsieur de Quellin.
R.
His Grâce the Duke of Richmond.
His Grâce the Duke of Rutland. Ch. Maj.
Monsieur de Reich, Private Secretary to his Britannick MAJESTY.
Sir Robert Ricb, Barr.
Mónsieur de Rochelaye.
Mr. Roll
Mr. Raymond.
S.
The Right Honourable the Earl of Sujsex.
The Right Honourable the Earl of Sunderland.
The Rt. Hon. the Earl of Scarborougb.
The Right Honourable William Stanbope, Vice-Chamberlain to his Britannick MAJESTY.
The Honourable Augustus Schutz, Esq ; Master of the Robes to his MAJESTY.
The Honourable Sir Robert Sutton, Knight of the Bath. Ch. Maj.
The Honourable Brigadier Sutton.
The Honourable Charles Stanbope, Esq ;
Sir Hans Sloane, Bart. M.D.
Sir Luc Schaub. Ch. Maj,
Sir Thomas Samwel, Bart.
Thomas Scawen, Esq ;
– – Smithi Esq ;
Thomas Stanbope, Esq ;
Colonel Marnes Stewart.
Colonel Schutz.
Monsieur de Schrader, Ch. Maj.
Monsieur le Baron de Sollendhal, Envoy Extraordinary of his Danijh Majesty.
Monsieur le General de St. Saphorin. 2.
Monsieur de Scutenhelms.
Monsieur de Salles.
Monsieur Simon.
Mr. Smith.
T.
The Right Honourable the Lord Tyrawley.
The Right Honourable the Lord Thomond. Ch. Maj.
The Right Honourable the Lord Vifcount Tyrconnel. Ch. Maj.
Edward Thompson, Esq ;
Peter Tilhelms, Esq ;
famés Tetwil, Esq ;
Colonel Tyrrel.
George Teiffier, Physician to the Houáho|I of his Britannick MAJESTY.
Monsieur de Torins.
Monsieur de la Tachanderie.
V.
Monsieur le Baron de Vallenrodt, Envoy Extraordinary of the King of Prujpa.
Monsieur Sébastian Van Veenigen de Vigier. Ch. Maj.
Monsieur de Villeperie.
Mr. Vial.
Mr. Vestau.
W.
The Right Honourable the Lord Walâe* grave.
The Right Honourable Sir Robert Walpole, Knight of the most Noble Order of the Garter. Ch. Maj.
The Countess of Walstngham. Ch. Maj.
The Right Reverend the Lord Bishop of Winchester.
The Honourable Lieutenant Génial Wade.
Sir Anthony Wescomb. Ch. Maj.
Thomas Wyndham, Esq ;
Francis Whitworth, Esq ;
Paul Waughley, Esq ;
Monsieur de Welìngen.
Mr. Weston.
Mr. Wood, Printer. 4.
Z.
Monsieur Zambony, Agent to the King of Roland. I Ch. Maj. and 4. S.P.
Monsieur de Zempht.
MEMOIRE
Que sa Majesté a ordonné être envoyé à Mrs. les Maîtres des Requêtes, Commissaires, départis dans les Provinces, 1697.
LEROY voulant être pleinement informé de l'état des Provinces du dedans de son Royaume, sa Majesté a voulu que ce Memoire fut envoyé de sa. part aux dits Srs. Maîtres des Requêtes, afin qu'ils puissent travailler, chacun dans leur département, & s'informer soigneusement & éxactement de tous les Articles y contenus.
Premierement il est nécessaire que lesdits Commissaires recherchent les Cartes, qui ont été faites de chacune Province & Généralité, & qu'ils vérifient avec soin si elles sont bonnes, & en cas qu'elles ne soient pas assez amples, s'il se trouve quelques habiles personnes, intelligentes, capables de les réformer, dans les Provinces, ou dans les circonvoifines, sa Majesté veut qu'ils les employent à y travailler incessamment, & sans discontinuation, & au cas qu'ils ne trouvent aucune personne capable de ce travail, ils feront faire des mémoires fort éxacts sur les anciennes ; tant pour les réformer, que pour les rendre plus amples, lesquelles sa Majesté fera remettre entre les mains du Sr. SAMSON, son Géographe ordinaire, pour le fait des Cartes, & sur ces Mémoires lesdits Srs, observeront que la division des quatre Gouvernemens, Ecclésiastique, Militaire, de Justice & de Finance, soit clairement faite, non feulement en général, mais même dans le détail & les subdivisions de chacune,
Sçavoir pour L'ECCLÉSIASTIQUE, des Evêchez distinguez les uns des autres.
En chacun Evêché, les Archidiaconats & les Archiprêtrises,
Le nom de toutes les Parroisses de chacune division, en sorte que le nombre total de l'Evêché se trouve.
Les Abbayes & autres bénéfices, avec distinction de celles qui sont à l'autorité des Eveques, & d'autres qui en sont exemptes, & au cas que celles-cy ayent Jurisdiction exempte sur une étendue de pays, ou de paroisses, en faire pareillement mention.
POUR LE GOUVERNEMENS MILITAIRE.
LA distinction des Gouvernemens généraux les uns des autres, que toutes les Paroisses, qui sont dépendantes de chaque Gouvernement y soient clairement marquées, & en cas que les Gouvernemens entrent l'un dans l'autre, en faire mention, u cas que les Lieutenantes generales soient divisées, comme elles sont en quelques Province, comme en Auvergne, Languedoc, Normandie, Champagne, & Bourgogne, les diviser de même, le tout par des Lignes différentes, en forte qu'on les puisse facilement remarquer.
Dans les Provinces ou les Gouvernemens particuliers ont des Paroisses y attachées, il sera bon & nécessaire d'en faire de même la division.
Pour la JUSTICE.
Il faut faire la division de l'étenduë du Ressort de chaque Parlement, & en cas qu'il y en ait plusieurs, ce qui arrive rarement, il en faut faire la distinction.
Ensuite celle des Villages, celle des Présidiaux & des Justices Royales, pour les Finances, les Généralitez, les Elections, & observer sur tout ces 4 sortes de Gouvernemens que l'on sache le nombre véritable des Villes, Bourgs, & Bourgades, dont chacune de ces divisions generales & particulières sont composées.
Dans le même temps que lesdits Srs. Commissaires travailleront à reconnoître toutes ces divisions, sa Majesté desire qu'ils fassent des Mémoires véritables de tout ce dont elle veut être informée.
A l'égard de l'EGLISE.
Le nom & le nombre des Evêchez, les Villes, Bourgs, Bourgades, & Paroisses qui sont soumises à la Jurisdiction Ecclésiastique.
Leurs Seigneuries Temporelles, & les Villes & Paroisses, dont elles sont composées, particulièrement si l'Evêque est Seigneur Temporel de la ville Cathédrale.
Le nom, âge & l'état de la disposition de l'Evêque.
S'il est du pays ou non ;
S'il y fait sa résidence ordinaire ;
De quelle forte il s'acquitte de ses visites ;
Quel crédit il a dans son pays, & quel effet il pourroit faire dans les temps difficiles ;
En quelle réputation il est parmy les peuples,
S'il confere les Bénéfices de son Chapitre ;
S'il est en procès avec son Chapitre ;
Son Revenu ;
Et le nom & valeur des Bénéfices qu'il conféré.
Outre ce qui concerne les Evêchez & tout ce qui en dépend, il est nécessaire de savoir le nom & le nombre de toutes les maisons Ecclésiastiques, Séculières & Régulieres qui sont en chacune Province ;
Le nom & le nombre des Abbayes fondées.
Leur Ordre ;
Par quels Religieux elles sont occupées, si c'est Reformé, ou non ;
Quel nombre de Religieux il y avoit en chacune, dans le temps que la Reforme y a été introduite, trente ou quarante ans auparavant ;
Combien il y en a à présent, en quelle reputation de vie & moeurs ils sont ;
Pour combien de Religieux les Abbayes ont été fondées ;
Si auparavant la Reforme, il y avoit des Enfans de Gentilshommes & de bonne Famille, ou non ;
S'il y en a parmi les Réformez ;
S'il y avoit autrefois nécessité d'être gentilhomme pour entrer dans lesdites Abbayes ;
Si l'on faisoit les preuves de Noblesse ou non ;
Sur quoy étoit fondée cette necessité ;
Si l'Abbaye est exempte de la Jurisdiction de l'Evêque ;
Si elle a Jurisdiction exempte sur les Paroisses ;
Les Seigneuries temporelles, les Villes, Bourgs, Bourgades & Paroisses qui en dépendent ;
Le nom de l'Abbé ou Commendataire, ou Séculier ;
De quelle maison il est, son âge, la disposition de sa santé ;
Son crédit dans son pays, & l'esset qu'il pourroit faire en tems difficile ;
S'il réside ou non dans son Abbaye ;
Le nom, le nombre & la Valeur des Bénéfices qui sont à sa collation ;
Le revenu entier de son Abbaye, savoir,
De la manse abbatiale,
De la conventuelle,
Du petit couvent,
De tous les Officiers claustraux, après avoir fait mention de chaque Abbaye d'hommes fondée, divisée par les différens ordres dont elles sont, commençant par celui de St. Benoît.
Il faut faire la même choie a l'égard des Abbayes de filles, fondées, & ensuite aux Couvents des hommes & filles mendiantes & non fondées, en sorte que par l'eclaircissement entier que sa Majesté desire, Elle puisse connoître au vray en general le revenu dont joûit l'Eglise en chaque Province.
Combien de Paroisses elle a dans sa Jurisdiction spirituelle, combien dans sa temporelle, le nombre des vassaux & sujets, la conduite des Principaux qui sont chargez de prendre soin du salut des ames, & généralement tout ce qui peut concerner l'état Ecclésiastique qui est le premier ordre de- son Royaume.
Pour le GOUVERNEMENT MILITAIRE qui regarde la Noblesse, qui est le second ordre de son Royaume ;
Quoy que sa Majesté connoisse tous les talens des Gouverneurs & Lieutenants generaux des Provinces, Elle veut néanmoins pour rendre les Mémoires parfaits, que lesdits Commissaires commencent par les noms des Gouverneurs généraux, leurs maisons & alliances dans ces Provinces, s'ils y sont résidence actuelle ;
Leur bonne ou mauvaise conduite ;
Si les peuples se plaignent d'eux ou non ;
Sils sont accusez de prendre de l'argent, ou de vexer les peuples par quelque autre voye ;
Si les accusations sont vrassemblables ; quel crédit ils ont parmy la Noblesse, & les peuples ;
Et comme la principale & plus importante application que sa Majesté veut que verneurs des Provinces ayent, est d'appuyer fortement la Justice & d'empê cher l'oppression des foibles par la violence des puissans, sa Majesté veut être particulierement informée de la conduite passée de ces Gouverneurs, pour juger de ce quelle en doit & peut attendre à l'avenir.
Au cas qu'il se soit passé quelques actions violentes d'éclat, dans chacune Province, sa Majesté sera bien aise d'être informée du détail, ensemble de quelle sorte les Gouverneurs se seront conduits.
Il est nécessaire d'être informé des mêmes choses à l'egard des Lieutenants Generaux.
Après avoir éxaminé ce qui regarde les Gouverneurs & Lieutenants Généraux, sa Majesté desire d'être particulierement informée de ce qui concerne la NOBLESSE : savoir,
Les principales maisons de chaque Province, chacune selon leur rang, les chefs & principaux de chacune, de leurs alliances ;
" Leurs biens & l'étenduë de leurs terres & Seigneuries, leurs moeurs & leur conduite.
S'ils commettent des violences sur les habitants de leurs terres, & au cas qu'il y en ait été commis quelques unes de considerables qui n'ayent point été punies, sa Majesté sera bien aise d'en savoir le détail ; s'ils favorisent ou empêchent les procédures de sa Justice Royale, des Bailliages ou Présidiaux, leur crédit dans leur pays, soit sur les autres gentilshommes, soit sur le peuple.
Pour la Noblesse ordinaire, il est bon d'en savoir la quantité & le nombre des plus accréditez ;
Si en general il y en a beaucoup qui ayent été a la guerre ou non ;
S'ils cultivent leurs terres par leurs mains, ou s'ils les donnent a des Fermiers, étant une des plus essentielles marques de leur humeur portée à la guerre, ou à demeurer dans leurs maisons.
Pour le general de la Noblesse, sa Majesté fera bien aise d'en savoir le nombre au vrai-, divisé par Bailliages & Senechaussées, les noms des Principaux, non seulement par la consideration de leur maison, mais même par celle de leur merite & de leurs services, le nom & revenu des terres & biens qu'ils possèdent.
Pour ce qui concerne la JUSTICES
Au cas qu'il y ait un Parlement, ou quelques autres Compagnies souveraines dans la Province, il sera nécessaire que les Maîtres des Requêtes éxaminent fort soigneusement, & dans le general & dans le particulier, ceux qui les composent. Pour le general, il faut examiner toute sa conduite pendant la minorité du Roy, par quel mouvement elle a été réglée, & de quels moyens les Principaux qui l'ont conduite, ont bien, ou mal servi ; si elle a été mauvaise, sçavoir si les raions, qui ont pu la faire changer depuis ce temps, sont assez fortes pour croirequen un temps pareil elle demeureroit ferme, ou s'il y auroit a craindre qu'elle ne retombat clans la même faute & comme c'est assurement la plus importante affaire qu'il y ait a éxaminer dans les Provinces, il fera bon, & même tres-nécessaire de connoître le détail des intérêts de tous les principaux Officiers de cette Compagnie, particulièrement si ceux qui les ont engagez dans cette conduite sont encore en vie ; ensuite, il faut sçavoir le nombre des Officiers de chacune Compagnie, les noms du premier Président, Président à Mortier, Président des Enquestes & principaux des Chambres :
Les bonnes ou mauvaises qualitez du Prémier, ses alliances, son crédit dans la Compagnie, & ensuite des autres ;
Il faut pareillement s'informer en détail de quelle forte la Compagnie rend la Justice aux sujets du Roy :
S'il y a de la corruption ou non, les causes & les personnes qui en sont le plus soupçonnées.
S'il s'est rendu quelque Injustice manifeste, qui ait fait quelque bruit dans la Province, & qui ait tourné à l'oppression du foible par la faveur de quelque ami, parent, ou quelques autres considérations aussi vicieuses ; sa Majesté destre aussi d'en être informée.
Comme aussi sur la longueur des procès & éxcès des * Epices, tant des Compagn souveraines que subalternes, étant important de savoir sort en détail ce qui co cerne ces deux points, qui sont d'une grande charge aux sujets de sa Majesté.
Comme ces grandes Compagnies sont établies par le Roy pour administrer leur Justice, & que son principal objet doit toûjours être de se servir de l'autorité qui leur est commise, pour protéger les Foibles contre les Puissans, il faut s'informer si dans toutes les occasions de violence, comme meurtres, assassinats, & mauvais tr temens commis par les Gentils-hommes & principaux des Provinces, ils ont soutenu fortement la même autorité, & s'ils se sont portez sans crainte à faire les procédures, & justice, & severe, contre les coupables, comme ils y sont obligez.
Sa Majesté ayant aussi souvent reçu quelques plaintes que les Officiers des Compagnies souveraines se faisoient vendre par force les biens & fonds de Terres qui les accomodent, sa dite Majesté sera bien aise d'être particulièrement informée des lieux où cela se pratique.
Il sera pareillement nécessaire d'éxposer dans le mémoire tous les biens & fonds de Terres, qui sont possédez par chacun des Officiers desdites Compagnies.
Il reste les Gens du Roy, dont il est fort nécessaire de connoître les intentions & la suffisance, & sur tout s'ils ont assez de force pour faire les Inquisitions & les poursuites nécessaires, pour tenir la Justice en vigueur, étant absolument nécessaire d'avoir des gens à ces postes qui ne se laissent entamer, ni par aucune corruption ni par aucune considération ; je dis considération d'intérêt, & encore moins de recommandation.
Après avoir éxaminé ce qui concerne les Compagnies souveraines, il faut faire la même chose a l'égard des Bailliages, Senechauffées & Présidiaux ; le nombre des Officiers de chacun de ces siéges :
Le nom des Baillys d'épée, des Lieutenants généraux, & autres Officiers, leur mérite personnel, leur crédit dans leurs Compagnies, & le même parmy le peuple.
De quelle sorte ils rendent la Justice, examiner même les gens du Roy de chacun Bailliage, Senechaussee & Justice Royale.
Pour le surplus, observer les mêmes choses que ce qui est dit à l'égard des Parlemens & autres Compagnies souveraines.
Par ce detail entier sa Mjesté désire connoître dans chacune Province combien il y a d'Officiers & gens de Justice qui vivent de cette fonction ;
Le nom des principaux, leur mérite & crédit ;
Le Revenu dont ils jouissent en fonds de terre ;
De quelle forte ils rendent la Justice aux sujets de sa Majesté.
Pour ce qui concerne les FINANCES.
Dans les provinces où il y a Cour des Aides, il fera bon de savoir le nombre des Officiers, leur mérite & leur alliances dans les particulièrement du premier Président & principaux de la Compagnie.
* C'est l'argent qu'on donne aux juges, pour les froix du procès. Voy. le Diction. L'Acad. Françoise.
En quelle réputation ils sont dans les Provinces, touchant leur façon de rendre la Justice ;
S'il y a quelque corruption, manifeste, & si quelqu'un a fait cela, s'en informer en détail ;
Si les Fermiers & Receveurs des Droits du Roy se loûent de leur fermeté à les soutenir, & si les peuples se plaignent d'aucunes vexations de leur part, & démêler les intérêts de ces deux parties différentes, pour ne prendre pas de fausses connoissances.
Il faut de plus examiner les Vexations que les peuples peuvent souffrir, soit par la longueur des Procès, soit par l'excès des Epices, & à tous ces maux chercher des remédes convenables & les plus faciles qu'il se pourra.
Comme l'une des plus grandes surcharges que les contribuables aux Impositions souffrent, provient de la quantité des faux Nobles, qui se trouvent dans les Provinces, lesquels ont été faits, partie par Lettres du Roy, partie par simple arrest de la Cour des Aides, il est fort important & nécessaire de rechercher les remedes convenables à l'un & à l'autre de ces maux ; à l'égard des annoblis par lettres du Roy, sa Majesté advisera aux remedes qu'elle pourra y apporter sur le raport qui lui est fait de la quantité qui se trouve dans chacune Province, & du préjudice que les autres sujets en souffrent ; mais à l'égard des Nobles faits par arrest des Cours des Aides, non seulement il faut les supprimer, mais même il faut trouver les moyens de couper les racines de ce desordre, en sorte qu'ils soient supprimez pour toûjours à l'avenir, & pour cet effet, si lesdits Maitres des Requêtes qui auront connu ces desordres pouvoient recouvrer une vingtaine ou trentaine de ces arrests, le Roy aviseroit ce qu'il y auroit à faire, soit a l'égard de la Compagnie entiere, soit à l'égard du Président & du Rapporteur, soit à l'égard du Procureur général, qui auroit donné ses conclusions.
Après avoir reconnu ce que dessus, il sera bon encore de faire mention du nombre des Elections qui ressortissent desdites Cours des Aides, & des Officiers dont elles sont composées.
Du nombre des Greniers à sel ; des Juges ou Maîtres de Ports, dont les appellations des sentences relevent des Cours des Aides ; du nombre des Villes, Bourgades & Parroisses dont chacune Election & Grenier à sel sont composées,
Pour connoître par ce moyen en abrégé le nombre & la quantité de toutes les Paroisses, qui sont sous la Jurisdiction souveraine des Cours des Aides, au moins dans l'étenduë de la Province dans laquelle ledit Maître des Requêtes travaillera.
II fera nécessaire de faire la même recherche à l'égard des Bureaux des Trésoriers de France.
Après avoir connu le nombre, le nom & la qualité de tous les Officiers des Finances de chacune Province, il reste à examiner ce qui concerne le Revenu du Roy.
Il consiste donc en Domaines, qui sont tous aliénez & qui par conséquent ne produisent aucun revenu.
Et Fermes d'entrées & sorties, d'aides, Gabelles ;
Divers autres droits de Fermes, & en détail, de toutes ces Cinq Natures de revenu, il faut chercher soigneusement combien sa Majesté tire tous les ans de chacune Province : Sçavoir,
A l'égard des droits d'entrée & de sortie, l'on pourra sçavoir facilement combien de Bureaux il y a établis dans chacune, & combien chacun Bureau produit tous les ans.
A l'égard des aides, combien elles sont affermées, soit par bail general de toute une Province, soit par les baux particuliers de chacune Election.
A l'égard des Gabelles, soit que le sel s'impose, soit qu'il se vende volontairement, il est toûjours facile d'en tirer connoissance.
A l'égard des TAILLES.
Après avoir connu la valeur de toutes les différentes natures des revenus, & vû par ce moyen tout ce que le Roy tire par chacun an de la Province, il sera nécessaire de bien connoître & éxaminer en détail toutes les difficultez qui se rencontrent en la levée & perception d'iceux, soit qu'elles causent quelque diminution auxdits revenus, soit qu'elles soient préjudiciables au peuple.
Pour les Droits d'entrée & de sortie, étans reglez par les Tarifs, Baux & Déclarations, & tous les marchands y étant interestez, il est difficile que tous les Fermiers en abusent, vû qu'il seroit très-facile d'en avoir la preuve s'ils le faisoient.
Il est néanmoins nécessaire d'entendre la plainte des Marchands, & de s'informer éxactement s'ils y sont bien fondez, & pour le mieux connoître il sera bon de communiquer leurs plaintes aux Directeurs ou principaux commis desdits Fermiers, qui sont toûjours dedans les Provinces.
Il sera très-nécessaire sur ce point de s'appìiquer particulièrement à éxpliquer ou éxaminer en détail les fondemens des plaintes des Marchands & les raisons contraires des Fermiers, parce que ceux-là sont accoutumez de faire de grandes plaintes, & à chercher tous les moyens imaginables pour frauder les Droits des Fermes, & ceux-ci non seulement cherchent à s'en défendre, mais même bien souvent sont des vexations considérables sur les autres, & comme cette Ferme regarde le Commerce, au rétablissement duquel au dedans & au dehors du Royaume sa Majesté donne ses foins en toutes rencontres, il est tres-necessaire que lesdits Commissaires examinent soigneusement tout ce qui se peut faire dans les Provinces pour la Satisfaction de sa Majesté, & pour le bien & l'avantage de ses sujets & de ses peuples sur ce sujet.
Pour les DROITS DES AIDES.
Il y a une règle génerale à observer sur toutes sortes de Droits, qui se levent sur les peuples, de laquelle provient assurément, ou leur surcharge, ou leur soulagement, laquelle consiste à bien connoître tous ceux qui y sont sujets, & si chacun en porte sa part suivant ses forces, étant certain que l'inégalité des charges, c'est à dire, quand les plus puissans & les plus riches par les moyens qu'ils tirent de l'état auquel ils se trouvent, se sont décharger ou soulager, le pauvre ou le foible se trouve surchargé, & cette mégalité cause dans les Provinces la pauvreté, les miseres, la difficulté du recouvrement des deniers du Roy, qui attirent les vexations des Receveurs aux recettes des sergens, & generalement toutes sortes de maux ; en sorte que lesdits Commissaires dans les Provinces doivent toûjours avoir cette maxime fondamentale & cette regle certaine dans l'esprit, dont ils ne se doivent jamais départir, de bien connoître la force au vray de tous
ceux qui sont sujets au payement des Droits des Aides, Tailles, Gabelles, tant en géneral, c'est à dire, les Paroisses & les Communautez, que les particuliers habitans de chacune, & empêcher que tous les gens puissans de tous les ordres de la Province, par le moyen des Trésoriers de France, des Eleus & même des Collecteurs des Paroisses, ne fassent soulager ou les Communautez ou les Particuliers.
Pour bien s'acquitter de toutes ces choses, il est certain que lesdits Commissaires doivent avoir une connoissance parfaite de tout ce qui concerne chacune matiere de Droit en particulier, c'est à dire, des Edits, Déclarations, Arrests du conseil, & autres titres qui ont établi les Droits, réglé la maniere de les lever, & la Jurisprudence des Compagnies qui en connoissent, ensemble l'usage de chacune Province.
Outre ces réglés generales qui regardent les Impositions & Droits qui se lévent sur les peuples, il y a encore quelques choses à considerer sur chacune.
Pour les aides il faut observer que tous les Seigneurs ont établi des droits de Banvin dans leurs Terres, la plus grande partie sans titres valables, ce qui cause un grand préjudice à la ferme des Aydes ; il sera bon d'en prendre une connoissance éxacte pour y apporter le remede nécessaire sur le procès verbal du dit Commissaire.
Il est bon encore d'observer sur cette Ferme, que beaucoup de particuliers non seulement s'éxemptent du payement des Droits, mais quelques uns d'entr'eux des plus puissans obligent & contraignent les Fermiers, par diverses voyes, de leur donner à vil prix les fermes des villes & communautez, soit qu'elles soient dans leur voisinage, ou non, pour en prositer induëment.
Pour ce qui concerne les Gabelles, comme c'est la plus importante ferme du Roi, outre les règles generales ci-devant déduites, il y a encore beaucoup de choses à observer.
Dans les Provinces de Vente volontaire, il est nécessaire de s'informer & de savoir exactement le prix de chacun Minot, étant certain que le prix est différent en chacun Grenier, à raison de celui des Voitures que l'on augmente sur le prix du sel, à proportion de l'éloignement de la Mer & des Rivieres.
De plus il faut savoir tous les droits qui se prennent par chacun Officier, outre le prix principal, afin de connoître éxactement ce qu'il coûte au Peuple pour chacun Minot de sel.
Ensuite, il faut soigneusement éxaminer de quelle sorte les Officiers de chacun Grenier rendent la Justice au peuple :
Les abus qui se peuvent commettre, tant par lesdits Officiers que par les Commis, Archers & Gardes, établis pour la conservation de la Ferme.
Pour les Regratiers à la distribution du sel au peuple, & particulièrement sur tout ce qui concerne le Faux-saunage en chacune Province, qui est d'une si grande conséquence au droit de cette Ferme, que toute son augmentation ou diminution en dépendent, en sorte qu'il faut employer toutes sortes de soins & de diligence pour l'empêcher, & pour cet effet il faut bien observer que les Commis, Archers & Gardes sçachent bien leur devoir pour la recherche desdits faux-sauniers, & les Officiers des Greniers, pour leur punition, & en cas d'abus ou de négligence y aporter les remedes convenables.
Dans les Provinces d'Impôts, il faut observer que le règlement dudit Impôt a été fait depuis fort long tems, & que depuis il n'a presque point été changé, & comme ce premier Reglement a été fait eu égard au nombre des habitans qu'il y a voit pour lors en chacune Parroisse ou Communauté, & que le nombre aît changé, soit par les Guerres, soit par le changement des Foires & Marchez, soit par diverses autres raisons, qui causent l'augmentation ou la diminution en divers lieux, il se trouve qu'à présent ce reglement n'a presque plus de proportion avec le nombre des peuples, & comme il est absolument nécessaire de rétablir cette proportion, il faut se faire représenter ce premier reglement en chacun Grenier, & voir la différence qui se trouve avec le dernier, confronter le Rolle del'Impôt avec celui de la Taille, & même faire une Information sommaire dans le tems que lesdits Commissaires séjourneront dans chacune Election & Grenier à sel, du nombre des habitans qui sont en chacune Paroisse ou Communauté, afin de pouvoir faire un nouveau Reglement des Impôts plus justes & plus porportionez au nombre des habitans.
Pour ce qui concerne la Taille,
Il est nécessaire de s'informer par ledit moyen des Commissions du Roy, envoyées chacune année au Bureau des Finances, & des Elections que lesdits Sieurs Commissaires se feront représenter, combien il a été imposé en dix dernieres années, afin de connoître clairement les augmentations ou diminutions faites par le Roy, ensuite par les départemens des Eleus faits pendant les mêmes années, l'on pourra connoître clairement s'ils ont observé l'égalité en chacune année, eu égard ausdites augmentations ou diminutions, & au cas quils ne l'ayent point observe, pourront en apprendre les raisons d'eux-mêmes ; ensuite en s'informant. exactement & par diverses voyes de l'état auquel se trouve chacune Paroisse d'une Election, pendant le tems que le Commissaire y séjournera, il sera bon de faire la même chose, autant qu'il se pourra à l'égard des Rolles de chacune Paroisse : les principaux abus qui se commettent en l'imposition & levée des Tailles, lesquels il faut pénétrer & punir, pour les retrancher à l'avenir autant qu'il se pourra, sont :
Les diverses Impositions qui ont été faites sans Commission du Roy, ni arrest du conseil.
L'Intelligence des Trésoriers de France avec les Eleus, pour soulager une Election, & dans une Election une Paroisse, dans une Paroisse les Fermiers, Métairies & ceux de de leurs amis, & ce pour différens intérests ;
Les Impositions pour les dettes des Communautez ordonnées souvent par de simples arrests du conseil, & même quelquefois par des Sentences des Eleus, ce qui est contraire aux Ordonnances ;
L'Intelligence d'un Eleu avec un Receveur ou Commis aux recettes, & le sergent pour taxer des fraix immenses pour les Voyages, que les sergens ne sont jamais, se contentantde donner leur exploit, soit de commandement, soit d'éxécution aux Marchez publics, & cependant ces fraix sont pris toûjours par préférence aux deniers de la Taille.
Les aux Nobles & exempts qui s'introduisent dans les Provinces, soit par force, soit par connivence des Officiers des Elections, & même des Cours des Aides.
La qualité d'exempts qui sont employez sur les Etats des maisons Royales, & qui ne servent point.
Il reste à parler des dons & ottrois des Villes, que l'on peut appeller une matiere de Finance, sur laquelle il est nécessaire que les Commissaires s'informent soigneusement
de la qualité de ces Ottrois, se fassent representer les Lettres Patentes & arrests de Commission des deux ou trois derniers Baux, qu'ils en ont fait, les comptes de la dépense d'iceux, pour en connoître le bon ou le mauvais employ, sur quoi il est bon d'observer que dans la plus grande partie des Villes le prix des Baux publics est supposé, & pour couvrir les mauvaises dépenses auxquelles les deniers sont employez, les Officiers des hôtel-de-villes ont pris des Controlleurs, afin de pouvoir disposer des sommes contenues, & même que les dépenses de leurs comptes sont pareillement supposées, ayant été augmentées notablement les légitimés & nécessaires, pour couvrir les mauvaises, & celles que la chambre des Comptes n'avoit pas passées dans leurs comptes ; en sorte que pour rémédier a tous ces abus, il faudra, par l'autorité du Roy, introduire en toutes les Villes, que les Baux des Ottrois ne pourront être faits qu'en présence des Commissaires départis dans les Generalitez, comme aussi les comptes de l'employ par chacun an. Avec ces Precautions, il y a lieu d'esperer que les deniers publics seront employez & administrez à l'avenir mieux qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent.
A cet article concernant les dons & ottrois des Villes, il y faut joindre ce qui regarde la Liquidation des dites Communautez, à quoy il faut que les Commissaires s'appliquent entièrement, n'y ayant rien de si grande conséquence pour le service du Roy & pour le repos des peuples & habitans des principales Villes du Royaume, que d'entrer dans la discussion de ces dettes, pour rejetter & annuller celles, qui ne sont pas bien fondées, réduire les intérêts des autres, & chercher de concert le moyen de les acquitter, soit par des Impositions, soit sur les denrées, en sorte que le Roy puisse voir que dans un tems préfix, qui ne doit être au plus que de six ou huit années, les Villes de son Royaume seront quittes de toutes dettes.
Encore qu'il ne soit rien dit en cette Instrustion concernant les Domaines de la Couronne, pour la raison qu'ils sont aliénez, il sera toûjours bon & même nécessaire que lesdits Commissaires en prennent toutes Ici Instructions, & tous les Mémoires qu'ils pourront, pendant le tems de leur séjour en chacune Province, tant pour en connoître la véritable valeur, que les sommes pour lesquelles ils sont engagez ; particulierement les Greffes des Justices Royales, tant souveraines que subalternes ; sa dite Majesté voulant savoir le nombre dans chacune Province, de quel revenu ils sont, s'il peut augmenter ou diminuer, à quelles personnes ils sont engagez, & à combien monte la finance de l'engagement, & d'autant que les revenus des Postes & même des Couriers doivent être réunis au Domaine de sa Majesté dans dix années, sadite Majesté desire que lesdits Commissaires s'appliquent à connoître éxactement à combien peut monter ce revenu en chacune Parroisse, & s'il se peut augmenter ou diminuer : de plus l'établissement des Postes ayant été fait pour la commodité du public, sa dite Majesté recevant tous les jours des plaintes que les Maîtres desdites Postes n'ont point de chevaux, quoy qu'ils touchent de grands gages, dont ils sont, ou doivent être payez de quatre quartiers dans toutes les Provinces.
Après avoir éxaminé les quatre sortes de Gouvernemens dans toutes les Provinces, au dedans du Royaume, il ne reste plus qu'à examiner les avantages que sa Majesté pourroit procurer à chacune, & pour cet effet il est nécessaire que les mêmes Commissaires examinent avec grand soin de quelle humeur & de quel esprit sont les peuples de chacune Province, de chaque Pays, & de chacune Ville, & s'ils sont portez à la Guerre, ou à l'Agriculture, ou à la Marchandise ou Manufactures.
Si elles sont ; maritimes ou non ; en cas qu'elles soient maritimes, s'il y a de bons Matelots, & en quelle réputation ils sont pour ce qui concerne la Mer.
De quelle qualité est le terroir, s'il est cultivé par tout, & s'il y a quelques endroits incultes, s'ils sont fertiles ou non.
Quelles fortes de biens ils produisent, si les habitans sont laborieux, & s'ils s'appliquent non seulement à les bien cultiver, mais même à bien reconnoître ce à quoy leurs terres sont propres, & s'ils entendent la bonne Oeconomie, s'il y a des bois dans les Provinces, & en quel état ils font, & sur cette matiere il est bon d'observer ce que le Roy a fait faire pour la réformation des Forests de son Royaume ; quelle forte de trafic & de commerce se fait en chacune Province.
Quelle forte de Manufacture, & sur ces deux points qui sont assurément les principaux, parce qu'ils regardent plus l'Industrie des habitans, sa Majesté defire d'être particulierement informée des changemens, qui sont arrivez depuis 40. ou 50. ans sur le fait dudit commerce & des Manufactures en chacune Province de son Royaume, & entr'autres, s'il y a eu pendant ce tems & même auparavant quelque commerce établi dans le pays étranger qui ait cessé ; les raisons de cette cessation, & les moyens de les retablir.
Et sa Majesté defire que lesdits Commissaires ayent ûne particulière application sur tout ce qui concerne ces deux points du Commerce & des Manufactures, & qu'ils les considerent comme les deux seuls moyens d'attirer les richesses au dedans du Royaumes & de faire subsister avec facilité & commodité un nombre infini de ses sujets, qui augmenteront même considérablement tous les ans, s'il plaît à Dieu de maintenir la paix, dont l'Europe jouit à présent.
Pour cet effet il faut qu'ils s'informent des Vaisseaux qui apartiennent aux sujets de sa Majesté, qu'ils éxcitent fortement les principaux Marchands & Négociants des Villes à en acheter, en bâtir pour augmenter le nombre & fonder des Compagnies pour le commerce étranger, pour entreprendre les longues Navigations, qu'ils leur promettent toute la protection & l'assistance de sa Majesté, dont ils auront besoin, & même qu'ils concertent avec eux toutes les choses qu'ils en peuvent desirer, n'y ayant rien que sa Majesté ne fasse pour leur donner sa protection toute entiere, pourveu que de leur part ils se mettent en devoir d'augmenter leur commerce & le nombre de leurs Vaisseaux.
Il faut faire la même chose à l'égard des Manufactures, non seulement pour rétablir toutes celles qui sont perdues, mais pour en établir de nouvelles, & comme sa Majesté a cette matiere fort à coeur, au cas que les Commissaires trouvent des Villes bien intentionées pour faire cet Etablissement, & qu'elles manquent de moyens, non seulement sa Majesté leur donnera toute sa protection, mais même à proportion du dessein qui sera proposé à sa Majesté, les assistera volontiers de quelques sommes pour ces établissemens, & encore de quelque revenu annuel pour l'entretenement & augmentation des Manufactures ; ce qui est remis à la prudence desdits Commissaires, lesquels toutefois ne conclurront rien sans avoir reçu les ordres de sa Majesté.
Au cas que lesdits Commissaires estiment qu'il soit nécessaire d'accorder quelques privileges, même quelques honneurs de préséance dans les Villes, soit aux Marchands, qui seront des efforts pour faire des Vaisseaux, & qui en entretiendront toûjours quelque nombre la mer, fort aux auteurs des Manufactures, sa Majesté leur donnera facilement en cela même de marques de sa bonté. Sur toutes ces choses, il faut qu'ils reconnoissent eux-mêmes, & prennent les avis des plus intelligens de la Province, afin
qu'ils puissent former leur avis & le Roi prendre une résolution, qui ait un succès conforme aux intentions de sa Majesté.
De plus sadite Majesté sera bien aise d'être informée de toutes les Rivieres Navigables, & non Navigables, quoy que sa Majesté ait déja ordonné la suppression de tous les péages, qui diminuoient considérablement l'avantage que la Navigation des Rivieres doit mutuellement produire, néanmoins Elle desire que lesdits Commissaires s'appliquent soigneusement à reconnoître tous les empêchemens que la Navigation desdites Rivieres peut recevoir & les moyens que l'on peut pratiquer pour ôter les empêchemens & donner par tout la facilité du commerce & du transport des Marchandises, tant au dedans qu'au dehors du Royaume.
Al'égard des Rivieres non navigables sadite Majesté veut que lesdits Commissaires en fassent eux-mêmes la visite, assistez d'experts & gens à ce connoissans, & qu'ils dressent leurs procès verbaux de tous les moyens que l'on pourroit pratiquer pour les rendre navigables, de la depense qui seroit à faire pour cela, des dédommagements qu'il y auroit à donner, quels pays en tireroient avantage, & si on ne pourroit pas imposer tout ou partie de la dépense sur les pays qui en tireroient avantage : De plus sa Majesté desire que lesdits Commissaires visitent en chacune Province les chemins, ports, postes & ouvrages publics, qui ont été entierement abandonnez, qu'ils en fassent faire des procès verbaux par gens intelligens & oeconomes, afin qu'ensuite sa Majesté en puisse ordonner les réparations, & pourvoir aux fonds nécessaires à cet effet, suivant le besoin & la nécessité du public ; même si les Commissaires estiment que pour la facilité du commerce & du transport des Marchandises il soit nécessaire de faire quelques nouveaux travaux, sa Majesté trouve bon, & desire qu'ils en fassent faire des procès verbaux & estimation.
Finalement sa Majesté désirant le rétablissement des Haras au dedans du Royaume, comme étant nécessaire non feulement pour l'utilité publique pendant la paix & la guerre, mais même pour empêcher que des sommes de deniers considerables ne soient employées tous les ans à l'achat des chevaux étrangers & soient par ce moyen transportez au dehors.
Sa Majesté desire être informée des raisons pourquoy tous ceux qui nourrissoient ci-devant des cavalles, soit les Paysans pour leur service journalier, soit les Gentils-hommes & Personnes de qualité, pour leur utilité, service & plaisirs, ont cessé, ce qui a donné lieu à l'introduction des chevaux étrangers au dedans du Royaume, & sa Majesté desire que non seulement les Commissaires éxaminent les moyens par lesquels on pourroit parvenir à obliger les Paysans à reprendre la coutume de se servir de cavalles, mais même qu'ils éxcitent au nom du Roy les Gentils-hommes & Personnes de qualité à rétablir leurs haras & à en établir de nouveaux, & qu'ils observent soigneusement tous les lieux qui se trouveront dans l'étenduë de chaque Province propre à Rétablissement desdits haras, & assureront les Gentils-hommes & Seigneurs desdits lieux, qu'ils ne peuvent rendre un service plus agréable à sa Majesté, que de rétablir lesdits haras, & même d'en établir de nouveaux, & que pour leur en donner plus de facilité, sa Majesté a deja donné ses ordres pour faire venir divers chevaux d'Espagne & des Barbes pour servir d'Etalons, lesquels Elle donnera à ceux qui s'appliqueront à satisfaire aux desirs de sa Majesté.
Le Roy recevant en toutes les occasions diverses plaintes du préjudice, & de la perte que souffrent ses peuples pour les expositions de la faussa monnoye, qui se fabrique, à ce que l'on dit, presque dans toutes les Provinces de son Royaume, & particulierement dans
les Maritimes & les plus éloignées de la Cour, sa Majesté desire que lesdits Maîtres des Requêtes s'appliquent soigneusement à arrêter le cours de ce desordre, sans qu'il soit besoin de le leur éxagerer, à quoi ils auront d'autant moins de peine que les personnes qui s'en mêlent sont presque connuës publiquement dans chacune Province, le Roy voulant que quand ils auront découvert le mal, & l'auront pénétré jusqu'à la source, ils donnent tous leurs soins & employent l'autorité qui leur est commise, pour la punition-des coupables, & en cas qu'ils estiment que les seules forces, qui sont dans les Provinces, ne soient pas suffisantes pour cela, sur l'avis qu'ils en donneront à sa Majesté, il y sera pourvû promptement.
Sur tous les points contenus au présent Mémoire, il y auroit une infinité de choses à ajouter, qui pourront être suppléées par les connoissances que lesdits Commissaires pourront prendre, en travaillant dans les dites Provinces, & qui sont pour cet effet remises à leur prudence, & leur habileté.
Lesdits Maîtres des Requêtes doivent être informez que l'intention du Roy est qu'ils fassent leurs visites, & éxécutent tous les points contenus en la présente Instruction en l'espace de quatre ou cinq mois de tems, à la fin duquel sa Majesté leur envoyera ses ordres pour se transporter dans une autre Province, en laissant les Mémoires & Instructions des affaires commencées, qu'il n'aura pu achever, pour pouvoir être suivis par celui qui lui succédera dans la Visite de la même Généralité, sa Majesté voulant que par un travail assidu & une application éxtrème lesdits Maîtres des Requêtes visitent tout le dedans du Royaume, en l'espace de sept ou huit années de tems, & se rendent par ce moyen capables de plus grands Emplois : Sa Majesté se réservant de reconnoître ceux qui se seront le mieux acquitez, par le compte qu'ils auront l'honneur de lui rendre en son Conseil, pour leur donner de marques de sa satisfaction.
* La Généralité de Paris est la plus considerable du Royaume, tant parce qu'elle a l'avantage de contenir la Ville de Paris, qui en est la Capitale, que par son éte duë, & par les revenus qu'elle produit au Roy, elle a tenu toûjours le premier rang entre toutes les Généralitez, depuis leur établissement, qui fut fait par François I. en 1542, & même avant ce tems-la, lorsque le Royaume n'étoit divisé qu'en quatre Dé partemens, celui de Paris qui étoit nommé d'outre Seine & Tonne, étoit le plus cons derable. Elle est située au Nord de la France entre les 4.7. & 49. 1 : 2. degrez de Latitude, entre les Provinces de Picardie & de Normandie au Nord, du Perche & de l'Orléanois au Couchant, du Nivernois & de la Bourguogne au Midy, & de la Champagne au Levant.
Elle est plus étenduë en longueur qu'en largeur, à prendre du Nord au Midy, depuis les confins de l'Election de Beauvais, jusqu'aux éxtremitez de celui de Vexelay, peut-être d'environ 70. lieuës.
L'hûreuse situation où se trouve la Ville de Paris, la rend la premiere Ville du Monde ; quatre grandes Riviéres, la Seine, l'Yonne, la Marne & l'Oyse, qui roulent leurs eaux dans la Generalité, lui apportent l'abondance de toutes les choses nécessaires à la vie, qui y communiquent par les deux canaux d'Orléans & deBriare, & lui amenent des pays les plus éloignez tout ce que la terre produit de plus éxcellent, & que l'industrie des hommes peut inventer.
* Je crois que ce qui suit, est une addition au Memoire, de la part de feu M. le Duc de Bourguogne.
Mais avant que d'entrer en matière d'aucune des choses qui doivent composer ce Mémoire, il est bon de les réduire sous des titres généraux, en particulier, afin qu'étant traitez par ordre, on puisse prendre une idée plus juste.
C'est pourquoi on divisera toutes ces questions proposées en quatre chapitres.
Le premier comprendra tout ce qui regarde l'Eglise, ou l'Etat Ecclésiastique dans la Généralité de Paris.
Fin du MEMOIRE pour les Intendans.
PREFACE DE L'AUTEUR.
J'AI ramassé avec soin les Mémoires de toutes les Généralitez du Royaume qui ont été dressez par les Intendans des Provinces pour l'instruction de M. le Duc de Bourguogne, & en exécution de ses ordres ; mais j'ai eu beaucoup de peine à les mettre en l'état où ils paroissent en cet Ouvrage, quelque imparfait que je le trouve & qu'il soit en effet. J'en dirai les raisons dans la fuite de cette Préface que j'entreprens ;
Premierement, pour éxpliquer la cause & l'occasion des changemens que j'ai faits aux Mémoires originaux pour les reduire en un bien moindre Volume, sans en diminuer le contenu, & encore pour marquer le but que je me suis proposé, & les moyens dont je me suis servi dans l'éxécution de cette entreprise.
En second lieu, pour donner une idée nette du Gouvernement de ce Royaume & des différens usages qui y ont été pratiquez, à l'égard des différens Corps qui le composent depuis le commencement de la Monarchie jusqu'à présent.
Ces Considérations diviseiont cette Préface en autant de parties principales, sauf à les subdiviser suivant l'ordre & l'éxigence des matieres.
PREMIERE PARTIE.
LA Renommée m'avoit appris dans le fond de ma Solitude & de la Province, de combien de rares qualitez la Providence avoit orné le Coeur & l'Esprit de M. le Duc de Bourguogne ; jentendois dire avec toute la satisfaction qu'un bon François peut ressentir, que le progres de ses années développoit tous les jours quelque semence nouvelle de vertus, propres à faire le bonheur des peuples qui devoient lui être soumis & à lui procurer une gloire immortelle ; & j'étois persuadé que l'hûreuse Education qu'il recevoit sous les yeux du Roi, ne manquerait pas de faire fructifier au centuple les talens de la Nature & les dons de la Grace.
Mais quand ; appris que de son propre mouvement il s'étoit porté à desirer que es Intendans du Royaume lui dressassent des Mémoires éxacts de leurs Généralitez qu'il aoit choisi lui-même les matières qu'il vouloit qu'ils y renfermassent & prese l'ordre qu'ils devoient suivre en les écrivant, sur tout quand je crus appercevoir dans jet public une distinction tendre & compatissante pour l'ancienne Noblesse, j'a-
vouë que mon coeur ressentit une joye inexprimable ; je pensois qu'un l' rince, qui de bonne heure comprenoit combien il lui étoit nécessaire d'être instruit de l'état de ses Provinces, qui se proposoit d'en connoître les avantages & les défauts, de savoir avec précision le nombre & les facilitez du peuple, de distinguer les Familles qui ont autrefois soutenu la Monarchie, & qui étant aujourd'hui tombées dans la décadence par les dépenses où le service de l'Etat les a presque toutes engagées, méritent, ce me semble, que le présomptif Héritier de cette Couronne les tire de l'obscurité, en acceptant leur zèle & leurs services ; qu'un Prince qui vouloit entrer dans le détail des Révenus & des Impôts, pour en connoître la nature & juger de leur proportion ; qui vouloit s'éclaircir des Coûtumes ou Loix particulières des différentes Provinces, des abus & de leurs remedes, de l'ordre Judiciaire & généralement de tout ce qui peut contribuer au bien public ; je pensois, dis-je, qu'un tel Prince possédoit éminemment les qualitez convenables à sa naissance & à sa fortune, & que ces qualitez soutenues par les connoiffances qu'il se proposoit d'acquérir & jointes d'ailleurs à la bonne volonté ; disposition si rare dans les personnes d'un si haut rang ; deviendroient bien-tôt les vertus d'un Héros Chrétien, digne de la Monarchie Universelle.
Mais quelles furent peu après ma surprise & mon indignation quand le Memoire de la Généralité de Paris & ceux des autres Provinces à la fuite, me firent connoître l'inçapacité ou la négligence de ceux qu'on avoit chargez de l'éxecution d'un si beau projet ? Qui n'auroit crû qu'intéressez perfonellement à plaire au Prince dont ils avoient reçû les ordres, obligez par les engagemens intimes qui nous lient au Roi & a la Patrie, & honnorez de la confiance du Maître, ils auroient fait au moins les efforts ordinaires pour répondre aux justes desirs de son Fils, qu'ils auroient dressé des Mémoires raisonables, & qu'à l'égard des choses qu'ils pourroient naturellement ignorer, ils auroient cherché les secours nécessaires qui ne pouvoient leur manquer, sils avoient eu la moindre attention à remplir leurs devoirs ?
Si jamais la Conscience des Intendans a été interessée dans les fonctions de leur Ministere, elle l'étoit dans cette rencontre ; la misere des peuples inutilement prélente à leurs yeux, trouvoit une occasion favorable de se peindre à l'idée dun Prince naturellement juste & pitoyable, qui ne l'auroit jamais oubliée & qui auroit entrepris quelque jour de la soulager ; les inconveniens d'un pouvoir absolu, qu'il n'est pas toûjours sur de montrer aux Princes éblouis de leur Grandeur, pouvoient par ce canal passer jusqu' au Trône ; & quelle utilité pour lui & pour nous, s'il avoit pu dans cet âge tendre concevoir une fois la rélation nécessaire qui est entre le bonheur des sujets & la gloire des Monarques !
Au fond, s'il ne s'agissoit pas de l'usage que nôtre jeune Prince auroit pu faire .... dans la fuite de la connoissance de son Etat futur ; puis que la sagesse lui avoit fait sentir l'importance de cette Instruction ; puis qu'il s'étoit addressé a ceux qui, selon l'idée commune, la lui pouvoient procurer avec plus de précision, pourquoi la refuser ? pourquoi déguiser la Vérité ? pourquoi changer le juste projet du Prince en lui substitunt des puerilitez indignes de son attention, ou des maximes & des idées cruelles pour corrompre ?
l'on compte les hommes par leurs différens caractères, le plus grand nombre est ertainement des Inappliquez, le second des Inapplicables, & le troisiéme des gens Prévenus de quelques passions. La lecture des Mémoires que les Intendans ont fourni à ôtre Prince fait connoître que, malhûreusement pour la France, il n'y en avoit aucun
dans les années 1697, 98 & 99. qui sont celles pour la fin de la Composition de ces Mémoires, qui ne soient réellement compris dans l'un de ces trois caractères, Incapacité, Inapplication, & Prévention ; tant il est vrai de dire que de maniere ou d'autre il est presque impossible que la vérité parvienne jusqu'aux Rois ; & tant il est aussi juste de plaindre le malheur attaché à leur Condition & à la nôtre, qui fait que leur meilleure intention est éludée ou anéantie par une destinée fatale à leur gloire & au bonheur des peuples !
LE premier Memoire qui me tomba entre les mains fut celui de la GENERALITÉ de PARIS, mais son ennuyeuse prolixité, ses digressions inutiles & continuelles, son affectation de traiter avec étendue des choses hors de son sujet & de supprimer celles qui sont essentielles, m'auroient apparemment dégoûté pour toûjours de pareilles lectures, si je n'avois fait réflexion que de ce cahos & de ses semblables, il n'étoit pas impossible de tirer quelques connnoissances, qui, digerées d'autre façon, pourroient être d'une utilité incomparable tant à moi-même & aux miens, qu'au public.
J'AVOIS alors des enfans que j'aurois pû regarder comme un riche présent de la Nature, si le regret de leur perte n'avoit trop tôt succédé à la joye de les posséder ; leur instruction étoit le premier objet de mes soins & de mes travaux, je crus donc qu'en redressant ces Mémoires & y ajoutant ce que je pourrois fournir de mon fonds, je pourrois leur procurer une Connoissance intime de l'Histoire de France générale & particulière, non seulement des Provinces, mais des Eglises Episcopales, des Abbayes, des grandes Terres ; la Connoissance de la Noblesse, de ses différens degrez, de son antiquité & nouveauté, de ses possessions, de ses emplois présens ou passez ; Connoissance de toute la Magistrature de la France & de ses différentes fonctions ; Connoissance des Employs militaires & politiques –, Connoissance de tous les Revenus particuliers, des Nobles ou des Ecclésiastiques, des facultez des peuples & de la nature de leurs biens ; Connoissance de tout cequon nomme les Droits du Roi, de ce qu'il perd, de ce qu'il gagne & de ses vrais intérêts ; Connoissance de Topographie & même de Physique par rapport à ce quil y a de singulier en chaque Province & en chaque lieu ; Connoissance de la Marine, du Commerce par Terre & par Mer, des Manufactures propres a chaque païs, des défauts de l'administration publique & particulière, des Causes de la misere & de l'abondance & c. Cette noble & grande Idée ne me permit pas d'envisager les difficultez du succès dans une telle entreprise.
J'AVOUERAI pourtant que ce na pas été le seul motif qui m'a porté à cette entreprise ; mes idées sur le bien public, sur l'engagement dans lequel naissent tous les particuliers d'y contribuer de toutes leurs forces, & sur l'amour presque surnaturel qu'ils doivent à leur patrie me firent imaginer, car je ne sçai encore s'il est bien vrai & il n'y a que le succès qui me le puisse apprendre, que du détail de ces Mémoires on pourroit tirer une idée du produit général de toutes les Provinces, tant de celui que l'on peut regarder comme don gracieux de la Nature, que de celui qui est dû à la prudence humaine & qui est le fruit des arts : Je pensois encore que de ce même détail on pourroit recueillir es moyens de perfectionner & l'Art & la Nature pour porter le bonheur des Peuples bien plus loin qu'il n'a été possible de le faire aller dans les Siècles passez, puis qu'il est évident que l'Ignorance du détail entraine celle des principes & que toutes les eux réünies mettent toûjours le Gouvernement dans l'indispensable nécessité d'agir à l'aveugle, & de prendre pour bon, tout ce qui semble produire une utilité présente & locale, sans songer aux conséquences générales & aux dommages futurs.
En effet quels avantages ne doivent pas couler naturellement de cette Connoissance ? Le Prince qui en aura fait une étude judicieuse, non seulement sentira ses forces, mais il en connoîtra l'étenduë, soit pour le présent, soit pour l'avenir, non seulement il aura la satisfaction de commander & d'être obéï, mais il aura celle de rendre ses peuples hûreux, & d'être le maître d'augmenter leur félicité proportionellement a leur merite ; non seulement il sera la terreur de ses Voisins, s'il aime à se faire craindre, mais il sera l'Arbitre universel de la Guerre & de la Paix, s'il cherche à être estimé ; jamais sous son Gouvernement l'abondance, digne présent du Ciel, douce recompense qu'il accorde aux travaux des hommes, ne sera regardée comme un principe de mistere ; jamais aussi la stérilité & les mauvaises années n'arriveront sans avoir été prévues & sans trouver un remede certain dans cette même Connoissance. Heureux accord de la science du Prince & de sa gloire ; heureux liens qui attachent la prosperité des Rois & le bonheur des peuples, par un même noeud, à la connoissance exacte & précise des Forces de leurs Etats !
J'APPELLE ces liens heureux, parce que tout Prince, qui aime véritablement ses intérêts & sa gloire & qui voudra les établir solidement, songera qu'ils sont relatifs au bonheur de ses sujets, & que le tout dépend également d'une administration sage & réglée. En effet, de quels succès peut se flatter un Prince qui penseroit que sa seule volonté est la régie des événemens ? car je dois le supposer ; enyvré de son pouvoir & de sa grandeur jusqu'à se croire le Favori des Dieux & de la Fortune ; un Prince à qui l'on auroit parfaitement obéï ; à qui l'on auroit tout sacrifié, vie, biens, commoditez ; ce Prince pourroit-il se flatter, si les événemens lui devenoient contraires, de trouver quelque ressource dans ses malheurs, s'il n'avoit jamais compté ces mêmes ressources, ou s'il ne les connoit pas ? Il les attendra peut-être de l'esset de sa volonté ou d'un secours invisible dont il cherchera l'esperance dans quelque pratique de piété ; mais alors il ne raisonnera plus. Que s'il raisonne encore, il doit penser que les plus vastes Etats sont bornez dans leurs forces, comme dans leur étendue, & que quand les forces sont épuisées, la même volonté, qui a pû les détruire, ne les sauroit rétablir, de même, que si ce Prince avoit connu cette rélation nécessaire & fondée sur la nature, entre sa gloire, sa prosperité & les forces de son Etat, il en auroit pris une juste connoissance, & ne se seroit pas reposé sur le hazard.
LES Etats sont de grandes Familles, la même oeconomie qui soûtient les nôtres, fait prospérer celles-là ; mais est-il quelque idée de vertu oeconomique sans connoissance des revenus & de la dépense ? Le desir du Pouvoir arbitraire, que je nomme l'écueil de la vertu & de la fortune des Rois, leur fait souvent imaginer qu'ils sont les maîtres de tous les biens de leurs sujets ; mais outre l'injustice naturelle de cette idée, qui offense les bons coeurs, n'est-il pas évident que si le Prince consume les mêmes biens arbitrairement, il n'en restera ni pour lui, ni pour les proprietaires.
DISONS donc que le seul moyen d'établir un juste Gouvernement, de faire prosperer les Rois & les peuples, est la Connoissance du détail des Empires, qu'un Prince n'est pas moins obligé de prendre, qu'un Pere de famille l'est de connoître son bien & ses Charges.
MAIS pourquoi m'efforcer de prouver une proposition si sensible & si conforme aux notions raisonnables ? Plaignons-nous plutôt de ceux qui ont dérobé cette Connoissance au Prince qui la vouloit acquérir ; de ceux qui par crainte ou par complaisance lui ont peint d'après le mensonge ; qui ont déguisé les fautes & les erreurs du Gouvernement
passé : enfin de ceux dont l'inapplicatìon, ou l'incapacité ont rendus inutiles, des désirs que la feule vertu & l'amour du bien public avoient pû former.
ENTRE les miseres de nôtre siècle il n'en est point qui méritent davantage la compassion de ceux qui viendront après nous que l'administration des Intendances : Je ne puis douter que les Rois qui ont érigé cette Juridiction arbitraire, n'ayent crû avoir des raisons de l'établir ; quand if n'y en auroit d'autre que celle de multiplier les moyens de se faire obéïr, depuis que les maximes d'Italie leur ont persuadé que l'amour ne sussisoit pas : mais en même tems il faut reconnoitre que l'oppofition que formerent presque tous les peuples de la Monarchie à cette nouveauté, a été le dernier effort de la liberté Françoise, & qu'après la legere & inutile résistance qu'ils y apportèrent, les playes, dont nous sommes frappez, se sont succedées les unes aux autres presque d'année en année, & nous ont enfin réduit à l'accablement présent.
Nos Peres n'imaginoient pas toutes les conséquences de cette Innovation –, lesParlemens croyoient qu'elle porteroit un coup mortel à la justice ordinaire, & cela n'est point arrivé ; le cours des Procès n'a pas été détourné, on a laiffé cet appas aux Juges supérieurs & inférieurs ; les Gouverneurs des Provinces & des places jugeoient queléur autorité, leurs fonctions, leurs profits alloient être enlevez, ceux-là n'y ont point été trompez ; la Noblesse voyoit en général qu'elle alloit être éclairée de trop près, ceux de son Corps, à qui la Conscience reprochoit ou l'injustice ou la violence, appréhendoient pour leurs têtes ; mais cette même Noblesse ne voyoit pas qu'elle alloit être dégradée jusqu'au point d'être reduite à prouver son état devant ces juges nouveaux ; quelle alloit perdre son autorité naturelle sur ses propres sujets jusqu'au point d'être, non pas confondue avec eux (car on a bien voulu que la distinction demeurât) mais tellement avilie, que les Païsans, lesquels originairement ne sont libres & propriétaires de leurs biens que par la grace des Seigneurs, auroient à l'avenir le droit d'imposer les Nobles à la taille eux & leurs possessions, & qu'à jamais ils demeureroient éxclus de leur droit naturel de diriger & de conduire cette populace aveuglée.
LE peuple, de son cote, ignoroit ce que seroit un Intendant ; mais comme il est toûjours amateur de la nouveauté, & que sans prévoir le mal à venir il ne songe qu'à se délivrer dun joug présent ; il s'imagina que ce seroit un protecteur pour lui contre l'autorité de la Noblesse, laquelle, quoique si ancienne & legitime, même si déchue de sa premiere force, ne laissoit pas de l'incommoder encore, moins par son exercice que par sa présence continuelle ; l'éxperience lui ayant ensuite sait connoître que l'Intendant etoit un Juge souverain, qui auroit le pouvoir de changer, de renverser arbitrairement l'état de la Province, il lui transporta sans peine son adoration & l'offrande de ses biens ; mais il n'a appris que long tems après, par une éxperience bien plus douloureuse, que ces nouveaux Magistrats devoient être les instrumens immédiats de sa misere, que leurs vies, leurs bien, leurs familles, tout seroit à leur disposition ; maîtres dés enfans jusqu'à les enroller par force, maîtres des biens jusqu'à ôter la subsistance, maîtres de la vie jusqu'à la prison, au gibet & à la rouë.
L'oN étoit encore bien éloigné de prévoir l'énorme multiplication qui s'est faite de cette odieuse Magistrature la création des subdéléguez des Intendans dans toutes les subdivisions des Généralitez ; nouveauté qui revêt à nos yeux les derniers des hommes de tout le pouvoir de la Monarchie, qui livre le peuple à l'esclavage le plus dur ; la Noblesse à la honte d'une dégradation continuelle, & toute la Campagne au pillage de ces Officiers & de leurs Créatures.
IL est donc vrai que nos Peres ne connoissoient qu'une partie du mal que devoient faire les Intendans : mais auroient-ils jamais pensé & nous-mêmes l'aurions nous crû, que ces Intendans obligez à la Cour d'une si haute fortune, qui du moins doit les engager à la reconnoissance, se trouvant consultez par un jeune Prince, héritier présomptif de la Couronne, lequel, par principe de Religion, par sentiment de justice & par prudence naturelle, veut s'instruire de l'état de chaque Province, se trouveroient, ou si peu capables d'en rendre compte, ou si inappliquez à leurs devoirs, ou si prévenus de malignes idées, qu'il n'en tireroit aucune vraye lumière ? Ceux qui ont daigné répondre avec quelque précision, s'étant ménagez d'une telle maniere, en se communiquant, que la Conscience du Prince n'en peut être éclairée, ni son jugement instruit ; de sorte que le Public voit perdre par là, faute d'eux tous, l'avantage dont une si rare disposition dans l'Esprit du Prince le pouvoit flatter.
C'EST toutefois ce qui est arrive & ce que les Mémoires fournis par les Intendans ne justifient que trop ; mais c'est aussi le motif principal qui ma mis la plume à la main pour essayer de rétablir le projet du Prince, en faisant a ces Mémoires une Préface méthodique dans laquelle on pourra puiser quelque connoissance véritablement relative au bien public.
JEne me flatte pas néanmoins que mon Ouvrage puisse jamais mériter que le Prince y jette les yeux ; je pense même qu'il seroit a présent, non seulement inutile, mais peut-être dangereux qu'il parut devant lui, & voici ma raison ; C'est qu'à l'égard des Mémoires, la plus part des instructions qui y sont renfermées, ne sont, graces aux Intendans qui les ont dressées, gueres propres qu'à orner la Mémoire ; cette feule Préface est destinée à en tirer le suc, à réduire les faits en maximes de Gouvernement, à chercher dans la réalité de l'histoire, des véritez éxpérimentales, qui puissent être appliquées à nôtre état présent ; elles seront éxposées sans adulation, sans intérêt personnel & même sans crainte de déplaire ; or ces dispositions d'un Ouvrage, quoique seules justes, seules dignes de l'intention d'un bon Citoyen, sont-elles propres à être goûtées d'un Prince déja prévenu d'autres idées, d'un Prince déja mûr & mûri dans une habitude opposée ? on ne pourroit à cet égard compter que sur son bon naturel, qui lui a fait aimer la vérité dès l'enfance, ou sur la piété qui semble diriger toute sa conduite.
JE n'étendrai point sur cela ma pensée, il suffit de borner l'idée de l'utilité de mon Ouvrage à la spéculation : la Providence en tirera peut-être d'autres fruits, & comme c'est elle qui a de tout tems animé mon coeur d'un zèle particulier pour l'avantage de l'Etat, c'est elle qui en dirigera les effets & qui justifiera mon intention, si l'on m'accusoit de trop de vivacité, ou de dureté dans les peintures des abus, que je suis obligé de représenter par la nature de cet Ouvrage.
MAIS s'il faut penser, quoiqu'avec regret, que mon travail ne sauroit être directement utile au Prince pour la fin qu'il a cherchée ; ne me puis-je pas flatter qu'il le peut devenir par une voye indirecte & réfléchie ? En effet, s'il lui est nécessaire pour l'intérêt de sa gloire & pour celui de sa conscience, de connoître le détail précis dans lequel je fais consister le principe d'une hûreuse oeconomie & d'un bon Gouvernement, il ne l'est pas moins aux particuliers que leur naissance & leur condition mettent à portée d'avoir l'honneur de l'approcher. Avec cette connoissance, ils seront plus propres à lui plaire & à l'entretenir, à bien répondre à ses intentions, à bien éxécuter ses ordres, à lui suggérer de justes idées suivant les occasions : & s'ils ont assez de mérite pour avoir entrée en ses conseils, ils entendront mieux les matieres qui y seront agitées ; ils se trouveront
instruits de choses absolument ignorées des autres : ils seront enfin en état d'y donner des avis, formez sur des véritez certaines, auxquelles les Princes & leurs Ministres ne sont presque jamais attention, & ces avis, écoutez par un Monarque sage & judicieux auront à coup fûr l'avantage sur tous ceux que j'ignorance, la passion ou la prévention ne dictent que trop souvent en la présence des Rois. Hûreux sera mon dessein & plus hûreux encore cet Ouvrage, s'il sert jamais à l'instruction de quelques-uns que la Fortune élevera assez pour les mettre en état d'agir, dans mes principes, à l'avantage du bien public !
VOILA le motif de la continuation de mon travail depuis la mort de mes enfans ; voilà le but que je me suis proposé ; il me reste à éxpliquer la maniere dont je l'ai éxécuté, avec la raison des changemens que j'ai faits aux Mémoires dont je donne les éxtraits.
J'AI déja dit & peut-être trop répété, que la plus grande partie des Mémoires, dont il s'agit, ne valent rien en eux-mêmes & ne répondent que le plus imparfaitement qu'il soit possible au projet qui en avoit été donné. J'ai dit aussi que les Causes générales de cette imperfection se rapportent à l'inapplication, à l'ignorance ou à la prévention de ceux qui les ont dressez, c'est ce que je dois maintenant prouver pour établir la nécessité des changemens que j'y ai faits, & les justifier en même tems.
ON sçait trop que les Titres honorables, les Charges, les Emplois, les Dignitez n'ont pas un raport essentiel avec le mérite des hommes : le choix du Monarque pour remplir les Postes importans, suppose plûtôt les talens nécessaires qu'il ne les donne ; cela est évident : Je veux croire cependant que ce choix seroit toûjours parfaitement juste, si les Princes y étoient déterminez par les motifs communs de justice & de raison : naturellement aussi distraits que nous, rarement instruits, occupez d'ailleurs de leurs passions & d'une multitude d'idées ou d'affaires : élevez enfin au dessus des autres hommes d'une distance presque infinie, ils ne connoissent gueres, & peut-être point du tout, ceux qu'ils honorent de leurs faveurs, ni ceux à qui ils les refusent : l'éxperience nous fait connoître que le mérite le plus rare languit souvent dans l'obscurité & loin de la vûë du Prince, & qu'au contraire le plus petit talent de plaire est récompensé d'une haute for¬tune ; il y a donc une espece d'impossibilité morale que les Princes puissent dispenser leurs graces avec connoifiance ; si toutefois une telle coutume pouvoit recevoir exception, ce devroit être à l'égard des Emplois, dont les fonctions s'appliquent au gouvernement des peuples & à la direction des finances, tels que ceux des Intendans.
SOUS la domination des premiers Empereurs Romains, les peuples qui avoient été assez méprisez pour être laissez au pouvoir de leurs Rois naturels, furent, dans la fuite & après l'extinction des familles qui avoient droit de les gouverner, livrez à la conduite des Procureurs, ou comme on les nomma dans les territoires, des Presidens, qui étoient pour l'ordinaire des gens de la plus vile naissance, dont la liberté ne faisoit souvent qu'éclorre ; & que le Maître envoyoit s'enrichir aux dépens d'un peuple odieux & vil : les Presidens n'avoient point le commandement des armées, si ce n'est dans les occasions urgent & imprévues leurs fonctions se reduisoient à lever les droits du Prince, à faire les Baux & la recepte de ses domaines, à diriger la Justice ordinaire, & à l'administrer eux-mêmes dans les cas particuliers. C'est pour cela que le titre de Président se confond dans les premiers tems avec ceux de Procureurs ou Procurateurs,
JE ne dirai pas que les Intendans ayent été formez sur ce modelle, quoique l'exemple en ait souvent été allegué de la part de la Cour, quand elle négocioit avec les Parlemens touchant leurs instructions & leurs fonctions, mais j'ose avancer que de la maniere dont ils sont choisis parmi nous, il est très rare qu'ils agissent autrement dans leurs Généralitez, que les Présidens Romains le faisoient dans leurs territoires. Il est néanmoins juste d'excepter ceux qu'un mérite particulier ou des vertus personnelles distinguent de tous les autres ; ainsi il n'est pas impossible, selon mon idée, qu'il y ait de bons Intendans ; mais il est impossible qu'il n'y en ait beaucoup de mauvais.
EN effet, le génie de la Nation entiere s'est tourné du côté d'une ambition illimitée & d'un desir universel de commandement & d'autorité ; encore serions-nous hureux, si nos moeurs n'étoient corrompues dès l'enfance par d'autres vices plus honteux que l'Ambition : je veux dire, la soif immoderée des richesses & la fureur de les dissiper ; les passions passent des Peres aux Enfans, nul Conseiller parmi nous, content de son état, ne pense à y faire vivre son fils, il aspire pour lui aux emplois qu'il a vus avec jalousie occupez par d'autres, dont il a jugé que la naissance & le mérite n'étoient pas supérieurs aux siens. Ce que je dis du Conseiller, n'est ici qu'un éxemple de ce qui se pratique dans toute autre condition ; il est pourtant vrai qu'on remarque dans l'usage que cette coûtume de faire rencherir les enfans sur les dignitez des peres est plus ordinaire dans la Robe que dans toute profession : La raison en est évidente, c'est que toutes les dignitez de la Magistrature ne sont destinées qu'à ceux qui sont assez riches pour les payer.
IL est vrai qu'on use encore de quelque choix, sur tout quand il s'agit de certaines Charges singulieres, dont on n'ose pas accorder l'agrément sans considération mais ceux qui sont préférez ne payant pas moins que les autres, l'argent est toûjours le moyen nécessaire pour s'avancer, avec lequel on peut parvenir à tout, & sans lequel on ne parvient à rien.
OR entre les charges supérieures, celles qui sont le plus manifestement à la portée des hommes riches de toutes les conditions, ce sont les Maîtres des Requêtes ; leur nombre éxcessif, leur haute finance, leurs petits revenus, leurs fonctions onéreuses sont autant de raisons qui justifieroient ma proposition, si elle n'étoit confirmée par une éxpérience journalière qui nous fait voir le Corps, autrefois destiné pour ceuxquun long éxercice de la Magistrature rendoit dignes d'entrer dans le conseil des Rois, aujourd hui rempli de sujets nouvellement tirez des plus basses conditions, enfans de Marchands, de Greffiers, de Procureurs, &, ce qui est bien plus triste pour les conséquences, enfans de Partisans. C'est pourtant la pépiniere des Intendans ; quiconque aspire à l'honneur de gouverner une Province, & qui, pour y parvenir, se flatte de trouver quelque jour assez de crédit auprès des Ministres, se fraye le chemin de cette haute élevation par l'achat d'une Charge de Maître des Requêtes.
MAIS ce n'est pas encore tout ; malgré le mauvais usage qui ouvre la porte du Conseil à tous ceux qui achètent le droit d'y prétendre place, on ne sauroit disconvenir qu'il n'y en ait encore un pire, introduit parmi nous, depuis un tems assez moderne ; je veux dire de briguer les emplois & les postes importans. Il ne faut pas s'attendre que la modestie, vertu qui paroit autrefois si noblement les grandes ames, ni que la connoissance de soi-même & de sa propre capacité soient à présent des freins suffisans pour arrêter quelqu'un dans le projet d'ambition qu'il a formé ; tout Maître des Requêtes a droit de se présenter sur les rangs pour briguer une Intendance, & ce droit s'étend plus loin qu'on ne sauroit croire.
ON ne peut en conséquence se faire illusion à soi-même, à se considérer comme revêtu de toutes les qualitez nécessaires à un si haut Emploi : penser sur ce sujet avec modestie, ce seroit une pusillanimité ; l'éxemple de tant d'autres qui en ont rempli les fonctions avec moins de talens que l'on en decouvre dans son propre fonds, fourniroit un reproche de paresse auquel un grand coeur ne doit jamais s'éxposer. Secondement, On peut par une suite de la premiere entreprise, tenter de faire la même illusion au Prince & à ses Ministres, & cela n'est pas si difficile, un peu d'audace & d'activité, des amis puissans, une parenté qui fait se donner les mouvemens & prendre des mesures utiles, ne manquent jamais de réüssir. Que sera-ce si le Candidat se trouve uni immédiatement à quelques Ministres, ou de parenté, ou d'alliance, ou d'intérêt ? Alors il ne s'agira plus de l'Intendance elle-même, mais du choix de la plus lucrative, de celle dont les fonctions seront les plus capables d'honorer celui qui s'en acquite ; de celle qui donnera plus de rélation à la Cour ; avec de tels moyens il est certainement difficile que le Prince puisse sexempter de la surprise, & réüssir à faire un choix digne de son discernement.
MAIS ce nest que la moindre partie du mal, je le considere encore dans une autre vûë qui me le rend bien plus sensible ; ce conseil, malgré l'assemblage bizarre de ses sujets, ne laisse pas d'en avoir plusieurs d'un grand mérite, plusieurs à qui la vertu est chere, plusieurs dont la brillante & solide capacité jette une ombre tenebreuse sur les caracteres médiocres : quel parti peuvent prendre ces derniers, s'ils ont quelque sentiment de leur infériorité ? Vieillir dans une si triste situation, attendre les vingt années pour retirer son argent, & conserver un rang que la naissance ne donne pas, c'est l'objet d'une grande patience, rare talent des gens riches ; mais il y a une voye plus courte & plus usitée, c'est d'obtenir une Intendance. Dans un tel poste, on brille seul ; l'autorité donne du relief à la moindre capacité ; en un mot on y est à couvert, ou plûtôt on s'y dérobe à la trop vive lumiere du Conseil. Ce que je dis ici n'est pas une vérité spéculative, cest un usage certain & trop autorizé par une infinité d'éxemples, qui a fait naître cette maxime, que quiconque n'apporte pas dans le Conseil, ou des talens supérieurs, ou une protection triomphante de tous les obstacles, y perd aussi-tôt sa réputation, & n'a d'issûë pour sortir d'embarras qu'un éxercice d'Intendance, ou de quelqu'autre Commission de la Cour d'une durée suffisante pour changer l'air, les idées & les hommes.
IL s'enfuit de là que ceux qui sont d'une force suffisante, ne cherchent pas à sortir du ei ils sont assurez dy trouver au moins de l'occupation & des applaudissemens, souvent même les dignitez les plus solides les y viennent chercher ; mais aussi il en faut urre que ceux qui se présentent pour les Intendances sont rarement les meilleurs ; domme d'un autre côté, il est évident que ce sont ceux qui ressentent l'ambition la plus e ceux qui sont les plus capables de ces mouvemens intriguans, de ces pratiques settes qui conduisent à la Fortune par des routes justement suspectes ; enfin ceux qui se nattent d'une plus grande protection.
Si j'écoutois mes propres sentimens, je serois confus de découvrir des abus si dangereux dans la maniere dont les Intendances sont distribuées, & tant de défauts dans la disposition un Corps, qui porte le nom respectable de CONSEIL DU ROI ; cependant je ne suis pas au bout de la peinture que le zèle de l'Etat & l'intérêt de la vérité m'obligent en faire. Il ne mest pas possible de dissimuler les tristes conséquences de
la jeunesse, du peu d'éxperience & de connoissance acquise de ceux qu'on charge ordinairement de l'administration des Intendances.
C'EST peu à l'égard de ceux qui étoient en exercice en 1698, de dire qu'ils ignoroient les événemens les plus communs de l'Histoire, les maximes les plus ordinaires de l'oeconomie Civile & Politique & qu'ils n'avoient pas la moindre teinture des choses qui contribuent essentiellement à la prospérité d'un Etat, telles que l'Agriculture, les travaux & les dépenses qu'elle éxige ; le Commerce & ses ressorts ; les Manufactures & les moyens qui les sont subsister ; il faut dire qu'ils ignoroient jusqu'à leur langue naturelle, puis qu'ils ont écrit avec moins de politesse, de méthode & d'agrément que n'auroient fait les moindres Officiers de Justice, chargez par le Prince du même compte qu'on leur demandoit ; mais c'est encore peu que de mal écrire en comparaison des mauvais discours & des fades puerilitez que quelques-uns ont employées dans leurs Mémoires. Qui pouroit, par éxemple, lire sans indignation celui des trois Evêchez, dans lequel si l'Auteur entreprend de justifier la possession où est le Roi de ces Diocèses & de quelques terres de Lorraine, il le fait d'une maniéré à faire soupçonner qu'il a voulu calomnier les droits de la Monarchie, & les rendre odieux ou ridicnles ; ayant d'ailleurs assaisonné son Ouvrage de plaisanteries basses & insipides, qui révoltent également le Coeur & le bon Sens.
C'EST encore peu de mal écrire, en comparaison de la négligence affectée de certains Intendans, qui d'ailleurs étant gens d'esprit & même de lettres, connus dans le Monde, ou pour leur bon goût dans les plaisirs, ou par leurs dépenses magnifiques, ou par leur commerce avec les Savans, & quelques-uns même par les éloges de nos Journalistes, n'ont pas daigné cependant favoriser le dessein du Prince de la moindre attention. Certainement le malheur du Siècle est au dessus de ce qu'on auroit jamais imaginé : les Maîtres des peuples, les Juges souverains des Provinces, les Ministres sur lesquels la puissance des Rois & leur Conscience se reposent du Gouvernement immédiat de tant de milliers d'hommes de toutes conditions, ces gens-là méprisent leurs emplois, l'auroit-on pû penser ? ils les regardent comme un passage à des fonctions plus nobles : C'est presque l'idée universelle ; car dans la pratique, nous voyons que d'une petite Province on passe ordinairement à une plus grande, & de celle de cette espece on parvient aux dignitez d'Intendant des Finances & de Conseiller d'Etat, d'où il n'est pas rare qu'on se pousse au Ministere ; ce point de vûë renverse la tête d'une partie des Intendans ; ils n'ont pas été un an en place qu'enchantez & aveuglez par la parfaite obéissance qu'on rend à leurs moindres ordres, ils s'imaginent que les fonctions du Ministère suprême n'ont pas d'autres difficultez, ils s'en jugent bien-tôt capables, & de là viennent le mépris & l'ennui de l'éxercice d'une dignité inférieure à cet égard, quoique tellement supérieure à celle des autres hommes. Premier abus dont les éxemples sont trop communs, pour qu'il soit nécessaire d'en indiquer quelques-uns en particulier.
L' INAPPLICATION a encore des causes bien différentes : quelques-uns s'ennuyent des Intendances, parce qu'ils n'y sont pas des profits aussi considérables que ceux de leurs Prédécesseurs ; ils se lassent des fonctions où le profit ne suit pas la peine immédiatement, ils se rebutent d'attendre les occasions de s'enrichir, que la misere des tems rend non seulement rares, mais qu'elle ne laisse esperer que de plusieurs années ; ces caractères ont produit des descriptions tristes & négligées des Provinces, où l'on reconnoit le dégoût des Intendans & le principe de ce dégoût ; tels sont les Mémoires de Paris, d'Alençon & du Poitou, où l'avarice des Auteurs se reconnoit à chaque page, autant que la stu-
pidité & l'ignorance qui sont particulières au dernier : raisons qui m'ont obligé de composer un autre Ouvrage par rapport à cette Province.
D'AUTRES Intendans livrez à la bonne chere, au Jeu, à la Galanterie, ou à la Chasse, autant ennemis du travail qu'abandonnez à la mollesse du siècle, ne s'ennuyent pas moins de leurs fonctions que les précédens, quoique par un principe bien éloigné de l'avarice ; mais leur inapplication n'en a pas été moins préjudiciable au dessein du Prince, comme elle n'en est pas moins funeste au peuple, puis que ne connoissant jamais l'état de leurs Provinces, ni le fonds des affaires dont ils se réposent sur leurs Subdéléguez & Commissaies, ils ne sont que des Ordonnances capricieuses, de la justice desquelles le seul hazard décide, ou bien la volonté, chèrement achetee des Secrétaires ou des Subdéléguez ; mais comme d'ailleurs la Cour veut être éxactement servie à l'égard des Finances, les Intendans réparent par la rigueur des Taxes, les inconveniens de leur négligence ; nuls ne sont si terribles dans les Impositions arbitraires que ceux dont l'inapplication est l'effet de l'amour du plaisir ; étrange renversement de la Nature ! ce qui dans tous les autres hommes est un principe de douceur & de compassion, devient dans un Intendant celui de severité barbare, qui ne connoit ni justice, ni vérité qui n'écoute ni raison, ni bienséance.
A L'ÉGARD des Intendans dont l'inapplication se rapporte à l'amour de l'étude & des lettres, il nest pas nécessaire d'en dire beaucoup ; le défaut étant si rare, que les Mémoires dont je me plains ne m'en donnent qu'un seul éxemple ; mais j'avouë qu'il éxcite d'autant plus mon indignation que je m'attendois moins à le trouver dans l'Auteur du Memoire de l'Intendant de Caen ; l'amour de la patrie est-il donc tellement éteint parmi nous qu'un Intendant aussi éclairé que celui-là, n'y ait pas donné le moindre témoignage de sa Capacité ? on voit au contraire que cet ouvrage est celui de ses Subdéléguez en chaque Election. La diversité du stile & de la méthode en fait la preuve, aussi bien que la bassesse des éxpressions & des observations que l'on y rencontre, enfin on peut assurer que c'est le Memoire le plus imparfait qui ait été composé & celui qui répond le moins aux Intentions du Prince ; est-ce à l'étude qu'il faut s'en prendre, ou plûtôt à l'enflure du coeur & au dégoût de la profession, qui fait mépriser une occasion de se signaler chez la posterité, & même auprès de ses contemporains, par l'endroit que les Anciens, dont cet Intendant fait son étude, ont le plus estimé & sur lequel ils ont donné des leçons dignes de l'attention & du respect de tous les siècles ? Il est donc vrai que cest peu de mal écrire, en comparaison des défauts de l'application ; venons aux Intendans préoccupez & jugeons de leurs ouvrages avec la même sincérité, que de ceux des précédens.
DEUX passions gouvernent a présent les hommes, la Crainte & l'Orgueil : les Anciens mettoient la piété à la place de l'orgueil ; mais le tems en étant passé, on ne la connoit guere en celui-ci. A l'égard de la Crainte, on trouve son impression dans tous les Mémoires des Intendans. L'un paroit trembler en parlant des droits du Roi ; car c'est le terme generique de tout ce qui s'appelle Imposts ; l'autre montre la pesanteur du joug, mais il y cherche des éxcuses & insinué que tout le mal consiste dans la maniere dont il est imposé ; un autre attaque l'avidité des Soustraitans pendant qu'il y éxalte les services des Fermiers généraux ; un autre approuve les Impôts en général & ne blâme que le choix qu'on en fait, à cause du peu de profit qu'ils rendent au Roi ; d'autres, tels que les Mémoires de Moulins, de la Rochelle & de Bourdeaux, déclarent qu'ils n'osent osent parler, qu'ils craignent de divulguer les secrets de l'Etat, qu'ils au-
roient besoin d'un Arrêt du Conseil pour s'autorizer dans ce qu ils voudro.ent dire : l'esprit de servitude est généralement répandu dans ces Ecrits, mais au fonds qu'entendoient-ils ces Intendans par le nom vague de Secret de l'Etat ? Ce terme, peut être d'usage par rapport à une negociation & à une entreprise, qui sont des secrets, mais le Gouvernement n'en a point & n'en peut avoir ; les ressorts en sont connus de tous les hommes ; en est-il d'autres que l'Etablissement des Loix & leur observation ? le pouvoir ÍV l'obéissance ? l'amour ou la crainte ? les passions ont de misteres & des secrets ; un Gouvernement légitime n'en connoit point ; mais si les Ministres pil ent, sis ont des intérêts particuliers ; j'avouërai pour lors qu'il y a des secrets inconnus dans le Gouvernement, & qu'ils ont une espece de raisòn d'employer & la force & le mistere pour en dérober la vûë autant au Prince qu'aux sujets, également intéressez à ce qu'il n'y en ait point.
MAIS contre ce raisonnement on peut objecter la Connoissance que les etrangers pouroient prendre des forces précises de l'Etat, ce qu'il est important de leur cacher. Fausse idée & même tout à fait absurde ! Ignorent-ils cette force ? Ignorons-nous la leur ? Un si grand nombre des transfuges de part & d'autre laissent-ils rien à desirer sur instruction ? Ce que l'on ignore reciproquement entre ennemis, ce sont les ressources de l'oeconomie & d'une sage administration, nul Monarque ne connoit le fonds du trésor de son voisin, si celui-ci n'a bien voulu se diffamer lui-même par la réputation de ses dépenses, ou par l'épuisement des forces de son Etat ; mais il n'est pas encore tems de traiter de cette matiere ; disons plutôt par rapport a la timidité des Intendans, qu'elle corrompt leurs meilleures qualitez, & qu'elle les rend inutiles au bien public. Telle a été celle de l'Auteur du Memoire de Lyon, homme éclairé, savant & juste, qui a vû toute l'iniquité attachée aux fonctions de son emploi, mais qui a eu trop de foiblesse pour en parler ; il rampe non feulement sous l'autorité du Ministre, mais sous le crédit des Traitans ; il n'attaque ni les nouveaux, ni les anciens droits, ni la maniere d'en faire le recouvrement il se contente de prendre un ton plaintif & d'indiquer dailleurs quelque foible bien à faire : cet homme croyoit peut-être nos malheurs sans remede ; il comptoit trop peu sur l'instruction que le Prince vouloit prendre & contribuoit en même tems par sa lâcheté à la rendre inutile.
MAIS de quelles éxpressions me servir pour peindre les desordres & les malheurs qui sont les suites de l'Orgueil, quand il s'est joint à quelqu'un des caractères précédens & a corrompu le coeur quelquefois sans préjudicier aux lumieres de l'Esprit ? Le Mémoire du Languedoc & la conduite de son Auteur, les feront mieux connoître que tout ce que je pourrois dire ; il est toutefois nécessaire d'y faire quelques réflexions.
IL est certain que ce Memoire est de tous le mieux composé, l'esprit, l'ordre, les talens de l'Auteur s'y distinguent au dessus des autres ; mais j'ose dire qu'il n'en est pas moins pernicieux au Prince & aux sujets ; on y reconnoit le caractere d'un homme enyvré de l'autorité qu'il s'est acquise des deux cotez, qui sont le droit qu'il a sur la confiance du Monarque, méritée par la conservation d'une Province si importante, & qu'il craint toutefois le blâme d'être cause de la rébellion qui y regne depuis si long tems : il montre, d'une part, avec ostentation qu'il a fourni seul près de cent soixante millions au Roi, pendant les neuf années de la Guerre du Prince d'Orange ; mais sans dire que l'éxcès de la surcharge de ces Impôts menaçoit d'une révolution prochaine, il ne s'attache qu'à faire valoir sa prévoyance, à préparer les moyens de conjurer l'orage, qui, malgré la terreur des supplices, se formoit à ses yeux, au reste insensible à la misere,
dont il est l'auteur, & à la mort de plusieurs milliers d'hommes sacrifiez au maintien de son autorité, il ne parle que de la nécessité d'obéïssance, pour avoir droit de la faire pratiquer à son égard ; s'il blâme les impôts, s'il cherche curieusement leur origine, s'il releve même quelque mistere du Regne passé à ce sujet, on voit bien que ce n'est que pour donner plus d'agrément à son livre & plus de recommandation aux nouveaux Tributs dont il est l'inventeur ; ainsi l'auteur de la Capitation se purge de tous les maux dont il est cause, & a encore obtenu de se faire lire par le Prince avec plaisir peut-on néanmoins s'empêcher de le regarder, comme l'un des cruels instrumens de la misere publique & comme le plus dangereux séducteur de la piété de nôtre Prince ?
CE sont les Intendans de cette espece que je nomme Intendans de métier, desquels on peut dire avec vérité que jamais terre n'a peut-être porté de plus dangereux Citoyens ; ces hommes possédez d'une fureur ambitieuse sacrifient sans peine leur patrie au désir de commander, comme ils sacrifient leurs consciences à la faveur de la Cour : leur autorité particuliere est la fin qu'ils se proposent ; la faveur est le moyen de l'établir : ainsi esclaves du Ministére, ils se rendent par cet esclavage même les Tyrans du Peuple : jamais ils ne conçoivent de desseins qui ne soient funestes à la liberté, au repos & à l'abandance ; les amateurs du bien public sont toûjours criminels à leur jugement ; il n'est permis, selon leurs maximes, d'être à son aise qu'au moyen du travail, du mouvement & de l'intrigue : ils sont si éloignez de penser que les biens naturels appartiennent aux peuples qu'ils leur laissent à peine celui de l'industrie, jamais la raison de l'impuissance n'a excuse personne auprès d'eux ; c'est une vaine alléguacion qu'ils qualifient ordinairement de désobéïssance & de paresse ; ils sont durs, infiexibles & méprisans ; Ennemis jurez de la Noblesse qu'ils accablent en effet, pendant qu'ils la flattent ; où plûtôt qu'ils lui insultent par la somptuosité de leurs repas : Mais je n'ai pas vainement supposé que l'Orgueil & l'Ambition possèdent ces Intendans sons préjudicier à leurs lumieres ; car il faut avouer que, malgré la dureté de leurs préjugez, ils ont vû & senti la Calamité présente ; quelques-uns ont même témoigné en être les instrumens à regret : Toutefois quand il a ete nécessaire d'en parler dans leurs Mémoires, ils ont observé de ne la jamais montrer que du côté qu'elle est nuisible aux intérêts du Souverain en interrompant la recette des impositions. Il a été question d'une utilité générale, telle que de rendre une riviére navigable, de dessécher un marais, de favoriser une manufacture ; ils ne l'ont fait envisager que par rapport au Roi : tantôt c'est le débit de ses forêts, tantôt augmentation des Doüannes : tantôt la facilité de rendre de nouveaux fonds ; ils ne proposent jamais aucune ressource de commodité pour les peuples : tel est le génie de ces Indendans qu'on peut, en un sens, cependant regarder comme les meilleurs. Triste état de la plus belle Monarchie de l'Europe, dont ces Ministres nouveaux ruïnent l'oeconomie, dont les maîtres sont si mal servis, si mal instruis, si mal guidez par rapport a leurs vrais intérêts !
ON leur a persuadé avec raison que le fondement essentiel des Monarchies est l'Obéïssance ; en effet ce. principe est vrai ; mais pourquoi tairions-nous une autre vérité qui n'est pas moins certaine ? Pour bien bâtir, ce n'est pas assez d'établir un fondement ; si l'on néglige les liaisons de l'édifice, la ruïne n'en est pas moins inévitable ; l'intérêt particulier de la conservation de ses propres biens jointe à l'amour du Souverain, est le véritable lien des Etats, quiconque ose leur préférer la force & la crainte, les éxpose à des périls & à des malheurs certains, & il se prive, s'il est Souverain, du doux nom de Roi & de Pere de ses peuples, pour prendre celui d'Oppresseur. Nul donc ne fait si
grand outrage au Roi & à la patrie que celui qui par une lâche flatterie veut persuader au premier, qu'il est au dessus des loix & des regles de la probité humaine, que tout lui appartient & qu'il peut tout ce qu'il veut ; ce n'est pas absolument le langage de ces Intendans, mais ils s'en éloignent si peu, qu'en joignant le témoignage de leurs Mémoires à celui de leur conduite, il en faut nécessairement conclurre que se trouvant les ministres immédiats du pouvoir arbitraire & despotique, ils le favorisent autant qu'ils peuvent dans la personne du Maître pour s'en revêtir eux-mêmes, chacun dans son territoire : C'est par ce moyen qu'ils sont venus à bout d'avilir la Noblesse au point où nous la voyons, de fouler aux piez toute la Magistrature du Royaume, sans égard aux droits des charges, & encore moins au prix qu'elles ont coûté à ceux qui s'en trouvent propriétaires : c'est par ce moyen que leurs biens propres, leurs amis & leurs créatures sont à couvert des violences qui se pratiquent contre les seuls indéfendus ; cest par ce moyen que leur protection, à quelque prix qu'on l'obtienne & par quelque canal qu on la reçoive, est l'unique secours qui se présente dans les malheurs qui consument nos Provinces ; Désordres de nôtre tems plus fatals que tous les autres : On court de toute part à la protection ; chacun livré à cette nécessité ne regarde plus le revenu de son propre bien, que comme une conquête faite ou à faire ; c'est l'adresse ou le crédit qui en procurent la jouissance : ainsi on substituë la faveur à l'observation des loix ; ainsi les liens de la société se trouvent rompus, ou ses membres désunis ne conservent plus de liaisons : tous les hommes, aveuglez de ce nouveau phantôme, ne songeant qu'à se tirer personnellement d'affaire, le sont aux dépens de qui que ce soit : ainsi tout avantage devient arbitraire, de la part des Intendans, & particulier, de la part de leurs créatures ; il n'y a que la ruïne qui est générale.
CETTE peinture des idées & des maximes qui regnent dans la conduite des Intendans, & qui paroissent dans leurs Mémoires, fait connoître combien il étoit nécessaire d'en refondre une partie, & de réfuter les autres avec quelques raisonnemens solides ; c'est à quoi je me suis efforcé dans mes éxtraits, non toutefois d'une maniéré dogmatique par la crainte d'allonger un Ouvrage déja trop étendu, mais souvent par la voye d'ironie & de la réduction du raisonnement à l'absurde ; méthode plus facile & plus abrégée à l'égard des gens qui ont presque toûjours écrit contre les notions les plus universellement reçûës.
A L'EGARD des fautes & des omissions j'ai taché de les réparer, soit en suppléant, soit en corrigeant, sans relever les erreurs, si ce n'est celles de la Morale ; hureux, si j'avois autant de capacité pour l'éxécution que j'ai de bonnes intentions ; mais comme un tel ouvrage ne peut jamais être conduit à sa perfection par l'effort d'une feule plume ; je me console des défauts qui s'y trouvent, par l'esperance que mon travail animera divers Savans à faire de plus éxactes remarques & à réparer ce qui lui manque, puis qu'au fonds il n'y a peut-être jamais eu de dessein si noble & si grand, & je puis dire plus utile pour les considerations que j'ai marquées.
QUAND je louë la grandeur & la noblesse du dessein, je n'ai pas intention de parler du mien qui n'a que le moindre mérite, parce qu'il ne vient qu'en second, & qu'il ne s'est proposé qu'une compilation facile quand les matieres sont une fois rédigées ou dirigées ; mais je l'entens du dessein de nôtre Prince, auquel la posterité ne donnera jamais assez d'éloges. Revenons cependant aux Intendans dont le portrait n'est pas encore achevé.
J'AUROIS peut-être eu moins de vivacité sur leurs caracteres & leur conduite, s'ils avoient mieux ménagé l'honneur de la Nation ; mais que pourront penser les Etrangers de nôtre Littérature & de nôtre Capacité, en voyant l'administration de nos Provinces commises à des personnes si fort dénuées des talens ordinaires ? que pourront-ils présumer de l'état des peuples, de leurs repos, de la justice qui leur est faite, en voyant que ceux qui règlent absolument leurs destinées, tant par l'autorité immédiate que par ies instructions qu'ils fournissent aux Ministres & suivant lesquelles les ordres sont départis, sont ou si mal-habiles, ou si mal-intentionnez ? C'est sans doute à cet égard qu'il auroit été nécessaire de cacher nôtre secret, & si c'est là ce qu'ils appellent Secret de l'Etat) j'avoue qu'il ne peut être trop profondement enseveli. Cachons en l'idée & le sentiment à nous-mêmes & à la postérité ; mais plûtôt, s'il est encore permis d'esperer qu'un jour nos Princes desabusez connoîtront le grand préjudice que leur causent les Intendans en général, & en particulier le mauvais caractere de la plus grande partie d'entr'eux, on ne peut trop travailler & s'empresser de développer à leurs yeux ce déplorable secret.
J'AI parlé librement des Intendans qui étoient en fonction pendant le tems de la composition de ces Mémoires, parce qu'ils se sont soûmis, en les mettant au jour, au jugement de quiconque lira leurs ouvrages ; à l'égard de leurs successeurs, car il ne reste que celui de Languedoc dans le poste qu'il occupoit, à Dieu ne plaise que je voulusse former aucun jugement désavantageux par rapport à leurs personnes ; il y en a quantité à qui je donnerai plus volontiers des éloges, loin de les accuser de mauvaise administration ou d'aucuns desseins criminels : Je reduis donc ma proposition à ces termes Que les Intendances sont des Ivlagistratures trçs-nouvelles dont l'établissement & l' exercice renversent toute Voeconomïe de /'ancien gouvernement de ce Royaume & qu'elles sont par leur nature pernicieuses au Roi & à ses sujets.
LE premier membre de la proposition sera démontre dans la seconde partie de cette Préface, destinée, comme je l'ai dit, à tracer l'idée du gouvernement de la Nation dans les tems différens, & du genie de chaque Monarque ; quant au second membre qui consiste en ceci. Elue la ?naniere dont les Intendances sont commises ou distribuées, les rend encore plus nuisibles à l Etat en général & d toutes ses parties ; les preuves que j'en donne sont tirées des Ecrits dont ; ai fait les éxtraits & de la conduite notoirement connue de leurs Auteurs, je pense même les avoir établies d'une maniere invincible : mais comme cette partie de ma proposition peut recevoir encore une objection, prise de la facilité qu'il y auroit à remedier a l'abus dans le choix des Intendans ; je passe plus loin, je veux montrer qu'à moins dune direction spéciale & miraculeuse de la Providence, il est impossible que les Maîtres des Requêtes, tels que nous les voyons & connoissons, puissent remplir les fonctions dun si important Emploi, quand il seroit même légitime ; il n'est besoin pour cela que d'éxaminer quelle a été jusqu'à présent & quelle sera à l'avenir l'éducation des Magistrats, quelles leurs vies communes, quelles leurs occupations précédentes, le tems auquel on les charge d'une Province : Ces considérations feront juger, non seulement de ce que l'on doit en attendre raisonnablement, mais de ce qui est effectivement dans leur pouvoir & dans la sphère de leur capacité : Je crois de plus qu'il y faut joindre quelques réflexions sur leur naissance, puis que dans la vérité il est bien difficile & il sera toûjours très-rare que les familles populaires élevées ou par le trafic, ou par une basse épargne, ou ce qui est encore bien pire, par la rapine & par les mauvaises voyes, produisent des hommes d'un caractere assez noble & assez fort pour s'ac-
quitter de ce qu'il y a de plus grand dans la société ; c'est à dire pour gouverner d'autres hommes, & dans une telle quantité.
JE n'entrerai point dans un détail ennuyeux & que l'on pouroit regarder comme reproche personnel : Je dirai seulement en général, que des hommes de petite condition nourris dans l'oisiveté des Ecoles de Paris, entrez de-là dans la pratique des jugemens du Palais, accoutumez aux amusemens où la jeunesse se plaît & s'occupe toûjours, lors qu'elle n'est pas determinée au goût du travail par son Education ; qui ne connoissent que Paris, ses promenades, ses spectacles, ou tout au plus Versailles & le Ministére dans ses dehors : je dirai que tels hommes, malgré tous les avantages qu'on leur donnera d'ailleurs, s'ils ne sont nez plus hûreusement qu'il n'est possible de l'imaginer, ne sauroient jamais être de bons Intendans.
L'EXEMPLE des Romains nous le montre & peut convaincre tous ceux qui voudront approfondir cette matiere. Qui a jamais ouï parler que sous la Republique, le gouvernement des Provinces fut confié à de jeunes hommes sans éxperience ? outre la naissance distinguée, de quelque espèce qu'elle fut, laquelle étoit nécessaire pour parvenir aux Emplois ; il faloit se rendre capable par l'étude, par le service militaire, par différentes fonctions de Magistrature, éxercées dans Rome à la vûë du peuple, dont il faloit mériter l'estime & l'approbation, ou hors de Rome, ou dans les Provinces, desquelles il faloit rendre compte devant le même peuple Romain, en présence des Deputez des Nations intéressées : Quel Tribunal ? quels Juges ? quelles contradictions ? il faloit encore être instruits des intérêts généraux & particuliers de la République & des Nations soûmises ou alliées ; il faloit connoître les moyens de les accorder malgré leur opposition naturelle : il faloit être instruit des maximes de la meilleure morale, dont l'oeconomie & la politique faisoit alors la plus digne partie ; mais avec tous ces talens, soit acquis soit naturels, ceux qui étoient nouvellement chargez du soin & de l'administration d'une Province, n'étoient pas assez téméraires pour l'entreprendre sans l'assistance d'un Lieutenant, déja consommé dans cette Science & de plusieurs autres Officiers inférieurs, dont une partie avoit déja une éxperience suffisante & l'autre travailloit à se la procurer : Cette regle étoit si constante & si certaine, que les plus ambitieux ne suivoient pas une autre route pour s'élever. JULES CÉSAR lui-même avoit rempli l'Office de Quêteur avant d'être Consul & Proconsul.
QUE penseroient donc aujourd'hui ces sages Romains, de la politique qui met les plus grandes Provinces entre les mains de jeunes Maîtres des Requêtes, tels qu'ils sont publiquement connus ; qu'en jugeroient même nos peres, malgré l'inconsideration de tout tems reprochée à la Nation Françoise ? &, pour tout dire, la postérité croira-t-elle que de nos jours on y ait fait assez peu de cas du Genre Humain, assez peu estimé la gloire & la prospérité de l'Etat, pour s'imaginer que le gouvernement d'une Province, n'est qu'une espèce de noviciat, propre seulement à de jeunes gens, destinez à servir dans la fuite auprès du Prince, en qualité de ses Conseillers, sans en faire néanmoins d'autres fonctions que celles de juger quelques procès en des barreaux particuliers ? Ce Paradoxe tout incroyable qu'il est, n'est par malheur que trop réel dans la pratique ; nous en goûtons douloureusement les fruits ; il est tems de finir cette premiere partie, que la matiere presque inépuisable des Intendans a prolongée bien au delà de mon intention ; il me reste pourtant à donner une conjecture probable sur l'effet principal qu'ont veu la jeunesse & l'inéxperience de cette forte de ministres. Je m'imagine donc qu'outre la pente naturelle qu'ont presque tous les Princes à user arbitrairement de leur pou-
voir ; qu'outre le succès fatal que la bassesse & la flatterie des Courtisans n'ont que trop ordinairement pour leur persuader qu'ils ont un véritable droit de tout faire despotiquement, & que la moindre opposition à leur volonté est criminelle ; qu'outre la disposition à l'obéïssance qu'un Ministère long, dur, violent & parfaitement hûreux a pu mettre dans les esprits de ce tems ; je m'imagine, dis-je, qu'Outré ces causes extérieures, la jeunesse & l'inéxperience des Intendans soutenue par leur présomption, suite naturelle de leur incapacité, ont intérieurement contribué à reduire le Gouvernement à la seule maxime d'éxiger l'obéïssance aveugle & même forcée, quelque dangereuse qu'elle soit.
EN effet la lecture des Mémoires fait connoître que les Intendans de cette espèce qui faisoient alors le plus grand nombre, concourent avec celui du Languedoc à donner la même étenduë au pouvoir arbitraire & absolu du Prince & de ses Ministres ; ils prescrivent ensemble la même nécessité de l'obéïssance ; ils découvrent également la fin secrette de leur administration, qui ne paroit autre que d'éteindre toute liberté, comme le principe de la discorde, & détruire la proprieté des biens, afin que tout avantage de sujets soit à la disposition du Souverain & conséquemment à la leur.
LES Caracteres mitoyens entre ces deux espèces d'Intendans paroissent plus populaires, plus touchez des idées communes de la justice, mais aussi plus embarrassez à s'éxpliquer & à se cacher à eux-mêmes la disproportion de leurs principes & des conséquences qu'ils en tirent dans l'usage.
L'INTENDANT de Languedoc s'est donc rendu maître de la difficulté, & a applani la voye que les seconds ont suivie, parce qu'ils l'ont trouvée la plus facile & la plus courte, comme elle est la plus proportionnée aux Caracteres que nous avons représentez : & parce que les deux ensemble sont le plus grand nombre, il n'y a point à s'étonner que leurs suffrages l'ayent emporté sur les idees de ceux qui se sont montrez irrésolus & confus dans leurs éxpressions & mal d'accord, dans leurs sentimens.
D'AILLEURS, il est évident que le Prince se détermine suivant l'ordre commun des jugemens des autres hommes, par la facilité des moyens pour conduire à une fin désirée, & que de la prémiere détermination se forme ensuite l'habitude & l'usage. Entre deux points donnez le plus court chemin est la ligne droite ; entre n'avoir point & avoir, le plus court & le plus facile est d'ordonner & de prendre, sur tout lors que l'entreprise est appuyée du consentement ou plûtôt du zèle officieux & de l'instigation de ceux qui sont préposez au Gouvernement, & que d'ailleurs il y a des raisons pressantes de le faire, telles que l'intérêt personnel, la passion de la gloire, ou autres motifs semblables peuvent les représenter ; si l'on joint à cela la résignation parfaite des peuples, il ne restera plus qu'à savoir si le moyen le plus facile est le plus légitime, ou même s'il est........ En effet, si le plus court est aussi le plus sûr & le plus avantageux au Souverain qui en use, s'il est conforme aux droits des peuples, au cas qu'il en subsiste quelqu'un : C'est-là précisément l'òbjet de la seconde partie de cette Préface, dans laquelle jéxpliquerai l'idée qu'on peut prendre de la Monarchie Françoise depuis son commencement ; le caractere ou genie du gouvernement de chacun de ses Princes, & les changemens ou variations arrivées dans le droit primitif de chacun des membres de cet Etat.
AVERTISSEMENT,
QUELQUES-UNS de ceux qui ont plutôt parcouru superficiellement ces Extraits qu'ils ne les ont lus avec une attention suffisante, ont blâmé la méthode que j'y ai suivie de rapporter les opinions particulieres de Mrs. les Intendans de Province qui ont composé les Mémoires originaux, & ils ont prétendu qu'en traitant de mon chef d'une maniéré généralement dogmatique, les différentes matières qu'ils renferment, j'aurois pû m'épargner les fréquentes réfutations que j'ai été obligé de faire de quantité de traits & de faits faux ou incertains qu'ils ont avancez par quelque motif que ç'ait été ; mais je crois qu'en faisant cette censure, ils n'ont pas pris assez garde à la nature & à l'espèce de mon travail. II n'y a point de particulier, ce me semble, qui ait par lui-même, ou qui puisse avoir une cormoiffance entiere & égale, de toutes les Provinces du Royaume, & supposé qu'il y en ait, j'avouë que je suis infiniment éloigné de ce degré de Connoissance, partant il ne m'a pas été possible de donner de moi-même & de mon propre chef une infinité de choses que je n'ai rapportées que sur la foi des Mémoires qui m'ont été remis entre les mains, & j'ose dire de plus que l'éxperience m'a convaincu qu'il y auroit, ou beaucoup de risques à le faire autrement, à cause de la quantité de fautes que ces Originaux contiennent ; car quoique je ne m'estime pas juge compétent des matieres de finances, de jurisdictions ou autres semblables, le grand nombre des fautes qui s'y trouvent dans les matieres moins éloignées de ma portée, comme la Morale, la Politique, l'Histoire générale & particuliere des Lieux, la Destination de la Noblesse & des Maisons & c. m'ont fait préfumer qu'il n'y a peut-être pas moins d'erreurs à l'égard des autres matieres, dont je n'ai pas une égale connoiffance, & cette raison m'a paru déterminative pour suivre dans ce travail la méthode commune, de faire des éxtraits, sur tout à cause de la facilité qu'elle donne de distinguer ses propres sentimens de ceux des Auteurs qu'on n'approuve pas toûjours, quoique l'on soit obligé de les rapporter sous peine d'altérer la fidélité de l'éxtrait & de laisser celui qui le doit lire dans l'ignorance de ce qu'il s'est proposé d'apprendre. D'ailleurs ces Censeurs doivent considerer que le but principal de mon travail, ou plutôt du grand Prince qui m'avoit mis la plume à la main étoit d'abréger la lecture immense qu'il auroit dû faire de chaque Traité des Intendans ; ainsi je n'ai pas dû lui proposer tellement mon propre ouvrage qu'il ne fut en état de le comparer avec celui des Auteurs Originaux, toutes les fois qu'il l'auroit jugé nécessaire pour son instruction. Enfin comme mes Extraits ont été commencez & achevez dans la même vûë, je n'ai pas crû que la Censure qui a donné lieu à cet avertissement dût m'engager à en changer la construction & l'arrangement, sur tout à cause de la longueur du tems qu'il auroit falu donner à ce nouveau travail, sans aucune, apparence d'utilité pour qui que ce pût être.
SECONDE PARTIE.
SI c'est une entreprise hardie que d'avoir osé retoucher les Mémoires des Généralitez de ce Royaume, dressez par les Intendans des Provinces pour l'instruction & l'usage du PRINCE, qui doit un jour gouverner cette Monarchie, il n'est pas difficile de la justifier, quand il n'y auroit eu d'autre motif de le faire, que celui d'abrêger la lecture immense de ces Mémoires, qui remplissent en Original XLII. Volumes in Folio.
MAIS celle de former un nouveau Plan de nôtre Histoire, dans le tems que divers illustres Ecrivains s'efforcent de lui donner une plus exacte précision à l'égard de la Chronologie & de l'embellir de ces fleurs qui nous sont admirer les Ouvrages des anciens Historiens Grecs & Latins, peut avec justice être regardée comme temeraire, par la difficulté de fournir ces deux mêmes parties à mon projet.
CEPENDANT, comme dans la composition d'un Ouvrage chacun employé sa méthode & ses idées, qui en forment le caractere, en quelque forte independant de la matiere & suivant lequel il peut être plus ou moins utile au Public ; j'ai crû qu'une Histoire de France, qui proposeroit plutôt celle du génie des Princes & du gouvernement de la Nation, que celle des évenemens la plûpart déja assez connus, auroit l'avantage de la singularité & celui de l'utilité, sur tout à la tête d'une DESCRIPTION générale du Royaume.
JE ne me suis donc point laissé distraire de mon dessein, ni par la considération des difficultez qui se trouvent dans son éxécution, ni par celle du danger qu'il y a souvent a exposer au jour des véritez inconnues ; encore moins par la vûë des Ouvrages de MEZERAY, de CORDEMOY, de MARCEL, OU de LEGENDRE, ni par l'attente de celui qui nous est promis par le P. DANIEL Jésuite, persuadé que quoique nous nous proposions tous la vente de l'Histoire & la même matiere, nos vûës sont si différentes que nous nous rencontrerons rarement dans la maniere de peindre les mêmes faits ; leur réalité n'empêchant pas qu'ils ne soient susceptibles de coloris & de positions aussi différentes que les fins que nous nous proposons,
MON but dans cet Abrêgé est de suivre d'aussi près qu'il me sera possible, l'idée que LE PRINCE se propoee & qu'il a rendue publique dans le Plan qu'il a donné aux Intendans pour règler leurs Memoires. On y voit qu'outre le detail de la situation, de la nature & des forces de chaque Province, outre celui des différens ordre de sujets, il veut être instruit des Antiquitez particulieres, des Usages anciens & modernes, des moyens qui ont réüni les différens païs à la Couronne, & de la forme du Gouvernement auquel ils ont été soûmis en divers tems, mais qu'il veut sur tout être en état de compa-
rer les pratiques du tems passé avec celles de nos jours, dans la vûë de former lui-même un plan favorable à ses sujets futurs.
A LA vérité, le dessein & l'éxécution de ce Plan regardent le PRINCE seul : mais comme une si grande & si noble vûë mérite toute nôtre reconnoissance, il est : d'autant plus juste & plus nécessaire que chacun y concoure selon ses forces, qu'il y a lieu de se plaindre des Intendans qui lui ont fourni des Mémoires. La plûpart ont abandonné l'idée du bien public & même celle du devoir, qui les engageoit à répondre fidellement à l'intention du PRINCE, & presque tous n'ont donné que des Ouvrages imparfaits ou négligez, dans lesquels on perd presque nécessairement la vûë de la fin proposée. Mais quand les Intendans se seroient acquittez de ce qu'ils devoient en cette occasion, je crois pouvoir dire que le détail où ils seroient entrez seroit insuffisant pour le dessein de nôtre Prince, parce qu'il auroit inévitablement réduit l'idée générale à quelques considérations particulieres.
J'AI donc crû qu'une Histoire méthodique & abrêgée de l'ancien Gouvernement de la Nation Françoise précéderoit utilement le détail dont les Mémoires des Provinces se trouvent remplis ; tant parce que l'ordre commun éxige cet arrangement, que parce qu'elle mettra devant les yeux du Prince un crayon de la conduite de ses Prédécesseurs, du génie des Rois & des Peuples de siècle en siècle, qui n'a point encore été assez vivement tracé par nos Historiens, lesquels se sont tous contentez de nous donner une succession de faits d'armes & de guerres peu intéressantes dans nôtre présente situation, au lieu de nous montrer des règles de gouvernement propres à nous faire connoître quel a été le véritable soûtien de l'Etat pendant un si long cours de générations & quelles peuvent être nos ressources dans les disgraces qui nous accablent.
MAIS avant que de traiter cette matiere, qui doit être aussi agréable aux Lecteurs qu'elle peut leur devenir utile, il m'est indispensable d'en toucher une autre contraire & que je puis même nommer douloureuse, puis qu'en rapportant les raisons que j'ai euës de changer plusieurs choses aux Mémoires des Intendans, il n'est pas possible à un homme sincere & qui aime sa Patrie de passer sous silence les défauts essentiels qui se rencontrent & dans le choix des Intendans & dans leur administration.
ON comprendra aisément qu'il étoit nécessaire d'abrêger la fatigante lecture de XLII. Volumes ; mais aussi le peu de proportion du Volume de mon Ouvrage à celui des Originaux, peut me faire soupçonner d'en avoir retranché plusieurs choses importantes ou curieuses. Il est vrai que j'ai beaucoup augmenté l'Ouvrage en lui-même, substituant à 35. Volumes de paroles-inutiles, quantité de faits historiques & de remarques importantes que les Auteurs avoient négligé ou ignoré. Or qui pouroit naturellement imaginer que des hommes, élevez à des dignitez si éminentes & que leur profession attache à l'étude, ayent pû composer des Mémoirs si amples & si vuides en même tems, que Ton en a pû retrancher les trois quarts sans toucher à leur matiere ? mais ce n'est pas leur seul défaut : Je dois dire encore que j'ai souvent été obligé de censurer les sentimens & les éxpressions de quelques-uns de ces Intendans, qui sont profession de ne reconnoître d'autre principe de gouvernement, que celui d'un pur Despotisme dans le Prince & dans ses Ministres & d'une obéissance aveugle de la part des sujets ; supprimant avec cruauté jusqu'aux noms de liberté des personnes & de proprieté des biens. J'avouërai même que je n'ai qu'à grand'peine retenu mon zèle contre ces Oppresseurs de leur Patrie, d'autant plus criminels que je les ai dû considérer comme les Corrupteurs de la Justice naturelle du Prince, dans l'âge tendre où il les a consultez.
IL ne m'a pas non plus été possible de voir sans indignation d'autres Intendans, qui connoissant le bien qu'ils pouvoient faire, ont eu la lâcheté de le dissimuler dans la crainte de nuire à leur fortune : mais outre que la mauvaise opinion qu'ils ont euë du Ministére supérieur est digne de blâme, s'ils avoient eu quelque humanité, ils auroient consideré que la misere des Peuples, inutilement présente à leurs yeux, trouvoit alors une occasion favorable de se peindre à l'esprit d'un jeune Prince, naturellement juste & pitoyable, qui ne l'auroit jamais oubliée, & qui auroit entrepris quelque jour de la soulager. Que dire enfin de ceux que l'inapplication, ou la paresse, la dissipation du jeu, de la chasse & des plaisirs, ou l'ignorance & l'incapacité, ont empêché de dresser des Mémoires raisonnables & dignes du Prince auquel ils ont été présentez ? cependant il faut avouer que le plus grand nombre est de cette derniere espèce, & je mets en fait, que nul de ceux qui les aura lûs, n'en pourra disconvenir. C'étoit donc une nécessité indispensable de redresser de tels Mémoires, tantôt par le changement du Texte & des matieres, tantôt par une réfutation sérieuse des erreurs qu'ils contiennent, tantôt par la voye de l'ironie & de la réduction à l'absurde ; méthode la plus aisée à l'égard de tels Ecrivains.
IL a été véritablement bien fatal au juste dessein de nôtre Prince & bien malhûreux pour la Patrie, que les Intendans en fonction dans les trois dernieres * années du Siècle passé, qui ont été celles de la Composition des Mémoires dont il s'agit, se soient rencentrez généralement dans des dispositions si peu convenables à l'avantage de l'une & à l'éxécution de l'autre : mais s'il est permis de raisonner sur l'événement, je dirai que je ne puis croire que ce soit l'effet d'un dessein particulier, puis qu'à considérer la maniere dont les Intendances sont distribuées & la disposition du Corps, dont on tire les Intendans, il est moralement impossible qu'ils ne soient tous, ou la plupart, de l'un des caracteres que j'ai représentez.
ON jugera peut-être que cet exorde est trop violent : mais si malgré la vivacité de l'éxpression on y reconnoit que je n'expose que des véritez sensibles à toute la France, il seroit injuste de les attribuer à une passion particuliere, ou à une prévention maligne contre mon Siècle. Je cherche la vérité & je tâche de l'éxposer avec candeur & avec force ; autant à la gloire du Monarque qu'à futilité de la Patrie ; ces deux objets étant inséparables dans mon idée.
TOUS les hommes conviennent, qu'il n'est point de science plus haute que celle du Gouvernement, mais qu'il n'en est point aussi où les erreurs soient d'une plus dangereuse conséquence. De forte, que comme il est moralement impossible que la pratique du Gouvernement réussisse à celui quil'éxerce sans règle & sans théorie, il en faut conclure quil nest point aussi de science, qui doive être cultivée par les Citoyens avec tant d'ardeur, de recherche, de travail & de méthode, & dont les ctifférens systhèmes doivent être reçûs avec tant de bienveuillance de la part des Rois & de leurs premiers Ministres, puis qu'il s'agit du bonheur commun.
MAIS quand ; ose assurer, que la Magistrature des Intendans ruïne l'ancienne oeconomie de l'Etat ; qu'elle détruit les liens sacrez de la Societé, nous réduisant à vivre attentifs à nos seuls intérêts, c'est à dire, dans les dispositions où sont les sauvages à l'égard les uns des autres ; qu'elle épuise toutes les ressources du Royaume, ne laissant échapper que leurs créatures à la rigueur des impositions arbitraires, & que par consést encore plus nuisible aux véritables intérêts du Roi qu'à celui des sujets : je ne prétens pas imposer silence à ceux qui soûtiennent que les mêmes Magistratures des
* 1698, 1699, 1700.
Intendans sont les nerfs de la Monarchie, qu'elles rendent l'obéïssance exacte & précise, qu'elles portent le jour par tout & sont que le Souverain est instruit des moindres détails, qui lui échappoient nécessairement avant leur institution. Ainsi la matiere est réduite en question, sur laquelle l'éxperience même est renduë douteuse, parce que chaque parti la met en preuve pour son opinion. Alors j'appelle à mon secours l'exemple des Siécles passez, non que je sois prévenu de l'Antiquité au delà des termes raisonnables, mais parce qu'il y auroit de l'aveuglement à rejetter du régime d'une Monarchie, les moyens qui l'ont maintenue pendant le cours de treize Siècles, pour en substituer de nouveaux qui n'ont rien de plus recommandable, que de faciliter un pouvoir despotique, plus convenable au génie des peuples Orientaux, tels que les Persans & les Turcs, qu'à notre Constitution. Ainsi comme il est évident que toutes sortes de Loix ne sont pas bonnes à tous, puis que celles d'Athenes ou de Lacédémone, qui ont été reconnuës pour des chefs-d'oeuvre de l'Esprit Humain, seroient des prodiges dans nôtre Gouvernement & que nos usages au contraire seroient insupportables à l'Angleterre ou à la Pologne, nous ne pouvons, ce semble, choisir de règle plus sûre & plus convenable à nos moeurs que l'exemple de ce qui s'est pratiqué parmi nous.
LA Majesté des Rois vivans n'est point offensée par la censure que l'on peut faire des fautes de leurs Prédécesseurs, ni flattée par les éloges qu'ils ont méritez ; ils abandonnent aisément le passé, pour être maîtres du présent, & toutefois c'est dans le passé même qu'ils peuvent apprendre à jouïr de leur gloire & à l'assurer pour l'avenir ; ces grands noms ne passant point impunément à la Postérité, au lieu que les sujets, obscurs dans tous les âges, n'ont tout au plus besoin que de patience pour le présent.
JE ne craindrai donc point de rappeler, par le moyen de l'Histoire, nos usages présens à leur véritable origine ; de découvrir les principes du Droit commun de la Nation, & d'éxaminer avec ordre ce que l'on y a change dans la fuite des années ; la justice ou l'injustice de ce changement ; quand le dessein y a eu part, ou la force des idées populaires, lors qu'il est nécessaire de la rapporter aux différens caractères des hommes qui ont vécu dans l'etenduë d'un st grand nombre de Siècles. Mes vues, dans ce nouveau travail, sont aussi respectueuses pour le Gouvernement sous lequel nous vivons, qu'elles seront fidelles dans la discussion de ce qui peut y être ajouté pour le rendre aussi durable qu'il est absolu & aussi favorable aux sujets que nos Peres & nous-mêmes l'en avons veu choisir. Je dirai même qu'un dessein si utile à tous les Membres de l'Etat & au Chef qui le doit un jour gouverner, ne fera jamais suspect qu'à ceux qui profitent de l'ignorance commune pour des fins qui méritent l'indignation du Prince même, quoiqu'elles semblent flatter son autorité ; & c'est ainsi qu'en justifiant les changemens que je me fuis crû obligé de faire aux Mémoires des Intendans, je justifie pareillement le dessein que j'ai pris de donner une Histoire raisonnée de la Monarchie Françoise, laquelle tirera moins d'autorité de l'éxactitude des dates, quoique j'aye lieu de croire qu'il s'y trouvera peu de fautes en ce genre, que de la juste peinture du caractere des Rois, dont elle rapporte les actions & de celles des moeurs de leur tems. J'ose même soûtenir, comme je l'ai déja avancé, qu'une telle Histoire est plus nécessaire au grand PRINCE, qui a formé le projet d'un détail de la France, que toute autre espèce d'instruction & qu'il est plus difficile de lui tracer un pareil tableau, que de lui représenter l'Etat présent du Royaume ; mais que de tous deux ensemble, il tirera plus de lumières qu'aucun de les pareils n'en a eu depuis le commencement de la Monarchie, J'ajouterai ici des voeux sinceres pour que mon travail puisse lui devenir agréable &
pour que mes idées soûtenant ses premiers & justes desseins, il s'applique un jour, dans toute l'étenduë de son coeur & de son génie, à devenir le meilleur de nos Monarques, & à rendre cet Etat le plus florissant de tous les Royaumes Chrétiens !
IL y a tant de variété dans les opinions des Auteurs, qui ont traité de l'Origine des François, que ce point seul m'engageroit à une Dissertation particulière, si je ne me faisois une Loi de me renfermer dans mon sujet : je me contenterai de dire, qu'après un long éxamen de ce qui a été écrit sur cette matiere & des plus anciens monumens qui nous restent, j'ai crû pouvoir m'arrêter au petit nombre des décisions suivantes :
I. Le Nom de FRANC, OU FRANÇOIS, n'étoit point propre à un Peuple particulier, il s'étendoit à tous ceux qui habitoient entre le Rhin & le Weser & même jusqu'à l'Elbe, quoique divisez par des noms dissérens, Sic ambres, Chamaves, Celtes, Bruiteres, Ampsivariens, & c.
II. CES Peuples étoient naturellement enclins à la Guerre ; mais de plus la rigueur du Climat qu'ils habitoient, la stérilité de leurs terres, la crainte des invasions de certaines Nations, qui venant du fonds de la Sarmatie & marchant toûjours vers l'Occident ou le Midy, desoioient tous les païs où elles passoient : Enfin la facilité qu'ils crurent trouver à faire eux-mêmes de semblables ravages & à s'enrichir aux dépens de leurs voisins, les animoient perpétuellement à faire des entreprises.
III. CES Peuples étoient éxtrèmement féconds & avoient toûjours grand nombre de jeunes gens, incapables de s'arrêter aux occupations domestiques ; mais remuans, impétueux, avides de gain & de nouveauté, ils se joignoient ordinairement ensemble & composoient une espèce de Milice, qui après s'être choisis un Commandant & des Officiers, cherchoient fortune sur les Terres voisines. Ils faisoient presque toûjours la guerre aux Romains avec avantage ; mais celles qu'ils se faisoient entr'eux les affoiblissoient étrangement : de sorte que s'étant apperçûs du préjudice que leur apportoient les divisions intérieures, ils se réunirent tous contre les premiers ; qui, de leur part, les châtierent souvent, sans pouvoir néanmoins se garantir absolument de leurs pillages, parce que, bien qu'ils fussent tous à pié, ils marchoient avec tant de promtitude, qu'ils se présentoient toûjours à l'improviste. C'est, feloq un Auteur (a) très-judicieux, & qui toutefois a donné en cette occasion les conjectures pour une vérité demontrée, ce qui les fit appeller SALIENS, a saliendo [de leur habiletés sauter~\ comme l'on nomme aujourd'hui les COZAQUES, de l'Esclavon * Coza : qui veut dire une flèche, selon le même Auteur.
IV. LA A politique des derniers Empereurs Romains, pour garantir leurs Provinces des courses des Barbares du dehors, fut de leur en opposer d'autres au dedans : déja les armées de l'Empire en étoient presque toutes composées ; déja les grandes charges civiles & militaires étoient entre leurs mains, lors que les Empereurs s'avisèrent encore d'en transporter de nombreuses peuplades sur leurs frontieres, abandonnées de leurs ha(a)
ha(a) le Laboureur, Traité de la Pairie.
* Cette Etymolog est contestée & le Dictionnaire y est contraire : COZA y est employé pour signifier une Cheyte, & COZAKI pour un Chevrier, ou Tasieur de Chevres, & au fonds il est plus naturel & plus sûr de s'en tenir à étymologie commune du nom des Saliens, tirée de celui des Rivieres de leur païs.
bitans naturels ; ils flatterent ces nouveaux hôtes, ils leur fournirent des vivres & des bestiaux pour cultiver la terre n'oublierent rien pour les retenir en ces lieux, jugeant que s'ils pouvoient s'y attacher comme à une nouvelle Patrie, ils s'y multiplieroient bientôt & deviendroient assez puissans pour arrêter les plus fortes armées, du moins jusqu'à l'arrivée d'un (c) secours de troupes règlées. Ce fut dans cet esprit que l'Empereur Julien céda aux Francs en l'année 358. la Toxandrie, c'est à dire, la partie * septentrionale de l'Evêché de Liége & du Brabant sur les Rivieres de la Meuse & du Demer, & comme il y attira particulièrement des soldats, cette Colonie fut nommée des Saliens Gallicans.
V. Cette Peuplade se fit à l'imitation de quelques autres précédentes, dont presque personne n'a bien démêlé le tems, ni la cause, non plus que la maniere dont elles se sont faites. Il y avoit sur les frontieres de la Gaule, particulièrement sur le Bas Rhin, des peuples qui portoient le nom de Laetes ou Laeti, &, dans les armées Romaines, plusieurs corps de troupes de même nom, auquel on ajoutoit dans l'usage une désignation particuliere de la Nation qui les avoit fournis. Ainsi on difoit Laeti Batavi, Laeli Nervii, Laeti Francis Laeti Suevi, pour éxprimer les soldats Bataves, Walons, Francs & Suéves & c. Pour deviner à présent ce que les Romains vouloient signifier par le mot de Laeti, il faut savoir qu'ils employoient volontiers dans leurs troupes, les jeunes gens qui se tiroient de Germanie & des Nations qui en étoient sorties pour venir habiter dans les limites de l'Empire, & que soit par rapport à ce qu'ils étoient traitez comme volontaires, soit à cause de leur gayeté naturelle & de la liberté de leur humeur, ils leur donnoient à tous le nom de Laeti, joyeux. On peut toutefois deriver ce mot de Laetes, de l'ancien langage des Runiens, dans lequel il signifioit une Troupe auxiliare, comme Wormius l'a montré dans son Dictionnaire Runique. C'est donc sous cette appellation, que l'on a trouvé employée dans la Notice de l'Empire, en douze Troupes, commandées chacune par une Préfet, qu'on peut les comprendre ; mais au lieu d'assurer que les Laetes ayent été des François naturels, comme M. le Laboureur l'a pense, je reconnois que l'éxpression de la Notice y est contraire, puis que l'on en peut inférer qu'il n'y en avoit au plus que huit Troupes.
CE n'est pas toutefois assez de déterminer ce qu'étoient les Laetes Militaires, il est principalement nécessaire de savoir ce qu'étoient les Laetes IN anomaux, c'est à dire, ceux qui faisoient le Corps du Peuple, qui dans la fuite se sont joints aux François pour ne composer avec eux qu'une seule Nation. Viguier a cru, & je le pense avec lui, qu'il en faut rapporter l'origine à la grande Irruption que Constance Chlore fit en Germanie, dans laquelle ayant soûmis quantité de peuples différens, il jugea qu'il seroit utile à l'Empire, selon les motifs ci-dessus éxpliquez, d'en transporter une partie dans la Gaule. Il fit en effet ce transport par la permission des Empereurs Dioclétien & Maximien, peu après l'an 302, & c'est pour cela que, dans le Panegyrique du dernier, Eumenius félicite ce Prince du succès de cette entreprise, dont il attribuë néanmoins l'invention au pre-
(c) Voyez Amm. Marcell. Liv. XV. & XVII.
* Il y a des Auteurs qui croyent que la Toxandrie étoit déja occupée par les Saliens au tems de Julien & qu'ils y étoient habituez des l'an 286. lors que Carausus ayant amené les garnisons de ces frontieres en Angleterre, il laissa le païs exposé au premier Occupant.
mier : „ De (e) même, dit-il, que par vôtre ordre, DIOCLETIEN AUGUSTE, l'Asie a fourni des habitans transportez à la Thrace deserte ; ainsi par vôtre consentement, “ MAXIMIEN AUGUSTE, les Campagnes abandonnées des Nerviens & des Trévériens sont aujôurd'hui cultivées par le Laetes & par le Franc, reçus à l'honneur de vivre sous nos Loix : » & dans le Panegyrique X. il ajoute la route de ces nations transportées : „ Le Chamave & le Frison (f) labourent donc aujourd'hui pour moi ; “ ces nations vagabondes & pillardes deviennent aujourd'hui crasseuses par l'assiduité de leurs travaux ; elles fréquentent nos marchez pour y vendre leur bétail ; ces barbares labourent & nous livrent leurs blés : leur jeunesse se présente à nôtre choix pour remplir nos armées ; ils se sont humiliez par le service ; ils y sont forcez par les fouëts & ils se glorifient encore d'entrer dans nôtre milice de cette façon. ” Telles étoient les fausses idées des Rhéteurs de ce tems-là, qui prenoient la matiere de leurs adulations dans les choies mêmes qui devoit bien-tôt causer la ruïne de l'Empire.
EN effet ce transport d'habitans ayant été continué pendant plus d'un Siècle, tant par Constantin que par ses enfans & par Theodoze après eux, il se trouva sous le règne d'Honorius, que le grand nombre des Etrangers étoit si grand, que les Ministres jugèrent à propos d'y faire une Réforme & voici les termes de la Constitution Impériale qui fut donnée à ce sujet, „ Parce que (g) plusieurs Nations qui aspiroient à la félicité “ des Romains se sont soumises à nôtre Empire, & que quelques-uns de nos Ministres leur ont abandonné la culture des Terres Létiques avec trop peu de ménagement, nous ordonnons qu'à l'avenir aucunes de ces terres ne leur soient données sans nôtre éxprès commandement & dénotation, en sorte que ceux qui en possédent une plus grande étendue qu'ils ne l'ont méritée, ou qui par la collusion des Défenseurs des Provinces, ou à la faveur de quelques Rescripts subreptices, en ont occupé une plus grande quantité qu'il ne leur étoit deuë, *il soit envoyé un Inspecteur sur les lieux avec pouvoir de révoquer les donations abusives & de faire restituer ce qui aura été occupé ou livré mal à propos.
VOILA donc les Terres Létiques bien designées, de sorte que l'on ne sauroit plus former de doute, ni sur leur origine, ni sur leur situation ; il resteroit à déterminer par quels moyens elles ont changé leur ancien nom, en celui des Terres Ripuaires : furquoi je croi que l'on doit suivre l'opinion commune, qui veut qu'elles ayent ainsi été nommées, ou parce qu'elles étoient sur le rivage de plusieurs grands fleuves, RIPUARII, quasi ripas habitantes ; c'est-là que les Saliens Gallicans & les Lètes se confondirent sous la qualité d'Hôtes de l'Empire, qui leur donnoit la liberté de vivre selon leurs propres usages & sous le gouvernement de leurs Chefs, auxquels les Romains donnoient le titre de Rois ou de Ducs, sans en faire néanmoins grand cas, puis qu'ils les ont souvent maltraitez, jusqu'à en exposer un dans leur Amphithéatre.
(e) Sicuti primùm tuo, Diocletiane Auguste, jussu, desertae Thracia transilatio incolis Asia supplevit ita postea tuo, Maximiane Auguste, nutu, Nerviorum & Treviorum arva jacentia Laetus postliminio restitutus & receptus in Leges Francus recoluit. p. m. 249.
(f) Arat nunc ergo mihi Cbarnavus ct Frifius ille, vagus ille pr & dator, exercitio fiqualidus òperatur ct fréquentas nundinas meas pecore venali & cultor barbarus laxat annonam, quinetiam si ad delectum vocatur, occurrit & obsiequio teritur ct tergo coercetur ct fin ire se nomine miìitia gloriatur. p. m. 241. [Ces deux Passages sont tirez du même Panegyrique, mais il n'est pas sûr qu'il soit d'Eumenius.]
(g) Quoniam ex mu tis gentibus fiquentes Romanam félicitâtern, se ad Imperium nofirum condederant quibus Terra L & ticoe adminij. r, –, nd 1 fiunt, nullus ex Us agris, nifi ex no'ra ratione mercatur, ct quoniam aut amplius quam meruerant occuparunt, aut conludio Principalium vel Defensorum, vel subreptitiis rescriptis majorem, quam ratio poscebat, tir r arum modum fmt confie eut 1 –, Inspecter idoneus dirìgatur qui ea revocet, qu & aut maie tradìta, aut improbe ab aliquibus occupata.
VI. CES Peuples demeurerent fidelles & attachez aux Romain aussi long tems qu'ils le purent être avec sûreté. Ils en donnerent une preuve éclatante, lors que refusant d'entrer dans le détestable projet de (b) Stilicon, qui appeloit tous les Barbares à la ruine de l'Empire, ils s'opposerent au passage des Wandales, conduits par Godegille & le tu-erent en bataille en l'an 407, ou 408 : mais les Romains reconnurent mal un si grand service, lors que Respandial, Roi des * Alains, allié de Codegille, étant venu venger sa mort avec une armée formidable, il se jetta sur les Francs de Germanie avec tant de violence, qu'il les obligea d'abandonner les plaines de leur païs, pour se retirer dans les bois & les marêcages, ou dans les terres des Ripuaires. Car les Romains jugeant que cette augmentation d'habitans dans les terres d'au deça du Rhin, les feroit refluer vers le centre de leurs Provinces, ne voulurent écouter ni leurs plaintes, ni leurs raisons ; ils défendirent opiniatrément les bords de leurs rivieres & chassèrent ces Francs malhûreux, qui ne souffroient que pour être entrez dans leur querelle. Toutefois comme ils ne pouvoient donner une attention continuelle à cet objet, les Ripuaires reçurent parmi eux un grand nombre de ces Francs Etrangers ; ce qui les unit d'intérêt avec ceux qui étoient au delà du Rhin & facilita depuis le passage du plus grand nombre. Mais comme cette union étoit opposée au véritable intérêt des Romains, ils la traverserent par tous les moyens possibles, comme nous le verrons ci-après. Enfin quand, au bout de quelques années, les Romains se virent accablez, ils se servirent de cette union même pour se soûtenir encore quelque tems, & je rapporte à ce principe les secours qu'en tira le Tyran Eugene contre Theodoze.
VII. LA simplicité des François ne les empêcha point, durant ce tems-là, de se conduire avec politique & prudence ; l'intérêt suppléant aux lumieres de l'esprit & de l'éducation. Nez dans un païs disgracié de la Nature, dans lequel même ils ne jouïssoient d'aucun repos, ils voyoient avec convoitise l'abondance & la tranquillité qui étoit de l'autre côté du Rhin ; mais n'étant pas assez forts pour s'y faire un passage malgré les Maîtres, ils sçûrent enfin s'en faire agréer & leur rendre d'assez bons services, pour en tirer part de leurs meilleures terres ; ils ne sacrifierent même à un si grand avantage qu'une petite partie de leur liberté, puis qu'ils y conserverent leurs Loix & leur langage & sur tout le droit de se choisir des Chefs.
VIII. ENFIN quand ils virent l'Empire ébranlé de toutes parts, Rome même abandonnée de son Prince, prise & reprise par les Goths, les barrieres forcées dans toutes les frontieres, les Gaules en proye aux Wisigoths, aux Bourguignons & ensuite aux Huns ; ces éxtrémitez firent justement craindre aux François de se voir bien-tôt dépouillez des hûreux païs qu'ils possédoient sous la protection des Romains ; ils ne balancerent pas alors à écarter l'idée des injures qu'ils en avoient reçues & à employer leurs forces contre les ennemis de l'Empire, non pour le rétablir dans un état de vigueur, qui les contraignit même à une soumission involontaire ; mais pour le conserver dans une disposition moyenne, qui les rendant toûjours nécessaires, engageât toûjours les Généraux Romains à les traiter favorablement.
CEPENDANT la défaite d'Attila n'ayant point rétabli les affaires des Romains, les François sçûrent prendre aussi-tôt un parti contraire & convenable à leur intérêt ; ce
(b) Grog. de Tours, Liv. II. ch. 9. Procope & Oroze ex Vignerio.
* Peuples cruels, Originaires de Sarmatie & de Scythic.
fut de profiter de l'occasion pour avoir la meilleure part de leurs dépouilles. Ainsi renouvellant à propos le souvenir des anciennes injures, sans attendre de nouveaux prétextes, ils devinrent les ennemis de ceux qu'ils défendoient auparavant. Voilà ce que j'ai cru devoir observer touchant l'origine de la premiere fortune de la Nation Françoise en général.
CE fondement posé, je viens au détail de l'Histoire, que j'abrêgerai autant qu'il sera possible, tant parce que les événemens en sont presque tous connus, que parce que je me propose de m'étendre davantage par rapport aux Réflexions que l'on y peut faire.
ON est d'abord surpris, en lisant nos anciens Auteurs, de les trouver prévenus d'une chimere aussi vaine que celle de chercher l'origine de la Nation Françoise en Phrygie & dans les ruines de Troye, sans qu'on en puisse alléguer aucun fondement probable, si l'on ne veut étendre jusqu'en Asie, ce que Grégoire de Tours a dit que de son tems plusieurs croyoient que les François étoient sortis de la Pannonie. Mais on voit manifestement que cet Auteur n'a pas appuyé sur cette opinion, s'étant contenté de la rapporter simplement, suivant le devoir d'un Historien fidelle. En effet, il est évident que les différens Peuples, qui ont pris le nom de Francs ou François, comme celui d'une societé & d'une alliance, sont si anciens dans la Germanie, qu'ils ont été connus de Tacite, & quelques-uns de Jules-César : de sorte que supposant qu'ils fussent réellement sortis de la Pannonie, ils l'auroient été dans un tems inconnu & dont il ne paroit rester aucune memoire en celui de Grégoire de Tours.
D'AILLEURS, il est vraisemblable que les Anciens ont confondu dans la prononciation les noms de Frise & de Phrygie ; erreur qui de la langue a aisément passé dans l'écriture, chez des gens aussi peu Grammairiens que l'étoient nos anciens Ecrivains ; lesquels ont cru illustrer infiniment l'origine de nôtre Nation, en la faisant descendre de Priam & d'Antenor, comme a fait l'Auteur des Gestes des François ou de Francion, ou comme le Moire Aimoin. Dans le fait, il est certain que la Frise, non renfermée aux derniers rivages du Rhin & de la Mer d'Allemagne, comme elle l'est aujourd'hui mais considérée dans son ancienne étendue, habitée par les Sicambres, les Ampsivariens, les Chamaves, Brueteres, &c ; a été le véritable berceau de la Nation Françoise. Ainsi je ne crois pas que l'on puisse donner de fondement plus probable à l'idée des François sortis de Phrygie, que la confusion faite de ces deux noms.
MEMOIRES SUR L'HISTOIRE DU GOUVERNEMENT de FRANCE, dès le Commencement de la MONARCHIE. Par Monsieur le Comte de BOULAINVILLIERS.
MEMOIRES HISTORIQUES.
MELLOBAUDÈS, Premier Roi.
MELLOBAUDÈS.
LE premier Roi des François qui soit bien connu, c'est MELLOBAUDES, qui vivoit sous Valentirtien I. & qui environ l'an 374. tua, dans une ambuscade, Macrien, Roi des Allemands, l'un des plus grands ennemis que les Romains eussent alors sur les frontieres.
En effet, Valentinien avoit été obligé, pour mettre la Gaule à couvert, de faire un traité peu honorable avec lui ; mais ce Prince qui ne pouvoit demeurer en repos, s'étant avisé de faire la guerre avec Francs, y périt comme le rapporte Ammian * Marcellin. Dans la fuite le Comte Mellobaudès servit les Romains avec attachement & tout Roi qu'il étoit, s'honora de la fonction de Comte des Domestiques de l'Empereur Gratien, pour le service du quel il fit de nouveau la guerre aux Allemands en 378. Il se trouva même avec lui à la célébre bataille de (1) Colmar (Argentuaria) où ces Peuples perdirent plus de 30000. hommes sur la place.
On trouve encore un autre Prince François, nommé Recimer, qualifié Comte des Domestiques, sous l'Empereur Theodoze, qui fut Consul en 384. que M. de Valois croit avoir été Roi des Francs & pere de Theodomer qui eut réellement cette dignité.
* Lib. XXX. cap. 3. & seqq.
(1) Dans la Haute Alsace.
GUENEBAULT, MARCOMIR, & SUNNON, Rois.
GUENEBAULT, MARCOMIR, SUNNON.
EN l'année 383. Maxime, Gouverneur d'Angleterre, ayant pris le nom d'Empereur & s'étant emparé de la Gaule, fit mourir le jeune Gratien. Il établit son règne à Treves, où il vécut en bonne intelligence avec les Francs jusqu'à l'année de sa mort, que GUENEBAULT, MARCOMIR & SUNNON, Rois de cette Nation firent une in sion dans la Belgique, en laquelle ils pensoient surprendre la * Ville de Cologne ; puisis se retirerent avec leur butin, laissant une partie de leurs troupes dans la Forêt Charbonniere, ou des Ardennes, pour continuer leurs ravages selon les occasions. Ces der- 2 niers furent taillez en pièces par Numius & Quintinus, Généraux de Maxime. Mais celui-ci ayant passé le Rhin à (2) Nuys, pour punir les pillards, dans leur propre païs, sengagea dans des bois & des marais, d'où il ne pût ramener qu'une partie de son armée. Ce passage se fit en hyver de l'année où Maxime étoit mort au Mois d'Aoû c'est à dire, en 388.
L année suivante, 389. Valentinien II. rétabli dans l'Empire par Théodoze, vint en Germanie & à l'instigation d'Arbogaste son Ministre, que l'on croit avoir été François de naissance, fit une guerre aux Rois Marcomir & Sunnon, laquelle fut terminée par une conference que l'Empereur voulut bien avoir avec eux & dans laquelle ils se soûmirent a donner des otages de leur fidélité.
* Sulp. Sev. ex Greg. Turon. L. 2. cap. 9.
(2) à une lieuë de Dusseldorp.
CES mêmes Princes règnoient encore en 3935 qu'Eugene s'étant emparé de l'Empire d'Occident, Arbogafte, qui avoit fait périr Valentinien, l'engagea par jalousie à une guerre contre les François. Ce General passa le Rhin vers Cologne a la fin de l'année 392, au milieu de l'hyver : mais Marcomir ayant abandonné, la plaine, se contenta d'incommoder son armée & de se montrer sur les hauteurs des environs ; de sorte qu'apres le pillage de quelques lieux déja vuides, Arbogaste se vit obligé de repasser ce fleuve & fut le premier à ménager un accommodement, par lequel Eugene ayant renouvellé les anciens Traitez avec les Francs, ceux-ci grossirent son armée de toute leur milice pour marcher contre Theodoze, qui du fond de l'Orient venoit chasser l'Usurpateur.
Environ l'an 396, l'Empire d'Occident étant dévolu à Honorius, second Fils de Theodoze, Stilicon son * Ministre passa en Germanie pour renouveller les traitez faits avec les Francs & les Allemands & recevoir leurs otages sce qu'il éxpedia en 15. jours : mais peu après les deux freres, Marcomir & Sunnon, ayant voulu troubler la paix, le premier fut arrêté & ensuite banni dans la Toscane, & le second ayant vainement menacé de venger l'injure faite à son frere, fut tué par sa propre Nation, qui vouloit conserver l'amitié des Romains. Honorius donna de son autorité d'autres Rois aux Francs & Claudien semble marquer que ces différens événemens sont arrivez avant la révolte de Gildor, c'est à dire avant la fin de l'année 397.
* Claudien, de laudibus Stiliconis.
THEODOMER, Cinquième Roi.
THEODOMER.
Ren. Frig. ex Gregor. Tur. Lib. II. cap. 9.
On ne sçait pas au juste quel fut le nombre des Rois qu'Honorius imposa à la Nation Françoise, mais on sçait certainement que THEODOMER, fils de Recimer, le fut en effet. Il étoit préférable à tous autres par son éducation Romaine & par la reconnoissance des dignitez que son Pere avoit possédées darre l'Empire : aussi voit-on que son attachement aux Romains, non seulement bannit les troubles & la mesintelligence entre les deux Nations depuis l'an 397 ; mais que les Wandales & les Bourguignons ayant voulu forcer les barrieres de la Gaule en l'année 406, 7, ou 8, les Francs s'y opposèrent avec tant de succès qu'ils firent perir 20000. hommes de ces Barbares surla place, avec leur Roi Godegesile, & qu'ils auroient détruit toute la Nation, si Respandial Roi des Alains ne s'étoit déclaré contr'eux, après avoir fait passer le Rhin à Goar, autre Roi de la même Nation, pour attaquer les Romains & empêcher le secours qu'ils auroient pû donner aux Francs.
L'issuë de cette guerre fut dommageable à la Nation par la perte de ses meilleurs sujets, outre qu'elle l'aliena entièrement des Romains, qui lui refuserent une retraite au deça du Rhin, dans le fort de sa calamité : de sorte que les Francs se joignirent depuis aux Barbares, pour faire des courses sur les Terres de l'Empire. La premiere qu'ils firent arriva dès l'année 407, ou 8, sur les instances du Tyran Constantin, révolté contre Honorius. Car celui-ci étant assiègé dans. Valence sur le Rhône, par Sarus, Général de l'Empereur, il fut délivré par Edobée, non Roi, mais Général des François, qui conduisit éxprès une armée dans les Gaules, laquelle n'en- sortit qu'après avoir fait de si grands ravages (1), que la Belgique en fut entièrement desolée, & que le siège de la Présecteure générale des Gaules, qui étoit à Trèves, fut transportée à Arles en Provence, où le Tyran Constantin fit depuis son séjour ordinaire.
La seconde Irruption des Francs est fixée autour de la mort du Tyran Jovinus, qui avoit pris les armes, contre Constantin & qui périt au plus tard en 413, parce que selon
(1) Il y a outrages, dans le MS.
la narration de Frigerid, rapportée par Grégoire de Tours, plusieurs de ses partisans de la Province d'Auvergne ayant été enveloppez dans son malheur, on apprit en même tems, que les Francs étant entrez dans les Gaules, y avoient saccagé & brûlé la ville de Trèves. Ce fut à cette occasion que le Patrice Constance qui commandoit Jes armées d'Honorius dans les Gaules, dépêcha Cartinus, Comte des Domestiques, avec une armée pour repousser les François. Grégoire de Tours ne dit pas positivement quel fut le succès de cette guerre ; mais selon l'arrangement des faits qu'il rapporte & qui est confirmé par Fredegaire *, les Francs furent rudement punis de leur révolte. Cartinus les ayant vaincus, passa le Rhin, les battit de nouveau & tua le Roi Theodomer avec sa Mere Ascila. Ce dernier Auteur dit positivement que Theodomer fut tué dans un combat : mais Grégoire, qui cite les Fastes consulaires de son tems, s'éxplique de maniere que l'on peut croire que la Mere & le Fils furent condamnez à mort par un jugement & qu'ils périrent par le glaive, gladio interfeïïo. Ce même passage de Grégoire est considerable par rapport au Pere de Theodomer, Filium Recimeris quondam, [le Fils de Recimer] parce que ce dernier mot semble designer éxpressement les dignitez Romaines de Recimer & particulièrement son Consulat. Cet événement tombe sans difficulté sur l'année où Constance fut Consul de l'Occident, c'est à dire, l'an 414.
La même année on vit établir les Bourguignons dans la Gaule sous la conduite de leur Roi Gibica. Nous parlerons dans la fuite des circonstances de leurs conquêtes : les Francs n'avoient point éncore abandonné leurs demeures d'au delà du Rhin, mais ils étoient passez en si grand nombre dans la Tongrie, le long des rivages de la Meuse & du Demer, qu'ils se trouvoient les maîtres de tout le païs & y vivoient tellement selon leurs Loix particulières, qu'ils y choisirent des Rois ou Magistrats, pour rendre la justice parmi eux dans les divers Cantons où ils étoient divisez. Grégoire de Tours le marque positivement, avec la circonstance que les Rois furent tirez de la même famille, qu'il dit avoir été la plus noble d'entre ceux que Fredegaire éxplique, en disant qusis étoient de la même race que les Anciens : par où l'on peut entendre Marcomir & Sunnon, & même Mellobaudès.
Mais cest ici où la confusion des Historiens augmente, lors qu'il semble que les faits devi oient séclaircir. On ne sçait point, où plutôt on ne s'accorde point sur les noms de ces nouveaux Rois. La Chronique de Tiro ProSper suppose, que celui qu'elle nomme PHARAMOND, a commencé à règner en 418, la même année de l'élection du Pape Zozime, en laquelle il arriva une Eclipse de Soleil le 19. de Juillet : mais il y a deux choses à remarquer sur le sujet de ce Tiro Prosper. La premiere, que c'est un Ouvrage supposé & qui ne doit avoir aucune autorité, parce que la plûpart des autres fàits qu'il l'apporte, sont faussement alterez & avec si peu de vraisemblance, qu'il est impossible qu'il puisse passer pour un Ecrit contemporain. La date même qu'il donne au regne de Pharamond ne se rapporte point à l'ànnée d'Honorius qu'il marque : aussi quoique tous ces Historiens postérieurs l'ayent suivi à l'égard de la supposition de ce premier Roi, il ny a nulle autorité suffisante pour l'établir, contre ce qu'en ont dit regone de Tours & Fredegaire. La seconde observation qui regarde Tiro Prosper, est qu'il paroit que dans ces tems modernes un certain particulier s'est attaché à faire valoir son autorité, à cause d'un passage qui fait passer S. Augustin pour Auteur de l'Hérésie nommée des Prédestinatiens : Praedestinatiorum haeresis quae ab Angustino acceum, hisce temporibus serpere exorta : : [c'est à dire, que l'hérésie des Predestinatiens qui commença par S. Augustin, se répandit principalement dans ces tems-ci.] Mais c'est précisement ce passage qui convainc le faux Prosper dé supposition, n'y ayant jamais eu de Disciples de S. Augustin plus attachez à sa doctrine que le véritable Prosper, puisque que ce fut lui qui déféra à ce S. Docteur les sentimens des Prêtres de Marseille, qui puis condamnez comme Semi-Pelagiens. Depuis, le véritable Prosper composa
* Ch. 8.
une Chronique qui commence à Adam & qui est conduite par Consulats jusqu'à l'an 455 : en cela toute opposée à celle de Tiro Prosper, qui compte par les années des Empereurs, contre l'usage formel de ce tems-là. On peut voir ces deux Chroniques imprimées dans le premier Tome de Du Chesne.
CLOJO, ou CLODION, Sixième Roi.
CLODION.
NOUS pouvons donc tirer pour juste conclusion que ce que cet Auteur & tous les autres, après lui, ont dit de Pharamond, supposé premier Roi des François, n'a aucune certitude, pour ne pas dire, qu'il ne sauroit convenir avec la narration simple & naïve de Grégoire de Tours, lequel ayant parlé des Rois chevelus, que les François élurent par Cantons dans cette Tongrie, ajoute que Clojo, le plus utile, c'est à dire, le meilleur Général d'entr'eux, comme il étoit celui qui a voit le plus de réputation, utilissimum & nobilissimum in gente sua, avoit aussi la principale autorité & qu'il faisoit sa résidence au château de Disparg, que l'on croit être aujourd'hui Duibourg, à 3. lieuës de Bruxelles *.
Que si l'on veut absolument concilier ces Auteurs, il semble qu'il n'y a d'autre parti à prendre que celui du savant Usserius, lequel ayant observé que Fredegaire dit de Theodomer ce que les autres disent de Pharamond & qu'il assure de plus qu'il a été le Pere & le Prédécesseur immédiat de Clojo, ou Clodion, a conclu que Pharamond & Theodomer devoient être le même Prince, connu par les Auteurs sous différens noms : mais il resulte de-là, contre l'opinion du Vulgaire, que Clodion a commencé à règner dès l'an 414. ce qui détruit les suppositions de Tiro Prosper, l'observation de l'Eclipse de 418, & tout ce qui a été édifié sur ce fondement.
On ne sçait pas au juste en quelle année Clodion entreprit de s'établir plus avant dans la Gaule & de tirer sa part des débris de l'Empire Romain : mais nous apprenons de Grégoire de Tours, qu'ayant envoyé reconnoître le païs & particulièrement la ville de Cambray, il fondit tout à coup sur les Romains, & s'empara de cette place ; en laquelle ayant fait peu de séjour, il étendit sa domination jusqu'à la Somme, usque ad Summam fluvtum occupavit. Cette expédition se peut rapporter à l'année de la mort d'Honorius, c'est à dire, à l'an 423, & peut-être même à l'an 420, qui est regardée de tous les anciens comme l'Epoque de la Monarchie Françoise ; s'il est vrai toutefois qu'elle ait suivi la troisième Destruction de la ville de Trèves, que l'on place sept ans après celle dont Theodomer fut l'Auteur.
Ces divers mouvemens des Francs obligerent enfin Aetius, Préfet des Gaules, de s'avancer contr'eux avec une armée : il les trouva dans une sécurité si grande, qu'ils ne songeoient qu'à des réjouissances. La vraye Chronique de Prosper marque le tems de cette guerre sous le Consulat de Felix & de Taurus, c'est à dire, en l'année 428, la 5. du règne de Valentinien III, & porte précisément que cette partie des Gaules, qui avoit été envahie par les Francs, fut rejointe à l'Empire par les armes du Comte Aetius ; ce qui est confirmé par la Chronique de Cassiodore. Cependant on ne sauroit douter, que Majorien, qui parvint depuis à l'Empire, ne fut en quelque forte le chef de cette guerre : car c'est dans son Panégyrique, fait par Sidonius Appollinaire, que nous apprenons que les François furent surpris au milieu d'une fête nuptiale, dans le lieu de
* Ou peut-être Duisburg au dessous de Wesel : Voyez Maty Diction. Geograph.
Lens en Artois, Vicus Helenae, qu'ils furent taillez en pièces & réduits à abandonner toutes leurs Conquêtes.
Grégoire de Tours n'a point parlé de cette infortune des Francs, quoiqu'il soit certain que la guerre ne fut pas terminée par le combat de Lens, puis qu'elle duroit encore en 430, selon le témoignage d'Idace, dans sa Chronique, où il dit de lui-même, qu'il fut député d'Espagne vers Aetius, occupé pour lors à une guerre dans la Gaule, qui expeâitionem agebat in Galhis & iur lannee suivante, il dit que les François ayant encore été vaincus dans une bataille, ils furent reçus a traiter & a faire une paix qui mit fin à cette guerre : après quoi Aetius députa le Comte Cenforius avec le même Idace vers les Sueves, qui aboient alors occupe la Gallice en Espagne ; Juperátis per Aetmvi in certamine Francis & in pace susceptis Censorius comes &c. Ainsi nous avons un témoin oculaire de ce qui se passa depuis 428, jusqu'à 431, entre les Romains & les François : surquoi on peut dire, qu'il y a lieu de s'étonner que les PP. Sirmond, Labbe & Petau, ayent pû rejetter l'éxpédition de Clodion sur Cambray & le reste de la Belgique jusqu'à l'année 445, contre des preuves si précises : mais selon leur systheme il faloit trouver place au règne de Pharamond, pour conserver l'autorité de Tiro Prosper. Nous n'aurons point le même reproche à faire au P. Daniel, s'il est vrai qu'il ait rejette comme incertain * tout ce qui s'est dit des François avant le règne de Clovis.
Clodion ayant fait sa paix avec les Romains, envoya le plus jeune de ses Fils à Rome, pour y mériter les bonnes graces de Valentinien. Aetius, qui l'avoit adopté par honneur, le combla de présens pour ce voyage, & le Rhéteur Prifcus Panitès, dont les fragmens se trouvent au I. Tome de l'Histoire Byzantine, rapporte l'y avoir vu dans sa premiere jeunesse avec des cheveux blonds, qui par leur longueur se répandoient sur ses épaules : c'est le sens des paroles suivantes : Vidimus Romae legationem obeunteM, nundum îanugine effiorescere incìpiente, flana coma capillis propter densitatem ÍF magnitudinem super humerum effusis : hune etiam Aetius in filium adoptaverat & plurimis donis ornatum ad Fmperatorem, ut amicitiatn & focìetatem faceret, miserai. Un traitement si favorable doit faire juger que Aetius, s'etant rendu facile dans le traité de paix, conserva aux François une étenduë de païs suffisante pour leur habitation au deça du Rhin, laquelle se trouva faire bien-tot après un partage séparé du Royaume des François, dont le jeune fils de Clodion fut revetu par le bienfait des Romains, pendant que l'aîné se mit en possession de la partie dau delà du Rhin.
La Chronique de Tiro Prosper place la mort de Clodion en l'année 447, apparemment un an ou deux plûtôt qu'il ne convient, puis que nous apprenons du même Pricus, que cette mort fut l'occasion de la guerre qu'Attila fit aux François, & après eux, aux Romains ; ce qui n'arriva qu'en 450 & 451. Le fait certain & qui n'a été donné par aucun de non Historiens, avant Le Laboureur, au Traité de la Pairie, est que l'aîné des Enfans de Clodion, n'ayant pû gouter les moeurs Romaines, se retira en Allemagne, où s'étant joint à Attila, Roi des Huns, il fut elû Roi des François naturels au delà du Rhin par sa protection ; pendant que le puisné, nommé Merouée, qui avoit mérité l'amitié de l'Empereur & celle d'Actius, fut, par leur autorité, choisi Roi des François Ripuaires : mais parce que ces deux peuples ensemble avoient obéï à Clodion, l'aîné, impatient de cette division, porta Attila à faire la guerre aux François d'au deça du Rhin ; Francos bello lacessendi illi causa suit, dit Priscus, & enfin, il le détermina à porter toutes ses forces dans la Gaule pour en chasser les Romains & sa propre Nation ; ce qui est témoigné par le même Priscus, qui dit qu'il inonda la Gaule avec Attila, & par Sidonius Apollinaire, dans le Panégyrique d'Avitus, où ayant d'abord marqué la résidence ordinaire de ce Prince François sur les bords du Necker, il ajoute qu'il entra dans les Gaules avec fureur.
D'autre côté, Merouée ne manqua pas de se joindre aux Romains ses protecteurs & il entraina avec lui tous les peuples auxquels l'invasion des Huns pouvoit faire craindre
* Il l'a rejetté en effet, comme on peut le voir dans son Histoire.
leur ruïne particulière. Paul Diacre compte au nombre des Auxiliaires les Sorences, les Alains, les Sarmates, les Amoricains, les Piticiens, les Bourguignons, les Saxons, les Francs, les Ripuaires, les Bretons, autrefois Soldats, à present Alliez des Romains, & enfin les Goths, les plus puissans de tous ; puis il ajoute que toutes ces Nations Celtiques ou Germaniques, s'étant renduës dans les Campagnes qu'il nomme Catalaunii & Maurisii, longues de 100. lieuës & larges de 70, selon la maniere dont les Gaulois comptent les distances, elles y attendirent Attila ; lequel après avoir vaincu & tué Gundicaire Roi de Bourguignons, s'y rendit avec une prodigieuse armée de Huns, de Gepides, de Marcomans, de Sueves, de Quades, & de toutes les Nations du Nord. Ce fut en ce lieu que se donna le signalé combat, qui ruïna la fortune de ce Roi barbare. Il y eut, selon le même Auteur, 180000. morts sur la place : les Gots & les Francs eurent l'honneur de cette journée ; mais les premiers y perdirent leur Roi Theodoric.
Chron. Cassodori. Chron. Prosperi.
Cette grande action se passa sous le Consulat de Marcien Auguste & de Claudius Aclelphius, c'est à dire, en l'année 451 ; mais on ignore le tems de l'année & le lieu précis où elle se passa, quoique la dimension, rapportée par Paul Diacre & par Jornandes, puisse faire juger que la Champagne en lut le théatre. Cependant telle que fut cette victoire, elle auroit pû être fatale aux Romains, si Aetius n'eut trouvé le moyen de séparer les Alliez qui étoient beaucoup plus forts que lui. Il se défit de Torismond, fils aîné de Theodoric, en lui persuadant de regagner au plutôt ses Etats pour prévenir les entreprises de son frere ; & sous un autre prétexte il renvoya de même Merouée, Roi des Francs ; Simili & Francorum regém dolo fugavit, dit Grégoire de Tours. Pour ce qui est du fils aîné de ce Prince, il regagna l'Allemagne avec le reste de l'armée du Huns, selon le même Priscus, & l'on ignore ce qu'il devint.
Les Francs n'avoient point encore donné de si grandes preuves de leur valeur, ni mérité tant d'estime de la part des Romains ; c'est pourquoi malgré leur jalousie, ils se rendirent par reconnoissance plus faciles à recevoir au deça du Rhin les Francs d'Allemagne, qui voulurent venir habiter les frontières desolées de la Gaule & ceux-ci se cantonnerent dans le voisinage de leurs Compatriotes, qui y étoient déja, s'avançant de proche en proche & gagnant toûjours du terrain. Merouée ne vécut pas long tems après cela, car il doit être mort au commencement de l'année 456. puis que Childeric son fils, qui lui succéda, fut privé de son Royaume dès l'an 457.
CHILDERIC I. Huitième Roi.
CHILDERIC I.
Ce Prince étoit fort jeune quand il fut élevé sur les Boucliers des Soldats François ; . c'étoit chez cette Nation la feule cérémonie de l'inauguration des Rois ; & la preuve de sa jeunesse se tire de ce qu'il étoit encore enfant, lors que dans la premiere année de la guerre des Huns, il fut enlevé avec sa Mere par un parti de cette Nation & sauvé de ce danger par la valeur & l'adresse d'un particulier François, nommé WioMADUS, qui lui demeura attaché toute sa vie & est devenu un éxemple mémorable de fidélité dans nôtre Histoire. CHILDERIC mécontenta les François par des emportemens de jeunesse, qui deshonoroient les filles & les femmes des personnes les plus considérables. Le chagrin de la Nation alla même si loin, qu'il auroit été tué dans une Sédition générale, si, par le conseil de Wiomade, il ne se fut retiré au delà du Rhin, où il trouva retraite auprès de Pipin, Roi deTuringe. Fredegaire assure qu'il passa de là
a Constantinople & qu'il demeura À la Cour de l'Empereur ; mais les circonstances qu'il y ajoute, étant visiblement fabuleuses, il n'est pas sur de l'en croire.
Les François ayant chassé leur Roi, se trouverent disposez à s'unir aux Romains & choisirent à sa place le Maître de leur Milice qui se nommoit AEGIDIUS. C'étoit l'officier de l'Empire le plus dignifié qui parut alors dans leur voisinage & son administration leur fut favorable, en ce qu'elle les introduisit plus avant dans la Gaule par la nécessité où il se trouva d'employer les Francs & contre les Wisigoths & contre les Saxons, qui de troupes auxiliaires étoient devenus ennemis à cause des pillages qu'ils éxerçoient.
Ces Saxons n'avoient pas encore occupé la Bretagne, à présent dite ANGLETERRE ; ils y faisoient seulement la guerre contre les Naturels du païs que les Romains avoient abandonne ; leur foiblesse les ayant obligez de retirer ce qui leur restoit de forces vers le centre de leur Empire. Ces mêmes Saxons avoient fait aussi quelques descentes sur les cotes Armoriques & s'étoient établis en divers endroits des païs que nous nommons aprelent la Baffe Normandie & la Bretagne ; mais à la sollicitation d'Aegidius ils se rendirent a l'embouchure de la Loire, où il prétendoit les employer contre les Wisigots. Toutesfois ils n'y furent pas si tôt arrivez, qu'ils se cantonnerent dans les Isles de cette Riviere, d'où courant le plat païs ils rapportoient un butin infini dans ces mêmes es & le faisoient ensuite passer dans les lieux de leur demeure. La cruauté & la barbarie de ces Saxons sont devenues fameuses dans l'Histoire. Aegidius fut donc contraint de leur faire la guerre & se servit des Francs dans son Expedition.
Ce Prince règne sept ans paisiblement sur les François, mais en la huitième année, la nation trouva divisée ; ceux qui aimoient le repos & la jouissance actuelle, vouloient demeurer soumis à Aegidius ; ceux au contraire qui jugeoient plus sainement de la foiblesse des Romains & de l'assiduité de se procurer un Etablissement indépendant, vouloient rappeler Childeric. Fredegaire dit qu'il revint par mer de Constantinople & néamoins que les Francs furent le recevoir à Bar, apud Castrum Barrum ; ce qui paroit mieux convenir au chemin d'Allemagne.
Mais l'Auteur du Livre des Gestes des François rapporte la chose d'une maniéré bien différente, puis qu'il nous apprend que Childeric ne s'arrêta si long tems à Turinge que pour avoir le loisir de se mênager un parti parmi les Francs de Germanie, qui le reconnurent à la fin & le mirent à la tête d'une grosse armée, avec laquelle il s'empara de la ville de Cologne, la plus considérable de celles que les Romains possédoient en ce païs là & qui fut mal défendue par Aegidius ; que de Cologne cette armée s'avança sur la Moselle où elle ravagea le païs & brûla pour une derniere fois la ville de Trèves, que les Huns sous la conduite d'Attila avoient désolée, 15. ans auparavant. De Trèves, on peut juger raisonnablement, que Childeric s'avançant vers la Champagne, fut joint sur sa route & au lieu même de Bar, par les Francs établis dans la Gaule, qui voulurent quitter le parti d'Aegidius.
De là, selon Gregoire de Tours, Childeric s'avança vers Orleans avec des forces éxtraordinaires & il en desola le païs par d'affreux ravages, n'ayant pû entrer dans les mais qui paroit avoir été un grand combat, dont Gregoire ne nomme pas les auteurs, d'Odoacre & des oir ete donné entre aaegidius & Childeric le premier étant soutenu d'Odoacre & des Saxons, ainsi qu'Aimoin semble l'indiquer. Odoacre se retira de vitesse à Angers, selon Gregoire, & n'y fut pas poursuivi à cause d'une peste cruelle qui desoloit alors la Gaule & qui emporta Aegidus lui-même au mois d'Octobre, l'an 464. Selon le témoignage d'Idace qui donne cet événement sur l'an d'Abraham 2481, commençant au premier d'Octobre de la même année, Aegidius laissa un Fils nommé Siagrius, qui se maintint dans le titre de Roi des Francs & dans la possession de plusieurs places où son Pere les avoient introduits ; mais le commandement des troupes Romaines passa au Comte Paul.
DE¬ que la nouvelle de la mort d'Aegidius parvint a Odoacre, il conçut l'esperance de se rendre maître de la Gaule °ccidentale & danscette ldee ú se fit reconnoi^e a ^ngers & dans les villes voisines, dont il emmena des otages en se retirant vers l'embouchure de la Loire, où il avoit établi son fort. Mais le Comte Paul avec ses Romains & les Francs de Siagrius, ayant marché d'abord contre lui, l'obligea de revenir a Angers sur sa flotte, toute composée, selon l'usage de ce tems-là, de batimem tres-legers. D'autre part, Childeric avec son armée se mit à la suite du Comte Paul, a dessein de l'enfermer entre deux ennemis ; il l'atteignit près d'Angers, lui livra bataille, le tua de sa main & se rendit maître de la place, où l'Eglise Cathédrale fut brûlée par malheur : après quoi, soit que Childeric se joignit aux Romains & à Siagrius, soit que les laissant agir seuls, Odoacre fut repoussé jusqu'au lieu de sa retraite accoutumée, les Romains ayant tué grand nombre de ses gens & les Francs ayant forcé la plûpart des Isles ou ils se retiroient ; en cette éxtremité il rechercha l'alliance de Childeric, qui le ramena & ses troupes sur le bord du Rhin où il lui étoit survenu des affaires si importantes qu'il fut obligé de lâcher ses Conquêtes éloignées pour conserver son propre pais, ]e veux dire celui des Ripuaires & ce qu'il occupoit dans la Belgique.
Un effroyable multitude d'Allemands, après avoir ravagé cruellement toute l'Italie & éteint l'Empire d'Occident, étoit rentrée dans les Gaules pour faire les mêmes desordres, & ce torrent avoit déja désolé plusieurs Provinces dans le voisinage du Rhône, lors que Childeric, joint aux Saxons, les combattit avec tant de succès, qu'en ayant tue une grande partie, il subjugua le reste & le soumit aux François ; c'est à dire, les reduisit en esclavage.
La Narration de Grégoire de Tours, dans le récit de ces événemens, est tellement serrée, que l'on pourroit imaginer qu'ils sont arrivez en un assez court espace de tems ; mais comme la victoire sur les Allemands doit être postérieure à l'an 476. qui est celui de leurs incursions en Italie, on juge aisément que c'est un defaut de stile & de méthode d'autant plus sensible que l'on voit bien qu'il a voulu caracterizer quelques-unes des années de cette guerre, savoir celle de la mort d'Aegidius, par la désignation dune maladie epidemique qui courut alors, & par celle de la guerre que firent les Gots aux malhûreux Bretons qui s'étoient établis dans la Province de Bourges & qui furent taillez en pièces au bourg de Deols, que Grégoire de Tours nomme Dolensis in Biturica ; & encore celle de la ruine des Isles de la Loire, où les Saxons avoient leur retraite, par la remarque d'un éxtraordinaire tremblement de terre qui arriva cette année-là.
On voit au reste que malgré la continuité des guerres & la férocité du naturel & de l'éducation de Childeric, ce Prince donnoit son application au gouvernement du pais dont il étoit devenu le maître & qu'il y établissoit des Gouverneurs dignes du Commandement ; détruisant toutefois l'ordre & la jurisprudence Romaine. C'est ce que nous apprend la Lettre de Sidonius Apollinaire, écrite à Arvogast Comte de Trèves, au commencement de son Episcopat, c'est à dire, en 472 ou 473,0b entr'autres choses il dit à la louange de son éloquence Latine : Potor Mosellae, Tyberim ructas.... & si apud limitem ipfum Latina jura ceciderunt, verba non titubant. D'ailleurs on sçait que le fidelle Wiomade fut le perpétuel Ministre ou Conseiller de ce Prince.
Mais ce qu'il y a de plus bizarre dans la conduite de ce Childeric, ce sont ses Amours avec Bazine, femme de Bizin, Roi de Turinge, qui lui avoit donné retraite. On peut juger par-là quelle étoit la règle des moeurs de ces Nations barbares & que pour mériter parmi elles l'estime publique, il suffisoit d'être hardi, quoique deshonoré par l'ingratitude & l'injustice. Fredegaire, le Gejia Francorum & autres Auteurs, racontent néanmoins la chose le plus favorablement qu'ils peuvent, en disant que ce fut Bazine qui quitta son mari pour se joindre à Childeric & qu'elle le fit par une singuliere estime de sa valeur : à quoi ils ajoutent qu'étant grande Magicienne, la premiere nuit qu'elle
passa avec son nouveau Mari, elle éxigea qu'il ne la touchât point, mais qu'elle le pria jusqu'a trois fois de sortir de son lit & de sa tente pour observer les images qui lui paroîtroient ; que la premiere fois il vit la figure d'un Lion, d'une Licorne & d'un Léopard ; la seconde, des Loups & des Ours ; & la troisième, de petites bêtes, comme des Chiens qui se rouloient ensemble dans la poudre & s'entremordoient : ce qu'elle éxpliqua en lui disant, que le fils qui naîtroit de leur mariage auroit la force & le courage d'un Lion ; que ses Enfans seroient cruels & voraces comme des Loups & des Ours, & que leur postérité tomberoit dans rabaissement & le mépris, n'ayant ni force, ni élevation, suivant l'idée que representent les petits chiens qui se roulent & se mordent les uns les autres.
Enfin Childeric mourut à Tournay après 24. ans de règne, qui finissent en l'année 481. Il fut inhume hors de la ville & sur le bord du grand chemin, selon la coûtume du tems, auquel lieu on a depuis élevé une Eglise dite de S. Brice, où lon découvrit en 1653 le tombeau de ce Prince, dont les restes qui s'y étoient conservez, son découvrit en son sceptre ou bâton Royal, avec l'agraffe de son manteau, se voyent aujourd'hui dans son sceptre ou bâton Royal, avec l'agraffe de son manteau, se voyent aujourd'hui dans la bibliothèque du Roi.
On peut juger par l'Histoire des trois règnes, de Clodion, de Merouée & de Childefaire quelques Modernes, que ces s'il est raisonable de soutenir, comme l'ont osé faire quelques Modernes, que ces Princes n'ont point règné dans la Gaulle, puis qu'au contraire ils y ont passé leur vie, quoiqu'il ne paroisse pas qu'ils y ayent formé d'autre établissement que celui que les Francs se sont faits peu à peu dans la Belgique, premiere de ces places qu'elle auroit attaquée. Mais Clovis souilla la gloire de cette conduit par la mort de Siagrius, qu'il fit tuer en secret, quant il n'en espera plus rien. Gregoire de Tours & les autres Auteurs marque positivement la guerre de Siagrius en al 5. an née du règne de Clovis, qui, selon l'éxactitude de la Chronologie, a dû commencer en Automne l'an 485. Ainsi le fort de cette guerre & les principales Conquête de Clovis tomberent dans les année 486, 87 & 88. La ville de Gand, la derniere qui tint pour les Romains, se rendit 489. Les soldats des Garnisons Romaines eurent bien de la peine à renoncer à la vie militaire. Il se conservent leur discipline durant quelques années, jusqu'à ce qu'ayant perdu leurs Officiers & se trouvant dans l'impossiblité de rejoindre aucune armée de leur Nation, parqu'il en subsistoit aucune dans tout l'Occident, les uns se joignirent aux Francs, les autres se marierent & prirent le parti de cultiver la Terre avec les Gaulois naturels.
Ainsi Clovis se forma un beau Royaume, dont les bornes s'étendoient depuis le Rhin jusqu'à la Seine & jusqu'à la Loire. Cependant soit qu'il n'eut pas encore un âge assez mûr, & que son plan ne fut pas tout à fait formé, il les pilla dans les commencemens avec tant d'indiscrétion, que Gregoire de Tours l'en a blâmé, jusqu'à dire qu'il en abondonnoit les Eglises à la fureur des soldats : mais il se corrigea dans la suite & se rendit sur tout favorable au Clergé, comme il paroit par l'Histoire d'un Vase, dont il sera parlé dans la suite. Les Rois particuliers d'Arras, de Cambray, d'Amiens, de Trèves ne donnoient encore aucune jalousie à Clovis : les Ripuaires de Cologne & de Juliers étoient ses Alliez, ou peut-être trop puissans pour qu'il osat les attaquer. C'est ce qui l'engagea à porter ses veues de l'autre côté du Rhin, bien aise de visiter le païs de son origine & d'y faire reconnoître son autorité, en augmentant ses troupes de la jeunesse qui voudroit prendre parti avec lui ; ce qu'il fit avec tant de succès, qu'il se trouva assez fort pour attaquer la Turinge l'an 10. de son règne, c'est dire en 491. & pour la soûmettre à lui payer un tribut.
CLOVIS I. Neuvième Roi.
CLOVIS L
CLOVIS, fils de Childeric, succéda à la dignité de son Pere, parmi les Ripuaires OU Francs de la Belgique & fut peu après élu Général de l'armée par les Saliens qui l'accompagnoient : Nous avons, dans le Recueil de Du Chesne, une Lettree S. Remy, Evêque de Rheims, addressée à Clovis, par laquelle il le félicite sur le choix fait de sa personne pour remplir la dignité de Général. Je doute néanmoins qu'on puiffe la rapporter à cette occasion, tant à cause de la grande jeunesse de Clovis, que parce qu'il n'étoit pas encore Chrétien : toutefois Remy etoit Eveque des l'an 471.
Clovis étoit un jeune ambitieux, féroce, hardi, cruel, & très rusé : c'est à dire, qu'il possédoit les véritables qualitez d'un Héros barbare. D'autre part, les Romains de son tems étoient au dernier déclin de leur puissance. L'Empire ne se soutenoit plus, & par rapport aux Provinces Belgiques & aux deux Lyonnoises, qui etoient encore Romaines, le Commerce avec l'Italie leur étoit coupé par les dominations des Visigots & des Bourguignons. Clovis profita en habile homme de ces circonstances ; il attaqua d'abord Siagrius, fils d'Egidius sous le prètexte de la jalousie du titre de Roi des Francs ; il lui livra divers combats, le défit sous la ville de Soissons & le pressa de telle sorte qu'il fut réduit à se sauver chez les Visigots à Thoulouze. Mais Clovis envoya d'abord le demander au Roi Alaric II. lequel, par une timidité que Grégoire de Tours ne peut s'empêcher de blâmer, le livra aux Ambassadeurs, qui le ramenerent chargé de chaînes. Clovis le traita avec quelque douceur dans le commencement & eut l'adresse de l'engager à lui remettre des ordres pour les garnisons Romaines, qui gardoient encore les principales villes de la Belgique & de la seconde Lyonnoise, & par cette ruse singuliere il devint maître de Rheims, de Provins, d'Auxerre, d'Orléans, de Sens & de toutes les autres villes de ces Cantons jusqu'à la Loire : avantage inéxprimable par rapport à la Nation, qui n'ayant qu'une armée médiocre & nulle expérience des Sièges, se seroit ruinée devant la limitrophe de la Thuringe. Les Romains ne purent voir cette prospérité sans inquiétude & sans jalousie, & c'est ce qui les porta à former une ligue contre les Francs, de laquelle nous verrons ci-après les effets.
En 493, Clovis épousa Clotilde, fille de Chilperic, autrefois Roi en Bourgogne, que son frere Gundebaut avoit fait mourir pour règner seul. Cette Clotilde, quoique Chrétienne & Catholique & à présent reconnuë pour Sainte, conserva toute sa vie le désir de venger son Pere & porta cette vengeance jusqu'à la ruïne de sa maison. Le premier fils qu'elle eut, fut nommé Ingomer & bâtizé, comme le raconte Grégoire de Tours, malgré le Paganisme du Roi son Pere ; mais il mourut bien-tôt après, ce qui donna occasion à Clovis de s'en prendre à la Religion Chrétienne. L'année suivante 495, la Reine mit au Monde un second Fils, qui fut encore bâtizé & nomme Clodomer. L'Histoire dit qu'il pensa mourir comme son aîné, aussi-tôt apres sa naissance ; mais qu'il fut conservé par les prieres de sa Mere & que cet événement rendit le Roi beaucoup plus favorable à la Religion.
En 496. les Allemands ayant passé le Rhin, dans le dessein de chasser les Francs de la Gaule, envahirent les terres des Ripuaires de Cologne. Sigebert leur Roi eut recours aux Saliens & à Clovis, & ces peuples réunis leur livrerent bataille à Tolbiac, que Mezeray a cru être Zulg à 10. lieuës de Cologne, mais que je pense avoir été situé beaucoup plus haut sur le Rhin. Le danger y fut si grand pour Clovis, que dans l'éxtremité, il jura de se faire Chrétien, s'il obtenoit la victoire. Il l'obtint en effet si complette, qu'il délivra la Gaule pour toûjours de la crainte des Allemands.
Il
Il ne restoit après cela qu'à accomplir son serment. Il s'en acquitta avec fidélité Clov il se fit instruire, pendant le chemin de son retour, par Vedast, alois simple Prêtre, qui l'ayant premièrement catéchisé a Toul, le mena a Rilly sur aisne, ou il le remit entre les mains de Remy, Evêque de Rheims, lequel acheva ce grand ouvrage & fit la cérémonie du batême de Clovis, de ses deux soeurs & d'environ 3000. hommes de ses Troupes, dans l'Eglise de S. Martin, hors de la ville, la veille de Noël en 496. Albofrede, l'une des Princesses batizées, mourut peu après & nous avons encore la lettre de Consolation que S. Remy écrivit à Clovis sur ce sujet.
Le Christianisme de Clovis est regardé par les uns comme un effet miraculeux de la Grace divine & par les autres comme l'un de ces coups de Politique qui ne sont mis en usage que pour tromper les peuples. En effet, si d'un côté, il paroit du prodige dans la victoire du Tolbiac, on voit de l'autre que Clovis Chrétien fut reconnu avec, empressement par les Gaulois : mais on ne voit pas qu'il ait été depuis ce tems-là ni plus fidelle, ni moins sanguinaire : il étoit pourtant vrai Catholique, loué, flatté & éxalté par tous les Evêques de son tems. Ce fut même, si l'on en croit quelques Historiens modernes, par zèle de Catholicité qu'il entreprit une nouvelle guerre contre Gundebaut, Roi de Bourgogne, Arien de Religion. Il est vrai qu'ils disent aussi que Clotilde en fut l'instigatrice par le motif de sa vengeance particulière. Quoiqu'il en soit, Clovis porta la guerre en Bourgogne & défit Gundebaut dans unè grande bataille qu'il lui donna auprès de Dijon, sous le Consulat de Patricius & d'Hypatius, c'est à dire, en l'année 500. Le vaincu se soumit à toutes les Conditions qui lui furent imposées & il consentit à partager son Royaume avec un frere qu'il avoit encore & à payer un tribut pour ce qui lui restoit. C'est ainsi qu'il sauva sa vie & son Etat pour cette fois.
En 502, la réputation des armes & de la Religion de Clovis porta tous les peuples compris entre la Mer, la Loire & la Seine à se donner à lui, comme ils avoient été aux Romains. Après quoi, ce Prince passa dans les Armoriques, où il se rendit maître des principales places & particulièrement de Vannes. Il paroit qu'il confia la garde de tout ce grand païs à un Corps de Troupes & à un Général ou Roi particulier, qui résidoit au Mans ; mais il sçut bien s'en défaire dans la fuite.
J'interromps ici le récit de la fortune & des actions de Clovis, à l'imitation de Grégoire de Tours, qui a jugé à propos de faire connoître l'état de la Gaule & les divers intérêts des Peuples qui l'habitoient, avant de toucher l'histoire de la Conquête de l'Aquitaine.
Les Romains avoient été maîtres de la Gaule durant 500. ans ; ils y avoient introduit leur langue & leurs moeurs ; les esprits s'étoient formez sur leur jurisprudence & sur les règles de leur gouvernement, quoiqu'il fut très-dur pour les peuples, que la force feule avoit accoutumé au joug. Dans la fuite, la Religion Chrétienne ayant gagné le dessus à Rome, passa aussi dans la Gaule & y fit un progrès si rapide, qu'au tems de la Conquête il n'y restoit presque plus de Payens : mais l'Hérésie Arienne qui s'y étoit introduite, auroit bien-tôt étouffé la sainte Doctrine, malgré l'attachement que les peuples avoient pour elle, si Clovis ne l'eut protégée & tirée glorieusement du danger qu'elle couroit.
Jean Paris Mém. Hist.
Les Bourguignons descendus, selon Avicenne & Orose, des premiers Romains que Drusus & Tibere établirent en divers postes de la Germanie, n'étoient pas les premiers Barbares qui eussent attenté sur la Gaule ; mais ils furent les premiers qui s'y établirent, savoir sur les bords du Rhin en 407, & depuis ils occuperent les Provinces Sequannoise, Lyonnoife & Viennoise, parce que le Patrice Constance, Pere de Valentinien III, leur ceda ses Provinces par un traité solemnel en 414 : mais quoiqu'ils eussent droit de s'en emparer, comme maîtres ; ils se contentèrent d'y être reçûs à titre d'hospitalité. Un Auteur ancien dit, après Socrate l'Historien, que les Bourguignons étoient des hommes simples & pacifiques, presque tous artisans & fort contens de gagner leur vie par leur
tavail. D'un autre côté, Salvien dit qu'ils étoient les plus foibles & les plus lâches des Barbares ; s'étonnant par cette raison que la Justice divine leur eut livré les plus belles Provinces de la Gaule. Dans le fait, l'humanité éxtraordinaire qu'ils témoignèrent en cette occasion, avoit son principe dans l'estime que les peuples ignorans, mais dociles, avoient conçûë pour les moeurs & les sciences des Romains, qui fut telle, que non seulement ils embrasserent le Christianisme & peu après l'Arianisme, qui en paroissoit une Réforme ; mais qu'ils se laisserent tout à fait gouverner par les Ecclésiastiques, lesquels d'ailleurs ne connoissant de justice que celle à laquelle ils étoient accoutumez par les Loix Romaines, persuadèrent aux crédules Bourguignons de renoncer à celles qu'ils ont apportées de leur païs, & d'en former de nouvelles, dont ils se rendirent les arbitres. De cette simplicité & de ce zèle pour la justice, il n'y avoit qu'un pas à faire pour rentrer dans la vraye Religion. Aussi la Grace leur fut fidelle ; ils redevinrent Catholiques & depuis on vit fleurir sous leur protection, non seulement les Arts & les Lettres, mais même les vertus sanctifiantes ; de sorte que le Royaume de Bourgogne devint la retraite des Savans & de quantité de Saints, obligez d'abandonner les autres parties de la Gaule, à cause des perlécutions qu'y souffroient les hommes pacifiques.
Quant au Roi Gundebaut, qui étoit Roi contemporain de Clovis, il aimoit la domination & la règle, quand il avoit le plaisir de l'ordonner. Il avoit aussi de grands talens ; mais il etoit né avec une disposition de fortune si changeante, qu'il perdit sa couronne & la regagna plusieurs fois : de sorte que son intérêt n'étoit que de mênager ses voisins & particulièrement Clovis, dont la fortune sembloit menacer la sienne.
Apres le sac de Rome qui arriva en 410, les Ministres d'Honorius voulant éloigner les Wisigots de l'Italie, leur cederent la Gaule Narbonnoife & l'Espagne ; le mariage de Placidie, soeur des Empereurs, avec le Roi Ataulphe, fut le sceau de ce traité : mais Ataulphe étant mort & Placidie ayant passé à un second mariage avec le Patrice Constance, celui-ci fit un nouveau traité avec Vallia, nouveau Roi des Wisigots & lui abandonna la Gaule Narbonnoife avec toute l'Aquitaine, c'est à dire toute la Gaule entre les deux Mers, le Rhône, la Loire & les Pyrénées. En conséquence de cette union, Vallia & son Successeur Evaric assujétirent toutes les Contrées cedées ; mais ils les assujétirent par force, a cause de la différence de Religion, parce qu'ils étoient Ariens.
L'Auvergne, où la domination Romaine étoit la plus aimée, & le Poictou, où l'on étoit le plus attaché à l'Orthodoxie, à cause que S. Hilaire, qui en avoit été autrefois le plus zélé défenseur, y avoit formé la Religion, furent les Provinces qui leur firent plus de peine. L'Auvergne se défendit long tems ; mais le Poictou leur échappa le premier. Il semble donc que leur intérêt & leur politique devoient être de bien assurer leur possession & de ne point s'attirer de nouveaux ennemis, lors qu'ils en avoient tant de domestiques.
Pour les François, ils occupoient la Belgique & les Germanies entieres, la seconde & la troisième Lyonnoise, avec une partie de la Senonoise : nous avons vû par quels progrès ils étoient venus si avant ; mais la Fortune qui les y avoit conduits, les destinoit encore a de plus grandes possessions. Nous allons voir comment ils les acquirent aux dépens des Wisigots les premiers & ensuite des Bourguignons.
Il y a bien de l'apparence que Clovis employa les années de repos dont il jouït après la guerre de Bourgogne, à fixer la police des François & de leurs nouveaux sujets C'étoit sans doute un grand ouvrage, pour la perfection duquel il eut besoin des plus sages de a Nation : mais comme les Francs n'avoient pas encore l'usage des lettres & que la différence du langage empêchoit les Gaulois de savoir ce qui se passoit entr'eux, ces Constitutions ne furent point écrites, & tout ce qu'on en sçait aujourd'hui, ne se tire que de quelques Lettres de la Loi Salique, de la narration historique de quelques faits particulier, & des usages dont la Mémoire s'est conservée. Nous tâcherons cependant d'en
former un plan dans la fuite, puis que c'est l'endrait le plus essentiel, quoique le plus CLO défectueux & le moins éclairci de notre Histoire.
Quel qu'ait été l'ordre nouveau, établi par le Conquérant de la Gaule, on peut assurer qu'il ne fut pas également au gré de tous ses habitans. Plusieurs y perdirent une partie de leurs biens & tous en général ce qu'ils appeloient leur Liberté : quoiqu'un fond ce qui leur en restoit sous la domination Romaine fut plus chimérique que réel. De-là se formerent quelques mécontentemens réciproques ; mais les Magistrats François furent si vigilans & si éxacts, que tous ceux qui auroient pû se rendre Chefs de parti parmi les Gaulois, furent obligez à s'éxiler eux-mêmes sur les terres des Wisigots ; & ceux-ci esperant profiter de ces mouvemens, leur donnerent retraite & fureté en attendant les occasions. En cet état Clovis, accoutumé à la hauteur, redemanda les Réfugiez, & les Wisigots les refuserent : de sorte que les deux peuples alloient en venir à une rupture, lors que Théodoric, Roi des Ostrogots en Italie, s'entremit pour les concilier. On trouve dans le Recueil de Cassiodore, plusieurs lettres qu'il écrivoit tant à Clovis qu'à Alaric Roi des Wisigots, à Gunebault Roi des Bourguignons & aux Rois des Herules, Guarniens & Thuringiens, pour prévenir les suites de ce différent. Il y eut une entrevûë des deux Rois, un traité fait à Amboise ; mais tout cela ne différa la guerre que de peu de mois. Car les Poictevins s'étant révoltez sous la conduite de Saldebrodus contre leurs Maîtres Ariens, celui-ci se jetta d'abord sous la protection de Clovis, qu'il invita à venir en personne recevoir de nouveaux sujets qui vouloient se donner à lui.
Alaric II. règnoit alors chez les Wisigots, lequel n'eut pas plutôt reçu avis de l'indisposition des peuples, qu'il vint avec une armée s'assurer de la ville de Poictiers. Clovis de sa part ne fit pas moins de diligence, & son passage de la Riviere de Vienne est rapporté dans les Chroniques de Poictou, comme un événement miraculeux, accordé à la pureté de sa Religion. II n'en faut pas moins dire du succès de la bataille qu'il donna aux Wisigots au lieu de Vouglay, in Campo Vogladensi, que l'on croit être Ciraux sur la Vienne, àdixlieuës de Poictiers : toutes leurs forces y furent détruites & Alaric même tué de la propre main de Clovis. Après cette victoire, il assura à loisir la Religion des Poitevins ; mais il les soûmit aux François par provision. Grégoire de Tours place ce grand événement quatre ans complets avant la mort de Clovis, c'est à dire, en 507, puis qu'on est certain, par les actes du Concile d'Agde, tenu le 10. Sept. 506. que l'Aquitaine entiere obéïssoit encore alors à Alaric.
Il reste quelques-unes des Ordonnances que Clovis fit à Poictiers en faveur de l'Eglise après sa victoire ; & il est remarquable que n'ayant pas l'usage d'un sceau Royal, il les fit sceller du sceau de l'Evêque. De-là marchant en avant, il soûmit l'Angoumois & la Xaintonge : on prétend même que les murs de la ville d'Angoulesme tomberent devant lui, comme ceux de Jéricho étoient tombez devant Josüé. En fuite il passa à Bordeaux qu'il soumit sans résistance. Enfin il donna le reste de l'année à assujétir la Novempopulanie jusqu'aux Pyrénées, pendant que son Fils aîné Thierry, avec une autre armée, s'empara du Limousin, du Quercy & de l'Albigeois, de la Rouergue & même de l'Auvergne, qui se seroit volontiers passée de Maîtres, mais qui aimoit encore mieux les François que les Wisigots, comme elle auroit préféré les Bourguignons à tous les deux.
Au commencement de 508, Clovis marcha à Thoulouze, principale ville des Etats des Wisigots. Il la prit avec le trésor, c'est à dire, les fonds publics que l'on y amassoit. Tous les peuples s'empresserent de le reconnoître dans l'idée de sa Catholicité, De forte qu'il auroit entièrement chassé les Gots, s'il n'avoit interrompu ses conquêtes par un voyage qu'il fit à Tours, pour y recevoir solemnellement les Ambassadeurs de l'Empereur Anastafe, lesquels lui apportoient avec les titres & les ornemens de Patrice & de Consul, le Diadème & le bandeau Royal, qui, selon lui, devoit autorizer ce qu'il avoit dessein d'entreprendre. II ne me paroit pas cependant que Clovis fut d'un cara-
ctere à chercher le faste ou le spectacle : mais les idées du Christianisme purent lui persuader que la concession de l'Empereur rendroit sa possession légitime. D'ailleurs il étoit bien aise d'ôter aux Gaulois tout prètexte de lui refuser obéissance : mais il est probable que son motif principal étoit d'acquérir un droit, de quelque espèce qu'il pût être sur les autres Rois de sa propre Nation, qu'il souffroit avec impatience & jalousie. Il se rendit donc à Tours & reçût dans l'Eglise de S. Martin une espèce d'Investiture de ces dignitez. Après quoi il parut en public revêtu des habits de cérémonie, que l'usage de l'Empire d'Orient leur avoit rendu propres ; & l'Histoire remarque que cette installation religieuse lui concilia de plus en plus l'esprit des peuples. Je ne puis toutefois m'empêcher de souscrire à l'opinion de ceux qui pensent qu'il se fit tort, en soumettant à l'Empire, par cette cérémonie, le droit qu'il ne devoit qu'à sa propre valeur & à celle de sa Nation. On peut encore remarquer en passant que l'histoire de la Sainte Ampoule, descendue miraculeusement du Ciel & la vision de la Banniere, semée de fleurs de Lys, revelée à l'Hermite de Joyenval, s'accordent mal avec ce fait ; d'ailleurs véritablement rapportée par Grégoire de Tours, qui lui donne une autorité non contestée. De Tours, Clovis se rendit à Paris, qu'il déclara en même tems Capitale de ses Etats.
Clovis, en quittant la Gothie avoit laissé le commandement de ses Troupes à son Fils aîné Thierry, dont il avoit déja éprouvé la valeur & la conduite & qu'il étoit bien aise que les Francs s'accoutumassent à regarder comme Général. Celubci assiégea Carcassonne, en intention de couper aux Wisigots de France la communication de l'Espagne, dont ils tiroient tous leurs secours : mais il eut le malheur d'échouër devant cette place, & c'est la premiere que les François eussent assiégée. Ce qui fait juger que leurs progrès eussent été moins rapides, s'ils eussent eu plusieurs sièges à faire, dans le commencement de la Conquête.
Thierry cherchant après cela à rétablir la réputation de ses armes, osa passer le Rhône & assièger la ville d'Arles, résidence ordinaire des Rois Wisigots, & où le jeune Roi Almaric s'étoit retiré. Nouvelle disgrace, il fut encore obligé de lever ce siège, non seulement par la résistance des Assiègez, mais à l'arrivée du secours de Théodoric, Roi a Italie, envoyé aux Wisigots. Cela se passa en la même année 508, marquée dans la Chronique de Cassiodore par le Consulat de Venantius & de Celer.
Les Ostrogots, Conquérans de l'Italie, étoient de la même Nation que les Wisigots de la Gaule & par cette raison intéressez à leur conservation ; mais de plus, la Provence leur appartenoit, & l'entreprise de Thierry sur la ville d'Arles, leur devoit naturellement faire appréhender que ce jeune Prince ne songeat à les dépouiller. Outre cela Théodoric avoit accepté la tutèle du jeune Roi Almaric, fils d'Alaric tué par Clovis à Poictiers ; raison plus que suffisante pour l'engager à prendre la défense d'un Mineur confié a la générosité. II envoya donc une puissante armée sous la conduite du Comte Ibas, laquelle poussa les François & leur fit perdre 30000. hommes. Cassiodore parle de cette victoire des Ostrogots comme si elle avoit détruit le nouveau Royaume des François. Enfin Procope ajoute à tous ces événemens que la paix se fit entre Clovis & Théodoric aux conditions de faire une guerre aux Bourguignons & de partager leurs dépouilles : mais ce projet n'eut pas d'éxécution ; Clovis s'étant donné un autre genre d'occupation pour prévenir les guerres du dedans qui lui faisoient appréhender de ne pouvoir conserver, mles conquêtes communes à la Nation, ni sa propre fortune. Il jugea donc que le moyen le plus efficace pour parvenir à cette fin, étoit de réunir les François sous un même Chef, en se defaisant de tous les Capitaines qui prenoient le titre de Rois. En effets il les surprit les uns après les autres & les fit tous mourir, sans crainte de souiller sa reputation par les trahisons les plus noires, ni de blesser la Religion qu'il professoit. Il fit tuer son ancien Allié Sigebert, Roi desRipuaires Nerviens, & son Fils, après les avoir engagé d'entrer dans les ordres sacrez pour sauver leur vie ;
il fit assassiner Rignomer, Roi du Mans ; il tua lui-même Ragnacaire, Roi de Cambrai, qui l'avoit si bien assisté dans la guerre contre Siagrius, & reduisit par ces terribles moyens toute la Nation sous son obéissance. Il est vrai que c'étoit le seul moyen de fonder solidement une grande Monarchie ; mais une politique si sanguinaire n'a point encore trouvé d'approbateurs. On peut même penser que si Clovis ne fut pas empoisonné, comme il y a de l'apparence, la providence en voulut faire une punition, puis qu'il mourut presque aussi-tôt après, à la sieur de son âge, le 26. Novembre l'an 511, & 112. ans après la mort de S. Martin, dont Grégoire de Tours fait une époque particulière en cette occasion.
ETAT de la Nation Françoise.
Etat de la éLA
éLA des Gaules méritoit bien que je m'étendisse à son occasion, non seulement à cause de la dignité du sujet, qui est l'un des plus illustres que la M moire ait conservé, ou à cause de l'intérêt que nous y devons prendre, puis que c'est le fondement de l'Etat François dans lequel nous vivons ; mais principalement parce que c'est à cette Epoque que nous devons rapporter l'ordre politique, suivi depuis par la Nation, & le droit essentiel & primordial de tous ses Ministres ; ce qui doit faire le principal sujet des reflexions auxquelles cet Ouvrage est destiné.
On ne considere ordinairement la Conquête de la Gaule, faite par les François, que par rapport au chef de l'Entreprise, à la prudence & à la valeur duquel on veut qu'elle soit deuë, & si l'on étend un peu davantage ses reflexions, on ne pense qu'à la dignité du trône qui s'est élevé sous ces hûreux auspices : mais on oublie la Nation entiere, on ne s'embarasse plus de son sort, de même que si l'éxpédition de Clovis étoit comparable à celle d'Alexandre, qui conquit la Perse pour lui & à ses fraix. J'ai toûjours été choqué de ce mecompte de nos Historiens, qui, sans en éxcepter aucun, ont manqué à cet égard d'éxactitude & de fidélité dès le principe : & en effet c'est à ce titre le plus abusif qui puisse être imaginé, qu'il faut rapporter l'idée commune qui fait regarder la Gaule, & a présent la France, comme le Patrimoine de Clovis & de ses Successeurs : on ne se souvient plus que, dans l'origine, Clovis n'etoit que le Général d'une Armée libre, qui avoit élu pour la conduire dans des entreprises dont la gloire & le profit devoient être communs. Remettons donc ces objets dans leur véritable jour. Honorons dans la personne des Rois tout l'éclat & la grandeur qui appartiennent aux Chefs d'une Nation si belliqueuse ; mais examinons & faisons voir, selon les règles de la vérité & de l'hi-stoire, les droits & les avantages que cette même Nation a acquis & conservé sous la conduite a protection de ces mêmes Rois, principalement à l'occasion de la Conquête de la Gaule.
I. LIBERTÉ DES FRANÇOIS.
te'des
Dans l'origine, les François étoient tous libres & parfaitement égaux & indépen-dans, soit en général, soit en particulier. Il est évident qu'ils n'ont combattu si long tems contre les Romains & contre les Barbares qu'ils attaquoient, que pour s'assurer cette liberté, le plus cher de tous les biens. C'est ainsi que tous les Historiens & tous les autres en parlent, & cela n'est contredit d'aucun. Ils avoient cependant des Rois : mais si nôtre idée présente nous en fait regarder la dignité & la puissance comme incompatibles avec la liberté des particuliers, il n'en étoit pas de même pour lors ; les Rois François n'étoient à proprement parler que des Magistrats Civils, choisis & nommez par Cantons pour juger les différens des particuliers : de fortequencore qu'il y ait lieu de soutenir que l'Emploi en étoit successif, ou du moins attaché à une certaine famille, on ne laisse pas de voir par les éxemples de Merouée & de Childeric son Fils, que le peuple jouïssoit d'une liberté effective dans le choix personnel de ses Rois.
Tacit. de Moribus Germanorum.
Les François avoient aussi des Chefs pour les conduire à la guerre, & ils les choisissoient indifféremment ou dans la Famille Royale, ou dans toute autre, ne s'attachant à cet égard qu'à la valeur, qu'à la capacité dans l'art de la guerre & à la reputation du bonheur : Reges ex nobìlitate, Duces ex virtute fumunt ; nec Regibus infinita nec libéra poteftas ; & Duces exemplo potius quam imperio praesunt : c'est à dire, que la Naissance conduisoit à la Royauté & la Valeur au Généralat ; mais que les Rois n'avoient point un pouvoir arbitraire & sans bornes, & que les Généraux présidoient plutôt par l'exemple que par l'autorité. C'est ce que dit Tacite de tous les Germains : mais on voit cette distinction de la Royauté & du Généralat bien éxactement suivie pendants toute la durée de la I. Race des Rois, jusqu'à ce que la succession s'étant établie dans la Généralat, comme elle l'étoit déja dans la Royauté, Pepin le Bref les pósséda indivisément & les transmit à sa posterité, comme Merouée & Clovis l'avoient fait avant lui.
Or il est bien évident que la Fonction de Général d'Armée ou de Maire, car c'est le nom sous lequel nous la reconnoissons le mieux, ne pouvoit manquer de devenir plus considérable que la Royauté, sous un peuple dont le génie étoit entièrement militaire & qui dans les différens états de sa fortune, se trouva déterminé à faire une guerre continuelle, soit pour repousser les Barbares qui venoient inonder son territoire en Allemagne, soit pour s'aggrandir du côté où il esperoit trouver une situation plus commode, soit pour s'y maintenir après qu'il s'y fut établi.
Ainsi il est absolument contraire à la vérité & au génie des anciens François, d'imaginer que le droit Royal fut, parmi eux, Souverain, Monarchique ou Despotique, en telle sorte que les particuliers lui fussent sujets pour la vie, les biens, la liberté, l'honneur & la fortune : au contraire, encore une fois, tous les François étoient libres & par conséquent non sujets. C'est-là le premier principe ; ils étoient tous compagnons & c'est pour cela qu'ils furent appelez LEUDES, du mot Allemand Leuth, dont ils usoient eutr'eux, qui veut dire Compatriotes, gens de même société & condition. Ce terme, traduit en Latin, s'éxprimoit par le mot de Fidelis, & c'est pourquoi il est employé par les Rois dans les Addresses de leurs plus anciennes Ordonnances ; Omnibus Regni fidelibus, A tous les Fidelles du Royaume. Nous éxpliquerons ci-après la différence de ces deux formules : il suffit d'observer ici, que les Rois ne traitoient pas autrement les François, leurs inférieurs en dignité & autorité, qu'ils se traitoient eux-mêmes entr'eux. Ils étoient tous réciproquement Leudes, Fideles, Compagnons, & non pas sujets. En effet, pourroit-on croire que le François, né libre & souverainement jaloux
de cetre qu'alité, n'aurost employé son sang & ses travaux pour fane uin. Conquête, qu'afin de se donner un Maître, au lieu d'un Roi, & n'auroit pense a faire des esclaves que pour le devenir lui-meme ?
L'établissement d'un Magistrat supérieur est d'une nécesité absoluë dans toutes les societez. Les François l'ont non feulement connuë, comme les autres peuples de l'Europe : mais ils ont réellement établi un grand nombre de ces Magistrats supérieurs & leur ont même donné le nom de Rois, conformément à l'usage des autres Nations de Germanie. Ils leur ont donné le pouvoir de terminer les différens des particuliers, d'interpréter les Loix, de distribuer les recompenses & les grâces, d'ordonner des punitions & de veiller au bon ordre & à la police publique. Dans la fuite, ils ont choisi le plus capable d'entre ces Magistrats pour l'établir chef des Entreprises qu'ils vouloient faire ; ils se sont rapportez à sa prudence & à sa valeur, de la conduite des plus grandes guerres ; & singulièrement à Clovis, de celle de la conquête des Gaules. Ainsi ce dernier est devenu l'homme public & le Dépositaire de la puissance de la Nation, d autant plus qu'il sçût éxterminer les autres Rois qui la gouvernoient encore en différens Cantons, pour réunir tous leurs droits en sa personne. Voilà une giande dignité & une grande puissance ; mais loin d'être contraire à la liberté essentielle des François, on voit bien qu'elles n'ont été accordées que pour la soutenir & la défendre. Les Rois mêmes entroient dans cet esprit, malgré le penchant où de tout tems ils ont été si sujets, d accroître leur autorité aux dépens des Inférieurs : & pour preuve j'apporte le même éxemple de ses Chartes anciennes, dans lesquelles on voit qu'ils n'appliquent pas la fidelité des Leudes à leur personne, mais à l'Etat ; Regni Fidelibus : c est à dire, Fidelles à l'Etat & au Gouvernement François.
Je n'ai garde de conclure que les particuliers ne dussent infiniment aux Rois ; respect, assistance, concours & même fidélité ou obéissance à leurs ordres. Car on ne sauroit séparer le Roi de l'Etat, dont il étoit le Chef, s'il ne renonce lui-même à cette union, qui fait le titre de son autorité : mais je conclus que le François n'en étoit pas moins libre & qu'il ne devoit à la grâce du Roi, ni sa liberté, ni ses possessions, ni l'indépendance de sa personne & de ses biens. Je vais même encore plus loin & je prétens faire voir que les Gaulois, qui devinrent véritablement les sujets des François, tant au droit de leur conquête, que par la nécessité de l'obéissance toûjours duë au plus fort, n'étoient pas même sujets du Roi, si ce n'est dans les terres qui étoient à lui. En effet, le droit de seigneurie & de domination sur les hommes appartenoit foncièrement aux propriétaires des Terres où ils habitoient ; car qu'auroient fait ou pû faire les François, nouveaux conquérans des Terres, sans hommes pour les cultiver, ou d'hommes sans terres pour les nourrir & pour en subsister eux-mêmes ? Ces hommes furent nommez Gens de Poûest, Gentes potefiatis, gens de main morte & serfs, ou sujets : mais de qui étoient-ils sujets ? sinon des Possesseurs de la Terre, qui avoient sur eux droit de fuite, droit de les revendiquer en tous lieux, même en Clericature. Ils n'étoient donc pas sujets de l'Etat en général, si ce n'est dans la relation que les Maîtres, qui en étoient membres-, avoient avec le corps entier de la Nation ; & par conséquent ils n'étoient pas sujets du Roi, qui n'avoit d'autorité que dans l'Etat.
Cette vérité est si certaine que dans l'usage de la Monarchie, le tiers Etat n'a commencé de faire corps, que lors qu'après avoir été affranchi par les Seigneurs, il est entré sous la protection des Rois & à prétendu se faire le sujet immédiat : entreprise dans laquelle il a été soutenu contre le droit évident des Proprietaires des terres & contre la Loi fondamentale du Gouvernement.
Il est vrai toutefois qu'entre les Gaulois, non seulement il y en eut plusieurs qui conserverent ce qu'on appelle l'Ingénuités, & qui garderent les terres en tout ou partie ; de sorte que par une fuite nécessaire ils continuerent de posséder propriétairement les hommes qui s'y trouvoient ; c'est à dire, qu'ils eurent eux-mêmes des esclaves. Or si
R¬ demande ce qu'étoient ces gens-là, à l'égard du Roi, je veux bien leur passer le nom de ses sujets, parce que réellement ils étoient de l'Etat François, n'étant pas du nombre des Conquérans, & comme on nommoit les habitans des grandes Villes, Bourgeois du Roi, il n'y a pas d'inconvénient à leur donner la même qualité. Cependant on ne voit, par aucun éxemple, que les Gaulois propriétaires des terres à la Campagne, aient été nommez Sujets ou Bourgeois du Roi.
II. NOBLESSE DES FRANÇOIS.
NOBL FRANC.
LA Liberté des François étant prouvée, il n'est pas difficile de faire voir qu'après J-J Conquête ils furent les seuls reconnus pour NOBLES, c'est à dire, pour Maîtres & Seigneurs. Mais entre plusieurs moyens que l'on peut employer, je choisirai celui qui fera connoître que les noms de Saliques & de Nobles étoient fynonimes & qu'ils signifioient proprement les Conquérans de la Gaule, leur Postérité, ou ce qui avoit un rapport essentiel avec eux. Ma raison, dans ce choix, est qu'il convient, dans ce commencement d'Histoire, de lever l'ambiguité des termes, dont je serai souvent obligé de me servir dans la fuite.
Je dis donc que l'Adjectif, Salique, est manifestement tiré du substantif, Salien, qui ne peut éxprimer & n'éxprime qu'un soldat Franc. Tels ont été ceux qui s'emparerent de la Gaule sous la conduite de Clovis. Je dis encore qu'il est évident qu'après cette Conquête, il ne resta personne dans certaine étendue de Païs, qui ne fut compris dans une de ces conditions, de Conquérans & de Conquis, de Saliens ou de Romains. Les premiers avoient leurs loix ; elles furent dites Saliques, à la différence de celle des Vaincus, qui furent les Loix Romaines : les terres des premiers furent dites Saliques, soit considérées comme possession ou héritage Salien, Terra Salica ; ou comme la possession d'un butin, asserante à chacun de ceux qui l'avoient gagné, Sors Salica. Les personnes furent dites Saliques, par rapport à leur Origine. Ainsi, long tems après, l'Empereur Conrard II. fut surnommé le Salique, à cause de sa noblesse paternelle, que l'on voulut en quelque sorte égaler à celle des Othons, qui l'avoient précédé. Voilà trois sortes d'applications du nom de Salique, qui ne laissent aucun lieu de douter de la parité de sa signification avec celle de Noble ; de sorte que l'on peut conclurre avec assurance que les Loix, les Terres & les personnes Saliques, étoient réellement les terres & les personnes nobles & les loix qui leur étoient particulières.
De penser que les Gaulois soûmis fussent les vrais Nobles, parce qu'en effet les Francs étoient les Etrangers inconnus & barbares, à qui la violence ne pouvoit procurer une vraye Noblesse ; cela est sans apparence : il suffisoit qu'ils fussent vainqueurs ; l'antiquité de l'origine céda pour lors à la force majeure d'une Conquête, avec raison. En un mot, les Gaulois devinrent sujets pendant que les autres étoient maîtres & indépendans. Que si l'on joint à cette raison celle du long abaissement dans lequel les Gaulois ont vécu sous la domination des Francs, leur éxclusion du service militaire & de l'éxercice de toutes charges civiles, l'obligation réelle de payer toutes sortes d'impôts, les diverses stipulations des Loix Saliques qui rendoient les Gaulois punissables de mort, où le Franc est seulement amendable ; qui ne mettoient qu'un prix leger à son sang, lors que celui d'un Franc est de la derniere valeur ; il demeurera certain que depuis la Conquête, les François originaires ont été les véritables Nobles & les seuls qui le pou-
voient être, pendant que toute la Fortune des Gaulois étoit bornée selon la volonté du Vainqueur.
III. AVANTAGES DES FRANÇOIS après la Conquête.
AVANTAG. DE LA NOBLESSE
APRES avoir établi l'indépendance & la noblesse Françoise, je me crois obligé de montrer en détail quels en étoient les avantages réels ; que je reduis à quatre : I. L'éxemption de toutes Charges, à l'éxception du Service Militaire : II. Le partage de tout ce qui étoit acquis en commun, butin ou terres : III. Le droit de juger ses pareils & de ne pouvoir être jugé que par eux en matiere criminelle, avec celui de déliberer sur toutes les causes & matieres qui étoient portées à l'Assemblée générale du champ de Mars : IV. Enfin le droit de défendre sa personne, ses biens, ses amis, son intérêt, & de les revendiquer lors qu'ils étoient attaquez par qui que ce put être. Nous examinerons chacun de ces droits en particulier.
I. Les François n'ignoroient pas ce principe universel du Gouvernement, Que lâ paix qui en est toûjours l'objet nécessaire, n'est acquise & conservée que par la guerre ; que la guerre ne se fait point sans troupes ; que les troupes ne subsistent que par la solde, & que la solde n'est payée que par les impôts : mais la ruïne de l'Empire Romain, qui se passoit à leurs yeux, de cet Empire qu'ils voyoient ne pouvoir se soutenir, ni par les nombreuses armées, ni par les prodigieux impôts, qu'il tiroit du monde entier, les engagea à raisonner tout autrement que ceux qui les gouvernoient.
Le principal défaut des armées Romaines étoit visiblement que les soldats & les officiers qui les composoient, presque tous étrangers, la plupart Gots, Asiatiques ou Afriquains, n'étoient aucunement intéressez aux guerres qu'on leur faisoit faire ; le payement de leur solde étoit tout ce qu'ils pouvoient mériter ; & si quelqu'un d'entr'eux parvenoit aux hautes dignitez, son élevation ne paroissoit aux autres que comme un coup de fortune, qui pouvoit exciter leur jalousie, mais qui ne pouvoit les flatter d'un succès pareil. Quant aux impôts regardez comme le nerf de la guerre & de la défense dun Etat, ils voyoient bien que l'épuisement de l'argent des Provinces, en rendoit la perception impossible ; les altérations de la monnoye, qui n'étoit plus que de cuivre couvert dune legere feuille d'argent, ne la rendoient pas plus commune. En sorte que forte que la rigueur des subsides accabloit les peuples sans fortifier l'Etat, defoloit les Provinces, empêchoit la culture des Terres, faifoit perpétuellement flotter les hom mes entre es horreurs de la famine & la non-valeur de leurs récoltés & rendoit enfin leur condition si misérable, que les pestes & les maladies epidémiques étoient regardées comme une faveur du Ciel, qui vouloit délivrer ses élûs de la ruïne générale du Siècle.
La Police naturelle des François rémédioit à la plûpart de ces défauts du Gouvernement Romain : ils étoient tous soldats, tous égaux, tous libres, tous intéressez au même but ; acquérir & conserver en commun, & jouïr en particulier. Ainsi leurs armees qui s'étoient formées sans esperance de solde, quand elles envahirent la Gaules n'eurent garde d'en prétendre après l'avoir conquise ; elles se contentèrent de la subsistance a on ante que ses différens païs lui fournissoient ; & c'est pourquoi toute la politique des François se renferma à tenir leur jeunesse assemblée en corps d'armée, à
établir des magasins publics dans chaque Canton pour sa subsistance & a consoler le peuple sujet, en abolissant les impôts pécuniaires qu'ils ne pouvoient fournir pour en substituer de réels en denrées qu'il leur étoit d'autant plus aisé de donner que dans le climar hûreux de la Gaule, ces denrées surabondantes lui auroient souvent été a charge, parce qu'alors le commerce n'étoit point pratiqué.
On voit donc que les François ne penserent aucunement à perdre, apres la Conquête, les avantages naturels dont ils avoient été si jaloux au milieu de leur pauvreté, liberté, indépendance, jouïssance paisible de ce qui leur appartenoit ; mais pour assurer ces biens il leur faloit des armées intéressées à leur conservation, & ils les composerent de leurs freres, de leurs enfans, qu'il étoit nécessaire d'accoûtumer à la même discipline & de nourrir dans le sentiment de l'intérêt commun. Ainsi chaque François étoit, par l'engagement de sa maison, redevable à l'Etat d'un service personnel & militaire, tant & si long tems que son âge & sa constitution lé permettòient : mais il ne devoit que cela, il n'étoit d'ailleurs sujet de personne & possédoit ses biens librement. Gregoire de * Tours faisant le récit des éxcès commis par le Patrice Mummole, l'accuse d'avoir assujéti les François à l'impôt public, au préjudice de leur droit : c'est le sens de ces paroles ; Multos de Francis, qui tempare Childeberti Régis senior.es ingenui fuerant, publïco tributo subegit. Crime atroce dans ce Ministre & qui ne fut éxpié que par sa mort ; tant il est vrai de dire que les François étoient absolument libres. C'est ainsi par cette raison que le mot d'Alleud, qui éxprimoit ces'sortes de biens, propres aux Leudes ou François, présente encore à nôtre imagination l'idée d'une Terre libre & indépendante.
Le Gaulois sujet ne devoit au contraire aucun service à la guerre, & en effet quel intérêt auroit-il eu à maintenir la Conquête de ses Maîtres ? il auroit même été dangereux de lui mettre les armes à la main. Ainsi on n'éxigea rien de lui à cet égard ; c'étoit tellement l'affaire des François, qu'ils ne jugeoient pas la devoir, ni pouvoir confier à d'autres. Sage & judicieuse précaution, à laquelle la Monarchie doit sa grandeur & sa durée : mais en revanche, le Gaulois sujet fut obligé de fournir à ses Maîtres son travail manuel pour toutes sortes d'ouvrages & spécialement pour la culture de la Terre, qui étoit le principal & celui dont les Maîtres & les Sujets dévoient tirer leur subsistance, quoique d'une maniéré inégale, puis que les premiers se destinoient à vivre dans l'abondance & les seconds étoient contens du nécessaire, dont ils avoient presque toûjours été privez sous la domination des Romains.
Pour comprendre la cause de la Misere publique de ce tems-là, il n'y a qu'à se souvenir de ce que j'ai déja remarqué touchant la dureté des impôts Romains, lesquels étant devenus capitaux & pécuniaires depuis Constantin, & de plus, beaucoup au dessus des forces de ceux à qui on les demandoit, les réduisit à vendre tout ce qu'ils avoient pour s'en acquitter. C'est la raison de ce que j'ai dit ci-dessus que leurs sujets flottoient perpétuellement entre les horreurs de la famine & la non-valeur de leurs récoltés, parce que, ou leurs terres ne produisoient pas assez ; ou bien lors qu'elles rendoient suffisamment, le prix de la vente à non-valeur qu'en faisoient les particuliers ou que les éxacteurs en faisoient eux-mêmes, n'acquittoit pas les débiteurs. Ainsi les François soulagerent infiniment leurs sujets, quand au lieu d'argent qu'ils n'avoient pas, ils se contenterent des denrées qu'ils pouvoient fournir ; méprisant, tout barbares qu'ils étoient, l'avarice des Romains & s'interdisant une police cruelle & mal-ordonnée, dont tout l'effet étoit de réduire les peuples au desespoir, ou de convertir en deserts les plus beaux païs du monde.
C'est ainsi que la Conquête des François eut un effet tout différent de ce qu'on avoit apprehendé. Les Provinces s'empresserent de les appeler à leur secours & de se soumettre à leur Gouvernement, se trouvant plus hûreux dans cet esclavage nouveau, qu'elles n'avoient été dans la jouïssance de la fausse liberté dont les Romains les avoient
* Lib. VII. cap. 15.
flattez. Les Terres furent cultivées, les recoltes furent abondantes & sagement partagées entre les Maîtres & les Sujets ; tous deux hûreux par la possession tranquille de ce qu'ils avoient –, le Franc par le travail & l'industrie du Gaulois, & celui-ci par la sécurité que le Prince lui procuroit. Cette hûreuse police fit reparoître les métaux précieux qui sembloient avoir abandonné la Gaule depuis si long tems ; mais loin encore de suivre la mauvaise politique des Romains dans l'assoiblissement de leur monnoye, celle que les François firent frapper, dont il nous reste des échantillons, se trouve au plus fin. Ce qui fait une preuve, non pas de la dignité de la Couronne de France, comme quelques-uns * l'ont dit, sur le fondement qu'il n'y avoit que la Monnoye Impériale à ce titre : mais de la sagesse du Gouvernement François, qui fçût profiter de toutes les fautes qui avoient ruïné les Romains.
* Mezeray dans son Hist. & le Blanc dans son Hist. de la Monnoye
IV. PARTAGE EGAL entre les FRANÇOIS.
PARTAGE
II. LE second droit de la Nation Françoise, suivant la division que j'en ai faite, P L consistoit au Partage égal entre les particuliers de tout ce qui avoit été acquis à péril ou fraix communs : Prémiérement du Butin, quand la Nation vivoit de pillage & ensuite des Terres conquises, quand elle fut en état d'en jouir. Que si ce droit n'est pas regardé comme un avantage : il fait du moins la preuve de l'égalité de tous ceux qui y prenoient part & de l'éxacte justice qui règnoit entr'eux, en conséquence de laqueille le Général de l'Armée, ou le Roi même n'avoit aucun droit sur les portions particulieres, non pas même par raison d'Etat.
Je ne voudrois point rappeler ici l'histoire si connue du Vase de l'Eglise de Soissons, qu'un François refusa à Clovis au dessus de sa portion, parce qu'il le vouloit rendre à l'Evêque qu'il desiroit engager dans les intérêts de la Nation : car si d'une part on y trouve un exemple de l'ancienne liberté des Francs & de l'étenduë de leur crédit, puis que l'opposition d'un seul mettoit obstacle à la volonté du Roi, on y trouve, aussi-tôt après une entreprise contre le droit de cette liberté, ou plûtôt l'usage d'un faux prétexte pour perdre un homme non coupable, mais odieux ; & plût au Ciel que tels éxemples fussent oubliez pour jamais, ou que le principe qui les fournit, fut effacé du coeur des Princes ! On voit toutefois dans cet éxemple les deux fonctions de Clovis bien distinguées : comme Roi, c'est a dire, comme Chef de la justice, il acquiesce à un droit certain, par lequel le, partage devoit être égal & la propriété absoluë ; mais il demeure offensé contre celui qui en use & en qualité de Général il punit de mort dans une autre occasion celui dont il n'avoit pû se vanger sous son premier titre.
Je pourrois n'en dire pas davantage sur ce sujet, mais me souvenant d'avoir ouï alleguer le même fait par un habile homme, pour une preuve de l'autorité despotique de Clovis ; tant il est vrai que les faits les plus évidens peuvent être tournez différemment selon les préjugez de chacun ; je crois devoir à la vérité quelque chose de plus que ce que j'ai dit. Grégoire de Tours, qui rapporte cette histoire, met à la bouche des officiers de l'Armée auxquels Clovis avoit fait la demande du Vase en question, un compliment qui sert de prétexte à l'homme dont je parle : Comme Vous étes Roi, leur fait dire Gregoire, personne ne peut s'opposer à vôtre volonté & il est inutile de demander ce dont vous pouvez, disposer, étant maître absolu. Je crois donc que l'on peut répondre à l'argument, tiré de ce prétendu discours, qu'il est visiblement supposé : 1. Parce que si Clovis eut été le Maître, il n'auroit pas remis l'Evêque au partage du butin qui se de-
voit faire à Soissons. 2. Parce que la brutalité du soldat, qui auroit été punie sur le champ par les mêmes officiers, rendoit un témoignage si décisif a l'autorité de Clovis. 3. Parce qu'il seroit absurde de penser que Clovis, maître & engagé par raison d'Etat, ou tout au moins par sa promesse, à la restitution de ce Vase, eut déféré à l'opposition d'un seul homme.
Mais celui dont je parle va plus loin ; il prétend que quand le discours dont il s'agit seroit supposé, il fait toûjours preuve de ridée que l'on avoit du tems de Grégoire de Tours de l'autorité absolue des Rois, A cela je répons que le contraire même est prouvé par l'histoire de Grégoire, laquelle à chaque page nous représente le caractere violent des Princes de son tems, obligez de plus sous les règles du Gouvernement. Je n'ignore pas qu'ils les ont violées, quand ils ont pû le faire impunément ; mais c'est précisement ce qui me fait conclurre que Clovis fut obligé de déférer à l'opposition du soldat, parce qu'elle étoit dans l'ordre commun.
Il est donc certain que les Francs partageoient entr'eux également le profit qu'ils faisoient par leurs pillages, & c'est pour cela que se considérant dans ce premier tems comme des Nomades qui n'avoient rien de propre que leurs meubles & leurs Bestiaux, ils n'eurent pas d'autre objet dans l'institution de leurs premieres Loix. Mais après que Clovis eut chassé les Romains, l'état de la Nation se trouva bien différent de ce qu'il étoit auparavant. Les Provinces, dont elle tiroit sa subsistance par la voye des armes & du pillage, lui étant devenuës propres, il n'auroit pas été raisonnable de traiter en ennemis, des peuples qui ne refusoient rien a leurs nouveaux Maîtres. Ils Jugerent donc que pour en tirer la même subsistance, & meme pour la doubler & tripler, il ny avoit qu'à partager entr'eux les païs conquis & leurs habitans, comme ils auroient fait un autre butin.
L'Antiquité des événemens, qui nous dérobe une infinité de circonstances, jointe au peu de mémoire qui s'etoit conservée du détail du regne de Clovis, nous laisse ignorer la précision de ce partage des terres, 1. par rapport à la quantité que les François s'approprierent : 2. par rapport au choix qu'ils en firent : 3. par rapport aux personnes à qui elles échurent. Il faut pourtant essayer de former une idée probable sur ces différentes choses, autant que leur obscurité le peut permettre.
La règle que les Romains suivoient universellement a l'égard des peuples vaincus par les armes, étoit de s'en approprier toutes les terres & d'en reduire les habitans en esclavage ; ou si quelquefois, par un effet de la pitié des Généraux ou des Soldats, ils accordosent la liberté à quelque partie de ces peuples malhûreux, ils ne leur laissoient que le rebut des Terres, & ils les chargeoient d'en rendre aux Exacteurs, tantot la moitié, tantôt le quart, le cinquième ou le dixième des fruits, selon qu'ils vouloient les favoriser : mais les Barbares, qui, comme l'on sçait, inondèrent & partagèrent l'Empire, furent beaucoup moins rigoureux. On a vû ci-devant que les Bourguignons accepterent la cession des trois grandes Provinces sur le pié qu'ils auroient pour eux le tiers des hommes & les deux tiers des terres, mais que dans l'éxaction ils furent si modérez, qu'ils se contenterent de l'hospitalité. Les François éviterent ces deux éxtremitez ; il y auroit eu trop d'inconvénient à dépouiller generalement tous les Gaulois ; ils étoient même en trop petit nombre pour le pouvoir faire avec utilité ; d'autre part ils n'avoient garde de faire une faute semblable à celle des Bourguignons, qui s'étoient eux-mêmes dégradez, recevant à titre de Précaire ce qui leur auroit appartenu à titre Souverain. C'est pourquoi sans se départir du droit que la Conquête leur donnoit sur le tout, ils se contenterent de prendre une certaine quantité des meilleurs terres & laisserent la proprieté du reste aux Gaulois, aux charges qu'ils jugèrent à propos de leur imposer. Mezeray dit qu'ils s'approprièrent le quart des terres & des hommes & que dans quelques endroits ils prirent jusqu'aux tiers. Pour moi je juge qu'ils n'observerent point de règle uniforme & qu'ils se conduisirent en cela selon la nécessité & la bienséance ; c'est à
dire, que lors qu'ils se trouverent un grand nombre de François à partager un païs de peu d'étenduë, ils en prirent une plus grande quantité que lors qu'ils avoient peu de inonde à placer dans un grand terrain.
Ainsi, par éxemple, dans la Flandre & dans la Picardie, ils occuperent toutes les terres presque sans éxception : 1. parce qu'ils étoient alors un grand nombre & resserrez dans un païs étroit entre des Rivieres & des Forêts : 2. parce que ces Cantons, qui avoient été si souvent ravagez par leurs propres courses, n'avoient plus qu'un petit nombre de leurs habitans : 3. parce qu'ils s'y placerent avec une espèce d'avidité, d'autant qu'ils n avoient que l'esperance du grand succès, qui favorisa depuis leurs armes ; mais quand ils eurent ajouté l'Isle de France, le païs de Caux & la Champagne à leur premier etablisiement, ils se trouverent tellement au large, que le tiers ou le quart des terres leur suffi soit : il n'en pût toutefois être de même des hommes ; car plus leurs possessions étoient spacieuses, plus il leur faloit de serfs pour les faire valoir, & c'est pourquoi nous voyons que peu apres ce tems-la, toute la richesse des particuliers confistoit en la quantité de ses sujets & conséquemment que toutes les difficultez qui naissoient entr eux, rouloient toûjours sur la condition des hommes, ou sur le droit de fuite que chacun pouvoit éxercer. A la fin toutes les Provinces d'Outre-Seine s'y donnerent aux Francs : Aussi le champ devint si grand, qu'il ne fut plus question du tiers, ni du quart des terres ; la Nation n'étant pas assez nombreuse pour les occuper.
La quantité des terres s'accrut de nouveau par l'éxpulsion des Wisigots, mais ce fut avec si peu de proportion au nombre des François, qu'il ne leur fut pas possible de les habiter dans leurs moindres parties. En esset, un Franc s'y seroit trouvé presque seul, au hazard d'être mille fois égorgé par ses sujets, s'il leur avoit été à charge, & de plus ans aucune société par l'ignorance de la Langue commune. Cependant il faloit des François pour contenir ces différentes Provinces, ou pour les défendre en cas qu'elles ussent attaquées. Il faloit aussi des Magistrats supérieurs & inférieurs pour les gouverner ; on ne pouvoit pas s'en rapporter aux Naturels, car ils n'auroient pas long tems connu eurs Maîtres & il se seroit formé autant de fouverainetez particulières qu'il y auroit eu de jurisdictions différentes. Ces considérations déterminèrent Clovis & toute la nation à prendre un parti singulier à l'égard de ces Provinces. Ils leur imposerent des tributs en essence pareils à ceux des autres Provinces & les obligerent de les amasser en disserens Magazins, où ils étoient gardez pour la subsistance des Troupes ; ils détacherent du commun des terres, certaines grandes possessions dans le voisinage des villes pour demeurer propres au Magistrat de chaque lieu & c'est ce qui composa dans la suite le revenu es Emplois, qui étoient nommez Bénéfices, qu'ils conférèrent aux plus sages & aux plus éxperimentez de la Nation, à ceux qui ignoroient le moins le langage Romain qui étoit en usage dans la Gaule ; enfin ils donnerent à ces Dignitez les mêmes noms es mêmes fonctions qu'elles avoient euës chez les Romains, sous les exceptions que nous marquerons ci-après. Le Duc avoit celle de Chef & de Gouverneur de la Province ; le Comte, celle de rendre la justice dans une ville ou un district particulier.
Mais la précaution principale & souveraine de ce Gouvernement consistoit dans les forces mi itaires. nos François eurent à cet égard toute la prudence possible ; ils se donnerent bien de garde de les diviser, le petit nombre les auroit rendu méprisables & d'ailleurs les auroit exposé au danger d'être accablées ; ils prefererent leur sûreté à la tranquillité des Provences. Ainsi par éxemple, tenant une grosse armée dans l'Aquitaine, laquelle se portoit aux lieux différens, selon l'éxigence des affaires, ils étoient redoutez par tout & n'incommodoient qu'un endroit à la fois. Il pouvoit arriver du tumulte en quelque Canton, comme il en arriva souvent dans la Novempopulanie ; mais la seule autorité des Magistrats les appaisoit ; ou bien, s'il étoit nécessaire d'y con-
duire l'armée, le François se trouvoit toûjours plus la paix & le repos sans contradiction.
De plus la nécessité de consommer les Magazins attiroit l'armee tantot en une Province & tantôt dans une autre ; mais elle ne se faisoit jamais voir, qu'elle ne remplit les lieux de son séjour de l'estime de sa belle discipline & de la terreur de sa puissance. Voilà la premiere idée que l'on peut prendre du plan de la police éxterieure des François. Nul Auteur ne nous en a fourni le détail ; mais il me semble que tout ce que j'en ai dit ici, est suffisamment fondé sur les faits historiques, ignorez de peu de personnes. Examinons à présent les circonstances intérieures du partage qui fait le sujet de cet article.
La Milice Salique, ou Françoise, consistoit toute en Infanterie, dont la propriété particuliere, outre la hardiesse d'entreprendre & le mépris de la mort, étoit une éxtrème promptitude dans ses mouvemens ; ce qui faisoit qu'elle se passoit aisément de Cavalerie ; outre que, selon la remarque de Tacite, qui a déja parfaitement bien caracterizé la Nation, les Germains n'avoient aucune adresse naturelle pour gouverner les chevaux ; cette Milice étoit. divisée en Centaines, & chacune avoit un officier de Centenier, en Latin ; Àtungin, en Langue Franque ou Teutonne ; lequel étoit toûjours le plus vieux de la Troupe raison pourquoi les noms de Centenier & de Semeur sont employez l'un pour l'autre par les Auteurs du tems & même dans les Chartres. Ainsi, toute l'armée n'étoit composée que du Roi, ou General des Centeniers, ou des Soldats ; le Conseil de l'armée étoit formé par les Centeniers & comme les délibérations devoient être unanimes, le dernier d'entr'eux tenoit un rang très-important, parce que son opposition toute seule pouvoit arrêter les desseins du General. Aussi avons-nous vû ci-dessus que les Chartres des Rois étoient souvent addressées aux Centeniers avec l'épithète ordinaire de Fidelles de l'Etat ou du Royaume, parce que l'on présumoit que ce qu'ils avoient agréé, seroit reçu sans difficulté par les soldats.
J'ai dit que le partage des terres se fit entre les Francs de la même maniere que se faisoit celui du butin : or on sçait qu'à l'égard du butin portable, on en faisoit autant de lots que de centaines, & une ou deux de plus pour le General ou Chef de l'entreprise, qui avoit produit le profit. Celui-ci, outre l'avantage de la quantité, avoit encore celui du choix entre les lots ; mais après qu'il avoit pris sa part, il n'avoit aucun droit sur les autres qui étoient tirez au fort par les différentes Centaines, & la subdivision s'en faisoit pareillement au sort entre les soldats. De-là vient que les terres partagées entre les Francs prirent le nom de SORTES SALICAE, les Sorts Saliques.
Il faut se souvenir que le partage des terres ne se fit que pour tenir lieu de subsistance aux Francs, qui vivoient auparavant de butin ; parce qu'ils n'en pouvoient plus faire sur le peuple soumis sous leurs propres Conquêtes & le mettre dans la nécessité de les abandonner. Ainsi comme le partage du butin n'apportoit aucun changement, soit à l'obligation du service, soit à la subordination des soldats aux Senieurs ou Centeniers & de ceux-ci au General, en un mot à la police ordinaire ; le partage des terres n'eut pas un autre effet ; & sur tout il changea si peu l'ordre de la subordination, que je suis porté à croire qu'il a servi à la perpétuer & qu'il a donné occasion, quoique bien posterieurement, à l'établissement des différens degrez de Vassalité, depuis le Roi jusqu'au dernier soldat Possesseur des terres.
En effet, si le François étoit essentiellement un homme libre, maître de sa personne & de ses biens, il est certain que lors qu'il étoit actuellement à l'armée, il faloit qu'il y fût dans la dépendance du General, ou du Roi, & de.l'Officier particulier de la Troupe : le partage des terres ne devoit * pas détruire cette liberté, puis qu'au contraire il en rehaussoit l'éclat, en soumettant un certain nombre d'hommes à chaque particulier François ; mais aussi cette possession étoit une continuation de la Milice, parce qu'elle en étoit le prix & la récompense. C'est pourquoi il s'ensuit dans l'usage, que comme à
* Le Laboureur, Traité de la Prairie.
l'armée le General étoit supérieur aux Centeniers & que ceux-ci l'étoient aux simples soldats, ils demeuroient tels après le partage, c'est à dire, dans l'Etat ; le Personnel emportant l'Immobiliaire. Et voilà le grand Principe du droit des Rois & des Seigneurs. Car il faut encore remarquer ici que le nom de Seigneur est formellement dérivé de celui de Senieur, ou Senior, dans la racine ; lequel, comme nous avons vu, on donnoit aux Centeniers. Mais en voilà assez, nous aurons souvent occasion de parler des conséquences ; il suffit à présent d'avoir montré l'égalité du partage entre les François.
V. JUSTICE communément exercée entre les FRANÇOIS
JUSTICE
III. LES François étoient juges les uns des autres en matiere criminelle & arbitres souverains de toutes les matieres qui étoient portées à leurs Assemblées générales du champ de Mars, où le Roi devoit présider. C'étoit en effet la plus haute de ses fonctions, puis que dans l'établissement, il ne tenoit d'autre rang que celui de premier Magistrat Civil, Modérateur des délibérations communes & Juge des Causes ordinaires ; mais quand les Rois eurent joint le Generalat de l'armée à leur dignité, ils fortifierent tellement l'un par l'autre, que je suis obligé d'ajouter ici que la Liberté publique auroit bien-tôt été détruite, si le droit successif n'avoit porté la Couronne à des Princes enfans ou imbécilles, contre lesquels non seulement le droit commun prévalut, mais les entreprises de divers factieux, qui contre leur intention en entretinrent lusage : c'est ce que l'Histoire nous fera voir dans la fuite.
Quant à Clovis, il est évident qu'il usa despotiquement de son autorité soit à l'egard du Salien de Soissons, dont nous avons touché l'histoire, soit à celui des autres Chefs de la Nation qu'il détruisit. De sorte que si son règne avoit duré plus long tems, il auroit réduit tous les Francs à une espèce d'esclavage, aussi bien que les Gaulois. Tout est à craindre de la part d'un Prince violent & ambitieux, quand il est d'ailleurs flatté par les succès de la Fortune & qu'il n'est point retenu par les règles ordinaires de la justice & de la modération. Cependant une mort prématurée l'ayant enlevé aussi-tôt quil eut mis la derniere main à la Conquête, le partage de la succession, qui se fit entre ses enfans, fit revivre les Loix, chacun d'eux ayant été obligé l'un après l'autre de les employer & de les faire valoir pour sa propre sûreté. Mais de tous les usages celui qui contribua le plus à maintenir la Liberté publique, fut celui des Assemblées generales, & ce qui est singulier pour confondre la fausse politique, qui rejette absolument le concours de la Noblesse dans l'administration de nôtre Monarchie, C'est que rien na porté si haut la gloire & la puissance des Rois que l'usage des Assemblées, comme nous le verrons avec conviction, sous les règnes de Pepin le bref & de Charlemagne.
Légalité de l'origine, de la condition & du partage entre les François ayant été prouvée, il est évident que la conclusion la plus naturelle que l'on en puisse tirer, c'est que les divers particuliers qui n'avoient point de maître, devoient du moins trouver, dans l'Assemblée commune de tous les Membres de la Nation, cette superiorité sans laquee nulle police éxterieure ou interieure ne fauroit subsister. Le Franc ne couroit jamais risque de la vie que dans les combats ; la Loi commune pourvoyoit tellement
à sa sûreté & à sa liberté, qu'il ne pouvoit encourir de plus grande peine qu'une amende pécuniaire, dans le cas d'un homicide ; ou la privation de l'héritage Salique, en cas du refus du service militaire ou de desobéïssance formelle : mais de quelque espèce que fut l'accusation contre un François, dès qu'elle intéressait son honneur, sa vie ou ses biens, elle n'étoit plus au jugement d'un particulier, de quelque dignité qu'il fut, la liaison naturelle de tous les Membres avec le corps établissoit la nécessité d'un jugement public, où toute la Nation devoit intervenir.
Je donnerai ci-après un article, où l'ordre judiciaire commun & la forme des jugemens sera éxpliquée ; je me contenterai ici d'observer que les Successeurs des premiers François ont non seulement aggravé les punitions décernées, par la Loi Salique, mais qu'ils en ont introduit quantité d'autres plus ou moins atroces, telles que la mutilation, qui devint si commune qu'on l'employoit même dans les Monasteres : en quoi ils ont évidemment suivi plutôt leur penchant à la sévérité & à la barbarie qu'un tempérament raisonnable ; mais de quelque maniéré qu'ils ayent pensé, il est constant que dans l'usage les François ne s'y soumirent que dans le cas d'un jugement régulier, rendu par leurs pareils, dans une Assemblée generale, ou au moins dans celle du Canton où le crime avoit été commis. C'est même en cela que consistoit la principale différence entre la liberté du Franc & la sujection du Gaulois : celui-ci recevant la justice de l'autorité de ses maîtres, qui le jugeoient arbitrairement sur le rapport des témoins, avec tout l'appareil de la souveraineté, c'est à dire, auprès d'une espèce de Trophée de leurs armes & environnez de soldats pour se faire obéïr.
La dispensation de la justice est le soutien des Etats ; mais quel danger n'y a-t-il pas à la recevoir d'un Maître, souvent prévenu, souvent mal instruit, quelquefois incapable, toûjours partial pour son autorité ? quel danger n'y a-t-il pas encore à la recevoir d'un Tribunal, fondé pour en faire métier, sur tout quand la vénalité des Charges a rempli le coeur de ceux qui le possédent ? mais le danger n'est-il pas encore plus grand, quand les juges sont une profession publique de servitude envers d'autres puissances, de laquelle ils sont en droit de se dedomager sur ceux qui passent par leur jugement ? Nos Peres avoient donc raison de vouloir être jugez par leurs pareils & d'avoir établi une forme de justice, qui ne pouvoit être sujette à de tels inconveniens.
Les Gaulois conçûrent bien l'avantage que les Francs s'étoient réservé par cette Constitution. En effet, ils porterent leur joug avec patience & ils ne furent pas jaloux des droits de Conquérant ; il est certain que le poids de la justice qu'ils recevoient d'eux, les fatiguoit tellement, que dès qu'ils eurent obtenu leur liberté, les Communautez & les villes redimées n'eurent rien de plus pressé que d'établir leurs propres jurisdictions sous les dissérens thres de Mairie, d'Echevinage, de Prévôté & de Pairie ; c'est à dire, qu'avec la liberté, elles obtinrent de leurs Seigneurs le droit de ne recevoir la justice que de leurs propres concitoyens, qui devinrent juges les uns des autres, suivant la forme usitée entre les Francs. Mais plus les peuples se sont trouvez dans le voisinage des païs que les François ont occupé les premiers, plus ils paroissent s'être attachez au terme de Pairie qui ne signifie autre chose qu'égalité. C'est pourquoi dans toutes les villes de Flandres & la plupart de celles de Picardie, les Bourgeois sont dits & censez Pairs, avec l'attribution de pouvoir être élevez à l'honneur de gouverner leur Patrie & de rendre la justice à leurs Compatriotes durant un certain tems ; après lequel ils retombent dans l'état des autres justiciables.
Il est donc vrai que par la Constitution primitive, les Francs n'avoient d'autres juges que leurs pareils & que c'étoit tellement l'appanage de la Liberté, que quand les serfs y sont parvenus, ils ont voulu se conduire de même, recevoir la justice de leurs pareils & la rendre à leur tour. Mais si l'on ne sauroit former le moindre doute sur une vérité si constante, si unanimement reconnuë par tous les Historiens, n'y a-t-il pas lieu de s'étonner que l'usage en soit tellement aboli dans la Monarchie, qu'il n'en reste ni trace
dans la pratique, ni souvenir chez les plus intéressez ? Un droit fondamental, qui a été la base de la Constitution dans le Gouvernement, qui a vieilli avec lui pendant plus de mille ans, se trouve tellement oublié, que plusieurs sont portez à croire qu'il n'a jamais existé, & que ceux qui le représentent dans son ancienne étendue, sont des Faiseurs de Systhèmes, qui ne donnent pas même de probabilité à leurs idées.
VI. DROIT DE GUERRE parmi les FRANÇOIS.
liIV.
liIV. chaque particulier François avoit droit de défendre sa personne, sa liberté, ion bien, son intérêt, & generalement tout ce qui lui appartenoit directement, contre les entreprises de qui que ce pût être.
Cette grande étenduë du droit François fait naître d'abord un sentiment de repugnance que l'on ne peut surmonter que par la reflexion. En effet, il paroit incompatible avec l'autorité des Loix & le bon ordre d'un Etat, que les particuliers se fissent faire justice eux-memes dans un autre cas que celui de la désense de leur vie ; mais si l'on considere que la liberté & l'honneur étoient plus chers aux François que leur vie, il faudra étendre le droit de la défense a ces deux chefs, comme à l'autre : & si à cette premiere considération on en ajoute une seconde sur les circonstances qui pouvoient intéresser la liberté ou l'honneur, il se trouvera des raisons pour justifier la défense dans toute l'étendue où ils la pratiquoient. La protection des Loix est accordée aux plus foibles ; on en convient : mais l'honneur ne souffre-t-il rien à la recherche ? on reconnoit du moins sa foiblesse & son desavantage, & il est dur d'en convenir avec un ennemi.
Mais cette foiblesiè étoit infiniment deshonorante aux premiers François, nez tous égaux & partagez tous également. Elle ne pouvoit être que personnelle : ainsi il ne saut pas sétonnerquaucun ne la voulut avouer, & que les Loix n'y contraignissent personne, d'autant plusquaucun Legislateur ne s'est mêlé de cet ouvrage & que c'est la Nation entiere qui a fait ses loix par usage & par sentiment plûtôt que par politique.
Je ne prétens point justifier ici un endroit barbare, qui a été le principe d'une infinité de guerres intestines ; mais je dois dire qu'il a été universellement éxercé & qu'il n'a jamais été combattu que dans les derniers tems. On voit bien que la Religion y a apporté quelques tempéramens : on voit encore que dans les grands périls de la Monarchie, on a surcis l'exercice pour occuper tous les membres de l'Etat à repousser l'ennemi commun. Il étoit juste en effet que les différens particuliers, non seulement d'homme à homme, mais beaucoup plus ceux de Seigneur à Seigneur qui attachoient un grand nomre de personnes à un objet indifférent au reste de la societé, cédassent à un intérêt general ; mais on ne prétendoit pas alors que ces guerres particulieres fussent autant d'attentats à a gnite des Rois ; qu'elles confondissent le droit souverain avec celui des sujets, & qu'elles renversassent les loix divines & humaines ; qu'elles affaiblissent l'Etat ; qu'elle eussent éteint la Noblesse ; ou enfin qu'il y eut moins de grandeur d'ame à les entreprendre ou à les soutenir, qu'à remettre ses intérêts à l'arbitrage des Loix ou à la petion du Roi : on croyoit au contraire qu'elles animoient les courages, qu'elles soutenoient les sentiments de l'honneur, qu'elles *faisoient connoître les gens de coeur
pour ce qu'ils valoient, qu'elles entretenoient un respect réciproque entre les hommes, qu'elles mettoient le sexe foible à couvert des insultes & des médisances, ou qu'elles reprimoient les langues injurieuses ; enfin qu'elles proscnvoient la dissimulation, la fraude & le vain orgueil.
Les Jurisconsultes modernes ont examiné la question de droit avec plus de méthode & de discussion que je n'ai dessein d'en employer ici, ou mon intention n'est que de compiler des faits d'où l'on puisse tirer quelque conclusion qui nous fasse connoître la pratique du tems passé. Après cet examen, ils ont condamné les combats particuliers, c'est à dire, la derniere espèce d'offense & de guerre qui se fut conservée chez la Nation. Le Roi même avoit seulement favorisé la décision, mais il a déployé toute sa puissance pour abolir l'usage des Duels & les louanges que toute l'Europe a données à ses ordonnances, & à la fermeté avec laquelle il les a soutenuës, témoignent assez l'approbation universelle. Cependant j'ose dire que nos neveux seront mieux en état que nous de comparer les différens âges & de juger si cette police qui s'autorise de la justice du Droit, des Rois, & de la Religion, est à préférer à celle qui donnoit l'avantage à l'honneur & au courage, qui mettoit plus de vertus au jour & qui obligeoit plus de vices à se cacher.
Ce peu de remarques sur les avantages que la Nation Françoise prit de la conquête d'une des plus belles parties de l'Empire Romain, nous donne une espèce d'idée de son gouvernement : mais pour en former une notion plus éxacte, il me semble qu'il est nécessaire d'ajouter ici quelques observations, 1. Sur les Loix Saliques qu'elle faisoit profession de suivre. 2. Sur les différentes conditions & en particulier sur les noms & les fonctions des Dignitez qui devinrent en usage parmi les Francs. 3. Sur l'ordre judiciaire qu'ils gardoient, de même que sur la forme des Assemblées generales & la maniere d'y délibérer. Je me flatte de donner, par la discussion de ces matieres, une nouvelle précision a. ce que j'ai déja dit,
DES LOIX SALIQUES.
LOIX SALIQUES. --
I. QUAND les Saliens ou Francs passerent dans la Gaule, leurs Loix n'étoient point écrites ; ils les observoient par usage ; chacun en étoit instruit, parce qU'elles étoient éxtrèmement simples & que toutes leurs dispositions se renfermoient à prescrire une forme pour les jugemens & a décerner des punitions contre les crimes qui pouvoient blesser l'éxacte fidélité qu'ils vouloient faire règner chez eux. Mais après le passage du Rhin & que la Nation se fut établie en Flandres, il y a lieuse croire qu'elle augmenta ses règlemens, parce qu'en effet les Loix du Peuple, arrêté dans une demeure fixe & certaine, doivent être differentes de celles dune Nation avanturiere* qui n'avoit de retraite que dans les bois & les marais, & qui ne subsistoit que de ses brigandages. Cependant on ne les écrivit point encore : car quoique nous ayons aujourd'hui une Loi dite des Ripuaires, peu différente de la Salique, elle ne regarde que les Ripuaires de Cologne & de Juliers ; autrement ce seroit celle que les François auroient suivie.
Ce ne fut donc que sous le règne de Clovis, que la Nation mieux instruite connut la nécessité de fixer ses Loix par l'écriture, pour en rendre l'observation constante dans toute l'étenduë de sa domination. Il y a de plus quelque apparence que Clovis fut excité, par les Ecclésiastiques de son tems, à donner une forme constitutive aux Loix
Saliques ; & je tire cette conséquence tant de la langue Latine, dans laquelle ces Lo furent écrites, que des articles accordez en faveur des Eglises dont le Clergé auroit pû appréhender l'inobservation, s'ils n'avoient pas reçû ce caractère d'authenticité nécessaire dans l'usage Romain. Il me paroit encore que l'Auteur de la Préface de ces Loix a été un Ecclésiastique, sujet des Francs, lequel leur a prodigué des louanges peu convenables à une autre plume, & je me fonde sur ce qu'il parle de la Religion Chrétienne du même stile que celui des Epîtres de S. Remy ; raison qui pourroit conduire jusqu'à déterminer que ce Prélat est le véritable Translateur ou l'Ecrivain de la Loi Salique & l'Auteur de la Préface, que l'on y voit.
Cette Loi comprenoit, selon qu'il est énoncé dans l'accord de Childebert & de Clotaire, 78 articles : qui Sont aujourd'hui reduits a 71, desquels les 56 premiers ne concernent que les punitions de divers crimes, Vols, Mutilations, Homicides, Adulteres, ou bien la forme qui devoit être observée pour appeler quelqu'un en justice devant le Juge du Territoire & de faire preuve contre l'Accusé par serment, par témoins, ou par l'eau bouillante & le reste. Les 57 & 5$ Titres paroislent avoir été accordez depuis la Conversion de Clovis pour la sûreté des Eglises & ce sont ceux dont j'ai parlé, mais le 62. est beaucoup plus considérable, d'autant que c'est-là que se trouve cette décision fameuse, qui éxclud les filles de toute part en la succession des terres Saliques, & c'est en quelque forte la feule importante qui soit dans tout le corps de cette Loi : les autres articles concernent le devoir des Magistrats & la forme des Complaintes, le tout en termes barbares & tellement insuffisans que l'on n'y découvre qu'à grand'peine le vrai sens.
A la fuite de la Loi Salique se trouve une ordonnance de Childebert, intitulée DISCRETIO CHILDEBERTI : elle est suivie d'un accord ; autre ordonnance de ce dernier ; c'est dans la seconde de ces pièces que l'on voit l'ordre tenu pour la réduction de toutes ces Loix : car il y est dit que Clovis, avec ses Francs, a redigé la Loi Salique en 78 articles ; que Childebert, pareillement avec ses Francs, y en a ajouté 6 autres, qui ont été approuvez de Clotaire, & qu'enfin celui-ci en a fait quelques autres, qui ont aussi été approuvez par Childebert son aîné & par les Francs de son Royaume. M. Baluze attribué, sans balancer, l'ordonnance intitulée Difiretio Childeberti, au fils du Roi Sigebert, & celle qui porte le nom de Clotaire, au fils de Chilperic & de Fredegonde, qu'il croît aussi auteur des Loix des Ripuaires, des Allemands & des Bavarois. Ce n'est pas mon avis, quelque déférence qui soit duë à sa grande capacité & à la profondeur de ses recherches.
Mais à l'égard de la forme de toutes ces Loix, il est remarquable que le texte de la premiere ne dit pas un mot du consentement des Assemblées générales de la Nation, que on sçait avoir été bien plus nécessaires pour la rendre authentique que le bon plaisir de Clovis. Il est vrai que la Préface ce consentement & qu'elle en fait une espèce d'Histoire, nommant les personnes qui ont recueilli ces Loix & les lieux où ils ont travaillé, lesquels paroissent avoir été au delà du Rhin. C'est aussi ce qui me fait croire quee consentement de la Nation n'est omis dans le texte que parce qu'il ne s'agissoit pas de l'établissement d'un droit nouveau, mais bien de rassembler en un corps & d'écrire es ulages observez de tout tems parmi les François ; si toutefois on en éxcepte es titres accordez en faveur des Eglises, qui étoient dûs à la Religion, mais qui n'étoient pas autorisez par leur antiquité. Au contraire, les règlemens de Childebert & de Clotaire expriment disertement qu'ils ont été dressez dans diverses Assemblées Generales, tenuës aux Calendes de Mars oà Alsigny, à Mastricht, à Cologne & autres lieux : Cùm in Dei nomine, dit Childebert, nos omnes de auïbufcunque conditìonibus, unà cumnoflrh Optimatibus pertractavimus, ad unumquemque notitiam volumus pervenire. Dans un autre endroit il dit : Convenit unà cum Leudis nostris ; ce qui fait une preuve formelle que le consentement de la Nation intervenoit dans l'établissement des Loix, & nous verrons
ci-après que Charlemagne, au comble de la prosperité, ne jugea pas que ses capitulaires pussent avoir force de Loix sans le consentement du Peuple François.
VIII. EXCLUSION DES FEMELLES en Succession Salique.
FEMELL V¬vj
II. JE reviens à présent au titre 62. de la Loi Salique, qui, comme je l'ai observé, ES. en est la principale partie, & je remarque qu'encore que le droit des Mâles ne fut pas nouveau parmi les Francs, puis que Tacite nous assure qu'il étoit de son tems en usage chez tous les peuples de Germanie : toutefois s'agissant de l'établir dans les Gaules, où il n'étoit connu que comme en usage barbare, il étoit nécessaire de l'y faire recevoir dans la forme la plus authentique ; d'autant qu'il contenoit la feule précaution qui pouvoit être prise pour empêcher que les possessions Saliques ne retombassent aux mains des Gaulois, à qui les filles des Francs les auroient portées en tout, ou partie, si elles avoient été reçûës à les partager.
Mais cela même fait connoître combien il est absurde de reduire la disposition éxclusive des femmes, portée par la Loi Salique, à la seule Couronne de France ; puis qu'au contraire il n'y en est pas dit un mot & que vû la forme du Gouvernement de ce tems-là, il étoit impossible que l'on pût avoir une telle idée. En effet, il n'y a qu'à considerer que la Royauté successive ayant été unie en la personne de Clovis au Generalat qui étoit essentiellement une Charge élective, les successeurs qu'il eut, ne purent parvenir à ces mêmes dignitez que par le consentement du Peuple, parce que si le droit successif leur étoit favorable, cette élection leur pouvoit être contraire, & c'est pour cela que les Auteurs remarquent que pour donner un Successeur au Roi mort, il faloit que deux circonstances concourussent, la disposition paternelle, d'une part, par rapport à la Succession, & de l'autre l'élevation du sujet proposé sur les boucliers des soldats par rapport à l'élection. Or comment se seroit-on avisé de choisir une Fille, pour General de l'armée, parmi une Nation si féconde en Guerriers, qu'il n'y avoit pas un seul homme qui fit une autre profession que celle de la vie militaire ? Il est vrai qu'il arriva dans la fuite que les deux Offices de Roi & de General furent divisez & qu'alors la Royauté n'ayant pas cessé d'être successive, elle auroit pû tomber en quenouille ; mais le droit du sexe viril, c'est l'éxpression ce la Loi, étoit alors tellement établi & si généralement reconnu, que ies Filles 11'auroient jamais pû penser à y prétendre. Ainsi, on peut assurer avec certitude que nos premiers Francs n'ont jamais eu l'idée d'illustrer leur Couronne ou de la rendre plus noble par l'éxclusion des Filles ; & il suffit pour en faire la preuve que la Constitution du Gouvernement & le genie de la Nation ne permissent au sexe d'autre ambition que celle de plaire à des Maris & d'élever des enfans pour le service de la Patrie.
Au surplus la prévoyance des Francs, qui se découvre en plusieurs traits de l'Histoire, n'est nulle part plus évidente que dans cette disposition, puis qu'en fermant aux Gaulois la feule voye qu'ils pussent avoir de rentrer dans leurs possessions par des alliances Françoises, ils se donnerent un plein droit de succéder aux héritages des Gaulois, les ayant laissez dans la disposition du droit Romain, selon lequel les filles étoient admises au partage avec les Mâles. Inter Romanos, dit la Constitution de Clotaire, nego tïa caufarum Romanis Legibus praecipmus îermìnarì. Et ce fut en effet par cette voye
que la plus part des biens des Gaulois passerent depuis aux mains des Francs ; ce qui donna lieu dans la fuite à la distinction des Terres, ou Alleuds, en Saliques & non Saliques, c'est a dire, exclusifs, ou non exclusifs des Femelles. Il y a même apparence que cette distinction avoit déja lieu du tems de Clovis ; car il est difficile d'éxpliquer autrement que par rapport aux Alleuds non Saliques le 3. & 4. articles du titre 62.
Marculph. Lib. II. fol. 12.
Mais ce qui est surprenant cestquune Loi si sage & si avantageuse à la Nation, attira la haine & les imprécations des gens d'Eglise & demeura enfin décriée comme un reste du Paganisme. Marculph, qui nous a laissé des Formules des Actes que l'on p soit de son tems, faisant parler un Pere qui veut, malgré la Loi, accorder à sa fille le droit de lui succéder & de partager avec ses freres, lui fit dire : Nous gardons une coûîume ancienne, mais qui est impie, par laquelle la. soeur est exclue départager avec ses freres. Cependant le Moine qui parle ainsi, n'étoit ni Gaulois, ni Romain ; car son nom le designe d'origine barbare : d'où il s'ensuit que nourri dans les idées de ses Peres il n'auroit pû parler si injurieusement d'une Loi ancienne, si le préjugé du Clergé n'avoit pas gâté son jugement.
J'appele cette opinion, Préjugé ; parce qu'outre l'intérêt que les Ecclésiastiques ont eu de tout tems à rendre les femmes puissantes, à cause de la facilité plus grande d'en tirer es Legs pieux & des aumônes, il est certain que ceux de ce tems-là étoient assez grossiers pour s'imaginer que l'Evangile & les Loix Romaines avoient une relation nécessaire & qu'ils n'ont jamais sçû distinguer l'usage de la justice de sa réalité ; quoi qu'il soit évident que l'Evangile n'autorise, ni ne condamne aucune Loi párticuliere de celles qui ne sont pas contraires au Décalogue, & qu'au contraire il en prescrit l'observanon par principe de Conscience sans discuter le droit de la puissance- séculière qui les établit. Cependant malgré le peu de fondement de cette prévention, les conséquences en furent telles, que tous les François se picquerent enfin de renoncer aux droits des Mâles : de sorte que sous la troisième Race des Rois, toutes les Terres -Saliques ont tellement perdu leurs privilèges, qu'il n'en est demeuré aucune, dont les filles ayent été éxcluës, non pas même les anciennes Pairies, qui tenant-de-plus près, à la Couronne par leur dignité, par leur étenduë & par l'usage commun des Droits Royaux, auroient dû le conserver ; elles sont néanmoins toutes tombées en quenouille, les unes après les autres, sans excepter a Bourguogne. Ainsi si cette Exclusion subsiste encoà l'égard des appanages des Fils de France, on est obligé de reconnoître que c'est par un principe tout différent de celui de la Loi Salique, bien qu'elle lui prête son nom & son autorité.
IX. ETAT DES PEUPLES après la Conquête.
ETATS DES PEUPLES.
JE n'entrerai pas dans un plus grand détail de ce que contiennent les autres de cette Loi, dont les matieres sont en effet de très-légere importance de ce tems-mà, & pour faire connoitre les foncions de ce tems-là, & pour se faire connoître les fonctions des dignitez qui devinrent en usage parmi les Francs, d'autant que c'est un point de leur Histoire qui me paroit mal éclairci.
Je remarque d'abord à l'égard des Peuples sujets que les Loix les diviserent en trois Etats, les Ingenus, ou Libres, qui étoient ou François ou Romains, les Lides, & les Serfs. Les Ingénus, (Ingenui) de quelque nation qu'ils fussent, possédoient leur bien en toute propriété, terres, meubles, esclaves, & n'étoient tenus d'autre chose, au moins pour les François que du service militaire, & les Romains ou Gaulois que de la contribution générale que toute la Nation sujette devoit aux Magazms publics. Je dirai en passant que ces Magazins étoient nommez en Langue Franque, Mabelon, & en Latin Mecholum, dont Vendelin a tiré l'Etymologie du nom Flamand de la Ville qu'il prétend avoir été originairement l'un de ces grands Magazins. [Cette Ville est apparemment Malines, en Flamand Mechelen.]
Les Ingénus Romains étoient encore obligez a défrayer les Magistrats dans leur passage, ainsi que les Envoyez ou Messagers du Roi, à qui ils devoient de plus fournir des Voitures avec des Lettres de recommandation pour les lieux les plus prochains de la route qu'ils avoient à faire dans tout le reste. Ces Ingénus jouïssoient ou devoient jouïr d'une liberté & disposition de leurs biens selon leur Loi naturelle : mais il faut avouer que les passages du Roi ou Magistrats, & bien plus encore ceux du Roi même, qui se faisoient à la charge particuliere des Evêques, étoient de rudes courvées pour ceux qui étoient obligez d'en faire les fraix. Il faut dire encore qu'entre les Ingénus Romains, il y en avoit de deux sortes ; les Romains propres & les Gaulois naturels, desquels les Francs faisoient bien plus d'estime que les premiers ; ce qu'on reconnoit au prix que la Loi mettoit au sang des uns & des autres, ainsi que le grand * Bignon l'a remarque dans ses notes sur la Loi Salique Cependant cette distinction ne subsista pas long tems, & l'on voit qu'elle commençoit à s'abolir dans le tems de Grégoire de Tours, qui sous le nom de Romains, comprend en général les Ingenus des Provinces & quelquefois les seuls Catholiques. Mais il ne faut pas omettre de remarquer comme une chose des plus importantes, que parmi les Ingenus il y en avoit de plus nobles les uns que les autres & que ceux qui se picquoient de cette Noblesse, prenoient ordinairement le titre de Senateurs, ou personellement ou pour leur famille, en sorte que Grégoire de Tours & les Vies des Saints de ce tems-là employent communément le terme de Senateur, ou de Senatorius : On y trouve même celui de Senatrix, Senatrice, attribué à une femme ; ce qui fait connoître que l'usage confondoit cette expression avec celle des Nobles. Et quant à l'origine de cette qualité de Senateur, on peut la rapporter, ou au véritable Senat Romain, dans lequel on sçait que plusieurs familles Gauloises furent appelées ; ou au Senat des Villes Gauloises qui jouïssoient du droit Italique, lesquelles étoient en grand nombre, sur tout dans les parties méridionales. Ainsi, de façon ou d'autre, il est certain que cette Noblesse, tirée de la Magistrature, n'avoit rien de commun avec celle de la Nation Françoise, qui étoit toute militaire.
* JEROME BIGNON, Avocat au Parlem. de Paris.
X. DES LIDES.
L. DES.
LES Lites, étoient une espèce d'Affranchis, qui jouïssoient d'une demiLiberté, dont l'étenduë étoit bornée à la proprieté de quelques biens mobiliaires, argent, bestiaux, esclaves, avec quoi ils faisoient valoir des terres, moyennant un certain prix qu'ils en rendoient aux proprietaires, ou bien les Maîtres les établissoient à la conduite des autres serfs & au recouvrement de leurs revenus. On en comptoit de 3. espèces, les Lides simples, les Fiscatins & ceux de l'Eglise ; mais de quelque étatquils
fussent, ils étoient sujets à la poursuite de leurs Patrons & ne pouvoient se soustraire a la puissance foncière qu'ils avoient sur lui. Il y a même apparence que leurs Enfans retomboient dans la servitude, sur tout si ces Enfans se trouvoient petits au tems de la mort de leurs Peres.
XI. DES SERFS.
Tacite, de Mor. Ger. c. 25.
ENFIN les Serfs & les gens de Poûest, étoient la derniere & la plus nombreuse espèce des habitans de la Gaule. Mais leur condition étoit bien différente de celle des esclaves Romains, quoique leur nom fut pareil. Car, ainsi que racite l'a remarque au sujet des Germains, les François n'employoient point leurs serfs au service intérieur de leurs maisons, mais ils leur donnoient des terres à cultiver & des maisons à habiter, où chacun vivoit à sa maniere, en payant au Maître une redevance arbitraire de sa part : Suam quisquesedem, suos Penates régit –, frumenti rnodumDominus autpecorïs, auï vestis ut colono injungit & servus hactenus paret. C'est aussi pourquoi on les nomma serfs de Glebe, servi adscripti Glebae ; serfs de Masse, servi Massarii ; & serfs cassez, servi cassati. On les vendoit néanmoins au Marché pour un prix que la Loi fixe entre 15 & 25 fr. * mais que les talens de l'esclave ou sa figure augmentoient souvent du trouble. On peut même remarquer à ce sujet que la haute taille étoit déterminée par la Loi des Allemands a 13 paumes & au pouce plie.
Ces hommes étoient non seulement censez de condition ignoble & iervile ; mais 11s étoient incapables de porter témoignage en justice & rejettez du bénéfice de toutes les Loix, assujétis d'ailleurs à une obéissance éxacte & punis avec la derniere sévérité des moindres fautes. Or quoique cette condition nous paroisse bien misérable, il est pourtant vrai qu'elle étoit plus douce que la servitude Romaine, quand il n'y auroit eu que la jouissance d'une demeure séparée & la proprieté de ce que le Maître n'éxigeoit pas pour lui.
Les Loix éxpriment ces différentes espèces de servitude par les 6 Causes qui reduisoient les hommes à cette condition, la Naïssance ; le Fait, comme lors que les Gaulois devinrent serfs par une force étrangère ; la Punition ; l'Achapt ; le Don d'un autre ou de soi-même ; & la Redemption qui étoit une servitude à tems, par le moyen de laquelle oh compensoit le service d'un certain nombre d'années contre une somme dûë & exigible : toutes ces causes ne sont pas de difficulté, à l'éxception de celle du Don de soi-même ; car on ne conçoit pas sans peine qu'un homme libre pût volontairement se livrer à l'esclavage. Cependant on voit par l'histoire du tems que ce n'étoit pas une chose bien rare, les uns voulant acquérir & mériter la protection de quelque Grand ; d'autres pour éviter la nécessité, quand leurs biens ne suffi soient pas pour payer les amendes où ils étoient condamnez. Cette derniere raison étoit particulière aux Francs & en priva plusieurs de la Liberté & par conséquent du droit de la Conquête. Enfin d'autres se jettoient dans ces éxtremitez par dévotion, se donnant à des Eglises, eux & leurs familles à perpétuité. On voit que par ce principe S. Martin acquit un prodigieux nombre de serfs dans les premiers siècles, & l'on sçait que la Ville d'Altrech, avec son territoire, se donna toute entiere à ce Saint ; en sorte que les Bourgeois ne prenoient point de titre plus honnorable que celui d'esclaves de S. Martin. D'ailleurs la servitude des Eglises étoient ordinairement fort douce, quoiqu'il se trouve des exem ples de méchans Prélats ; mais comme l'on ne supposoit pas que ce fut une chose com*
com* Sols solidi qui étoient tout autres que nos sols d'aujourd'hui.
mune, les sens qui avoient long tems servi ou des femmes, ou de vieux maîtres, obtenoient d'eux pour récompense d'être donnez à des Eglises. Voilà ce qu'on peut dire de l'état des serfs parmi les Francs.
ORIGINE DES DIGNITEZ parmi les FRANÇOIS.
D, GN, TE ;
VENONS à présent aux François mêmes, dont l'état est l'objet principal de nôtre recherche & montrons de quelle maniere ces Conquérans, nez tous égaux & partagez tous également, ne laisserent pas de se trouver en peu de tems divisez en deux conditions, les Grands de l'Etat, Optimates, comme Childebert les nomme dans son decret, & les Hommes Ordinaires, Leudi ndistinction qui fut établie par des termes propres dans les deux Langues Franque & Gauloise, puis que dans la premiere le non de Druds & dans la seconde celui de Foufs, étoient les titres qui se donnoient ordnairement aux personnes d'un rang supérieur, dont il est difficile aujourd'hui de donner ou l'étymologie ou la véritable signification.
Nous avons vû la Conquête de l'Aquitaine, les Francs avoient plusieurs Rois différens, lesquels n'ayant pour eux que le droit de leur naissance sans Généralat & sans Armée, furent aisément la proye du plus fort, quand Clovis s'avisa de le dépouiller & de les immoler a son ambition : mais quand il eut aboli ces Rois, il falut leur substituer d'autres Magistrats ; un grand Corps de Monarchie ne pouvant se soutenir sans un ordre hiérarchique, qui fait la liaison des Membres & qui leur donne la force & le ressort. Il avoit déja bien connu la nécessité de cette subordination, quand, après la réduction de la Neustrie, il établit un Roi pour ce païs-là, qui résidoit au Mans. Depuis, la jalouzie du titre l'engagea à ne plus former de Royaume & à employer simplement les Magistratures Romaines, Duchez, Comtez, Vicairies &c. Il y avoit néanmoins ou plûtôt il pouvoit y avoir un grand obstacle à cet établissement. Car si le nom des Magistrats Romains étoit agréable aux Gaulois, qui y étoient accoutumez, la raison contraire le pouvoit rendre odieux aux François, qui ne le connoissoient point & qui souverainement amateurs de leur liberté, pouvoient craindre que cette multiplication de Supérieurs n'éxigeât plus d'obéïssance qu'ils n'avoient de coûtume d'en rendre. Mais ce peuple donna dès lors une preuve de sa docilité, ou plûtôt de l'inattention que sa postérité pratique depuis tant de siècles, sur les matières de gouvernement : chaque particulier se flatta vraisemblalement que ce changement de l'ancienne Discipline, lui seroit favorable, puis qu'à la place d'une Royauté héréditaire, dont il étoit naturellement éxclus, on formoit les Dignitez destinées à tout les François qui auroient assez talens pour les remplir, & qu'ainsi au lieu de la possession d'un héritage médiocre, à laquelle la Loi commune l'appeloit, il auroit droit de prétendre à celle de plusieurs Villes ou d'une Province entiere, s'il étoit aidé de la Fortune. Ces grands objets prûent eblouir sans doute tous les François par ce principe, loin d'être contraires aux desseins de Clovis. Le succès nous montre qu'ils s'empressent tous d'y concourir : de sorte que nous pouvons dire que le principe de l'Union qui a fondé la Monarchie sur les ruines d'une espèce d'Aristocratie qui avoit été son berceau, n'a été autre chose que l'ambition mal-entenduë des particuliers.
Nous avons vu pareillement qu'à l'égard des Provinces, il faloit distinguer celles où A la Nation établit les premieres demeures, de celles où les Francs de Clovis s'étendirent par ampliation, telles que l'Isle de France, le Païs de Caux, la Champagne & le Gâtinois jusqu'à la Loire, parce que dans les premieres ils avoient consommé tout le terrain habitable & que dans les secondes ils en avoient laissé partie aux habitans naturels ; mais qu a l'égard de la Neustrie & de l'Aquitaine, comme les peuples s'étoient volontairement assujétis & qu'il ne restoit qu'un petit nombre de François à pourvoir on y en plaça fort peu ; au lieu de quoi on y forma une infinité de Bénéfices, c'est à dire, qu on les partagea en Magistratures, auxquelles on attribua, outre la jurisdiction, certaines terres proportionément a la dignité & à la dépense nécessaire de ceux qui en etoient revetus On revint de-là sur la France Ancienne & l'on y fit les mêmes établissement : de fortequun grand nombre de Francs se trouverent tout à coup élevez aux dignitez de Comte & de Duc dans les Provinces ; sans compter les dignitez des Armées, n, celles des Palais des Rois, qui n'étoient pas les moins recherchées. Ainsi, il ne aut pas séétonner si les conditions devinrent différentes parmi les François, malgré l'égalité de leur Origine. Car cette distinction des conditions naît si naturellement de la disposition des affaires de ce tems-là, que l'on ne peut pas être surpris de la trouver établie l'an 20. de Childebert, c'est à dire, l'an 531, où l'on en peut rapporter l'époque, puis que c'est alors qu'elle a paru la premiere fois dans un acte public, dressé du consentement de tous ceux qui y avoient intérêt.
Il reste à connoître les différens degrez de ces conditions superieures. Car l'on connoit assez que ceux qui demeuroient dans l'état ordinaire, n'admirent entr'eux d'autre distinction que celle de l'âge, auquel il paroit que lde tout tems les François ont beaucoup deferé. On sçait communément que dans les premiers tems, les Francs n'avoient d'autres Magistrats que les Rois & Thungins, Centeniers ou Senieurs, puis que comme on a déja dit, ces termes différens n'éxpriment qu'une même dignité. Les Rois furent abolis & firent place à un Chef unique, successif dans l'une de ses qualitez électif dans la principale ; mais les Thungins garderent leur rang & leur juridiction, étant Juges, Magistrats nécessaires ; à cause qu'ils étoient chargez de tout le détail ; d'autre part, comme ils étoient independants les uns des autres, il auroient desuni plûtôt la societé qu'ils ne l'auroient serrée, si les choses fussent demeurées en cet état : c'est pourquoi il fut nécessaire d'établir dans ces Terres Françoise les mêmes dignitez ou magistratures dont on avoit déja rempli l'Aquitaine ; & en effet on partagea tout le Païs en Provinces, dont on donna le gouvernement à des Ducs, qui avoient sous eux des Comtes, des Vicires & des Thungins ; ce qui forma quatre degrez de Dignité depuis le Roi jusqu'au dernier Magistrat : non ce que j'appelle ici degré de Magistrature, ou de Dignité, eut rien de commun avec ce qu'on appelle la Justice de ressort, qui donne lieu parmi nous à se pourvoir contre le premier jugement, & à en appeller au Juge superieur, puiq qu'au contraire chaque Tribunal de justice étoit alors souverain dans sa compétence que j'éxpliquerai ci-après ; mais parce que par rapport à la guerre les Officiers étoient subordonnez les uns aux autres : de sorte qu'au commandement du Roi les Ducs & les Comtes faisoient assembler & marcher où il étoit besoins tous les Inferieurs, Vicaires, Thungins & soldats avec lesquels on pouvoit former les plus grandes Armées en fort peu de tems.
Nous voyons par ce que je viens d'éxpliquer, que les Francs emprunterenet du Latin les noms Dignitez qu'ils établirent : mais ils n'en reglerent pas les fonctions à la maniere des Romains. Ceux-ci avoient en divers tems fait différentes divisions de la Gaule ; ils y avoient d'abord établi des garnisons pour contenir chaque Province, lesquelles furent presque toutes déplacées dans la suite & approchées de la frontiere du Rhin, à cause du continuel danger de quelque irruption des Barbares de ce côté-là, de sorte que l'interieur de la Gaule demeura presque entiérement dégarni de
troupes, & par conséquent de Magistrats supérieurs. A la vérité les Villes avoient leurs Sevirs, Decemvirs & Augufiules, qui les gouvernoient avec le territoire de la dependance selon l'espèce de droit qui leur avoit été accordé, soit Latin, soit Italique, ou de Colonie : mais depuis la nouvelle méthode, introduite par Constantin dans les Finances, lors qu'il reduisit tous les Impôts à une Capitation pécuniaire, dont il commit l'imposition à des Deputez ou Intendans étrangers au païs où on les envoyoit & absolus dans leur fonction ; toute cette Magistrature s'éclipsa, & dans le fond on ne l'avoit jamais bien connuë àu Nord de la Gaule. En un mot, on est surpris en lisant la Notice de l'Empire de trouver cinq Ducs, six Consulaires & onze Présidens sur ta frontière du Rhin, pendant que tout le reste de la Gaule ne reconnoissoit d'autres Magistrats que les Exacteurs, ou ceux qui leur prêtoient main forte pour la perception des sommes imposées. Ce n'est pas que l'on ne voye quelquefois des Ducs & des Comtes employez dans les Provinces, en vertu de quelque Commission spéciale des Empereurs ou du Préfet du Prétoire des Gaules ; mais ils doivent être plutôt regardez comme des Commissaires déléguez à certaine fin, que comme des Magistrats ordinaires.
Le premier changement que les François firent donc à cet égard, fut de diviser leur terrain en Magistratures subordinées les uns aux autres, & comme les Thunginats ou Centaines avoient été les premieres établies du moins dans les Terres Françoises, ce fut eh les assemblant dans une certaine quantité, que l'on composa les Vicairies, Es Comtez & les Duchez.
Tout au contraire, ou par un ordre renversé, dans la Neustrie & dans l'Aquitaine, la division se dût faire premierement en Provinces ou Duchez, que l'on subdivisa en Comtez ou en Vicairies, sans passer jusqu'aux Centaines, parce que comme on l'a déja dit, il n'y avoir pas en ce païs un assez grand nombre de Francs pour les assembler en Centaines, sans renfermer une immense étendue de païs. C'est aussi pour cela, que dans ces mêmes parties de la Gaule, Neustrie & Aquitaine, les Duchez & Comtez ont pris leur dénomination des Provinces ou des grandes Villes ; au lieu que dans la France propre, c'est à dire, dans l'étenduë d'entre le Rhin, la Seine & la Loire, les Duchez & Comtez ont porté des noms barbares & inconnus avant ce tems-là & qui n'ont pas le moindre rapport avec les Divisions Romaines, ni ordinairement avec les Villes principales du Païs ; d'où il est arrivé que quand la Discipline Françoise s'est anéantie, les mêmes Duchez & Comtez se sont si bien évanouïs, que l'on fait à présent des questions problématiques, non seulement sur leurs limites, mais sur leur situation, que l'on n'établit que par conjectures. C'est ainsi que la Duché de Denlelin a disparu, quoiqu'il fut autrefois si considérable, que la cession qu'en fit Clotaire II. à Theodebert, Roi d'Austrasie, après la bataille d'Ormeil, rétablit la paix entre les Princes & sauva la Couronne à Clotaire. J'en pourrois dire autant du Comté d'Almaric, & c.
Or, que les terres Françoises ayent été les plus considerables dans la Monarchie, on n'en sauroit douter, après les éxemples de la division qui s'en fit entre les Enfans de Clovis & entre ceux de Clotaire I. On voit en effet que leurs Royaumes ne furent composez que de terres Françoises depuis le Rhin jusqu'à la Loire. Les Capitales de leurs Etats sont situées dans cette étendue & il n'y a point de doute que dans le partage, oh forma ces Royaumes de pareil nombre de Duchez Françoises, qui comprenoient par même raison pareil nombre de Comtez & de Thunginats : Defunïïo Clodoveo Rege, dit Gregoire de Tours, quatuor filii ejus regnum accipiunt & inter se aequâ lance dividunt. C'est à dire, qu'après la mort de Clovis ses quatre Fils prirent son Royaume & le divisèrent entr'eux à la balance : ce qui signifie une parfaite égalité. On n'eut point alors égard à l'étenduë des païs & certainement un Roi d'Aquitaine ou de Neustrie auroit été bien plus puissant selon nos idées présentes, qu'un Roi de Soissons. Nulle comparaison dans le nombre des Provinces qu'il auroit euçs sous sa domination, & par conséquent nulle comparaison dans la quantité de son peuple, ni dans les ressources qu'il
en auroit pû tirer : mais on ne raisonnoit point encore sur de tels principes. Les Francs ne pensoient pas qu'un Royaume pût subsister avec des sujets purement esclaves, ou que l'on pût former de bonnes armées autrement qu'avec des soldats libres qui fissent la guerre par intérêt aussi bien que par honneur. Les malhûreux Gaulois sortant du joug des Romains, épuisez de forces & de courage, après avoir langui plus de 500 ans dans l'obscurité & dans l'oppression, ne laissoient esperer aucune défense, ni ressource dans les armées que l'on auroit formées de leur Nation : ce fut par ces raisons que les Enfans de Clovis, ayant à partager le Royaume de leur Pere, divisèrent d'abord les terres Françoises à la balance, afin d'avoir chacun pareil nombre de bonnes troupes & qu'à l'égard de la Neustrie & de l'Aquitaine, ils s'engagerent à les conserver à fraix, communs, les élevans assez pour ne vouloir pas les perdre, mais trop peu pour en faire leur Capital.
Il auroit été bien utile pour mon dessein, de trouver quelque ancien détail de ces partages ; mais il ne reste aucun monument des Traitez de ce tems-là, si l'on en excepte la pacification d'Andelot, que Grégoire de Tours a conservée, mais qui est bien posterieure à ce tems-là. D'ailleurs la négligence des Auteurs nous laisse dans l'ignorance de la plupart des circonstances importantes : féconds & prolixes sur les affaires du Clergé ou sur les Miracles, ils ne touchent jamais qu'en passant la Discipline Françoise & l'ordre du gouvernement. Aussi faut-il reconnoître qu'ils n'avoient garde de prévoir que les affaires publiques changeroient tellement de principe & de forme, que leurs neveux seroient obligez d'étudier les moindres formules, pour y trouver les traces de ce qui se pratiquoit alors. La Poësie nous a été plus favorable à cet égard que l'Histoire ; car en faisant une espèce de peinture des Objets présens, Sidonius Apollinaire & Fortunat nous ont laissé plusieurs traits qui portent quelque lumiere sur les tenebres de ce tems-là. C'est ainsi qu'au sujet des éloges que Fortunat a faits de plusieurs de ses contemporains, tels que l'Annobode, Duc de Septimanie, Brodegisile, Condo, Sigoale, &c ; il éxplique en partie les fonctions des dignitez de Duc & de Comte qu'ils y possédoient. On y voit qu'ils avoient le commandement des armées conjointement avec l'administration de la justice ; qu'ils changeoient assez souvent de Province –, qu'ils montoient d'une dignité inferieure à une plus haute, quand ils s'étoient acquittez de la premiere avec succès ; qu'ils s'honoroient de la naissance Françoise & que par cette raison ils ne tenoient point à injure d'être nommez barbares par les Gaulois ; qu'ils étudioient les Loix des deux Nations pour être en état de leur faire une égale justice, mais qu'ils se picquoient particulièrement d'être bien instruits de celles des Francs. Enfin l'on y voit que les moyens ou les routes de la Fortune étoient à peu près les mêmes que de nôtre tems, à l'éxception de la venalité des Emplois.
NOMBRE DES DIGNITEZ DU PEUPLE FRANÇOIS.
NOMBRË
A l'égard du nombre de ces Dignitez, on ne sauroit douter qu'il ne fût três-grand en comparaison de ce qu'en avoient les Romains dans la même étendue de païs. On voit par éxemple que Childebert, Roi d'Austrasie, marchant à la guerre d'Italie contre les Lombards avoit à sa fuite 20 Ducs, dont les troupes composoient son armée. Or si l'on considéré que ce Prince ne commandoit qu'au tiers de la France, & qu'en
quittant ses Etats il ne pouvoit emmener tout son peuple avec lui, mais qu'il en laissoit la meilleure partie dans les habitations ordinaires sous le gouvernement des mêmes IVIagistrats, il faudra dire qu'il laissa au moins autant de Ducs dans ses Etats qu'il en employa dans son Armée, au moins quatre Comtes sous la jurisdiction d'un. Duc, plusieurs Vicaires sous celle d'un Comte, & plusieurs Thungiats ou Centaines sous chaque Vicaire, d'où il faut conclurre que le nombre des Dignitez étoit véritablement fort grand chez la Nation Françoise, & qu'elle n'avoit point appréhendé de les multiplier, dans l'opinion que les Magistratures bien ordonnées avoient, dans un corps politique, la fonction de faire agir & de mouvoir les parties, en quelque forte pareilles à celles des nerfs dans le corps animé. D'ailleurs on voit bien que ces dignitez n'étoient pas toutes de la même considération & que celles de Vicaire & de Thungin, outre qu'elles étoient déférées à l'âge, ne pouvoient être recherchées des ambitieux qu'autant qu'elles servoient de degrez pour monter aux autres : ainsi, toute supputation faite, il semble qu'il n'y a pas beaucoup d'erreur à estimer le nombre des Ducs de la Monarchie à 120 ; celui des Comtes à 500, y compris les Parens des Rois & les Hauts Officiers de leur Cour, qui prenoient la qualité de Palatins ; celui de Vicaires à 1000, ou 1200 ; celui de Thungins à 400 ; & enfin celui des François naturels à 400000 hommes, dont on peut supposer les deux tiers en état de porter les armes.
Que si l'on confronte cette idée à la politique des Romains, telle qu'elle est éxprimée dans la notice des Gaules, on sera en état de juger de combien la police Françoise surpassoit celle de ces Maîtres du Monde, qui faisant consister toutes leurs forces dans l'argent, sans attention aux qualitez essentielles de leurs troupes, ni aux motifs de leurs services, encore moins à une administration humaine & reglée de leurs provinces, ne songeoient pas qu'en se rendant si mênagers sur le nombre de leurs Magistratures, pour épargner les fraix & les gages des Officiers, ils perdoient par la desolation des peuples le fonds de leur bien & la source de leurs revenus.
DES FINANCES parmi les FRANÇOIS.
FINANCES
EN effet, voici un article qui n'est pas de moindre importance que le précédent. Les Finances de la Gaule entiere n'étoient régies sous les Romains que par vingt Magistrats subordonnez au Comte des sacrées largitions, Juge souverain en cette matiere, d'où il s'ensuit qu'il y avoit une infinité de Commis à l'éxaction ; car autrement le recouvrement des Impôts eut été impossible dans une si grande étendue de païs, & toute la Gaule étant d'ailleurs dénuée de Magistrats locaux, le peuple n'avoit aucun support ni justice contre les Exacteurs qui le pilloient à discrétion, Cette étonnante politique ne fut pas suivie par les François, car non feulement ils déchargerent à la chaude tous les peuples des impôts pécuniaires, les convertissant, comme je l'ai dit, en tributs réels ; mais lors que dans la fuite ils eurent pris plus de goût à l'argent & que l'usage de racheter l'impôt réel se fut introduit, ils voulurent que les Magistrats du premier & second ordre en fissent le recouvrement, c'est à dire que les Ducs & les Comtes fussent chargez non seulement de l'administration de la justice & du commandement militaire, avant qu'ils fussent préposez à toute la Finance de leur Canton. Et la raison en est sensible, puis que c'étoit eux qui par la nature de leur emploi devoient avoir la connoissance des Magazins destinez à la subsistance des troupes ; de sorte que ces Magazins s'étant trouvez, au bout de quelques années, la plûpart tellement remplis que les den-
rées y périssoient, ou qu'il n'y avoit plus de lieu pour renfermer les diverses matières qui devoient y être portées, parce qu'il ne s'en pouvoit faire par tout une égale consommation, on laissa au Magistrat supérieur le pouvoir de commuer le tribut en argent, à la charge d'en rendre compte & de tenir les Magazins suffisamment pourvûs pour les cas imprévus,
De cet usage il s'en forma presque aussi-tôt un autre, c'est que les comptes étant embarrassans & pour celui qui les doit rendre & pour celui qui les doit écouter, on chercha le moyen de les en décharger tous deux. L'éxpérience avoit fait connoître les lieux où les Magazins réels étoient indispensables, à cause du passage & de la résidence des armées ; elle avoit pareillement montré de quels endroits ces magazins devoient tirer leuis fournitures ; il n'en faloit pas davantage pour faire aussi connoître quels étoient les lieux rédimables, c'est à dire, ceux où l'on pouvoit recevoir de l'argent a la place des denrées, sans diminuer la subsistance des troupes ; & cela posé, après avoir ordonné que les Hauts Magistrats pouvoient faire apprécier la colte de chaque terre pour en retirer la valeur à la place de la denrée, on passa jusqu'à dresser des Rolles ste Pargent que pourroit produire chaque Duché, ou Comté, par cette commuation de tribut ; & cela fait, comme le Comte ou le Duc avoit l'intendance des Magazins, il eut aussi celle de l'argent qui en tenoit lieu : mais parce qu'il faloit en revenir au compte du produit, chose sujette à une infinité d'inconveniens, on retrancha toutes les difficultez, en obligeant ces mêmes Officiers de rendre un certaine somme au Trésor & d'en donner des Cautions solvables, avant que d'entrer en fonction de leurs charges, sauf a eux d'en faire le recouvrement sans concussion, sans violence & sans fraix, de telle fortequil n'en arrivât point de plaintes.
Greg. Turon. Lib. VI c. 23.
Ces faits ne sont point avancez sans bonnes preuves, & j'en donnerai Grégoire de Tours pour garand ; non qu'il ait traité éxpressément ces matieres, mais parce qu'en rapportant ce qui s'est passé de son tems, il raconte des faits qui sont une allusion sensiblea a P° 1Cse que Jf decris Ici* Par exemple, on voit par l'histoire du Juif Armentarius, lequel fut jette dans un puits avec ses compagnons, lors qu'il vint à Tours pour exiger le payement des Cautions que le Vicaire Injuriosus & le Comte Eunomius avoient données en entrant en charge ; on voit, dis-je, qu'il n'y a aucun lieu de douter que les Vicaires & les Comtes ne donnassent des Cautions au Fisc, pour le payement qu'il a voient a faire des tributs dont leur charge les obligeoit à faire le recouvrement.
Partiellement dans l'histoire que le même Auteur rapporte de la Commission donnée par le Roi Childebert d'Austrate, à Florentianus, Maître de sa Maison, & à Romulphe Comte du Palais, pour, sur la demande de l'Evêque de Poitiers, faire un nouveau rolle que les possesseurs de son Diocèze, on voit qu'il y avoit un rolle plus ancien, mais que les possesseurs des terres étoient tous chargerz, en sorte que our le recouvrement on inquiétoit ceux qui ne possédoient plus & l'on ne demandoit rien à ceux qui possédoient ; ce qui justifie que le tribut n'étoit dû que pour les terres, & au lieu de la contribut on en espèces qu'elles doivent aux Magazins publics. Grégoire raconte ensuite de quelle maniere les Commissaires vinrent dans la Touraine, pour y faire un pareil réglement, & c'est de-là que je tire la preuve que l'on ne soumettoit à l'impôt pécuniaire que les Provinces où l'absence des troupes rendoit les Magazins inutiles. La nécessité d'abrêger ces reflexions m'oblige de me renfermer dans ces deux éxemples, quoique je pusse en produire plusieurs autres.
Mais je ne puis m'empêcher de prévenir une objection qui se peut faire naturellement contre cette Discipline des François & contre les louanges que je leur ai ci-devant prodiguées, au sujet de l'abolition des impôts pécuniaires ; car outre qu'en mettant la magistratrure & la régie des impôts dans les mêmes mains, il semble que c'étoit livrer le peuple au pillage & tomber dans le défaut que nous avons reproché à la politique Romaines, il est certain que l'on ne découvre pas d'abord la différence que j'ai vantée
de l'administration des François d'avec celle des Romains, sur la Finance, quand il paroît que les uns & les autres tiroient également l'argent des peuples ; voici ce que l'on peut répondre à la difficulté.
I. Le fondement des impôts ordonnez parles François, étoit le produit réel des terres possédées par les sujets : c'est ce que je crois avoir établi d'une maniéré évidente : partant nul tribut n'étoit personnel, ni arbitraire. Voilà la premiere différence dans la disposition Romaine, qui, sur le principe que la personne est plus noble que ses possessions, avoit accumulé les impôts sur les hommes & non sur les biens.
II. Le tribut pécuniaire que levoient les François étoit une commutation du tribut réel ; & dans le fond n'étoit-il pas juste que le débiteur se pût soulager de la maniere qui lui convenoit le mieux ? Les François faisoient-ils tort à leurs sujets de leur accorder le droit de choisir la nature du payement qu'ils étoient obligez de leur faire ?
III. Cet impôt n'avoit rien d'arbitraire de la part du François qui l'ordonnoit ; les terres devoit le huitième ou le dixième de leur produit, à proportion des fraix qu'elles éxigeoient pour leur culture. C'étoit-là le pié certain & général : on apprécia dans la fuite cette quotité une fois pour toûjours. Car alors les monnoyesne varioient pas*, lor & l'argent avoient un prix dont toute la terre convenoit. En conséquence de cette appréciation, on recevoit le tribut, ou en argent, de ceux qui en avoient & qui en vouloient donner, ou en nature de ceux qui n'avoient que des denrées, au quel cas le Magistrat qui les avoit recûës & qui en faisoit bon au Fisc, suivant le rolle dont il avoit donné caution, les vendoit à son gain ou à sa perte, selon son savoir faire, mais jamais au risque de celui qui s'étoit déchargé par un payement actuel de quelque espèce qu'il fut. Cela est si naturel & si juste, si contraire à l'oppression des peuples, que l'on ne peut refuser ses louanges à un tel gouvernement.
Il est vrai toutefois qu'il s'y peut trouver des inconveniens, dont le principe est, que l'Union de la Magistrature & de la régie des impôts est suspecte & qu'elle semble exposer les peuples à une oppression certaine ; mais pour lever ce préjugé, il faut observer : I. Que parmi les véritables Magistrats, les concuffionaires & les méchans déterminez sont moins communs qu'on ne le pense. D'abord la naissance, l Lunm.ur du Monde, la conscience, le mérite réel, sont les degrez ordinaires qui conduisent les hommes à ces postes élevez, & sont aussi des barrieres si fortes que le plus mauvais naturel a peine à les franchir. 2. Que dans la vérité presque toutes les Nations du Monde réunissent dans leur gouvernement la Magistrature & la direction des Finances. Le véritable Magistrat n'est pas celui dont la fonction se renferme au jugement des proces particuliers, ou à purger les grands chemins de voleurs & les villes d'homicides & de scandales ; c'est celui qui règle la destinée publique, qui dispose de la fortune & de la vie des sujets conformément aux Loix & c'est dans ce sens que le Monarque est le premier Magistrat de son Etat, quoique lui-même non seulement ordonne les impôts, mais qu'il en reçoive le produit & qu'il l'employe à sa volonté. Ce qui corrompt notre idee à cet égard, est le partage mal-entendu que nous faisons des diverses professions, suivant lequel nous ne voulons pas concevoir qu'un homme de guerre ou un homme de robe soit capables d'autres fonctions que celles que nôtre usage leur assigne : mais les Grecs, mais les Romains, n'en jugeoient pas ainsi, & l'on peut dire que ces derniers n'ont perdu leur gloire & leur puissance que pour avoir restraint les fonctions des Magistrats en les partageant, puis que c'est ce qui fit naître chez eux, comme il est arrivé chez nous, une profession singuliere d'hommes, dont tout l'emploi est de pilier les Provinces, de frauder le Public, de s'enrichir & de dépenser, & ce qui est encore beaucoup pire d'infecter les moeurs du reste des hommes, de leur dureté, de leur luxe & du sentiment de l'intérêt personnel.
NOS François ne firent donc que ce qu'ils devoient faire avec prudence & justice, quand ils chargerent les Gouverneur des impôts réels ou pécuniaires, de la mamere la
la moins onereuse aux peuples. J'avouë que ces Gouverneurs pouvoient abuser de leur autorité & se rendre aussi tyrans que les Exacteurs Romains auxquels ils succédoient : mais cet inconvénient n'est pas un défaut de systhème politique, c'est celui de la nature des hommes, qui se corrompent plus aisément dans l'élevation que dans la médiocrité. Au reste la disparité du Gouvernement Romain & François est trop évidente, pour qu'il soit besoin d'employer d'autre preuve que la narration des faits qui la justifient. Ainsi je passe à l'éxamen de l'ordre judiciaire & de la forme des Assemblées Générales.
ORDRE JUDICIAIRE parmi les FRANÇOIS.
ORDRE JUDICIAIRE.
JUDICIAIRE.
LES Loix Saliques nous apprennent que la Justice ordinaire s'éxerçoit dans le p mier degré par les Senieurs ou les Centeniers, autrement nommez Thungins ; je dis le premier degré, parce que c'étoit le plus simple & le plus accessible, chaque Cenrenier étant obligé de parcourir son territoire plusieurs fois l'année & d'y indiquer des Malles publiques selon l'éxigence des affaires, ou la réquisition des parties. Ces Malles étoient ainsi nommées de l'Allemand Mâle, ou Mael, qui signifie Asiemblée & c'est de-là que divers lieux des terres Françoises ont pris la derniere syllabe de leur nom, comme Aumale, Wisemale, &c ; parce que ces sortes d'Assises s'y tenoient plus ordinairement qu'ailleurs. Le territoire du Centenier étoit nommé Theade, du Saxon Theod, qui signifie Canton de Province, & c'est pourquoi la Loi parlant de la maniere de former une Complainte, donne une espèce d'alternative au plaignant de sommer sa partie devant le Thungin ou la Theade, c'est à dire, devant l'assemblée des Citoyens du Canton. Cette sommation devoit être faite en présence de trois témoins, & si la partie manquoit d'y satisfaire, le plaignant avoit droit de se servir du Ministere du Graffion, qui vient du mot Grave ou Graff, dont on se sert encore aujourd'hui pour éxprimer la dignité de Comte.
Mais il est singulier & remarquable que le nom d'un si petit emploi ait passé à l'une des plus hautes dignitez & qu'il ait même réüni les fonctions de toutes les autres. Le Glossaire rapporte une grande quantité de significations de ce seul nom, d'où l'on peut apprendre les différentes fonctions de cet office selon les tems ; l'on y trouve aussi plusieurs autoritez qui montrent que le Graffion étoit chargé du recouvrement des impôts de son district & qu'il en devoit compte à l'Officier supérieur.
Les termes employez par la Loi pour éxprimer la sommation, dont il vient d'être parlé, sont ceux-ci ; Mannire, de l'Allemand Manen, avertir ; Thungannare, sommer ; & Mallare, ou admallare, dérivez des noms de Malle & de Thungin : mais le plaignant étoit, ce semble, maître de l'instance ; car la sommation pouvoit conclurre à ce que la partie payât de sa personne & de ses biens, ou qu'elle souffrit l'épreuve de l'eau bouillante, ce que l'on estimoit par ce terme, provocare ad aeneum. Il est vrai que le Juge étoit le Modérateur de la demande & qu'il avoit l'autorité de l'admettre ou de la rejetter ; cependant le prévenu couroit toûjours un grand risque ; ce qui ne se peut éxcuser qu'en disant que dans ces tems de simplicité & de violence, il étoit rare * de donner lieu à la complainte, parce qu'il étoit plus ordinaire d'user de force que de m vaise foi. Telle étoit donc la forme de procéder, voici celle de juger.
Les jugemens étoient rendus dans l'Assemblée publique par le Thungin, assisté de trois Assesseurs en chaque cause ; car la Loi défendoit qu'il y en eut davantage, mais
* Dans le MS. il y a parle.
elle s'éxplique si peu sur la qualité de ces Assesseurs & la maniere de les choisir, que l'on pourroit concjurre quasi qu'il étoit d'usage que toute personne se rendit & se portât pour Assesseur, quand il le vouloit être. II y a toutefois apparence que les deux premiers étoient choisis par les parties & le troisième par le Thungin ; autrement il auroit été difficile que les Malles se fussent passées sans querelle & sans coup de main, puis que le seul intérêt ou l'ambition des particuliers les auroit mis en état d'être juges. On peut dire encore que le droit & le privilège de la Patrie Françoise éxigeoit que la nomination des Assesseurs fut laite par les parties, puis que d'autre maniéré il n'y auroit point de différence dans la dispensation de la justice à l'égard du Gaulois & du François & que tous deux l'auroient reçû souverainement. La Loi nomme les Assesseurs Barons & Saohbarons, Sagibarons, c'est à dire, les hommes de la Cause ; mais on ne fauroit dire si leur voix étoit consultative ou déliberative, ni quelle part ils avoient dans la formation du jugement.
Je rapporterois volontiers à ce principe l'origine de la dignité des BARONS, dont le nom éxprimoit autrefois ce qu'il y avoit de noble & de grand dans l'Etat ; mais comme on le trouve employé dans la même signification par S. Augustin dans le Sermon XLVIII, il est évident que le nom, quoique barbare dans son origine, n'étoit point particulier aux François. Il succéda néanmoins dans leur usage à ceux de Leuds, ou de Leudes, dont nous avons déja parlé.
Il ne faut pas omettre de dire en ce lieu, que l'on peut inférer du titre LVI. de la Loi Salique, que le Roi nommoit quelquefois les Barons d'une feule Cause, selon que le jugement paroissoit important : c'est pourquoi la Loi ordonne une bien plus longue punition pour l'homicide d'un Baron nommé par le Roi que pour celui d'un autre, & de-là il faut même conclurre qu'il n'étoit pas éxtraordinaire parmi les François, de se vanger de la perte de sa Cause sur les Juges qui l'avoient décidée. C'étoit véritablement un attentat bien barbare & il seroit étonnant que la Loi n'eut pas pourvû à le reprimer, autrement que par des amendes pécuniaires, si ce n'eut été un principe inviolable, que le Franc ne pouvoit jamais encourir la peine de mort.
L'obeïssance de la part de ceux qui étoient sommez de se présenter en cause & la soumission dans les condamnez, n'étoient pas aisément pratiquées par des hommes si féroces : cependant l'on y manquoit rarement, à cause de la peine de forfaiture qui étoit attachée à la désobéissance, laquelle privoit le Franc de tout héritage Salique. D'ailleurs tout le monde devoit assistance à la Justice & ceux qui la resufoient étoient condamnez, aussi bien que les refractaires, à de grosses amendes qui les reduisoient à la pauvreté.
Le vol étoit néanmoins le crime capital, c'est à dire, celui contre lequel on avoit pris le plus de précaution. La premiere Loi en avoit traité avec une étendue, qu'elle ne s'est pas donnée sur les autres matieres, puis qu'elle y employé jusqu'à vingt articles entiers. Elle vouloit que sur la plainte d'un vol, le Thungin marchât en personne à la recherche des choies dérobées & que tous les Francs fussent tenus de lui prêter main forte. Toutefois comme les miseres précédentes avoient corrompu les coeurs, en éteignant le sentiment de l'honneur parmi les Gaulois & en formant l'habitude du pillage & de la violence parmi les François, Childebert se trouva obligé d'aggraver encore cette Loi & d'ordonner du consentement de toute la Nation, que chaque Thunginat entier seroit tenu de la restitution du larcin commis dans l'étenduë de son territoire, quand le voleur ne pouvoit être connu. C'étoit véritablement un puissant moyen pour intéresser tout le monde à la fidélité ; mais l'éxpérience ayant montré que l'habitude contraire étoit presque insurmontable, le même Childebert fut contraint de changer de nouveau cette disposition & de condamner tous les voleurs à la mort, à l'éxception du François, dont il réserve le jugement à sa personne, ou plûtôt à la Theade de son Palais, pour ne pas dire a l'Assemblée Générale du Champ de Mars. Voici les termes de
cette Loi intitulée, DE LA TRÔNE CRIMINOSO : Si Francús fuerit, ad nofirâm praèsentiam dirigatur ; se d si debilior persona fuerit, collo pendatur : c'est a dire, si c'est un Franc, qu'il soit amené devant nous, mais si c'est quelqu'un d'une condition inférieure, qu'il soit pendu par son cou. Cette ordonnance est datée de Cologne & porte pour titre, Sïmiliter Coloniae, Calendis Martìis, convenìt & c. éxpression qui prouve démonstrativement (convenit,on est convenu) que c'est un Acte du Parlement François ou de VAssemblée Générale de la Nation & c'est ce qui peut faire douter si le terme praesentia nojira, nôtre présence, signifie absolument la personne du Roi & non la présence du Peuple entier qui a autorizé cette Loi.
Il est toutefois véritable que le Roi tenoit en sa Cour une espèce de Justice supérieure, où les Causes des Provinces étoient quelquefois portées, sur tout quand il s'agissoit des intérêts des gens constituez en dignité : l'histoire que fait Grégoire de Tours du procès d'Injuriofus & d'Eumonius, nous assure de cette vérité, puis que l'on y voit que les Accusez ayant subi un premier jugement à Tours, où ils avoient été subis à se purger par le serment ordinaire, ils porterent eux-mêmes leur Cause devant le Roi pour une plus entiere justification & que là ayant passé trois soleils pour attendre leurs Accusateurs ils furent renvoyez comme non prévenus, parce qu'il ne parut personne contr'eux. De ce fait & de plusieurs autres pareils qui se trouvent dans le même Auteur, on peut juger que les Officiers du Palais composoient une Théade, à laquelle le premier d'entr'eux, ou le Roi même présidoit pour le jugement des Causes nées à la Cour, ou que leur importance y attiroit, & l'on ne fauroit douter qu'un tel Tribunal n'eut l'autorité nécessaire pour juger un François coupable de vol. Cependant il est encore incertain si la dignité de sa naissance n'attiroit pas sa Cause devant l'Assemblée commune de la Nation.
Au reste la même ordonnance condamne à l'amende de 60 fols d'or, ceux qui refuseroient d'assister le Thungin à la capture d'un voleur & cette amende est l'une des plus fortes qui fut en usage. Enfin Clotaire se déclara encore plus fevere que Childebert dans la punition du Larcin, puis qu'il soumit les serfs au châtiment les plus rigoureux pour la moindre faute de ce genre & qu'il assujétit les Maîtres à la restitution de ce qu'ils avoient pris.
Il nest pas difficile de montrer par les mêmes Loix que les jugemens du Thungin ou du Centenier, n'étoient point sujets à l'appel, même dans le cas de condamnation de mort. En effet la Loi qui détermine le privilège du François, commet les Juges de chaque territoire pour l'éxécution de la peine qu'elle prononce contre tout autre coupable & l'on sçait que dans la terre Françoise il n'y avoit originairement point d'autres Juges que les Thungins. La Loi qui s'éxprime si nettement à leur égard, qui les charge de la capture du voleur, ne parle ni du Duc, ni du Comte. On sçait bien aussi que ces derniers avoient des occupations plus importantes ; car quoiqu'ils dirigeassent la justice de leurs provinces, c'étoit moins en l'éxerçant eux-mêmes immédiatement qu'en tenant le Magistrat inférieur dans un devoir éxact. Il faut pourtant excepter de cet ordre de police les pais où il n'y avoit point de Thungins, tels que l'Aquitaine & la Fleustrie, ouTes Vicaires & les Chefs rendoient eux-mêmes la justice au défaut des Magistrats suordonnez. Mais en général il est indubitable que le premier jugement étoit souverain, e stuel Tribunal qu'il émanat, & en particulier que le Thungin jouïssoit de cette autorité illimitée, à l'égard de toutes les affaires qui étoient portées par devant lui, à exception feulement de la personne d'un François, dont les Causes capitales étoient jugees si importantes, qu'elles étoient réservées à une Assemblée où le Roi même devoit présider. Telle étoit l'étenduë & les termes du pouvoir judiciaire des Thungins.
Il n'est pas hors propos de remarquer ici que cet usage s'est perpétué dans tout le Hainault, ou comme dans une terre purement Françoise, pour le regime, il est naturel, de rechercher les états des anciennes Coûtumes de la Nation ; car avant les changemens
que l'áutorité & la prudence du Roi y eut faits, les jugemens capitaux n'y étoient point sujets à l'appel, quoique les matieres civiles y eussent le cours à présent ordinaire, selon les divers degrez de jurisdiction & la volonté des parties. J'avouë que cet usage blesse nos idées, puis que la vie des humains est bien plus importante que leurs procès ; mais si l'on considéré le principe & la Loi dont il est tiré, on verra que cette Loi ne condamnoit à mort que pour un seul crime, qu'il étoit juste & nécessaire de punir rigoureusement, & à l'égard duquel la conviction du prévenu étoit aussi aisée, que le retardement de sa punition étoit de dangereuse conséquence. Que si dans la fuite des siècles on a multiplié les crimes & les punitions, ce n'est point à la premiere institution qu'il s'en faut prendre, qui sans contredit étoit la plus moderée ; mais, d'une part, à la perversité des hommes, & de l'autre à l'erreur du jugement de ceux qui ont fait les loix plus nouvelles, en ce qu'ils ont porté leurs vûës plus loin que le but, c'est à dire, au de-là de l'objet simple & naturel de toute Législation, qui est la sûreté publique.
On me répondra sans doute qu'il étoit encore plus nécessaire de punir l'homicide que le vol & que la Loi Salique n'en ayant ordonné d'autre punition qu'une amende, il étoit juste d'ajouter la peine de mort contre l'assassinat, le poison & tous les crimes par lesquels on détruit les hommes ; j'en conviens, mais tirera-t-on pour juste conséquence de cette aveu, qu'un criminel de cette espèce doive avoir l'avantage de chicaner contre la Loi dans cinq ou six Jurisdictions différentes & de rendre par ce moyen la justice onereuse à celui qui est obligé de la demander ?
Les Justices graduelles sont des productions du droit Romain, contre lequel les anciens François étoient prévenus de l'opinion que, sous le prétexte de rendre la justice éxacte, il assujétissoit le droit à la forme ; c'est ce qui les a portez à lui préférer la simplicité qu'ils ont embrassée, sans doute aussi-bien par reflexion & par connoissance, que par naturel. Je ne saurois douter, en examinant la fuite de leur systhème, qu'ils n'eussent fait toute sorte d'attention aux conséquences de la pratique Romaine si raffinée & si délicate, en comparaison de celle qu'ils ont choisie. Enfin la reconnoissance que nous faisons, même malgré nous, que tout ce qui a été ajouté à leurs institutions, est sujet à des inconvéniens qu'on ne sauroit dissimuler, justifie pleinement la sagesse qui les a conduits.
Après tout, les amendes n'étoient pas une aussi legere punition qu'on se l'imagine. 1. Elles étoient très-fortes : le Weregilde ou prix du sang éxcédoit ordinairement la valeur des biens de celui qui l'avoit répandu : les fols de ce tems-là étoient d'or & les deniers d'argent, & n'avoient presque pas de proportion avec le prix de nos monnoyes, à cause de la rareté de ces pièces. 2. Les amendes ne pouvoient être modérées par aucune considération & le Débiteur de Weregilde étoit souvent obligé de se vendre lui- même ou ses enfans pour s'en acquitter, sur tout après l'abolition d'une Loi dite Cbenceruda, par laquelle un Débiteur étoit reçû à faire cession de ses biens, qui, entrant malgré eux dans ses droits, étoient ensuite obligez de payer à sa place : cette abolition est le premier article de l'ordonnance de Childebert. 3. La honte devoit être plus cruelle que la mort pour un François déshonoré par un crime, privé de sa légitime nationale & paternelle, dénué par conséquent de tous biens & souvent réduit à l'esclavage, ou du moins à la pratique de quelque art méchanique pour en subsister, au lieu de la vie militaire dans laquelle il étoit élevé : & peut-on nier que dans de telles circonstances la vie ne fut un supplice rigoureux ?
GUERRES PARTICULIÈRES DES FRANCS.
GUERRES
MAIS tout ce que je dis ici à la louange de la police Françoise, loin de lever le scrupule qui reste touchant l'odieuse liberté qu'ils avoient de répandre le sang de leurs ennemis, n'adoucit pas même l'horreur qu'inspire la barbarie qu'ils éxerçoient dans leurs guerres particulières : voici toutefois ce que la Loi prescrivoit à cet égard. 1. Tout homme qui commettoit un homicide sans guerre légitime ou sans nécessité de se défendre, étoit amendable suivant une certaine taxe exprimée dans la Loi & proportionnée à la condition du Mort. 2. Pour faire une guerre légitime, il faloit que l'Offensé fit sommer son adversaire à comparoir au Malle prochain, ou en présence de la Théade & du Thungin ; la cause étoit discutée & la plainte admise ou rejettée ; dans le premier cas, l'Ossensé étant debout vis à vis de son adversaire, lui déclaroit devant toute l'Assemblée qu'il le tiendroit pour ennemi à l'avenir & pour toûjours eristmhigasachio in perpetuum. Après ce deffi public, que les plus hardis n'attendoient pas, car il suffisoit à la rigueur qu'il fut fait devant deux ou trois témoins, les parties étoient en droit de se faire une guerre réciproque, qui se perpétuoit dans les familles toûjours avec fureur & même malgré les compositions que les Prélats moyennoient quelquefois entr'elles ; dequoi l'on trouve divers éxemples dans Grégoire de Tours. Enfin comme ces guerres particulieres ne se faisoient jamais sans qu'il en coutât la vie à quelqu'un des contestans, celui qui avoit tué son ennemi, lui enlevoit ordinairement la tête ou la chevelure à peu près comme le pratiquent aujourd'hui les sauvages du Canada & clouoit l'une à la porte de sa maison, ou plantoit l'autre sur un pieu au même endroit, afin que personne ne pût ignorer sa vangeance : mais ce qui me paroit de plus éxtraordinaire à cet égard, c'est que la Loi défendoit de déplacer ces tristes monumens & condamnoit à l'amende ceux qui le faisoient sans être intéressez à la cause.
Il arrivoit néanmoins ordinairement & sur tout depuis que la Religion Chrétienne fut reçuë des François que le Magistrat ou les gens d'Eglise prévenoient ces différens mortels, engageant l'Offenseur à payer quelque chose à la partie pour le prix de la Paix & quand un tel accord étoit fait une fois & juré tant par les parties que par les cautions, il ne leur étoit plus permis d'attenter l'un sur l'autre par aucune voye de fait, sans se rendre coupables des événemens au terme de la Loi. Cependant l'Histoire nous fait connoître que si ces pacifications étoient religieusement éxecutées par les particuliers, elles n'avoient guere d'effet à l'égard des Grands qui éxerçoient entr'eux des haines bien plus atroces & tellement implacables qu'elles ne s'appaisoient que par la destruction des familles entieres ; le plus fort opprimant toûjours le plus foible sans aucun quartier, mêmes pour les enfans.
Ce leger crayon de la Discipline Françoise est à peu près tout ce que l'on peut recueillir tant de la Loi Salique que des Auteurs contemporains, je souhaiterois le pouvoir terminer par une description éxacte des Assemblées generales du Champ de Mars & de la forme des déliberations qui s'y faisoient ; mais quelques recherches que j'aye faites sur cette importante matiere, il faut reconnoître qu'elles ont été presque inutiles, puis que les Anciens ne nous en ont laissé presque aucune instruction précise, ainsi je suis encore reduit, pour en donner une idée qui est indispensable dans cet ouvrage, à former la mienne sur diverses circonstances de l'Histoire du tems & même sur le plan de police que je viens de donner ; je n'ai garde toutefois d'abuser de la facilité qu'il y a à faire des suppositions sur des choses si éloignées, je traiterai cette matiere avec tout le respect dû aux anciennes loix de la patrie & je ne chercherai que la vérité.
ASSEMBLEE GENERALE DES FRANÇOIS au Champ de Mars.
ASSEM
PERSONNE ne fauroit douter que l'usage constant de la Nation n'ait été de former une Assemblée Générale tous les ans au premier de Mars que les Latins nommoient Calendes ; outre la tradition universelle & le témoignage des Historiens, on peut regarder les règlemens des Rois Childebert & Clotaire, comme des Actes autentiques, resultans des déliberations qui s'y sont faites ; & partant il est impossible d'en contester la vérité. Nous savons de plus que ces Assemblées étoient nommées Champ de Mars, non par rapport à un lieu particulier, ni même à un camp de troupes, mais à cause du mois qui étoit le tems reglé où elles se tenoient, jusqu'à celui du Roi Pepin, lequel à cause de la plus grande commodité de la saison, les remit au premier jour de May.
2°. Que le lieu des Assemblées étoit rarement le même, mais qu'on les tenoit indifféremment dans une Province ou dans une autre, selon la commodité des Rois, ou selon l'indication qui en étoit faite d'année en année à la fin de chaque Assemblée : il y a même apparence qu'elles se tenoient au milieu de la principale armée, sur tout lors que les Rois y vouloient paroître avec plus de majesté pour la reception des Ambassadeurs des Princes éloignez, ou pour vuider folemnellement les affaires les plus importantes.
Quoique les règlemens de Childebert soient datez de Cologne, de Mastrick, d'Attigni & de Compiegne & qui étoient de grandes villes, l'Assemblée se tenoit toûjours sous les tentes dans la Campagne du voisinage, le Roi y séant dans une tente ouverte & élevée, comme en un espèce de Trône ou il recevoit d'abord un hommage general, accompagné d'un nouveau ferment de fidélité qui consistoit en plusieurs acclamations reitérées, après lesquelles les Grands lui offroient leurs présens comme des marques de leur attachement & de leur reconnoissance : ce n'étoit d'abord que des chiens, des chevaux, des harnois ou des armes, mais dans la fuite, comme l'on remarqua l'utilité de ces présens, & l'influence qu'ils avoient dans la distribution des Charges, on vint jusqu'à leur offrir de la vaisselle, des vases précieux d'or & d'argent, de riches tentes, & enfin des métaux en espèce.
3°. L'on faisoit dans ces Assemblées toutes fortes de règlemens pour la police publique, lesquels par le consentement general de la Nation y acqueroient force de Loi ; l'on y traitoit de toutes les affaires de l'Etat, de la Paix & de la Guerre, & l'on y faisoit les départemens des Troupes ; il est remarquable à ce sujet qu'à l'égard de la paix, les Rois étoient toûjours les Maîtres, mais que pour la guerre il faloit le consentement de la Nation & en particulier celui des troupes que l'on y vouloit employer, maxime bien équitable dans son principe, puis que la guerre se faisoit toûjours aux dépens de la vie & des biens du peuple, & que si elle produit ou du profit ou de la gloire, l'avantage en est toûjours entier pour les chefs du Gouvernement.
4°. L'on terminoit, dans ces Assemblées, les querelles qui étoient survenuës entre les Grands, ou y recevoit les plaintes des sujets contre les Gouverneurs qui abusoient de leurs charges ; mais rarement on en faisoit justice à l'Assemblée, la discution de telles causes étant pour l'ordinaire renvoyée aux Rois qui devoient avoir la direction du détail du. gouvernement ; on y jugeoit aussi au commencement tous les François coupables, mais parce que depuis que la Nation fut établie dans la Gaule & qu'elle s'y fut multipliée, il auroit été impossible de conduire tous les criminels à cette Assemblée des éxtremitez
du Royaume, insensiblement ce privilège se restraignit aux personnes constituées en d gnité, & de tous les exemples de ces jugemens publics que l'Histoire a conservez, il n'en reste aucun qui concerne de simples particuliers.
Enfin c'étoit dans ces Assemblées que se faisoient les promotions aux Dignitez & Charges vacantes, les unes de la pure autorité des Rois, comme à tous les emplois de la Cour ; les autres par élection, soit des Soldats, soit des Provinces ; car on peut assurer qu'à l'égard des Charges militaires, elles étoient toûjours déférées à l'âge & à l'élection des soldats & qu'à l'égard des provinces, il y en avoit plufieurs à qui les Rois promettoient d élire leurs Comtes ou Vicaires sous la condition de la confirmation qu'ils étoient obligez de demander ; mais aussi que les Rois disposoient de plusieurs autres arbitrairement.
Voila quels étoient les sujets ordinaires des déliberations publiques qui se faisoient aux Assemblées du Champ de Mars dans lesquelles on ne sauroit douter que l'autorité des Rois ne prévalut, sur tout lors qu'ils ont été actifs & violens, comme l'Histoire nous en fait connoître plusieurs.
Quant à la forme des déliberations, de laquelle on a peu de connoissance positive, je crois que l'on peut hardiment supposer qu'elle devoit suivre sordre general de l'Etat, lequel étant divisé, comme nous savons vû, enDnchez, Comtez, Vicairies & Centaines, il est à présumer que les avis étoient donnez suivant la même division, avec cette disserence néanmoins que lors que l'autorité des Rois l'emportoit dans toutes les Assemblées, toutes les résolutions s'y prenoient par voye d'acclamation & de consentement à leur volonté, dont la marque commune étoit ['élévation des mains, mais que lors qu'il y avoit des contestations & des brigues, on comptoir les voix au commencement par Centaines, mais ensuite nécessairement par Duchez & par Comtez, ce qui mit avec letems une grande différence dans le Gouvernement ; car l'on conçoit assez que lors que chaque Centaine formoit son opinion sur une opposition faite en public, il s'ensuivoit nécese sairement qu'aucune résolution ne passoit qui n'eut été pleinement discutée par toute la Nation.
Mais l'on voit aussi qu'il étoit impossible que cette forme de délibération pût subsier, du moins après le partage des terres, qui divisa les François les uns des autres & les éloigna d'une distance considérable ; l'éloignement des lieux, la difficulté des voyages, la dépense qu'ils auroient éxigé, étoient autant de raisons qui dispensoient la plus grande partie de la Nation de se trouver aux Assemblées & c'est aussi pourquoi on ne les tenoit jamais consécutivement dans un même lieu & qu'on les transportait d'un bout du Royaume à l'autre, de Cologne à Compiegne, à Etampes, à Tours, afin que chaque Contrée pût jouïr à son tour de l'Assemblée, savoir le François du droit d'y assister & d'y déliberer, & le sujet du profit résultant de la grande consommation que pouvoit faire une si nombreuse compagnie.
Une Nation bien attentive à ses privilèges & libertez auroit sans doute dès lors pris garde à la conservation d'un droit aussi essentiel que celui des délibérations communes –, il n'auroit pas été difficile de suppléer à la présence des Centaines par les moyens de la députation, mais étant François, c'est à dire, mal-appliquez & toûjours esperant de l'avenir & des occasions la reparation des fautes présentes, ils négligerent pour lors ce qui les intéressoit davantage & laisserent passer aux hauts Magistrats, les Ducs, les Comtes & les Vicaires, droit de la Nation entiere ; de sorte que le commun n'eut plus d'autre fonctions dans les Assemblées réelles, que d'y paroître pour les acclamations que l'usage rendoit nécessaires.
Il est vrai que l'Armée conserva long tems ses règles & sa discipline, mais dès que le corps de la Nation eut abandonné son droit, il ne fut pas difficile de restraindre les déliberations des troupes aux choses qui les concernoient spécialement, savoir l'élection des officiers, les départemens annuels, les routes & les entreprises de guerre pour les-
quelles il faloit avoir leur consentement, peu difficile à obtenir quand les Officiers principaux y avoient donné le leur ; mais c'est aussi ce qui rendoit le rang & la dignité de ces Officiers d'armée si considérable, que le General, ou Maire, se trouva peu après en état d'enlever la Couronne à la premiere famille de nos Rois ; ce qui ne seroit pas arrivé, si ceux-ci avoient sçû balancer l'autorité de l'armée par celle du reste de la Nation.
Avant que de continuer l'Histoire de nôtre France, il seroit peut-etre a propos de dire de quelle maniere les Conquérans en userent envers les Ecclésiastiques & comment la Religion calma enfin la prévention où ils étoient contre leur naissance Gauloise & leur attachement à l'Empire Romain ; mais m'étant déterminé à ne considerer que des objets politiques, il faut nécessairement rejetter celui-là, dont la discution m'éloigneroit de mon terme & allongeroit un Ouvrage que je ne puis trop abrêger.
MANUFACTURES ANCIENNES de la Gaule.
MANU CTURES
JE ne saurois cependant passer sous silence un tort essentiel de nôtre Nation, lequel en un sens ne lui a pas été moins préjudiciable que son inattention aux * mesures du Gouvernement, je veux dire son mépris barbare pour les Arts & les Sciences des Romains ; parce que si, d'un côté, on le peut éxcuser, en disant que les lettres étoient en décadence long tems avant son passage dans la Gaule ; que le mêlange des peuples avoit détruit, non seulement la belle Latinité, mais le bon goût ; enfin que nos François étant sans usage, ni connoissance des lettres, étoient en quelque façon éxclus du sentiment de toutes les Sciences ; il faudra du moins convenir qu'ils ont eu une negligence inéxcusable par rapport aux Arts, puisqu'ils pouvoient profiter des différens établissemens de Manufactures que les Romains avoient faits dans les Gaules & se procurer par leur moyen des commoditez très-réelles, en permettant dailleurs à leurs sujets le trafic des choses dont ils n'auroient pas voulu faire usage.
On croit communément en France que les Manufactures sont le fruit de la sagesse du Gouvernement moderne & l'on en fait tout l'honneur aux Ministres du dernier siècle ; cependant outre ce que les Mémoires des Generalitez nous apprennent de celles qui ont été fort célébres en France sous les Règnes passez, il est certain que les Romains y en avoient établi plusieurs & qu'ils en faisoient un usage très-avantageux pour leur Empire. La Notice en a fait un détail abrégé qu'il ne sera pas inutile de répéter en ce lieu, parce que c'est une chose à laquelle il ne paroit pas que l'on ait fait attention. ;
Les grandes armées qu'ils étoient obligez d'entretenir sur le Rhin les engageoient a avoir dans leur voisinage plusieurs fabriques pour les armes & ils en établirent huit, dans lesquelles on entretenoit un nombre suffisant d'ouvriers tirez du reste de la Gaule ; chaque fabrique avoit aussi son magazin qui devoit toûjours être rempli pour le besoin ; les magazins & fabriques étoient Argentuaria, soit Strasbourg, soit Colmar, le plus grand de tous pour toutes fortes d'armes –, Mâcon pour les flèches ; Autun pour les cuirasses ; Soissons pour les boucliers, arbalettes & carquois ; Rheims pour les epees ; deux à Treves pour les boucliers : Ces Manufactures étoient sous la direction d'un Maître des Offices de l'Empire, trop grand Seigneur pour en prendre lui-meme connoissance, mais qui les regissoit par ses commis : il paroit que l'Empereur Julien avoit beaucoup travaillé pour les rétablir & les pourvoir de bons ouvriers.
* Il y a m : tier dans le MS.
Mais outre ces huit fabriques, dont on peut dire que le voisinage des armées rendoit l'établissement indispensable, les Romains, pour mettre à profit les denrées de chaque Canton, en avoient élevé plusieurs autres. La Notice y comprend les monnoyes au sombre de trois, Lyon, Arles, & Treves, ce qui étoit bien peu pour un aussi vaste païs que la Gaule & marquoit la rareté des espèces métalliques. Elle compte après cela ses Manufactures de draps, y compris les sileuses & cardeuses de laine, car le terme Gynecaeum positivement le lieu où plusieurs femmes sont renfermées ; les lieux de ces Manufactures étoient Arles, Lyon, Rheims, Tournay, Treves, & Autun, cette derniere fut depuis transportée à Metz ; il y avoit aussi une grande Manufacture de toilles établie à Amiens ; d'autres veulent que ce fut à Vienne ; pour moi je crois le texte de la Notice corrompu dans cet endroit. Deux Manufactures de teintures, l'une à Toulon, l'autre à Narbonne & enfin trois autres de Doreurs & de Ciseleurs pour l'embellissement des Armes, à Treves, Rheims, & Arles ; toutes ces Manufactures étoient gouvernées par des procureurs particuliers, ou Commis des sacrées largitions, c'est à dire, du Ministre de la Finance, à la différence des précédentes qui étoient sous le Maître des Offices, Magistrat militaire, tel à peu près que seroit dans nôtre usage un Surintendant des armées : toutefois malgré cette différence de jurisdiction, je ne saurois penser que les dernieres Manufactures n'eussent pas été établies, aussi bien que les précédentes, pour les besoins des troupes ; d'où j'infere que leur vraye différence étoit qu'au lieu que les soldats étoient fournis des premieres aux dépens du Prince, ils n'usoient des secondes qu'à leurs propres dépens.
Voilà ce que j'ai crû devoir observer touchant les anciennes Manufactures de la Gaule qui furent toutes détruites par les barbares, Wandales, Gots, Bourguignons, ou François, a l'occasion dequoi l'on ne peut assez réflêchir sur le bonheur dont nous jouissons d'être à couvert des irruptions des ennemis de nôtre Monarchie, puis que cet éxemple nous fait connoître que toûjours les Etrangers, sans égard à leurs propres avantages, ruinent les anciens établissemens, quelque utiles qu'ils puissent être & sont périr des millions d'éxcellens Ouvriers, dont la perte ne peut être réparée dans l'espace de plusieurs siècles.
A l'égard de la Maxime dont il paroit que les Romains n'avoient pas été négligens dans la Gaule, nos premiers Rois l'abandonnerent entièrement avec tous les établisse-mens qu'ils avoient fait à son occasion sur le Rhône, la Saone, la Mer Méditerranée & dans la Manche, on oublia jusqu'aux noms des ports de mer, dont ils se servoient & que le tems a ruine depuis, de sorte que la Navigation n'a commencé à se rétablir quau tems de Charlemagne, où la nécessité de se prémunir contre les invasions & pirateries des peuples du Nord & des Sarasins l'obligea d'entretenir de grandes flottes sur l'une & l'autre Mer.
THIERRY I. CLODOMIR I. CHILDEBERT I. ET CLOTAIRE, Rois.
THIERR. I. CLODOM.I.CHILD.I. CLOTAIRÊ.
APRES la mort de Clovis, la France fut partagée entre ses quatre enfans, Thierry, Clodomir, Childebert, & Clotaire ; les trois derniers étoient sortis de Clotilde & si jeunes, puis que l'aîné n'avoit que 16 ans, le cadet 12, qu'ils ne setoient pas venus aisément à bout de ce partage sans la médiation des Seigneurs, lesquels
comme nous l'avons déja remarqué, firent une divifion très-éxaéte des terres Françoises & engagerent les freres à les tirer au fort. L'Austrasie, ou le Royaume d'Orient échut à Thîerry ; Orléans à Clodomir ; Paris à Childebert ; Soissons à Clotaire ; ces trois derniers Royaumes étoient proprement des subdivisions de celui qui fut nommé Neustrie, c'est à dire, Nouveau Royaume ; mais ils avoient leurs extensions du côté des anciennes terres Françoises, que nous appelons aujourd'hui la Flandre & la Picardie. Thierry l'aîné des freres, avoit déja un fils nommé Theodebert, fort aimé des François à cause de sa grande valeur & de plusieurs autres éxcellentes qualitez. Je m'arrêterai peu à discuter l'histoire de ces quatre freres, aussi bien que de leurs successeurs, dont les actions sont si anciennes, le merite si. peu connu & la barbarie si évidente, que la posterité n'en a pu faire presque aucun profit : ; c'est pourquoi je me contenterai de remarquer les événemens principaux selon l'ordre des années.
Le premier fut le mariage de Clotilde, fille de Clovis & soeur des quatre Rois avec Almaric, Roi de Wisigots : elle fut conduite en Espagne en 512, avec une dot considerable & un grand appareil ; toutefois les suites de ce mariage ne furent pas hûreufes, comme nous le verrons ci-après.
En 513, & par conséquent deux ans après la mort du grand Clovis, les Bretons de l'autre côté de la Mer commencerent à passer dans l'Armonique, dite depuis de leur nom Petite Bretagne, à cause du grand établissement qu'ils y formerent peu à peu : cette date est précisément marquée dans la Chronique Bretonne, ou Angevine, que le Pere Labbe a donnée sous le nom de Chronique du Mont S. Michel, en laquelle il est dit sur l'an 513, Venerimt tranjinarim Britanni in AriïiomcciTn, id est, TvBnorem Brilanmam ; ainsi il n'est pas nécessaire de se fatiguer beaucoup pour découvrir la raison de ce que les Bretons n'ont point connu la domination de Clovis, au lieu qu'ils avouent & reconnoissent celle de Clotaire, dans Grégoire de Tours, sans aucune difficulté, parce qu'ils étoient venus s'établir dans les terres de son partage.
En 516, ou 17, les Danois conduits par leur Roi Chrodolate, ne faisant pas toûjours la guerre dans l'Isle de Bretagne, descendirent par mer dans quelques Cantons de la Flandre, que le Gefia Francorum nomme Altruaricumj & qui est à présent la Gueldre Hollandoise, ils y pillerent le plat païs, firent un grand butin & beaucoup de prisonniers, qu'ils embarquèrent tout aussi-tôt, mais le Roi Thierry que cette insulte regardoit, fit marcher son fils Theodebert avec les troupes qu'il pût ramasser, & celui-ci fit tant de diligence qu'ayant surpris le Roi Danois qui étoit encore à terre pour soutenir la retraite de ses gens & leur embarquement, il les tailla en pièces, livra en fuite un combat naval à la Flotte, où il eut tant d'avantage qu'il reprit le butin & les prisonniers.
La guerre de Thuringe succéda aussi-tôt à celle-ci ; elle fut entreprise par le Roi Thierry, à la sollicitation d'Hermanfroy, l'un des Rois de ce païs-là, lequel après s'être défait de son frere Berthaire, vouloit encore faire périr celui qui lui restoit, nommé Badoric, pour ne point partager la Royauté. Thierry, qui l'assista dans ce projet par l'espérance d'augmenter ses Etats de quelque portion de la Thuringe, n'en reçut que de l'ingratitude & revint en France très-irrité, mais dignement payé d'une si injuste protection.
Gundebaut, Roi de Bourgogne, étant mort l'an 517, entre le premier Avril, qui est la date de la derniere de ses loix & le 15. Septembre que le Concile d'Essonne s'assembla sous son Successeur Sigismond, celui-ci, dont les légendes ont fait un grand Saint, gouverna avec tant d'inégalité & de foiblesse, qu'il s'attira la haine de tous ses sujets & que les François se persuadèrent, qu'il seroit aisé de le dépouiller & de soumettre son païs, il commença par faire mourir Sigeric son propre fils l'an 522, selon la Chronique de Marius ; puis se laissant aller à la douleur d'une si grande faute, il se soumit à la pénitence de l'Eglise, & non encore content, il prit l'habit de Moine dans le Monastère d'Agaune, ou de S. Maurice, en Valois, qu'il avoit fondé avant la mort de
Gundebaut son Pere dès l'année 515. En cet état les trois plus jeunes freres Rois de France voulurent lui faire la guerre à la sollicitation de leur mere Ste. Clotilde, mais Thierry, qui avoit épousé la fille de Sigismond, ne voulut point être de la partie : La guerre commença en l'année 523 & Sigismond ayant quitté, sa pénitence, se mit à la tête de ses troupes pour marcher au devant des François, mais il en fut d'abord abandonné & ayant été poursuivi dans sa retraite vers le monastere d'Agaune, il fut pris en habit de moine & livré aux François par les Bourguignons mêmes, Consule Maximo, dit la Chronique d'Avranches, à Burgundionibus Francis tradïtus est : c'est à dire sous le Consulat de Maxime.
Ce malhûreux Prince avoit un frere beaucoup plus brave que lui, qui prit courage dans cette disgrace, & rallia les Bourguignons. Marius donne l'Epoque de cette nouvelle Royauté sous le Consulat de Justin & d'Opìlien, c'est à dire en 524 : ce fut aussi alors que Clodomir entreprit de poursuivre seul cette guerre, où il s'engagea après avoir fait massacrer de sang froid le malhûreux Sigismond, contre l'avis des gens de bien ; mais il porta bien-tôt la peine de son inhumanité, ayant été tué à Vezerene en Dauphiné, après le gain d'une bataille laquelle lui auroit assujéti la Bourgogne, s'il avoit vécu.
Childebert & Clotaire, freres de Clodomir, parurent d'abord très-fenfibles à cette mort & poursuivirent la guerre de Bourgogne pour la vanger ; ils assiégèrent & prirent la ville d'Autun, après quoi ils revinrent en France, où Clotaire épousa Voutenga, veuve de Clodomir, mais cette nopce fut le prélude d'une grande tragédie, Clotaire, du consentement de Childebert, s'étant porté à poignarder de sa main les enfans de Clodomir : cette scene se passa en 526, comme on le justifie par l'âge de ces jeunes Princes, raporté par Grégoire de Tours, liv. 3. ch. 18. La vieille Riene Clotilde fut La vieille Reine Clotilde fut tellement touchée de cette barbarie, qu'elle résolut de quitter le monde & se retira à Tours auprès du sépulcre de S. Martin où elle passa le reste de sa vie.
En 530, Thierry Roi d'Austrasie, assisté de son frere Clotaire, Roi de Soissons, ayant porte la guerre de l'autre côté du Rhin plus hûreusement que n'avoit fait Clodomir en Bourgogne éteignit entierement le Royaume de Thuringe par la mort des Princes qui y commandoient : celle d'Hermanfroy lui fut reprochée comme une trahison odieuse & Gregoire de Tours ne fait point scrupule de dire qu'il étoit cru très-capable de ces sortes de crimes ; cependan t cette conquête fit une grande augmentation à ses Etats & le rendit beaucoup plus puissant que ses freres : Clotaire en témoigna quelque jalousie dans le retour, ce qui fit prendre à Thierry la résolution de le faire assassiner ; mais es embûches qu'on lui dressa étoient si grossières, qu'il s'en tira aisément, comme le raporte Grégoire de Tours. Il ramena d'Allemagne la belle Radegonde, fille de Baderic & il l'épousa, mais peu apres ayant fait tuer son frere, celle-ci voulut quitter le monde & un mari si inhumain, & fonda un monastere à Poitiers où elle se renferma.
Pendant la guerre de Thuringe, Childebert ne voulant pas demeurer oisis, fit un armée dans le dessein d'aller en Espagne pour retirer sa soeur Clotilde des mains du Roi Almaric, qui la maltraitoit pour l'engager à se faire Arienne ; mais chemin faisant, il se jetta en l'Auvergne & s'en rendit maître, quoiqu'elle appartint à son frere le Roi Thierry : il se fondoit sur un bruit incertain de sa mort, qui s'étoit répandu dans la Gaule ; toutefois la vérité s'étant beaucoup éclaircie, il lâcha prise & continua son chemin vers l'Espagne.
La chronique de S. Isidore dit qu'Almaric fut défait par les François auprès de Narbonne & que s'étant de-là retiré à Barcelonne, il y fut tué dans une sédition de son arméee l'an cinquième de son règne, qui tombe dans l'Eté de l'an 531, puis que son Prédecesseur Theodoric, Roi d'Italie, qui étoit aussi son ayeul & qui gouverna l'Espagne depuis, l'an 511, sous le prétexte de sa tutele, n'est mort certainement que le 1. de
CHILD. I.
Septembre 526. Childebert ramena sa soeur en France avec de grands trésors & encore avec plus de réputation ; ce qui fit que les deux autres Rois ses freres éxcitez par ce succès entreprirent de retirer ce que les "Wifigots avoient pris sur les François depuis la mort de Clovis. Gunesaire, fils de Clotaire, se jetta sur le Rouergue & n'y fit aucun progrès, mais Theodebert, fils de Thierry, s'avança jusqu'à Beziers & ce fut-là qu'il devint amoureux de la belle Deuterie laquelle il épousa dans la fuite ; il etoit encore occupé de cette guerre, ou de la premiere vivacité de sa passion, lors qu'il reçût la nouvelle de l'éxtrémité où se trouvoit le Roi Thierry son pere, qui mourut à Metz l'an 23. de son règne, c'est à dire, l'an 534 : il avoit peu auparavant ravagé l'Auvergne avec beaucoup de violence & de cruauté, comme le raporte Grégoire de Tours, pour la punir de la facilité avec laquelle elle s'étoit soumise à Childebert.
L'éloignement où se trouvoit alors Theodebert, successeur légitime de Thierry, fit penser à Clotaire & à Childebert qu'ils pouvoient avant son retour s'emparer de toute l'Austrasie ; ils se mirent en campagne, mais la diligence du nouveau Roi rompit toutes leurs mesures ; celui-ci aima mieux néanmoins, pour épargner le sang des François, acheter leur amitié que se vanger de leurs injustices & par cette sage conduite il les obligea de se retirer dans leurs Etats.
Theodebert avoit épousé, du vivant de son pere, Wisgarde fille de Vacon, Roi des Lombards, mais comme il étoit devenu amoureux pendant son éxpedition de Gothie, de Deuterie, femme, ou bien veuve d'un Seigneur de Cabeseres, dont elle avoit une fille qui fut aussi belle, mais moins hûreuse qu'elle. La premiere action de son règne, depuis la paix faite avec ses oncles, fut la répudiation de Wisgarde & ses nopces avec Deuterie ; après quoi, se joignant a Childebert & a Clotaire, ils acheverent ensemble la conquête de la Bourgogne, qu'ils partagèrent entr'eux ; Gondemar, qui l'avoit gouvernée depuis la mort de Sigismond, s'étant retiré d'abord chez les Wisigots, & puis en Afrique, où il mourut : Paulino Juniore Indidì. XII. hoc consule Reges Francorum Chìldebertus, Clotarius & Theodebertus Burgundiam obtinuerunt, & fugato Gundemaro regnum ejus diviserunt : c'est à dire, que sous le Consulat de Paulin le jeune, en l'Indiction XII, les Rois des Francs Childebert, Clotaire & Theodebert, envahirent la Bourgogne & qu'ayant mis en fuite Gundemar, ils partagèrent entr'eux son Royaume. Cette Epoque tombe manifestement sur l'année 534 : ainsi ce Royaume des Bourguignons n'a duré dans la Gaule précisément que 120 ans.
L'année suivante 535, donna commencement à la guerre Gothique, que Procope a décrite. Belisaire, Général de l'Empereur Justinien, étant descendu en Sicile avec une flotte & une armée pour chasser les Barbares de l'Italie, lors que le jeune Athalaric, qui en étoit Roi, étoit mort depuis peu de Phtisie & sa mere Amalazonte, fille du grand Theodoric, avoit épousé pour se maintenir, le Roi Theodal son cousin ; mais celui-ci la fit mourir avec ingratitude ; sur quoi les Rois François, qui étoient cousins germains de cette Princesse, fille d'une soeur de Clovis leur pere, prétendirent avoir droit de l'en punir & firent quelques mouvemens pour passer les Alpes. Theodal ne pouvant à la fois resister à deux ennemis si puissans, chercha moyen de les appaiser & il y réussit en leur payant 50000 pièces d'or qui furent partagées entre Childebert & Theodebert, comme Grégoire de Tours le raconte. Procope réduit cette somme à 20000 pièces, mais il ajoute que l'Empereur Grec, avant que d'attaquer les Gots, avoit fait une Ligue offensive avec le Roi de France & que Theodal, pour les séparer de la querelle, promit de leur ceder tout ce qu'il occupoit dans la Gaule & en deça des Alpes : toutefois ce Prince ayant été massacré peu après par ses propres troupes, cette partie du traité ne pût s'éxécuter que sous son successeur Witiges, lequel, pour se délivrer de la crainte des François, leur ceda effectivement tout ce qu'il possédoit entre le Rhône & les Alpes, & les trois Princes Childebert, Clotaire & Theodebert le partagèrent entr'eux, comme
Procope le raconte liv. i. ch, 14. Cet événement, qui acheva de mettre la Gaule sous l'Empire François, tombe en l'année 536. la 2. de la guerre Gothique.
En ce tems-là, la Reine Deuterie qui avoit jouï jusques-là de sa fortuné & de la tendresse de son mari, devint tellement jalouse de sa propre fille, qu'elle la fit précipiter dans la Meuse de dessus le Pont de Verdun ; Action qui indigna si fort le Prince & tous les François, que quoiqu'elle eut un fils qui règna dans la fuite, elle fut aussitôt répudiée & le Roi reprit Wisegarde sa femme légitime.
Childebert n'avoit point d'enfans mâles & malgré sa barbarie naturelle il avoit quelques sentimens d'honneur & de bonté ; c'est pourquoi touché de la sagesse & du bon gouvernement de son néveu Theodebert, il lui assura sa succession, & depuis le jugeant digne de toute la Monarchie Françoise, il pensa en même tems à déposséder son frere Clotaire, Roi de Soissons, Prince feroce, s'il en fut jamais, & diffamé par la maniere cruelle dont il traitoit sa famille ; il engagea donc Theodebert à se joindre à lui, pour lui faire une guerre commune, ils assemblerent chacun des Armées considérables ; mais Clotaire vint au devant d'eux avec courage, de sorte que la Cause alloit être decidée par une bataille, si le Ciel ne l'avoit prévenu par un orage éxtraordinaire qui accabla l'Armée des Princes liguez pendant que celle de Clotaire, qui en étoit trèsproche, ne ressentit aucun dommage ; il n'en faloit pas davantage en ce tems-là pour décider une querelle, d'autant plus que l'on croyoit que c'étoit l'effet de prieres de Clotilde, mere commune des Rois, c'est pourquoi chacun se retira chez soi sans tenter plus avant la fortune.
En 539, 5. année de la guerre Gothique, Theodebert ayant jugé que l'affoiblissement réciproque des Grecs & des Romains, ou des Gots, lui ouvroit un beau champ pour la conquête de l'Italie, assembla une Armée de 20 Ducs, & de plus de 100000 hommes, avec laquelle il passa les Alpes. Procope a remarqué qu'il avoit peu de Cavalerie & que son Infanterie manquoit d'armes, il se joignit d'abord aux Gots ; mais peu après, ceux-ci se défiant de lui, abandonnerent subitement leur Camp pendant la nuit & se retirerent à Ravennes : la même terreur passa dans l'armée Grecque, qui prit la fuite en confusion vers la Toscane. Ainsi Theodebert se trouva d'abord maître de ce que nous nommons à présent la Lombardie : cependant les maladies commençant à se mettre dans son armée, il se rendit plus attentif aux remontrances des Généraux Grecs, qui s'efforçoient de lui persuader qu'il lui seroit également utile & honorable de conserver l'amitié de l'Empereur & l'intelligence entre les Nations ; en effet il repassa peu à peu les Alpes & il ne paroit pas qu'il se soit mis en peine de rien conserver de ce qu il avoit occupé en Italie. Tel fut le succès de la premiere entrée des François en ce païs-là.
En 542, Childebert & Clotaire vinrent à cette fois, & tous deux poussez de l'ambition de faire parler d'eux dans les païs étrangers, à l'imitation de leur neveu, entreprirent la guerre contre les Wisigots d'Espagne & la poussèrent jusqu'à S rragosse, toutefois avec peu de succès & encore moins de réputation : ce fut de-là que Childebert apporta plusieurs Reliques à l'honneur desquelles il fit bâtir depuis l'Abbaye, dite de S. Germain des Prez. Gregoire de Tours paroit avoir dissimulé les mauvais desseins de cette guerre, dont S. Isidore & Victor de Tunune ont fait un plus grand détail : ils nous apprennent donc qu'en la seconde année, après le combat de Basile, les François s'emparerent de la Vasconie & de la Cantarie, qu'ils assiégèrent ensuite Sarragosse pendant trois jours, après quoi ils se debanderent pour piller la Province de Tarragone, ce qui donna occasion à Theudesile, Général des Wisigots, d'en faire punir un grand nombre : Eos fortier debellavit, dit S. Isidore, atque regno, non pace sed armis, exire coëgit. Victor dit qu'il y avoir cinq Rois dans l'Armée Françoise, ce qui ne se peut entendre que es enfans de Clotaire qui portoient le nom de Rois ; il y a en effet quelques Vers de Fortunat, addressez a Chilperic, qui paroissent indiquer qu'il avoit accompagné son
pere dans cette occafion. Il est remarquable que la Vasconie, ni la Cantarie n appártenoient point aux Wisigots & qu'après la retraite des François, ces deux Provinces prétendirent se joindre à l'Empire.
En 547, Theodebert fit passer une secondé Armée en Italie sous la conduite des deux Généraux, Lothaire & Bucelin, se préparant à les suivre lui-même, ou plûtót à porter ie Fer & le Feu jusque dans Constantinople, pour se vanger de l'injure que Justinien lui avoit faite, en prenant le nom de * François pour exprimer la qualité de Vainqueur des François. Il se proposoit de suivre le cours du Danube & de pénétrer dans la Thrace par l'Illyrie, projet qu'Agathias traite de chimerique, mais qu'il auroit apparémment éxécuté, si une fievre qui lui survint, à l'óccasion d'un coup de branche qu'il avoit reçu à la chasse, n'avoit tranché le cours de sa vie & de ses desseins ; il mourut, selon la Chronique de Marius, en la 7e. année, après le Consulat de Basile, la 14e. de son règne & la 43e. de sa vie, c'est à dire, au commencement de l'hyver de 547. On peut croire que si ce Prince avoit vécu, il auroit porté la gloire du nom François plus loin qu'aucun autre, il avoit non seulement les qualitez essentielles aux Conquérans, la valeur & l'ambition, mais il avoit celles des grands hommes, le génie, la fidelité, la justice & la générosité ; on remarque particulièrement qu'il étoit si tendre pour les peuples, que quand il apprenoit que quelque Canton de ses Etats avoit été affligé de la perte de ses recoltes, non content de remettre le tribut, il suppléoit du fonds de ses Magazins à ce qui lui manquoit, il prêtoit même de l'argent aux Communautez pour le faire valoir par le trafic : c'est ce qu'il fit à l'égard de la ville de Verdun, selon le témoignage de Grégoire de Tours, avec cette circonstance que quand cette Ville voulut s'acquitter envers lui de cet emprunt, il lui remit en faveur des pauvres le Principal & les Intérêts ; on trouvera peu d'éxemples pareils dans la fuite de cette Histoire. Cependant comme il est impossible qu'un Prince né avec le désir de conquérir, ne soit à charge à ses peuples, Parthenus son Ministre fut obligé de se dérober par la fuite à la fureur des habitans de Metz, qui le croyoient auteur de ce qu'il y avoit eu de dur dans les actions des Impôts & ce malhûreux s'étant retiré à Treves, n'y trouva pas les esprits mieux disposez, puis qu'il y fut lapidé par le peuple qui s'émeut à sa feule vûë.
* Francus.
THEOBALDE, Quinzième Roi.
THE BALD
THEODOBERT ne laissa qu'un fils nommé Theodebalde en bas âge & perclus E.de la moitié de son corps, il vécut jusqu'en 552, ou, selon le Continuateur de Marcellin, il mourut l'an 12e, après le Consulat de Basile, n'ayant régné que cinq ans, Ce Prince avoit épousé Vuldetrade, dont il n'avoit point d'enfans ; Clotaire la maria depuis à Garivald, Duc de Bavière, n'ayant pû la garder pour lui à cause de l'opposition des Evêques.
L'Expédition d'Italie, qui avoit commencé paf Theodebert sous les ordres de Bucelin & de Lothaire, devint très-considérable, malgré la foiblesse du règne de Theodebalde ; ils soumirent d'abord le voisinage des Alpes & les rives du Pau, mais la facilité de faire leur fortune particuliere par les gains immenses qui se présenterent à eux, les ayant bien-tôt corrompus, ils se séparerent, afin de ne se point nuire l'un à l'autre dans le pillage. En cet état ils pénétrèrent jusqu'à l'éxtrémité de l'Italie avec plus d'avidité & de ravages qu'il n'en avoit paru dans aucun barbare ; ainsi ils furent maî-
tres du païs jusqu'en l'an 552, que leurs Armées s'étant consumées par leurs propres desordres, par l'intemperie de l'air & les maladies, l'Eunuque Narses, Général de Justinien accabla les restes de ces deux indignes Armées : il ne pardonna à aucun de ceux qui tomberent entre ses mains, les habitans de païs assommèrent les autres, de forte qu'il n'en revint pas un en France & que l'argent immense qu'ils avoient tiré d'Italie y demeura tout entier, ainsi, dit Grégoire de Tours liv. 4. Italia tota ad parUm Imperatoris capta est, nec fuit qui ultra eam reciperet : c'est à dire, que l'Italie fut conquise par l'Empereur & que les François ne s'en mêlerent plus.
Après la mort de Theodebalde, le Roi Clotaire son grand oncle, s'empara de ses Etats, sans que Childebert, que l'âge & la dévotion rendoient pacifique, fit aucun mouvement pour en avoir sa part ; toutefois il ne tarda pas à s'en repentir, puis que dès l'année suivante il éxcita, par ses Emissaires, les Saxons à la révolte contre Clotaire. Ce dernier fut obligé de passer le Rhin avec une Armée dont les prémiers efforts ne fusent pas hûreux ; cette disgrâce s'accrut même de telle forte, par la renommée, que tous les François le crurent mort & que Childebert songea aussi-tôt à s'emparer de son Royaume au préjudice de ses enfans ; ce fut en cette éxpedition, en laquelle il fut aidé par Chramne l'un des fils de Clotaire, qu'il contracta la maladie dont il mourut à Paris en 558, l'an 17e. après le Consulat de Bazile, selon Marius.
CLOTHAIRE I. Seul Roi.
CLOT
CLOTHAIRE, après la mort de Childebert, réunit tout le Royaume de France en sa personne ; mais son Règne n'est signalé que par la cruelle vangeance qu'il prit de Chramne son fils aîné, lequel ayant, été uni avec Childebert dans sa derniere entreprise & n'en croyant pas avoir obtenu le pardon, quoiqu'il y eut eu un premier accord confirmé par des sermens réciproques, se retira chez Conobert, Roi de Basse Bretagne ; son pere le poursuivit & l'ayant pris prisonnier le fit inhumainement brûler avec sa femme & ses deux filles. Tels étoient les barbares sentimens que les Princes François éxerçoient dans leur colere ; mais ce qui n'est pas moins surprenant, c'est que Clotaire n'eut pas plûtôt commis cette horrible action, qu'il tomba dans des remords & des inquiétudes, dont il ne pût trouver le remede dans les plus bizarres dévotions qu'il s'avisa de pratiquer ; de sorte qu'il mourut au bout de l'année, 50 ans après son pere, ayant regné seul environ deux ans. Sa mort est postérieure au 10e. Novembre, puis que son fils Gontran comptoit encore le 24e. de son Règne, le 4e. des Ides de Novembre 585, comme on lé voit par les actes du second Concile de Mâcon. Ses ensans partagèrent sa succession sur le modelle de ceux de Clovis ; mais le fort ne distribua pas les Royaumes de la même façon. Cherebert fut Roi de Paris, il étoit âgé de quatre ans ; Guntchram ou Gontran fut Roi d'Orléans & de Bourgogne ; Sigebert eut le Royaume d'Austrasie, & Chilperic celui de Soissons.
CHEREBERT, GUNTCHRA M, SIGEBERT I, & CHILPERIC, Rois.
GUNTCHRAM, SIG & CHIL PERIC, se
LES Actions de Cherebert ne méritent aucun détail, il mourut à Paris, & non à Blois, sept ans après son pere, n'ayant laissé que des filles. Cette Chronologie est appuyée tant sur l'âge d'Atanagilde Roi d'Espagne, mort la même année, que sur le mariage de sa fille Galeswinthe avec Chilperic Roi de Soissons, dont la cérémonie se fit a Rouën la même année ; ce qui n'auroit pû être avant la mort de Cherebert parce que cette place étoit de son Royaume. A l'égard du lieu de sa mort, il y a un passage de Grégoire de Tours, chap. 19. De Gloria Confejss. où il dit que l'on apprit à Tours le trépas de ce Prince par des gens qui arrivoient de Paris.
Le Destin de l'Austrasie semble avoir été d'être gouvernée par des Princes belliqueux, comme celui du Royaume de Soissons d'en avoir de cruels ; Sigebert & Chilperic qui les possedoient ont abondamment rempli l'histoire de leur tems par ces deux mêmes caracteres ; voici en abrégé quelles ont été leurs principales actions. Dès que le premier fut sur le Trône, les Australiens declarerent qu'ils vouloient avoir un Maire, ou Général, suivant l'ancienne Coûtume, & Sigebert n'ayant pû s'y opposer, l'élection tomba sur un Seigneur nommé Chrodin, lequel considerant le relâchement de la discipline & les desordres du gouvernement auxquels il ne pouvoit être contraire sans se faire un ennemi du Roi même & de ceux qui l'approchoient le plus, refusa obstinément cette grande dignité : mais une modération si rare ne faisant que mieux voir la nécessité que cette Charge fut dignement remplie, l'Assemblée entiere lui déféra la nomination d'un sujet à sa place & il nomma Gogon, auquel l'Armée & l'Etat se soumirent avec joye.
En 565, les Avariens, Peuples de Tartarie, chassez par les Turcs firent une irruption dans les Etats de Sigebert, cherchant plûtôt une retraite que la guerre. Celui-ci les repoussa & les mena battant jusques sur les terres de l'Empire où il leur permit ce s'arrêter. Pendant cette éxpédition, Chilperic va tenter d'envahir la partie du Royaume de Sigebert, qui étoit le plus à sa bienséance ; nouvelle guerre à son retour dans laquelle celui-ci força la ville de Soissons & y prit prisonnier Theodebert, fils aîné de Chilperic : toutefois cette querelle n'eut pas de fuite.
L'année 571 est remarquable par le commencement de la passion de Chilperic pour Fredegonde, fille noble, née à Havancourt en Picardie, laquelle causa la mort déplorable de ses deux femmes légitimes, Audonere, dont il avoit trois fils, qui périrent comme je le dirai ci-après, & Gahourinthe, soeur de Brunechilde, ou Brunehault, femme de Sigebert.
En 572, les Avariens chassez par les Grecs rentrerent en Germanie & combattirent contre Sigebert avec un succès que l'histoire attribuë à des prestiges qu'elle dit leur avoir été familiers. Le François ne se retira de leurs mains qu'à force d'argent.
En 574, commença la funeste guerre de Chilperic, agresseur, contre Sigebert. Sa cause fut le regret qu'eut le premier d'avoir été contraint de ceder au second la ville de Bourdeaux & sa part de l'Aquitaine, desquelles il avoit fait don nuptial à la Reine Galeswinthe en l'épousant, parce que l'ayant fait depuis inhumainement étrangler dans son lit, Sigebert l'avoit avec justice contraint de lui relâcher ces mêmes terres, comme à son héritier. Chilperic entra donc en Champagne avec toutes ses troupes, ayant auparavant envoyé son fils Theodebert pour s'emparer de la Touraine & du Poitou : mais ces pro-
jets ne lui réüssirent pas, son fils fut tué en bataille dans le voisinage d'Angoulême par Godegesile & Gunchram Bosson, Généraux de Sigebert, au mois de Novembre 575, & lui-même fut tellement pressé par le Prince en personne qu'il fut réduit à s'enfermer dans Tournai. Alors sa fortune paroissoit Sans ressource ; Sigebert étoit Maître de Paris, où tous les François de Chilperic avoient fait la solemnité de l'élever sur leurs boucliers ; mais Fredegonde le tira de cette éxtremité par deux assassins qui s'étant introduits dans la tente de Sigebert, sous prétexte de quelques affaires, l'y poignarderent à Vitri en Artois le 6. ou 7. d'Octobre de la même année 575, qui étoit la 14. de son règne. Ainsi mourut ce Roi qui paroissoit né avec des qualitez supérieures à celles de ses freres, mais qui toûjours occupé par leurs jalousies & leurs entreprises, n'eut pas le tems de travailler à la gloire de sa Nation.
CHILDEBERT II. Vingtième Roi de France.
CHILD
CETTE mort changea bien les affaires de face. Brunehault sa veuve, qui étoit dans Paris lors que la nouvelle en arriva, vit en un moment tout le peuple se soulever contr'elle ; mais toute sa prudence ne s'employa qu'auprès de son fils, âgé seulement de cinq ans qu'elle fit hûreusement passer en Austrasie, où il fut reconnu & proclamé le jour de Noël de cette même année ; pour elle, elle attendit avec fermeté l'Armée de Chilperic qui la relégua à Rouën. Là occupée de deux passons bien opposées, desir de vengeance contre le pere & amour pour son fils Mérouée, elle trouva moyen de les satisfaire toutes deux en séduisant ce jeune Prince & l'engageant à l'épouser ; Chilperic outré de fureur à cette nouvelle se rendit à Rouën, où maître de son fils il le fit tondre & renfermer au Monastère d'Anille, à présent S. Calais. Pour Brunehault, les Austrasiens firent une députation pour la redemander à Chilperic, comme la veuve & la mere de leur Roi, ce qu'il ne put refuser & cette nouvelle ayant pénétré jusques dans le Monastere, où le jeune Prince étoit renfermé, il s'évada pour joindre une Epouse, par le moyen de laquelle il esperoit de punir Frédegonde leur ennemie commune ; mais celle-ci fit si bien garder les passages de Champagne, que le pauvre Prince après avoir long tems erré, y périt selon les ordres qu'elle avoit donnez.
En 577, Childebert nouveau Roi d'Austrasie, âgé de sept ans, fut solemnellement adopté par le Roi Guntchram, ce qui donna nouvelle matiere de jalousie à Chilperic, à raison dequoi se préparant à la guerre, pour suivre son naturel feroce & impétueux, il désola ses peuples par un si grand nombre de violences & d'impositions qu'il fit deserter ses Etats, tout le monde s'empressa de se retirer sous la protection de Guntchram & de Childebert : la Province de Limousin se révolta & en fut punie rigoureusement, puis qu'outre le pillage que firent les troupes, un Referendaire, digne Ministre de Chilperic, y vint par son ordre achever la ruine de ses habitans, en y établissant un Impôt par tête, jusques-là inusité sous le gouvernement des François.
En 579, & 580, les trois enfans que Chilperic avoit eu de Fredegonde étant morts consécutivement, la mere fut touchée de cette perte, comme d'un châtiment divin pour la violation des droits de tous les peuples ; en consequence de quoi elle fit ôter quelques impôts des plus onereux ; mais d'autre part jalouse & furieuse de ce qu'il restoit encore un fils de Chilperic & de la Reine Audouaire, elle le fit inhumainement poignarder : son corps fut trouvé peu après dans la Seine & reconnu par sa chevelure, comme le rapporte Grégoire de Tours : elle fit encore étrangler la malhûreuse mere
de ce jeune Prince, quoique Religieuse, pour se delivrer à jamais des reproches qu'elle en pouvoit attendre.
En 581, il y eut quelque brouilleries entre Childebert & Guntchram, causées par quelques Seigneurs factieux que Fredegonde avoit gagnez pour les diviser. Je n'entrerai point dans le détail des querelles de ces Princes, non plus que de leurs pacifications, il est plus important de savoir que la vanité & l'ambition avoient tellement corrompu l'esprit & le coeur des François que la dignité de Patrice, qui avoit été le principal titre du grand Clovis, étoit devenu à l'usage dés Seigneurs particuliers. On trouva alors Mummole, Gontrand & Buzon, revêtus de cette qualité, eux qui n'étoient toutefois que des gens de fortune, dont la fin fut malhûreuse ; le premier étoit fils d'un Citoyen d'Auxerre, qui y avoit éxercé la magistrature de Comte : il commença son élevation en supplantant indignement son Pere par le moyen de l'argent qu'il donna au Roi Clotaire I. que l'honneur de repousser les Lombards de Provence & de gagner contr'eux plusieurs batailles, y avoit attiré, en l'une desquelles leur Roi Clet fut tué, ce qui se passa dans les années 571 : 2 : 3 : & 4. mais depuis il trahit Guntchram avec la derniere noirceur ayant envoyé chercher jusqu'à Constantinople un certain Gundebault, qui se disoit fils du Roi Clotaire, quoiqu'il en eut été desavoué : nous verrons ci-après la fuite de cette entreprise, qui ne tendoit qu'à effrayer Guntchram pour se rendre nécessaire auprès de lui. En 582, le peuple fut étonné de divers prodiges & entr'autres de deux Eclipses de la Lune le 25. Mars & le 17. Septembre, qui furent l'une & l'autre très-considérables : cette même année donna commencement à la guerre de Gundebault, qui étant abordé à Marseille y fut joint par Mummole ; toutefois ne se trouvant pas assez forts, ils se separerent ; le premier se retira dans une Isle & le second à Avignon, où il fut aussi-tôt assiégé par Bozon, Général du Roi Guntchram ; mais comme cette place appartenoit à Childebert, ce Prince y envoya le Duc de Gaudulphe, qui pour obliger Guntchram à retirer son Armée fit passer Mummole en Auvergne ; mais dès que les troupes furent retirées il revint à Avignon.
En 584, Childebert à la sollicitation de l'Empereur, entreprit la guerre contre les Lombards qui s'étoient rendus maîtres de la haute Italie par la ruine des Gaules de l'an 570, & la feule terreur du nom François les obligea à lui payer tribut ; c'est à cette occasion que l'Histoire fait pour la premiere fois mention d'une espece de feodalité, le danger de cette guerre ayant obligé les Lombards à se donner un Roi auquel les 30 Ducs particuliers firent hommage à charge de certaines redevances annuelles pour repousser les dangers communs.
Ce fut aussi dans cette année sur la fin du mois d'Octobre, que Chilperic Roi de Paris & de Soissons, après avoir envoyé sa fille regente en Espagne, pour y épouser Regarode, fils du Roi Leuvigilde, fut assassiné à son retour d'une chasse, en descendant de cheval, en son Palais de Chelles : on n'a jamais connu de quelle main un si detestable coup avoit été frappé ; la Fable, que Pâquier a si bien refutée, l'imputoit à Fredegonde même, qui craignoit que le Roi ne découvrit son mauvais commerce avec Landry Comte du Palais. Fredegaire qui vivoit cent ans après ce meurtre, l'attribuë à Fales, Emissaire de Brunehault, mais il est certain que Grégoire de Tours n'en accuse personne en particulier & qu'il n'a donné d'autre chose de cette mort, que la méchante vie & la cruauté de Chilperic, qu'il nomme l'Herode & le Neron de son tems. Au reste, quoiqu'il ne lui refuse pas les louanges dûës à son érudition & à sa magnificence pour les spectacles publics, il blâme avec justice sa poésie Latine rimée, & absolument irreguliere par l'ignorance de la quantité ; il se mocque aussi de la prétendue découverte de cinq lettres nouvelles pour ajouter à l'Alphabet ; mais sur tout il l'accuse d'aveuglement & d'une complaisance indigne pour la plus méchante femme du siècle, pendant qu'il étoit à l'égard du monde le plus dur & le plus impitoyable de tous les tyrans.
Chilperic ayant fait une boucherie de sa famille legitime & la vengeance du Ciel lui ayant enlevé ses autres enfans, il ne lui restoit au tems de sa mort qu'un fils âgé de quatre mois, qui n'étoit pas encore nommé, & qu'il avoit peu de tems auparavant envoyé à Vitri, en Artois, pour y être nourri. Fredegonde consternée par l'accident inopiné d'une telle mort, se sauva promtement avec cet enfant dans Paris & se jetta avec lui dans l'afile de l'Eglise Cathédrale, appréhendant également la vangeance du Peuple & celle du Prince regnant en France ; l'Evêque la prit en sa protection ; cependant Guntchram qui selon les regles ordinaires devoit entrer en possession des Etats de Chilperic & mandé à Paris en diligence & irrité contre Fredegonde, persuadé que l'enfant qu'elle présentoit n'étoit point fils de Chilperic ; toutefois ce Prince par une politique assez singuliere imaginant que cet enfant pourroit exciter l'émulation de Childebert, lequel à son occasion s'empresseroit davantage de mériter sa bienveuillance & sa succession, craignant d'ailleurs l'éxtinction de sa maison, chose qu'il paroit avoir prévûë, se resolut de le conserver ; mais à l'égard de la mere qu'il ne pouvoit s'empêcher de regarder comme la plus detestable de toutes les femmes, il l'envoya sous sûre garde en un lieu près de Paris, dit Rotogalle, qui ne peut être que le Bourg de Ruel, ou Ruelle ; cette seventé ne fut pas néanmoins de longue durée, la qualité de veuve de Roi, de mere de celui qui devoit regner & sur tout les creatures que Fredegonde avoit parmi les Grands de Neustrie, lui procurèrent sa liberté, qu'elle n'eut pas plûtôt recouvrée qu'elle recommença à faire marcher les assassins pour se défaire de Brunehault, de Childebert & de Guntchram lui-même, mais ils se tinrent tous sur leurs gardes.
Elle fit éclatter en même tems la conjuration du Patrice Mummole, en faveur de Gundebault, prétendu fils de Clotaire, arrivé de Grece depuis deux ans ; il y a toutefois quelque difficulté à lui imputer cette revolte, puis que les Conjurez ne se trouverent pas en état de prendre les armes que par le pillage qu'ils firent des trésors qu'elle avoit donnez a sa fille Rigunte en l'envoyant en Espagne. Dans ce fait, toute la Novempopulanie se declara en faveur de Gondebault & la Proclamation de sa Royauté se fit à Brives a gaillarde, en Limousin. Guntchram chargé de cette guerre sur le déclin de son age & d'ailleurs peu content des Austrasiens, qui gouvernoient la jeunesse de Childebert ne donna pas moins d'attention aux affaires de Neustrie. Cependant le succès de la guerre fut entierement favorable. Gundebault enfermé avec Mummole & l'Evêque sagitaire dans la ville de Lyon de Comminges, Ludgdunum Covenarum, n'y pût tenir que quinze jours. Mommole le livra lui-même aux troupes de Goutchram, esperant sauver se vie par cette double trahison ; mais elle lui fit inutile, tous les trois perirent ensemble & la ville qui leur avoit donné retraite fut rasée jusques dans ses fondemens, en cette année 585, & ne s'est jamais relevée de ce desastre.
L'Histoire fait en cette occasion mention, pour la seconde fois, des troupes Nationales Gauloise ; on s'en étoit déja servi dans une guerre contre Varot, Comte de Bretagne, qui se fit en la troisième année de Childebert d'Austrasie, c'est à dire en 578 : sept ans avant celle-ci & l'on y avoit employé les milices de Touraine, du Poitou, du Maines, d'Anjou, les habitans de Bayeux. Dans cette occasion Guntchram fit marcher celles de Xaintes, de Perigueux, de Bourdeaux, d'Agen, de Toulouse, toutefois sous la conduire d'Officiers François ; elles lui rendirent des services qui furent cause qu'on ne les épargna pas depuis ; marque évidente de la corruption de la discipline Françoise, quoiqu'il n'y eut pas encore quatre-vingt ans qu'elle duroit, ou marque de la grende dimunition des Armées Françoises, causée par la diminition de la Monarchie.
La même année 583, Guntchram fit un second voyage à Paris, où Fredegonde, pour assurer l'Etat de son fils, fit certifier devant lui la reconnoissance que Chilperic en avoit faite par le temoignage de trois Evêques & le serment de 300 Nobles François ; mais
le Roi qui avoit dessein alors de faire la guerre en Septimanie aux Visigots, ne voulut pas rendre cette reconnoissance certaine par son consentement, de peur de mécontenter les Austrasiens.
Le motif de cette nouvelle guerre étoit la vangeance de la mort d'Hermenegilde, beau frere de Childebert, que son pere le Roi Leunegilde avoit fait mourir, les uns disent en haine de la Religion Catholique qu'il professoit & dont il est reconnu martyr, les autres parce qu'il étoit coupable d'intelligence contre l'Etat avec l'Empereur Grec & même avec les Suèves qui occupoient alors la Gaule, chose dont il est assez difficile de justifier la mémoire de ce jeune Prince. Les troupes unies de Guntchram & de Childebert entrerent donc en Septimanie : en venant en apparence pour la cause de la Religion, elles commirent des sacrileges barbares, à la vengeance desquels on attribuë leur défaite entiere : mais Leunegilde, non content de se bien défendre par les armes, agit encore en bon politique, recherchant l'Alliance de Fredegonde, laquelle pour le servir promptement remit les assassins en campagne. Guntchram eut le bonheur d'échaper des mains de quatre ou cinq, consécutivement, & n'en fut pas plus âpre à la vengeance.
En 587, Childebert ayant atteint l'âge de quinze ans & pris le gouvernement de les Etats, fit une mémorable justice des Grands d'Australie, qui furent convaincus d'intelligence avec Fredegonde ; ils furent jugez en l'Assemblée générale du Champ de Mars & Magnoalde, Rauchingue, Vizion & Bertefroi y furent condamnez à mort ; Gontrand Bozon fut livré au Roi Guntchram pour en faire telle punition qu'il lui plairoit. Cet homme étoit tombé du faiste des dignitez à force de trahir & de changer de parti ; on peut croire que le meurtre recent de Prétextal, Evêque de Rouen, que Frédegonde avoit fait poignarder à l'Autel le jour de Pâques de l'année précédente, contribua beaucoup à rendre ses partisans encore plus odieux & plus criminels. Childebert qui avoit eu un fils dans le cours de l'onzième année de son Règne, c'est à dire, en 586, lequel avoit été nommé Theodoric ou Thierry, cette même année les Gascons commencerent à faire sentir leurs ravages dans la Novempopulanie qui fut mal défenduë par le Duc Austrovalde.
L'année suivante 588, la 13. de Childebert, Grégoire de Tours fut trouver ce Prince à Metz, événement qu'il rapporte lib. 4. cap. 20 ; il l'envoya à son oncle le Roi Guntchram qui résidoit à Châlons sur Saône pour la conciliation de divers petits différens qui étoient entre ces Princes touchant le partage du Royaume de Cherebert, lesquels furent reglez sur le fondement de ce qui avoit été arrêté à l'entrevûë de ces mêmes Princes qui s'étoit faite à Andelau aujourd'hui Chedelo en Bassigni. L'Acte qui y fut dressé, est un Monument mémorable, que Grégoire de Tours a rapporté au même, chapitre ; il est daté du 4. des Calendes de Decembre de l'an douzième de Childebert, c'est à dire, du 26. d'Octobre, 587 ; le 13. du même Prince, commençant le 8. Decembre suivant : l'esperance à la succession de Guntchram, ou plutôt la promessequil avoit faite de la garder à Childebert, étoit le motif de ces négociations, d'ailleurs peu importantes.
En 589, 14. de Childebert, Guntchram envoya une grande Armée contre les Gots sous la conduite de Lustrovade, lequel prit d'abord Carcassonne –, mais le Duc Beauseon luy ayant succedé dans le commandement, il se conduisit si malquil fut battu par Claudius, Général des Gots. Jean Abbé de Blelarre, & S. Isidore parlent de cette défaite des François & disent qu'ils y perdirent 5000 morts & 2000 prisonniers.
En 590, il y eut une nouvelle recherche des partisans de Fredegonde parmi les Grands d'Austrasie, le Duc Sonnechilde en perdit la vie & Gilles, Evêque de Rheims, fut deposé & relégué ; mais le plus important événement de cette année fut l'Alliance du Roi Childebert avec l'Empereur Maurice, en conséquence de laquelle il fit passer en Italie contre les Lombards une Armée de 20 Ducs sous les Généraux Audouvalde &
Olon : le premier marcha à Milan & le second à Belinzone, ville bâtie au pié des Alpes : le Roi Autharis & les Lombards se renfermerent dans les places & particulièrement dans Pavie, qui fut jugée trop bien munie pour pouvoir être forcée ; sur quoi les Grecs ayant manqué de joindre leurs forces aux François, ceux-ci reçûrent les soumissions d'Autharis qui promit de payer l'ancien tribut & ils se retirerent. Grégoire de Tours, en racontant cette guerre, se plaint du peu de discipline que les Ducs faisoient observer à leurs troupes dans la marche vers le quartier d'Assemblée & rapporte aussi la part que le Roi Guntchram prit dans la conclusion de la Paix.
En la même année 590, il y eut guerre contre les Bretons, en laquelle la mesintelligence des chefs François fit périr une grande partie de leurs Armées, mais Varoc, Comte du Païs, n'eut garde de s'en prévaloir & pour ne pas s'attirer les forces entieres des François, il fit un acte de soumission tel qu'on l'auroit pû éxiger s'il eut été vaincu, & cet acte est regardé comme un titre important pour justifier la souveraineté de nos premiers Rois sur la Bretagne.
Il y eut, selon Grégoire de Tours, une Eclipse de soleil au mois d'Octobre de la même année, laquelle est digne d'observation parce qu'elle sert à assurer toute cette Chronologie.
En 591, Guntchram vint à Paris & fit enfin la cérémonie solemnelle de lever des fonds Baptismaux le fils de Fredegonde, qui fut nommé Clotaire en mémoire de son Ayeul : la cérémonie se fit à Nanterre près de Paris où l'on emmena l'enfant de Ruelles, Retrogala –, on ne sauroit douter que Childebert ne regardât cette action comme une injure, vû les protestations rapportées par Grégoire de Tours : cependant la vieillesse de Guntchram l'engagea à prendre patience : c'est par cet événement que Grégoire de Tours a fini son histoire, écrite à la vérité d'une maniéré si simple que Heldoin, Abbé de S. Denis écrivant à l'Empereur Louïs le Debonnaire touchant cet Auteur, a dit, Rarcendum eji simplicitati Viri Religiosi, qui multa aliter quàm sese veritas habeat aejìunans, non calliditatis ajìu, sed benignitatis & simplicitatis voto litteris commendavit. En effet sa crédulité l'a souvent trompé & diminué beaucoup la valeur de son ouvrage ; toutefois nous devons reconnoître que c'est un monument inestimable par rapport aux antiquitez de la Nation, desquelles nous n'aurions aucune connoissance sans son secours. Ainsi Fredegaire, qui a continué les Annales Françoises d'une maniéré encore plus resserrée & plus obscure, nous servira de regle pour les événemens suivans.
Le premier que nous observerons sur son témoignage est une Eclipse de soleil qui arriva l'an 592, dans laquelle sa lumière parut s'éteindre depuis le matin jusqu'à midi, mais cet Auteur n'a point designé autrement le tems de ce Phénomène. Theophane, qui en a aussi fait mention, le rapporte au Printems de la quatrième année de l'Empire de Maurice, & en effet le P. Petau qui en a calculé le tems & la grandeur, la donne au 19. Mars 592, avec dix doigts de grande obscurité.
CLOTAIRE II. Vingt-unième Roi de France.
CLOTAIRE
L'Année suivante 593, & le 27. Mars, le bon Roi Guntchram mourut à Châious sur Saone & fut inhumé dans l'Abbaye de S. Marcel qu'il avoit fondée, laquelle est aujourd'hui un Prieuré de l'ordre de Cluny : il a été mis au nombre des Saints & le Martyrologe Romain en fait mention au jour de sa mort, sur quoi l'on peut dire que c'est veritablement une Canonization assez legere, si la comparaison des moeurs de ses
freres avec les siennes n'en rehausse le mérite. Childebert II. Rai, son neveu se mit en possession de ses Etats, du consentement de tous les François & n'y fut pas plutôt reconnu qu'il tourna ses armes contre Fredegonde, qu'il regardoit comme la meurtrière de son pere, ce qui étoit en effet : il envoya d'abord contr'elle & contre son fils Wintranon, Duc de Champagne, avec une puissante Armée ; mais celle-ci loin de s'étonner d'un orage qu'elle avoit prévu, témoigna toute la fermeté & le courage qu'auroit pû avoir une ame plus généreuse : elle commença par faire élire un Maire au Palais de Neustrie, suivant l'exemple des Austrasiens, parce qu'il étoit nécessaire de donner un Général aux Francs du Royaume de son fils, vû son bas âge, & s'étant en fuite mise à la tête des troupes, elle marcha au devant de Wintranon qu'elle joignit au lieu nommé Trucia, aujourd'hui Trouci, non loin de Soissons, & le défit à platte couture. Le Gesta Francorum, qui rapporte les principaux de ces faits, y joint une fable ridicule du stratagème employé par Fredegonde, en faisant charger les soldats de branches d'arbres pour representer une forêt & cacher ainsi la marche de son Armée, il représente aussi Fredegonde parcourant les rangs des soldats & leur montrant son fils à la mammelle ; ce qui est absolument impossible, puis que Clotaire avoit alors plus de dix ans : Fredegaire au contraire ne parle ni de Fredegonde, ni de son Maire.
En 594, Childebert passa en Germanie & y détruisit le peuple de Varnes, qui s'étoit revolté : ce fut le dernier de ses éxploits, étant mort l'année suivante, c'est à dire, au mois de May de l'an 586, avec sa femme la Reine Failleube, non sans soupçon de poison, mais sans qu'on ait jamais pû savoir de quelles mains il avoit été donné. Fredegonde en fut accusée, à cause de son inimitié declarée & parce qu'elle en étoit capable : d'autres disent que Brunehault, chagrine de n'avoir plus de part au gouvernement & esperant de reprendre son ancienne autorité pendant la jeunesse de ses petits-fils, sacrifia la vie de Childebert & de sa femme à son ambition.
THEODOBERT II. & THIERRY II. ROIS de France.
THEODEB RT II & THIER. II.
CE Prince laissa deux enfans Theodebert & Thierry, tous deux fort jeunes. Les Seigneurs firent entr'eux le partage des Etats de leur Pere ; la Bourgogne avec le Royaume d'Orléans échût à Thierry, & l'Austrasie à Theodebert : ce fut auprès du dernier, comme l'aîné, que Brunehault s'arrêta, elle gouverna aussi l'Austrasie pendant trois ans, mais elle en mécontenta tellement les Peuples & les Grands, que d'un consentement unanime ils s'emparerent de sa personne & lui ayant déclaré la volonté générale de tous les membres de l'Etat, qu'elle eut à vuider l'Austrasie pour n'y jamais revenir, ils la conduisirent à Arcis en Champagne, à l'entrée des Etats de Thierry & l'y abandonnèrent.
De-là Brunehault, sans perdre courage, se fit conduire à Châlons sur Saône, résidence de Thierry où elle reprit le rang dû à sa qualité d'ayeule du Roi, mais non pas si tôt encore le gouvernement.
Pendant tout ce tems, la guerre fut continuée entre les enfans de Childebert & celui de Chilperic, ou plûtôt entre les Princes qui gouvernoient à leur place. Fredegonde la plus hûreuse se rendit maîtresse de Paris & de toutes les villes des environs, dont elle maltraita les habitans. Ce fut toutefois le terme de sa fortune, puis qu'elle mourut au
mois de May 598, à l'âge de 55 ans ; son tombeau & celui de Chilperic son mari, dûs sans doute plutôt à la piété de leur fils qu'à l'amour des peuples, furent découverts en 1643, auprès du portail de l'Abbaye S. Germain des Prez, d'où ils ont été transportez auprès du grand Autel de l'Eglise.
En 600, Clotaire perdit une grande bataille contre ses freres Austrasiens au lieu dit Uromela super Arovannami à présent d'Ormeil sur Quesne près de Sens ; 30000 François périrent en cette occasion & c'est la premiere playe saignante, que la Nation ait reçuë par le caprice de ses Princes ; jusques là leurs divisions n'avoient causé que des condamnations particulières. Ici les François commencerent à s'entrecharger, connoissant si peu leurs véritables intérêts qu'ils paroissoient n'avoir disputé que du choix des tyrans ; nous verrons dans la fuite les effets de cet aveuglement, qui les soumirent aux Princes les plus méprisables, ce que je prens moins pour une marque de leur fidélité naturelle ; car il ne faut pas confondre les objets ; que pour celle de leur inattention & de leur legereté dans la maniere dont ils ont de tout tems conçû les matieres politiques.
La Paix se fit néanmoins, & Clotaire pour l'obtenir ceda à Thierry toute la Neustrie depuis la Seine jusqu'à la Loire, la Bretagne & la Mer. Theodebert eût pour sa part la Duché de Dantelin, qui comprenois, selon l'opinion la plus probable, le païs d'entre l'Aisne, l'Oise & la Seine, ce qui fait, à peu près, l'Isle de France, selon nôtre usage présent : ainsi Clotaite ne se reserva que douze Territoires, douze païs entre l'Ocean, l'Oise & la Seine, c'est à dire, qu'on ne le considera plus que comme un Prince dépossedé & réduit à un simple appanage pour sa subsistance ; on peut remarquer qu'à compter de ce tems, il paroît que le Royaume de Bourgogne commença à prendre une grande supériorité dans l'administration publique ; ses troupes se trouverent en suite les plus braves & son conseil le plus sage & le plus hûreux jusqu'au tems de Charles Martel qui ruïna cette Province & détruisit sa prééminence.
L'année 600, est encore remarquable par la grande Colonie des Causabres, ou Gascons qui descendirent des Pyrenées dans la Novempopulanie, dont ils se rendirent les maîtres, séparant en quelque façon ce païs du reste de la Monarchie, quoique pour s'épargner une guerre incertaine ils voulurent bien, en 602, recevoir un Duc de leur Nation de la main des freres Austrasiens, lesquels nommerent à cette dignité Genealis qui apparemment la possedoit déja.
En 602, Brunehault qui depuis la mort de Fredegonde sembloit avoir pris la funeste ambition dêtre à son tour aussi méchante que l'autre l'avoit été, fit tuer Agila, Patrice de Bourgogne, pour s'emparer de ses biens : il est assez difficile de déterminer quelles ont été les fonctions de cette dignité, particuliere à la Bourgogne, si on ne la regarde comme celle d'un Juge général & souverain, auquel ressortissoient les jugemens particuliers des différens territoires. J'aurois peut-être pensé que ces fonctions répondoient à celles de la Mairie des autres Royaumes, si l'Histoire ne faisoit connoître que dans ce tems-là même & les suivans il y a eu ensemble des Maires & des Patrices en Bourgogne : en effet Berthoalde possedoit alors la Mairie & eut le malheur d'éxciter, aussi bien qu'Agila, la jalousie de Brunehault. En 603, l'an 8. de Thierry, il y eut une Eclipse de soleil que le P. Petau a calculé pour le 2. jour d'Août, sur les deux heures après midi, ce qui répond à l'observation de Fredegaire, lequel assure que Berthoalde étoit deja Maire quand elle arriva.
En 604, Brunehault, prise de passion pour un Gaulois, ou Romain, nommé Prothadvis, le voulut élever aux dignitez pour l'approcher davantage de foi ; celle de Berthoalde lui faisoit envie, mais il étoit difficile de l'en déposséder pour en revêtir un favori tel que Prothadvis ; c'est ce qui lui fit prendre le parti de lui donner une commission où elle pouvoit esperer qu'il périroit, elle l'envoya pour ce dessein recueillir les impôts de la Neustrie, dans l'esperance que Clotaire, tout dépossédé qu'il étoit, ne souffriroit
pas qu'un Ministre de Bourgogne approchât trop près de sa personne & d' ailleurs elle lui & donna si peu de troupes qu'il n'étoit pas en état de faire une grande défence. En effet Merouée, fils de Clotaire, accompagné du Maire Landry, vint surprendre Berthoalde à Arelaure, maison Royale sur la Seine, aux environs de Caudebec : celui-ci se retira fort à propos à Orleans, où Thierry le vint secourir sur la nouvelle que Clotaire s'étoit déja emparé de Paris. Ils s'avancerent ensemble & camperent proche d'Estampes sur la rivière de Loet. Landry & Merouée, âgé seulement de cinq ans, se trouverent de l'autre côté avec une armée, mais quoique le passage de la riviere fut difficile, il fut forcé par Thierry le propre jour de Noël de l'an 604. Landry s'échapa par la fuite & Merouée resta prisonnier & mourut peu après ; & Thierry marcha droit à Paris, qui se rendit sans resistance. Ainsi Clotaire étoit absolument perdu, s'il n'eut trouvé moyen de faire sa paix avec l'un & l'autre frere, elle fut conchrë au commencement de 605 & peu après Berthoalde, privé de la Mairie, qui fut donné à Prothadvis par Brunehault cum stupri gratia dit Fredegaire, cìim vellet exaltari * honoribus.
Le desir que Brunehault conservoit de se venger de Theodebert & des Austrasiens qui l'avoient chassé, la portoit à chercher tous les moyens d'aigrir les Bourguignons & de les engager à leur faire la guerre. Prothadvis nouveau Maire la servit si bien dans ce dessein que la guerre étant enfin resoluë, les deux Rois se mirent en campagne avec leurs meilleures troupes, se rencontrerent au lieu de Caraciat, mais sur le point du combat les Seigneurs menagerent un accommodement entre les freres, Prothadvis fut le seul qui s'y opposa avec si peu de raison que Thierry même fut obligé de le condamner à la mort & la Mairie fut donnée à un autre Romain, nommé Claudius, auquel Fredegaire donne de grands éloges : tout cela arriva vers le primtems de l'année 606.
L'an 607 Brunehault s'étant rendue maîtresse du gouvernement par sa complaisance pour les debauches du jeune Thierry, qui étoit lors à Favernay au Comté de Bourgogne, vengea cruellement la mort de son favori sur tous ceuxquelle en crut complices Didier, Evêque de Vienne, qui osa lui faire des remontrances, fut déposé par son ordre, on croit même qu'elle le fit mourir. Le S. Abbé Collomban fut chassé de son Monastere de Luxeuil, parce qu'il éxhortoit le Roi à faire un mariage légitime ; mais son objet principal étoit la vengeance contre Theodebert & les Austrasiens qui le gouvernoient. Elle persuada donc à Thierry que Theodebert n'étoit point son frere & qu'étant fils d'un jardinier on l'avoit supposé dans la crainte que Childebert son pere ne mourut sans enfans ; elle l'engagea par ce moyen à la guerre pour le priver d'un Royaume qui ne devoit pas lui appartenir : cependant les instances de toute la Nation ayant obligé Thierry de songer à un mariage convenable, il députa Aredias Evêque de Lion avec deux Seigneurs pour faire la demande à Hermonbeque fille de Veteric, Roi d'Espagne, & ils l'obtinrent sous serment qu'elle ne seroit point repudiée : la Princesse partit dans cette confiance & ils la menerent à Châlons, où elle fut reçûë avec beaucoup d'honneur au commencement de l'an 608 : mais Brunehault & Theudelaire, soeur de Thierry empêchèrent la consommation du mariage & en dégoûterent tellement le Roi qu'il la renvoya à son pere au bout de l'année, outrage si sensible à Veteric, qu'il se ligua d'abord avec Theodebert, Clotaire & Agilulphe Roi des Lombards pour faire une guerre immortelle à Thierry, mais il mourut en 610, sans avoir exécuté aucun de ses projets.
Cependant la brouillerie des freres augmentoit toûjours ; Brunehault haïssoit avec fureur Belichelde femme de Theodebert, parce qu'elle avoit été à son service, mais plus particulièrement parce qu'elle avoit tout pouvoir sur son mari & sur les Grands d'Austrasie : il y eut cependant diverses negotiations pour les accommoder, on convint même d'une entrevue où Belichelde refusa de se trouver sur quelques soupçons, cela arriva à la fin de 608, en la 15. année de Thierry, qui tombe en 610. Theodebert mal conseillé, se rendit aggresseur & attaqua l'Alsace, qui étoit du partage de son frere ; on
* C'est à dire, que pour aller aux honneurs, il se prostitua à Brunehault.
convint néanmoins peu après de mettre ce différent à l'arbitrage de plusieurs Seigneurs T François, qui devoient s'assembler à Saloisoé, mais Theodebert s'y trouva si puissant qu'il obligea son frere à lui ceder le païs, qui étoit en contestation : d'ailleurs ce Prince qui avoit peu d'esprit, s'y laissa prévenir contre sa femme Belichelde au point qu'étant revenu à Metz, il la fit mourir, & à sa place épousa une autre femme, nommée Theudeuchilde ; ce fut le commencement de ses malheurs,
En 612, Thierry étant encore en la 16. année de son Règne, c'est à dire, avant le mois de May, fit alliance avec Clotaire pour la ruine de Theodebert, s'obligeant de lui restituer la Duché de Dentelin, quand il auroit privé celui-là de son Royaume ; après cela s'étant mis en marche avec toutes ses forces, il se rendit à Andelot en Bassigni, d'où il s'avança pour faire le siège d'un lieu dit Nastum, que quelques-uns ont pris pour Nancy en Lorraine, mais qui n'est autre que Nancy en Barrois, sur la riviere d'Ornay ; pendant cela Theodebert s'avança à Thorel, & Thierry ayant levé son siége, le vint rencontrer ; la bataille s'y donna au deSavantage de Theodebert, qui se retira à Metz, où ayant passé la Vofge, il rassembla une seconde armée de Saxons, Thuringiens & Allemands, avec lesquels il hazarda un second combat à Tolbiac, mais il le perdit encore d'une maniéré si complette, qu'ayant été obligé de passer le Rhin pour se sauver, son frere s'empara de Cologne, de ses trésors, &, bien-tôt après, de sa personne. Ce malhûreux Prince fut Ordonné Prêtre sur le champ, puis envoyé à Châlons, où, pour plus grande fureté, on le fit poignarder. Son fils Merouée eut la tête écrasée contre une muraille à Metz, comme le rapporte Fredegaire, mais quant à sa fille, qui étoit fort belle, elle donna tant d'Amour à Thierry qu'il prit la résolution de l'épouser. Brurìehault n'avoit garde dé souffrir qu'il prit un attachement auquel il eut pû donner la préférence sur celui qu'elle éxigeoit pour soi-même, c'est pourquoi elle lui représenta qu'il ne pouvoit, selon les Loix de l'Eglise, épouser la fille de son frere ; alors Thierry naturellement très-colere s'échapa en reproches, de ce qu'elle l'avoit obligé d'éxterminer la maison de Theodebert, en l'assurant de sa supposition : cette querelle, qui fut violente, coûta peu après la vie à Thierry ; car sur la nouvelle que Clotaire s'étoit saisi sans sa permission de Dentelin, il assembla toutes ses forces au Primtems de 613 & prêt à marcher contre lui, il fut pris dune dissenterie qui le mit en peu de jours au tombeau, laissant tout le monde dans l'opinionquil périssoit par le crime de son ayeul ; il avoit quatre enfans de différentes femmes : Sigebert, Childebert, Corbes & Merouée, entre lesquels Brunehault choisit l'aîné Sigebert, pour le faire proclamer seul, dans l'esperance de regnet sous son nom : mais les Seigneurs des deux Royaumes aimerent mieux le livrer à Clotaire, Roi de Neustrie, que d'essuyer de nouveau les caprices de cette Reine & son administration si contraire aux loix, outre l'horreur générale que l'on avoit pour ses crimes. Arnoul Pépin, les plus grands & les plus sages d'Austrasie, ayant appris l'arrivée de Clotaire sur leurs frontières, lui remirent Sigebert, Corbes & Merouée, enfans de Thierry, & selon la coutume du tems, il les fit mourir à l'éxception du plus jeune, dont il avoit été Parrain, lequel fut enfermé dans un Monastere. Quant à Childebert, le second des fils de Thierry, il s'échapa par la suite, sans que l'on ait été éclairci depuis de son destin. Quelques Auteurs étrangers sont sortir de lui, sans aucune probabilité, les Maisons d'Autriche & de Lorraine. Pour Brunehault, elle se retira à Worms, puis en Bourgogne ; mais Varnachere, Maire de ce Royaume, ayant passé dans le parti de Clotaire, elle ut arrêtée dans le château d'Urbe & l'on prétend que son procès lui ayant été fait, elle fut condamnée à une mort cruelle, comme coupable de celle de dix Rois des François & du sang d'une infinité de Peuples ; & que l'éxecution s'en fit au lieu de Rionne sur la Vigenne, riviere qui entre dans la Saone. Plusieurs modernes au conttraire ont ait son apologie & prétendent qu'elle mourut paisiblement. En effet l'on voir son tombeau dans l'Eglise de S. Martin d'Autun, qu'elle avoit fondée aussi bien que l'Abbaye d'Aisenay près de Lyon : il y a plusieurs lettres de S. Gregoire qui lui
sont adressées & dans lesquelles elle est louée d'une vertu & d'une magnanimité digne de son rang, mais outre que la plûpart des crimes qu'on lui impute sont postérieurs à la mort de ce Pape, les Ecclésiastiques sont ordinairement plus portez à louer le merite que la fortune fait briller, qu'à condamner les vices qu'elle protégé.
CLOTHAIRE II. Seul Roi.
CLOTAIRE
C'EST ainsi que par une fortune rare & par une fuite d'événemens, la plus part criminels, qui peut à peine être imaginée, clotaire II, le dernier Roi & le plus méprisé des Princes du sang du grand Clovis, réunit en sa personne & sous sa domination l'entiere Monarchie Françoise ; nous avons vû qu'il en a couté la vie à plus de vingt Princes, ses aînez, qui sont tous péris par le fer ou par le poison, sans qu'il paroisse que Clotaire y ait personellement contribué ; l'ambition de sa mere Fredegonde, celle de sa tante Brunehault & la fureur de Thierry son cousin, l'ayant servi mieux que n'auroit pû faire leur tendresse ; mais ce qu'il y a de prodigieux & qui justifie bien que la dispensation des événemens est au dessus de toutes les regles de la prudence humaine, cest que selon la vérité de l'histoire & la remarque des plus habiles Critiques, il faut rapporter à cette Epoque même, le commencement de la décadence de la 1. Race de nos Rois, soit qu'endormis sous la protection de la fortune, comme le furent Clotaire même & son fils après lui ; soit que nez sans genie & sans courage, comme leur postérité ; soit qu'accablez sous le joug pesant de leurs Maires, ils n'ayent pû faire paroître aucunes vertus ; il est certain que l'histoire tire depuis ce tems-là moins de lumieres de la fuite de leur Regne que de la durée de l'administration de leurs ministres.
La France, déchirée depuis si long tems par tant de divisions intestines, étoit à bout lors que Clotaire en devint maître ; les peuples épuisez n'avoient plus de subsistance & la Nation Françoise ne fournissoit pas à ses armées une quantité de jeunesse suffisante : c'est ce qui obligea Clotaire d'assembler un Parlement général des trois Royaumes à Bonneuil près de Paris, au Primtems de l'an 617, le 34. de son Règne, quatre ans après la mort de Thierry : son but étoit de rétablir la paix & la concorde, qu'une si longue guerre civile avoient bannies & de rendre aux loix l'autorité qu'elles paroissoient avoir perdues ; mais il trouva que les divisions précédentes avoient aliéné leurs sentimens. Les Austrasiens, non plus que les Bourguignons, ne voulurent point mêler leur gouvernement avec celui de la Neustrie ; de forte qu'il fut obligé de consentir que chaque Royaume eut ses charges, & ses armées ses officiers, & régir ses propres affaires séparement. Radom fut élevé à la dignité de Maire du Palais d'Austrasie & Varnachere conserva celle de Bourgogne ; on abolit aussi dans cette assemblée tous les impôts inutiles : ainsi la France, après 50 ans de guerres & de divisions commença à réparer ses forces sous un gouvernement reglé.
En l'année 618, la 35 du Règne de Clotaire, ce Prince, par un très-mauvais conseil, reçût des Lombards le rachapt du Tribut qu'ils s'étoient ci-devant engagez de payer aux Rois Guntchram & Childebert. Fredegaire a donné une rélation circonstanciée de ce fait, par laquelle on apprend que les derniers Princes avoient conservé avec beaucoup de prudence les passages de l'Italie, savoir les villes de Suze & d'Aoste, Augustam & Siusium, avec la Vallée, afin d'être toûjours en état d'éxiger des Lombards le tribut annuel de 12000 fols d'or, auxquels ils s'étoient soumis. Agilulphe qui regnoit alors chez cette Nation, crût trouver de la facilité auprès de Clotaire & lui dépêcha trois Am-
bassadeurs, qui répandirent l'argent à la Cour, donnerent 1000 sols d'or à chacun des trois Ministres Varnachere, Gundeland & Chun, & à ce moyen furent reçus à payer 35000 sols d'or au trésor, pour amortir à jamais le tribut qu'ils devoient à la Couronne. On ne sçait pas si Clotaire conserva les villes d'Aoste & de Suze, mais on peut dire que c'est ici un terrible éxemple de ce que peut l'avidité des Ministres & des conséquences de la trop grande facilité des Princes à cet égard.
En la même année 618, la Reine Beretrude mourut, universellement regrettée du Roi, des Seigneurs & du Peuple, elle fut inhumée à Rouën selon l'Auteur de la vie de S. Ouen : d'autre côté Alethée, patrice de Bourgogne, fut condamné à la poursuite du Roi par l'assemblée du Royaume, ayant été convaincu d'avoir attenté à sa vie ; & en Austrasie la Mairie fut donnée à Pépin, surnommé de Leuden, ayeul de celui qui s'empara du Trône même.
En 622, Clotaire appercevant que la distinction du gouvernement d'Austrafie pouvoit être de dangereuse conséquence, céda ce Royaume à son fils Dagobert, âgé pour lors de 17 ans : l'année suivante les Esclavons commencerent la conquête des païs qu'ils occupent encore, aprés s'être fait un Roi d'un marchand de la ville de Sens qui traffiquoit dans leur païs ; il se nommoit Samon & il gouverna avec beaucoup de sagesse & de courage.
En 625, Dagobert se rendit à Clichy par l'ordre du Roi son pere & il y épousa Gomatrude, soeur de la Reine Sichilde sa belle-mere, la cérémonie s'en fit dans l'assemblée de Neustrie, qui s'y tenoit alors & où Dagobert porta ses plaintes de ce que le Roi son pere, en lui cédant l'Austrasie, en avoit démembré les plus importantes Provinces, ce qui affoiblissoit son Royaume, de sorte qu'il avoit de la peine à le défendre avec ses feules forces & sa plainte mise à l'arbitrage des Seigneurs, Clotaire trouva bon de lui relâcher les terres qu'il s'étoit réservées, à l'éxception de la Provence & de celles qui étoient au delà de la Loire.
En 626, la 43. année de Clotaire, le Maire de Bourgogne, Varnachere, étant mort, son fils Godin épousa Berthe sa veuve, femme de grand crédit à la Cour : cette Alliance incestueuse y fit grand bruit, & Clotaire, persuadé que Godin avoit séduit par de mauvaises voyes une femme de cette réputation, le poursuivit à mort. Celui-ci eût recours à la protection du Roi Dagobert qui fit divers offices auprès de son pere & en effet Clotaire promit de pardonner à Godin, pourvu qu'il renonçât au mariage dont il s'agissoit, ce qu'il fit de bonne foi : mais Berthe, dans le desespoir d'être abandonnée, abusant de son crédit, persuada à Clotaire que Godin avoit attenté contre sa vie & qu'il devoit éxecuter son crime la premiere fois qu'il paroîtroit devant lui. Elle avoit dans son parti deux Grands du Palais, Chramnulphe & Waudebert, lesquels furent chargez par le Roi de faire jurer à Godin un nouveau serment de fidélité devant les Chasses de plusieurs Saints : ils le firent jurer en effet à S. Medard de Soissons, à S. Denys, à S, Aignan d'Orleans, puis feignant de l'amener à S. Martin de Tours par Chartres, ils l'assassinererent a a Forêt & ce crime demeura impuni. La même année le Duc Equita, ou Aegila, qui avoit beaucoup de faveur, accusa un autre Seigneur nommé Palladius & son fils Senot, Evêque d'Auch, d'avoir éxcité une révolte parmi les Gascons : ils furent l'un autre envoyez en éxil, mais la Cour fut bien plus troublée par une accusation d'adultere contre la Reine Sichilde ; car le Roi fit mourir Bazon, fils d'Audelenus, natif d'Etampes, qui étoit soupçonne de ce crime. l'Histoire ne dit point que la Reine fut inquiétée ; peu après le Roi alla tenir le Parlement de Bourgogne à Troyes en Champagne la sur la proposition qui y fut faite d'élire un Maire, à la place de Var-nachere, les Grand pénétrez de l'affabilité du Roi, déclarèrent qu'ils aimoient mieux traite directement de leur affaires avec lui-même. L'Auteur du Gesta Francorum fait mention dans cette année d'une guerre de Dagobert avec les Saxons, en laquelle ce Prince ayant couru risque de sa vie fut secouru par son pere qui tua de sa main Ber-
toalde, chef des peuples révoltez, & n'accorda la paix qu'à la cruelle condition de faire mourir tous ceux qui étoient plus hauts que son épée. Mais Fredegaire n'a point parlé de cette fable & cette année est si remplie qu'il ne paroît pas que Clotaire ait eu le tems de faire une éxpedition dans la Saxe.
En 627, l'Assemblée générale se tint à Clichy près de Paris, où il y seroit arrivé de grands desordres sans la médiation & l'autorité des Bourguignons. La cause du trouble fut la mort d'Ermenaire, qualifié Gouverneur de la maison d'Aribert, second fils du Roi, lequel fut tué par Egina son favori ; on voit par-là & par les éxemples précédens, que le Regne de Clotaire fut en effet très-foible & que sa Cour fut ordinairement divisée par les divers intérêts des Favoris, pendant qu'ils donnoient peu de protection aux loix & à la justice : c'est pourquoi si l'histoire, qui fait ordinairement l'éloge des Princes hûreux, dit peu de chose de celui-ci, on peut justement présumer que c'est par rapport à son caractere mou est foible, qui a été la premiere occasion de la ruine de sa posterité ; outre que véritablement, selon les moeurs de ce tems-là, on ne mettoit guere la bonté & la facilité entre les vertus des grands Rois & que l'on faisoit plus d'estime des qualitez violentes & impétueuses auxquelles on étoit accoutumé sous les Regnes précédens.
En 628, Clotaire mourut selon les uns à la fin du printems, mais selon Fredegaire & plus particulièrement selon Nectologe, le 28. Septembre ; c'étoit la 44. année de son Regne & la 45. de sa vie, commencée du mois de Juin, puis qu'il étoit né l'an 584, quatre mois avant la mort de son pere. Etant près de la mort, il recommanda ses enfans à Pépin, Maire d'Austrasie, ce qui fit voir que le grand pouvoir étoit déja passé entre les mains des Seigneurs ; il en laissa deux, Dagobert Roi d'Austrasie, & Aribert, qui de l'avis de tous les Grands eut en partage une partie de l'Aquitaine du côté des Pyrenées, parce que l'on appréhenda justement qu'en lui donnant davantage, il y eut plus d'occasion à la discorde.
DAGOBERT I. Vingt-quatrième Roi de France.
D e I.
DES que Dagobert eût pris possession du Trône de Neustrie, il passa en Bourgogne dont il convoqua l'assemblée. L'Histoire remarque que ce Royaume n'avoit point eu de Maire depuis Varnachere, mais elle ne dit point que l'on en établit en sa place, se contentant de dire que Dagobert y fit tuer de sang froid le Duc de Branulphe, parce qu'il étoit oncle de son frere Aribert & qu'il craignoit qu'il ne remuât en sa faveur : ainsi pendant qu'on travailloit en apparence au rétablissement des loix, on violoit la sureté publique sur un simple caprice, & tel sera toûjours l'inconvénient de la puissance absoluë des Rois, quand ils ne seront ni philosophes, ni véritables Chrêtiens. La même année Dagobert arrivé à Paris se livra entierement aux Grands de Neustrie & leur donna toute la faveur, renvoyant ceux d'Austrasie en leur païs comme rebuté du caractère éxact & peu flexible de leur Nation ; il garda toutefois auprès de lui Pepin de Leuden, mais il lui laissa peu d'autorité & ne se servit plus de son conseil. Ce Prince étoit étrangement dissolu & les Neustriens le gagnerent principalement en lui proposant diverses beautez & en lui faisant faire de somptueux repas. Cette nouvelle façon de vivre le disposa à répudier sa femme Gomatrade, pour épouser Raguetrude dont il étoit devenu amoureux depuis peu ; il en eut un fils en 630, qui fut nommé Sigebert & levé des fonds de Batême par Aribert, dans la ville d'Orléans, où il s'étoit rendu de Tou-
louse, sa residence ordinaire. La tradition commune de l'Alsace veut cependant que ce Prince soit né & ait été baptisé à Ruffac, niais c'est : une erreur populaire.
Aribert retourné dans son païs porta la guerre en Gascogne & soumit généralement toute la Province à son obéïssance, mais il mourut aussi-tôt après avec son fils Chilperic, tous deux, à ce que l'on crut, empoisonnez par Dagobert ; mais comme il est rare de voir des Princes injustes qui ne soient encore timides sur le sujet de l'autre vie ; pour compenser cette mauvaise action, il fit dans le même tems, la magnifique fondation de L'Abbaye de S. Denys, en faveur de laquelle il dépouilla quantité d'autres Eglises, non sans opposition des Peuples & du Clergé. Il est cependant remarquable que le lieu & le Culte de S. Denys étoit déja bien en réputation avant lui, puis que nous avons vû sous le Regne de Clotaire que l'on y faisoit des sermens publics, comme à S. Martin de Tours. En cette même année la réputation de la puissance de Dagobert & de la protection qu'il avoit accordée à Fismand, le mit sur le Trône d'Espagne ; tant il est vrai que les Rois sont bien souvent plus grands de loin que de près.
SIGEBERT II. Vingt-cinquième Roi de France.
SIGEBERT
EN 632, il envoya son Fils Sigebert, quoi qu'encore à la mamelle, en Austrasie, pour en occuper le Trône, dans la crainte que les peuples dégoûtez de sa conduite, ne se choisissent un autre Roi ; outre que les Esclavons gouvernez par Samon, dont nous avons parlé, desoioient entierement la frontiere. Il le mit sous la tutele de Lunibert, Evêque de Cologne, d'Amand, Evêque de Strasbourg, & du Duc Augesile gendre de Pepin de Leuden.
En 633, eut un second fils d'une nouvelle épouse, nommée Nautilde, lequel fut nomme Clovis : il lui destina dès sa naissance les Royaumes de Neustfie & de Bourgogne, lassant toutefois a l'aîné les terres d'Aquitaine & de la Provence, mais non la Duché de Dentelin qui fut le partage du puisné.
En 635, la 13. de son Regne, à compter du tems qu'il fut mis en possession de l'Aurasie, il eut guerre contre les Gascons, à l'occasion de laquelle Fredegaire chap. 78. ait le detail de l'armée qu'il y envoya, dont le commandement fut donné à un simple Referendaire, qui avoit acquis de la réputation sous le Regne de Thierry. La levée de cette armée se fit en Bourgogne par ban public & elle fut composée de dix Ducs dont il y en avoit huit François, un Romain & un Bourguignon, & de plusieurs Comtes indépendans, c'est à dire, qui ne reconnoissent pas le commandement des Ducs. On voit par-là que l'ancienne Discipline des Francs touchant les Armées, ne fubsistoit plus, puis qu'on ne les assembloit que dans les besoins, mais aussi l'on voit que l'on ne se servoit des Milices Nationales que lors que les troupes Françoises ne suffisoient pas & que quand on les faisoit agir, c'etoit toûjours en petit nombre par rapport à celui des François. Il est encore remarquable que la Bourgogne fournissoit huit Ducs François contre un Romain, c'est à dire, un Gaulois, ou un Bourguignon, d'où l'on peut juger combien il étoit passé de François depuis la conquête : ce qui ne se lit pas des Contrées d'au delà de la Loire : au reste l'issuë de cette guerre fut que le chef des Gascons promit de se présenter devant la gloire du Roi & de lui rendre obéïssance, promittunt se gloriae & cospectui Dagoberti regis praesentaturos ; ce qu'ils éxécutèrent au Palais de Clichy. Judicael, Roi de Bretagne, se rendit aussi à la Cour dans le même tems & fit
ses soumissions : mais l'Histoire remarque qu'il ne voulut point manger avec le Roi, à cause du mauvais exemple de sa vie & qu'il se retira chez le Chevalier Dadon, depuis Evêque de Rouën & connu sous le nom de S. Ouën, pour y prendre ses repas : Ce furent les derniers hommages que reçût le Roi Dagobert, puis qu'il mourut peu après laissant ses enfans dans la premiere jeunesse. Il laissa son puisné Clovis, sous la conduite du Maire Aegina, qui s'étoit maintenu dans la faveur. On étoit autrefois peu d'accord sur l'année de cette mort, quoique l'on fut certain qu'étant tombé malade de la dissenterie à Epinay sur Seine, près de S. Denys, Spino Gelo, il se fit porter à cette Abbaye & y mourut peu après, il est certain aujourd'hui que cela arriva le 18. Janvier de l'an 638, qui étoit le 16. de son Regne, toutefois dix ans seulement après la mort de son, pere.
On remarque que sous son Regne l'Or & l'Argent & les Pierres précieuses devinrent plus communes en France qu'ils n'avoient été sous les Regnes précédens & que les commerces d'Italie & d'Espagne y attirerent cette abondance. Quant au caractere de ce Roi, quoiqu'il soit peu important d'en donner une idée, il faut dire pour remplir le projet de cet abrégé, qu'il paroit qu'on lui peut accorder peu de vertus & qu'il a eu au contraire tous les vices qui menacent un gouvernement de sa ruine ; un grand penchant au luxe & autres plaisirs, une molesse trop tôt imitée par les peuples, beaucoup d'aversion pour la rigidité & l'éxactitude des moeurs, une crainte basse de l'autre monde, qui ne l'a pas empêché d'empoisonner son frere & son neveu : après cela, il est loué par les Auteurs de son affabilité, de sa pitié pour les pauvres & sur tout du don qu'il a fait à S. Denys. C'est en conséquence de cela que les Moines de ce lieu représenterent sur son tombeau la Révélation qu'ils prétendirent faite à l'un d'entr'eux du Jugement de Dieu qui le condamna à l'Enfer & de la puissance de S. Denys qui le retira des Griffes des Démons.
CLOVIS II. Vingt-sixième Roi de France.
CIOVIS I
DES que Dagobert fut mort, Pepin de Leuden retourna en Austrasie exercer sa charge & y mourut l'année suivante, laissant son fils Grimoald, qui lui succéda dans la Mairie & deux filles, dont l'aînée ayant épousé le Duc d'Angegise fut mere de Pepin de Herstal, que nos Auteurs nomment Heristel. Grimoald prétendit le premier établir la succession de la Mairie, mais il y trouva de grands obstacles, moins de la part des peuples que d'un vertueux Seigneur, nommé Othon, qui avoit la qualité de Bail, Bajulus, ou de Nourricier du Roi Sigebert ; il lui en coûta la vie ; Grimoald Payant fait assassiner : nous verrons ci-après les conséquences de cette action & la fuite des desseins ambitieux du nouveau Maire.
Il étoit déja en possession de cette dignité, mais Othon n'étoit pas mort lors que la révolte de la Thuringe obligea les Austrasiens de conduire de leur Royaume une armée en ce païs-là : l'issuë de cette guerre fut très malhûreuse, puis qu'après la perte d'une bataille les Austrasiens ne repasserent le Rhin qu'avec la permission de leurs ennemis. Fredegaire datte cet événement de l'an 7. de Sigebert, qui peut être également la fin de 639. ou le commencement de 640.
Quant à la Neustrie, elle continua d'être gouvernée par Aegina, ou Ega, qui en étoit Maire depuis quelques années ; il mourut à Clichy l'an 641, & le 13. de Clovis, & Erchinsald fut élu à sa place dans l'assemblée & confirmé par le Roi quoi qu'Enfant.
En 642, l'assemblée de Bourgogne se tint à Orleans, les Prélats & les Seigneurs s'y trouverent en grand nombre & là par le crédit de Nautilde, Flaochat son. parent fut élevé à la Mairie de ce Royaume ; en quoi elle fit une action de grande prudence, car étant morte presque aussi-tôt après, les Austrasiens ayant proposé la réunion des trois Royaumes Sous l'obéïssance de Sigebert, il y a apparence qu'elle auroit été faite sans l'opposition d'Erchinoald de Flarchal.
En 643, l'Assemblée de Bourgogne se tint à Autun, où Gillebaut, Duc de la Transjuranne, & Patrice de Bourgogne, ayant soutenu la justice & la nécessité de trois Rois, fut tué par Farchal, qui mourut lui-même peu après d'une fievre chaude, qui fut regardée comme une punition divine. Fredegaire rapporte ce different d'une maniéré à faire penser qu'il ne s'agissoit entre ces Ministres que de différens personnels, mais la part qu'Erchinoald & le Roi lui-même prirent à cette querelle, témoignent assez qu'il s'agissoit de l'intérêt de l'Estat.
En 645, on s'apperçût de la foiblesse d'esprit du jeune Clovis & les Moines firent courir le bruit que c'étoit une punition celeste, de ce que pour soulager une famine très-pressante, l'on avoit ôté les lames d'argent dont Dagobert avoit couvert une chapelle, sous laquelle reposoit la Chasse de S. Denys.
En 656, premier jour de Fevrier, le Roi Sigebert d'Austrasie mourut en réputation de sainteté à l'âge de 26. ans ; il fut inhumé à l'Eglise de S. Martin de Metz d'où son corps a été transporté à Nancy l'an 1552 ; Ce Prince a si peu vécu & l'on a dit si peu de chose de ses actions, qu'il est difficile de lui donner de grandes louanges, si ce n'est celles d'un hûreux naturel & d'un singulier penchant à la piété ; il fonda beaucoup d'Abbayes & donna de grands biens aux Eglises ; ce qui est une grande matière d'éloges pour les Ecclésiastiques. La fondation de Starelo, porte datte de l'an 651 ; l'on pourra voir dans l'éxtrait de la généralité d'Alsace ce que la tradition a conservé de mémoires sur le sujet de ce Prince & entr'autres l'histoire prodigieuse & peu croyable de sa résurrection : on dit encore de lui, entr'autres choses miraculeuses, que dans la cérémonie de son batême il répondit Amen, quoiqu'il ne fut au plus âgé que d'un an,
On dit aussi de lui qu'ayant appréhendé de mourir sans posterité, il avoit, plusieurs années avant sa mort, adopté Childebert, fils du Maire Grimoald, soit à raison de la connoissance qu'il avoit de la foiblesse d'esprit de son frere le Roi Clovis, soit pour ne pas éxposer son Royaume aux troubles que Grimoald y auroit pû éxciter, mais que s'étant marié depuis à la Reine Jufrechilde, il eut un fils nommé Dagobert, auquel, à l'éxclusion du jeune Childebert, il laissa la Royauté le recommendant à la tendresse & à la justice de Grimoald lui-même. Ce jeune Prince étoit alors âgé de dix ans.
Grimoald ne perdit point de tems pour suivre le chemin que la fortune lui traçoît ; car ayant feint de conduire en Aquitaine le nouveau Roi, pour visiter les païs de son obéissance il le fit tondre par Didon, Evêque de Poitiers ; après quoi il l'envoya dans un Monastère d'Irlande pour y finir ses jours.
Grimoald de retour en Austrasie commença d'y éxercer tous les actes de Royauté sous le nom de son fils en conséquence de son adoption, & pour faire goûter son gouvernement il fit plusieurs dons aux Eglises & entr'autres à celle de Rheims, de la Seigneurie de Cormicy, Corminiacum, dont la même Eglise prit depuis la confirmation du Roi Thierry de Chelles, mais la fraude ayant été découverte, Grimoald fut attiré à Paris sur le projet de quelque négociation, Parisiis vocatus, illic cum in itinere a proceribus raptus fuijfet, retentus est. L'Auteur du Gesta Francorum dit qu'il fut rudement gehené & tué ensuite. Ainsi Clovis II. réunit en sa personne malgré sa foiblesse les trois Royaumes sous l'administration du Maire Erchinoald, qui remplissoit depuis long tems les premieres dignitez de Neustrie & de Bourgogne. Ce Maire, grand homme d'Etat bien intentionné, avoit songé de bonne heure à tirer race de Clovis ; car lui ayant présenté une fille Saxone d'une grande beauté, nommée Batilde ; ce Prince en
devint si amoureux, qu'il l'épousa & en eût trois enfans, Clotaire, Childeric & Thierry qui regnerent successivement,
La même année 656, mais au mois de Novembre, Clovis II. mourut aussi, âgé de 23. ans, après un Regne de 19. ans. Les Moines de S. Denys peu indulgens à son égard prétendirent que c'étoit une punition divine de ce qu'il avoit enrichi son Oratoire d'un bras de S. Denys, qu'il avoit fait tirer de sa Chasse, mais par un autre malheur bien plus funeste à l'Etat le sage Erchinoald mourut aussi, & l'assemblée de Neustrie remplit sa place de la personne d'Ebrouin, le monstre des Ministres de la France. Franci autem, dit Fredegaire cap. 92, in incerto vacillantem accepto concïlio Ebruinum in hujus curam & dignitatem statuunt.
CLOTAIRE III. Vingt-septième Roi de France.
L
JE ne sçai s'il est bien vrai qu'on se doive prendre à lui de la nouvelle séparation de l'Austrasie d'avec le reste de la France qui se fit en 660 ; la disposition des affaires l'a pû obliger d'y consentir, mais on n'a point de preuves qu'il en ait été l'Auteur, comme on en a de certaines, qu'il voulut empêcher sa réunion après la mort de Clotaire III. qui succéda immediatement à sort pere Clovis II.
Les premieres années de l'administration d'Ebrouin furent assez passibles, l'autorité de la Reine Batilde l'ayant contenu dans les fonctions de sa charge ; mais cette Princesse ayant eu le malheur de donner trop de confiance à de certains Evêques, aux dépens de sa reputation, tous les François s'en irritèrent, de sorte que dans l'assemblée de 665, Sigebrand, l'un des Evêques soupçonnez, fut condamné à mort, quoiqu'on ne lui reprochât que de l'arrogance, mais la solicitation d'Ebrouin l'emporta sur la qualité du crime : après cela ce Ministre, voulant usurper une autorité entiere, trouva moyen de taire enfermer la Reine par le même jugement dans le Monastere de Chelles, qu'elle venoit d'établir, & Leger, Evêque d'Autun, auquel elle avoit donné le plus de crédit, ne tarda pas à regagner son Diocese.
Entre les bonnes actions de la Reine Batilde, qui tint la Regence pendant huit années complettes, il n'en est point qui merite tant d'être remarquée que l'abolition de l'impôt capital qu'on levoit sur les Gaulois, sans éxception des enfans à la mammelle ; il avoit été premierement établi par Chilperic dans le Limousin, & depuis l'avidité des. Princes l'avoit étendu avec tant de rigueur dans toutes les parties de la France, que le peuple étoit réduit à éxposer ou vendre ses enfans aux Juifs qui en faisoient trafic dans les païs étrangers, ou du moins à ne se plus marier : ainsi les François se détruisoient par les divisions de leurs Princes & les Gaulois par la rigueur de cette Capitation. Elle arrêta donc la source de tant de maux en reduisant cet impôt aux chefs de famille qui n'en payoient point d'autre, c'est à dire, qui n'avoient point de terres qui les assujettissent à l'impôt réel.
Mais avant que d'aller plus loin, il faut reprendre l'histoire des Austrasiens, qui faisoient un corps séparé dans la Monarchie. Il se trouve donc qu'en l'année 660, ces peuples, n'ayant pas voulu reconnoître Ebrouin pour leur Maire, choisirent Wulfoalde, un des Seigneur du pais, pour remplir cette dignité, & peu après, ne voulant plus dépendre en aucune façon des Neustriens, ils demanderent à la Reine Batilde un de ses enfans pour en faire leui Roi particulier, unum e filiis Clodovaei, dit l'Auteur anonime de la vie de S. Batilde, loco Clotarii a Bathilde postulaverunt & Austrasii pacifico ordine ordinantes
omnia per consilum quidem Seniorum, qui regnorum divisionem expetebant, receperunt Childericum filium ejus regem, Aufiri & Burgundiones & Franci facti sunt juncti unico Regi Clotario.
CHILDERIC II. Vingt-huitième Roi de France.
CHILDERIC ntCHILDERIC
ntCHILDERIC à regner en Austrasie avant le 6. Septembre, comme on l'insere du Diplome qu'il accorda à S. Romade en faveur de Stavelo & de Montmedy, Malmundarii, l'an 8. de son Regne. Il y a quelques Auteurs, qui prétendent que la Royauté de Childeric en Austrasie se doit prendre du jour de la mort de son pere, parce qu'il ne reste aucun acte exercé de l'autorité de Clotaire III. dans ce Royaume ; d'où l'on conclud qu'il n'y a jamais régné ; cependant l'on trouve dans la Diplomatique du P. Mabillon, lib. 6. c. II, & 16. une charte de Clotaire III. qui confirme à lAbbaye de S. Denys le don fait par son ayeul, le Roi Dagobert, de 100 f. de rente sur le Fisc & Domaine de Marseille : or comme cette ville étoit du Royaume d'Austrasie, sans nulle difficulté, il faut regarder cet acte comme un titre de juridiction qui n'auroit pas appartenu à Clotaire, s'il n'avoit régné en Austrasie.
Le Maire Ebrouin gouverna la Neustrie & la Bourgogne sans nulle contestation jusquà lan 670, que le Roi Clotaire mourut à la fin de Juin, ou au commencement de Juillet, comme on le prouve par la datte du privilège accordé par ce Prince à l'Abbaye de N.D. de Soissons, qui est du 6. des Calendes de Juillet l'an 14. de son Regne par une erreur d'autant plus sensible que l'on a divers témoignages certains que ce Prince a vecu jusques en 670 : il y a même un testament de Clotilde, Princesse du Sang Royal, donne a Mark, Morlate, vico publico, c'est à dire, un Palais Royal, qui est datté de l'an 16. de ce Prince, chose qui rendroit ce titre suspect, si l'on ne pouvoit dire que Clotaire ayant été designe Roi devant la mort de son pere, les personnes de la Cour comptoient son Regne deux ans plutôt que l'usage commun du Royaume.
CHILDERIC III. Seul Roi de France.
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LE Roi mort, Ebrouin qui vouloit gouverner toûjours & qui craignoit la concurrence de Wulsoade & des Austrasiens, sans consulter personne, lui fit succeder de son autorité son plus jeune frere, nommé Thierry, mais l'Evêque d'Autun lui dressa à cette occasion une partie, dans laquelle il fut obligé de succomber : les Seigneurs se liguerent sous la conduite de ce Prélat & interessant les Austrasiens dans la querelle, on amena Childeric à Paris. Ebrouin fut ensuite jugé solemnellement dans l'assemblée des Royaumes & condamné à prendre l'habit de Moine dans l'Abbaye de Luxeüil où il fut conduit : le jeune Thierry fut tondu & renfermé dans l'Abbaye de S. Denys & Wulfoalde, qui étoit Maire d'Austrasie, fut élû dans les autres Royaumes en la même qualité, l'Evêque, incapable de charge par sa profession, se contentant de conduire les affaires par lautorité secrette qu'il avoir sur l'esprit de la Reine mere.
CHILDERIC III.
Dans la fuite de cette administration, le même Evêque engagea les Parlemens de Neustrie & de Bourgogne à faire plusieurs réglemens pour la direction de la justice & la réparation des desordres, causez par la licence des gueries & lambition des particuliers ; mais l'esprit du Roi étoit déja gâté par ses débauchés, tout jeune qu'il étoit ; il paroit même qu'il étoit prévenu contre l'honneur de sa mere, puis qu'il se porta jusqu'à vouloir poignarder cet Evêque dans le batistaire de son Eglise le jour de Pâques.
Il est certain que la Régence de la Reine Batilde, les intrigues qui la dépossederent & qui perdirent ses Ministres & qui élevèrent Ebrouin, sont l'un des endroits de nôtre Histoire le plus ignoré. La barbarie du tems & le défaut d'Ecrivains genereux en sont évidemment la cause, toutefois je crois qu'à l'aide de plusieurs Vies particulières des Saints, qui y ont eu quelque part, il ne seroit pas impossible de former une idée de ce qui se passa en différentes occasions, & je ne doute pas que la nouvelle Histoire du P. Daniel ne donne un jour nouveau à ces matieres ; mais en attendant ce grand & utile ouvrage, je me propose de donner ici les découvertes que je crois y avoir faites.
Non seulement les Grands de l'Etat étoient alors fort divisez & avoient leurs différens projets & motifs d'ambition & de fortune ; mais les Ecclésiastiques, c'est à dire, les grands Prélats, n'avoient pas des intérêts, ni des vûës moins opposées entr'elles ; le crédit des gens d'Eglise s'etoit si considérablement augmente depuis cent ans, que non feulement tout le Royaume s'empressoit de les enrichir, mais qu'il ne se faisoit plus de délibérations communes, où ils n'eussent la meilleure part. En cet état la Régence¬ de la Reine Batilde, toute dévouée à la piété, les fit entrer jusques dans le ministere. Elle tira Leger, Leodegarius, de l'Abbaye de S. Maixent en Poitou, par la permission de son Evêque, pour l'attacher à sa personne & le nommera l'Evêché d'Autun en 659, sous la condition qu'il l'assisteroit toûjours de son conseil ; mais il en fut éloigné l'an 665, comme je l'ai déja dit, par les intrigues d'Ebrouin : de sorte que l'on peut croirequil lui resta un ressentiment fort vif du mauvais traitement que le Maire avoit fait, tant à la Reine Batilde sa bienfaictrice qu'à lui-même ; & c'est ce qui fit qu'après la mort de Clotaire III. il se jetta avidement dans le parti des Austrasiens & de Wulfoalde pour faire regner Childeric à l'éxclusion de Thierry : l'événement ayant été favorable à cette intrigue, Ebrouin fut condamné & renfermé a Luxeuil, comme je l'ai dit. Ursin, qui a écrit la vie de S. Leger, le louë d'avoir sauvé la vie à ce Ministre contre le sentiment de tous les Grands qui vouloient sa mort.
Le Roi Childeric, en allant en Austrasie, y avoit trouvé la Reine Junechilde, veuve de Sigebert le Saint, laquelle avoit conservé dans le Royaume, outre l'autorité dûë a son rang, une éxtrème considération pour son merite & sa vertu : cette Princesse paroît donc avoir gouverné la jeunesse de Childeric, ce qu'elle fit si avantageusement pour elle qu'elle lui fit épouser sa fille Bilechilde, l'an 8. de son Regne, qui revient à l'annèe 667. Les choses étant en cet état, Childeric fut appelé à l'entiere possession du Royaume en 670. mais il paroît encore que l'Evêque S. Leger ne conserva pas une grande intelligence avec la Reine Junechilde, ni avec sa Fille, peut-être parce qu'il ne les gouvernoit pas avec la même facilité qu'il avoit euë auprès de la Reine Batilde ; les méconteus s'accrurent & l'Evêque se porta jusqu'à blâmer le mariage de Childeric ; ce que l'on apprend éxpressement de l'Auteur anonime de sa vie, qui dit, * Coepit arguere Leodegarius, quod Regina Bilechildis, quant habebat conjugem, flia sui effet avunculi, paice qu'elle étoit fille de son oncle Sigebert, Roi d'Austrasie, fils aîné du grand Dagobert.
D'autre part Junechilde & sa fille étoient soutenues par de grands Prélats, & Projectus, dit vulgairement S. Prix, Evêque d'Auvergne, ou de Clermont, etoit tellement dans son parti, que ce fut lui qui donna occasion au desordre public : car le Roi Childeric gardoit encore des mesures avec l'Evêque d'Autun parla considération de sa mere : il arriva donc qu'en l'année 673, Leger porta le Roi à celebrer la tête de Pâques dans la ville Episcopale, l'anonime, num. 5. dit en termes exprès, Leodegarius Qbilàericum in
* Num. 4.
ecclesiam urbis suae rogaverat advenire ; & le Roi se rendit humainement à cette invitation, Rex implere nititur votum deprecationis. On peut croire que l'Evêque pensoit bien, à la faveur de ses prédications, amener le Roi à son but, dans ces tems de simplicité, où le trouble que ìes Ecclésiastiques scavoient jetter dans les consciences changeoient les dispositions des grands hommes : mais il en arriva tout autrement, Hanc invidi reperiunt occasionem, per quam nequitiam in cor Regis effuderunt ; Majorem-domus tunc nomine Vulfrandum in sua accusatione conjungunt. Les envieux prirent cette occasion d'irriter le Roi & engagerent le Maire Vulfoade dans leur parti.
L'Auteur de la vie de S. Prix supplée ici à ce que l'anonime a voulu taire & il raconte qu'un Seigneur d'Auvergne, nommé Hector, ayant enlevé la fille d'une riche veuve, nommée Cláudia, l'épousa malgré sa famille ; qu'ensuite s'étant uni avec Leger Evêque d'Autùn, il osa accuser S. Prix d'occuper & de retenir par violence plusieurs héritages de sa femme : surquoi il obtint un ordre pour faire comparoître S. Prix à Autun, le jour de Pâques, le Roi devant s'y trouver. Les termes de cet Auteur sont singuliers en ce qu'il n'épargne ni la personne, ni le caractere de S. Leger, car il dit en parlant d'Hector, Alio sìbi in scelere sociato, nomine Leodegario, Episcopo Augusto, dimense incusat Projectum &c.
La vie de S. Prix rapporte qu'il fut très-affligé de cette intimation à cause de la fête, mais qu'il se rendit néanmoins à Autun, qu'il se défendit d'abord par une Loi Romaine qui interdisoit de plaider civilement au tems de la Pâque ; qu'il se rendit en suite aux instances de ceux qui lui firent connoître qu'il y avoit de meilleures raisons à donner que celles-là & qu'il dit enfin que son Eglise étoit sous la protection de la Reine Junechilde ; ce qui fit cesser l'instance. Néanmoins l'Evêque Leger donnant ce qu'il devoit à la bienséance, le pria dé célébrer la nuit de la Résurrection dans son Eglise, mais apparemment il n'en voulut rien faire, puis que la vie de S. Leger porte que la nuit òn célébroit la Sainte Vigile de Pâques. Le Roi étant déja reçû dans la ville, il refusa de venir à la céremonie publique, qu'il osa même recevoir le Sacrement Paschal en particulier avec quelques-unes de ses créatures, qu'en fuite il entra dans l'Eglise avec beaucoup de scandale & étant yvre dans le tems que toute l'assistance étoit à jeun ; qu'il chercha l'Evêque, l'appela par son nom, l'intimidant de la menace de son épée ; qu'il entra dans le Batistaire où il étoit, que Leger répondit hardiment adsum ; mais que le Roi, ou transporté de colere, ou frappé d'un aveuglement miraculeux, passa sans le reconnoître ; que l'Evêque acheva l'Office, après quoi il fut trouver lui-même le Roi & lui demanda pour quel sujet il n'avoit pas honoré la cérémonie de sa présence dès le commencement ; a quoi le Roi répondit qu'il lui étoit suspect pour certaines raisons.
La vie de S. Prix, num. 12. ajoûte qu'EIector ayant vu la vénération singuliere du Roi de la Reine pour l'Evêque d'Auvergne, & sur tout averti par le Maire Wulfoalde, se retira la même nuit avec I'Evêque Leger, très-mortifié, mael mulctato &c ; au num. 13, il dit, Igitur Sanctus Projectus ex regalibus dictis, munificentia regis, ut sibi placuerat, de praediis quae Praefectus Hector requirebat, judicium obtinuit qualia haec perpetuo jure Ecclesia Arvernorum possideret ; valedicensque Regi & Optimatibus magnifice honoratus ad propria est regressus ; ce qui veut dire que ses parties ayant abandonné leur cause il gagna pleinement son procès. Une autre vie du même Saint rapporte qu'il obtint du même Roi tout ce qu'il voulut & de son Epouse, la Leine Bilechilde, dignae Dei famulae, comme dit l'Auteur. Ainsi la faction de la Reine Junechilde l'ayant emporté, on poursuivit les fuyards : Hector & Leger furent pris, le premier solemnellement condamné & éxecuté, le second renfermé dans le Monastere de Luxeuil, où il trouva Ebrouin qu'il y avoit lui-même fait mettre deux ans auparavant. L'Auteur de sa vie ajoute qu'à la premiere vûë de cet homme, il lui demanda pardon, avouant qu'il lui avoit nui ; dicens se aliquod in eo peccasse ; à quoi l'autre répondit par de pa-
reilles éxcuses, vicissimque veniam petentes steterunt concordes. Ainsi la destinée se jouë des hommes ; car ceux-ci étoient alors bien éloignez de prévoir ce qui leur étoit encore reservé.
Peu après, c'est à dire au mois d'Août suivant, le Roi Childeric voulant colorer sa haine contre l'Evêque d'Autun par une conviction dans les formes, l'envoya tirer de Luxeuil pour être jugé en l'assemblée générale ; mais dans l'intervalle du voyage, Childeric fut tué par un Seigneur, nommé Bodille, qu'il avoit fait publiquement fouetter entre deux poteaux, supplice qui n'étoit usité que pour les serfs criminels. Cet homme desesperé de cet outrage, crût n'en pouvoir être vengé que par le sang du Prince même, qu'il poignarda de sa main avec la Reine Bilechilde sa femme, toute grosse qu'elle étoit, & son fils ; cet attentat fut regardé comme une oeuvre divine & l'anonime de S. Leger s'en éxplique ainsi : Sed divina ultio diu non distulit suum de Hilderico dare judicium, nam ejus dissoluta conversatio omnibus distplicuerat : & l'Auteur de la vie de S. Lambert de Lyon sait voir aussi que ce fut l'effet d'une conjuration de plusieurs Seigneurs ; Rex Hildericus, dit-il, insidiis satellitum suorum, Amalberti videlicet & Ingolberti simulque Bodilonis, necnon Lupi aliorumque unà cum conjuge sua, vocabulo Bithilde, filioque nomine Dagoberto vitâ & regnô privatus est, quorum corpora &c. On a trouvé depuis quelques années leurs tombeaux près du portail de l'Abbaye de S. Germain, où, selon le même Auteur de la vie de S. Lambert, ils avoient été inhumez par Dadon, ou S. Ouën, Evêque de Rouën, & on leur a fait le même honneur qu'à ceux de Chilperic & de Fredegonde, en les approchant de l'Autel.
Cette funeste Tragédie arriva au commencement de Septembre de l'an 633, comme on le justifie par la datte des années de Thierry, Successeur de Childeric : Il ne faut pas oublier, parmi les actions de ce Prince, de parler du secours qu'il donna à quelques peuples de Septimanie, révoltez contre les Vifigots ; mais ses troupes y furent défaites & il y auroit perdu bien du monde sans la courtoisie du Roi Vamba, qui lui renvoya les prisonniers : cette guerre se rapporte à la seconde année de son Regne.
Tel fut le sort d'un Prince qui semble avoir été le seul, dans la posterité de Clotaire II. capable de relever la dignité de la couronne ; il étoit né avec de la fierté & de l'honneur, mais gâté par l'adulation des Courtisans & par la licence de tout faire, il éprouva dans sa jeunesse ce que la Providence garde quelquefois pour le dernier âge, je veux dire les funestes conséquences d'un pouvoir trop absolu.
THIERY II. Vingt-neuvième Roi de France.
THIFRRY
CE changement inattendu ouvrit une nouvelle scene dans la France : ce Prince qui venoit à la couronne avoit reçû le dernier outrage de la part des Austrasiens & du parti de S. Leger. La mort inopinée du Roi jetta donc d'abord une grande partie du Royaume dans la consternation & l'on n'en revint que pour jouïr de l'independance, qu'elle sembloit procurer, mais elle degenera bien-tôt en desordres. Le S. Evêque d'Auvergne fut assassiné avec l'Abbé Amarin par Agritius & Robertus deux Seigneurs de la Faction contraire, les Ducs qui avoient reçû l'ordre de tirer S. Leger de Luxeuil, en firent aussi sortir Ebrouin qui vantoit alors la fidélité pour Thierry & luy ayant été joint par ses partisans, prit le chemin d'Autun avec l'Evêque, mais dans la route sa haine s'étant renouvellée, il l'auroit tué, comme dit l'Auteur de sa vie, sans l'opposition de Ginaecius, Evêque de Lyon, ou plûtôt s'il avoit osé attaquer la grosse
escorte qui accompagnoit le Prélat : ils arriverent donc ensemble à Autun parmi les acclamations du Peuple & du Clergé pleins de joye de recevoir leur Evêque. Le lendemain ils partirent ensemble pour se rendre à la Cour, mais dans le chemin Ebrouin quitta tout à coup l'Evêque & se retira sur les terres d'Austrasie, où il renonça à la Clericature, reprit les armes & sa femme & forma un tiers parti, parce qu'il fut instruit que celui de la Reine mere Batilde avoit l'avantage auprès du nouveau Roi.
En effet, dès que Childeric fut mort, le Maire Wulfoalde se retira promptement en Austrasie & dans la confusion où il avoit laissé les affaires, il ne se trouva point de remede plus prompt que de convoquer une assemblée générale de France & de Bourgogne ; elle se tint à Meaux au mois de Novembre : la premiere resolution, qui y fut prise, fut de reconnoître le Roi Thierry, ou le Parlement, suivant la coûtume : la seconde de lui donner un bon Ministre qui eut assez d'autorité & de zele pour le défendre des dangers qui sembloient le menacer. l'Election tomba sur Leudesic, fils du sage & fidelle Erchinoalde : l'Evêque Leger & son frere le Comte Guerin eurent beaucoup de part à cette deliberation.
On apprit peu après avec étonnement qu'Ebrouin avoit assemblé une armée, qu'il avoit la protection de Wulfaolde & des Austrasiens & qu'il étoit à portée d'enlever le Roi, qui se trouvoit pour lors à Nogent sur Seine avec les Seigneurs de Neustrie qui l'accompagnoient : une si grande nouvelle obligea le Roi de s'éloigner, mais le but d'Ebrouin n'étoit pas d'allarmer la Cour, il avoit des vûës bien plus solides qui le porterent a demander une conférence : où Leudesic s'étant rendu, il commença par l'assassiner : une action si noire ayant donné de l'horreur à tout le monde, il fut contraint de se retirer de la frontière d'Austrasie, car Wulfoalde ne le protegeoit, que parce qu'ayant irreconciliablement offencé le Roi Thierry, il avoit tout à craindre de son gouvernement, & d'ailleurs sa protection ne s'étendoit qu'à la fureté de la personne d'Ebrouin & de ses troupes.
Alors celui-ci ne voulant pas demeurer inutile feignit d'avoir appris la mort certaine du Roi Thierry & feignant de plus d'avoir entre ses mains un fils qu'il supposoit au Roi Clotaire III, frere aîné de Thierry, il le promena par les Provinces éxigeant le serment de fidélité en son nom & le payement des impôts ordinaires. Ce stratagême le fit recevoir en divers endroits. Emer, Duc de Champagne lui livra son gouvernement & reçut en meme tems de lui la commission d'aller prendre l'Evêque Leger dans Autun : ce Prélat fit d'abord quelque resistance, mais appréhendant le pillage de sa ville, il se rendit volontairement à Emer, lequel étant à quelques journées d'Autun, lui fit arracher les yeux & le confina dans un Monastere : après cela ayant convoqué une assemblée générale il s'y fit reconnoître pour Maire avec tant de concours, que le Roi Thierry lui-même y consentit, de peur d'hazarder sa couronne ; en consideration dequoi Ebrouin envoya son Roi supposé dans une condition privée : tout cela se passa en 674 ou à peu près.
Mais l'Auteur du Gesta Francorum, cap. 45. raconte la chose autrement, & dit qu'Erouin étonné de la résolution qui avoit élevé Leudesic à la Mairie, eut recours au conseil de Dadon, Evêque de Rouen, qui ne lui manda autre chose que de se souvenir de Fredegonde ; qu'Ebrouin ayant compris la force de ce conseil, prit la résolution demployer toutes sortes de ruses pour éxterminer ses ennemis ; qu'à la fin de la guerre il surprit le pont S. Maixance ; que le Roi qui étoit dans quelqu'un de ses palais des environs se sauva, mais que son trésor fut pris au lieu qu'il nomme Pacio ; qu'enfin le Roi se trouvant à l'éxtremité, fut obligé de traiter avec lui & que Leudesic fut la victime de cet accommodement.
Il est certain que dès qu'Ebrouin se trouva maître de l'Etat, il n'y a point de violence qu'il n'éxerçât contre tous ceux qui avoient été ses ennemis ou qui avoient nui à sa fortune, employant le spécieux prétexte de venger le Roi Childeric. L'Auteur de
la vie de S. Philbert rapporte de quelle maniere ce pieux Moine osa lui reprocher en face ses cruautez son injustice & son apostasie & comment il en fut puni par Dadon son Evêque, qui le retint long tems en prison pour ce sujet & ne le délivra que sous la condition de quitter la Neustrie où il avoit fondé l'Abbaye de Jumiege ; il alla s'établir en effet en 675, dans une Isle sur la côte de Poictou, qui étoit alors nommée Herio & qui dans la fuite a pris le nom de Noir moutier, de la couleur de l'habit des Moines qu'il y établit.
En 676, Ebrouin continuant à desoler la Neustrie, fit revenir de Gascogne le Comte Guerin, frere de l'Evêque d'Autun, qu'il y avoit auparavant éxilé, & pour l'Evêque, Payant fait tirer du Monastere où il le tenoit enfermé, il les accusa l'un & ; l'autre d'avoir été complices de la mort du Roi Childeric : l'issuë de ce procès fut que le Comte ayant été condamné, fut ensuite lapidé, ligatum ad stipitem cum lapidibus obrueruiìt ; quant à l'Evêque, avec lequel, selon le langage de Tibere, il n'étoit pas encore reconcilié, il lui fit couper la Langue & les Levres & déchirer la plante des piez avec une cruauté dont il n'y a presque pas d'exemple parmi les Nations policées ; puis il le relegua dans le Diocese de Rouën sous la garde de Vanitige, premier fondateur de l'Abbaye de Fescamp ; il l'y retint deux ans, au bout desquels ayant fait assembler un Concile pour proceder juridiquement contre lui & se lassant bien-tôt après des longueurs usitées de ces Tribunaux, il le fit conduire en Flandres avec ordre aux gardes de le faire mourir sur le chemin, ce qui fut éxécuté au lieu de Sartinge près d'Arras l'an 679.
DAGOBERT II. Trentième Roi de France.
DAGOBERT
MAIS pendant que la Neustrie soûpiroit sous le Ministère du barbare Ebrouin, l'Austrasie lui échapa : la vieille Reine Junechilde vivoit encore & y avoit consommé même depuis la mort de son gendre le Roi Childeric son ancienne autorité : elle se servit hûreusement de l'exemple de ce qui se passoit en Neustrie pour persuader aux Grands combien ils étoient intéressez à prévenir de semblables malheurs, en se donnant un Roi legitime & indépendant d'Ebrouin ; elle leur proposa son fils qu'elle savoit être vivant & il fut accepté avec tant de joye, que l'on députa en Angleterre pour Palier chercher : c'est ce qu'on apprend de la vie de S. Vilfrid Evêque d'York, cap. 31, Amici & propinqui ejus Junechildis mater Wulfoaldus & c. viventem Dagobertum & in perse ÏÏa aetate florentem à navigantibus audientes, misère nuncios suos ad beatum Vïlfridum Epifcopum Eboracensemj petentes eu ?n deScotia & Hïbernia ad se in Angliam invitasset & sibï Austrasii ad Regem emisisset, quod sic sanctus noster Pontifex perfecit, suscipiens eum de Hibernia venientem per omnia ditatum & viribus sociorum elevatum ad suam regionem emist : C'est par ce moyen que Dagobert remonta sur le Trône de son Pere, après dix-huit années d'éxil & de séjour en Irlande ; car comme ce Prince comptoit la quatrième année de son Regne aux Calendes d'Août 677, comme on le voit dans une charte qu'il accorda à l'Abbaye de Stavelo, qui est rapportée par Henschenius, il faut conclurre qu'il fut rétabli à pareil jour, l'an 674.
En 677, il y eut guerre entre les deux Rois de France, Dagobert & Thierry ; l'on n'en demêle pas bien la cause : car les Historiens du tems n'en ont rien dit & on ne recueille que de la vie de Ste. Salaberge, Abbesse dans le territoire de Langres & de quelques titres particuliers : mais la seule ambition d'Ebrouin en pouvoit bien être le principe ; ce Ministre n'ayant pû souffrir la séparation d'Austrasie qu'avec bien de l'impatience : la vie de Ste. Salaberge dit éxpressement, Civile bellum inter reges Francorum
Theoderìcum & Bagobertum circa illos fines (c'est à dire le territoire de Langres) exactum ìbique vicina quaeque depopulata, agri, villae, aedes & ipfia, quod grávius est, Janfforum. corpo – ra igne cremata fiunt. A l'égard des titres particuliers, il y a une Charte de Childebert III, fils de Thierry, qui adjuge à l'Abbaye de S. Denys une amende encourue par un particulier pour n'avoir pas pris les armes lors du ban, fait à l'occcasion de cette guerre : elle est rapportée dans la Diplomatique, num. 21, voici les termes, Haino Abbas S. Dionyfìi fiuggerebat ea quod ante hos annos, quando genitor nofier Bheodoricus quondam Rex, partïbus Aufiralibus vifius efit ambolajfie * homo nomme ïbbo, quatiquara nullatenus ibidem ambolajfiet, E ? ob hoc fiolidos 600. fidem fecijfiet ; il est vrai que l'on pouvoit rapporter cette amende à une guerre posterieure que Thierry eut avec Pepin de Herstal, mais comme celui-ci fut victorieux & devint le maître de l'Etat il n'est pas naturel qu'il eut éxigé une amende encouruë pour n'avoir pas porté les armes contre lui.
Enfin cette guerre n'eût pas de fuites, la paix se fit & le même Roi Thierry en fait mention dans un autre Charte, rapportée au livre 6. de la Diplomatique, au sujet de Chramlin Evêque d'Evreux, en voici les termes, Bum epificopos de regno nofiro tam de Neustria quam de Burgundia, pro statu ecclesiae vel confirmatione pacti, ad nostrum palatium Marlacovillâ jujsemus advenire & c. Batum medio menfie Septembri, anno quinto regni nofitri Marlaco, & c. Cest apparemment Marly, près de Gonesse.
On ne peut douter qu'il n'y eut entre ces Princes diverses occasions de guerre, vu le mêlange de leurs Etats, s'il est vrai que Dagobert ait jamais jouï des dependences de l'Austrasie, telles que la Touraine, le Poictou, l'Auvergne & la part de Provence ; mais quant aux Dioceses de Rheims, de Laon & au païs de Thiérache, il y a des preuves invinciblesquils ont appartenu à Dagobert ; entre lesquelles on peut citer la confirmation de ce Roi, du don fait à l'Abbaye de Stavelo de la terre de Germigni.
Mais voici une remarque plus singuliere & qui nous apprend un fait d'histoire tout nouveau, cest que le Roi Dagobert exilé & envoyé en Irlande pour être Moine s'y maria & y eut des enfans, entr'autres Ste. Irmine, premierement mariée à Herman, Comte de Thierache, puis Abbesse des Granges, de Horreis, près de la ville de Treves, La Charte de fondation de cette Abbaye a été donnée par Henschenius en son livre De tribus Dagobertis ; mais la datte en a été visiblement alterée & augmentée des années de l' incarnation de celles de l'indiction & du nom de Grimoald, qui étoit mort 21 ans auparavant. Voici les mots qui s'y trouvent essentiels à la filiation d'Irmine : Notum fieri volumus qualiter dilectissima silia nostra Irmina allodium suum in Landunense Episcopatu, in bis locis Lodufia aenea, Bolbengis, Vartengis & c. Alphonfio fiuo Hermanno Comite, in dotent legah traditione suscepit pro remedio animae suae & praedicti sui sponsi defuncti ad id Monasterium quod vocatur Herreum.... per nostram manum cum omni integritate contraxit. La date corrigée porte, Batum sexto Calend. Septembris., anno regni Domini Dagobertì quarto ; Treviris in Dei nomme, féliciter. Cette Charte se trouve d'ailleurs expliquée par la vie de la même te. Irmine, écrite par Theofred d'Epernay, qui rapporte de quelle mariere de Comte Herman mourut la vielle de ses nopces & comment Irmine prit son parti d'être Religieuse : or je croyois que sans erreur on pouvoit au moins donner 15 ans a cette Princesse, lors qu'elle se consacra à Dieu & par conséquent lors de la datte de cette fondation, qui est manifestement de l'année 677 ; d'où il s'enfuit qu'elle étoit née au plus tard en 662 ; mais selon les meilleurs Auteurs, elle avoit un frere aîné lequel par conéquent pouvoit etre né en 661, Dagobert étant âgé de 15 ans ; par conséquent il étoit né lui-même en 646 ; S. Sigebert son pere étant âgé seulement de 16 ans : ce qui semble détruire la pretenduë adoption de Childebert fils de Grimoald. En l'année 678, le roi Dagobert reçut honorablement l'Evêque d'York, S. Vilfrid, son beinfaicteur, qui avoit entrepris le voyage de Rome ; mais peu de jours après son départ, dans le dans le mois de Mars, ou d'Avril ce Prince fut tue, comme on l'apprend dans le manuscrit de Wingarten, donné par le P. Mabillon au 3. Tome des Ana*
Ana* y a ainsi dans le Ms.
lectes. Le Gesta Francorum, cap. 16, fait mourir le Maire Wulfoalde dans le même tems ; mais il y a lieu de croire que sa mort précéda celle du Roi, dont les Ducs Martin & Pépin se defirent, pour s'élever à la puissance souveraine. Begge, mere de Pepin, étoit soeur de Grimoald, & il n'en faloit pas davantage pour rendre les familles ennemies.
En 679, Wilfrid revenant de Rome fut si mal reçû en Austrasie, qu'un Evêque le voulut arrêter & l'envoyer en Neustrie au jugement d'Ebrouin : ce qui marque que l'autorité des Ducs Martin & Pépin n'étoit pas encore affermie & qu'Ebrouin y étoit reconnu pour Maire, au moins en quelque partie : l'Evêque se plaignoit, comme on le dit en la vie de S. Vilfrid, Quod Aujìrasûs regem fubfidio fuo faïïum exilio emiftjfet, qui dissipator erat Urbium, consilia Seniorum despiciens, populos tributo humilians, Ecclesias Dei cum Praefulibus contemnens \ c'est à dire, que l'Evêque d'York avoit retiré d'exil & donné aux Austrasiens, un Roi qui avoit pillé & ruiné les villes, méprisé le conseil des Seigneurs, accablé le peuple de Tributs & maltraité les Prélats & leurs Eglises : mais il paroit que c'étoit autant de calomnies auxquelles le pauvre Roi avoit donné peu d'occasion, & qu'il fut opprimé par la faction dont Grimoald avoit jetté les fondemens.
Au reste, il n'est pas surprenant qu'Ebrouin ait voulu se servir de cette conjoncture pour amener les Austrasiens à la reconnoissance du Roi Thierry ; mais il n'en put venir à bout : ils se résolurent même à la fin à abolir la Royauté parmi eux & à se choisir des Ducs qui occupassent plus dignement la place des Rois faineans & inutiles qu'ils avoient eu jusques-là. En effet la Famille Royale commençant à être tellement décriée, même parmi les Etrangers, que l'idée commune étoit que les Princes de cette race naissoient avec le derriere velu, comme des boucs, & que cette difformité monstrueuse étoit cause qu'ils se cachoient à leurs peuples. Theophanes, sur la premiere année de Leon l'Isaurien les a surnommez par cette raison Thricoracates, c'est à dire, les Princes Velus. Dans cette disposition générale on s'assembla pour une Election, où la brigue l'emporta en faveur des mêmes Martin & Pépin, petit fils de S. Arnoul, Evêque de Metz ; Martin, par Clodulphe, & Pépin, par le Duc Antegise, dont nous avons parlé : ils prirent le titre de Ducs des François, réunissant ainsi la Royauté & la Mairie en leurs personnes.
En 680, la guerre étant declarée entre les deux Rois, les Austrasiens furent défaits à plate couture par Ebrouin au lieu nommé Lufao ou Lucofao, Pépin se sauva & Martin se jetta dans la ville de Laon, qui fut aussi-tôt assiégée : toutefois Ebrouin craignant les longueurs d'un siége, eut recours à la ruse pour en tirer son ennemi : il lui envoya deux Evêques l'un desquels fut Réole, Evêque de Rheims, qui périrent sur des chasses dont ils avoient auparavant vuidé les reliques, esperant qu'il y auroit sureté de la vie : après quoi étant venu trouver Ebrouin à Eschery en Laonnois, il y fut massacré de sens froid : ce Réole, Evêque de Rheims, l'un des plus méchans hommes de son siècle, & toutefois canonizé, est le fondateur de l'Abbaye d'Orbais.
Enfin en l'année 681, tant de crimes & de violences éxercées impunément jusques-là par Ebrouin, furent punies par une trahison pareille aux siennes. Ebrouin s'étant relevé la nuit pour assister aux Matines d'une grande Fête, suivant la coutume, sut assassiné dans le chemin de l'Eglise par un Austrasien nommé le Hermanfrid, qui lui fendit la tête de son epée ; & ainsi les François furent délivrez de ce tyran ; cependant il faut avouer à cette occasion que les événemens passez sont étrangement problématiques ; car outre qu'on voit par la narration que ce Ministre avoit une espèce de piété qui le portoit à des oeuvres de surérogation, que les modernes, quelques devots qu'ils soient, ne pratiquent pas, il est certain qu'il étoit extrêmement lié avec les plus saisits Evêques de son tems & entr'autres avec Dadon de Rouen, comme nous l'avons vû, & l'on ne sauroit penser que celui-ci crut l'Evêque d'Autun innocent, puis qu'il le garda si long tems dans son Diocese ; ou bien il faut dire que Dadon étoit lui-même le plus méchant homme
du monde, nonobstant la canonisation : toutefois il semble par la suite de sa vie qu'il fit une espèce de conversion.
Après la mort d'Ebrouin les Neustriens assemblez élurent par le commandement du Roi, cum jujsione Régis, Varaton, pour remplir la dignité de ÌVIaire, lequel etant homme pacifique, chercha à se raccomoder avec les Austrasiens ; mais comme il étoit vieux, il s'associa son fils Wilimer, lequel d'un esprit tout contraire recommença la guerre, malgré son pere ; toutefois il mourut la même année & son pere bien intentionné pour la, paix, l'auroit enfin concluë, s'il n'étoit mort trop tôt, comme nous le dirons.
Il est remarquable qu'en cette année 681, trois ans seulement après la mort de S. Leger, l'Evêque d'Autun, son culte s'établit avec tant de réputation, que les Eglises d'Arras, d'Autun & de Poitiers disputèrent long tems à qui seroit la translation de son corps, que le sort ajugea à celle de Poitiers : le Roi même l'honora comme Martyr, quoiqu'il eut consenti à sa mort & à la cruelle persécution qu'il avoit soufferte.
La même année Pépin d'Herstal, quoique reconnu Duc des François en Austrasie, donna des otages à Varaton & à Thierry soit pour les assurer de sa fidelité, soit pour prévenir la guerre autant qu'il lui étoit possible.
En 682 & 83, Dadon Evêque de Rouën rappela S. Philbert à Jumiege & ayant fait sa paix avec lui, consentit à la donation que le Maire Varaton lui fit du lieu de Montiviliers, au païs de Caux, villare in agro Caletensi, pour édifier un Monastere de filles ; ce fut aussi cette année 683, que Wilimer rompit toutes les mesures de son pere pour la paix, & qu'il porta la guerre aux environs de Namur, mais il mourut de maladie dans cette éxpedition, comme nous l'avons dit.
En 684, l'Evêque Dadon entreprit plusieurs négociations pour amener les deux partis à la paix ; il fut même jusqu'à Cologne dans l'esperance de convaincre les Austrasiens de la nécessité de reconnoître un Roi ; puis il revint au Parlement, qui se tenoit cette année à Clichy auprès de Paris, rendre compte de ce qu'il avoit fait & il y mourut le 7 des Calendes de Septembre, dans une grande réputation de capacité & de sainteté : malgré tout ce qui s'étoit passé sous le ministere précédent, son corps fut porté à Rouen & l'histoire du Convoy qui lui fut fait, justifie que la ville de Pontoise & tout le Vexin étoient déja du Diocese de Rouën.
Enfin l'an 685, tout au plus tard en 686, le Maire Varaton mourut. Les Neustriens étoient alors divisez ; le plus grand nombre étoit porté à la guerre, tant par le succès de la derniere bataille gagnée par Ebrouin, que par indignation du mépris que les Austrasiens faisoient de la Royauté. Le même nombre fut maître de l'Election & défera la Mairie à Berthaire, gendre de Varaton, par le crédit de la Reine Ansfiede. L'histoire remarque qu'il n'avoit d'autre mérité que cette alliance & son entêtement pour la guerre ; son élevation est constamment arrivée avant le 30. d'Octobre de cette année 686, puis qu'en ce jour il concourut avec le Roi Thierry au don de Lagny à l'Abbaye de S. Denys, dont voici les termes : Villa Latinîaca quae fuit viris illujlribu Ebroino, Varatoni, Ghislendro, quondam Majores Domûs nostrae & post discessum ipsius Varatonis in Fifco nofiro fuerat revocata, nos ipsia villa ab suggestione praecelsiae Reginae nostrae Chro decildae sic & illustri viro Berthario Majori Domus nostrae ad Monasterium Sancti Dionysii &c. Au surplus, le Maire aliéna d'abord tous les Neustriens, de sorte que les Evêques Audran & Réole donnerent des otages à Pépin ; aussi étoient-ils naturellement du Di strict de l'Austrasie : d'autre côté Pépin désirant sincèrement la paix, pour éviter l'effu sion du sang François, envoya une solemnelle Ambassade à Thierry pour lui offrir se soumissions avec une très-grosse somme d'argent ; mais tout fut refusé par le consei de Berthaire, de maniere que selon les Annales de Metz, le Parlement d'Austrasie s resolut à la guerre & reconnut absolument Pepin en qualité de Maire & de Duc de François. C'est pourquoi les années de son administration se comptent du mois de May 687, ce qui fait preuve qu'il ne se croyoit pas absolu avant ce tems-là.
Après le parlement les Austrasiens passerent la forêt d'Ardenne & se rendirent dans les Plaines de Picardie, haud procul ab oppido Wermanàuorum, c'est à dire, près de la ville de Vermand, selon les Annales de Metz, qui rapportent qu'ils se camperent à Tertry sur le bord d'un Ruisseau nommé leDaumignon, Dalmaunio. Thierry, avec l'armée de Neustrie, se campa de l'autre côté du Ruisseau, dont le passage étoit très-difficile, Médius qu'idem fluvius se d dijscilis trajediu : ce fut-là que Pepin ayant renouvelle ses offres & ses soumissions, sans rien obtenir de l'instexible Berthaire, hazarda la bataille & qu'il la gagna avec un si grand succès que toute la Neustrie & la Bourgogne en furent surpris. Berthaire fut tué presqu'aussi tôt après par des traîtres qui avoient été ses flatteurs dans la prosperité. Sa belle-mere Ansflede contribua même à sa mort : le tresor & la personne du Roi vinrent immédiatement après au pouvoir de Pepin, lequel usa de sa victoire avec tant de modération qu'il gagna l'estime & l'assection de ceux qui lui avoient été le plus contraires. La bataille de Tertry se donna dans l'Autonne de l'an 687, puis que, selon les mêmes Annales de Metz, Thierry avoit régné 14 ans complets avant cet événement : c'est ainsi que tous les trois Royaumes passerent en l'obéïssance de Pepin le gros, Fondateur de la seconde race des Rois : on verra néanmoins par la fuite qu'il resta toûjours dans la Neustrie un parti opposé à cette nouvelle puissance, qui ne ceda qu'à la force & au bonheur continuel qui accompagnerent son établissement.
En 688, Pepin porta la guerre dans la Frise pour la premiere fois & engagea Rabod, qui en étoit Roi, à reconnoître la Monarchie Françoise : il permit l'année suivante 689, l'assemblée du Concile à Rouën pour le reglement des moeurs & de la Religion, méthode qui fut suivie par ses successeurs & par le moyen de laquelle les Ecclésiastiques augmenterent de plus en plus leur réputation & leur crédit au dommage de l'ancienne discipline Françoise. Le Roi Thierry mourut en 690, après le mois de Septembre, puis qu'il est certain qu'il regna 17 ans complets. Pepin maître de la Couronne la distribua successivement aux enfans qu'il laissa, ne pouvant encore rien innover dans la eustrie, quoique son véritable dessein fut de la réduire au pié de l'Austrasie ; Clovis III, qui étoit l'aîné, fut aussi le premier qui porta le nom de Roi.
CLOVIS III. Trente-unième Roi de France.
ClílT
EN 691, le nouveau Roi Clovis accorda une Charte à l'Abbaye de Lisieux pour confirmer les dons de Clovis II. son ayeul, de Clotaire & de Childeric, ses oncles, qui est dattée du dernier de May, l'an premier de son Regne, & fait preuve qu'il n'a point regné du vivant de son pere.
En 692, il se tint un Parlement au mois de Novembre à Lusarches, in païatio Luzarecano, où assisterent Sigfrid Evêque de Paris, Constantin de Beauvais & trois autres Evêques. Entre les Grands de cette Assemblée, on compte de plus Ragnoalde, Nort-Bereteck, & Erminfrid, le meurtrier d'Ebrouin : ce Nort-Bereteck est ailleurs qualifié Regulus, titre qui ne se donnoit auparavant qu'aux Maires ; aussi étoit-il Lieutenant de Pepin dans la Neustrie, Vicarius Pepini ut regum palatium adminiftraret ; il y a plusieurs Chartes de cette même année, qui portent toutes la datte de l'an 2. de ce Regne & entr'autres une de Berthoendus, Evêque de Châlons, qui accorde un privilege à l'Abbaye de Montirandel, Dervenfi Monafterio, par laquelle on apprend qu'il y avoit deux Monasteres dans le même lieu, l'un de filles & l'autre d'hommes & que le dernier étoit appelé Puteole.
Diplomat. Lib. VI. n. 18.
En 693, le Parlement se tint à Valenciennes, & cependant on ne voit point qu'il y ait assisté de Seigneur ou de Prélat Australiens ; entre les douze Evêques qui s'y trouverent, on compte Dausowalde de Poitiers, Godwin de Lyon, Ansbert de Rouën, lequel ayant quitté son siège, demeuroit pour lors au Monastere de Hautmont en Hainault, Soavoric ou Savaric d'Orléans, Wulfchram de Sens, Vurnoald de Paris, & Abbo de Metz : il s'y trouva aussi douze grands Optimates, huit Comtes, huit Graffions, quatre Domestiques Officiers du Palais, Quatuor domestici officiales Palatii, quatre Referendaires, & l'Acte ou Diplomé de ce Parlement est signé de l'un d'eux, qui s'appeloit Yaldraminus –, deux Seneschaux, Senescalli, qui étoient des Officiers préposez aux tables & à la nourriture de l'assemblée : Senescallio signifie encore en Italien un Maîtred'hôtel ; & finalement le Comte du Palais, qui est toûjours nommé le dernier dans ces sortes d'actes, & avoit néanmoins la direction de tout ce qui se passoit aux assemblées : celui qui remplissoit cette place dans celle dont il s'agit, s'appeloit AndraminmL'Acte de ce Parlement a été donné par le P. Mabillon ; on n'a rien de plus ancien en ce genre, & il est remarquable que dans les assemblées, regardées purement comme temporelles, les Evêques ne prenoient point de rang par rapport à la dignité de leurs sièges, mais par rapport à leur âge ou à l'ancienneté de leur ordination : ainsi l'Evêque de Poitiers précéde ici les Evêques de Lyon, de Rouën & de Sens, Métropolitains.
Le Roi Clovis III. mourut au commencement de l'an 695, puis que Childebert III. son successeur & son frere étoit sur le Trône avant le 22. Mars de cette même année. Quelques-uns ont prétendu qu'ils avoient régné ensemble, ne trouvant pas d'autre moyen de lever quelques difficultez Chronologiques qui regardent les années du Regne du premier ; mais le contraire est prouvé par la Charte de donation de la terre de Naffigni en Berry, De Nopsiviaco in Biturigibus, à l'Abbaye de S. Denys, faite par le Roi Theodebert l'an premier de son Regne, le 13. Decembre : car comme elle fait mention de l'échange que son Prédécesseur Clovis avoit faite de cette terre de Nassigni, contre celle de Ville-Orbe, Villa Orbana, avec Godwyn Evêque de Lyon, & qu'elle en parle comme d'un Prince mort, il est évident qu'ils n'ont pas regné ensemble.
En 697, il y eut un Parlement de Neustrie, qui fut tenu à Compiegne pour écouter les causes & rendre jugement à tout le monde, Placìtum ad universorum causas audiendum, comme il est porté dans les lettres de convocation, autrement dites commandement du Roi, rapporté dans la Diplomatique, Lib. VI. n. 24 ; il s'y trouva sept Evêques, le Maire Pepin, quatre grands Optimates, trois Comtes, trois Domestiques du Palais son y jugea le procès d'entre Magnoalde, Abbé deTousonval, Ponfonis-Vallis, près de Beaumontsur Oise, dans le Diocèse de Beauvois, plaignant, & Dreux ou Droge, fils de Pepin & Maire du Palais : l'Abbé prétendoit que la terre de Nocy avoit été donnée à son Monastere par le Roi Thierry, & Dreux au^contraire, Inlendebat quodsocer suus illufier vir Bercharius quondam ipfamvillam de ipso Magnoalde vel Monafterio concamiaffiet G ? eidem justiffime a parte conjugis fuae Adeltrudae legibus redderetur : c'est à dire, qu'il soutenoit. que le Maire Berthaire, son beau-pere, avoit échangé la même terre de Nocy avec l'Abbé & qu'elle devoit lui appartenir du chef de sa femme : il perdit néanmoins son procès, la terre ayant été ajugée à Magnoalde. Le commandement du Roi, praeceptum Régis Childeberti, pour ce Parlement, est du 13. de Mars.
Sur l'année 699, il est nécessaire de faire une observation, de laquelle dépend est quelque sorte toute la Chronologie précédente & même celle qui doit suivre : II y a plusieurs siècles qu'il tomba à Scaliger le fils un manuscrit de la Chronique d'Eusebe, lequel avoit appartenu à Jaques Bongars si fameux parmi les gens de Lettres, à la tête duquel manuscrit il y avoit d'une main ancienne ces mots, In annum quintum Childeberti Régis Francorum Pepino jubente ad Adam sunt Anni Y.M. Dcccc. Fuit Pascha X. Calend. Aprilis, Ascenfio Domini fuit Kalendas Maias per Cyclum annorum Cxi, repetit a capite Cycli. Or il est certain que tous les caracteres de cette Epoque se rapportent à
l'an 599, dont le nombre d'Or étant 16, joint dans l'ancien Calendrier au 8. de Mars & la Lettre Dominicale E, il s'enfuit que le jour de Pâques s'est rencontré cette année au 23. de Mars, 10. des Calendes d'Avril. Si donc il doit passer pour constant, selon cette note originale, que le 23. Mars 699, concouroit avec l'an 5. du Regne de Childebert, Roi des François, par la disposition de Pépin, il s'ensuit incontestablement que la mort de son Prédécesseur est arrivée avant le 23. du dit mois, l'an 695. Cette démonstration ne souffre point de replique.
Depuis l'an 690. jusqu'en 700, il y eut guerre en Septimanie entre les François & les Visigots, mais on n'en connoit point les événemens. En 699, Pépin, réparateur des desordres, tomba lui même dans un des inconveniens ordinaires du pouvoir absolu, en prenant publiquement une Maîtresse au mépris des loix de l'Eglise dont il affectoit d'être zelateur. Lambert Evêque de Liège lui fit à ce sujet des remontrances si vives, que le frere de cette maîtresse, laquelle se nommoit Alpaïde, craignant que sa soeur ne fut indignement renvoyée, assassina cet Evêque : scandale qui pensa perdre Pepin. Ce Prince avoit deux enfans, Dreux & Grimoald, il avoit établi le premier en lui donnant la Duché de Champagne, il éleva le second à la Mairie en l'an 700, mais la Providence n'avoit choisi ni l'un ni l'autre pour les faire succéder à la dignité de leur pere. Dreux mourut en 708, laissant deux petits enfans Huges & Arnauld, & Grimoald fut assassiné à Liège priant Dieu devant le tombeau de S. Lambert, qu'il pouvoit à bon droit regarder comme le protecteur de sa maison, mais cela n'arriva qu'en l'année 714.
L'an 711, le Parlement se tint à Maumac, Mamacis, sur l'Oise près Compiegne & la cause d'entre Grimoald déja qualifié Maire, & Delphinus Abbé de S. Denys y fut jugée en faveur de celui-ci : il s'agissoit du droit de Marché, de pojfeffione ïeloniorum & Nundinarun Sancti Dionysi. Ce commandement de Childebert pour l'assemblée de ce Parlement est daté du 13. Decembre l'an 16. de son Regne, & il est remarquable que le Marché, dont il s'agissoit, avoit été transporté du Bourg S. Denys dans le Fauxbourg de Paris, de ipso vico Sanlîi Dionyfú, Clade intercedente, fuit ?nutatus & ad Parifios civìtatem inter Sancti Martini & Sancti Laurentii Basilicam ipse mercatus fuit factus. Cela sert de preuve que l'Abbaye de S. Denys n'a jamais été dans la ville de Paris, comme quelques-uns l'ont avancé en la même année 711, & immédiatement après la tenuë du Parlement, le Roi Childebert mourut avec la réputation d'avoir été bon & juste selon le témoignage du Gesta Francorum, il fut inhumé à Coucy près de Compiegne & de Maumac, selon la Chronique de S. Medard, qui datte sa mort du 4. Avril, 18. des Calendes de May, dans la 17. année de son Regne.
DAGOBERT III. Trente-troisième Roi de France.
DAGOBERT IIIL
IIIL 713, selon la Chronique de Fontenelles, Rotmundus & Milo largiti funt huic Coenobio patrimonia duo, id est Offiniacas & Beltonis-Curtem suo in pago, anno 30. Dagoberti junioris Régis, qui erat Pepini fenioris ducis 26. Incarnations autem Domini Jesti Christi 713. C'est une donation des Lieux d'Ossignies & de Betancourt en Picardie, près d'Aumalle & l'Abbaye de St. Vaudrille, qui détermine l'année du Regne de Dagobert & sa concurrence avec l'Ere commune de Jesus Christ.
Nous avons dit que le Maire Grimoald, fils de Pépin, mourut malhûreusement l'an 714 ; cette perte fut d'autant plus sensible à son pere, le Duc Pépin, qu'il voyoit approcher la fin de sa vie : dans cette éxtrémité il éleva à la Mairie d'Austfasie, Theo-
dowal, fils de Grimoald, & à celle de Neustrie, Arnould, fils de Droge. II avait deux autres enfans d'Alpaïde, Charles, qui fut surnommé Martel, & Childebrand ; mais Plectrude sa femme les haïssoit mortellement & ne souffroit point qu'il les avançât ; les choses étant dans cet état, Dagobert III. occupant le Trône de Neustrie, Pepin mourut à Jupille, en Flandres, la même année 714, le 16. Decembre, au 17. des Calendes de Janvier, ayant tenu le gouvernement pendant 27 ans & demi.
Aussi-tôt que les Neustriens eurent appris cette mort, comme ils n'avoient reconnu Pepin que par force, ils refuserent l'obéïssance à Theodowal & quoique l'on put tenter par voye de négociation, on en vint aux armes de part & d'autre & à une grande bataille, qui se donna dans la forêt de Compiegne, in Cotici Silva, Theodowal fut entierement défait & n'échappa que par la fuite, après quoi les Neustriens se trouvant en liberté choisirent pour Maire Ragenfroi, homme capable de défendre l'Etat & qui y réussit d'autant mieux en ce commencement qu'il n'eut à faire qu'à une femme ; Plectrude, veuve de Pepin, s'étant emparée du gouvernement sous le nom de Theodowal, son petit fils, il mena l'armée jusques sur la Meuse & y fit des ravages infinis.
Quoique ces faits paroissent assez simples, il y a toutefois des difficultez Chronologiques qu'il est nécessaire d'éclaircir : car premierement il y a une donation du Roi Dagobert III. faite à l'Abbaye de Fontenelles ou de S. Vaudrille, de la quatrième partie de la forêt d' Arelaune, qui est dattée de l'an 5. de son Regne, un jour de Dimanche, 5. des Ides de Juin, Indiction 13. de Jésus Christ 715. Suggerente Theobaldo, Majore domus Regiae ; d'où l'on peut inférer que la guerre & la bataille de Compiegne sont posterieures a cette datte. En effet la mort du Roi Dagobert, qui arriva immédiatement apres la même année, 5. de son Regne, peut naturellement avoir donné occasion aux troubles ; mais d'ailleurs il paroit que Ragenfroi étoit deja Maire quand il mourut, & que ce fut lui qui tira Daniel du Cloître, pour l'élever sur le trône de Neustrie, en lui donnant le nom de Chilperic second.
CHILPERIC II. Trente-quatrième Roi de France
CHILPERIC 11.
ON a long temps ignoré quel étoit véritablement ce Chilperic & le fondement de son droit à la Couronne, jusqu'à ce que les PP. Labbe & Sirmond ont justifié par un Diplomé de ce Prince, accordé à l'Abbaye de Corbie l'an premier de son Regne, le 3. des Calendes de May, qu'il étoit fils de Childeric II. assassiné par Rodille qui y est nomme son pere, Bachilde son Ayeul, & Clotaire III. son oncle. Le P. Mabillon a donne nouvelles preuves de la même filiation au livre 6. de la Diplomatique : &c ;
Cependant Charles, fils de Pépin, que Plectrude retenoit prisonnier à Cologne, depuis a mort de son pere, s'évada & se mit à assembler quelques troupes dans la forêt Charbonniere, où la Fortune qui le vouloit favoriser ne le laissa pas long tems dans obscurité : cette évasion arriva en 715, sor la fin de l'année. Ragenfroi & les Neustriens aiez des Frisons, lesquels haïssoient la maison de Pépin, qui les avoit tourmentez, tous ensemble avoient mis le siège devant Cologne où Plectrude avoit été obligée de se renfermer : elle ne pût se retirer d'un pas si dangereux qu'à force d'argent ; mais comme Ragenfroi se retiroit par les Ardennes pour regagner la Neustrie, Charles oma inopinément sur lui, se battit & lui enleva l'argent qu'il avoit reçû de Plectrude : Cette action se passa à Amblanes près de Stravelo, en 716, mais pendant que ses François se déchiroient es uns les autres, les Saxons révoltez désoloient leurs terres d'Alle-
magne ; ils coururent cette année toute la Hesse, qui étoit alors nommée le païs des Cattes, selon la Chronique de Fontenelles,
CHARLES MARTEL, Maire.
Charles MARTEL.
EN 717, Charles ayant assemblé les amis de sa maison par le moyen de l'argent de sa belle-mere repris à Ragenfroi, se trouva à la tête d'une belle armée, avec laquelle il porta la guerre dans la Neustrie : le Maire, de son côté, le vint rencontrer à Vincial, près Cambray, où imitant la fierté de son Predecesseur Berthaire, il rejetta toutes les propositions de Paix que Charles lui fit faire : la bataille se donna un jour de Dimanche, 12. des Calendes d'Avril, en Carême, c'est à dire, précisément quinze jours avant Pâques, qui fut celebré le 4. d'Avril. Ragenfroi fut entiérement défait & se retira avec Chilperic au delà de la Seine ; quant à Charles, cette victoire assura sa fortune pour le reste de sa vie ; l'Austrasie entiere le reconnut & Plectrude fut obligée de lui remettre les trésors de son pere & les petits enfans Theodowal, Hugues & Arnoud ; après quoi il commença à prendre un Roi pour les païs de Neustrie, qui le reconnoissoient afin de l'opposer à celui de Ragenfroi, & il choisit à cet effet Clotaire IV. que quelques-uns croyent avoir été fils du Roi Dagobert l'Exilé.
En 718, Charles qui ne négligeoit rien & dont l'action étoit continuelle pendant toute sa vie, porta la guerre en Saxe & la ravagea jusqu'au Vezer, pour punir l'invasion que les peuples avoient faite deux années auparavant sur les terres des François ; après quoi il fit la guerre en détail à quelques villes d'Austrasie, qui refusoient encore de le reconnoître ; il se representa devant Rheims à la fin de cette année & en fut repoussé par S. Rigobert, Evêque du lieu, qui, non content des remontrances, employa les armes pour soutenir les droits de la Royauté ; cette conduite enflamma la colere de Charles, qui dans la fuite le chassa de son Eglise.
Cependant Ragenfroi dégoûté de l'alliance des Frisons, qui lui rendoient peu de service, engagea dans sa querelle Odo, que nous appelons Eudes, Duc d'Aquitaine, lequel né avec beaucoup de courage & de génie avoit profité des troubles pour former une grande puissance des Gaulois de toutes les Provinces Occidentales & Méridionales de la France, réunis avec les Gascons ; ce nouveau Prince n'aimoit pas mieux l'une des dominations que l'autre, mais étant plus éloigné de celle d'Austrasie & en ayant par conséquent moins à craindre & à esperer, il se détermina bien-tôt pour Ragenfroi, esperant d'ailleurs que les services qu'il rendroit à la Cause commune, formeroient une route à sa fortune particuliere, qui n'avoit pas un moindre objet qu'une entière indépendance. En effet, Fredegaire assure que Ragenfroi & Chilperic lui cederent tous les droits qu'ils avoient sur l'Aquitaine, Regnum & munera tradunt, & la Chronique de S. Cibar le nomme positivement Roi, Odo Rex ; il amena donc de puissantes troupes en Neustrie, mais Charles aussi brave qu'ambitieux ne donna point la peine à ces deux chefs de le venir chercher, il marcha & les joignit proche de Soissons : ce fut là que le fort de la France fut décidé par une sanglante bataille, de laquelle Eudes & Ragenfroi n'échappèrent que par la fuite. Charles les poursuivit jusqu'à Orléans inutilement, toutefois parce que Eudes passa la Loire avec Chilperic & son trésor, connoissant de quelle importance il étoit d'être maître de tous les deux & le vainqueur n'osa s'engager plus avant dans les terres ennemies sans toutes ses forces ; il arriva mêmes dans ce tems-là que son Roi
Clotaire mourut ; ce qui rendit sa présence plus nécessaire à Paris & en Austrasie : cela arriva en 719, selon la Chronique de S. Nazaire.
En cet situation d'affaires, il gouverna quelque tems seul, pour éprouver le génie des Neustriens, que l'on disoit ne pouvoir se passer d'un Roi, quoiqu'ils eussent si peu d'égard a sa dignité : mais setant apperçû que cette idée dominoit effectivement de ma niere a ne pouvoir être effacée avec le tems, il prit le parti de traiter avec Eudes, Duc d'Aquitaine pour retirer de ses mains le fantôme de Roi qu'U conservoit poh son usage Eudes qui commençoit à avoir des affaires plus importantes, puis qu'il ne s'agissoit plus d'acquérir, mais de conserver ses Etats propres contre des forces qui faisoient tremb er le monde entier ; je veux dire celles des Sarasins ; se rendit facile remit le Roi Chilperic & ses trésors entre les mains de Charles & y joignit encore de grands presens ; mais ce Roi mourut presque incontinent après, de sorte que Charles fut obligé de mettre à sa place Thierry, surnommé de Chelles, parce qu'il avoit été nourri dans le Monastere de ce nom : il étoit fils du Roi Dagobert III. selon l'Auteur du Gefia Francorum, qui a écrit pendant son Regne.
THIERY III. dit DE CHELLES, Trente-cinquième Roi de France.
THIEIU* mQUELS
mQUELS fussent le succès & la valeur de Charles, ses entreprise & son gouvernement étoient si contraires au loix communes de la Nation qu'il étoit impossible qu'il n'eut infinité, d'ennemis, sa méthode général étoit de tout éxiger d'autorité & de contraindre par le fer & le feu ceux qui ne se soumettoient pas de bon gré : il étoit même de plus infiniment jaloux & soupçonneux, d'ailleurs infatigable pour les travaux & d'une ardeur qui ne conoissoit ni péril, ni relâche, il s'attacha aux Saxons dans les années 718, 720, & 22, il défit aussi les Frisons en 716, & encore la même année 722 ; cependant cette playe du Septentrion n'en fut pas guérie & nous la verrons ci-après causer d'étranges simptômes dans la Monarchie.
En 723, Charles jaloux de ses neveux, fils de Drogo, les fit enfermer & en fit mourir l'un ; mais loin que cette severité reprimât les mécontens, l'année suivante vit éclater une révolte presque générale, que la Chronique de S. Nazaire exprime en disant qu'en l'an 724, toute la France s'éleve contre Charles, levavit contra Carlum : les Annales de Metz s'expliquent davantange & nous apprennent que Ragenfroi, autrefois Mairie de Neustrie, n'avoit point perdu courage, mai que toûjours opposé aux Austrasiens il s'étoit cantonné dans l'Anjou & y avoit donné retraite au parti de la Royauté. Charles l'y fut attaquer cette année & reduisit enfin à mener une vie commune dans une condition privée, en renonçant aux affaires d'Etat. De-là il se porta rapidement dans la Saxe, où sa présence prévint une revolte & il revint avec la même diligence en Neustrie achever l'ouvrage de la soumission generale.
Telle fut la fin de la contestation que les Austrasiens eurent avec les Neustriens & les Bourguignons, dans laquelle il semble que ceux-ci soutenoient la bonne Cause, toutefois à bien éxaminer le veritable principe de ces divisions & d'une si longue guerre il se trouvera que c'étoit veritablement l'esprit de cabale & l'ambition des particuliers qui les y portoient. En effet coira-t-on que ce fut pour avoir reconnu les inconveniens du pouvoir Monarchique, que les Austrasiens se determinerent à l'abolir dans I
leur gouvernement, lors qu'il est visible qu'ils laifferent prendre à Pepin le même pouvoir sous un autre nom ? De même, croira-t-on que les Neustriens & ceux de leur parti fussent si religieusement attachez à la posterité de Clovis, qu'ils ne pussent souffrir des Rois d'une autre race ? Le fait certain est, qu'ils ne s'accordoient pas dans le choix d'autres sujets. Ebrouin qui affecta manifestement la Royauté, n'osa l'usurper par deux raisons sensibles, la premiere la défiance des Grands de Neustrie qui l'auroient empêché ; la seconde, le parti qu'il avoit pris de la proteger, lequel l'avoit accrédité dans le gouvernement & avoit servi de couleur a ses violences y de sorte qu'il n'etoit plus possible d'en changer.
On ne peut guere penser que Ragenfroi eut un objet différent ; les Ministres de cette espece élevent toûjours leur autorité par provision, sauf à prendre dans la fuite la route qu'ils se croyent tracée par les événemens, à mesure qu'ils arrivent. Charles Martel poursuivit son projet avec plus de bonne foi que les uns ni les autres ; s'il ne prit point le titre de Roi, durant sa vie il s'en arrogea toute l'autorité & l'a portée après sa mort, comme l'inscription de son tombeau le justifie y il exigea de tous la meme obeïssance, ruina les fortunes qui faisoient ombrage à la sienne & disposa du Trône même aussi absolument que de son patrimoine.
Si l'on demande ce que devint la Discipline Françoise pendant tant de troubles interieurs, je répondrai deux choses qui paroitront d'abord contradictoires, mais qui sont pourtant éxactement véritables ; la premiere que jamais les Assemblées ou Parlemens n'ont été si fréquens sous aucuns tems de la Monarchie ; que les Parlemens n'ont jamais disposé si absolument des charges où ils étoient en droit de pourvoir, ce qui est justifié par les Elections consécutives de tous les Maires ; qu'ils n'ont pareillement jamais exercé une jurisdiction si pleine sur les divers Membres de l'Etat, comme il paroît par le nombre des condamnations publiques & de procès terminez que j'ai rapportez ; je pourrois ajouter que jamais les Rois ne les ont tant respectez, ou pour me servir d'un terme plus mesuré, n'ont eu tant de confiance en leurs délibérations & ne s'y sont abandonnez avec moins de reserve : voilà le premier point.
Le second, que jamais les assemblées n'ont été plus infructueuses pour le bien de l'Etat & même pour l'avantage personnel des Rois & la raison en est évidente ; savoir le peu de courage & de sentiment de ces mêmes Rois, qui se sont trouvez hors d'état de profiter des bonnes instructions de ce qui restoit de sain parmi une Nation autrefois si genereuse & qui avoit si veritablement aimé leur gloire & leurs intérêts. A l'égard des Grands, ils n'avoient presque plus aucun principe que leur ambition & leur férocité naturelle ; de sorte que quand la balance étoit égale entr'eux, il n'en resultoit aucun avantage public, que celui d'empêcher les diverses factions de se déchirer davantage. Quant au Peuple, il n'avoit plus de part aux assemblées, il étoit toûjours la victime des divisions particulieres, qui faisoient plus de mal que tous les Parlemens n'en pouvoient guerir. D'ailleurs il est remarquable, qu'ils avoient bien changé de forme, puis qu'outre l'intervention des Prélats, qui dans les premiers tems avoient été regardez comme les ennemis naturels de la Nation, nous voyons par les actes qui nous restent & que j'ai soigneusement citez, quelle étoit l'étrange réduction des membres qui les composoient, puis que quatre ou cinq Ducs & autant de Comtes ou de Graissions formoient toute l'assemblée, au lieu qu'autrefois la Nation entiere étoit assidue au champ de Mars, tant pour veiller aux intérêts des particuliers, que pour regler l'intérêt général des Rois & des Peuples.
Au fonds, ce n'est pas tant l'inobservation des Loix ou de la Police publique, qui a causé la ruine de la premiere race que la lassitude des Peuples & le dégoût justement conçû de la conduite des Princes. En effet, si l'on resume leur histoire en peu de mots, on n'y trouvera qu'une seule grande action, qui a été celle de la premiere conquête, laquelle a été non seulement entreprise avec magnanimité & éxécutée avec un courage
admirable, mais soutenue avec prudence & sagesse, autant ou plus qu'aucune autre action pareille. A la fuite on trouve cent années entieres remplies de troubles & de divisions, ou les Rois, quoique freres, n'ont pensé qu'à se piller & à se surprendre les uns les autres. Cette scene est terminée par les Regences des deux plus méchantes femmes dont l'histoire ait parlé, par lesquelles toutes les Loix divines & humaines ont été violées, & sous lesquelles l'intérêt particulier a commencé non feulement à se répandre mais à se mettre au dessus de l'intérêt de l'Etat.
A ce gouvernement desesperé ont succedé deux regnes tranquilles, mais regnes de favoris de licence & de débauches, qui ont infecté les moeurs publiques & accrédité les Moines & les Prêtres, sous pretexte de réparer par leurs prières & intercessions les méchantes actions que l'on commettoit habituellement. Une nouvelle Regence vint après, pendant laquelle on s'apperçoit de l'inconvenient d'un trop grand crédit des Ecclésiastiques –, mais le plus méchant homme du monde que la Fortune avoit alors élevé au Ministere, répare ce desordre par un scandale pire que le mal, éxemple qui fait sentir le danger de l'intérêt personnel & combien aisément on lui sacrifie l'honneur & la. gloire des Rois mêmes.
Alors la plus faine partie de la Nation, choquée de l'indignité de la maison Royale & justement irritée contre le Ministere, fait un Schisme, se sépare, refuse l'obéïssance & prend les Chefs de son choix, refusant ceux que la Nature aveugle lui présentoit, ou que l'intrigue ou l'artifice faisoient regner à leur place : voilà le chemin qui a conduit les Rois Mérovingiens à leur perte. Indignité dans leur personne & leur conduite, ou defaut de caractere, ou jeunesse méprisée avant que l'on connût ce qu'elle auroit valu, enfin intérêt personnel dans les Grands qui gouvernoient sous leur nom.
REVENONS cependant à l'histoire de Charles, qui fut surnommé Martel, à cause de la maniere nouvelle dont il arma la Cavalerie & particulièrement à cause des marteaux d'Armes qu'il inventa. Pour bien entendre la fuite de sa vie & même de sa posterité, il faut savoir que le VII. siècle vit naître la Monarchie des Arabes sous la conduite de Mahomet & de ses successeurs, & qu'il la vit aussi se rendre maîtresse en peu d'années de la moitié du Monde. L'Egypte qui est voisine du lieu de son origine, fut conquise des premieres & toute l'Afrique passa peu après sous sa domination jusqu'à la Province qui étoit lors nommée la Tingitane, laquelle appartenoit au Royaume des Wisigots, dont le siège étoit en Espagne, comme la Septimanie, que nous nommons aujourd'hui le Languedoc, leur appartenoit aussi du côté de la France, étant le reste de ce qu'ils y avoient autrefois possédé & dont les François ne les avoient pû chasser.
Le Royaume des Wisigots avoit été agité depuis plusieurs années par différentes factions, qui avoient porté consécutivement différens sujets à la Royauté –, Witisa s'étant donc trouvé Roi en l'année 701, & voulant se défendre de ceux qui lui étoient suspects, fit aveugler Theofrid par le seul motif du droit qu'il avoit à la Couronne : celui-là avoit un fils, dit Roderic, qui chassa Witisa & le punit du même supplice qu'il avoit fait souffrir à son pere : mais Witisa avoit des enfans & une soeur mariée à Julien, Gouverneur ou Comte de la Tingitane, de laquelle étoit sortie une fille nommée La Cava dans l'Histoire & les Romans d'Espagne. Roderic, Prince débauché, attira cette fille à la Cour, & ayant premierement voulu lui plaire, la força dans la fuite, sans prendre garde qu'une telle injure faite à Julien & aux enfans de Witisa, pouvoit avoir de funestes conséquences. En effet leur ressentiment fut tel qu'ils appelerent les Arabes à leur secours & leur ayant livré les places dont ils étoient maîtres, les introduisirent en Espagne ; leur premier debarquement se fit l'an 711. à Carteja, qui, en mémoire de cet événement, a depuis porté le nom de Gebel Altaric, passage de Taric, du nom du Général Arabe, dont on a fait par corruption Gibraltar : ce passage fut bien-tôt suivi d'une grande bataille dans laquelle les Gots ayant été défaits & Roderic tué, toute l'Espagne se trouva soumise aux Arabes. Non contens toutefois d'une si grande conquête ils prétendirent que les terres que les
Wisigots possedoient au delà des Pyrenées, devoient suivre le sort de la Monarchie principale & en conséquence ils entrerent dans la Gaule sous le commandement d'Athor en 717. Ils prirent Narbonne en 721, selon la Chronique de Moissac & y tuerent tous les hommes & emmenerent leurs femmes & enfans en Espagne : après quoi ils vinrent mettre le siége devant Toulouse, où le Duc Eudes d'Aquitaine les bâtit & tua même le Général. La Chronique de S. Nazaire dit simplement que l'an 721, Eudes chassa les Sarrazins d'Aquitaine, Ejecit Eudo Saracenos de Aquitania. Celle de S. Benigne n'en dit pas davantage, mais celle de Moissac s'explique, Mense 3°. c'est à dire, au mois de May, obsidendam Tholosam pergunt Saraceni quam dum obsident exiit obviam eis Eudo princeps cum exercitu Aquitanorum feu Francorum & commifit cum illis praelium, at àum praeliare coepissent terga vertunt, ibi cecidit gladius. Roderic Ximenez ajoute que le Général Zanzay y fut tué ; mais Paul Diacre & Anastase le bibliothécaire, en la vie de Gregoire II, nous en apprend encore d'autres circonstances à l'occasion de la lettre qui fut écrite à ce Pontife par le Duc même, après sa victoire ; dans laquelle il assuroit n'avoir perdu que 1500 hommes de ses troupes, pendant que les infidelles y avoient été absolument détruits ; faveur du Ciel que ce Prince attribua à la bénédiction de ce même Pape. Voici les termes d5Anastase : Adjicie ?is quod anno praemijso in benediàlionem apraedicto viro eis directis tribus spongiis quibus ad usum mensae Pontificis apponuntur, in hora qua bellum comrmttebatur, idem Eudo Aquitaniae Princeps, populo suoper modicas partes trïbuens ad fumendum eis, nec unus mdneratus est, nec mortuus, ex his qui participati funt : C'est à dire, que le Duc Eudes, ayant reçu l'année précédente trois éponges, du nombre de celles qui servent à la table du Pontife, à l'heure du combat, il les coupa en petits morceaux & les distribua à ses troupes & qu'aucun de ceux qui participerent à cette benediction, ni fut tué ni blessé. Voilà un étrange effet de la superstition de ce tems-là, dont on tâche aujourd'hui d'assoiblir l'idée, en disant qu'Anastase ayant confondu les batailles de Toulouse & de Tours, a pû pareillement se méprendre dans ce récit ; mais quand la confusion de deux batailles seroit vraye, ce qui n'est pas, quel rapport auroit-elle avec un fait qui est de nature à ne pouvoir être confondu avec nul autre ?
L'année suivante Ambisa, nouveau Gouverneur d'Espagne pour les Calises, c'est à dire, les successeurs de Mahomet, qui residoient en Asie, se rendit maître de Carcassonne, de Nîmes & de toute la Septimanie jusqu'au Rhône, & il en traita les peuples avec plus de douceur que ceux qui l'avoient précédé, s'étant contenté d'envoyer leurs otages à Barcelone.
En 725, le même Ambisa ayant assemblé toutes ses forces, selon Isidore * de Badajox, e préparoit à repasser en France, lors qu'il fut arrêté par la mort qui fit échouer son entreprise : il y a toutefois lieu de croire que quelque partie de ses troupes pénétra sur les terres de la Monarchie, puis que la Chronique de S. Nazaire dit sur cette année, Saraceni vénérant primitus, & les Annales Tulliennes, Saraceni irruerunt Galliam.
Pendant ce tems-là, Charles occupé de ses affaires personnelles assujétissoit l'Allemagne, qu'il regardoit comme la Pépiniere d'où il vouloit à l'avenir tirer ses soldats : il pénétra cette année jusqu'en Bavière, d'où il ramena de grandes richesses, avec sa belle-mere Plectrude, que la crainte avoit obligée de se retirer & une maîtresse, Sonnechilde, nièce d'Odillon, Roi ou Duc de ce Païs & de la même Plectrude, laquelle maîtresse il épousa depuis. Il s'occupa de même au delà du Rhin pendant les années 728, 29, & 30, jusqu'à la mort de Landfrid, Duc de Suève, qui combattit toute sa vie pour la liberté de son païs.
D'un autre côté, Abdurhamer, homme d'esprit & de courage, ayant été nommé au Royaume d'Espagne, comme le rapporte Roderic, mais avec quelque erreur dans la datte, ayant parcouru & visité les conquêtes d'Ambisa, son prédécesseur, passa le Rhône, s'empara d'Arles & de toute la Provence ; ses troupes pillèrent l'Abbaye de Lerins, tuerent i'Abbé S, Porcaire avec ses Moines & sirenttous les desordres que l'on
* Isidorus Incensis.
peut imaginer de la part d'Infidelles, qui venoient détruire la Religion Chrétienne & é blir la leur par la force & la terreur. La Chronique de Bede dit sur cette année 723, saevisîmam cladem Saraceni Galliae intiderunt, & dans l'histoire des Anglois, il ajoute qu'il parut deux Cometes au mois de Janvier, quo te ?npore gravissma Saracenorion lues Gallias misera clade vafialat. Et enfin pour ne point laisser de doute sur l'année, il dit que ce fut celle de la mort du Roi S. Egbert, qui ipso die Paschae 8°. Calend. Maïi, migravit ad Dominum.
De si mauvais voisins donnoient une extrême inquiétude au Duc Eudes ; malgré le premier avantage qu'il avoit eu sur eux, il ne pouvoit compter sur la protection des François & de Charles Martel, qu'aux dépens de son Etat : dans cet embarras, il crut trouver sa ressource dans l'alliance d'un certain Munatius, ou Munitza, Chrétien sujet des Arabes auquel ils avoient confié le gouvernement du petit païs de Cerdaigne ; il lui donna sa fille en mariage, dans l'esperance qu'il pourroit, ou tromper les Arabes en sa faveur, ou du moins garder les passages des montagnes avec les troupes qu'il joindroit aux habitans du païs : ce fut certainement une fausse idée & qui n'a servi qu'à noircir sa mémoire, comme s'il se fut allié des Arabes pour leur donner entrée dans la France : mais à son retour de Provence, Abdurhamer s'appercût de l'intelligence de Munitza avec Eudes, & avant toute autre entreprise il l'assiegea dans son Château de Cerdaigne, où le manque d'eau l'obligea de se rendre ; sa tête fut coupée & sa femme qui étoit parfaitement belle, envoyées ensemble au Calisse. Après cela, Abdurhamer songeant tout de bon à sa conquête de la France, assembla la plus puissante armée qui sut jamais sortie d'Espagne, il en envoya une partie en Provence pour soutenir & étendre ses dernieres conquêtes, & lui, avec le fort des troupes, s'achemina vers Bourdeaux par le passage le plus facile, qui lui parut être celui de la Gascogne & du bord de la mer ; il n'y rencontra point de resistance, les peuples fuyant de toutes parts devant lui pour chercher retraite au delà des Rivieres ; ainsi ses troupes se répandirent librement dans tout le païs au delà de la Garonne, tuerent une infinité de monde & brûlerent toutes les Eglises.
Pendant ce tems-là, Charles faisoit tranquillement ses affaires en Allemagne, sans marquer inquietude, ni peine de la désolation d'une si grande partie de la France. Il est vray que sa présence étoit nécessaire au delà du Rhin, où l'obéïssance étoit absolument contraire au genie des peuples ; c'est ce qui fit qu'après la mort de Lanfrid & la pacification de la Suève, il se fit voir le long des frontieres de la Saxe & passa jusques dans la Frise : il étoit bien aise par conséquent de laisser demêler la fusée au Duc Eudes, qu'il haïssoit & craignoit ; cependant c'étoit effectivement hazarder la France entiere à la même disgrace qui venoit d'éteindre le Christianisme en Espagne. Eudes eut donc beau representer le péril dont il étoit pressé, abandonné à lui-même & à ses seules forces, & n'eut d'autre parti à prendre que celui d'abandonner la Gascogne & de faire ferme derriere la Dordogne avec ce qu'il pût amasser de troupes, esperant que les Barbares s'arrêteroient à Bourdeaux, par la difficulté du trajet des rivieres, & que pendant ce tems-là, les secours de France pourroient arriver ; il y fut trompé : Abderam, car c'est ainsi que nos Historiens le nommerent, ayant pris Bourdeaux dont il brûla toutes les Eglises, passa les deux rivieres avec une armée prodigieuse : celle que le Duc lui opposa étoit si foible en comparaison, que malgré toute sa valeur, il fut contraint de ceder au nombre, épargnant ses troupes en habile homme & les reservant pour une plus hûreuse occasion ; cela se passa au commencement de l'année 731. Roderic dit au contraire, que le nombre des morts du côté des François en cette occasion fut si grand que Dieu seul le pouvoit connoître ; ce qui n'est pas sans vraisemblance, puis que l'on peut croire que dans une occurrence pareille ce n'est pas le nombre des soldats qui manque aux armées, mais la qualité des troupes.
* Bessuense Monasicrium.
Pendanr qu'Abderam s'avançoit dans l'Aquitaine, son autre armée ne faisoit pas moins de progrès du côté du Rhône & de la Bourgogne ; après avoir pris & ruiné les villes de Vienne & d'Autun, détruit tous les monasteres des environs, elle entra en Bourgogne & y brûla les Abbayes du Luxeuil & de *Beze, & vint enfin mettre le siége devant la ville de Sens : Gens ìmpia Vandalicorum, disent les Annales du P. Petau & Du Chesne, Tome V, Galliam devastare coepit, quo tempore destruïïae Ecclefiae, fubversa monasteria, captae urbes, désolâtae domus, dlruta castra, strages hominum mnumerae sactae & multus ubique generis humant sanguis effusus.... Ea tempestate, disent-ils encore, gravijfime per tota ?n Galliam detonabal, JVandalis omnia stammïs & ferro proterentibus, pervenientesque Senones, civitatem coeperunt eam omni arte & jaculis & machinis infectare –, quod cernens Praesul ejusdetn urbis, Ebbo nomïne, exiens de civitate cum fuis, fretus di-vina vïrtute, exterminavit illos ab urbis obsidione, fugientibusque illis, persecutus est eos, usquedum egrederentur de finibus suis : ce qui signifie que l'Evêque de Sens repoussa ces barbares, qu'ils furent obligez de lever le siége de sa ville & qu'il les poursuivit dans leur retraite jusqu'à cê qu'ils fussent hors de son diocèse : on trouve la même chose dans la vie du même Saint Ebbon, en la troisième partie du troisième Siécle Bénédictin ; & la Chronique de S. Pierre le Vif marque aussi le siége de Sens par les Sarrazins. On peut marquer ici que l'Auteur qui confond les Sarrazins avec les Wandales, s'y trompe à cause qu'ils yen oient d'Afrique.
Mais ce qui passe en quelque forte la croyance humaine, est que dans une si étrange désolation le desespoir des peuples étoit si grand & leur haine contre le gouvernement de Charles Martel, qu'ils songeoient plutôt à s'en délivrer qu'à se défendre contre les Sarrazins & lui de son côté avoir un dessein si formé d'assujétir les Frisons par la force par la violence que la vûë d'un aussi grand objet que la guerre des Sarrazins ne pût le distraire un seul moment de son entreprise.
En cette année 731, toute la France à la fois se révolta donc contre lui, Aquitains, Bourguignons, Allemands, Sueves, Bavarois, Saxons, Frisons, & particulièrement les Bourguignons, selon Fredegaire ; il n'y eut que la Neustrie, qui après avoir été elle-même forcée à l'obéïssance, y força aussi les autres. En cette éxtremité, Charles courut d'abord sur l'Aquitaine. La Chronique de S. Nazaire dit éxpressement Karlus vastavit secunda vice ultra Ligerim. Celle du P. Petau dit, Karolus fuit in Vafconia contra Eudonem : les. Annales de Massey, Mascianenses : la petite Chronique Tillienne dit, Carolus pugnavit in Vafconia contra Eudonem : mais le Continuateur de Fredegaire éxplique 8. ce fait fort au desavantage du Duc Eudes, il * dit que le Duc s'étant départi de l'alliance qu'il avoit contractée avec Charles, celui-ci passa la Loire, le défit en bataille & rapporta un grand butin de ses Etats, mais que non content de ses succès il y passa une seconde fois avec pareil avantage & revint victorieux dans le païs de son obéïssance.
Pendant que ces discordes interieures suspendoient les efforts que l'on avoit pu faire pour repousser l'ennemi, Abderam, qui marchoit pié à pié, s'empara de Perigueux, de Xaintes, d'Angoulême, de Limoges, de Poitiers, s'avançant lentement, tant à cause du grand nombre de ses troupes, que du riche butin dont elles étoient chargées ; car il dépouilioit généralement toutes les Eglises. Son objet principal, après le pillage de celle, de S. Hilaire de Poitiers, étoit les richesses du tombeau de S. Martin : c'est ce qui le fit avancer de ce côté-là au mois de Septembre 732.
D'autre part, Eudes accablé de tous cotez prit en cette occasion le malhûreux parti de s'accommoder avec les Sarrazins, plutôt que de plier sous le dur empire de Martel ; on ne sçait point jusqu'où il poussa son engagement avec les Infidelles, mais on sçait que sa conscience lui reprocha bien-tôt après le tort qu'il faisoit à la Religion, outre que les Sarrazins le trompèrent ; il les abandonna & avec ce qu'il avoit de troupes il se vint camper proche de Tours, entre les rivieres, afin d'en disputer le passage & de
* Cap. 10
profiter des fautes que pourroit faire Abderarm. Charles, de son côté, se rendit à Tours, étant venu le long de la Loire & se logea dans la ville & sur le bord du Cher deric remarque qu'il amena peu de François, mais des Allemands, des Gots & des Gepides, qui faisoient la force de son armée.
Ce qu'il y a ici de plus singulier, c'est que la proximité d'un ennemi si terrible, ne l'occupa point de telle forte, quil ne pensât a se servir de la conjoncture pour imposer au Duc Eudes un joug qu'il n'auroit pas été aisé de lui imposer dans un autre tems. Ces Princes sabouchèrent donc premierement & convinrent ensemble d'un traité, qui fut tout a l'avantage de Charles ; âpres quoi il ne devoit plus être question que de l'ennemi commun : cependant soit a raison de la disposition des deux camps, soit par finesse de la part de Charles, Eudes fut aux mains six jours durant avec les Arabes. Je ne doute pasquil ne sagit du passage des rivieres, qui selon la sttuation du païs couvrent naturellement la ville de Tours, & l'on ne fauroit à cette occasion s'empêcher de blâmer l'imprudence d'Abderam de s'être engagé dans un terrain qui ne lui permettoit pas d'ufet de son avantage, qui consistoit dans le nombre de ses troupes : enfin le septieme jour qui étoit un Samedi du mois d'Octobre de 732, Charles seconda les efforts d'Eudes & ils remporterent ensemble la plus signalée victoire dont on conserve la mémoire. Abderam demeura sur le champ de bataille, avec un nombre infini de morts que les Chroniques fabuleuses des Monasteres sont monter à 375000 hommes : il est surprenant que toutes les anciennes Chroniques ayent designé Poitiers pourie lieu de cette bataille qui sauva la France : celle de S. Nazaire dit anno 732, Karlus pugnavit contra Sarracenos die Sabbati ad Pictavios. Celles de Massey & du P. Petau ajoutent la designation du mois d'Octobre, mais les modernes qui veulent qu'elle ait été Je 7. du même mois se trompent, parce que c'étoit un Mardy.
Le reste de l'armée battue regagna la Septimanie sans être poursuivi, & les deux armées victorieuses riches de ses dépouilles, se séparerent pour retourner dans leurs différens païs ; c'est au sujet de cette bataille que Roderic Ximenès Archevêque de Tolede, qui a écrit cette histoire, dit que la même Providence, qui a forcé la mer à une certaine barriere de sable, avoit ordonné que les Conquêtes des Mahometans se terminassent au tombeau de S. Martin.
Toutefois la retraite des Sarrazins fut presqu'aussi domageable à la France que leur invasion : la vie de S. Pardulqhe en la premiere partie du troisième siècle Bénédictin, en fait la peinture suivante ; Quum Ismaelitaruent gens Pictavensem urbem fuissent ingressi & praecelsus Major Domus Carolus cum cunctis Francorum ad debellandos eos venisset & devicto praelio bostem prosternens, spolia capiens, captivos revocavit ; sic quamplures ex eadem gente Ismaelitarum fugam arripuerunt & unde revertebantur quemcunque bominem Christianum inveniegant, & ubicanque aut loca sacra obviassent, igni concremabant ; Monasterio Varutensi (Guerert, dans la marche) cui praeerat Pardulpbus repulsum passi sunt & Theofredum (vulgo Chaffre) Abbatem Calminiacensem (de S. Pierre le Moutier) in Valaunis Trucidarunt. C'est à dire, que dans le retour des Sarrazins, ils tuoient les Chrêtiens qu'ils rencontroient sur leur passages, qu'ils forçoient les Monastères & brûloient les Eglises qu'ils furent repoussez pas S. Pardulphe à Gueret, mais qu'ils se rendirent maîtres de S. Pierre le moutier & tuerent S. Chaffre qui en étoit Abbé.
En 1733, Charlres se trouvant au dessus de la fortune commença la Reforme de l'Etat, en imposant silence aux Ecclésiastiques & partageant leurs richesses aux soldats, La vie maniserote des Evêques d'Auxerre, donnée par le P. Labbe, s'explique assez particulierement sur ce sujet & même peut en quelque maniere justifier Charles de cette entreprise ; c'est au chap. 32. où rapportant la vie de l'Evêque Adulphe il dit, Fuit temporibus Caroli majoris & perduravit usque ad Pepinum ; hoc tempore res Ecclesisticae ab Episcoporum potestate per eundem pricipem abstractae in Dominatum secularium cesserunt, si quidem centum mansis Episcopo derlicits, quidquid villarum superfuit in sex principes Bava.
ros diftrihutum 'èfi : c'est ; à dire, que l'Evêque Aidulphe vécût au tems de Charles, qu'il distingue par la qualité de Maire, & jusqu'à Pépin, & que ce fut sous son gouvernement que les biens Ecclésiastiques furent ôtez aux Evêques & transmis à des seculiers par l'autorité du même Prince, de sorte que de tous les biens de l'Evêché d'Auxerre, il ne fut laissé à Aidulphe que cent mas, ou mansions, terme qui se doit prendre ici pour des fermes, & que le surplus fut partagé à stx Princes, Ou Capitaines Bavarois : ce passage est d'autant plus important que, quoique écrit par un intéressé, il fait plutôt connoître quelles étoient les prodigieuses richesses du Clergé, qui avoit englouti toutes celles de la société civile, qu'un abus effectif dans la conduite de Charles Martel, puis que laissant un si gros fonds à l'Evêque de l'Auxerre que celui de 100 fermes, il trouvoit le moyen de faire encore subsister sans fouler l'Etat six de ses premiers capitaines avec leurs troupes.
Le Clergé se roidit contre cette innovation, mais Charles qui n'étoit pas d'humeur à ceder, usa de sa hauteur ordinaire. S. Eucher, Evêque d'Orléans, qui osa lui faire des remontrances, fut exilé. Rigobert, coupable par la résistance qu'il lui avoit autrefois faite à Rheims, reçût la même punition ; après quoi il ordonna que toutes les riches Abbayes fourniroient la subsistance à un certain nombre d'officiers & de soldats : preuve évidente que la regle ancienne des magazins publics n'étoit plus pratiquée, l'avidité des Princes ayant commué tous les tributs en argent, & que par conséquent les troupes étoient obligées de regagner chacune leur païs pour y subsister en hyver, chose énorme dans un Etat guerrier tel que la France.
Dans le même tems Charles marcha en Bourgogne & s'y fit reconnoître pour Duc des François : voici de quelle maniere le continuateur de Fredegaire parle de cette éxpedition –, Anno fequente egregius bellator Carolus-Princeps regione ?n Burgundiae sagacité ?" penetravit, fines Leudibus fuis probatiffimisviris industria ad refidendumgentibus rebellibus (d infidelibus ftatuit : pace partâ Lugdunum fidelibus fuis tradidit, frmataque foedera judiciaria reversas ejl vicìor Carolus fiducialiter agens. C'est à dire, que Charles entra en Bourgogne, qu'il en distribua les dignitez à ses propres Leudes, gens en qui il avoit une entiere confiance & habiles à contenir une Nation rebelle & peu fidelle, & qu'en fuite ayant pacifié la Province ( & ce terme chez les Romains avoit une étrange signification, car il vouloir dire qu'il n'y restoit personne en état de contredire le vainqueur) il passa jusqu'à Lyon, qu'il mit pareillement entre les mains de ses plus fidelles Officiers ; qu'enfin, ayant établi par tout des regles pour l'administration de la justice, il revint en France plein de confiance & d'autorité. On peut croire sur cet éxposé, qu'il traita la Bourgogne avec beaucoup de rigueur, & qu'entr'autres il rétablit une police particuliere, avec une forme de jugement contre ceux qui seroient suspects à son gouvernement : & plus bas le même Auteur ajoute ; Sagacijfimus vir, Carolus dux, cum exercitu partibus Burgundiae diregit Lugdunum Galliarum urbem, majores natu atque praesectos ejusdem provinciae feu diclioni & reipublicae fubjugavit usque Majfilienfem urbem vel Arelatum, fuis judicibus conftituit & cum ?nagnis thefauris & munerïbus in Francorum regnum remeavit in sedem principatus sui. Tout cela nous éxpose l'assujétissement parfait de la Bourgogne & les grands changemens qu'y fit le Duc Charles, soit en dépossedant les proprietaires & distribuant leurs biens à d'autres sujets, soit en établissant des Gouverneurs, des Juges & autres Magistrats dans toute l'étenduë du païs jusqu'à Arles & Marseille : on voit aussi qu'il n'y oublia pas les intérêts de ses Finances, non plus que celui de son ambition, puis qu'il en revint infiniment riche de dépouilles & de préens.
La même année, il fit une expedition dans la Frise, selon les annales Tilliennes & celles du P. Petau, Carolus venit in Vertrig., ou Vetergoe ; ce que le continuateur de Fredegaire rapporte plus au long, en ces termes : In Gentem durijfi ?na ?nj maritimam Frifiorum, nimls crudeliter rebellantum, praefatus Princeps navali expeditione properat. Certa-
tum ad Mare, ingrejsus nâvium copia * aàunata : voilà donc une expédition Navale, par le moyen de laquelle Charles pénétra dans les marais de la Frise : il y eut même un combat, mais l'on ne sauroit dire, s'il se fit sur Mer, ou au bord i Gertatum ad mare, étant équivoque. Il est remarquable que c'est ici la premiere fois, où il est parlé dans l'Histoire que nos François se sont servis de vaisseaux. L'hyver, qui survint, auroit pû finir la Campagne dans un païs aussi froid que celui de la Frise ; mais la rigueur de la saison & du Pole ne retarda point les progrès de Charles ; la Chronique du P. Peteau, sur l'an 734, dit qu'il continua la guerre de Frise jusqu'à la ruine de la N tion, Carolus perrexitin Frifiam usque ad internecionem. Ce qui est confirmé par les A nales de S. Nazaire, par la petite Chronique de S. Denys & par celle de Massey. Le c continuateur de Fredegaire, Auteur contemporain, ajoute que Charles pénétra dans les Isles des Frisons, le Vestergou, & l'Ostergou, qu'il se campa sur le fleuve Burdon, qu'il défit ces peuples en bataille & qu'il tua leur Roi Popon, après quoi il s'en prit à M la Religion de ces mêmes Peuples, brûla leurs Temples & tira d'eux tout l'argent qu'il pût : Poponem, gentilem Duce ?n illorum, fraudulentum constliarum, interfecit, exerciîum Frlsiorum prostravit, fana eorum Iàololatriae contrivit atque comìmjftt igni, atque cum magnis spoliis & praedis reversas est in Regnum Francorum : C'est un grand malheur pour un siécle, qu'un Prince né avec ce genie conquérant, qui ne respecte les loix, ni le culte d'aucun païs, qui veut que tout obéïsse & les Corps & les Esprits & de qui tous les hommes sont ennemis, s'ils ne sont ses esclaves.
En 735, le Duc Eudes reclamant contre la violence qui lui avoit été faite à Tours, Charles passa la Loire & pilla le païs tout à son aise, pendant la maladie éxtrème du même Prince, qui mourut cette année, comme le dit Fredegaire, ayant partagé ses ensans , Hunaud, de toute la Gascogne, du Berry, Limousin, Auvergne & Touraine ; & Hatton, du Poictou, de la Xaintonge & de l'Angoumois. Quelques Auteurs lui donnerent un troisième Fils, dit Remistang ; mais il y a plus d'apparence qu'il étoit frere de sa femme. Charles n'étoit pas disposé à avoir pitié de la jeunesse & de l'embarras de ces nouveaux freres, il continua la guerre contr'eux, passa jusqu'à la Garonne, leur enleva Blaye & soumit tout le païs avec les villes & les fauxbourgs : ce sont les termes de Fredegaire, lequel ajoute qu'il revint ensuite à Paris avec le secours de Jesus Christ Roi des Rois, Seigneur des Seigneurs : les Annales du P. Petau, de Massey & de S. Denys portent, Carolus dimicat contra fiUos Eudonisy mais celles de S. Nazaire vont plus loin, & disent que Charles prit prisonnier le Prince Hatton, anno J36. Hatto filius Eu do n is & frater Hunoaldi legatus est –, à quoi celles de Metz ajoutent, Carolus Ducatum Aquitaniae folita pietate Hunoaldo filio Eudonis dédit ; ce qui marque qu'enfin la guerre se termina par l'obéissance de Hunaud, qui reconnut devoir l'heritage de son pere aux bienfaits de son ennemi.
En 737, le Roi Thierry mourut comme le pere Labbe l'a démontré par l'autorité dun Ms. du College de Clermont, qui donne le comput Ecclésiastique de Cette année en ces termes, A Nativitate Domini usque ad annum praefentem in quo Fheodericus, Rex Franeorum, defuntìus anni 737, & l'on voit par la continuation de Fredegaire, qui écrivoit & finissoit son Ouvrage en 736, dont le premier Janvier tomboit au Dimanche, comme il le dit lui-même (ce qui fait le caractere certain de cette année) que ce pauvre Roi Thierry étoit encore en vie pour lors, qui nunc Theodoricus locum solii regalis obtinuit annis vitae stmul prolatis} & non praestolatis, comme il se trouve dans l'impression.
Il n y a point de regne, dans la premiere Race de nos Rois, plus fécond en événemens que celui-ci ; l'on voit néanmoins que le Prince n'y eut aucune part, il est même apparent qu'il avoit peu de liberté & qu'il passa sa vie, ou avec une mauvaise santé ou avec une contrainte qui fait le motif de la reflexion du Continuateur de Fredegaire ; anms vitae stmul prolatis, c'est à dire, qu'il avoit traîné sa vie jusques-là. Ne
* Ou adjuvata : c'est à dire, le grand nombre de ses vaisseaux ayant facilité la descente. Ainsi le combat se passa sur la Côte & non pas sur Mer.
peut-on pas, après cela, prendre part à l'indignation que quelques modernes ont fait paroître en écrivant sur cette matiere & ne doit-on pas avouër que ce sont véritablement les succès qui règlent l'estime des autres, puis que les noms de factieux, de traîtres & de rebelles, qui sont prodiguez aux ennemis de Charles Martel, par les Chroniques de son tems, lui auroient été bien plus convenables, s'il avoit eu moins de fortune ?
INTERREGNE.
IN EGh*E «
CETTE mort ne dérangea rien aux projets de Charles, la Bourgogne & la Pron. – "f'# * * | a » vence l'inquiétoient encore, il y courut cette même année, combattit les Sarrazins qui y étoient entrez de nouveau, ou plutôt qui y avoient été appelez par Mauronte, Comte de Marseille. D'autres Auteurs, entre lesquels on peut compter la Chronique de S. Cybar, ont dit que ce Mauronte, ou Auronte, étoit Roi ou Général des Sarrazins : la Chronique de S. Nazaire dit qu'en cette année 737, Carlus pugnavit contra, Saracenos in Gallia in Dominico die ; les Chroniques du P. Petau, de S. Denys, de Masfey & de Tilly, en disent autant ; mais Fredegaire s'éxplique un peu mieux cap. 109, Denuo rebellante gente in Rhodanum fluvium infidiantibus infidelibus hominibus, subdolo & fraude Mauronte quondam cum sociis suis Avenionem urbem Saraceni ingrediuntur : de sorte qu'il est certain que les Arabes se rendirent maîtres d'Avignon par le moyen du Comte, ou Général Auronte ; le même Auteur décrit ensuite de quelle façon Charles fit attaquer cette place par son frere Childebrand, pendant qu'il assembloit le reste de ses troupes, & rapporte que s'étant rendu au fiége, il la fit environner comme une autre Jericho, qu'il la força, fit un carnage affreux de ses ennemis & punit cette malhûreuse ville par le feu.
Après cette vangeance, Charles passa le Rhône, & ayant porté le fer & le feu dans toute la Septimanie, vint mettre le siége devant Narbonne, défendue per Altrin, Général des Sarrazins : il faisoit les derniers efforts pour s'en rendre le maître, lors qu'il apprit que les Arabes d'Espagne avoient armé une flotte pour secourir la place & que leurs troupes étoient descendues dans la Dolivere, auprès du Palais Carbaria, il marcha aussi-tôt au devant d'eux & les combattit avec tant de fortune que le Général Amorch y fut tué & son armée contrainte à se rembarquer avec un désordre qui la fit perir presqu entierement ; cependant il ne pût forcer Narbonne ; c'est pourquoi plein de colere il recommença à détruire la province, abattit les murailles & brûla une partie des villes de Nîmes, Agde & Beziers, ne laiflant subsister aucun château capable de défense ; apres quoi chargé de butin il retourna en France, laissant cette contrée dans une affreuse désolation.
En 738, Charles, avec la même rapidité, se jetta sur la Saxe ; les Annales de S. Nazaire, de Massey & du P. Petau disent sur cette année, Carolus intravit in Saxoniam ; mais Fredegaire en donne le détail ; Rebellantibus Saxonibus Paganisque ultra Rhenum fiuviutn confiftentibus, ftrenuus vir Carolus cum magno exercitu Francorum in loco ubi Lippia jìuvïus Rhenurn ingreditur sagaci intentione transmeavit, maxima ex parte regionem hanc ditiffimam Jlravit gentemque illam saevijsimam ex parte tributarios effe praecepit, atque quamplut es obfides ab eis accepit, ficque opitulante Domino re ?neavit ad propria : c'est à dire, quil passa la Rhin à la jonction de la Lippe & qu'il ravagea le païs en partie, obligeant l'autre à lui donner des otages.
L'an 739, il retourna en Province selon les mêmes Chroniques, Karolus intravit in provincia usque Massiliam, & es Annales de Metz assurent qu'Avignon fut forcé pour la seconde fois ; voici comme Fredegaire raconte cet événement, au second mois de cette année, c'est à dire, en Février ou Avril ;„ Charles fit marcher son frere à “ la tête d'une armée où se trouverent plusieurs Ducs & Comtes, lequel étant arrivé " devant Avignon, Charles l'y joignit & tous deux ensemble combattirent Mauronte, “ le forcerent dans des Rochers inaccessibles & soumirent entierement le païs jusqu'à la Mer, & ayant ainsi acquis cet.te Province entiere, il revint glorieux en France & “ n'essuya plus depuis aucune rebellion ; mais la fortune l'attaqua d'un autre côté, car “ étant arrivé à Verberies, près de Compiegne, Verberia, ou Vermibra, il y devint malade d'une langueur qui degenera peu à peu en hydropisie & le conduisit au tombeau au bout de deux ans.
L'an 740, est marqué dans toutes les Chroniques sine hoste & hostilitate ; ainsi au lieu de guerre, Fredegaire raconte de quelle maniere le Pape envoya deux légations consécutives au Duc Charles avec les clefs du sepulcre de S. Pierre, chose jusques-là inusitée, & quantité de riches présens : son motif étoit d'engager ce Prince à entrer dans le parti de l'Empereur Grec contre les Lombards, & la derniere lui offroit le Consulat. Charles, de son côté, envoya à Rome Grème, Abbé de Corbie, & Sigebert, Reclus de S. Denys, pour honorer en son nom le sepulchre des Apôtres, mais il témoigna prendre peu de part aux affaires de l'Empereur ; c'étoit vraisemblablement un effet de l'ancienne alliance qu'il avoit contractée avec les Lombards, car Paul Diacre & Aimoin ont tous deux remarqué que Charles avoit autrefois envoyé son fils Pepin en Italie & qu'il y fut adopté par Luithprand, Roi des Lombards ; voici ce qu n dit Aimoin ; Pepigerat autern foedus p'raefatus Princeps cum Luìthprancìo Longobarâo : \ n ilege eìque filium fuum P^pinum mifit ut more fideliu ?n Chrijììanorum ejus capittumprimus attonderety quod ille gratijjhne complevit : & Paul ajoute, qui ejus caefariem incidens ifs pater effectus est multisque eum ditatum muneribus ad genitoreum remisit. D'où l'on apprend non seulement l'alliance solemnelle contractée entre les Princes François & les Lombards, mais que les premiers desabusez de la longue chevelure à laquelle les anciens avoient paru si long tems attachez, se conformoient à l'usage commun & portoient les cheveux courts, après les avoir fait couper une premiere fois en cérémonie. Il se peut aussi que la maladie contribua de quelque chose à l'indifférence que Charles témoigna pour la guerre en cette occasion. En effet voyant peu après que sa santé ne se rétablissoit pas, il songea si bien, à la mort qu'il partagea la France à ses enfans du consentement de tous les Grands : il laissa l'Austrasie, la Suève & la Turinge à Carloman aîné ; la Neustrie, la Provence, la Bourgogne & l'Aquitaine à Pépin ; le partage fait, comme si c'eut été son propare domaine, dès le commencement de l'an 741, Pépin, à la tête d'une grosse armée, marcha en Bourgogne avec le Duc Childebrand & quantité de Seigneurs, ayant jugé nécessaire de s'assurer de cette partie du Royaume que l'on sa voit navoir été soumise que par force à la domination de Charles Martel. Cependant la maladie de ce Prince augmentant toûjours, il se fit porter au Palais de Quiery ou Carisy sar Oise près de Noy on & de Clauny, où il fit quelques nouvelles dispositions, & donna entr'autres le palais de Clichy à l'Abbaye de S. Denys ; la date de l'acte est conçue en ces termes : Abìum Gareciaco villa, in palat'iOy quod facit nienfis Septembris dies 17. annum quintum post defunctum Theodoricum regem : signum illustri viro Karlo Majorem Do mus qui banc epifiolam donatìònis fieri rogavity fignum illuftris matronae Sunechildis confentientis. Il y a apparence qu'il fit aussi pour lors quelques nouvelles dispositions en faveur de son troisième fils, Gripho, qu'il avoit eu de Sonnechilde, ayant pris également, sur la Neustrie & sur l'Austrasie, un leger partage, qui toutefois ne fut pas au gré des freres aînez, ni à celui de la Nation, Enfin une violente fievre s'étant jointe aux accidens, dont Charles étoit déja attaqué, il en mourut le 22. Octobre, 11 des Calendes
de Novembre, après avoir gouverné la France 22 ans, depuis la bataille de Vinciac, ou 25, selon le compte de Fredegaire, qui commence son administration, ou au combat d'Amblave, ou à son évasion de la prison, où sa belle-mere Plectrude le retenoit.
On ne sauroit disconvenir que Charles Martel, qui a été le plus grand capitaine de son tems, n'ait aussi été un des plus durs & des plus injustes de tous ceux qui ont établi leur domination par la force ; voici comme en parle Hugues de Flavigni, Auteur posterieur de plusieurs siecles, mais qui paroit avoir ecrit sur de bons mémoires ; Diffus est Tudites, quia fient malleo omnia ferramenta tunduntur, ita ipfe contrivit omnia Régna vicina ; il fut appelé Martel, dit cet Abbé, parce que comme le fer même plie sous l'effort d'un marteau, il a fait ployer tous les Royaumes voisins, ou les a réduits en poussière : puis il ajoute, Nec multae Ecclefiae défunt usque in hodiernam àiem quae désolationem sui sub eo factam adhuc lugeant & tribulationis istius calamitatem obliterare nullâ vetustate praevaleant : tantâ enim profusione Thesaurum aerarii publici dilapidatus est, tanta dédit militïbus, quos foldarios vocari mos obtinuit, qui ex omnibus mundi partibus talis gratid quaejìus ad eum concurrebant, quorum géras infeflum & ? improbum tempore ejus fumpfit initium, ut non ei fufficeret thésaurus regni, nec depraedatio urbium, non multimodae vaftationes rez no rum exterorum & monafieriorum, non tributa provinciarum, au fus est etiam ubi haec defecerant, terras ipsas Ecclesiarum diripere & suis Commilitonibus (ou Commissariis) tradere, poftremo C ? ipfos Epìfcopatus Laicis dare, fautoribus videlicet fuis C ? confentaneis. Et il y a bien des Eglises, dit-il, qui pleurent encore la calamité de son gouvernement, le tems même ne pouvant effacer la mémoire de ses injustices. Il dissipa le trésor public avec tant de profusion, il fit de telles liberalitez à ses soldats, qui, dans l'esperance du gain, venoient à lui des éxtremitez de la terre, que le pillage universel de la Monarchie & de toutes les villes qu'elle contient, celui de tant de Royaumes étrangers dont il s'est rendu maître, les dépouilles des Eglises & des Monasteres & enfin les tributs de tant de Provinces ne lui suffisant pas, il osa prendre les terres consacrées & donner les Evêchez, ou Abbayes, à ceux qui soutenoient son gouvernement par les armes. Tel fut ce Milon, en faveur de qui il disposa des Evêchez Métropolitains deRheims & de Treves.
Nous avons vû aussi en effet, que nul Prince n'a jamais plus été haï que l'a été Charles Martel ; c'est pourquoi, comme il n'y avoit qu'une extrême violence qui eut pû de son vivant forcer des. coeurs libres, tels que ceux des François, il semble que sa mort devoir rétablir la liberté : on se déchaîna d'abord avec fureur contre lui, les Ecclésiastiques sur tout se mirent de la partie & l'on interressa la Religion dans les Fables que l'on fit courir contre sa mémoire ; ce qui fit que ses enfans, non seulement n'oserent en punir les Auteurs, mais qu'ils entrerent même dans l'idée commune ; on débita sur tout une prétenduë révélation de S. Eucher, dans laquelle Charles lui fut montré brûlant dans les Enfers, & d'ailleurs les domestiques du Palais assuroient que son corps avoit été réellement emporté par les Démons & qu'à sa place il s'étoit trouvé un prodigieux serpent dans son cercueil : ce qu'il y a de vrai, c'est que ces Histoires s'imprimerent si avant dans la tête de ses propres enfans, qu'il y en eut plusieurs, comme nous le verrons dans la fuite, qui sur ce fondement renoncerent au monde & s'enfermerent dans des cloîtres les plus retirez. Cependant, il faut dire que ce que l'on prête à S. Eucher en cette occasion, n'est pas tout à fait évident. Baronius, les PP. Sirmond & Mabillon l'en ont justifié d'une maniéré incontestable, s'il est vrai, comme ils le prétendent, qu'il soit mort trois ans avant Charles Martel. Le fait certain est, que Charles passant par Orleans, au retour d'une victoire qu'il avoit emportée en Aquitaine, ordonna S. Eucher de le suivre à Paris, d'où il l'envoya en exil à Tongres, où ce Prélat n'a vécu que six ans ; ainsi la question se réduit à savoir si cette victoire en Aquitaine & celle de Tours en 722, auquel cas S. Eucher n'aura point passé 738 ; mais si c'est celle de Narbonne ou toute autre, il est certain qu'il aura survécu Charles Mar-
tel, comme on le croit communément. Le fait est d'ailleurs autorisé par un monument presque contemporain, je veux dire la lettre écrite a Louïs, Roi de Germanie, par les Evêques des Provinces de Rheims & de Rouën en l'année 758, dans laquelle on voit que pour le détourner de l'usurpation & de la violence, ils lui proposèrent l'exemple de la damnation de son ayeul, Charles Martel, certifiée par la révélation faite à S. Eucher dans le monastere de S. Tron, Sancti Trudonis, dont ils rapportent l'histoire tout du long.
Au reste, Charles épousa deux femmes, Chrotrude, de laquelle il eût Carloman & Pépin, & Sonnechilde, qui fut mere de Griphon ; de ses différentes Maîtresses il laissa encore Remy, qui fut Evêque de Rouen, Jérôme pere de Fulrad, & premier Abbé de S. Quentin, & Bernard, pere de trois fils, Adelard, Wala & Bernier, qui remplirent les premieres Charges de la Cour de Charlemagne, & ensuite se rendirent Moines à Corbie, dont les deux premiers furent Abbez.
Les Princes Carloman & Pépin commencerent leur administration aux dépens de leur famille ; ils firent d'abord mourir leur cousin Theodowald, qui avoit été Maire de France avant Ragenfroi & que leur pere avoit laissé vivre : puis prétextant le mécontentement de la Nation, au sujet du partage accordé à leur frere Griphon, ils assemblerent une armée pour l'en dépouiller : celui-ci prit justement l'alarme & se jetta, avec sa mere Sonnechilde, dans la ville de Laon, Laudunum Clavatwn –, ils ne pûrent néanmoins y tenir que peu de jours, de sorte que s'étant rendus à la discretion de Carloman & de Pépin, le premier, comme l'aîné, disposa de leur fortune, donna l'Abbaye de Chelles à Sonnechilde & l'y enferma ; puis mena Griphon prisonnier dans un Château, proche des Ardennes, où il le garda jusqu'à ce qu'il quitta lui-même la souveraine puissance, Griphonem in Nova-Caftella cufìoâienàum tranfmisit, disent les annales de Metz, ce qui semble marquer le lieu de Neuschatel sur Aisne.
La foule des Auteurs éloigne éxtrèmement la naissance de Charlemagne, fils aîné de Pepin, qu'ils rejettent jusqu'à l'année 747 –, un Moderne prétend au contraire que ce fut le premier événement de l'année 742, fondé sur ce que ce Prince est mort, suivant Eghinard, à l'âge de 72 ans, le 28 Juin, 814 : il prétend aussi que c'est par abus que l'on fait naître ce même Prince au Palais d'Ingelsheim, proche de Mayence, puis que l'on a preuve que depuis l'an 741, jusqu'à la fin de 742, Pépin & Berthe sa femme ne quitterent point la Neustrie. Pour moi, je ne suis pas tout à fait de son opinion, parce que la Chronique d'Adelme, que quelques-uns attribuent au même Eghinard, dit éxpressément, sur l'an 814, que l'Empereur Charles mourut étant prêt d'achever sa 71. année ; de sorte que suivant ce compte, il ne pouvoit être né au plûtôt qu'au mois de Fevrier, 743. la Chronique de S. Cibar d'Angoulême marque la même durée de la vie de ce Prince & le tout est confirmé par son Epitaphe, qui porte qu'il mourut Septuagénaire. D'ailleurs la France Occidentale étoit le partage de Pepin & non l'Austrasie, qui appartenoit à son frere, & l'on peut dire qu'il ne lui convenoit pas de mener sa femme faire ses couches en d'autres Etats que les siens, sans aucune cause rai sonnable.
CHILDERIC III. Trente-sixième Roi de France.
CHILDERIC
MAIS en cette année 742, les deux freres voulant éviter les cabales & les brigues & appaser, s'il étoit possible, le mécontentement des Neustriens, leur donnerent un Roi, de la tige ancienne Royale. Ce fut Childeric III. sur la naissance duquel on a formé diverses conjectures, jusqu'à le croire fils, ou frere de Thierry de Chelles ; mais dans le Diplomé de S. Bertin, rapporté par Folquin, ce Prince nomme lui-même le Roi Thierry, parentem suum, terme qui n'est em terme qui n'est employé dans l'usage de la basse Latinité, que pour signifier les cousins & autres proches ; ce qui a fait croire au P. Mabillon, que Childeric III. n'étant ni fils, ni frere de Thierry, ni de Dagobert, ni de Childebert dernier du nom, il étoit fils de Daniel dit ChilpencII. & peut-fils de Childeric aussi II. tué par Bodile : comme ce Prince étoit en quelque sorte hebêté, on a cru depuis que Carloman & Pépin ne l'avoient mis sur le Trône, qu'afin de le faire ensuite déposer juridiquement.
Dans le même tems, Chiltrude, soeur des Princes François & fille de Martel, séduite par les conseils de sa belle-mere, s'évada subitement, passa le Rhin & se livra elle-même à Odilon, Duc dé Bavière, qui l'épousa contre l'avis & la volonté de es freres : mais tout mécontens qu'ils en furent, comme cet objet n'étoit pas le principal qu'ils eussent en vûë, ils le negligerent, pour passer en Aquitaine, ou le Duc Hunau avoit retenu, contre le droit des gens, Landefrid, Abbé de S. Germain de Prez, que leur pere y avoit envoyé en Ambassade peu de tems avant sa mort. alveum, dit le Continuateur de Fredegaire, Aureliani urbe transeunt, Romanos proterunr, usque Bituricas \ urbain accédant, suburbanaips, m igné comburant, Ducem persequentes, cunSa vaftantes, Lociae-Caftrum diruunt atque Custodes tlltus piunt atque inìbi vidions existant, praedam fibi dividentes-, habitatores ejusdem loci fecum captivos duxerunt ; c'est à dire, qu'ils passerent la Loire à Orléans, qu'ils brulerent les fauxbourgs de Bourges, puis ruinerent le Château de Loches, ou ils firent plusieurs prisonniers Mais il est très-remarquable que la connoissance qu'on avoit des terres & des païs, qui avoit été peuplez de François naturels, étoit encore pour lors si peu éteinte que cet Auteur contemporain appelle du nom de Romains tous les sujets du Hunaud, c'est à dire, les peuples d'Aquitaine.
De Loches, les Princes imitant la promtitude de leur Pere, tournerent tout a coup en Allemagne ; ils passerent le Rhin au commencement de l'Autonne, se camperent sur le Danube, obligerent les Allemands de donner des otages de leur fidélité & de-là porterent leurs armes jusqu'au bord du Lech, selon la Chronique de S. Nazaire.
En 743, l'an 2. du gouvernement des Princes, ils assemblèrent une armee formidable avec laquelle ils entrerent en Bavière, generalem cum Francis in Bajoana admovere exercitum, & s'étant campez sur le Lech, les Bavarois parurent à l'autre rive dans l'intention de la défendre, ce qui fit qu'après avoir été quinze jours dans cette situation, ils remonterent la riviere en s'approchant des Alpes & la passerent enfin avec beaucoup de peine ; ils donnerent ensuite bataille à Odilon, qui la perdit avec un si grand desavantage, qu'il fut obligé de se sauver presque seul au delà de l'Iser. Les François y perdirent aussi beaucoup de monde, non fine difipendio multorum, dit Adelme, mais consolez par l'opinion d'une victoire, ils revinrent gayement en Neustrie pour repousser le Duc Hunaud, qui, selon les annales de Metz, profitant de l'absence des Princes, avoit passé la Loire à son tour & brûlé la ville de Chartres. Cette invasion ne paroit pas toutefois avoir eu de fuite, puis que d'une part Carloman retourna sur le champ dans
la Saxe, où il prit le fort Château de Hocksbourg & contraignit plusieurs habitans du païs à recevoir le baptême & que Pepin alla faire la guerre dans leur voisinage des Alpes, contre Thibaut, fils de Godefroi, qu'il priva d'une Duché, apparemment celle de Transjuranne, qu'il possedoit en ces cantons. L'an 744, & le 3. du gouvernement des Princes, ils passerent en Aquitaine, selon la Chronique de Metz, & Hunaud ne se trouvant point en état de leur résister, leur promit obéïssance, servitio principum se mancipavit, après quoi ils retournerent ensemble dans la Saxe, sur la nouvelle d'une revolte générale du païs, conduite par le vieux Duc Thierry, qui n'avoit pu jusqu'alors se résoudre à la soumission ; mais toutefois il fut pris en bataille & la paix lut donnée à la province par le moyen des otages que les Princes en tirerent. La même année, selon la Chronique de Metz, le Duc Hunaud fit une aélion c arable, car ayant fait venir auprès de lui son frere Hatton, il lui fit arracher les yeux & le retint ensuite prisonnier ; Hunauldus dux Germanumsuum adse venire juJJit nomïne Altonis, cuiftatìm oculos émit & sub cuflodia retinuit : mais peu après, touché d'un repentir bizarre, il se retira dans le Monastere de l'Isle de Ré & laissa ses Etats à son fils Vaiffre, ou Gaissre, âgé de dix-huit à vingt ans ; c'est ainsi que les hommes, peu d'accord avec eux-mêmes, sont à la fois capables des plus grand crimes & des meilleures actions.
L'an 745, Carloman fit la guerre dans la Saxe, dont les habitans se soumirent sans combat, & Pépin poussa le Duc Thibaut dans l'Alsace & dans la Transjurane, selon les Annales de Metz & la Chronique de S. Nazaire.
L'an 746, Carloman surprit une armée entiere d'Allemands dans leur lieu de Constat, & s'en rendit maître sans tirer l'épée ; mais peu après, soit par force d'esprit & conviction des veritez Chrétiennes, soit par effroi de ce que l'on racontoit de la damnation de ion pere, Carlomanus pr inceps Germano fuo Pipino consejjus es quod vellet seculum derelinquere, disent les Annales de Metz ; c'est à dire, qu'il s'ouvrit à son frere du dessein qu'il avoit formé de renoncer à la souveraineté pour embrasser la vie Monastique. Le reste de l'année se passa dans la préparation d'un si grand sacrifice & les guerres cesserent pendant ce tems-là.
En 747, Carloman ayant remis ses Etats à ses enfans & à son frere s'achemina à Rome, où il bâtit d'abord un Monastere dans le mont Serrate, au lieu de la retraite du Pape S. Sylvestre, d'où il passa peu après au mont Cassin & y prit l'habit de Religieux. Pépin avoit délivré le Prince Griphon, son frere, de la prison où Carloman l'avoit retenu jusqu'à sa retraite ; mais il ne fut pas long tems à reconnoître la justice que son aîné lui avoit faite en l'arrêtant, puis que sans aucun sujet, il se retira dans la Saxe où il fomenta si puissamment les mauvaises dispositions des peuples, qu'il les porta à une revolte générale.
En 748, Pepin recommença donc la guerre en ce païs-là & obligea son frere de l'abandonner : l'année suivante Griphon étant passé de Saxe en Baviere, s'en rendit maî tre & chassa Tassillon son neveu des Etats dont il venoit d'hériter par la mort de son pere, après s'être emparé de la personne de Chiltrude qui étoit aussi sa soeur ; De copiis quae ad eum de Francia confluebant, dit la Chronique d'Adelme, ipfum Ducatum in suam redegit potestatem & Hiltrudem in deditionem accepit ; mais Pepin indigné d'une action si noire, passa d'abord en Baviere avec des forces suffisantes, fit Griphon prisonnier avec tous ces mauvais François qui l'avoient assisté, rétablit Tassillon & sa mere, puis étant de retour en France & voulant à force de graces gagner le mauvais naturel de son frere, il lui donna la ville du Mans, avec douze Comtez, de more Ducum, dit Adelme toutefois ce nouveau bienfait le toucha si peu, que dès l'année suivante il abandonna son apannage & se jetta entre les mains de Gaiffer, duc d'Aquitaine, le plus morte ennemi de Pepin & de sa Maison.
La France fut en repos les deux années suivantes, selon l'éxpression du Continuateur de Fredegaire, qui dit & quievit terra a praeliis annis duobus. Les Chroniques du
P. Petau & de Massey en disent autant pour l'année 750, mais on peut induire de Fredegatre, que ce fut aussi en cette même année que Pepin ayant ajusté tous les ressorts nécessaires pour pouvoir prendre en fureté le titre de Roi, assembla un Parlement général, chose qui ne s'étoit point faite depuis long tems, quo tempore, dit Fredegaire una cum consilio concejsu omnium Francorum mijssâ legatione ad Sedem Apostolicam – II y a apparence que ce Parlement se tint à Mayence, parce que la puissance de Pepin étoit moins contredite en Allemagne & que d'ailleurs son dessein n'étoit pas d'y prendre la Couronne, mais de disposer les esprits à lui faire instance de la recevoir. Au reste cette assemblée fut bien différente des anciennes, car au lieu que celles-là étoient toutes militaires, le plus grand nombre de ceux qui composerent celle-ci étoient du corps du Clergé. Pepin ayant jugé, par l'exemple de son pere & de son ayeul, que la force ne suffiroit jamais pour dépouiller les Merovingiens de leur titre, voulut gagner les Ecclésiastiques pour devenir maître du peuple par leur credit; Boniface nouvel Archevêque de Mayence présida a cette Assemblée & il y fut résolu de députer au Pape pour avoir son avis touchant la Royauté des François. Quelques-uns disent que ce fut pour être relevé du ferment fait au Roi imaginaire, qui occupoit le Trône ; quoiqu'il en soit, on lui députa Burchard, Evêque de Virtsbourg & Fulrad, Abbé de S. Denys qui partirent peu après pour se rendre à Rome auprès du Pape Zacharie ; Burchardus Virtsiburgensis episcopus & Folradus presbyter Capellanus, missi sunt Romam ut consulerent Portificem de causa Regum, qui in illo tempore fuerunt in Francia, qui nomen tantum Régis, sed nullam potestatem regiam babuerunt, per quos praeditus Pontifex mandavit melius esse illum Regem apud quem summa potestatis consisteret, datâque auctoritate suâ jussit Pipinum ducem constituisse ; ce sont les propres termes de la Chronique d'Adelme, par où l'on voit que les François proposerent au Pape un étrange cas de Conscience & qu'il le résolut encore d'une maniere moins équitable, pour ne pas dire moins Chrétienne, s'il est vrai qu'il eut l'autorité de faire faire justice aux véritables Rois de France.
Eghinard fait une si triste peinture, dans la vie de Charlemagne, de l'Etat où ces pauvres l'rinces étoient reduits sous l'autorité de leurs Maires, qu'il est impossible de n'en avoir pas pitié & de ne pas s'irriter contre l'injustice de leurs oppresseurs ; la race des Mérovingiens, dit-il, de laquelle les François se choisissoient leurs Rois paroit avoir dure jusqu'à Childeric, qui fut déposé tondu & renfermé dans un Monastere par le commandement du Pontife Romain : mais il y avoit long tems que cette Famille avoit perdu la vigueur & qu'elle n'avoit plus rien d'illustre que le vrai titre de la Royauté, car les finances & la puissance souveraine étoient dès long tems entre les mains des Presets de leurs palais, que l'on nommoit Maire, & il ne restoit rien à celui qui portoit le nom de Roi, que le droit de s'asseoir dans un Trône avec de longs cheveux & une épaisse barbe pour une espece de représentation ; là il donnoit audience aux Ambassadeurs étrangers & leur rendoit les réponses qui lui étoient ordonnées, pour laquelle fonction le Maire lui donnoit une legere subsistance à sa volonté precarium vitae stipendia um et praeseïïus aulae, prout videbatur, exhibebat ; n'ayant rien de propre que le revenu & la demeure d'une petite terre, où il avoit des serviteurs en petit nombre ; cum nihil altud propru pojftderet, quam unam parvi reditûs domum in qua famulos fibi necejsaria minisirantes pauca munerositate haberet : on le tiroit néanmoins assez souvent de cette retraite pour le conduire au palais, dans les fonctions nécessaires & dans les assemblées générales lors qu'elles se tenoient ; alors on le mettoit dans un chariot tiré par de boeufs ; fc ? sic bubulo ruftico more agente trahebatur ; ainsi conduit par un bouvier il arrivoit au palais & retournoit ensuite à sa maison. Etoit-il nécessaire, dans de pareilles circonstances, de tondre & d'enfermer cruellement dans un Monastere, celui qui n'avoit d'autre crime que d'avoir été choisi pour porter le nom de Roi à de telles conditions ?
Mais avant que de passer plus loin, il est nécessaire de remarquer qu'il paroit clairement par la fuite de l'histoire, que le Parlement ayant commencé pendant les guerres
civiles de la Mairie, à diminuer en nombre de Députez, jusque-là que dans celui de Luzarches, tenu en 692, il ne se trouva que trois Seigneur Laïques & ainsi des autres à proportion ; Charles Martel en fit entiérement cesser l'usage dans tous les trois Royaume, sans aucun égard au droit des peuples. En effet son gouvernement ne tirant son autorité ni des Loix anciennes, ni des usage introduits depuis la conquête, l'appui des Troupes & des Officiers faisant toute sa grandeur & droit, son intérêt veritable se reduisoit à gagner l'amour des soldats & à les rendre obéïssans à ses ordres, par l'espérance des récompences particulieres. Avant lui l'Etat é les Armées n'étoient qu'une même chose & leur union devenoit encore plus sensible dans les assemblées ; ayant donc trouvé moyen de les désunir & de se servir des unes pour assujétir l'autre, il n'avoitgarde de maintenir les assemblées qui auroient pû naturellement renouër les noeuds qu'il avoit tant d'intérêt de détruire, quoique si recommendables par leur antiquité & par la fin de leur institution. Il est vraisemblable que ce fut par la même raison qu'il negligea l'usage des magasins publics ; les tributs pécuniaires lui convenant beaucoup mieux pour le but qu'il s'étoit proposé. Avec ces magasins les armées avoient leur subsistance, mais c'étoit tout, il n'y avoit pas moyen avec cela de favoriser une troupe plus que l'autre, parce que la premiere institution unissoit tous les François & ne les portoit qu'à un seul objet, au lieu que l'intérêt personnel faisant desirer à chacun un avantage particulier, il faloit que celui qui gourvernoit sur ce principe eût toûjours prêtes des recompences proportionnées au service, ou à la passion de ceux qu'il employoit : c'est qui fit que l'impôt pécuniaire ne suffisant pas, il falut par nécessité entamer le Clergé, d'où suivirent tant de plaintes & de murmures, jusqu'à imaginer la damnation de celui qui avoit violé ces privilege prétendus ; je dis prétendus, dans le sens qu'ils n'étoient pas différens de ceux des autres possesseurs de terres qui devoient jouïr librement de ce qui leur appartenoit ; car dans le fonds, on ne sauroit douter que Charles ne fit en cette occasion une violence induë. Je n'ai pas remarqué sans sujet, à l'occasion de la défaite des Sarrazins, que l'armée de Charles Martel avoit peu de François naturels, car cela justifie que la discipline étant changée, ceux-ci étant éloignez de la milice & que ce Princesse servoit bien plus volontieres d'Allemands, ou mêmes des plus éloignez barbares, tels que les Gepides & les Gots, & l'on ne sauroit douoter qu'eu égard à la seule force, Charles Martel n'eut raison d'en user ainsi ; mais aussi il choquoit visiblement par cette conduite tous les principes de l'équité naturelle, outre ceux de la Religion ; c'est pourquoi il ne faut pas s'étonner que l'on ait pris pour lors une si vive idée sa prétenduë damnation, ou du moins que sa mémoire n'ait été diffamée chez la posterité. Pepin prit donc en grand politique le seul parti convenable en cette occasion, qui étoit non de rétablir absolument les Loix, qui pouvoient lui être contraires, mais de les temperer suivant son intérêt & sur tout de s'accomoder avec les Ecclesiastiques & de gagner leurs suffrages & il les prit dans une circonstance où le Pape & le Clergé avoient le même besoin de lui qu'il avoit d'eux. En effet, le Pape qui avoit sû soustraire à l'Empereur Grec l'obéissance de l'Italie, n'avoit Iui même aucun moyen de resister aux Lombards que les Grecs avoient contenu jusques-là, & il auroit été nécessairement leur victime, si, en accordant à Pepin ce qui ne lui coûtoit rien, il n'eut obtenu de lui ce qui lui coûta beaucoup & à toute la Nation, je veux dire, sa protection pour se rendre souverain & indépendant. Mais outre cet intérêt, il en avoit un autre qui étoit celui de relever l'autorité de son siége, dans la posterité, par un exemple de la plus grande conséquence qui fut jamais, & de donner par ce moyen autant de dignité au Clergé de France, qu'il avoit été foulé & méprisé par Charles Martel ; il ne faut donc pas s'étonner si l a répsonse du Pape dut conforme aux desirs de Pepin, quoiqu'elle paroisse si deiversement dictée chez les différens Auteurs, que l'on ne peut guere s'assurer de qu'elle contenoit au juste ; mais voici les faits qui ensuivirent.
PÉPIN LE BREF, Trente-septième Roi de France.
* Ou S Bertin, seIon Moreri.
Rerum Alamann. Tom. II. n. 40. Tom. III. n. 56. Tom. III. n. 67.
EN 752, au mois de Mars, il se tint un nouveau Parlement à Soissons où les Evêques se trouverent en grand nombre, ayant à leur tête Boniface de Mayence, faisant la fonction de Legat du S. Siège ; on peut juger par-là du rang qu'il prit qu il y prit & qui lui fut accordé sans condradiction. Là Childeric amené, fut, de son consentement, dépouillé de la Royauté & confiné au Monastere de Sitieu, à présent * S. Martin, à S. Omer ; sa femme fut renfermée en celui de Conchiliac, après quoi le choix ne fut pas difficile pour en élever un autre à sa place, Pepin fut reconnu d'un consentement général, & pour rendre son inauguration plus religieuse, Boniface l'oignit d'une huile sanctifiée, à l'éxemple des Rois d'Israel, dans la Cathédrale de Soissons ; ainsi ce qui avoit été criminel pour son pere, devint en sa faveur une acion juste & sainte par le consentement des Prelats. Plusieurs Chronologistes se sont trompez dans la datte de cet événement sur le témoignage d'Adelme & des Annales de Metz, qui le placent deux ans plûtôt qu'il n'est arrivé ; mais la Chronique du P. Petau & celle de Massey assûrent, sur l'an 752, Hoc anno Dominus Pepinus elevatus est ad regnum in Suessionis civitate ; de plus on a encore d'autres preuves évidentes ; car premièrement il est certain que Childeric, qui fut fait Roi en 742, a atteint la dixième annee de son Regne, selon une Charte rapportée par Godast, dont voici la datte : Ego Landavius Presbyter woitus, id est rogatus, scrpisi data 7. Idus Septembris, anno decio Domini nostri Hilderici Regis ; qui ne se peut certainement rapporter qu'à l'an 751 ; secondement par un autre charte du même Goldast, il est evident que l'an 6. du Roi Pepin tombe à l'an 757 : Ego Arnulplus Rogitus anno sexto Pepini Regis, die Mercurii, decimo Kalendas Januarii, scripsi & subscripsi ; la lettre Dominicale de cette année étant B, & le nombre d'or X, elle avoit commencé par un Samedi, ce qui fait que le 21. decembre, 12. des Calendes de Janvier, se trouvoit au Mercredi : mais il ya plus, puis que le même Goldast donne une autre Charte, qui le rapporte nécessairement à l'an 761, dont la date est telle, Factae praecuriae sub die Lunae quinto Idus Maias, Anno decimo, regnante Domino nostro Pipino Rege Francorum, fubVarino Comité : d'au, 1 senfuit que Pepin, aiant été couronne avant le 5. des Ides de May 752, étoit entre en sa dixieme année peu jours avant cette datte, en 761 ; mais si l'on veut pousser plus loin la recherche du jour où s'est faut le couronnement du Roi Pepin, on trouvera qu'il étoit déja Roi dés le 5. du mois de May 752, auquel jour il accorda un Diplome en faveur du Monastere d'Espernay étant à Compiegne, comme le P. Labbe l'a montre dans sa Chronologie Historique, mais ce jour, 5. de May 752, étoit jour de Vendredi : & Pâques de la même année s'étant rencontré au 9. du mois d'Avril, l'on peut conjecturer que Pepin fut couronné le 16, le 23, ou plus apparemment le 30. jour du même mois, qui étoient jours de Dimanche destinez ordinairement à de telles cérémonies. L'an 752 est encre considerable par un avantage qui ne coûta rien a la Nation & qui lui soumit une grande Province, car la Chronique d'Anian nous apprend qu Ansemud, Goth de Nation, mais l'un des Grands de la Septimanie, remit cette année, entre les Mains du Roi Pepin, les villes de Nîmes, Agdes & Beziers s ce qui fait juger qu'après l'invasion de Charles Martel, ces Places avoient cessé de reconnoître la Monarchie Françoise ; & plus bas la même Chronique ajoute que depuis ce jour les François ne cesserent d'inquieter la ville
de Narbonne qui étoit au pouvoir des Sarrazins ; Ex eo die Franci Narbonàm infestant » P & nous verrons ci-après qu'elle ne leur demeura pas long tems.
En 753, Pepin fit la guerre en Saxe, ayant été obligé de passer le Rhin sur la nouvelle d'une revolte totale de ce païs ; mais ces Peuples ne tarderent pas à reconnoître leur Faute & à se soumettre à de plus grands impôts que ceux du passé, de sorte que Pepin revint tranquillement en France. Comme il étoit à Thionville, dans le chemin de son retour, il apprit la mort tragique de son frere Griphon, qui n'ayant pas trouvé à s'occuper dans l'Aquitaine fut tué en Dauphiné, en voulant gagner la Transjurane, où les anciennes revoltes n'étoient pas tout à fait appaisées, il y apprit que le Pape Etienne qui avoit succedé à Zacharie, ayant quitté l'Italie par la crainte des Lombards, étoit abordé en France & qu'il s'avançoit pour le reconnoître ; sur cette nouvelle il dépêcha Charles son fils avec plusieurs Grands qui reçûrent ce Pontife au Palais de Pontigou près de Vitry en Perthois, & le conduisirent à Quierzy auprès du Roi qui lui rendit tous les honneurs imaginables, puis ayant appris le sujet essentiel de son voyage, l'envoya reposer à l'Abbaye de S. Denys ; le Pape y tomba malade & fut en danger de mort la plus grande partie de l'hyver ; mais ayant recouvré sa santé par une espece de miracle, il en voulut signaler sa reconnoissance par une consécration particulière, faite de sa main, du grand Autel de cette Abbaye ; il voulut pareillement renouveller la cérémonie du couronnement de Pepin & y joindre celui de ses enfans, le tout s'éxécuta, comme Baronius l'a prouvé, le 5. des Calendes d'Août, c'est a dire, le Dimanche 21. de Juillet 754, Inter celebrationem consecrationis praefati altarïs & obiationem [acratiffimi sacrifiai –, d'où il suit premierement que la cérémonie se fit en l'Abbaye de S. Denys & non en l'Abbaye de Ferrieres, comme quelques-uns l'ont avancé & qu'il a été veritablement couronné deux fois, comme l'a dit l'anonime –, Pest num tribus annis antequam ungeretur à Stephano Papa, jam untìum suisse per manus beatorum facerdotum Galliae ; ce qui signifie que la cérémonie du Sacre de ce Roi fut répétée par ce Pape pendant le cours de la troisième année après celle qui avoit été faite par les Evêques de France. Cette même année 754, le désolé Roi Childeric mourut dans le Monastere où il étoit renfermé, comme on l'apprend des Annales de S. Bertin ; Boniface, Archevêque de Mayence, mourut aussi dans la Frise, pendant le cours de cette année, y ayant été martirisé par ceux à qui il annonçoit l'Evangile ; mais tandis que le Pape remplissoit la Cour de cérémonies & de l'opinion de l'efficacité de ses operations Pontificales, Pépin travailloit plus essentiellement pour lui, ayant envoyé une Ambassade à Astolphe, Roi des Lombards, pour le prier qu'à la reverence des Saints Apôtres, il voulut s'abstenir d'inquieter les environs de Rome par ses armes & à sa considération particulière de cesser d'établir les loix superstitieuses de sa Nation dans les terres de l'Eglises ; Astolphe n'eut pas plutôt appris ce que Pépin prétendoit éxiger de lui, qu'il se résolut de lui opposer un autre puissant Négociateur, & à cette fin il obtint de l'Abbé de Montcassin, le Moine Carloman, lequel s'achemina en France sous le pretexte d'y redemander le corps de S. Benoît, qui avoit été enlevé de sa maison, mais en effet pour remontrer qu'Astolphe n'avoit point tout le tort qu'on lui imposoit dans sa contestation avec le Pape. Le Moine eut peu de succès dans ses remontrances, le Roi ayant pris la résolution de passer lui-même en Italie & d'y conduire une puissante armée pour imposer la Loi aux Lombards ; d'autre part Astolphe, résolu à la defense, se rendit maître des passages des Alpes, fortifiant ses principales Places, afin ou darrêter son nouvel ennemi, ou, s'il forçoit les montagnes, de tirer la guerre en longueur : le Continuateur de Fredegaire donne une relation du combat qui se fit au pas de Suze, où l'on peut admirer la valeur & l'intrepidité des François ; il raconte ensuite le siége de Pavie, où le Roi des Lombards s'étoit renfermé, l'art d'assiéger les Places n'étoit pas encore bien connu, mais le zele de Pepin pour la cause de l'Eglise etoit tel, que les difficultez ne le purent rebutter, de forte qu'Astolphe ne trouva point
de plus efficace moyen pour renvoyer un ennemi si dangereux au delà des monts que d'accorder au Pape tout ce qu'il demandoit, & pour l'éxécution de sa promesse, il donna quarante otages entre les mains du Roi Pepin, qui reprit ensuite le chemin de la France, ayant auparavant renvoyé le Pape Etienne à Rome, sous la conduite de l'Abbé Fulrad son chapelain & l'efcorte d'un grand nombre de François. En prenant le chemin d'Italie, le Roi avoit laissé à Vienne sur le Rhône, la Reine avec ses enfans & le Moine Carloman son frere, mais pendant son absence une fievre violente l'ayant enlevé en peu de jours, le Roi voulut que son corps fut rapporté folemnellement dans l'Eglise de Montcassin, où il avoit fait profession. Dès que Pepin fut de retour en France, il aslembla un Parlement le 9. de Juillet 755, au Palais de Vernes, lequel selon la description qu'en fait Aimoin lib. 5. cap. 36. ne peut être que Verneuil sur Oise & là entre plusieurs Ordonnances qu'il fit à la requisition des Evêques, il s'en trouve une sur la monoye qui est la premiere dont l'Histoire ait fait mention sous la domination Françoise, De moneta constituimus ut amplius non habeant in libra pensante nìsi 22 solidos, quorum monetarius accipiatsolidum unum C ? alios Domino cujus funt reddat, ut immunitates observatae sint : c'est à dire, à l'égard de la monnoye, nous ordonnons qu'il ne soit fabriqué que 22 fols de la livre pesante & non plus, & que du nombre desdits 22 f. le monnoyeur en prenne un pour son profit & rende le surplus au proprietaire, afin que les droits de chacun soient conservez ; d'où l'on apprend que le compte par livres & par fols est presque aussi ancien que la Monarchie, puis que 20 f. composoient à peu près un livre pesant, de quelque métal que ce fut, que 12 d. valoient un sol & que d'ailleurs le Prince, ne tiroit aucun profit sur la monoye.
En 756, le Roi Lombard n'ayant éxécuté aucune de ses promesses, Pepin se crut obligé de repasser en Italie ; il se rendit au passage des Alpes par la Bourgogne & le Mont Genevre, où ayant forcé ce qu'il trouva d'ennemis, il remit le siège devant Pavie & le poussa si vivement qu'Astolphe ne trouva moyen d'éviter son entiere ruine qu'en acceptant toutes les conditions qu'il plût au vainqueur de lui imposer ; Pépin donna donc à l'Eglise de Rome la ville de Ravenne, la Pentapole avec tout l'Exarchat d'où les Lombards avoient chassé tous les Grecs & c'étoit le fondement du droit qu'ils y avoient ; qui dans l'usage commun paroissoit fort legitimé ; il rétablit aussi les justices de Rome auxquelles Astolphe renonça avec toutes les furetez nécessaires par rapport à un Prince dont la foi étoit si justement soupçonnée ; il se soumit d'ailleurs à payer un tribut nouveau aux François & partagea son trésor avec Pépin, lequel content de son éxpedition revint aussi-tôt en France ; mais Astolphe mourut peu après d'une chûte de cheval & Didier lui succeda du consentement de Pepin.
En 757, Pepin tint un Parlement général à Compiegne, dans lequel il reçût les Ambassadeurs & les présens de Constantin, Empereur de Grece ; ce fut en cette occasion que l'on vit en France pour la premiere fois un jeu d'orgues pour accompagner le chant des fidelles dans les Eglises. L'intelligence des deux Couronnes n'eut pas de fuite ; Tassillon, Duc de Baviere & neveu du Roi se trouva en ce Parlement avec tous les Grands de son Etat, après avoir juré fidelité sur les Reliques de S. Denys & de S. Martin de Tours & de S. Germain de Paris : Ce Prince avoit déja paru au Parlement de 754, comme la Chronique de S. Nazaire l'a remarqué. En 758, la guerre de la Saxe recommença avec plus de peine que jamais, cependant Pepin ayant forcé le principal retranchement de ces Peuples, car l'usage de faire des lignes n'étoit pas inconnu en ce tems-là, & livré avec avantage sept ou huit combats particuliers, ils se soumirent à payer tous les ans, par nouveaux tributs, 300 chevaux de choix à la tenue da chaque Parlement. L'année suivante la Reine Berthe eut un troisième fils, auquel on donna le nom de Pepin & le Roi ne sortit point de France ; mais en 760, se trouvant dans le voisinage de Gaiffre, Duc d'Aquitaine, il lui fit querelle sur ce qu'il empêchoit les Eglises de France de jouïr des biens qu'elles possédoient dans ses Etats, par où l'on
voit que ce Prince appuyois : toutes ses entreprises de la faveur du Clergé ; s'étantdonc rendu au Palais de Theodate près de Perigueux avec de nombreuses forces, il étonna tellement le Duc, qu'il se soumit à tout ce que l'on voulut ; Pépin, content en apparence, cachoit cependant d'autres desseins ; c'est pourquoi afin de priver Gaissre des secours qu'il auroit pû tirer d'Espagne, il envoya une notable Ambassade au nouveau Calife de ce Païs-là pour l'engager à ne point entrer dans sa querelle.
En 761, ce dernier voyant qu'il n'avoit point encore assuré son repos par sa soumission, fut le premier à porter la guerre dans les Etats de Pépin, il avoit ses intelligences en Allemagne pour l'embarrasser ; c'est ce qui l'engagea à la commencer par la Bourgogne & par le siége de Chalons sur Saône ; Pépin qui paroissoit vouloir vivre tranquille, n'ayant póint^alors d'autres affaires sur les bras, se trouva si irrité de cette invasion, qu'il jura de détruire ce Rebelle & de ne lui faire aucun quartier ; en effet il l'obligea d'abord a se retirer & continua par la prise de plusieurs Places de Bourbonnois tel Auvergne, Bourbon, Lancy, Chantelle & Clermont, il defit en bataille Chilping & Armmg, ^ l'un Comte d'Auvergne & l'autre de Poitou ; Charles, fils aîné du Roi, ht ses premieres armes en cette guerre.
En 762, après le Parlement qui se tint à Quierzy sur Oise, Pepin emporta la ville de Bourges & ensuite le château de Thouars ; l'année suivante le Parlement se tint à Nevers, & le Roi, qui prit Cahors, auroit poussé plus loin sa conquête sans l'inquietude que lui donna l'évasion de Taffillon, Duc de Baviere, son neveu, lequel il soupçonnoit d'intelligence avec les Saxons & les Lombards ; cette défiance l'obligea d'êtré encore en repos l'année suivante où le Parlement se tint à Worms, comme il se tint à Attigny en 765. En 766, le Roi, après le Parlement tenu à Orléans, passa la Loire & s'empara de Xamtes, d'Angoulême & d'Agen ; Gaifife demanteloit lui-même ses Places, parce qu'il n'avoit pas assez de monde pour les garder & parce qu'il esperoit de les reprendre puas aisement ; c'est ce qui obligea Pepin d'en reparer quelques-unes & entr'autres celle d'Argenton en Berry. en 757, après le Parlement tenu près de Bourges en pleine campagne, le Roi porta de nouveau la guerre en Aquitaine, prit le Gevaudan en entier, Toulouse, l'Albigeois & même Narbonne, comme le di positivement la Chronique de S. Cybar ; mais il y a beaucoup d'apparence qu'elle n'appartenoit plus aux Sarrazins, de-là il revint par Limoges, selon la même Chronique, & se rendi maître des châteaux d'Escuraillés & de Turenne, d'où il se rendit à Bourges & y pass l'hyver. En 768, le Parlement se tint encore à Bourges, d'où le Roi passa à Xaintes ; ce fut dans ce voyage qu'il fit prendre Remistang, oncle de Gaiffre, & qu'ayant ensuite attaqué ce duc malhûreux auprès la ville de Perigueux & forcé l'une après l'autre les Roches, où il se retiroit, il l'obligea d'en venir à un combat qu'il perdit & fut peu apres tué pas ses propres troupes ; ainsi toute l'Aquitaine fut soumise, à l'éxeption de la Gascogne qui avoit son Duc particulier, lequel ne se mêla point dans cette querelle. Mais Pepin survécut peu à cet avantage, il fut pris de maladie sur la fin de l'Eté & se rendit à Tours dans l'esperance d'y être guéri par les merites de S. Martin ; de-là il se fit porter à S. Denysoù il mourut d'hydropisie, comme son pere, le 24. de Septembre, le jour qui préceda sa mort il fit une donation de cette Eglise qui se trouve dattée du 12. des Calendes d'Octobre l'an 17. de son Regne. Le P. Mabillon a mal entendu cette datte, puis qu'il la rapporte à l'an 767, pendant lequel il est certain que Pepin ne fut point à S. Denys, outre que la 17. année de son Regne n'a commencé à courir que du mois d'Avril 768. La Reine Berthe, ou Bertrude, sa femme, fille de Caribet, Comte de Laon, lui survécut, elle l'avoit rendu pere de Charles & le Carloman entre lesquels ses Etats furent partagez ; de Pépin, Rotalde, & Adelaïde, qui moururent juens ; de Gilles, Moine au Mont Socrate, & de Giselle, Abbesse de Soissons ; quelques-uns y ajoutent Berthe, femme de Milon, I
Comte d'Angers, mere de Roland, & Chiltrude, femme de René, Comte de Gennes, mere d'i-Jcer. dit le Danois.
Nous voyons sous ce Regne un nouveau genre de Gouvernement ; ce ne sont plus les François nez libres & indépendans, attachez à leurs loix anciennes pl usqua leur propre vie qui élisoient leurs Rois & leurs Généraux avec une parfaite liberté & qui jouïssoient avec gloire & tranquillité d'une conquête qu'ils ne devoient qu'à leur valeur & à leur perseverance, dans une entreprise infiniment difficile ; ils sont a leur tour devenus la conquête, non pas d'une Nation étrangère, mais d'une famille particulière, paeille aux autres dans l'origine, laquelle plus ambitieuse & plus active a sçû tirer ses avantages de tous les événemens & de toutes les circonstances qui se sont passées durant un siècle. Que ìes Généalogistes modernes nous demontrent tant qu'il leur plaira, que la seconde race de nos Rois sortoit de la même tige que la premiere, il soudra qu'ils conviennent avec nous que c'est au plus une dispensation secrette de la Providence, mais que ce droit de Pepin n'a jamais été fonde sur ce titre ; en effet il n a du sa fortune qu'à sa propre conduite, puis que tous les exploits de son pere, qui sont certainement comparables à ceux des plus grands Capitaines, n'avoient pu lui en procurer autant, reflêchissons donc un moment sur cette conduite, afin den mettre les ressorts en évidence.
Charles Martel avoit proprement conquis la France par le moyen dune armée presque toute composée d'étrangers, & cette conquête se fit non seulement par ses victoires sur Ragenfroi, sor les Sarrazins & par la soumission du Duc Eudes, mais bien plus réellement en desarmant les François, c'est à dire, en les éloignant de la guerre & en cessant d'entretenir les armées Nationales quifaisoient subsister la liberté ; voila le grand & le premier principe ; mais ce n'étoit point encore assez, il faloit persuader ce Peuple, après l'avoir soumis, il faloit aussi ménager de telle sorte la soumission que l'on éxigeoit de lui, qu'il ne s'apperçût que d'une partie de la perte qu'il avoit faite, & qu'il pût craindre de perdre encore le reste ; c'est l'ouvrage de Pepin, en quoi l'on peut dire qu'il est comparable aux meilleurs Politiques qui ayent gouverne II vint a bout de l'imagination du Peuple par le moyen du Clergé, comme je l'ai deja dit, il vint même à bout de soulager sa propre conscience & de rendre son usurpation juste dans son estime par le moyen de l'approbation du Pape & des Prélats ; il ne restoit qu'à faire penser aux François qu'ils étoient encore libres, ou du moins qu'il leur restoit assez d'avantages pour ne pas se devoir éxposer à les perdre dans de nouvelles guerres civiles & il en vint pareillement à bout par le moyen du Parlement qu il asembla tous les ans depuis son élevation, avec autant ou plus d'exactitude qu'aucun des anciens Rois ; mais il ne s'y agissoit plus, comme auparavant, d'élection de Maires ou d'Officiers militaires, ou politiques, ni de la direction des armees ou des entreprises de la guerre, ni en général de tout ce qu'il voulut reserver à sa disposition, il en tourna toutes les deliberations du côté de l'ordre de la Police & du reglement des moeurs de toutes les conditions ; de sorte que ces Assemblées se convertirent en des especes de Conciles dont nous voyons les actes dans les Capitulaires. Pépin porta meme la chose si loin, qu'il ne souffrit pas que les Parlemens fissent le procès des grands Seigneurs coupables & qu'il s'attribua l'autorité de les punir à sa volonté ; témoin l'indigne mort de Remistang qui est le premier exemple d'un Seigneur peri par la corde. Voila les chers d'oeuvre de la politique de Pépin ; mais s'il excella dans ce genre, il ne fut pas moins capitaine que son pere, comme le montrent la conquête d'Italie & la guerre, d'Aquitaine faite pié à pié durant plusieurs années. Je ne sçai s'il est utile de donner un article à la pieté de ce grand homme, puis que la soumission qu'il a marquée pour les Pasteurs de l'Eglise seroit, ce semble, plus digne de nos éloges, si elle n'avoit eu moins d'intérêt & de recompense mondaine, outre qu'il ne peut être loué de la maniere dont l'
il a traité ses proches collateraux ; toutefois à sa mort il a marqué des sentimens très Chrêtiens, plus hûreux si c'eut été ceux du reste de sa vie.
CHARLES I. & CARLOMAN, Rois.
CHARLES
ENTRE les enfans qu'il laissa, il ne se trouva, comme je l'ai déja dit, que Charles & Carloman qui pussent prendre part au Gouvernement de l'Etat, ils furent sacrez le premier à Noyon & le second à Soissons le Dimanche 9. jour d'Octobre 768 ; les Seigneurs les obligerent ensuite de faire un partage provisionel de la Monarchie, par lequel la Neustrie & la Bourgogne échurent à Carloman ; l'Austrasie, l'Allemagne & l'Aquitaine à Charles qui étoit l'aîné, lequel alla passer l'hyver à Aix la Chapelle,
Palais édifié par son pere ou plûtôt par son bisayeul Pepin de Herstal. Hugues de Flavigny dit au contraire que Charles eut en partage la part de la Monarchie qui avoit appartenu a son pere Pepin, & que Carloman eut celle qui avoit appartenu à son oncle de même nom. Dès l'année suivante, le vieux Hunaud d'Aquitaine, qui avoit appris la mort de Pépin, crut avoir trouvé l'occasion de relever sa Maison & sa Dignité ; étant sorti de son cloître, dintelligence avec Loup, Duc de Gascogne, il se remit en possession de la, plupart des dits Etats. Charles, que cette revolte regardoit personellement, pria son frere de l'aider ; mais n'ayant pû obtenir qu'une simple conférence en laquelle Carloman essaya de le dissuader d'entreprendre cette guerre, il continua sa route & fut étonné de trouver, après avoir passé la Loire, tout le Païs aussi soumis que si Hunaud avoit paru ; il s'étoit en effet retiré auprès du Duc de Gascogne lequel sans marchander le livra, avec une nouvelle femme qu'il avoit épousée, à Charles qui le fit enfermer ; mais il ne le garde guere, car il trouva moyen de s'évader & de se retirer chez les Lombards,
CHARLES, Seul Roi.
CHARLES
EN 770, la Reine Berthe, veuve de Pepin, fit le voyage d'Italie pour le mariage de son fils Charles, auquel elle amena la fille de Didier, Roi des Lombards. L'année suivante Carloman mourut au Palais de Salmouci près de Langres selon Mons, de Valois, où il étoit malade de vapeurs, & à ce qu'on disoit de dégoût du monde. Charles son frere ne perdit pas de tems à recueillir la Succession au préjudice d'un fils qu'il laissoit, ce qui fit que la veuve allarmée se sauva en Baviere & gagna de-là l'Italie avec ce même fils. En 772, Charles porta la guerre en Saxe, il y avoit plus d'un siècle que ces peuples avoient en partie reconnu la domination Françoise, mais l'autre partie étoit encore libre & reprochoit si vivement à ceux qui s'étoient soumis la perte de leur liberté, de leurs coutumes & de leur Religion, qu'il se passoit peu d'années sans revolte de ce côté-outre que la Nation en général étoit inquiété & remuante, comme nous l'avons vû sous les siècles précédens ; Charles gagna d'abord contr'eux une grande bataille a Osnabruk ; puis ayant forcé le château d'Eresbourg, qui étoit leur
principale forteresse, il passa le Weser & alla détruire le Temple & l'Idole fameuse d'Irmensul, que l'on croit avoir été au lieu de Mersbourg : cependant Eghinard semble dire que ce Temple étoit au deça du Weser ; en revenant Charles rétablit le château d'Eresbourg & y laissa garnison, mais cette guerre eut bien d'autres suites, puis qu'elle l'occupa toute sa vie & qu'elle fut après lui l'une des causes de la ruine de sa Maison ; d'autre côté les Lombards n'avoient point perdu le dessein de se rendre maîtres de toute l'Italie, & leur Roi Didier prenoit de justes mesures pour son éxecution, lors que le Pape, Etienne IV, étant mort, Adrien I. lui succeda en cette même année ; c'étoit un homme d'esprit haut & ambitieux, lequel ne manqua pas de prétexte pour animer Charles contre les Lombards ; le plus sensible à ce Prince fut l'avertissement qu'il lui donna des sollicitations que Didier lui faisoit de couronner le fils de Carloman, pour le rétablir ensuite dans le partage de son pere, la jalousie d'Etat fit un si grand effet dans l'esprit de Charles en cette occasion, qu'il se determina à détruire les Lombards & à ne point cesser la guerre que cet ouvrage ne fut achevé ; son ressentiment fut si vif qu'il s'étendit jusqu'à la Reine sa femme, qu'il repudia au grand scandale de toute sa Cour, puis qu'Adelard son cousin germain, qui s'étoit attaché à lui depuis la mort de Carloman, se retira dans un Monastere par indignation d'une action si peu Chrêtienne, mais le Pape n'avoit garde de ne la pas approuver, parce qu'elle rendoit ces deux Rois irréconciliables. En 773, Charles ayant assemblé une puissante armée dans le dessein de passer les monts, la fit marcher à Geneve, où il la divisa en deux corps, prit le commandement de l'un & donna l'autre à son oncle : Bernard Didier, qui croyoit avoir asseuré le passage des Alpes, ayant appris qu'ils avoient été forcez, se retira de Turin à Pavie, où il s'enferma & son fils Adalgise fejetta dans Verone : ces deux Places furent assiégées avec tout l'art connu en ce tems-là & toute la vigueur dont les François sont capables quand ils ont un brave Roi à leur tête : sur la fin de l'année, Adalgise se sauva dans les terres des Grecs, & les Véronnois, qu'il avoit quittez, racheterent le pillage de leur ville en livrant au vainqueur la veuve & le fils de Carloman, dont on ne par la plus depuis. Le siège de Pavie fut beaucoup plus long & dura bien avant dans l'année 774 ; le Roi fit un voyage à Rome à la fête de Pâques & y fut reçu avec tous les honneurs que l'on rendoit auparavant aux Exarques ; c'étaient les Gouverneurs que l'Empereur Grec mettoit en Italie, lesquels résidoient à Ravennes ; le Peuple Romain lui déféra de plus la qualité de Patrice, avec le droit de nommer les Papes, pour éviter les cabales & les divisions ordinaires ; les Ultramontains prétendent toutefois que ce ne fut tout au plus que le droit de confirmer après leur élection ; de sa part, pour rendre les grâces réciproques, il confirma les donations de son pere & l'on dit même qu'il les augmenta. A son retour dans son camp, Pavie étoit à l'éxtremité de la plus cruelle famine ; le vieux Hunaud instigateur de cette guerre avoit été déchiré par la populace, de sorte que le Roi Didier se trouva peu après reduit à se livrer lui-même à Charles qui l'envoya à Liège dans un Monastere où il mourut & ainsi finit la domination des Lombards, à laquelle les Peuples d'Italie s'étoient si bien accoûtumez que leur Posterité la regrette encore.
Le Roi préparant ensuite son retour en France, se fit auparavant couronner solemnellement à * Monza, près de Milan de la couronne de fer qui avoit servi aux Rois. Lombards ; puis disposant de sa nouvelle conquête, il ceda définitivement à l'Eglise Romaine l'Exarchat, la Pentapole, les Duchez de Rome & de Perouse, la Toscane ulterieure & la Campanie ; il donna la Duché de Benevent à Aragise neveu de Didier, celui de Spolette à Hildebrand, & celui de Frioul à Ratgaud, le tout aux conditions de la feodalité, de l'obéïssance & du service militaire ; il retint pour lui la Ligurie, l'Emilie, la Venetie & les Alpes Cottienes, c'est à dire, la plus grande partie du Royaume des Lombards ; ainsi son Royaume s'étendoit, tant en propriété qu'en féodalité depuis les Alpes jusqu'à l'éxtremité de l'Italie, la Calabre demeurant aux Grecs, qui ne
* Il y a Madocés dans le Ms.
furent point attaquez. Mais pendant cette grande éxpedition de l'Italie, les Saxons voyant le Roi & les forces de la Monarchie bien éloignez deux, ciment avoir trouvé occasion de se remettre en liberté ; cependant leur revolte s'appaisa presque aussi-tôt d'ellemême : mais Charles par un entêtement qui lui a coûté le repos de sa vie, s'étant résolu de s'asseurer pour toûjours de ce côté-là, donna ses soins pendant l'hyver à assembler une grosse armée, laquelle, au Printems de 775, marcha dans la Saxe ; emporta d'abord le château de Sigebourg, puis se rendit sur le Weser, où les Saxons s'étoient assemblez malgré eux & pour éviter seulement la désolation de leur Païs ; Charles les attaqua & les defit facilement ; après quoi il entreprit d'abattre tous les châteaux & lieux forts de la Nation & d'en rebâtir d'autres dans les endroits qu'il choisit pour y tenir des garnisons. D'autre part, l'Italie étoit encore peu asseurée, Adalgise, fils de Didier, ayant reçû des Grecs le titre de Patrice & gagné Ratgaud, nouveau Duc de Frioul, crut pouvoir chas ser les François & relever le Royaume des Lombards ; le Roi sur cette nouvelle quitta le Rhin & le Weser avec empressement & s'étant fait accompagner en Italie de l'élite de ses troupes, il rétablit ses affaires en peu de jours sur le gain d'une bataille, en laquelle il prit le Duc Ratgaud prisonnier, il lui fit trencher la tête en présence des troupes & donna sa Duché à un autre Seigneur nommé Henry ; c'est ainsi que le bonheur & la grande capacité de Charles le rendoient victorieux dès qu'il se présentoit, mais qui dit un conquérant, dit un Prince né pour l'agitation & I'inquiétude. Il n'eut pas plûtôt calmé l'Italie, qu'il apprit que toute la Saxe s'êtoit révoltée de nouveau, que les nouvelles forteresses & les garnisons qu'il y avoit établies avoient été forcées, mais que Sigebourg tenoit encore, il y vola d'abord avec une éxtrème promptitude & sa présence ayant rempli tout le païs d'effroi, le Peuple vint en foule lui demander misericorde & la grace d'être admis au Christianisme, c'est ainsi que finit l'an 776.
En 777, il tint un grand Parlement à Paderborn au mois de May, les Deputez des Saxons y vinrent renouveller leur obéissance, & il parut un Prince Arabe d'Espagne, qui venoit demander la protection du Roi, contre le Calife son Maître naturel. Charles, à cette occasion, témoigna que sans l'objet de la propagation de la foi, il auroit rejette une demande, dont la conséquence offensoit le droit naturel des Souverains, cependant qu'en la consideration de l'Evangile, il vouloit bien promettre d'y passer lui-même : en effet l'année suivante 778, Charles s'étant rendu en Aquitaine, après Noël, & ayant celébré la fête de Pâques au Palais de Chasseneuil, où il lui naquit deux jumeaux, Louïs & Lothaire, le premier desquels lui succeda, il passa effectivement en Espagne, comme il l'avoit promis, & y commença la guerre par le siége de Pampelune ; on prétend que c'est le premier siége regulier qui eût été formé par la Nation & l'on ajoute cependant qu'à la reserve des Seigneurs il y avoit peu de François dans les troupes, étant presque toutes tirées d'Italie ou d'Allemagne, ce qui fait voir que Charles suivoit la méthode de son pere & de son ayeul dans la maniere dont il formoit ses armées. Après la prise de Pampelune, il marcha jusqu'à l'E'ore, soumit plusieurs petits Rois Sarrazins sans les priver de leurs terres, se contentant d'affranchir les Chrêtiens de leur servitude, il prit la ville de Saragoce avec peu de difficulté & la remit au Prince Ybnal, Arabe, qui l'étoit venu trouver à Paderborn ; après quoi ayant établi des Comtes François dans les principaux lieux, il regagna la France par la vallée de Ronceveaux qui avoit été son premier chemin, mais les defilez l'ayant obligé de separer ses troupes, son avantgarde fut attaquée & mise en desordre par les Miquelets du païs, joints aux Sarrazins, il perdit ses bagages, grand nombre d'Officiers & de Seigneurs, & en particulier le brave Roland, que les Chroniques disent avoir été son neveu ; cet échec ne l'émpêcha pas de considerer ses conquêtes d'Espagne comme un objet important, soit qu'il se proposât de les étendre, soit qu'elles servissent à tenir les Gascons en respect ; nous verrons ci-après qu'il en fit le principal Membre du Royaume d'Aquitaine.
En 779, la guerre de Saxe recommença, conduite par le célébré Witikind. Charles en triompha à son ordinaire par le moyen du grand nombre de troupes qu'il y employa. L'année suivante, après avoir encore passé l'Eté dans la Saxe, il se rendit en Italie vers l'automne, passa l'hyver à Milan & Pavie, d'où il se rendit à Rome, à la fête de Pâques, pour y faire couronner ses enfans Charles, Pépin & Louis ; les deux derniers y reçurent en même tems l'investiture des deux Royaumes d'Italie & d'Aquitaine, celui-là composé de toutes les conquêtes au delà des Alpes ; & celui-ci de la marche d'Espagne, de la Gascogne & de tous les païs d'entre la Loire & la Garonne : Louïs, le dernier de ces Princes, n'avoit que trois ans, étant né au mois de Juin de 778, comme nous l'avons dit. En 782, le Parlement se tint aux sources de la riviere de Lippe & Charles y reçût les Ambassadeurs de la part des Princes du Nord ; à peine toutefois étoit-il repassé en France que Witikind, lequel s'etoit retiré en Dannemark, revint en Saxe, fit une armée & gagna une grande bataille en laquelle entre les Généraux François il périt plus de 20 Seigneurs considérables ; le Roi y accourut d'abord, sa présence rétablit les affaires ; cependant il n'accorda la paix aux Saxons qu'à la condition de lui livrer 4500 de leurs plus braves, auxquels il fit trancher la tête sur les bords de la riviere d'Eder, mais loin qu'un châtiment si terrible les rendit plus obéïssans, dès l'année suivante ils firent un soulèvement général, le Roi gagna contr'eux deux grandes batailles en personne, sans en être plus avancé ; l'année d'après ayant formé de plus nombreuses troupes il les separa en deux armées, dont il fit commander la seconde par Charles, son fils aîné, il perça la Saxe de tous cotez sans trouver d'ennemis, les peuples se cachant clans les bois & les marais. En 785, les Saxons paroissoient disposez à faire de nouveaux efforts, si leurs chefs rebutez n'avoient prêté l'oreille aux propositions du Roi, lequel, soit par estime de leur valeur, soit qu'il connut bien que ces gens-là jusques au dernier soupir étoient incapables de ceder à la force, les avoit engagez à venir sous seureté au Parlement qui fut tenu à Paderborn cette année ; ils y furent tous baptisez dans le Palais d'Attigny ; Witikind qui étoit du nombre fit ce pas comme les autres avec tant de bonne foi qu'ayant été envoyé dans le païs en qualité de Duc d'Angrie, il vécut en si bon Chrêtien que l'on en a fait un Saint. Le Parlement de Paderborn fut extrêmement considérable par l'affluence des Grands, des Rois d'Italie & d'Aquitaine qui s'y trouverent avec leurs armées pour honorer leur pere & sa Royauté fuperieure. En 786, le Roi entreprit le voyage d'Italie pour appaiser quelques troubles qui sembloient s'y devoir former, il alla jusques à Benevent, où le Duc Aragise avoit paru enclin aux intérêts des Grecs & de son parent Adalgise, mais n'ayant pû trouver dequoi le convaincre d'infidélité, il se contenta de ses otages, il vit le Pape en passant & repassant, & ce fut à sa priere qu'il apporta en France la Liturgie Romaine & le Chant Grégorien, qui ne fut reçû du bas Clergé qu'avec bien de la peine ; les Ambassadeurs de Tassillon Duc de Bavière se trouverent à Rome pour obtenir par l'entremise du Pape, sa reconciliation avec le Roi ; mais cette demarche ne persuada personne de sa bonne foi, de sorte que Charles s'approcha de ses Etats avec trois grosses armées en l'année 787, & le réduisit à donner en otage Theudon son fils aîné. En 788, Tassillon recommença ses pratiques & fut assez malhûreux pour que les Huns, avec qui il les avoit liées, les découvrissent au Roi, il fut mandé au Parlement à Ingelsheim, & là, sur le témoignage de ses propres sujets, condamné par les Ducs ses pareils à perdre la vie ; néanmoins le Roi en considération de la proximité, car il étoit son cousin germain, commüa sa peine en celle de la penitence perpétuelle dans un Monastere, ce qu'il accepta comme une grâce ; son malhûreux fils moins coupable que lui, ne fut pas mieux traité & telle fut la fin du Royaume de Baviere, qui fut ensuite divisé en Comtez & en Gouvernemens comme le reste de la Monarchie : mais les Huns n'eurent pas plûtôt perdu leurs Alliez qu'ils s'en repentirent & porterent derechef la guerre en Baviere, ils y perdirent deux batailles & une troisième en Frioul & dans ce même tems Adalgise ayant tenté une descente en Italie, y fut accablé par les Ducs de Benevent & de Spolette. En
789, le Roi voulant achever de soumettre & de convertir la Germanie au Christianisme, fit construire un Pont sur l'Elbe fortifié de châteaux & de fortes garnisons à la tête & à la queuë, & par ce moyen pénétra jusques à Dragavit, principale Place de ces Nations Septentrionales, qui sans résistance lui donnerent toutes des otages.
Le Roi passa l'année 790, toute entiere dans son Palais de Worms, s'occupant de la police & du règlement de ses Etats, il depêcha de ce lieu plusieurs Ambassadeurs vers les Princes Mahométans pour obtenir d'eux un traitement plus favorable à leurs sujets Chrétiens ; c'est aussi à cette année que l'on rapporte le commencement de l'alliance de l'Ecosse avec la France & l'arrivée d'Alcuin & de Clement Fondateurs de l'Univers. Paris. L'année suivante 791. le Roy ayant résolu de détruire, ou de soumettre les Huns, entra en Pannonie, marcha sur le bord du Danube sur lequel une flotte portoit les vivres de l'armée, il poussa jusques au Raab, mais il ne pût aller plus avant, la mortalité s'étant mise dans les chevaux. En 792, il y eut des troubles à la Cour, causez par l'humeur imperieuse de la Reine Fastrude, troisième femme de Charles ; on prétend que Pepin l'un des enfans naturels du Roi & le plus âgé avoit entrepris de le faire tuer dans le premier Parlement, mais la Conjuration ayant été découverte par un Prêtre, qui fut recompensé de l'Abbaye de S. Denys, tous ceux qui étoient entrez dans le complot furent eux-mêmes jugez dans le Parlement & condamnez à différentes peines & Pépin renfermé dans l'Abbaye de Pruin. En 793, le Roi établit un Comte de Flandres, qui prit la qualité de Forêtier, parce que le païs n'étoit alors couvert que de forêts presque inhabitées ; ce premier Comte est nommé par les Historiens, Lideric de Harlebec. Il est remarquable à ce sujet, que Charles, qui avoit l'esprit méthodique & éxact donna une forme presque nouvelle à la Monarchie par le grand nombre de Ducs, de Comtes, ou de Gouverneurs qu'il établit dans toutes les Provinces, ne laissant aucune grosse ville sans aucun Magistrat & voulant de plus qu'ils fussent subordinez ; les simples Recteurs aux Comtes, les Comtes aux Ducs & ceux-ci à la puissance Royale de chaque territoire : on marque cinq ou fìx Epoques particulières de cette disposition ; la premiere en l'année 774, dans laquelle Charles après son couronnement sait à Modoces, jugea à propos de faire une nouvelle division de l'Italie de laquelle nous avons parlé & dans laquelle on voit qu'il établit des Comtes & des Ducs propriétaires áux Charges Feodales qu'il leur imposa ; la suite montre que la succession s'établit dès lors dans ces emplois, puis que Grimoald avoit succédé à son pere Aragise dans la Duché de Benevent & Vinigise à Hildebrand dans celui de Spolete, tous deux en 788 ; d'ailleurs on voit aussi que les Ducs & Comtes étoient * amovibles & punissables du dernier supplice, lors qu'ils le rendoient coupables de trahison ou de malversation, suivant l'exemple de Radgaud, Duc de Frioui : Or cette disposition étoit d'autant plus naturelle à l'égard de l'Italie, que la proprieté Feodale y étoit établie dès le commencement de la Royauté des Lombards. Quant aux terres dont le Roi s'étoit réservé la proprieté, elles avoient aussi des Comtes & des Ducs peu différens des précédens, parce qu'ils étoient tous également soumis au droit Salique & François ; mais l'on ne voit pas clairement que l'hérédité ait lieu à leur égard ; aussi l'Histoire remarque-t-elle que dans les règlemens faits pour l'Italie, Charles avoit fait un mélange du droit Lombard & du droit Salique à l'égard des Grands, ayant laissé l'usage Romain particulièrement à celui qui l'avoit mis sous la domination de l'Eglise. La seconde Epoque est celle de la création du Royaume d'Aquitaine, que Charles fit à son retour d'Espagne, en faveur de son troisième fils, Louïs ; elle fut accompagnée de la distribution d'une infinité de Comtes & de Ducs dans l'étenduë qu'il plut au Roi de donner à ce nouvel état, mais il y a plus de difficulté à decider si ces érections furent successives, ou purement Saliques, car il y a des éxemples pour l'une & pour l'autre supposition ; il paroit toutefois que les Dignitez de la Marche d'Espagne furent féodales dès le commencement, & en effet elles étoient trop exposées aux attaques des Sarrazins pour ne pas intéresser personnellement ceux qui les possédoient à leur défense ;
* Destituu"S
quant à Celle de Gascogne, il y eut une difficulté infinie à les faire recevoir des Peuples ; après quoi elles devinrent tout à coup non seulement successives mais presqu'indépendantes. L'ordre François se conserva mieux dans le Berry, le Poitou, l'Auvergne, &c : toutefois il faut remarquer que la féodalité avoit déja eu lieu en ce païs-là, lors' qu'il étoit possedé par le Duc Eudes & après lui par ses enfans. Dans la fuite Charles s'attacha encore d'avantage à regler la Police de sa vaste Monarchie, nous avons vû qu'il y donna l'année 790 toute entiere, & d'ailleurs il n'y eut point de Parlement sous son Regne, où il ne fit recevoir quelque nouvelle disposition, dans laquelle on voit, d'une part, une sorte d'attachement à la Loi Salique, particuliérement à l'égard de l'ordre des jugemens, mais aussi beaucoup d'établissemens arbitraires, tels que la pieté du Prince, ou l'idée de justice qu'il avoit dans l'esprit, lui suggeroient. Comme Charles avoit beaucoup de genie, il écouta favorablement, en la même année 793, la proposition qui lui fut faite de joindre le Rhin & le Danube, par le moyen d'un canal tiré de la riviere d'Atmul qui se décharge dans le Danube, à celle de Rednitz, qui se jette dans le Mein au dessous de Bamberg ; mais comme on entendoit mal la conduite des eaux en ce tems-là, & que d'ailleurs les pluyes survinrent cette année en trop grande abondance, le travail fut abandonné : le reste de l'année fut troublé par les nouvelles de la revolte genérale des Saxons d'une part, & de la defaite des troupes qui gardoient la Marche d'Espagne, en Septimanie, contre les Sarrazins.
Lannée 794. fut considérable par la tenuë du Concile de Francfort, composé de plus de 300 Evêques de toutes les parties d'Occident ; les Legats du Pape y présiderent, de sorte qu'il peut être & a été en effet long tems regardé comme un Concile Oecuménique : les Erreurs d'Elipandus, Evêque * Espagnol, y furent condamnées, ainsi que le culte des images, & depuis le second Concile de Nicée, assemblé par les Grecs la scene a bien changé de face : puis qu'aujourd'hui ce même Concile de Nicée a été receu de l'Eglise Romaine, aussi bien que le culte des images & que le Concile de Francfort n'est plus regardé que comme une espece de Conciliabule, ou du moins comme une assemblée, dont les Canons sont demeurez sans autorité, parce que les opinions contraires ont prévalu dans la fuite des années. La Reine Fastarde mourut en cette même ville de Francfort, peu après le Concile & le Roi entra en Saxe, où les Peuples se soumirent universellement, mais connoissant par tant d'éxperiences leur legereté, il en transporta le tiers en divers païs de la France & particulièrement en Flandres & en Picardie où le païs étoit presque tout depeuplé. En 795, les mêmes Saxons, quoique si diminuez de nombre, recommencerent leurs mouvemens & taillèrent en pièces une aimée d Abodrites, (c'étoient des Peuples qui habitoient ce que nous nommons à présent la Marche de Brandebourg, la Pomeranie & partie de la Prusse) laquelle le Roi faisoit marches pour se joindre en Pannonie ; cette derniere action l'irrita tant, qu'étant entré sur le champ en Saxe, il y fit tuer presque de sang froid plus de trente mille hommes de ceux qui avoient porté les armes en cette occasion ; de-là il vint passer l'hyver au païs de Juillers & ce fut alors qu'il prit sa premiere affection pour le lieu d'Aix la Chapelle, ou il bâtit un Palais & une magnifique Eglise, en laquelle il choisit sa sepulture. En 796, le Pape Léon III. fut élevé au Pontificat & les Huns divisez laisserent pénétrer leur païs, de sorte que leur dernier retranchement fut forcé par Henry, Duc de Frioul, lequel y trouva d'infinies richesses qu'il envoya au Roi ; mais ayant donné le Gouvernement du Païs à un de leurs Princes, qui s'étoit fait Chrétien, celui-là n'en fut pas plutôt en possession qu'il se révolta ; Pépin Roi d'Italie fut obligé d'y marcher & le tua avec une infinité de ses gens en une bataille qui fut donnée sur les bords de la Drave & les Huns furent absolument chassez au delà du Danube. Les trois annees suivantes, le Roi ne fut occupé que des Saxons, dont il deserta presque tout le Païs, en vangeance de ce qu'ils avoient tué les Commissaires ou les Magistrats, ambu-lans qu'il avoit établis chez eux, à la différence des autres païs de la Monarchie : si l'on
* Il étoit Archev. de Tolede.
ignoroit ce que la reduction de la Saxe coutoit à la patience du Prince & à l'Etat, on seroit surpris que l'on eut imaginé une Magistrature dont l'unique fonction étoit de se porter indifféremment dans tous les lieux du territoire & d'y faire mourir sans formalité tel nombre d'hommes & telles personnes qu'il lui plaisoit ; mais Charles se persuada ne pouvoir jamais venir à bout de ces Peuples sans une severité qui n'a jamais eu d'éxemple qu'en cette occasion ; cette Magistrature étoit nommée Freigeding ou Femekeel, en langue au païs, pour éxprimer que c'étoit le droit de la vangeance & la condition de la paix, mais autantquune telle institution est effroiable, autant est-il surprenantquelle se soit conservée si long tems, qu'elle étoit encore en usage lors qu'Aeneas Silvius, qui a été depuis le Pape Pie II, étoit en Allemagne Secrétaire de l'Empereur Frédéric III, c'est à dire, jusqu'au milieu de XV. Siécle. Les Saxons au desespoir abandonnerent enfin ce païs & se retirerent dans le fonds du Nord. Nous verrons dans le siécle suivant quels furent les funestes effets de leur vangeance. En 789, il arriva à Rome la plus terrible émotion qui puisse jamais s'élever contre un Pape. Leon III. qui siégeoit alors, fut arrêté dans une Procession & trainé en prison, où dabord on lui coupa la langue & on lui arracha les yeux, du moins ceux qui le traitoient si mal crurent l'avoir fait & lui-même asseura toûjours depuis en avoir été miraculeusement guéri, le Duc de Spolete qui s'y rendit en diligence ayant à grand' peine obtenu sa liberté, l'envoya au Roi pour qu'il pût lui-même plaider sa cause devant lui ; le Roi l'écouta au lieu de Paderborn, l'envoya à Rome d'autorité & lui promit de le suivre peu après pour faire justice des coupables. Cette même année le Roi Louïs receut les istes Baléares, aujourd'hui Majorque & Minorque qui secouerent le joug des Sarrazins & il eut d'ailleurs plusieurs affaires avec eux. &
L'an 800 est remarquable par diverses époques importantes, la premiere est celle des pirateries des Normands qui se firent sentir sur les côtes de Neustrie avec toute la fureur que leur pouvoit inspirer les traitements que le Roi avoit faits à leur compatriotes ses Saxons ; on jugea meme que plusieurs réfugiez de ce païs-là étoient mêlez avec les Danois & que c'etoit le principe de leur rage contre ses Eglises, les Reliques les Prêtres & les Moines, auxquels ils ne faisoient aucun quartier, en haine des conversions forcées dont ils les croyoient auteurs : le Roi pour remedier à ce mal se transporta sur les cotes maritimes de la Picardie, ou il fit rétablir la tour d'Arbre à Boulogne, puis continuant de parcourir tout le rivage, il vint à Tours où il perdit sa quatrème femme, s'étant ensuite rendu au Parlement convoqué à Mayence, il prit le cheminème femme ; pour l'affaire du Pape, que pour s'éclaircir sur les soupçons que Grimoald, Duc de Benevent, donnoit de sa conduite ; il étoit particulièrement accusé d'avoir contribué à la mort d'Henry, Duc de Frioul, assassiné depuis peu, Charles étant arrivé à Rome y reçut le serment du Pape sur les chefs dont il étoit accusé & l'ayant déclaré innocent, condamna ses parties a la mort, mais le Pape interceda pour eux & leur sauva la vie. Le jour de Noël de cette même année, à la solemnité de la grande Messe, le Pape proclama solemnellement le Roi & les acclamations du Peuple lui conférerent le titre d'Auguste & d'Empereur, en sorte que c'est de ce jour que l'on prend l'époque du rétablissement de l'Empire en Occident.
CHARLEMAGNE, Empereur.
EN 801, l'Empereur revenant en France fut surprisà Spolete d'un prodigieux trembiement de terre qui désola toute l'Italie & se fit sentir en France & en Allemagne, il apprit sur la même route que le Roi Louïs, son fils, s'étoit emparé de la ville de Barcelonne, l'ayant enlevée aux Sarrazins & qu'il y avoit établi un Comte nommé Bera, mais que les Gascons refusans d'en reconnoître un qu'il vouloit mettre à Fesensac, il avoit été obligé de les châtier par les armes. En 802, Charles, que nous pouvons déformais appeller Charles le Grand, ou Charlemagne, suivant l'usage, se trouva au comble de sa prospérité –, l'Imperatrice qui regnoit en Orient consentoit à l'épouser & à réunir ces deux Empires ; mais ce projet avorta parce que cette Princesse fut detrônée dans le même tems. Son Successeur Nicephore traita non seulement avec Charlemagne & le reconnut pour son Collegue à l'Empire, mais lui céda l'Italie entiere par un Diplome, ne conservant que la Calabre jusques à l'Offante & au Vulturne. En 804, les Saxons éxcitez par Godefroy, Roi des Normands, ou de Dannemark, se souleverent pour la derniere fois. L'Empereur s'avança en personne jusques a Elbe, Godesroi vint aussi à sa rencontre, puis s'en retourna subitement n'osant se hazarder au succès dune bataille, le premier profita de cette retraite pour faire prêcher le Christianisme dans le Holstein ; d'où revenant en Saxe, il fit une nouveau transport presque général des habitans en France, en Irlande, en Suisse & même en Hongrie, après quoi seulement il pût se flatter d'y avoir établi la paix. En 806, Maurice, Duc de Venise, fut accusé par le Pape d'une intelligence avec les Grecs : Beat & Obelier Tribuns de Venise, vinrent en personne faire les mêmes plaintes & le soin de cette affaire fut renvoyé au Roi Pepin.
L'Empereur qui commençoit à sentir le declin de son âge, étant a Thionville, fit cette année le partage de ses Etats entre ses enfans, il leur en fit signer l'Original & voulut que le Pape le signât aussi pour derniere marque d'authenticité ; ce qu'il y a de singulier dans ce partage, est qu'il substituë les freres survivans à ceux qui mourroient les premiers, si ce n'est que les François voulussent élire l'un de leurs enfans a la place, auquel cas les oncles seroient obligez d'y consentir, le reste du partage est inutile n'ayant point eu de lieu, à cause de la mort prematurée des Princes à qui il devoit servir. En 807, les affaires d'Italie se trouverént en mauvais état, le Roi Pépin etoit^ 1 yivement pressé par les Sarrazins, qu'il laissa prendre aux Grecs la Dalmatie & rétablir a Venise le Duc Maurice –, Ademar, Comte de Genes, fut tué en bataille dans l'isle de Corse par les Sarrazins, mais Bouchaud, Connétable, en gagna une autre contr'eux. D'autre part, les Normands coururent les côtes, ils y firent des maux infinis, ; on dit que l'Empereur voyant passer une de leurs flottes, ne pût retenir ses larmes, prévoyant les malheurs que d'autres pareilles causeroient un jour à ses enfans & a leurs Etats. Peu après, il reçût une Ambassade solemnelle du Calife Aaron Rasud, laquelle, entr'aucres présens, lui apporta avec les clefs du S. Sepulchre une horloge sonnnante, la premiere qui ait été vûë en France. En 808, Godefroi le Danois fit une irruption dam la Saxe, défit deux armées d'Abodrites qu'on lui opposa d'abord & joignit l'outrage a sa victoire, car il fit prendre l'un des Généraux de l'Empereur, mais a l'arrivée du Roi Charles, fils aîné, il se retira dans son païs & en fortifia les avenues par les retranchemens le long des rivieres. Dans ce même tems le Roi Louïs prit Tortose en Catalogne, mais il perdit d'autres places que le Sarrazin Amahors lui enleva. En 09, ce même Prince, qui a depuis été surnommé le Débonnaire, déja prévenu d un, sentiment
de dévotion, dont le caractere se découvrira daris la fuite de sa vie, fit urie justice épouvantable des Gascons, lesquels, continuans dans leurs désobéissances à l'égard des Comtes & des Magistrats qu'il leur donnoit, s'étoient épars en divers endroits, car il se rendit à Dax, où il en fit mourir une si grande quantité que l'on disoit qu'il vouloit imiter ce qui s'étoit pratiqué dans la Saxe ; il continua la même boucherie à l'égard des Miquelets & Montagnards de la Navarre, puis de-là il porta ses soins à la réforme du Clergé ; il fonda ou répara jusqu'à vingt-cinq Monastères pour servir de séminaires, soit pour l'institut, soit pour la correction.
En Italie le Roi Pépin avoit toûjours beaucoup d'ennemis, il donna une bataille navale contre les Grecs, où l'avantage fut égal ; puis s'étant embarassé dans les lagunes de Venise, il pensa périr avec toute sa flotte ; & le Duc Maurice échappé du danger de la colere de ce Prince, commença à fonder la ville de Venise dans les isles de Rialte & d'Olivolo d'autant plus librement, que Pepin mourut presqu'auflì-tôt après à l'âge de trente-trois ans, laissant un fils, nommé Bernard, qui n'en avoit que treize. En la même année 809, l'Empereur connoissant la nécessité d'arrêter les courses des Danois, donna ordre de construire une forteresse au lieu d'Allefeld sur l'Elbe, à l'embouchure de la riviere de Sture, qui fut jugé l'endroit le plus propre à tenir une flotte toûjours prête à repousser leurs efforts & toûjours instruite de leurs moindres mouvemens ; il y fit conduire une quantité infinie de matériaux, mais pendant ce tems-là, Godefroi qui avoit armé une flotte de 200 voiles, fit une descente en Frise, où il ravagea le païs avec une fureur incroyable ; l'Empereur malgré son âge s'avança avec les troupes qu'il avoit auprès de sa Personne, Godefroi se retira & à son arrivée en son païs, il fut assassiné par son propre fils, en vengeance de ce qu'il avoit répudié sa mere ; Hemin son neveu lui succeda & depuis fit la paix avec les François. A la fin de l'an rtée 811, l'Empereur perdit encore Charles, son fils aîné, qui mourut sans laisser d'en sans ; ce fut pour lui la plus grande de toutes les afflictions, après laquelle, las des af faires du monde, il ne songea plus qu'à faire la paix avec tous ses voisins, Danois, Sarrazins & Grecs ; il employa toute l'année suivante à ce grand ouvrage & en 819, se sentant affoiblir de jour en jour, il assembla un Parlement Général à Aix la Cha pelle & y manda le Roi Louïs, resté seul de ses enfans ; tous les Grands qui devoien composer l'Assemblée, entre lesquels il se trouva quantité d'Evêques & d'Abbez, s' étant rendus, il leur présenta son fils & leur demanda leur consentement pour l'élever l'Empire, après quoi il lui ordonna d'aller prendre la couronne sur l'Autel & de s la mettre lui-même sur la tête, puis il déclara qu'il donnoit le Royaume d'Italie à so petit-fils Bernard ; que le Roi Pépin l'avoit possédé pour le gouverner sous la tutele d Vala, son cousin germain, fils d'un autre Bernard, dont il a été parlé ; il mourut pe après cette disposition le 28. Janvier 814. Par son Testament, il laissa les trois quart de ses meubles & trésors aux pauvres & aux Eglises Métropolitaines de ses Etats, l'au tre quart partable entre Louïs & Bernard ses enfans.
Telle fut la fin du plus grand Roi qu'ait eu la Monarchie Françoise, grand par le succès de son Regne, par sa durée & par l'étenduë de sa puissance, mais plus gran encore par la force de son ame & par la beauté de son esprit, plein de vertu & d Religion, ennemi du déguisement & de l'artifice, vraiment liberal & généreux, ama teur & conservateur des droits des Peuples & enfin le plus sçavant, non pas des Prin ces, mais des hommes de son siécle, c'est en peu de mots l'éloge qui est dû à sa mé moire & que l'on peut augmenter d'une louange moins commune, en remarquant aprè Eghinard, qu'il ne devoit presque rien à son éducation, qui avoit été fort negligée mais qu'il apprit tout ce qu'il sçût dans un âge mur & au milieu des embarras des vo yages de la guerre & du Gouvernement, éxemple sur lequel on ne peut trop appuyer pour confondre la flatterie de ceux qui défendent l'ignorance, si commune par le nom bre & l' importance de leurs occupations. Le même Eshinard aioute qu'avant appri
si tard les Lettres Romaines, il ne pût jamais parvenir à les bien former dans l'écriture, quoiqu'il eut d'ordinaire le soin de faire mettre des tablettes sous l'oreiller de son lit, pour s'y éxercer pendant la nuit, mais comme les Grands hommes ont leur part des miseres de la nature, il eut aussi de grands défauts de caractere & de préjugé, l'incontinence qui a fouillé sa vie & son coeur ; le trop grand desir de domination, auquel il a sacrifié plusieurs de ses proches, & enfin l'aveugle fantaisie d'étendre la Religion Chrêtienne par la violence, quand l'instruction ne suffisoit pas ; enfin l'Histoire ne rapporte aucun fait plus étrange que la conversion prétendue du païs des Saxons, qui a coûté la vie de tant de milliers d'hommes, immolez comme des bêtes à ce faux zèle de la Foi : aussi parut-il, par les événemens suivans, que la Providence qui a favorisé la vie de ce Prince d'une prospérité presque continuelle, a puni sa postérité précisement par rapport à ces trois défauts dominans, ayant permis que cette posterité se déchirât elle-même avec une fureur sans égale par l'avidité du commandement ; que cette même posterité tombât dans la honte & la dégradation presqu'aussi-tôt après sa mort ; & enfin que tout l'Empire ait été, pour ainsi dire, purgé par le fer & par le feu du crime commis contre les Saxons.
LOUIS I. Quarantième Roi, second Empereur.
LOUIS.
L'EMPEREUR Louïs, surnommé le Debonnaire, va nous présenter un spectacle bien différent de celui que son pere avoit donne a l'Europe ; nous allons voir avec étonnement la Domination formidable des François devenir entre ses mains le jouet des Prêtres, des Femmes & des Favoris. Né avec des talens naturels, avec un coeur juste & bon, il fçût empoisonner toutes ses vertus par les deux principes qui perfectionnent celles des autres, je veux dire la pieté & la bonne fortune, celle-ci lui donna une confiance qui degenera en flexibilité ; & celle-là une austerité de moeurs & de sentimens avec une bizarrerie & une conduite si particulière que les fonctions de sa Couronne lui devinrent plus à charge que n'auroient été celles d'un Directeur de Monastere, il se livra dans sa premiere jeunesse à la pratique la plus étroite de la Religion, mais il en tira des maximes peu convenables à son Etat, d'où vient que tantôt trop doux & tantôt trop severe, il ne pût jamais contenter personne ni se satisfaire lui-même. Ce Prince s'étant donc rendu, comme nous l'avons dit, auprès de son pere, environ un an avant sa mort, il reçût, avec la Couronne Impériale, plusieurs avis touchant l'administration de ses Etats, entre lesquels ceux qui concernoient le foin dû à la Religion & à la dispensation de la justice furent les principaux. On asseure que l'Empereur Charles lui en donna d'autres sur sa conduite particuliere, en lui faisant connoître les dangers de la vie Monacale qu'il pratiquoit & son peu de convenance avec l'administration de la Monarchie ; mais Louis les reçût dans une disposition qui acheva de le perdre, il retourna en Aquitaine plus mécontent de la correction paternelle, quelque juste qu'elle fût, que convaincu de la verité ; ainsi quand il arriva à Aix-la-Chapelle trente jours après la mort de son pere, il étoit prévenu & contre les Ministres & contre la Cour, la soumission de Vala, qui avoit été le plus fidele ami de Charles, dans le dernier tems de son Regne, lequel étoit venu au devant de lui jusques à Orleans, le toucha peu, d'ailleurs il s'imagina qu'il faloit que sa Maison & sa Cour donnassent l'éxemple sur ce pié-là, il en chassa d'abord ignominieusement ses propres soeurs, fit mourir cieux Seigneurs qu'il foupçonnoit avoir vécu trop familiérement avec elles, bannit de sa
personne tous ceux qui n'y étoient point attachez par le devoir de leurs Charges & dont l'emploi ne tendoit qu'au plaisir & à l'amusement ; en un mot, il forma sa maison sur le pié d un Monastère tres-regulier où la moindre faute étoit punie monachalement. Mais ce ne fut pas tout, il accompagna ce nouvel Ordre d'une hauteur insupportable dans la maniere d'imposer les loix & de les faire exécuter, & comme il avoit amené de puissantes forces avec lui, on obeïssoit avec une terreur qui lui aliéna en peu de tems le coeur de tous les François, accoutumez à la douceur de Charlemagne. A ces dispositions se joignit une jalousie éxtraordinaire contre le Roi Bernard son neveu, fondée sur le droit apparent qu'il avoit à l'Empire, comme fils unique du Roi Pepin son fils aîné. Les choses étant en cet état & le Gouvernement ayant pris une forme, les Ambassadeurs que son pere avoit envoyez à Constantinople lui apporterent un Traité de paix ; Grimoald, Duc de Benevent lui vint remettre sa Duché & la reprendre a titre feodal sous une redevance de 7000 sols d'or ; le Roi Bernard vint à son mandement lui faire un pareil hommage ; Heriold, Roi de Dannemark, dépouillé par les enfans de Godefroi, vint aussi lui soumettre ce Royaume, qu'il ne possedoit plus : mais l'Empereur donna ordre aux Comtes de Saxe & de Germanie de le rétablir, ce qu'ils ne purent faire. D'un autre côté, il usa de pitié envers les Saxons & les rétablit dans le droit de posseder proprietairement leurs biens, ce qui ne fut approuvé de personne, parce qu'il sembloit contraire à l'esprit de Charlemagne & ne laissa pas toutefois de lui réussir, ces Peuples ne s'étant point revoltez sous son Regne. Enfin a l'égard des Sarrazins d'Espagne, il rompit la paix faite avec eux, parce que les Rois de ce païs-là ne reprimoient pas les pirateries qui desoioient le Languedoc, la Provence & les Côtes d'Italie.
En 815, il y eut du tumulte à Rome où le Pape Léon fit faire quelques éxécutions de ion autorité, l'Empereur qui le trouva mauvais, donna commission au Roi Bernard d'en informer, celui-ci envoya le Duc de Spolette lequel arrêta les factieux & envoya les plus coupables en France. En 816, les Arabes d'un côté & les Gascons de l'autre furent punis rigoureusement de quelques seditions ; ces derniers s'étoient émus à l'occasion de ce que l'empereue leur avoit ôté un Comte qui les gouvernoit selon leur genie, il en coûta a vie ou les membres a un très-grand nombre. La même année le Pape Léon étant mort, a la grande satisfaction des Romains, Etienne, qui lui succéda, n'attendit point la confirmation de lEmpereur, mais il le vint trouver à Rheims & l'y couronna avec l'Imperatrice sa femme ; qui mourut trois mois après son retour à Rome. En 817, les Romains élurent Paschal, qui connoissant la foiblesse du Gouvernement sur les matieres de Religion, occupa hardiment le Pontificat sans le consentement de l'Empereur, lequel se conenta de en reprendre & lui & ses Romains, à quoi il fut répondu de leur part que le droit dont l'Empereur se vouloit prévaloir ne pouvoit regarder que les Elections contestées & non celles qui etoient unanimes & canoniques. Les Ultramontains prétendent que Louis avoit eja re aché ce droit au Pape Etienne, qui lui avoit fait connoître combien il étoit contraire a la liberté que Jesus Christ a acquise à son Eglise. La même année on regla a es imites des deux Empires à la Dalmatie. La guerre de Dannemark continua toûjours poure rétablissement d'Heriold, mais avec une foiblesse d'autant plus domageable que on ne fitquirriter des Peuples qui l'étoient déja Beaucoup & qui ajouterent le mépris au désir de la vangeance. Le jour du Jeudi Saint de cette année l'Empereur revenant de l'Eglise pensa être accablé de la chûte du plancher d'une galerie où il passoit, il y fut blessé, mais vingt autres personnes considérables le furent bien plus dangereusement. Dans le Parlement qui fut tenu à Aix la Chapelle, il ne fut parlé que de reformation pour le Clergé & pour les Laïques ; on dressa une regle pour les Chanoines ; il fut ordonné aux Moines de suivre celle de S. Benoît à la lette & pour le rest du monde, on fit choix de Commissaires pour aller dans les Provinces retrancher Ie luxe, le faste, la simonie, avec tous les autres vices publics, avec pouvoir de châtier & corriger les delinquans. Enfin pour termmer l'Assemblée, Louïs associa à l'Empire son fils aîné Lo-
thaire, donna le Royaume d'Aquitaine à son second fils Pepin, & celui de Baviere a Louïs son puisné, déclarant qu'il vouloit que lautorité supreme résidât en la personne de l'aîné duquel le nom sut de-là en avant conjointement employé avec le sien dans tous les Actes publics. Peu après ce Parlement, l'Empereur fut averti d'un soulèvement des Abodrites qui fut aufsi-tôt étouffé, mais le reste de l'année ouvrit une autre scene bien plus tragique. Bernard, Roi d'Italie, âgé pour lors de dix-huit ans, fut malhûreusement séduit par des conseils qui lui venoient de la Cour même de l'Empereur, on lui représenta que c'étoit une honte de laisser la Monarchie entre les mains d'un homme qui n'étoit propre qu'à conduire des Moines, que les voeux de la Nation ne regardoient que lui, qu'il avoit un droit incontestable à l'Empire & qu'enfin tout le monde favoriseront ses desseins, s'il osoit tenter de deposseder son oncle, déja dégrade par sa foiblesse : ce jeune Prince se laissa surprendre, il commença d'armer, mais il fut prévenu de telle sorte que reconnoissant sa faute presqu'aussi-tôt qu'il l'eut commise, il prit le parti de venir se jetter aux piez de l'Empereur, lequel s'étoit avancé à Châlons sur Saône ; ce jeune Prince étoit accompagné de plusieurs Seigneurs de sa Cour & il y a apparence qu'il revenoit de bonne foi, mais Louïs déja jaloux & prévenu de passion contre lui, s'entêta d'en faire un exemple & le fit arrêter avec toute sa fuite & conduire à Aix la Chapelle, ou il le retint prisonnier jusqu'au tems de l'Assemblée générale, où le procès fut fait à tous les coupables, paucis diebus poft Pascha, dit la Chronique de S. Cybar, judicati sunt conjurait cum Reqe Bernardo capitalem sententiam subire ; peu de jours après Pâques l' on proceda au jugement de ceux qui étoient entrez dans la conjuration ; les Laïques furent condamnez à mort, & les Evêques à la dégradation ; Theodulphe d'Orléans ci-devant l'un des plus accreditez à la Cour de l'Empereur étoit du nombre des derniers ; la clemence de Louis voulant toutefois se signaler & donner à ceux qui devoient mourir le tems de faire pénitence il commua pour les Seigneurs la peine de mort en celle de l'aveuglement, laques ils subirent tous avec rigueur ; mais quand le Roi Bernard se vit au point de l'éxecution, soit que le desespoir prit alors la place de tous ses autres sentimens, soit que l'indignation du supplice reveillât la vivacité de sa jeunesse & grossit l'idée de cequil croyoit dû à sa naissance, il songea moins à se soumettre religieusement à la justice de son Empereur qu'à vendre sa vie le plus cher qu'il pourroit, Bernardus, dit la même Chronique, cum hnperaretur ut oculis privaretur, ense stricto se defendens, quinque Francorum fortissimos occidit & ipfe vulneribus confojfus succubuit : c'est à dire, que le Roi Bernard, prêt a subir l'aveuglement tira l'épée, qu'il tua de sa main cinq de ses plus puissans exécuteurs qui etoient des Francs & qu'enfin lui-même percé de coups, il fut accable par le nombre, que ses yeux furent arrachez & qu'il mourut trois jours après aussi bien que Renaud, qui avoit ete Chambrier de Charlemagne, & Regnier, qui avoit été Comte du Palais, lesquels avoient souffert la même fin. Cette justice, qui proprement n'en étoit pas une, vu la jeunesse & la qualité du coupable, le peu de mal qu'il avoit causé, son prompt repentir & sa connance aliena les esprits de plus en plus & causa à l'Empereur même des remords & des inquiétudes qui dechirerent sa conscience le reste de sa vie. Ce pauvre Prince laia un fils tout jeune, nommé Pépin, qui fut pere de trois autres, Bernard, Pépin & Heribord, du second desquels est sortie la Maison de Vermandois, si fatale à la Posterité du Debonnaire. Mais l'inquiet Louïs n'en demeura pas à cette funeste exécution, il fit tondre & renfermer tous ses freres naturels dans des Monasteres & chassa son cousin, Adelar, Abbe de Corbie, avec son frere Wala, qui avoit été Tuteur du Roi Bernard.
En 818, il marcha en personne contre les Bretons & les ayant soumis en 40 jours, il perdit au retour sa femme Hermingalde, qui fut inhumée à Angers, il détrôna peu apres le Roi des Abodrites, ainsi que Loup Centule, Duc des Gascons, qui se retira en Espagne. Au Parlement suivant Berra, Comte de Barcelonne, accusé & receu à se justifier par le combat en champ clos succomba & devant mourir par la Loi fut par commutation de peine envoyé en exil, En 819, l'Empereur passa à de secondes nopces & épousa
Judith, fille de Welse ou Helpon, Duc en Baviere, femme galante & spirituelle* qui s'attacha plutôt à la Royauté qu'à son mari, mais qui fut cause de toutes ses disgraces. En 820, les Sarrazins & les Normands commenCerent à piller la France, l'Isle de Prouin en Poitou fut ravagée par les derniers. En 821, l'Empereur confirma en plein Parlement le partage par lui ci-devant fait de ses Etats entre ses enfans, obligea tous les assistans de promettre l'éxécution ; après quoi il se hâta de les marier & envoya Lothaire à Rome pour recevoir la Couronne Impériale de la main du Pape. En 822, l'Empereur voyant tous les coeurs alienez, effrayé d'ailleurs par les troubles interieurs de sa conscience, s'avisa de se donner lui-même en spectacle a tout le Peuple François, assemblé en Parlement au Palais d'Attigny, il fit sa confession publique entre les mains des Evêques & reçût d'eux la pénitence & la correction avec une humilité & une contrition difficile à rencontrer dans les Moines les plus detachez, &, pour marque éclatante de son repentir, il accorda à tous ses freres cousins & autres parens la liberté de sortir des Cloîtres où il les tenoit renfermez & les rétablit dans tous leurs biens ; il appella même auprès de sa personne ses cousins Adelard & Wala, déclarant qu'il vouloir se gouverner par leurs conseils ; mais au bout de ses demarches, il s'apperçût qu'il n'avoit appaisé personne & quil nen étoit que plus méprisé. Adelard & Wala ne voulurent pas quitter leur Cloître de Corbie. L'an 823 vit naître Charles dernier fils du Roi, au milieu des présages les plus sinistres ; la même annee le Pape, cherchant à secouer le joug de la France fit tuer Théodore, Primicier de l'Eglise & Léon son gendre, par la seule raison de leur attachement à cette Couronne : l'Empereur souffrit cette indignité sans pouvoir se persuader que ce Pape eut part à une action si noire, néanmoins sur les instances qui furent faites à Eugenes II. son Successeur, les François resterent en possession de la justice de la ville de Rome. La guerre s'échauffa violemment en Espagne & les François y firent deux grandes pertes, la premiere de toute la haute Marche, & la seconde d'une grande bataille en laquelle Ebles & Asnar, Généraux de l'Empereur, perdirent la vie & toutes leurs forces. Les Bulgares commencerent alors de se faire connoître ; c'étoient de nouveaux barbares arrivans des éxtremitez de l'Orient, qui se jetterent d'abord sur l'Empire Grec ; leur Roi Amorlag redoutant la puissance Françoise, envoya deux Ambassadeurs à Louis pour le reglement des limites & pour rechercher son amitié ; celui-ci les retint deux ans & les renvoya sans réponse. En 825, Heriold fut tout à sait chassé de Dannemark & l'Empereur, chargé de sa subsistance, lui abandonna une Comté dans la Frise ; l'année suivante les Normands s'étant mis en Mer pour renouveller leurs hostilitez contre la France, furent jettez par les vents sur la Côte d'Espagne, où ils s'emparerent de Sevile qu'ils gardèrent un an ; en Catalogne les affaires allant toûjours de mal en pis Louïs chargea le Roi Pepin son pere d'y rétablir son autorité & d'y conduire une puissante armee, mais il n'en fut rien. En 828 & 829, l'Empereur fit procéder aux Parlemens de ces années-là contre les Seigneurs & Officiers dont la négligence avoit empêché le succès ce entreprise du Roi Pepin & causé la perte de l'Espagne : on fit aussi le procès au Duc de Frioul pour ne sêtre pas opposé au pillage que les Bulgares, irritez du traitement fait a leurs Ambassadeurs, avoient fait en Pannonie ; mais ce qu'il y eut de pus ìmpoitant, c eque dans le dernier de ces Parlemens, l'Empereur cédant aux importunitez de la femme, déclara qu'il donnoit à son fils Charles, la Rethie avec une parrie de la Bourgogne pour son partage ; ses freres du premier lit regarderent cette disposition comme une violation de celui qui avoit été fait en leur faveur, ils s'en plaignirent & des lors tous es mécontens, dont le nombre étoit éxtraordinaire, se joignirent avec eux & abandonnèrent 'Empereur. Impératrice allarmée de cette defection générale, persuada a son man d'appeller auprès de lui Bernard Comte de Barcelonne, de qui la lité étoit, disoit-elle, éprouvée & de lui donner la Charge de Chambrier, dont la principale fonction étoit, en ce tems-là, la garde du Prince ; cette demarche acheva de tout perdre, paque le bruit public etoit que le Comte abusoit de l'Imperatice, de sorte
que le mécontentement général se porta jusqu'à dire que Judith avoit ensorcelé l'Empereur, lequel sans cela n'auroit jamais consenti à sa propre honte & à l'infamie qui se commettoit dans le Palais. En 830, l'orgueil de Bernard, ses familiaritez avec Judith & l'indolence de l'Empereur, qui, pendant ce trouble public, n'étoit occupé que de Monasteres dont il regloit lui-même la conduite, firent un si grand esset, que tout ce qui restoit de Seigneurs à la Cour, s'adresserent en Corps au Roi Pepin, pour l'inviter à venir, en l'absence de ses freres, vanger l'honneur de sa Maison. A cette semonce Pepin s'avança avec des troupes & sur l'avis qu'en reçût l'Empereur il commença par éloigner Bernard, mit sa femme dans un Monastere à Laon & s'avança lui-même jusqu'à Compiegne. Pépin se saisit d'abord de Judith, qui par un artifice merveilleux promit bien plus que le Prince ne demandoit, car elle l'asseura que s'il lui promettoit de lui faire parler en secret à l'Empereur, elle l'engageroit à abdiquer & à se confiner dans un Monastère & qu'à son égard elle consentoit d'y entrer aussi pour y passer le reste de sa vie ; on les aboucha donc & à la sortie de cette entrevûë Louïs se laissa conduire à S. Medard de Soissons pour s'y faire instruire dans la pratique de la vie Monastique. Les choses étant en cet état, Lothaire, fils aîné, arriva, lequel approuva tout ce qui avoit été fait & envoya Judith à Sainte Radegonde de'Poitiers pour y prendre l'habit.
Louïs passa le Printems & l'Eté de cette année 830. dans l'Abbaye de S. Medard, & il y auroit pris l'habit, si les Moines eux-mêmes ne l'en eussent détourné : les Historiens asseurent que dès sa jeunesse il avoit envie de se retirer du monde & d'imiter l'éxemple de son grand oncle Carloman, mais que l'Empereur Charles son pere l'en avoit dissuadé ; il est bien seur à cette fois que la conference que Judith demanda d'avoir secretement avec lui n'avoit eu d'autre but que de lui faire connoître ses avantages dans l'occurrence présente, où si les choses tiroient en longueur, il ne pouvoit manquer par ces deux qualitez de pere & d'Empereur de sortir d'embarras ; qu'ainsi il n'avoit à craindre que sa propre foiblesse & son penchant à la vie Religieuse, contre lequel cette femme le prevint si bien, qu'en quelque éxtremité qu'il se soit trouvé depuis, il n'a pu se resoudre à faire par force ce qu'il auroit fait très-naturellement dans un autre tems ; or entre les Moines de S. Medard, il y en avoit un, nommé Gondebaud, homme rusé & intriguant, qui ne se promit pas moins que le Ministere sur la confiance que l'Empereur avoit prise en lui ; il fit quantité de voyages de la part de Louïs vers ses ensans, sous divers pretextes, mais en effet dans le dessein de désunir les puisnez d'avec Lothaire, à quoi il réussit si bien, que les difficultez ne pouvant être levées sans un Parlement, il fut résolu d'en assembler un ; Lothaire y ayant consenti, insistoit à ce que du moins il fut convoqué en Neustrie, fondé sur ce que sa partie y étoit la plus forte : le pere & les puisnez vouloient au contraire qu'il se tint en Allemagne ; enfin les deux parties convinrent du lieu de Nimegue : là, les causes ayant été discutées, l'entreprise contre Louïs fut condamnée, Lothaire fut obligé de lui demander pardon dans sa tente & de lui abandonner les auteurs de cette espece de sedition ; on proceda ensuite à leur jugement & d'une voix unanime ils furent condamnez à la mort ; les trois enfans séans en jugement avec leur pere, mais celui-ci comme Souverain leur fit grâce de la vie & les condamna seulement à la passer en différens Monastères où ils furent renfermez. La convocation de ce Parlement s'étoit faite avec défenses aux Seigneurs d'emmener avec eux de grands équipages, de peur de donner occasion aux différens partis de soutenir leurs sentimens par les armes, le seul Hilduin, Abbé de S. Denys, contrevint à cette défence & pour punition fut envoyé à la nouvelle Corbie dans le fonds de la Westphalie ; malgré cette précaution, si Lothaire avoit voulu soutenir son parti par les armes, il auroit eu apparemment l'avantage, mais ne voulant pas risquer la derniere disgrace de son pere, il aima mieux se reconcilier avec lui. De Nimegue l'Empereur revint à Aix, où il rappella Judith & ses freres, lesquels on avoit jettez dans des Cou-
vents des le commencement de l'émotion, il ne voulut pas toutefois la reprendre qu'elle ne se fut purgée de l'adultere qui lui étoit imposé ; mais ne s'étant point trouvé de Champion contraire, elle en fut quitte à son serment, le Comte Bernard s'en tira avec la même facilité, c'est à dire, en offrant le combat en champ clos aux accusateurs qui auroient voulu se présenter. Cependant Judith devenuë plus sage ne le voulut point souffrir à la Cour, de sorte que soit par dépit, soit par une dissimulation frauduleuse, il se donna au service du Roi Pépin, qu'il ne cessa de porter à la revolte jusqu'à ce que ce Prince ayant été condamné, comme nous le verrons ci-après, ses Etats furent adjugez à Charles, fils de Judith.
L'année suivante au jour de Pâques, l'Empereur, en mémoire de la douceur & du. sacrifice de Jesus Christ, ce sont les termes des Elistoriens, rappella tous ceux qui, en consequence du jugement précédent, avoient été renfermez dans des Cloîtres, leur rendit la possession de tous leurs biens & pardonna à tout le monde, après quoi il renvoya ses enfans dans leurs Etats, ayant augmenté ceux de Pepin & de Louïs de quelque chose ; toutefois ils n'y retournèrent pas dans de bonnes dispositions & depuis ne lui rendirent jamais de parfaite obéissance. En 832, Pepin ayant été mandé au Parlement, n'arriva que quand il fut fini, le pere mécontent le retint auprès de lui, mais il apprit en meme tems que Louïs remuoit en Allemagne, ce qui l'obligea d'y marcher en diligence ; le fils recula jusques à Ausbourg, d'où l'Empereur le manda pour assister au Parlement de Francfort ; à quoi il satisfit ; d'autre part Pepin retourné en Aquitaine, se disposoit à faire de nouveaux mouvemens, mais l'Empereur le prévint encore & s'étant rendu au Palais de Jogontiac en Limousin, il y assembla le Parlement d'Aquitaine, le fils fut contraint de s'y trouver & les plaintes du pere y ayant été discutées, il fut arrêté prisonnier, mais comme on le conduisoit à Trèves, il s'évada & rentra dans son païs avec les mêmes ou de pires dispositions ; sur cela l'Empereur le fit sommer de se trouver au Parlement général convoqué à Orleans, où n'ayant garde de comparoître, il fut privé du Royaume d'Aquitaine par un jugement solemnel & ce même Royaume à l'instant fut donné à Charles, dernier fils, à la demande de sa mere. Mais quoique cette condamnation ne fut point l'effet d'une volonté arbitraire dans le Souverain, la Nation s'irrita de nouveau à son occasion, on crut que le Moine Gondebauld, qui étoit effectivement devenu le principal Ministre aigrissoit l'Empereur contre ses ensans en faveur de Judith & qu'il n'avoit poussé Pepin à l'éxtremité que pour profiter de sa depouille. La disgrace de celui-ci réunit les trois freres. En 833, Lothaire accompagne de ses deux freres & du Pape Grégoire IV, passa en France avec une puissante armee, dont l'assemblée se fit près de * Barles ; le pere marcha au devant de lui avec une autre armée, toutefois craignant que le Pape ne l'éxcommuniât, il lui envoya des Ambassadeurs pour lui remontrer qu'il s'écarteroit de la regle des Canons, s'il lançoit contre lui des anathemes qu'il n'avoit pas méritez & qu'il s'en retourneroit lui-même éxcommunié par tous les fideles de la Gaule pour une pareille transgression ; mais le Pape parut nêtre venu que pour concilier les affaires & non pour les aigrir, on eut diverges conférences en sa présence, qui furent inutiles, parce que, pendant qu'on traitoit la paix, l'armée de l'Empereur l'abandonna & se joignit à celle de ses enfans : en cet état ce malhûreux pere n'eut d'autre parti à prendre que de se remettre lui-même entre leurs mains ; ce ne fut toutefois qu'après les avoir fait jurer que sa femme & son fils Charles ne perdroient point la vie, ni les membres, de leur consentement. Ils confinerent aussi-tôt Charles dans l'Abbaye de Prouin, sans le faire tondre néanmoins & Judith ut envoyée à Tortone en Italie. La vérité est que selon les regles de ce temslà, son mariage ne valoit rien, étant parente de Louïs au degré prohibé, & cette vérité lui étoit si bien connue qu'elle avoit fait massacrer Frédéric, Evêque d'EJtrech, en vangeance de ce qu'en mangeant un jour à la table de l'Empereur, il prit la génereuse
* Ou Basle.
liberté de lui dire que ce mariage étoit illicite ; cette action la rendit tres-odieuse aux autres Evêques.
Les choses étant en cet état, Louis & Pépin s'en retournèrent dans leurs différens Royaumes, laissant à leur frere aîné la conduite de toute J'affaire, celui-ci mena son pere à Soissons & indiqua une assemblée générale à Compiegne pour le premier jour d'Octobre suivant ; cette assemblée se trouva partagée d'opinions, on convenoit assez de la mauvaise administration du Pere, mais on étoit peu d'accord s*ur la maniéré d'y remédier, de sorte que, pendant qu'on déliberoit, les Factieux, à la tête desquels étoit Elbon, Archevêque de Rheims, & plusieurs autres Prélats, persuadèrent à l'Empereur de se consacrer lui-même à la pénitence sans attendre le jugement de l'Assemblée. L'Empereur se resolut donc à subir cette humiliation & le jour de la cérémonie étant venu, les Evêques se trouverent dans l'Eglise de S. Medard de Soissons, où Louïs ayant été conduit ils lui remontrerent la grandeur des fautes qu'il avoit commises dans le Gouvernement, l'inviterent de s'en repentir & appaiser la colere de Dieu par une serieuse & juste pénitence, le pauvre Prince demanda pour lors à se reconcilier avec Lothaire son fils & avec les Seigneurs qu'il avoit offensez ; cela fait, prosterné sur une haire devant le grand Autel, il declara, comme il étoit écrit dans un papier qu'il tenoit en sa main, qu'il se reconnoissoit coupable des plus grands crimes, premierement, d'avoir violé le serment solemnel qu'il avoit fait à l'Empereur son pere dans l'Eglise devant les Evêques & le peuple François, en consentant à la mort du Roi Bernard son neveu & à la violence qui fut faite alors à ses autres parents ; secondement d'avoir violé le partage fait entre ses enfans pour le bien de la paix & contraint le même Peuple François à faire un autre serment, ce qui étoit un parjure, d'où s'étoient ensuivis toutes sortes de malheurs dans l'Eglise & dans l'Etat. Troisièmement qu'après tant de desordres, il avoit voulu soutenir ses méchantes résolutions par la force & assembler le Peuple François pour s'entre-détruire, dequoi il demandoit à Dieu le pardon & aux Prélats la grâce de pénitence. Cette confession publique étant achevée, le papier sur lequel elle étoit écrite fut porté sur l'Autel par les Evêques, lesquels environnant le pénitent & récitant les prières accoûtumées, lui détâcherent sa ceinture militaire, lui ôterent ses habits séculiers & le revêtirent du sac de pénitence qu'il n'étoit plus permis de quitter. Si l'on fait reflexion à ce qui se passa dans cette occasion, il est aisé de s'appercevoir que les Prélats ne prirent le parti de persuader l'Empereur d'embrasser la pénitence que parce qu'ils avoient lieu de juger que les Seigneurs François assemblez en Parlement ne passeroient jamais à sa déposition, & d'ailleurs le voeu de pénitent faisoit le même effet, suivant la pratique de ce tems-là, puis qu'il éxcluoit généralement de toutes les fonctions & occupations seculieres, comme on le voit par l'exemple du Roi Wamba, l'un des plus illustres des Wisigots.
Toutefois les fuites de cette cérémonie ne répondirent pas à l'esperance des Prélats ; les Laïques s'attendrirent les premiers sur la triste condition d'un Prince qui avoit été & qui étoit effectivement leur Empereur ; la Renommée vola dans les Provinces & tout le monde fut touché d'un fort st malhûreux, de façon que les freres puisnez ne purent refuser leurs offices auprès de Lothaire pour obtenir la liberté de leur pere. Fier de la nouvelle domination, il ne daigna pas seulement leur donner la moindre espérance, ce sorte qu'ils prirent le parti d'armer & marquerent leur rendez-vous près de Paris, parce que Lothaire ayant tiré son pere de Soissons, l'avoit conduit prémierement à Aix la Chapelle, où il passa l'hyver, puis à Compiegne & ensuite renfermé dans l'Abbaye de S. Denys. A l'approche des troupes de Germanie, Lothaire ne se sentant plus assez fort, se retira dans le Dauphiné. Après quoi Louïs se trouvant libre, fut sollicité de reprendre ses habits Impériaux, mais il n'en voulut rien faire qu'après avoir été reconcilié à l'Eglise & dispensé par ce moyen de son engagement à la pénitence ; peu après on lui ramena sa femme & son fils Charles. En 834, Lambert, Comte de Mantes, &
Mainfroy, Comte d’Orleans, remporterent un avantage très-considerable sur les troupes de Pepin, qui tâchant à gagner Paris avec plus de diligence que d’ordre, furent taillées en pièces par les Seigneurs, ils manderent aussi-tôt à Lothaire que sa présence étoit abfolument nécessaire en leurs quartiers & qu’il y avoit lieu d'esperer un parfait rétablissement de ses affaires ; il se mit donc en marche, mais il s’arrêta inconsiderment au siége de Châlons sur Saone, parce que cette ville lui avoit fait refusé les portes ; cette faute gâta tout, car à son avenuë à Orléans, les choses étoient entiérement changées, Pepin avoit amené des forces très-considerables & l'Empereur l’avoit joint avec celles de Germanie. Cependant Lothaire crut qu’en temporisant & négotiant, il pourroit encore débaucher cette armée, comme il l’avoit fait l’année précédente ; le contraire arriva, de sorte que voyant ses troupes prêtes à l’abandonner il eut recours à la clemence de son père, qui le reçût avec un grand faste, assis sur un trône au mi-lieu de ses troupes & le voulut voir prosterné à ses piés ; la fin de cette tragédie fut de renvoyer Lothaire en Italie avec défense d’en sortir, on ferma même les passages des Alpes après lui par de fortes garnifons ; l'Empereur fit ensuite procéder à sa réhabilitation parfaite, la cérémonie s’en fit à Metz, où sept Archevêques lui chanterent d’abord l’un après l’autre sept oraisons expiatoires sur la tête, après quoi ces mêmes Prélats procédèrent contre ceux qui l’avoient mis en pénitence, Ebbon de Rheims ne fit aucune difficulté de renoncer à son siège, il signa librement sa déposition, se destinant à retourner prêcher l’Evangile dans les païs du Nord, comme il avoit fait auparavant, ainsi après ce grand orage Louis se trouva aussi puissant qu’il eut jamais été, mais sa femme qui portoit ses vûës dans l’avenir, étoit peu satisfaite de la prosperité présente, elle ne se fioit, ni à Pepin, ni à Louïs de Germanie & voyoit qu’en effet son fils ne pouvoit avoir de partage qu’à leurs dépens, c’est pourquoi elle entreprit de meriter la protection de Lothaire par des services essentiels ; non seulement elle empêcha l’Empereur de faire aucunes dispositions à son préjudice, mais elle l’engagea à le rappeler auprès de sa personne pour régir l’Empire conjointement avec lui, suivant le titre qu’il lui en avoit conféré il y avoit dix-huit ans ; nous voyons que les Evêques agirent pour la même fin & l’apologie d'Agobard, Archevêque de Lyon, adressée à l’Empereur Louïs, fait connoître que tous les Actes publics étoient inscrits des noms & des années du Regne des Empereurs Louïs & Lothaire Auguste, de forte, dit-il, que quoique le Royaume soit partagé entre ses freres, quant à l'administration, lui seul, aux termes de la disposition paternelle & du ferment de tous les sujets, en doit être reconnu le veritable Souverain, toutefois Lothaire ne pût profiter d'une occasion si favorable ; une maladie épidemique qui desoloit alors l'Italie & qui s'attacha particuliérement à sa Cour, l'attaqua Ici-même & le reduisit à l'extremité ; le celebre Wala, dont il a été tant parlé & qui étoit son Ministre, en mourut alors ; soit que la tendresse paternelle se fut reveillée, soit que Louïs mécontent de la maniere imperieuse dont il traitoit les Eglises & particuliérement de Rome, il voulut lui-m^me passer en Italie, mais il en fut empêché par une furieuse descent de Normands qui brûlerent Anvers & Dorltat en Flandres ; a-près leur retraite il s'occupa à tenir des conseils & à faire des reglemens de police à son ordinaire.
En 837, Lothaire s'étant rendu auprès de son pere, Judith n'oublia rien pour le gagner ; on le laissa maître de la fortune de Charles, on lui declara que l'Empereur lui-même s'en rapportoit à sa generosité, & dans le detail des propositions, on lui offrit de laisser hors de partage tous les païs qu'il ne voudroit point y comprendre ; ce Prince qui étoit naturellement foible, quoique d'ailleur rempli de finesse & de projets, se rendit à des instances si pressantes, il tira du partage l'Ostalie, l'Aquitaine & la Baviere, & quant au surplus, on lui proposa ou d'en faire un partage, auquel cas Charles auroit le choix, ou de souffrir au contraire qu'il le fit se reservant à lui-même le droit de choisir ; il prit ce dernier parti, en conséquence duquel il opta la France Orientale, depuis la
Meuse au delà, laissant l'Occidentaîe, alors connue sous le nom de Neustrie, à Charles qu'il s'engagea par serment de proteger & défendre sans desormais enfreindre cette derniere & finale disposition. En 838, les Normands firent une nouvelle descente en Flandres dans laquelle ils commirent des ravages prodigieux & tuerent en bataille le Comte de Valachie, c'est à dire, de Zelande, qui avoit tenté de les repousser avec les forces du païs, il falut y conduire une armée dans les formes, mais en attendant qu'elle y fut arrivée, ils dépouillerent généralement les Eglises & les habitans de ce qu'ils avoiént, hors les terres qu'ils ne pûrent emporter. La même année vit perir à Lyon un précieux monument des Antiquitez Romaines, qui étoit nommé Forum Veneris, ou Forum Vetus, les auteurs du tems disent qu'il subsistoit depuis le Regne de Trajan. En cette même année 838, le Roi Pepin mourut & fut inhumé à Sainte Radegonde de Poitiers, sa mort fut une nouvelle occasion de querelle & de division ; Judith avec sa feinte douceur & sa modestie ayant d'abord songé aux moyens d'obtenir ce Royaume pour son fils ; si l'on avoit suivi la derniere disposition de Charlemagne, il est certain que Pepin laissant des enfans, il devoit être au choix du Parlement du païs ou den prendre un pour remplir la place du pere, ou de souffrir que le Royaume entier fut partagé, mais Judith n'avoit garde de s'en tenir à cette regle, elle inspira d'abord à son mari une espece de tendresse & de compassion pour ses petits enfans, Pépin, & Charles fils de Pépin, en conséquence de laquelle il les fit venir près de sa personne pour les élever sous ses yeux ; mais quand elle les eut en son pouvoir, elle fit paroître tout à coup un parti pour demander que l'Aquitaine accrut au partage de Charles ; Ebroin Evêque de Poitiers se mit à la tête de cette faction. Toutefois l'Empereur, rigide observateur des formes, voulut assembler un Parlement pour avoir son avis dans une affaire si delicate ; Judith avoit cependant mis bon ordre à tenir sa resolution en suspens jusqu' à cequelle le pût determiner toute feule. En ce Parlement, Emmenon, Comte de Poitiers, avec un nombreux parti, s'attacha aux intérêts du jeune Pepin, aîné des enfans du dernier Roi ; au contraire l'Evêque Ebroin soutint opiniatrément le parti de Charles & en fut recompensé dès ce moment par le don de l'Abbaye de S. Germain des Prez : finalement l'Empereur, sans attention aux conséquences, cédant à l'importunité de sa femme, ajugea l'Aquitaine à Charles & se transporta à Clermont en Auvergne pour lui faire prêter le serment de tous les Peuples & des Grands. En 839, ce Prince tint le Parlement général à Châlons sur Saône, d'où il se rendit à Poitiers pour achever l'ouvrage entrepris en faveur de son puisné. la Chronique de S. Cybar, qui ne sexpliquequen termes simples & fort abrêgez, nous découvre néanmoins les motifs de ce voyage, en nous apprenant que le Comte Emmenon avoit dressé tant de pratiques en faveur du jeune Pepin, que Louïs transporté de colere, le priva de sa Comté & le chassa du païs aussi bien que' son frere Bernard, hac de causa, dit la Chronique, Imperator motus ira Piïïavis venit & inde Emmenonem expulfit & fratre ?n ejus Bernardum ; mais dans le même tems il donna la Comté d'Angoulême à Tirpion, qui étoit leur frere, il les pourvût d'une retraite qui perpétua la guerre plusieurs années dans l'Aquitaine, comme nous le verrons dans la suite à à la place d'Emmenon, l'Empereur disposa de la Comté de Poitiers en faveur de Ranulphe, fils de Gérard, Comte d'Auvergne, duquel sont descendus les Ducs d'Aquitaine, Comtes de Poitou, renommez dans l'Histoire par leur constante fidelité pour la Posterité de Charles le Chauve, il rétablit de même Rutericus à Limoges, Seguin à Bourdeaux & Landry à Xaintes : enfin il ordonna que les monnoyes du païs fussent à l'avenir frappées sous le nom du nouveau Roi Charles, mais comme Louïs travailloit avec plus d'ardeur à ces nouveaux établissemens, il reçut la nouvelle que le Roi de Germanie ayant assemblé toutes ses forces, venoit revendiquer sa part de l'Aquitaine, ou faire couronner son neveu Pépin ; un second Courier lui apporta la nouvelle que toute la France Orientale avoit embrassé le parti de ce Prince, alors la douleur le saisit, prévoyant que ce nouvel orage alloit ruiner la France & sa Postérité ; ce-
pendant comme il étoit nécessaire d'en arrêter les progrès, il gagna diligemment son Palais d'Aix la Chapelle, malgré l'hyver & le carême, il y passa la fête de Pâques, puis se rendit au Parlement qu'il avoit convoqué à Worms & enfin passa jusqu'à Francfort, où, soit que les affaires ne prissent pas le tour qu'il auroit souhaité, soit que la fuite de tant de travaux eut ruiné son temperament, il tomba malade* ce qui l'obligea de se faire rapporter par eau au Palais d'Ingelsheim où il mourut sous les tentes le 20. Juin de l'an 840, après quarante jours de maladie, pendant lesquels il reçût tous les jours la Communion : il entroit dans sa 63. année & finissoit la 27. de son Empire ; son frere naturel, Drogo, Evêque de Metz, prit foin de sa sépulture, & le fit inhumer dans l'Eglise de S. Arnoul, lequel étoit regardé comme le Chef & la Tige de la Maison Royale.
Ainsi finirent dans la douleur & l'amertume le Regne & la vie du second des Empereurs François, Prince, si non digne d'un meilleur sort, du moins digne de quelque compassion ; il fut laborieux, vigilant & sobre, instruit dans la connoissance des belles lettres, parlant & écrivant en Grec & en Latin aussi bien qu'il se pouvoit alors, curieux d'Astronomie comme l'avoit été son pere, & d'ailleurs bien intentionné, liberal & charitable, mais soit qu'avec ses talens il eut naturellement peu de fonds d'esprit, ou que né trop foible ou trop facile il ait suivi à l'aveugle les impressions de sa seconde femme, ou celles des Moines qui dirigeoient sa conscience, lesquels n'avoient que des intérêts particuliers fort separez de ceux de l'Etat, il est certain qu'en peu d'années il a tellement changé la disposition des affaires & avili la gloire de la Monarchie qu'elle n'a jamais pû s'en relever. On est ordinairement attendri sur le sujet de ce Prince par la consideration que ses malheurs ont été causez par les révoltes de ses propres enfans ; toutefois à dire la vérité, quoiqu'en un sens ils soient inéxcusables, il est certain qu'il avoit viole à leur égard les engagemens les plus solemnels & les sermens les plus religieux, outre que fascine par une maraître, il ne cherchoit plus que des prétextes pour les dépouiller & faire passer aux enfans du second lit tous les avantages acquis aux aînez par a oi & par sa propre disposition ; de plus cette marâtre étoit si peu innocente dans l'estime publique que non seulement les plus Grands de l'Etat invitèrent les ensans a venir vanger la honte & la foiblesse de leur pere, mais que les plus saints & les plus capables dentre les Prélats, tels que le Pape Grégoire IX, Agobert de Lyon, Ebbon de Rheims, Bernard de Vienne, Frédéric d'Utrecht & le célébré Wala, soutinrent leur parti avec une infinité d'autres. Enfin les suites de cette entreprise ne devinrent fatales a Louis que par l'entêtement qu'il eut de garder cette femme au préjudice des loix communes de l'Eglise & de son propre honneur, tant il est vrai que les caracteres mols & faciles sont aussi les plus sujets à la prévention & à l'opiniatreté, comme aussi que les grandes disgraces de la fortune arrivent rarement sans que ceux qui les souffrent y ayent donné occasion.
A l'égard du surnom de Débonnaire, que l'on donne à ce Prince dans nôtre langue. semble qu'il répond mal à l'idée que nous en laisse l'histoire de sa vie, & véritablement l'epithete de Pius, que les anciens Historiens lui ont donnée, devoit être renduë pare terme de Dévot, puisquen effet c'est la dévotion qui fait son véritable caractère devotion toute ois bien différente de la debonnaireté, puis que nous avons vû que tant que ce rince a été hûreux, il ne s'est signalé que par une sévérité éxtraordinaire & par des éxécutions si peu attendues, qu'ayant irrité tout le monde il fit revivre à son égard la maxime que l'on ne sauroit trop offenser un Prince qui fait profession de ne rien pardonner, il est vrai que dans ses disgraces, il souffert avec resignation les plus étranges humiliations, mais est-ce là ce qu'il faut appeller Pieté, dans un Grand Prince ? N'estce pas plûtôt une devotion basse & monachale, qui, loin d'être louable en sa personne, lui a attiré un juste mépris ? Je distinguerai donc à cette occasion la pieté de la simple devotion, & je dirai que s, la premiere est toûjours une vertu plus recommendable &
plus nécessaire encore dans les Princes que dans les autres hommes, puis qu'elle forme une source de bonté, de justice & de compassion qui s'étend à proportion de leur élevation, la seconde n'est le plus souvent que l'effet d'un caprice ou d'un tempérament bizarre, ou d'un défaut essentiel dans la constitution de l'esprit, qui le rend sujet à une aveucrle crédulité ou'à une soumission superstitieuse & deshonorante ; ainsi nous pouvons dire sur cet éxemple que c'est un grand malheur pour les Peuples à qui la Providence destine des Rois d'un tel caractère, fussent-ils les enfans du plus Grand Monarque du Monde, comme celui-ci.
LOTHAIRE ; troisième Empereur, Louïs & CHARLES, Rois.
LOTHAIRE.
y 'EMPEREUR Louis étant au lit de mort envoya son épée, sa couronne & son sceptre à son fils aîné Lothaire, lui recommandant, comme à l'heritier de sa puissance, la protection de Charles son dernier fils & le conjurant de le lasser jouïr du partage qu'il lui avoit lui-même accorde, mais ce Prince rempli de projets ambitieux, songeoit alors à rien moins qu'à l'union avec ses freres, prétendant au contraire rétablir l'Empire dans son integrité, il crut pouvoir en user avec eux de même que Pepin & Charlemagne ses ayeux avoient fait a l'égard de leurs Collateraux, & dans le fonds si la guerre entreprise dans cette occasion par Lothaire n'avoit eu dautre objet que le rétablissement de la dignité & de l'autorité de l'Empire dans l'étenduë que Charlemagne avoit transmise à Louis son fils & que celui-ci étoit engage de donner a Lothaire même, il semble qu'elle n'auroit eu rien que de juste, puis qu'on ne pouvoit diviser la Monarchie & partager l'autorité suprême sans ruiner réellement l'Empire François ; mais Lothaire naturellement plein de ruses & de finesses, se défiant de la soumission de ses freres, contesta leur Royauté, voulut contester l'étenduë de leur partage, espera de les tromper & de les détruire l'un après l'autre & par des motifs si peu convenables à sa Dignité & au courage qu'il devoit avoir, il acheva la ruine que son pere avoit commencée, ayant manque comme lui de fermeté, soit pour se soumettre à la justice contre son inclination, soit pour faire triompher son injustice dans les occasions qu'il eut d'accabler les freres & de les perdre sans ressource ; c'est ainsi que tous les Princes ambitieux & qui n'ont point d'ailleurs l'ame assez forte pour consommer le dessein que leur propre conscience condamne, causent à leurs Peuples des maux irreparables & perdent le plus souvent ce qu'ils auroient pu conserver d'un consentement général, mais le coeur de l'homme a ce défaut commun de ne pouvoir être ni bon ni méchant & de n'être jamais d'accord avec lui-même dans le choix d'un terme à sa conduite. Lothaire, sur la nouvelle de la mort de son pere, envoya d'abord en France plusieurs Messagers pour y annoncer sa venue avec des promesses en faveur de ceux qui l'y recevroient comme véritable Successeur à l'Empire & à la Monarchie ; & des menaces contre ceux qui sous pretexte des partages faits entre les freres voudroient examiner ou conteter son droit ; il partit lui-même d'Italie peu après avec une grosse armée & quand il fut en pleine marche il envoya des ordres à tous ceux de son parti de le venir joindre en Bourgogne, où il esperoit faire commodément subsister ses troupes ; de Bourgogne il passa néanmoins à Worms où son pere avoit laissé une armée qu'il vouloit joindre à la sienne ; puis il se rendit à Francfort où étant prêt à livrer combat à Louis de Germanie ; son srere appréhendant le sort d'une bataille
& l'effusion du sang Chrêtien, il fit avec lui une trève pour durer jusqu'au mois de N vembre lors prochain, auquel tems ils devoient se trouver au même lieu pour terminer leurs différens à l'amiable, ou les decider par le fort des armes. D'autre côté, Charles étoit à Bourges où il negocioit avec le jeune Roi Pepin pendant que celui-ci l'amusoit & qu'il s'asseuroit de la protection de Lothaire, Charles n'ayant aussi pas moins d'empressement pour l'obtenir, lui envoya des ambassadeurs, du nombre desquels fut Nitard, qui a écrit l'histoire de ces divisions civiles, chargez de lui offrir une entiere soumission, mais l'incertitude naturelle de Lothaire l'empêcha de prendre un parti décisif, il répondit d'une maniéré si peu certaine, que Charles ayant jugé qu'il étoit tems de prendre des mesures pour sa défense marcha aussi-tôt en Neustrie, où il s'asseura du païs, puis il s'achemina soudainement en Aquitaine sur la nouvelle que sa mere y couroit risque d'y être enlevée par le jeune Pepin, ce qu'il fit si à propos qu'il gagna une grande bataille contre lui, mais pendant cela la trame que Lothaire avoit conduite avec beaucoup d'art vint à se decouvrir par la declaration du Royaume de Neustrie, en sa faveur de laquelle Hilduin Abbé de S. Denys, Gérard Comte de Paris & Pepin fils de Bernard Roi d'Italie furent les premiers auteurs.
Alors Charles par le conseil de sa mere & des Seigneurs de son parti, se resolut à une action de vigueur, jugeant que Lothaire l'accableroit infailliblement par voye de negociations : il assembla donc une armée telle qu'il put & marcha contre lui, de forte qu'ils se trouverent bien-tôt à six lieuës l'un de l'autre, la ville d'Orléans entre deux ; cependant les Seigneurs des deux partis remirent encore les différens de leurs Princes en negociations & ils convinrent d'un partage conditionel, par lequel la portion de Charles fut reduite à la feule Aquitaine avec l'augmentation du Languedoc & de la Provence & de quelques Comtez entre la Loire & la Seine : la decision générale étant envoyée au Parlement Général qui devoit se tenir à Attigny ; mais par un article particulier, Lothaire s'engagea de ne point attaquer le Roi Louïs de Germanie, sous peine de nullité du Traite, précaution qui servit depuis à Charles de moyen & de motif pour s'unir étroitement à Louïs & pour élever sa fortune au dessus des premieres esperances, comme nous le verrons ci-après. En 841, Charles fut d'abord en Bretagne pour arrêter les courses que les Peuples de ce païs-là faisoient dans le Maine & dans l'Anjou, voulant ensuite gagner Attigny, il trouva avec surprise que Lothaire lui en avoit fermé les passages, rompant les Ponts de la Seine & faisant garder les guez par les troupes ; alors il prit le parti de descendre le long de cette riviere jusqu'à son embouchure & il y trouva par bonheur deux batteaux dont les officiers de Lothaire avoient négligé de se saisir ; au moyen desquels il entra dans le païs de Caux avec une armée, où Lothaire n'en avoit point à lui opposer ; d'autre part Louïs de Germanie arrivoit avec une autre puissante armée dans l'intention de se joindre à Charles & d'abréger ainsi les délibérations d'un Parlement, qu'ils sçavoient leur devoir être contraire, n'étant composé que des mêmes Nëustriens qui venoient récemment d'embrasser le parti de leur aîné.
Un autre que Lothaire n'auroit pas été embarassé dans cette occurrence, mais il sçût se servir si a propos de son talent pour gagner les esprits, qu'en peu de jours il amassa assez de troupes pour se trouver en état de courir au plus pressé. Othbert Archevêque e ayence & Albert Comte de Metz lui rendirent de signalez services en cette occasion, il marcha donc au devant de Louïs de Germanie & dès qu'ils furent en présence ayant remis les affaires en négociation, l'armée de Louïs l'abandonna & se joignit à Lothaire ; ainsi le premier fut reduit à se sauver, sans perdre tems, en Bavierre, où son rem lauioit bien-tôt accablé s'il l'eut poursuivi ; mais, aussi incapable de mettre une entreprise a fin, qu'il étoit habile à se tirer des mauvais pas, il s'imagina qu'il deviendroit plus aisément à bout de Charles par les mêmes moyens ; c'est pourquoi ayant laissé le Comte de Metz en Allemagne pous s'opposer à Louïs, s'il lui prenoit envie de revenir sur le Rhm, il se rapprocha de Paris, pendant que Louïs ayant promtement refait
une armée, vint attaquer le Comte & le battit, de sorte qu'il eut ensuite toute la facilité qu'il desiroit d'entrer en Neustrie & de s'y joindre au Roi Charles, selon le premier projet. Celui-ci de son côté remonta le long de la Seine pour s'approcher de l'Aquitaine, dont il attendoit de nouveaux secours, il fut joint en effet à Montereau par trois de ses Comtes, qui lui amenerent quelques troupes, & à Châlons sur Saonne, par sa mere, qui lui en amena d'autres –, enfin ayant appris les avantages remportez par Louïs de Germanie, lequel après avoir renversé tout ce qui se trouvoit à son passage, cherchoit à le joindre par de nombreuses forces, il marcha à sa rencontre, & après la jonction ils allerent ensemble chercher Lothaire, celui-ci les amusa par de nouvelles negociations, jusques à ce qu'il eut été joint par son neveu le Roi Pepin, alors chaque parti se trouvant en sa force, Louïs & Charles n'ayant pû obtenir de Lothaire des conditions auxquelles ils avoient voulu se restraindre, savoir, de la part de Louïs de borner son Royaume au Rhin ; & de la part de Charles, de borner le sien à la forêt Charbonniere, ils lui donnerent le combat au 25. de Juin, ou le 7. des Calendes de Juillet de cette année 841 : C'est uné époque d'autant plus remarquable que tout ce qu'il y avoit alors de forces Françoises assemblées auprès des quatre Rois, y périrent entièrement ; il y eut plus de 100000 morts sur la place, & l'on peut dire que, depuis ce jour, la Monarchie, dénuée de son véritable appui, ne fit plus que ramper dans les divisions & l'ignominie. Cet évenement arriva, comme l'on sçait, à Fontenay, à l'éxtremité de la Champagne du côté d'Auxerre, mais il est difficile de determiner si ce fut à Fontenay proche de Chably, comme on le croit communément, ou si ce fut un autre Fontenay proche de Coulanges : Nitard, qui est le seul Auteur auquel on s'en puisse rapporter, dit que la bataille se donna sur une riviere qu'il nomme Riuda Burgundionum, il parle aussi d'un marais qui séparoit les deux camps, d'une hauteur qui dominoit à celui de Lothaire & de quatre postes principaux, où camperent les jeunes freres, Fauria, Brittis, Fagit & Solemnat, desquels lieux on ne decouvre que des vestiges équivoques, dans les environs de Chablis. Quoiqu'il en soit, Louïs & Charles ayant été renversez & battus avec un extrème carnage, dans le commencement du combat, virent subitement rétablir leurs affaires, & revenir la victoire qui les avoit abandonnez, à l'arrivée de l'armée de Provence & de Languedoc, commandé par le Duc Guerin, lequel se déclara pour eux, Innumera strage peractâ, dit la Chronique, victor extitit Lotharius ; sed subito Warinus Dux cum Provincianis & Bholofanis supervenìens, super Lotharium irruit & ingravatum es proelìum, fugatusque & vittus est Lotharius. Ainsi ses jeunes freres obtinrent une entiere victoire sur leur aîné & n'en tirèrent cependant aucun avantage réel, parce que l'éducation qu'ils avoient reçûë, ramenant tous leurs sentimens à la pratique de quelques oeuvres de surerogation, ou plûtôt à des voeux qu'à de justes actions, touchez d'ailleurs par le desastre de la Nation qu'ils pouvoient en effet regarder comme le leur propre, ils ne songerent qu'à célébrer des Processions, des Jeûnes & des Litanies pour éxpier le courroux du ciel & le flêchir sur l'état de tant de morts ; soins non pas inutiles, mais bien plus aisez à prendre, que de regler des désirs immoderez. Les freres s'étant ensuite separez, Lothaire, qui eut le tems de réparer ses forces, tomba si vivement sur Charles à la fin de l'année, qu'il fut reduit à se sauver dans les forêts de la Province du Perche, où Lothaire manqua de nouveau à l'accabler.
En 842, les deux freres se trouverent dès le mois de Fevrier à Strasbourg, où ils renouvellerent leurs alliances, & l'on a encore les formulaires de leurs sermens dans les deux langues qui divisoient alors la Domination, le Romance & le Tudesque, ils mirent ensuite leurs forces en campagne ; Lothaire se trouvant le plus foible, céda la partie & se retira vers Lyon, abandonnant l'Austrasie & la Bourgogne : les jeunes freres pour profiter de l'occurrence, assemblèrent aussi-tôt les Evêques de leur parti à Aix la Chapelle, où par un emportement presque incroyable, ils privèrent l'Empereur Lothaire de sa part en deça les Monts : Nitard, -qui a rapporté la procedure de ce prétendu juge-
ment, est un témoin oculaire & non suspect ; de la bassesse des Princes qui le solliciterent & de l'oubli de leur dignité dans lequel ils étoient tombez, puis que sous prétexte de ne point attenter par cupidité à la part que leur frere aîné devoit posséder dans la Monarchie, ils se laisserent déshonorer par un Clergé rebelle & insolent qui osa dresser un catalogue infamant des fautes de son Souverain, après quoi il prononça un jugement de destitution contre lui, avec mandement aux freres puisnez d'occuper ses Etats pour les gouverner selon la Loi de Dieu, c'est à dire, dans la dependance du même Clergé. L'Histoire ne rapporte à mon sens aucun trait plus injurieux que celui-là à la memoire des Princes qui y donnerent occasion, ni de plus odieux pour celle des Prélats qui formerent une telle décision : Ergo, ce sont les termes du Décret, omnibus Episcopis visum est unanimiter, atque consentiunt quòd, ob suam nequitiam, vin di Ela Dei illum (Lotharium scilicet) ejecerit, regnumque suis fratribus melioribus se ad regendum tradiderit Nitard ajoute que ces Prélats ne consentirent pas néanmoins que les freres occupassent les Etats de Lothaire, sans etre asseurez de leurs volontez pour le Gouvernement. Nec tamen illis hanc licentiam dedêre donec palam illos percunctati sunt utrum Regnum per vestigia sratris ejeEli, an secundum voluntatem Dei, regere voluissent ? A quoi ayant humblement répondu, les Eveques prononcèrent : Atque autoritate divinâ ut illud suscipiatis & secundum Dei voluntatem regatis monemus, hortamur atque praecipimus. Voilà donc cette Couronne que Charlemagne avoit fait prendre a son fils sur l'Autel pour marque de son indépendance, en la disposition des Prélats que Nitard dit avoir été des gens de rien ; ou plutôt voilà quel fut le terme de cette dévotion basse & rampante, destituée de courage & d' honneur que Louïs le Débonnaire avoit inspirée a ses enfans, après l'avoir pratiquée lui-même.
Il est difficile de decider si ce coup obligea Lothaire de consentir à la paix de bonne foi, ou si ce fut plutôt l'épuisement de ses forces. Quoiqu'il en soit, il demanda une conférence avec ses freres, lesquels y donnerent aussi-tôt les mains ; ils s'assemblerent donc tous trois dans une Isle de la Saonne, près de Mâcon, chacun avec quarante Seigneurs de fuite, & il y fut conclu que la Domination Françoise, non comprises l'Italie, la Bavière & l'Aquitaine, seroit divisée en trois parties par les 120 Seigneurs présens & pour faire ce partage, on convint d'une trêve & que les Arbitres s'assembleroient à Metz, doù ils passerent à Coblentz & finalement à Thionville, où l'accord fut reglé & juré entre les mains des Evêques. La Germanie jusqu'au Rhin fut le partage de Louïs ; la Gaule, depuis le Rhin jusques à la Meuse, l'Escaut & la Saonne avec le Dauphiné & la Provence, celui de Lothaire ; & la France, telle à peu près qu'elle est à présent, comprenant la Neustrie & l'Aquitaine, fut ajugée à Charles, nonobstant les droits du jeune Pépin mais il appella de ce jugement à son épée & se maintint encore long tems, ma gre les forces de son oncle, ayant commencé à gagner une grande bataille contre es Genéraux dès l'année suivante 844, en laquelle Ebrouin de Poitiers, le plus g an ennemi de Pepin, demeura prisonnier, ce fut aussi en cette année que Charles fit massacrer le Comte Bernard, autrefois partisan zêlé de sa mere ; pour ne rien dire de pus, a ion qui lui fit peu d'honneur, quoique ce Comte fut au moins coupable de s'être menagé contre lui & le jeune Pepin, au delà des termes où le peut faire un sujet.
CHARLES II. dit le Chauve, Roi de France.
CHARLES. II
AU reste, le partage de la Monarchie rendit enfin la paix tant desirée, mais loin de la relever, il lui donna le coup mortel en divisant les Peuples qui la composoient & formant des Royaumes distincts, qui ne se sont jamais réunis. Pendant ces divisions domestiques, les Normands entrerent en France de toutes parts, ils s'attacherent d'abord à la Gascogne, comme au païs le plus éloigné, ils ruinèrent Bazas, Leictour, Dax, Tarbes, Labour, Oleron, l'Escars, mais ils manquerent la ville de Bourdeaux : ils descendirent pareillement en Neustrie sous la conduite de Hogeric & d'Ogier ; brûlerent Rouën, après l'avoir pillée, ainsi que les Abbayes de Jumiegues, de Fontenelles, de Fescamps, de Montivillers & tous les lieux en général à certaine distance de la Mer. On remarqua alors que les divisions publiques ayant passé dans les conditions particulieres, il se trouva des hommes si passionnez, que non seulement pour se vanger de leurs ennemis, ils servirent de guides aux Barbares qui, par l'ignorance des lieux, n'oioient auparavant s'engager dans les terres ; mais que pour de l'argent ils leur vendirent des armes & des chevaux par le moyen desquels ils devinrent plus hardis aux entreprises & plus difficiles à repousser, de forte qu'il falut par ordonnance publique reprimer cette intelligence avec les Normands & décerner les peines les plus rigoureuses contre ceux qui leur donneroient ou des armes ou d'autres secours. La Bretagne ne fut pas épargnée, non plus que les autres Provinces ; Lambert, Comte de Nantes, que le Roi Charles avoit voulu déposséder, appella les Normands, ils surprirent la ville pendant la messe, le jour de S. Jean Baptiste, tuerent l'Evêque à l'Autel, & après avoir desolé & pillé tous les environs, en laisserent la possession au perfide Lambert. En 845, Hasting & Bier, dit Côte de fer, conduisirent une flotte de Normands qui ayant remonté la Seine jusqu'à Paris, qu'ils ne purent prendre, pillèrent l'Abbaye de S. Germain des Prez, détruisirent la ville de Melun & ravagèrent généralement le Païs à droite & à gauche sans résistance –, le Roi Charles en cette éxtremité leur offrit de l'argent pour racheter ce qui restoit, ils s'en firent donner 7000 livres pesant, ou 14000 marcs, & en se retirant pillerent toute la Picardie, la Flandres, la Frise & finirent par la ville de Hambourg.
Véritablement le Royaume de Charles étoit alors dans une éxtreme désolation. L'Aquitaine étoit entièrement passée au pouvoir de Pepin, la Neustrie occupée & ravagée de toutes parts par les courses des Normands, les Armoriques soulevées sous la conduite de Néomene, lequel étoit un ennemi si terrible qu'il défit cette année même à plate couture le Roi Charles & toutes ses forces & lui fit courir un éxtrème danger de sa personne, mais le pire de tous les malheurs étoit la haine & le mépris que l'on commençoit à concevoir pour le Prince qui se faisoit connoître pour le plus factieux, le plus avide & le moins fidele de ses freres. Dans le même tems l'absence de Lothaire ayant denué l'Italie de forces, les Ducs de Benevent & de Capouë oserent non seulement se faire une guerre particuliere avec les sujets de leurs Duchez, au mépris du jeune Louïs, fils aîné de l'Empereur, mais ils appellerent à leur secours l'un les Sarrazins d'Espagne & l'autre ceux de l'Isle de Sardaigne, les uns & les autres s'établirent également dans le païs & le desolerent vingt ans durant, sans résistance. En 846, ils s'avancerent jusqu'à Rome, pillèrent le Bourg & l'Eglise de S. Pierre & enleverent l'immense trésor qui y étoit conservé, mais les vaisseaux sur lesquels ils l'envoyerent en Afrique, périrent tous généralement. Cette irruption donna depuis occasion au Pape Leon IV. d'enfermer ce quartier de murs & de le peupler de Corses, que ces mêmes Sar-
razins avoient chassé de leur Isle. En 848, ses Normands surprirent Bourdeaux par la trahison des Juifs, ils y firent un butin prodigieux & des ravages cruels dans tous l environs ; la foiblesse de la France étoit telle qu'on ne pût jamais amasser assez de troupes pour les en chasser, de forte qu'ils en firent long teins leur Place-d'armes.
En 850, plusieurs Seigneurs d'Aquitaine, qui haïssoient les mauvaises moeurs du Roi Pépin appelerent Charles, le reçûrent dans Limoges & l'accompagnèrent au Siège de Toulouse, mais dès qu'il fut retourné en Neustrie, ils se raccommodèrent avec Pépin. L'année suivante, il se tint un Parlement général sur les bords de la Meuse, où les trois freres se virent & renouvellerent le serment de paix & de secours mutuel, mais les Normands pendant ce tems-là entrerent dans la Seine, firent à droite & à gauche les ravages accoutumez, prirent, pillerent & brulerent la ville de Beauvais. Ainsi l'on delibérait, lors qu'il étoit question de se défendre contre les plus barbares ennemis qui furent jamais, & les Princes qui avoient immolé tant de sang François à leur intérêt particulier, ne songeoient pas seulement à en éxposer une goute du leur, pour le salut public, dans une désolation si générale. En 852, le malhûreux Roi Pépin fut arrêté & livré à Charles, qui le confina dans l'Abbaye de S. Medard de Soissons, comme il avoit peu auparavant renfermé Charles son frere a Corbie ; mais le Germanique l'en tira pour l'élever à l'Archevêché de Mayence, après la mort de Rhaban ; toutefois Pepin sévada & dans son desespoir se joignit aux Normands, action qui le rendit encore plus odieux, sur tout aux Ecclésiastiques à qui cette Nation faisoit principalement la guerre, il fut enfin repris une seconde fois & enfermé pour toûjours dans le Château de Senlis ; car on ne pût le persuader de reprendre l'habit Monacal ; ou plûtôt l'Archevêque de Rheims, Hincmar, consulté sur ce qu'il en faloit faire, jugea qu'il devoit être soumis à la penitence avant de l'engager dans la Clericature, & il mourut dans l' intervalle. Telle fut la fin d'un Prince né avec un grand courage, une beauté singuliere de visage & divers talens qui toutefois ne pûrent flêchir la fortune : la corruption de ses moeurs lui suscita beaucoup d'ennemis, mais il ne fut pas moins aimé que haï, en for¬te que sa prison, ni sa mort, n'éteignirent point si absolument son parti, que les restes n'ayent fait beaucoup de peine à Charles & à sa Postérité.
En cette même année 852, les Normands étant remontez par l'embouchure de la Loire, brûlerent toutes les Villes assises sur ses bords jusques à Tours, où ils pillerent les richesses infimes du Tombeau de S. Martin ; cependant Charles se trouvant maître de l'Aquitaine y prit sa revenge contre l'ancien Parti de Pepin, qui lui avoit été si oppose, il fit mourir plusieurs Seigneurs & mécontenta tellement tous les autres, qu'ils deputerent au Germanique pour lui demander un de ses enfans pour Roi ; ce Prince choisìt LOUIS, le second d'entr eux, qu'il fit aussi-tôt partir sur cette legere esperance ; mais outre que le nouveau Roi d'Aquitaine ne s'accommodoit point de l'air du Païs, es Seigneurs se ménagerent tellement à son égard, qu'il parut qu'ils avoient dessein de rentier sous leur premier joug ; de sorte que Louïs s'en retourna ; toutefois Charles n'en fut pas moins offensé, & pour se mettre à couvert de pareilles recidives, il s'unit à Lochaire plus fortement qu'auparavant : Louïs de sa part en conçût tant d'ombrage, qu'il refusa a de le rendre au Parlement général de Liége, qui se tint l'an 854. Lothaire toute ois n avoit gar e de lui nuire, puis que dégouté des affaires du monde, il n'y parut que pour resigner la Couionne Impériale à son fils aîné Louïs, & faire le partage de ses autres Etats entre Lothaire & Charles, ses autres enfans : il se retira aussi-tôt dans l'abbaye Pruin & y mourut peu de mois après y avoir pris l'habit. Cet événement changea tout à fait la disposition des affaires, en ce que les vieux oncles se persuadant qui'ls pourroient se servir de leurs jeunes neveux chacun à leur avantage & peut-petre même mettre la main sur quelqu'un de leurs Etats, s'empresserent de les gagner, Lothaire, le second d'entr'eux, s'attacha à Charles le Chauve, mais l'Empereur Louïs, plus juste connoisseur, préfera l'amitié du Germanique, En effet, Charles étoit
universellement haï & meprisé au point que les Grands de Neustrie ne pouvant plus supporter son Gouvernement, deputerent vers le Germanique pour lui offrir la Couronne, aux charges néanmoins qu'il voulut regner avec équité & défendre le Païs que Charles abandonnoit aux Barbares : Au reste, leur desespoir paroissoit tel qu'ils menaçoient d'appeller les Instdelles, si Louïs méprisoit leurs justes plaintes.
Les reproches que les Neustriens faisoient à Charles rouloient sur son peu de foi & de courage, sur la préférence qu'il donnoit aux personnes de basse condition, sur la violation perpetuelle des droits des particuliers, sur le pillage universel des Provinces, enfin sur sa nonchalance à repousser les Normands, qui le faisoit soupçonner d'intelligence avec eux ; pour lui il se plaignoit de leur, lâcheté, de leur négligence à fournir les troupes necessaires pour faire des entreprises utiles & du peu de fidélité qu'ils lui gardoient ; ce qui l'obligeoit à se faire de nouvelles créatures. La fin de ces aigreurs reciproques fut que pendant que Charles étoit allé sur les frontières d'Anjou pour repousser les Bretons, Louïs se rendit au Palais de Pontegou, où il reçut l'hommage de la plupart des Seigneurs & se fit couronner à Sens, après quoi il indiqua un Parlement général a Attigny ; Wenelon Archevêque de Sens, que Charles avoit tiré de la plus basse fortune, fut le plus zêlé Promoteur de cette défection, laquelle fut si générale que l'armée même de Charles l'abandonna. Toutefois cette revolution ne dura pas ; les Neustriens ne s'accommodèrent pas des moeurs dures & rudes du Germanique, de sorte que forte que pour mieux faire leur paix avec Charles, ils complotteient de sen saisir, ce qui étoit d'autant plus facile que Louïs, pour ne point surcharger le Païs & pour plus grande marque de confiance, n'avoit garde aucune de ses troupes avec lui, cependant ayant eu quelque soupçon de la perfidie qu'on lui vouloit faire, il se retira habilement du péril & regagna ses propres Etats : cela arriva en 856 & 857. En l'année suivante, le Chauve & le jeune Lothaire, après quelques contestations qui survinrent entr'eux au sujet du Royaume de Provence, qui vint à vacquer par la mort de Charles, le dernier des trois fils de l'Empereur Lothaire, & duquel le Roi d'Austrasie s'empara, malgré le droit de son aîné ; ces Princes setant unis de nouveau par des sermens mutuels, assemblerent leurs Evêques en la Ville de Metz, & il y fut résolu par délibération d'envoyer sommer Louis de Germanie de reparer le tort par lui fait à son frere sans y nvon été provoqué & d'assister pour cet effet à un Parlement général, où la cause scroit discutée. Louïs répondit qu'il n'avoit rien entrepris que par le conseil des Evêques, & qu'il étoit bien aise d'avoir leurs avis avant que de faire une plus ample réponse : on convint donc d'assembler un Concile à Savonieres au Fauxbourg de la Ville de Toul pour le mois de Juin de cette année 859. Cette assemblée travailla à la réünion des Princes & en vint hûreusement a bout, mais ce qui la rend tres-singuliere, est la requête que Charles le Chauve y présenta contre l'Archevêque de Sens, dans laquelle il expose ce qu'a peine pouvons-nous croire aujourd'hui, sçavoir qu ayant reçu la Couronne par la consecration des Evêques, il n'en a pu être privé du moins sans leur jugement : c'est pourquoi Wenelon n'avoit pû faire ferment à un autre Roi sans se rendre coupable de parjure & de trahison. Aequâ confieratione vel regni sublimitate supplantari v'el projici à nullo debuefam, saltem sine accidentia £5 ? judicio episcoporum, quoi uni ministe ? 10 in regem sum consecratus, quorum paternis correptionibus & castigatoriis judiciis me subdere fui paratus & in prcese.nti sum subddtus. Le Concile étoit trop flatté par cette reconnoissance, pour ne pas accorder quelque choie a un tel suppliant, il nomma donc quatre Metropolitains pour l'instruction du procès & Charles parut s'en contenter.
En 861, le Prince donna le gouvernement de la Marche de France contre les Normands & les Bretons, à Robert surnomme le Fort, que les uns disent avoir été de Race Saxonne & même petit fils de Witikind ; lesautrès, d'une branene puisnée de la Maison Royale ; cet Emploi, le plus important qui pût être commis à un sujet, s'étendoit sur toute la côte maritime de la Neustrie, où il donnoit le commandement des armes & la
disposition des Charges militaires : Quelques-uns ajoutent, avec peu d'apparence, que C le Chauve y joignit le droit d'heredité ; il est du moins certain que ce Marquisat, au quel la Duché de France & le Comté de Paris fut réuni quelque tems après, fut le premier degré qui conduisit au trône la posterité de ce Robert, précisément au quatrième degré de succession, comme nous le verrons ci-après. Il y avoit déja un autre Marquisat à l'éxtremité du Royaume établi contre les Sarrazins, duquel le fameux Bernard de Barcelonne avoit été investi par la faveur de Judith mere du Chauve, sous le titre du Marquisat ou Duché de Gothie ou de Septimanie : les Comtes ou Gouverneurs de Provence prirent aussi le même titre de Marquis, à cause des guerres qu'ils eurent à soutenir contre les Sarrazins des Alpes ; & à cetéxemple l'Italie & l'Allemagne produisirent aussi de pareilles dignitez. En 862, Beaudouin Comte de Flandres eut la témérité d'enlever Judith fille du Chauve & veuve d'un Roi d'Angleterre : ce Prince en fut vivement offensé, il envoya des Troupes contre le Ravisseur, mais cette voye n'ayant pas réussi, il porta sa plainte au Pape, lequel par sa puissance spirituelle obligea Beaudouin & Judith de se rendre à Rome, où, après les avoir entendus, il se rendit le Mediateur de leur reconciliation avec le Roi. Dans le même tems, le jeune Lothaire d'Austrasie qui étoit devenu amoureux de Waldrade, se fit separer de la Reine Tiedberge sa femme, par un Concile, & l'épousa : cette affaire devint dans la fuite si con. siderable, à cause de la protection que le Pape accorda à Tiedberge contre la décision des Evêques François, qu'elle est regardée aujourd'hui comme l'un des grands événemens de l'PIistoire Ecclésiastique. Quant à nous, il surfit de sçavoir que Lothaire fut contraint de reprendre sa femme, quoiqu'il n'eut jamais cesse de la maltraiter, sur le pretexte des familiarisez qu'elle avoit euës avec le Duc Hubert, son propre frere, avant son mariage ; quelques-uns disent qu'elle les avoit avouées, mais les Annales de S. Bernard portent que Lothaire la vouloit contraindre, ut ipsa confiteretur coram episcopis fratrem suum Hubertum sibi Sodomitico scelere fuijse commixtum. Hubert outré de ces repioches sétant révolté pensa ruiner Lothaire ; il fut enfin tué dans une bataille que Conrard de Stralingée lui livra en 865, éxploit qui éleva tellement ce Conrard, que lui-même & ses enfans se rendirent maîtres de la Transjuranne & y établirent un Royaume qui sétendit enfin sur toute la Bourgogne comme nous le verrons plus bas.
En l'année 864, 25. du Regne du Chauve, il assembla le Parlement de Neustrie au lieu de Pissy sur la Seine précisément où les Rivieres d'Eure & d'Andelle y joignent leurs eaux, lieu qui devint encore plus celebre dans la fuite par le long séjour que les Normands y firent sous la conduite de leur premier Duc Roolt, qui charmé de sa situation lui imposa son propre nom, Vallis Rollonis, d'où s'est formé celui de Wal de Rool & par corruption celui de Vaudreuil ; ce fut dans cette Assemblée que fut dressé le fameux Edit qui porte datte du 24. Juin, 7. des Calendes de Juillet, Indiction 12. de Jesus Christ. Entre les Statuts & reglemens qui y sont contenus, on trouve d'abord sept Capituls qui recommandent l'ordre & la manutention de la justice que le Prince remit toute entiere entre les mains des Evêques, enjoignant aux Comtes Provinciaux, aux Vicaires & aux Commissaires, Mijsi Dominici, de leur donner toute forte d'assistance pour la punition des coupables, sçavoir les amendes pour les personnes libres & le fouet pour tous les autres, réglé à 60 coups de verge qui doivent être donnez sur a chair nuë d'une maniere qui puisse corriger ceux qui sont tombez, sans les estropier, ni les rendre sujets à l'infamie. Les Capituls suivans jusqu'au 19. établissent. un nouvel ordre pour la monoye, sçavoir le décri général des anciennes especes, après la Messe du jour de S. Martin lors prochain, avec défenses de refuser les mêmes anciennes especes jusques au jour du decri général, ils fixent pareillement les lieux où seront à l'avenri établies les fabriques des monnoyes, àl'éxclusion de tous autres endroits, sçavoit le Palais, c'est à dire, la suite du Prince, parce que comme son trésor ne renfermoit que des metaux en masse, il faloit nécessairement une monnoye pour son ser-
vice ; Estaples ou S. Josse sur Mer à l'embouchure de îa Canche, Ville détruite, ancien nement nommée Quentorium, & à laquelle, suivant l'éxpression de l'Edit, il appartenoit d'ancienneté d'avoir une fabrique de monnoye à Rouen, Rheims, Sens, Paris, Orléans, Châlons sur Saonne, Medoc ou plutôt Mesle en Poitou, dite en Latin Metullum, & Narbonne. Ils prescrivent aussi la forme de la nouvelle monnoye, qui portera d'un côté le monograme du Prince & son nom écrit à l'entour, & de l'autre la croix, avec le nom du lieu où elle aura été frappée ; mais comme l'espece métallique manquoit en chacune de ces nouvelles fabriques & qu'il ne paroît pas que les particuliers eussent assez de confiance au Gouvernement pour y remettre de bonne foi leur argent & qu'ils fussent assez riches pour y en porter beaucoup, le Roi ordonna qu'à commencer aux prochaines Calendes de Juillet, chaque Comte sous le district duquel il y aura une fabrique, accompagné de son Vicaire ou Vicomte, de deux personnes possedant terres, biens ou honneurs clans le même Comté, ou du monnoyeur qu'il aura choisi avec précaution & à sa garentie, se transportera à la Chambre Royale à Senlis pour y recevoir cinq livres pesant d'argent pur, avec lesquelles on commencera la fabrique des nouvelles especes, laquelle quantité d'argent le même Comte s'obligera de rendre en especes monnoyées en la même Chambre le Samedy devant le Carême prochain ; il fixe enfin le prix de la livre d'or pur à 12 livres d'argent, à l'éxception que si l'or n'étoit pas assez fin pour la dorure, il ne seroit payé que dix livres d'argent. Cette ordonnance, une des plus considerables qui nous reste dans l'Antiquité, contient divers articles importans & propres à faire connoître les usages du tems où ils ont été dressez, mais celui qui regarde les monnoyes exige en particulier quelques reflexions qui n'en doivent pas être séparées, & I°. je remarque, après Mons le Blanc, que Charlemagne avoit renforcé la monnoye du Roy son pere, de forte qu'au lieu de 22 s. à la livre, il n'en fit fabriquer que 20, raison pour laquelle nous trouvons aujourd'hui que les deniers de Pepin ne pezent environ que 23 grains & que ceux de Charlemagne en pesent 25 trebuchans ; mais malgré cela Charles le Chauve augmenta encore la pesanteur du sol, & quoique l'Edit présent ne determine pas la quantité qui s'entend tirer d'une livre pesante ordinairement 23 grains, il y a lieu de juger qu'il determina que la livre d'argent ne contiendroit que 18 s. de 12 d. chacun, & par conséquent que la livre d'or ne seroit payée que 216 fols de nouvelle monnoye, que si l'on recherche la cause de cette augmentation du poids de l'espece, je pense que l'on n'en fçauroit donner aucune plus probable que l'avarice des Princes & de leurs Ministres & le dessein formé d'augmenter leurs trésors autant qu'il se pourroit aux dépens des particuliers : en effet nous avons remarqué, que l'argent ou l'or du tresor y étoit fondu en masse & que les impôts ordinaires, les amendes qui se jugeoient & tous les autres droits du Prince étoient payez en monnoye courante de fols ou de deniers d'or ou d'argent, d'où il s'enfuit qu'en augmentant le poids des especes on augmentoit le profit du trésor ; ainsi, par éxemple, celui qui du tems de Pépin payoit 60 fols d'amende, ne payoit que deux livres effectives d'argent & 16 fols, & celui qui payoit les mêmes 60 fols, sous Charles le Chauve, en payoit trois livres & six fols de plus ; différent qui monte à une demi livre d'argent, ou un quart d'augmentation : 2°. L'on peut resumer des différentes pesanteurs des monnoyes de ces tems-là, que la livre courante pesoit précisément 600 grains, cest à dire, 2 onces & 240 grains plus que les marcs de nôtre tems, & une once 336 grains moins que la livre Romaine. 3° Il faut reconnoître la rareté de l'espece metallique, puis que pour fournir un Etat entier l'on jugea que cinq livres d'argent pourroient suffire en chaque monnoye, ce qui ne faisoit que cinquante livres pour le tout. Quant au surplus de l'ordonnance, voici quelques-unes de ses dispositions.
I. Elle ordonne que les mesures de grains & de liqueurs, le boisseau, le septier, le muid seront par tout conformes aux étalons du Palais, sur les peines de l'amende de 60 sols pour les personnes libres ou du fouët de correction pour les autres. Ce trait prouve, contre le prejugé populaire, qu'il n'est point vrai que l'uniformité des poids & des me-
sures fut un aussi grand avantage qu'on se l'imagine pour l'Etat en général, puis C qu'elle étoit universellement pratiquée sous le Regne du Chauve, l'un des plus mal a ministrez dont l'Histoire ait parlé, & d'ailleurs qu'il n'est point vrai non plus que differens Rois ayent inutilement tenté d'introduire cette uniformité qui pourroit être de quelque commodité aux Marchands, mais ne sçauroit par elle-même être utile à l'Etat en général. II. Elle ordonne punition de mort, rachetable néanmoins à prix d'argent par composition du Vougilde, contre ceux qui seront convaincus d'avoir livré des armes offensives ou défensives qui sont appellées Brunia, de la couleur du fer, des casques & des cuirasses ; ou des chevaux à tous étrangers & particulièrement aux Normands pour quelque raison que ce puisse être, même le rachapt de sa personne, omnis de vit a componensi dit le Texte. III. Elle ordonne à chaque Comte Provincial détenir un état éxact de tous les habitans de son territoire, de leurs différentes conditions, biens, facultez & talens, afin qu'ils puissent employer les uns & les autres à la défense commune, selon qu'ils seront en état d'y servir, & à l'égard des personnes que les invasions des Barbares ont fait fuir dans les Contrées voisines, elle veut qu'on les employé charitablement aux travaux de la campagne pendant un certain tems, après lequel elles seront obligées de se retirer dans leurs anciennes demeures. IV. Elle pourvoit à un abus commun par lequel celui qui devoit un cens capital au Roi ou à un autre prétendoit s'en décharger en se donnant à l'Eglise ; il semble néanmoins que pour ménager le Clergé, Charles se contente que le cens soit transporté sur les possessions anciennes du nouveau serf de l'Eglise ; au surplus, il ordonne que ceux que la famine ou toute autre espece de necessité aura engagé de vendre leur liberté, y puissent rentrer de plein droit après un certain tems de service, suivant l'éxemple des Israëlites. V. Il défend aux habitans de la Campagne d'aliéner ou de partager leurs manffes héréditaires, en réservant comme ils faisoient ce qu'on appelloit sella mansi, c'est à dire, l'habitation, & il fonde cette différence sur ce qu'elle causoit la ruine des Villages & le non-payement de ce qui étoit dû au Proprietaire du fond. VI. Il ordonne le payement des corvées de bras & de charrois dûës selon les conditions de l'infeodation de chaque terre, &, sur la difficulté nouvelle que faisoient les païsans de charier du marne pour l'amendement des terres, parce que l'usage n'en étoit introduit que du tems de Pepin & de Charlemagne, il juge qu'ils doivent obéïr au maître parce que l'espece du travail est indifférente en elle-même. VII. Enfin, après avoir relâché quelque chose de la rigueur du Banc général qu'il avoit fait faire pour fortifier l'entrée de la Riviere de Seine, il ordonne que tóutes Ces Forteresses particulières élevées dans le Royaume sans son exprès commandementi Castella firmitatis haiae, soient absolument détruites dans les prochaines Calendes d'Aout, menaçant les Comtes qui seront négligens à éxécuter ses ordres d'une prompte destitution & d'envoyer des Commissaires pour veiller à leur conduite. Il y a différens autres articles, de la discution desquels on pourroit recueillir quantité d'anciens usages, mais comme cet Extrait n'est déja que trop long, quoique je n'aye pas cru allonger vainement cet Ouvrage par le detail qu'il contient, je reviens à l'Histoire.
En 865, le Chauve craignant les suites fâcheuses que pouvoit avoir le mécontentement général des Seigneurs, s'avisa d'introduire chez les Peuples de certaines associations, ou l'on sorçoit les habitans de chaque Canton, Missaticum, de s'incorporer en promettant de défendre ce Païs de toutes ses forces & de maintenir la Royauté du Roi Charles contre ses ennemis ; il envoya donc à chacun un étendart sous lequel elle devoit marcher selon les besoins & ordres des Comtes & autres Officiers publics, mais loin que cette nouvelle institution ait été d'aucun usage pour le maintien de la Famille Royale, on peut asseurer qu'aucun ne contribua davantage à la détruire parce que les Seigneurs se rendirent bien-tôt maîtres de ces Associations & s'en servirent pour leurs desseins particuliers. En 867, les Normands étant entrez par la Loire, inonde-
rent le Païs Nantois, le Poitou, l'Anjou & la Touraine. Ranulphe Duc d'Aquitaine & le Marquis Robert ayant réüui leurs forces pour les repousser, leurs Troupes gagnerent la bataille, mais les deux Chefs furent tuez ; ce qui donna moyen aux Normands de se retirer avec un butin infini : le Marquis laissa deux enfans, Eudes & Robert, qui tous deux s'éleverent jusques à disputer la Couronne à Charles, petit fils du Chauve Le désordre de la Monarchie étoit alors si grand, qu'à peine l'on connoissoit le nom du Roi, si ce n'est pour le detester : chaque Gouverneur se rendoit indépendant & se rangeoit selon ses plus grands intérêts, tantôt d'un parti & tantôt d'un autre ; car nous avons remarqué, que quoique le Trône fut occupé par Charles, non seulement l'ancien Parti de Pépin subsistoit toûjours en Aquitaine, mais qu'il s'étoit répandu dans la Neustrie avec un progrès si rapide, qu'il ne tint qu'au Germanique d'en demeurer maître deux fois consécutives ; ainsi l'on voit que la Royauté ne demeuroit à Charles, que faute d'autres sujets propres pour la remplir ; peut-être aussi par la crainte des Ecclésiastiques & la terreur de l'éxcommunication qui n'auroit pas manqué de fondre sur ceux qui auroient voulu envahir sa Couronne au prejudice de la consécration d'un Sacre solemnel ; ou, c'étoit sans doute par cette raison que Charles faisoit bassement sa cour aux Evêques, comme la requête qu'il présenta au Concile de Savonieres en fait la preuve D'ailleurs la Maison d'Aquitaine des Comtes de Poitou, laquelle étoit extrêmement étendue, étoit fortement attachée à Charles, au contraire de celle d'Angoulême qui étoit à la tête de l'autre Parti ; mais les uns & les autres ne travailloient pas moins à se procurer une parfaite indépendance, jusqu'à ce qu'enfin la fortune des enfans du Marquis Robert l'emporta sur tous les autres Seigneurs & même sur la Posterité du Roi Charles II est encore nécessaire de remarquer à cette occasion que c'est à ce tems qu'il faut rapporter la destination des familles particulieres, je ne veux pas dire que l'usage des noms appellatifs des Familles ait alors commencé (car on sçait qu'il est posterieur de plusieurs siécles) mais il est évident que la proprieté & conséquemment la succession dans les Emplois s'étant alors introduite, ceux qui se trouverent en possession, commencerent à separer & à distinguer les Familles par les noms du lieu de leur établissement : on voit même par l'éxemple de la Maison d'Aquitaine que les Collateraux éloignez aidoient les enfans orphelins de leurs proches à conserver les titres de leurs peres, puis que c'est ainsi que dans la fuite Bernard & Guillaume, Comtes d'Auvergne, asseurerent le Comté de Poitiers aux enfans de Ranulphe premier & second, contre les entreprises des Rois.
En 869, il arriva une chose singuliere & qui porta une étrange frayeur dans tous les esprits par rapport aux matieres de la Religion. Le Roi Lothaire d'Austrasie étant passe en Italie, à l'occasion de la mort du Pape Nicolas, qui avoit été le Protecteur de sa femme Tiedeberge ; & de l'Election d'Adrien II. pour essayer d'induire celui-ci à dissoudre son mariage : ce nouveau Pape administrant la Communion au Prince & à plusieurs Seigneurs qui l'accompagnoient, s'avisa de les faire jurer sur le Sacrement, que Lothaire s'étoit réellement separé de Waldrave & qu'il n'avoit plus de commerce avec elle ; ils furent tous assez malhûreux pour faire un faux serment, mais ils n'en porterent pas loin la punition ; car le Roi Lothaire & tous les autres moururent presque subitement a leur retour, soit de l'intemperie du Païs & des maladies qui y regnoient, soit du trouble de leur conscience. A cette nouvelle le Chauve, dont l'avidité étoit incapable de ceder a aucune considération, se jetta promptement sur l'Austrasie & se fit couronner a Metz : Hincmar, Archevêque de Rheims, l'Oracle de son tems, fut l'Auteur de cette injustice, dont la procédure s'est conservée avec les harangues artificieuses de ce Pré-lat ; mais il suffisoit alors qu'un Evêque de reputation donnât son suffrage à une action pour la justifier pleinement. Je remarquerai ici deux choses au sujet de ces harangues faites par Hincmar en cette occasion, la premiere qu'il y établit comme un fait certain & notoire que l'Empereur Louïs pere de Charles étoit issu de Clovis, premier Roi Chrê-
tien & qu'il en étoit descendu par S. Arnould ; chose inouïe jusques-là & qui auroit pû servir a Pepin le Bref dans le tems qu'il usurpa la Royauté, si elle eut été pour lors co nue : la seconde que Clovis fut oint & sacré après son baptême avec une huile céleste coelitùs desumpto chrismate, dont, dit-il, son Eglise possede encore les restes, unde & adhuc habemus ; ce qui fait voir que l'Histoire de la sainte Ampoule n'est pas aussi moderne qu'on le pourroit penser. Cependant l'Empereur Louïs, à qui la Succession de Lothaire son frere appartenoit de droit, ne se trouvant pas en état de la revendiquer par les armes, employa la mediation du Pape, qui fit tous les efforts imaginables pour engager Charles a la restitution : il ordonna même à Hincmar & aux autres Evêques de se separer de la Communion du Roi, mais ce Prélat osa lui répondre qu'il passoit les bornes de son pouvoir & que les affaires d'Etat n'étoient point de sa compétence, pendant que ui-memeiposoit arbitiairement d une Couronne contre le droit certain & évident en vertu du seul privilege de son Episcopat : c'est ainsi que de tout tems on a conduit les affaires, bien moins par les regles de l'équité que sur des prétextes. Hermintrude, femme du Chauve, mourut le 5. d'Octobre de cette année à S. Denys, où elle fut inhumée par les soins de Bozon, fils de Beuvin, Comte d'Ardennes, dont la soeur étoit ou devint presque aussi-tot âpres maîtresse & depuis femme du même Prince.
Cependant Charles, craignant que le Germanique son frere ne vint à remuer, pressé par les instances du Pape, & qu'il ne lui enlevât entiérement une si belle depouille, consentit a la partager avec lui, proposition qui fut acceptée & qui rendit depuis tous les efforts du Pape inutiles ; si ce n'est que l'Imperatrice Ingelberde, femme de Louïs obtint en ndu Germanique, dans une entrevûë qu'elle eût avec lui, la promesse d'une entiere restitution de ce qu'il occupoit : quant à Charles, il fut inébranlable dans son injuste possession, persuadé que le consentement des Evêques & le Sacre nouveau qu’il en avoit reçû la rendoit legitime ; nous verrons dans la suite que Hugues, malhûreux fils de Lothaire & de Waldrave, disputa long tems pour retenir quelque portion de ; Etats de son pere, & qu’il perit à la fin dans un Cloître après avoir été aveuglé. D’au tre part le Chauve, pour se dédommager de la cession qu’il avoit faite à Louïs le Ger manique, ne tarda pas à s’emparer de la Bourgogne, Provence & Dauphiné, sans au tre resistance que celle du memorable Siége de Vienne, qui fut soutenu pendant trois mois par Berthe, femme du renommé Gérard de Roussillon, le seul des Grands de l’Em pereur Lothaire, qui demeura fidele à ses enfans. Après la prise de la Place, Charles passionément amoureux de Richilde, donna les Comtez de Vienne, de Provence & de Bourgogne à Bozon son frere, dont elle avoit entrepris d’élever la fortune au dessus de tous les Seigneurs François ; Charles avoit auparavant tenté de le mettre en posse sion du Comté de Poitiers, mais la resistance de Ranulphe second l’en ayant empêché il lui conféra cette dignité avec une si grande étenduë de Païs qu’il ne lui fut pas dif ficile d’en faire un Royaume, comme nous le verrons dans la suite ; il ne toucha pa néanmoins à la Bourgogne Transjuranne, qui demeura, comme je l’ai dit, à Conrar d’Estralinguen. Il y a toutefois une difficulté sur l’article du siége de Vienne & de la fidélité que l’on attribué à Gérard de Roussillon, laquelle resulte de l’autorité de la Chronique de Vezelay, qui paroit détruire en partie ce que les Historiens du Dauphiné & la Tradition de la Champagne nous disent de l’un & de l’autre ; en effet cette Chro nique porte éxpressement, qu’en l’année 838, Gérard Comte de Roussillon offrit au Pape Nicolas par les mains de l’Abbé Haithon les Monasteres du Poultieres & du Vezelay lors tenus par des filles, & que ce Pape confirma ces deux fondations, y joignant des privileges & le don de plusieurs Reliques ; puis sur l’an 864, la même Chronique rap porte la mort de la Comtesse Berthe & son inhumation à Poultieres : & enfin sur l’an 867, elle marque pareillement la mort du Comte Gerard lui-même, arrivée dans la Ville d’Avignon, toutes lesquelles dattes sont tellement anterieures à la mort du jeune Lothaire qu’il est impossible de les concilier avec l’usurpation du Chauve, si l’on n’en
compte deux, dont la premiere aura été entreprise après la mort au Roi Charles de Bourgogne, ârrivée dès l'an 858, par laquelle Charles le Chauve & le jeune Lothaire conjointement depouillerent l'Empereur Louis de sa Succession, & c'est le sentiment des Historiens du Dauphiné.
Pendant l'éxpedition du Chauve en Bourgogne, Carloman son fils, qu'il avoit dans son enfance consacré à l'Eglise & depuis fait Diacre malgré lui, s'échappa & causa quelques troubles dans le Diocèse de Rheims ; Hincmar le fit arrêter & le Pape s'employa pour obtenir sa délivrance, mais le Pere porta la sévérité jusqu'à le faire dégrader dans un Concile ; après quoi l'ayant fait aveugler il l'enferma dans le Monastere de Corbie, d'où il s'évada néanmoins & alla mourir en Allemagne auprès de son oncle le Germanique ; étrange éxemple de la dureté d'un pere qui peut faire présumer qu'à l'instigation de Richilde Charles persécuta ses enfans du premier lit avec moins de sujet, mais suivant l'éxemple de son pere. Les Gascons résolus à secouer le joug de la France & à ne se plus mêler des divisions qui l'agitoient, songerent à se donner un Chef assez habile & assez vaillant pour les défendre & des Normands & des François ; ils deputerent en Espagne pour y chercher le fils de leur ancien Duc Loup Centul, il se nommoit Sanchez, surnommé Mitara, c'est à dire, Foudre, lequel a été le premier Duc hereditaire de Gascogne ayeul de Garsias Sanchez de Courbé, dont les enfans partagerent le Païs, comme il est rapporté dans l'Histoire particulière de la généralité de Bourdeaux ; ainsi cette Nation chez laquelle Louïs le Débonnaire avoit pris naissance & qu'il avoit gouvernée plus long tems qu'aucune autre, mais qui avoit aussi le plus souffert de sa severité, fut la premiere à renoncer à l'obéïssance de ses enfans. Il sembloit en effet que la malediction du Ciel fut tombée sur cette Famille, les enfans du Germanique étoient d'une férocité & en même tems d'une foiblesse approchante de la folie ; Charles qui étoit le plus jeune, qui croyoit avoir vu le Diable & même en être possedé, ne pût être calmé qu'après une infinité de pélérinages & de devotions, & ne laissa pas d'avoir sa tête éxtrèmement foible le reste de sa vie ; le Chauve étoit en France le Prince le plus haï qui y ait jamais regné, toutefois soutenu par son étoile ou plutôt par la providence & par le crédit d'Hincmar, il n'arriva pas de révolution signalée ; on se contenta de lier des parties secretes & de disposer les affaires à un changement total du Gouvernement. Après la mort du Marquis Robert, le Gouvernement de la Marche de France avoit été donné à Hugues dit l'Abbé, fils de Conrard de Stralinghem ; mais ce nouveau Marquis n'empêcha pas les Normands de s'établir à Angers ; ce qu'ils firent avec tant de succès qu'aiant pillé pendant quatre années entieres les Provinces voisines, Charles fut enfin obligé d'y marcher en personne, soutenu d'un grand renfort de Bretons, car comme il n'étoit plus alors question de la milice Françoise, que la solde n'étoit point en usage, & que la féodalité n'étoit pas encore établie, il étoit infiniment difficile d'assembler des armées pour venir à bout de ces Normands ; les Bretons s'avisèrent de detourner la Riviere de Mayenne & par ce moyen de mettre leurs barques à sec, ainsi il ne restoit qu'à les forcer dans les murailles d'Angers, mais le Prince aima mieux leur accorder la retraite craignant la revanche qu'ils auroient pû prendre.
Qu'il me soit permis de quitter un moment l'Histoire pour faire reflexion sur la faute des Modernes, lesquels ont voulu composer une Genéalogie à Hugues Capet pour le faire descendre de Childebrand, frere puisné de Charles Martel, ils prétendent que Conrard qu'ils disent avoir été Comte de Paris, au lieu de Bourgogne Transjuranne, avoit épousé une fille de Louïs le Débonnaire, laquelle ils nomment Adelaïde, & qu'il en eut le Marquis Eudes, surnommé l'Abbé ; qu'après sa mort cette même Adelaïde épousa Robert I, Marquis de France & qu'elle devint mere de deux Rois, Eudes & Robert, que leur pere avoit laissé enfans ; mais ils n'ont pas pris garde que cet éxposé est précisément contraire à l'autorité des Annales de S. Bertin qu'ils citent, les-
quelles nous apprennent que Hugues étoit cousin germain du Roi Charles & fils de son oncle Conrard. Carolus Hugoni Clerico, avunculi sui Conrarài filio, Comitatum Andegavensem cum Abbatia Sancti Martini & cum aliis Abbatiis donat, eumque in Neustriam loco Roberti dirigit : ce qui n'a aucun rapport avec la parenté de Hugues & de ses pupilles ; il est même évident que Conrard étoit frere de l'Imperatrice Judith, mere du Chauve, puis que l'on convient qu'il est issu des Comtes d'Altos, & que Wet, pere de Judith, en a été certainement le premier Comte. Èn 875, l'Empereur Louis II. mourut, emportant la louange d'avoir été également pieux, vaillant & juste, son Regne n'en fut point plus hûreux : accablé par les Sarrazins en Italie, ruiné par ses oncles dans la Gaule, tourmenté par les divisions intestines des Grands de son Etat, entre lesquels Adalgise, Duc de Bennevent, osa l'arrêter prisonnier & éxtorqua de lui des conditions injustes pour sa delivrance, il eût au moins la consolation de ne point laisser d'heritier de ses disgraces, si ce n'est une fille, que le Chauve maria depuis à Bozon son beau-frere quoiqu'elle eut été promise à l'Empereur Grec.
CHARLES LE CHAUVE. Empereur.
CHARLES LE
LA vacance de l'Empire n'étoit point encore arrivée en pareille circonstance ; ici la Succession naturelle remontoit à Louis le Germanique, aîné des enfans du Débonnaire, mais l'intérêt du Pape n'étant point de mettre cette Dignité entre les mains dun Prince qui put préferer le séjour de l'Italie a celui de ses Etats, craignant d'ailleurs le naturel farouche des enfans de Louïs, il résolut d'appeller le Chauve à l'Empire, comme celui de qui il avoit le moins à craindre & le plus à esperer, ayant toute sa vie ete gouverné par les Ecclésiastiques ; d'autre part, l'ambition ou plutôt l'avidité de Charles l'avoient fait prétendre de lui-même à l'Empire dès qu'il apprit la mort de son neveu, & pour s'en frayer le chemin il étoit résolu non seulement à prodiguer ses tresors, mais à faire toutes les bassesses qui pouvoient convenir au Pape : il se rendit donc à Rome, y répandit l'argent à profusion & y reçût la Couronne Impériale le jour de Noël de cette année 876, si l'on en croit la Chronique qui porte le nom d'Aimoin ; mais les Actes de son Election sont voir au contraire qu'ayant mené le Pape de Rome à Pavie, on y forma le decret de son Election dans une espece de Concile, après quoi il fut couronné. Il est remarquable sur le sujet de ce Decret, qu'il y est porté en termes éxprès, que Charles n'a point aspiré à l'Empire sur aucun pretexte, mais que le Pape l'a élû comme de sa pure grâce, neque enim fibi konorem praefiumptuosè assumpsit ut Imperator fieret, sed tanquam desideratus, optatus & postulatus à nobis. Et pus as le Pape dit, que sil ne le connoissoit bien intentionné pour la justice & pour exaltation de l'Eglise, il ne l'auroit pas élevé à cette Dignité ; Nifi enim nos talem cognovissemus, nunquam animus fieret noster tam promptus ad ipsius promotionem, & hoc per facerdotum Dei manus & ministrorum ejus officium ; à quoi les Prélats répondirent, Sed & Domine & Evangelice Papa, vestigia vestra siectantes & falubria ment a recipientes, quem amastis amamus quem dilexistis, diligimus-, quem elegiflis, eligimus. Ce Decret est signé de 18 Evêque & d'un Abbé, de BOZON Duc Maire du Sacré Palais & commissaire Impertial, & de 10 Comtes. L'On m'a asseuré formellement au droit de présider à l'Election des Papes, soit par lui-même, soit par ses Commissaires, & qu'il cite pour son garand Eutropas rêtre, Auteur qui ne m'est pas connu, mais le qu'il citepour garand Eutropas Pretre, Auteur qui ne m'est pas connu, mais le
fait est d'autant plus croyable que l'on doit présumer de la prodigieuse passion que le : Chauve avoit témoignée pour parvenir à cette nouvelle Dignité & de la joye excessive & proprement déshonorante qu'il marqua de l'avoir obtenuë ; il disposa dans le même Concile de Pavie, de la Duché deSpoîette en saveur de Guy fils de Lambert, & de celui de Frioul pour Beranger fils de Evrard, mais par une facilité bien plus dangereuse, il érigea la Lombardie même en Fief & la donna à Bozon, déja Comte de Provence ; c'est ainsi qu'ignorant la nécessité où est un Prince de mettre des bornes à ses graces, il rendit son sujet assez puissant pour enlever la moitié du Royaume à ses enfans. Cela fait, il regagna la France en diligence pour celebrer la fête de Pasques à S. Denys. Mais si ce Prince avoit montré toute sa vie une éxtrème foiblesse & bassesse de courage, il devint encore plus méprisable depuis son élevation à l'Empire, il se regardoit comme le sujet du Pape, l'honnoroit du titre de son Conseiller d'Etat, s'habilloit à la Grecque & portoit un diademe comme les Rois Barbares ; enfin il témoigna si peu de reconnoissance des services qu'Hincmar lui avoit rendus, que pour le mortifier, suivant les ordres du Pape, il assembla le Concile de Pontigou pour y faire recevoir une Bulle d'érection de l'Eglise de Sens en Primatie & Vicariat de l'Eglise Romaine –, mais l'Archevêque de Rheims avoit trop de fermeté pour s'étonner de sa disgrace, il soutint les droits des Métropolitains & contre l'entreprise du Pape & contre l'autorité du Roi, de sorte que la Bulle n'eût point d'éxécution : Charles pour se dedommager par une cérémonie, car c'étoit une de ses passions, fit entrer sa femme dans le Concile la couronne sur la tête & eut le plaisir d'entendre proclamer ses louanges par les Legats du Pape ; on asseure pourtant qu'Hincmar le mortifia précisément par cet endroit, ayant empêché que les Evêques ne se levassent au passage de l'Impératrice ; les Actes du Concile n'en disent rien.
En 877, le Germanique, résolu de se faire raison de tout ce que l'avidité de Charles lui avoit enlevé au préjudice de son droit d'aînesse, assembla ses forces pour entrer en France, mais la mort prévint ses desseins à Francfort le 28. Août, il fut inhumé au Monastere de S. Lazare, vulgairement appellé Lauressieim ; le Chauve qui, de son côté, étoit preparé à le recevoir ayant des Troupes sur pié, se crut en état de surprendre ses enfans, avant qu'ils fussent d'accord & s'avança sur le Rhin où il se logea dans Cologne, mais Louïs, le second des freres, le vint recevoir à Andernack & lui tua 50000 hommes dans une bataille, où Charles avoit prétendu le surprendre ; perte cruelle pour la France, puis qu'elle achevoit la ruine de ses forces. Richilde, qui attendoit à Herstat la nouvelle des succès de son mari, fut obligée de prendre la fuite avec précipitation & accoucha dans la route d'un fils qui mourut peu de tems après. Quant à Charles, il en fut bien-tôt consolé, parce que le Vainqueur, content d'avoir asseuré sa propre fortune & celle de ses freres, ne songea point à profiter au de-là de son avantage. Mais pendant que la cupidité de Charles le portoit au dehors à des entreprises si peu judicieuses, sa nonchalance & sa mauvaise volonté livroient le coeur de ses Etats au pillage, soit des Barbares, soit des Exacteurs, comme on parloit en ce tems-là des Truands ; la Politique dont ce Prince s'étoit entêté, étoit de ne point combattre les Normands de peur de les irriter, & quand il avoit appris la nouvelle de quelqu'une de leurs descentes, il envoyoit marchander avec les Chefs pour les renvoyer en leur Païs : cela réussit d'abord, mais si tôt que les Peuples connurent qu'il n'y avoit aucun risque à courir pour eux & qu'ils n'avoient qu'à se présenter, ils vinrent en telle quantité que dès qu'une bande étoit partie d'un endroit, une autre occupoit sa place & se jettoit impunément d'un autre côté, & souvent trois ou quatre à la fois. Le Chauve se lassa donc, non pas d'un commerce qui ne lui coutoit rien, puis que c'étoit de l'argent du Peuple qu'on faisoit les payemens, mais d'avoir tant de marchez à conclurre le long d'une année, c'est pourquoi afin d'abrêger, il établit un impôt sous le nom de Trut, par lequel chaque mas, maison ou demeure particulière devoit payer une cer-
taine quantité d'argent qui étoit amassé pour donner aux Normands quand ils arrive- C roient. Il en reste dans le recueil des Capitulaires deux Actes informes, qui contiennent C une espece de taxe des terres du Royaume ; la premiere recueillie sans doute depuis la mort du Chauve s'éxprime ainsi : Anno Incarnations Dominicae 887, Nonis Mail, in compendio prolatis de aliqua, sed non de tota parte Regni, quod Dominus Imperator habuit, antequam junior Lotharius defunffus fuijfet, haec conftituta est altio Normandis, qui erant in Sesquana tribuenda, ut à Regno ejus recederent. La seconde n'a point de datte, mais est attribuée par Mons. Baluze à l'an 877. Or toutes les deux ordonnent pareillement que tout Evêque, Abbé, Comte ou Vassal du Roi, paye de ses honneurs pour chaque mansion infeodée à un ingenu 12 d. ; pour chaque cense inféodée 8 d., sçavoir 4 de facultez du Censitaire & 4 du prix de la cense ; pour chaque cense servile 4 d. sçavoir 2 du prix censuel & 2 des facultez de l'homme serf : & à l'égard des Eglises, il ordonne que chacune payera selon son pouvoir du fort au payable, depuis 5 jusqu'à 4 d. On voit bien au reste, que sous ce nom d'Eglise, pris en particulier, il faut entendre les Bénéfices & Cures dont quelqu'un étoit riche, quoique les Evêques tirassent presque toutes ces dixmes à eux.
Dans le fait, les Normands ne furent pas long tems à s'appercevoir qu'il n'y avoit qu'à faire beaucoup de mal pour être plus apprehendez, & par conséquent pour tirer plus d'argent : ainsi ils se mirent à faire des ravages encore plus terribles que jamais, étant toûjours sûrs de remporter, outre la somme dûë pour la course, le butin qu'ils auroient fait ; ce fut alors que les Peuples commencerent à abandonner les villes & les habitations communes pour se retirer dans les bois, où ils se défendoient le mieux qu'ils pouvoient quand ils étoient découverts, demeurant au surplus cachez dans la terre & enfermez de palissades, de bois plié pour se garder des bêtes sauvages. On peut s'imaginer à quel point de désolation un tel Gouvernement jetta la France ; les deux tiers du Peuple en perirent, les arts les plus nécessaires furent oubliez, les terres demeurèrent sans culture & les lieux sans habitans ; d'autre part, les Truands ou Exacteurs de l'imposition établie en faveur des Normands, tirannifoient les Contrées que l'on croyoit à couvert de leurs courses, de forte qu'il ne resta aucune partie faine dans le Royaume. Mais comme la Domination de Charles portoit malheur à tous les lieux où elle s'étendoit, il ne fût pas plutôt maître de l'Italie que les Sarrazins entreprirent tout de bon de s'y établir : ils se saisirent d'abord de la Ville de Tarente, où s'étans avancez jusqu'à Naples, le Duc de cette Ville se joignit à eux ; ils se saisirent ensuite du passage du Garillant pour être maîtres de la campagne, & formerent à leur aise le siége de Rome. Le Pape Jean VIII. effrayé de ce voisinage, appella le secours du Chauve, l'éxhorta pathétiquement a soutenir la Mere de toutes les Eglises, prête à tomber entre les mains des Infidelles, & pour le toucher plus sensiblement, lui envoya l'Acte de son élevation à l'Empire Alors ce malhûreux Prince, plus sensible aux disgraces de l'Italie qu'à celles de la France, assembla un Parlement à Quiercy sur Oise, résolut de faire un dernier effort sur les Peuples pour subvenir à la dépense du voyage en ce Païs-là, & en effet il tira le consentement des Membres pour l'imposition d'un sol sur chaque mas ou maison Royale, c'est a dire, dependante des honneurs possedez par les Seigneurs, les Evêques & les Abbez ; ce le de 8 d. sur chaque mas inféodé à personne libre, payable moitié sur le cens ou prix du fermage, & moitié capitalement par le Possesseur ; & celle de 4 d. sur chaque mas servile, payable en la même maniere, moitié par le Propriétaire & moitié par l'Occupant. Le Clergé fut encore plus rigoureusement traité, chaque Prêtre ayant été taxé proportionnellement depuis 5 d. jusqu'à 4 : cependant la pauvreté de l'Etat étoit si grande que quoique Charles prit encore une partie du trésor des Eglises, il ne tira du tout que 10000 marcs d'argent pur, qui suffirent à peine à la moitié de son voyage. Les propositions qu'il fit en ce Parlement aux Membres qui le composoient avec leurs répones & la déclaration faite sous le titre ordinaire, Adnunciatio, ont été donnez dans
l'Edition nouvelle des Capitulasses, & l'on y reconnoit, à la justification de la Providence, l'inquiétude & les défiances dont le coeur de Charles étoit déchiré, tant du côté de la mort qu'il apprehendoit que sur le sujet de son propre fils, dont il avoit néanmoins éprouvé depuis peu l'obéïssance, en lui faisant repudier sa femme qu'il aimoit, pour le marier à une autre ; sur le sujet des Grands & des Peuples qu'il avoit également mécontentez ; c'est ainsi que la préoccupation de l'amour propre se dissipe à la fin & que tous les Monarques qui ont été les plus passionez pour leur intérêt personel, voyent disparoître les fausses idées qui les avoient fiatez & naître à leur place les douloureux reproches d'une conscience effrayée par la terreur de tous les événemens qui ne dépendent point de leur volonté. Voici comme celui-ci s'éxplique en l'Article 4. de ses propositions. „ Comment pourrons-nous nous asseurer que nôtre Royaume ne sera point troublé par des factions & des guerres intestines jusqu'à nôtre retour & com-ment pouvons-nous nous asseurer de la fidélité de nôtre fils & de la vôtre ?” Et quomodo nos de filio noftro & de vobis fecuri ejse poffumus ? ou bien, comment pouvez-vous vous asseurer réciproquement les uns des autres, nôtre fils de vous & vous de lui, ut vos ad invicem credere possitis ? La réponse n'a rien que de respectueux & de sage, quoi. que les coeurs fussent ulcerez. „Vous avez nourri vôtre fils, lui dirent les Seigneurs assemblez, jusqu'à un âge où sa fortune dépend de vôtre disposition & de vos secours, & nous croyons que comme vôtre volonté est, après celle de Dieu, sa premiere regle, c'est aussi vôtre volonté qui vous doit asseurer de lui. Quant aux troubles qui pourroient naître dans le Royaume, nulle plus grande sagesse que la vôtre n'est en état de les prévenir, & pour nous qui vous sommes attachez par tant de sermens réiterez en ce lieu de Quiercy, à Goudreville, Gundulphi villae & à Rheims, nous n'estimons pas qu'aucun de nous puisse oublier ou méconnoître un tel engagement. A l'égard de vôtre fils & de sa Dignité en particulier, au cas que Dieu & vous l'éleviez au Gouvernement de ce Royaume, nous lui garderons la fidélité qui de droit est dûë au Souverain ; ” Si Deus & vos illumin Regni regimine fiublimaveritis, & in parte denominata designaveritis, sic & fideles efife cupimus, si cuti per rectum excelsiori debemus ; mais Charles, loin de les presser sur cet Article, leur déclara au contraire qu'au cas que le bruit de sa mort vint à se répandre en France, il desiroit que l'on ne changeât rien au Gouvernement, avant d'en avoir une certitude entiere.
Je passe les demandes & les réponses qui regardent l'Imperatrice Rithilde, l'espérance dont Charles se flattoit d'en avoir un fils & en ce cas de faire regler la part que son fils aîné prendroit en France pour la posseder avec l'Empire, en laissant le surplus au fils qui n'est jamais né. Je passe de même les Ordonnances de la part des Rois d'Allemagne ou des Normands & pareillement tout ce qui regarde la disposition des Dignitez Ecclésiastiques qui pourroient vaquer ; pour en venir à l'Article des honneurs ou dignitez séculières, Duchez, Comtez, & c. dansssesquelles ce Capitule & la suivante déclaration semblent introduire la succession du pere aux enfans, chose qui ne paroit dans aucun autre Acte public. S'il meurt un Comte, dit-il, dont le fils soit en nôtre compagnie, ou par nous employé en quelqu'autre lieu, ou qui soit enfant, nous ordonnons que nôtre fils & tous nos fideles sujets veillent à la garde de sa Comté par le ministere des amis ou des proches parens qu'il laissera, ou par les Officiers de la Comté, afin que rien ne se perde au préjudice du fils, de la veuve ou au dommage public, mais si le Comte ne laisse point d'enfant, nous nous reservons la libre disposition de sa terre, &c : Pro hac nullus irajeetur, dit-il, si cui placuerit dederìmus potius quàm illi qui eam haftenus providit : c'est à dire, & personne ne fie fâchera si nous la donnons à qui il nous plaît, sans avoir égard à celui qui en a eu le ménagement. Au surplus, il veut & ordonne que les Evêques, Abbez & Comtes gardent la même regle à l'égard de leurs terres, les laissant toûjours autant qu'il se pourra au fils de celui qui sera mort en possession. Il recommande dans un autre endroit, que l'on soit éxact à lui faire sçavoir ce qui se
passera & ordonne de se servir dans les occasions pressées de gens à cheval qui seront autorisez à prendre des relais où ils en auront besoin, ou bien de Couriers à pie, Curfores, qui avoient été établis par son ayeul. En l'Article 33, il ordonne de réünir à la Couronne la Royauté des Bretons, que la necessité l'a contraint de ceder à un Prince qu'il ne nomme point & qui est apparemment le célébré Nominoc, & il fonde la justice de cette réunion sur ce qu'il ne reste personne de ceux à qui il s'est engagé par serment. Il défend dans un autre lieu que son fils puisse chasser dans quinze ou vingt maisons Royales, dont il fait l'énumeration, ordonnant au Comte Adhelme Forestier, de tenir état de tous les sangliers ou bêtes fauves, Feramìna, qu'il pourroit faire tuer en son absence. Il temoigne ailleurs, par une espece de retour & d'attendrissement sur lui-même, desirer au cas qu'il mourut dans son voyage que l'on achève le Palais ou l'Abbaye qu'il a commencé d'édifier à Compiegne, jjro charìtatis suae memoriâ ; mais se flattant encore que sa mort seroit un étrange éclat dans le Monde, il veut que les enfans de ceux qu'un tel évenement touchera de componction jusqu'à les conduire dans des Cloîtres, soient conservez dans les honneurs & possessions qu'ils auront acquises : il veut encore que l'on achève les fortifications de la Ville de Paris & la construction des Châteaux entrepris sur les bords de la Loire & de la Seine pour arrêter les Normands. Enfin l'Article second de l'annonciation contient une derniere singularité plus remarquable, s'il se peut, que tous les articles précedens, c'est une protestation de la droiture & de la fidélité de son intention pour rendre aux Seigneurs, en général & en particulier, la justice qui leur est dûë sans dol, sans fraude, sans machination, ni artifice, pour en opprimer quelqu'un directement ou indirectement.
C'est ainsi que Charles, après un Regne de 37 ans, pendant lesquels il avoit épuisé la Monarchie, prit congé des François, laissant toutes choses dans un desordre qui éclata bientôt après, lors que sa mort eut delié les sermens qui retenoient encore cette Nation Religieuse. Il s'achemina en Italie avec une éxtrème promptitude par l'impatience du retour, répandant par tout de grands spectacles de pieté & donnant à son voyage le beau nom de l'Oeuvre de Dieu ; le Pape vint au devant de lui jusques à Verceil & de-là ils descendirent ensemble jusqu'à Pavie, où le Parlement étoit indiqué pour aviser aux meilleurs moyens de chasser les Sarrazins, mais au milieu des deliberations l'on apprit que Carloman, l'aîné des enfans du Germanique, arrivoit avec une puissante armée pour demander raison au Pape & à son Oncle de l'usurpation de l'Empire & de l'Italie ; aussi-tôt la terreur s'étant rendue maîtresse de tous les esprits, les Deputez se retirerent avec précipitation, Charles ne voulant pas néanmoins perdre tous les fraix de son voyage, engagea le Pape, avant sa fuite, de couronner l'Imperatrice, & la cérémonie s'en fit à Tortone, d'où le Pontife regagna la Ville de Rome en diligence. Pour Charles, il ne songea pareillement qu'à faire prompte retraite en deca des Monts : ce nest pas toutefois tout le merveilleux de cet évenement, puis que Carloman & toute son armée saisis d'un essroy d'autant plus incroyable qu'ils n'avoient vu, ni pu voir aucun ennemi, repasserent les Alpes avec un désordre comparable à celui de la plus grande défaite ; telle étoit la vertu des Princes auxquels de si puissantes Nations obéïssoient encore. Quant à Charles, la haine & le mepris que l'on avoit pour lui étoient tels que l'on peut penser que toute la France se seroit à la fois soulevée, s'il y fut rentre ; mais la Providence en disposa autrement, il apprit en chemin que ses principales Créatures avoient conspiré contre lui, Bozon son beau-frere, l'Abbé Hugues, Marquis de France, son cousin germain, & les deux Bernards, Ducs d'Aquitaine & de Septimanie ; cette nouvelle lui causa une émotion fiévreuse de laquelle son medecin, gagné par les Conjurez, le délivra par un remede empoisonné, dont il mourut, dans le passage de Montunis le 5. Octobre 877, âgé de 54 ans & quelques mois, ne laissant qu'un seul fils, nommé Louïs, qui fut son Successeur & surnommé le Bégue ; ainsi finit le Regne fatal de celui auquel la prédilection de l'Empereur Louïs, malgré les tristes
CHARLES
présages de sa naissance, avoit destiné, par le sentiment dune tendresse aveugle, l'heritage entier de Charlemagne. La Providence remplit en effet une partie de ses desirs, puis qu'il posseda, outre la France entiere, l'Empire, l'Italie & la Lorraine de ce tems-là ; mais si l'on fait attention aux moyens honteux dont il se servit pour les acquérir, aux desordres de son Gouvernement & a la déprédation genérale de lEtat, pai laquelle il s'étoit épuisé lui-même, en épuisant tous les autres, on conviendra qu'il eut mieux valu pour les Peuples & pour lui-même, qu'il fut mort dans le berceau.
Ce Prince s'étoit fait une maxime de prendre l'air de la dévotion héréditaire de sa Famille, & de marquer beaucoup de déférence pour les Evêques, singulièrement pour les Papes ; cependant comme il avoit peu de tête, qu'il étoit d'ailleurs le plus avide & le plus infidelle des Rois de son Siécle, il est impossible de juger qu'il eut une Religion effective. II paroit d'ailleurs, qu'il avoit quelque goût pour les Lettres & néanmoins un genie faux, qui le porta à préferer les idées bizarres de la Philosophie de Jean Scot Erigene aux Sciences les plus solides. Enfin pour achever son portrait, il faut dire, après tous les Historiens du tems, qu'il fut le plus vain & en même tems le plus bas de tous les hommes. Louis le Bègue étoit demeuré en France pendant le voyage de son pere, & il fut hûreux pour lui de ne s'en être pas éloigné, vu l'éxtrème indignation des esprits : il tacha d'abord d'en regagner quelques-uns par la disposition de divers Bénéfices Ecclésiastiques & Séculiers, mais comme il n'en pouvoit gratifier que le plus petit nombre, tous les autres prétendirent qu'il n'avoit droit d'en disposer que par l'avis du Parlement, & l'on en vint jusqu'à lui objecter qu'il ne rapportoit pas le consentement de son pere pour entrer dans la succession : Richilde, sa belle-mere, arriva fort à propos pour lever cette difficulté en apportant le Testament de Charles & les ornemens Royaux qu'il avoit laissé à son fils. On remarque que cette Impératrice, pour conserver son crédit, y avoit fait inserer une clause qui commettoit le Duc Bozon son frere à la discretion des affaires, & que cette même clause fut très-favorable pour Louïs, qui, sans le crédit de Bozon, auroit eu peine à obtenir que les Prélats eussent fait la cérémonie de son Couronnement ; il se fit néanmoins à Rheims par les mains de l'Archevêque Hincmar le 8. d'Octobre de la même année 877. La suivante n'est considérable que par la retraite du Pape Jean VIII. en France, où il couronna Louïs pour la seconde fois dans un Concile tenu à Troyes, mais il refusa le même honneur à la Reine sa femme en 878 ; le Bègue s'avança sur la Meuse pour s'aboucher avec Louïs de Germanie, & ils convinrent de partager la Lorraine, ou Royaume de leur pere, comme elle avoit été du tems de leur pere. Il est remarquable en ce Traité que ces Rois n'y prennent aucune qualité respective que celle de Pairs, Pares ; de-là Louïs résolu de punir Bernard, Marquis de Gothie, s'avança jusqu'à Autun, où il se trouva si mal d'un poison lent qu'il avoit reçû, ou plûtôt de la continuation d'une maladie qui l'avoit pensé emporter à Tours au commencement de son Regne, qu'il se fit rapporter à Compiegne où il mourut le Vendredi Saint, laissant deux enfans de sa premiere femme qu'il avoit répudiée par la volonté de son pere, & la seconde enceinte d'un fils qu'elle mit au monde le 17. Septembre suivant & qui fut nommé Charles. Il est aisé de juger par cet évenement que les premiers Seigneurs du Royaume étoient demeurez unis pour leur mutuelle conservation, quoiqu'ils eussent consenti au Couronnement du Begue, & qu'en effet dès qu'on le vit entreprendre la punition des uns, les autres s'en défirent par la même voye qu'ils avoient employée contre son pere : cependant à la mort de ce Prince, soit qu'il ne connut pas ses veritables intérêts, soit par necessité, il confia le soin de ses enfans à Thierry Chambrier, à Hugues PAbbé, Duc & Marquis de France, & à Bernard Comte d'Auvergne.
Le premier indiqua d'abord un Parlement en la Ville de Meaux pour faire reconnoître les enfans du Bègue, & pour faciliter le succès de cette entreprise il donna les mains à l'accommodement d'une querelle particulière qu'il avoit avec Bozon, mais Gos-
selin l'un des Grands de Neustrie, qui étoit Abbé de S. Germain des Prez, se mit à la tête d'un bien différent, il soutint que la Monarchie avoit besoin d'un Roi actif & puissant pour arrêter les desordres du dedans & du dehors, & non d'enfans, tels quon les proposoit ; qu'ainsi on ne pouvoit faire un choix plus raisonnable que Louïs, déja Roi de Germanie. Cet avis auroit apparemment été suivi comme le plus convenable, si ce même Louïs eut pû donner ses soins à la conclusion, mais appellé au tond de l'Allemagne par la mort de son frere Carloman, il se contenta que le Parlement de France lui relâchât la partie de la Lorraine qui avoit appartenu à Charles le Chauve. On se hâta ensuite de couronner les deux jeunes Rois & de partager l'Etat entr'eux ; Louïs eut la Neustrie, Carloman la Bourgogne & l'Aquitaine.
LOUIS III. & CARLOMAN II. Rois.
ouis III. – ne,
A PEINE l’on étoit d’accord sur ces points importans, que l’on fut étonné d’apprendre que, par une entreprise jusques-là sans éxemple, Bozon s’étoit fait couronner Roi, sous le titre de Bourgogne, dans le Palais de Montale proche de Vienne en présence d’un nombreux Concile, & qu’il avoit souffrait une grande partie du Royaume de la Monarchie : un tel attentat anima tous les Grands à sa punition, & chacun s’y portoit avec jalousie ; mais les jeunes Rois avoient des ennemis plus pressans ; cun s’y portoit avec jalousie ; mais les jeunes Rois avoient des ennemis plus pressans les Normands d’une part qu’ils desirent sur les bords de la Vienne le dernier de Novembre 878, & Louïs le Germanique qui avoit toûjours des prétendons ; ils s’aboucherent enfin avec lui & cependant ne purent rien conclurre, parce que leur entreprise fut troublée par la nouvelle d’une étrange irruption des Normands ; ces Peuples étans entrez en France détruisirent S. Omer, autrefois dit Sitien, Therouenne, Arras & Tournay, S. Riquier & S. Vallery, Abbayes, & toute la Picardie d’outre la Somme. Louïs de France les alla combattre & en tua quantité, mais il ne pût empêcher que cette par tie de son Royaume ne demeurât presque deserte ; Arras fut abandonné 30 ans durant, Tournay ne fut ensuite rétabli que par quatre de ses habitans, lesquels s’étans d’abord retirez à Noyon y retournerent quelque tems après, & s’étant rendus maîtres du terrain ils distribuerent des places à ceux qui se présenterent. En 881, les quatre Rois regnans de la Posterité de Charlemagne, voyant que la Monarchie leur échapoit, assemblerent un Parlement à Gondreville en Lorraine, & y firent un double Traité d'Alliance contre Hugues de Waldrave & contre Bozon ; après quoi Louïs & Carloman, accompagnez de Charles de Germanie, allerent mettre le siége devant la Ville de Vienne, où Bozon n’avoit laissé pour la defendre que sa femme, fille de l’Empereur Louïs mais comme le siége droit en longueur, Charles le quitta pour passer en Italie dont il étoit déjà maître, il y reçût la Couronne Imperiale le jour de Noël de cette année.
Pendant que Vienne se défendoit, les Normands entrerent dans le Royaume avec des forces formidables par des endroits différens. La premiere bande descendit par le Vahal & brûla le Palais de Nimegues : Louïs de Germanie n’osa la combattre & aima mieux la laisser retirer avec son butin. La seconde, qui entra par la Somme, força la Ville d’Amiens, l’Abbaye de Corbie, & fit un dégât horrible dans le Plat-païs : Louïs de France quitta le siége de Vienne pour la repousser, il lui donna un échec, où elle perdit 9000 hommes, mais elle étoit encore si terrible & si fiere qu’il n’osa l’attaquer dans sa retraite. La troisième qui étoit nommée la bande de Haslou descendit
LOUIS III. & CARLOpar
CARLOpar Meuse, brûla les Villes de Liége & de Tongres, Aix la Chapelle, Nuis sur le Rhin, Coogne, Bonne, Trêves, Metz, &c ; les Evêques de ces deux dernieres Villes leur ayant livré bataille la perdirent avec un carnage effroyable des Païsans qu'ils avoient amassé : Enfin Louïs de Germanie se hâtant de former une armée pour leur opposer, mourut le 20. Janvier suivant, sans laisser aucun enfant ; l'Allemagne se trouvant sans Chef dans un si grand besoin, l'Empereur Charles quitta l'Italie avec précipitation, & ayant donné le commandement des Troupes à Arnould, fils de son frere Carloman, il s'avança pour combattre les Normands. Ce qui rendit la bande de Haslou si terrible, étoit son union avec Hugues, fils de Waldrad, qui étoit ennemi implacable des Rois ses cousins, à cause du refus confiant qu'ils avoient fait de lui donner aucune part dans les Etats de son pere dont ils étoient en possession ; l'armée de Charles eut d'abord quelques avantages, mais la maladie s'y étant mise presqu'aussi-tôt, tant par le defaut de subsistance que par la difference du climat de l'Italie, il en falut revenir à traiter avec les Chefs des Normands. Godefroy qui en commandoit 40000, avec lesquels il se rembarqua, eut pour sa part 40000 marcs d'argent & tout le butin ; Sigefroy avec le reste des Normands reçût le baptême, la proprieté du Comté de Frise, 2080 livres d'or pur & Gissesse, fille de Valdrave, soeur de Hugues, pour épouse.
CARLOMAN, seul Roi.
CAR
EN cette année 882, le Roi Louïs de France mourut a Tours, au retour d'une éxpedition en Poitou contre les Normands ; on rapporte qu'il se rompit les reins en passant à cheval sous une porte trop basse, poursuivant la fille d'un Citoyen nommé Germond ; cet accident obligea Carloman à quitter le siége de Vienne, il en laissa la conduite à Richard, Comte d'Autun, quoique frere de Bozon, & courut d'abord aux Normands de la Loire qu'il trouva retirez, puis revenant promptement à Vienne, il rencontra à Autun le Comte Richard, qui, après la prise de la Place, lui amenoit sa femme & la fille de Bozon prisonieres. Mais la joye de ce succès fut bien-tôt traversée par la triste nouvelle que les Normands, descendus par la Somme, avoient forcé les Villes de Laon & de Rheims, & que le grand Hincmar, accablé de douleurs & d'années, fuyant les Barbares dans une litiere, étoit mort à Epernay ; Carloman y courut aussi-tôt, & ne pouvant autrement conjurer l'orage, s'accommoda avec les Normands, leur laissant le butin & leur payant 12000 marcs d'argent, au moyen de quoi ils s'engagerent de ne plus rien entreprendre contre ses Etats. En 884, le même Prince chassant dans la Forêt d'Iveline, qui fait à présent partie de celle de Montfort l'Amaury, fut blessé à la jambe d'un coup de pieu par un Seigneur de sa Cour, & il mourut sept jours après, laissant la Maison Royale de France reduite à son frere Charles, lors âgé de cinq ans. Il faloit que ce Prince eût du courage & de la vertu, puis qu'il ne voulut jamais nommer celui qui l'avoit blessé, parce que c'étoit un pur accident, on a sçû néanmoins qu'il s'appeloit Berthold,
CHARLES LE GROS, Empereur, Quaranteseptième Roi.
erLE GROS
LE Parlement François, qui s'assembla aussi-tôt après, n'eut pas de peine à se det miner sur le choix d'un Roi Empereur. Charles fut reconnu d'un consentement unanime, & l'on pourvût à l'éducation du jeune Prince en le confiant aux soins de Hugues, Duc de France. Le premier malheur du Roi Charles, outre la foiblesse de sa tête, fut celui d'avoir éloigné son neveu Arnoul des affaires, & d'avoir donné sa confiance à Henry Duc de Saxe, & à Gilbert Archevêque de Cologne : Ces deux Ministres se porterent d'abord à une énorme perfidie qu'ils commirent sans aucune utilité, & qui donna occasion aux Normands de renouveller leur fureur ; car ayant appelé leur Roi Godefroy & le nouveau Comte de Frise à une conference avec le Duc Henry, sous prètexte de convenir de la Traite des Vins du Rhin, celui-ci fit massacrer de sang froid les Normands, puis s'étant saisi de Hugues, il le confina à l'Abbaye de S. Gal, dans les Alpes, après lui avoir fait arracher les yeux. Dès l'année suivante, les Normands descendirent dans la Seine avec 700 Barques & la plus formidable Armée qu'ils eussent encore conduit en France, la Ville de Paris les arrêta, hûreusement défendue qu'elle étoit par l'Evêque Goscelin, celui-là même qui avoit opiné aux Etats de Meaux après la mort du Bègue, l'Abbé Ebbon son neveu & le Comte Eudes fils aîné du Marquis Robert ; ils livrerent quantité d'assaults aux Tours des deux Ponts qui sont à présent le grand & le petit Chatelet, & furent toûjours repoussez, de sorte que perdant l'esperance de forces la Place, ils éleverent quantité de Forts dans les environs pour l'assamer, le siége dura trois ans, pendant lesquel ils pillèrent le Plat-païs avec une fureur si grande qu'il n'y demeura personne. En 817, l'Empereur envoya le Duc de Saxe au secours de Paris, il attaqua le camp ennemi du côté de S. Denys & jetta quelque secours dans la Place mais comme cela ne suffisoit pas, le Comte Eudes alla lui-même trouver l'Empereur pour lui faire connoître importance de conserver une telle Ville, de sorte qu'il renvoya le Duc de Saxe avec une seconde Armée, mais plus inutilement encore que la premiere fois, parce que le Duc fut tue en reconnoissant les Postes des Normands, & fen Année sen retourna sans nen entreprendre. Enfin l'Empereur y vint lui-même & s'étant campe a Montmartre, il délibéra long tems & prit enfin le parti de traiter avec les Barbares pour 1400 marcs d'argent, le butin & le quartier d'hyver aux environs de la Ville de Sens. Sur cela s'étant trouve attaque de nouveaux vertiges & d'une étrange douleur de tête, il retourna precipitemment en Allemagne, où on le traita par des incisions qui ne soulagerent pas le mal principal. Les Normands, persuadez que dans cette conjoncture ils pouvoient impunément manquer aux Traitez faits avec lui, revinrent à Paris, & peu s'en falut qu'ils ne surprissent la Ville en plein midi, pendant que les Bourgeois dinoient ils furent néanmoins repoussez, âpres quoi ils se répandirent en Champagne & en Bourgogner, & y firent deux ands durant leur ravages accoutumez.
En 888, l'Empereur assembla un Parlement pour s'y plaindre en public de l'Imperatrice sa femme, & déclara qu'il la répudioit après avoir solemnellement affirmé qu'il ne l'avoit jamais touchée ; ce fut le premier pas vers sa ruine, car cette Princesse avoit si bien sçû cahcher les égarements de son esprit qu'il n'en étoit point encore arrivé d'éclat scandaleux, mais dès la même année le pauvre Charles se rendit si méprisable qu'il se trouva abandonné de tout le monde à la foi. Le Parlement de Trebur * déféra la Couronne de Germanie à Arnould, fils de Carloma, & celui-ci pourvût à la subsistance manie a Arnould, fils de Carloman, & celui-ci pourvût à la subsistance
* Village dans la Hesse-Darmstadt
CHARLES
de son oncle par la concession de quelques Villages & Domaines de la Suabe, lesquels il ne garda que quelques mois, n'ayant pas long tems survécu à sa disgrace. Ce Prince a voit toûjours manqué des parties essentielles, la tête & le coeur ; mais on peut dire que la dévotion mal prise avoit achevé de le perdre, puis qu'outre les pratiques des plus austères Couvens, qu'il gardoit sur le Trône avec peu de décence, il passoit sa vie en pélérinages & négligeoit le Gouvernement avec tous ses veritables devoirs ; il est étonnant qu'il se crut tourmenté de visions ; mais les Chroniques du tems disent qu'il avoit été plusieurs fois veritablement attaqué par le Diable, & que c'étoit pour s'en délivrer qu il couroit les lieux de dévotion les plus renommez. Dans le même tems, Hugues Duc c France, Administrateur de la personne du jeune Charles fils du Begue, étant venu * mourir, la Monarchie dénuée de Chef tomba dans un desordre absolu ; tous les Seigneurs ayant achevé de se rendre maîtres, chacun de l'étenduë du Païs où il gouvernoit. Ce tems d'Anarchie & de Confusion meriteroit peu qu'on en fit le détail, s'il n'étoit nécessaire de faire connoître par quels moyens & par quels coups de fortune la Postérité de Robert Marquis de France s'éleva au Trône & chassa ses anciens Maîtres & Bien aicteurs ; mais avant que de nous engager à poursuivre cette Histoire, il sera utile de faire quelques observations sur le Gouvernement établi par Pepin & par Charlemagne, & sur les changemens qui y arriverent par la faute de leurs enfans.
Nous avons fait voir, que Charles Martel s'éleva au dessus des Rois légitimes, & qu'il se rendit Maître absolu de leur Couronne par deux moyens principaux ; le premier sa methode nouvelle de former des Armées étrangères, ou des François avanturiers, qui n'ayant aucune relation avec l'Etat en général, ne se soucioient pas de sa prosperité, ni de l'ordre de la conservation des anciennes loix, qu'autant que le tout avoit rapport avec leur fortune particuliere : le second fut la cessation des Assemblées communes, ou se faisoient auparavant les Elections des principaux Officiers, la distribution des autres Emplois & où l'on prenoit des resolutions unanimes sur les entreprises qui étoient à faire & sur la direction des Armées ; mais comme ce Gouvernement, très-contraire aux moeurs & à l'esprit de la Nation, ne pouvoit naturellement subsister long tems, outre que les Ecclésiastiques, qui souffrirent les premiers de cette Innovation, se dechainerent contre la memoire de ce Prince après sa mort ; son fils se vit obligé d'adoucir ses maximes, il mit le Clergé dans son Parti par les moyens que nous avons expliquez, il rétablit aussi les Assemblées ou Parlemens, mais il en changea la forme ; premierement, en y faisant entrer les Prélats, Evêques & Abbez, ou plûtôt en leur donnant le premier rang ; secondement, en éloignant l'Armée des délibérations i troisièmement, en reduisant celles qui s'y faisoient à la seule Police, s'attribuant d'ailleurs, comme Souverain absolu, l'entiere jurisdiction sur les criminels, la disposition particulière des Offices militaires & civils, & spécialement le commandement des Armées, ce qui emportoit la regle & la recette des Impôts, sans lesquels il n'auroit pû les faire subsister ; ce nest pas que la solde pécuniaire fut encore en usage, du moins la maniere dont elle est pratiquée depuis les derniers Siécles, car l'on voit que les Troupes, que les Beneficiers ou Grands de l'Etat étoient obligez de fournir, portoient avec elles leur provisions ; mais quand les Princes les retenoient au de-là de certain tems de service, il faloit leur fournir la subsistance, outre les gratifications que chacun avoit droit de prétendre, à proportion de ce qu'il avoit fait d'utile, à plus forte raison les Etrangers, Saxons, Goths & Abodiji.es, Huns ou Bulgares, ne subsistoient absolument que de ce qu'ils recevoient du Prince, & c'est-là l'occasion, comme nous l'avons vu, par laquelle Charles Martel qui n avoit pas eu le tems de regler les choses définitivement, chargea d'abord le Clerge de la nourriture des soldats.
Le Gouvernement de Pepin retint donc beaucoup de celui de son pere, particuliérement à l'égard de l'autorité absolue qu'il s'attribua, n'ayant cédé qu en faveur des gens d'Eglise, sous lesquels il vouloit bien plier autant par politique que par raison de consci-
ence : mais ses Successeurs allerent bien plus loin en peu d'années, puis qu'au lieu q celui-ci ne les avoit élevez que pour asseurer son Etat & pour se rendre maître de tout le reste, ceux-là se mirent infiniment au dessous, jusqu'à penser, comme faisoit Charles le Chauve, qu'il devoit sa Royauté à la Consécration des Evêques* & qu'il en pouvoit être privé par leur jugement. Charlemagne tint un juste milieu à cet égard, il honora la Religion plus que ses Ministres, il voulut que pour meriter justement le respect des Peuples, ils fussent véritablement pieux, sçavans, & desintéressez ; que les Moines vécussent dans leur condition, sans se mêler des affaires du Monde, & il étendit la jurisdiction qu'il s'attribua par rapport à la reformation du Clergé jusqu'à l'Eglise de Rome, dans laquelle il reconnut la succession des premiers Apôtres sans croire les Papes impeccables, ni infaillibles, puis qu'ayant pris connoissance des accusations intentées contre Leon III, il le reçût à s'en justifier sur son serment & conféra d'ailleurs'le droit d'admettre au Pontificat, ou d'en éxclurre les sujets qui lui seroient présentez par le choix du Clergé & du Peuple, afin que le Siège de S. Pierre ne fut pas deshonoré par de méchans Evêques. Le Debonnaire au contraire, pénétré d'une humilité monachale, ne se crut jamais digne d'éxercer aucune jurisdiction sur le Clergé Romain, il ne pût être persuadé qu'un Pape eut été capable de commettre un crime averé, il ferma les yeux à tout ce qu'on entreprit à Rome contre son autorité & dès qu'on lui objecta quelque prétexte plausible, il voulut bien n'y former aucun contredit ; surquoi je crois pouvoir dire, en comparant le caractere de sa pieté à celui de son pere, qu'il honora plus les Ministres de la Religion que la Religion même, & qu'il les mit tous les deux en très-grand danger par cette énorme erreur de son jugement. Il faut pourtant rendre justice à son zêle, car ce Prince pensa a faire rétablir l'ancienne discipline Ecclésiastique, à dresser des Canons pour tous les Ordres du Clergé, mais le malheur voulut qu'ayant perdu son autorité, les intéressez n'en pratiquerent que ce qu'il leur plût. Enfin la penitence publiquequil savisa de faire en 822, dans laquelle pressé par sa chetive conscience, ou plûtot succombant a sa foiblesse, il se soumit à ce que les Evêques jugèrent la peine dûë à la mort de son neveu : Bernard leur donna le droit de le soumettre involontairement à une penitence effective dix ans après, droit qui ne fut contesté de personne & où l'on ne trouva à dire que dans la maniere dont il avoit eté exercé, parce que dans la regle on ne juge point deux fois le même crime ; Non bis in idem. Il ne faut donc pas s'étonner si la puissance des Evêques étant montée à ce comble, le Chauve, Prince timide s'il en fut jamais, & en même tems très-convoiteux, les ménageoit avec tant de respect, quil fit une reconnoissance publique de leur autorité sur sa Couronne ; ce n'est pas néanmoins que les Evêques ayent jamais pensé à s'attribuer une telle puissance, si ce n'est dans l'occasion où ils furent éxcitez contre l'Empereur Lothaire, entreprise tellement odieuse, qu'on ne la sçauroit justifier, même par les sollicitations des Rois lors Victorieux ; mais ils ont cru long tems depuis avoir droit sur la personne des Rois, & ils l'ont éxercée jusqu'à les priver de la societé, ainsi que nous le verrons dans la suite. Quant au Pape, comme l'on reconnoissoit en lui la plenitude de la Jurisdiction, & que le Chauve lui devoit l'Empire, il est naturel de juger que sa soumission & son respect s'augmenterent proportionnellement a ces deux égards, ainsi ce Prince foible crut être véritablement honoré de la qualité de son Ministre.
Dans ces circonstances, il seroit étonnant que le Clergé eût assez de moderation pour e contenir ans les termes que l'Histoire nous marque que nous voyons ; si l'on ne çavoit en même tems, qu'il n'étoit presque rempli que de sujets ignorans & nez avec l'peu d'élevation qu'ils se contenterent de vivre dans l'abondance que leur procuroit la soumission des autres hommes, sans attenter plus loin. Il faut raisonner de même es apes de ce Siécle, presque tous si foibles, si vicieux & si ignorans qu'ils ne firent, pour ainsi dire, leur fortune qu'à demi, trois Papes consécutifs du caractere de Nicoas I. auroient assujetti l'Europe dans les circonstances de ces tems-là ; le Clergé de
France n'eut qu'un Grand-homme sous les Regnes malhûreux du Chauve & de ses enans, je veux dire, Hincmar de Rheims ; on sçait que c'est a lui qu'on a obligation de la conservation des privileges de l'Eglise Gallicane –, il fut toûjours opposé aux entreprises des Papes & le plus ferme appui du Chauve au dedans & au dehors de l'Etat, si toutefois il peut être excusable d'avoir enflammé sa convoitise, en lui persuadant qu'il étoit utile qu'un bon Roi eût un grand Royaume ; d'ailleurs ce Prélat étoit l'homme du monde le plus dur, comme il paroit par ses poursuites contre l'Evêque de Laon son neveu, qu'il fit aveugler ; mais en voilà assez sur le chapitre de l'Eglise qui n'est pas naturellement mon sujet.
A l'égard de la maniere dont Pepin a traité les Peuples, si l'on en juge par les forces de son Successeur immédiat, il faudra dire que loin d'éxercer une domination rigoureuse, il les a laissé vivre dans une espèce d'abondance, puis que tous ses sujets se trouverent assez riches à l'avenement de Charlemagne pour lui donner moyen d'entreprendre la conquête d'Italie ; au surplus, on ne sçait gueres quelle étoit la nature des Impôts usitez sous Charles Martel & sous Pépin, si ce n'est la continuation de ceux qui étoient payez à la fin de la premiere Race, sçavoir la Capitation sur les Gaulois ou Roturiers, la taxe des terres qui se payoit pour lors en argent, & toûjoúrs entre les mains des Magistrats ordinaires des Provinces ; car on voit dans ce tems-là que les Graphions étoient les Collecteurs ordinaires de l'Impôt. Du reste, il est apparent que Charlemagne changea cette disposition, lui qui innova quantité d'autres choses dans le Gouvernement, & qui le rendit tout autrement méthodique qu'il n'étoit auparavant : nous avons vu que la police des Lombards lui avoit paru si belle qu'il en avoit adopté une grande partie, & en effet si l'on considéré la disposition des moeurs & des affaires de ce tems-là, si l'on regarde même la chose abstraitement, rien n'est si bien & si commode que l'ordre des Fiefs, qui établit un revenu fixe & toutefois sujet aux augmentations nécessaires ; un service de Troupes effectives, toûjours prêt dans les occasions, lequel peut pareilLment etre augmenté, quant au nombre, a proportion des besoins, & de plus cet ordre, rendant les hommes proprietaires de leurs biens, les interesse à la couronne du tout, & employe pour cette fin les passions les plus vives qui soient dans la Nature, l'amour de soi-même & de son bien être & l'amour de sa famille & de ses proches : enfin cet ordre donnoit la securité à tous ceux qui y étoient entrez, tout possesseur sçachant ce qu'il doit & a qui, & le payant avec d'autant moins de peine que c'est un prix de convention ; ainsi il ne faut pas s'étonner que Charles, dont le jugement étoit si solide, ait donné la préférence a cette institution commençant par la laisser subsister dans sa nouvelle conquête, avec cette précaution néanmoins, qu'il l'établit à la tête des feodalitez inferieures de France sur la fidélité desquelles il se reposoit, & voulut que tout Possesseur Noble & sujet a là foi fut soumis au droit des Offrands. Après l'éxpédition d'Espagne, ce Monarque change ! la face de toutes les terres Gothiques & de l'Aquitaine par la création d'un nombre infini de Magistratures subordonnées, depuis la Duché jusqu'à la Viguerie & au simple Capitolat : que s'il ne pût aller jusqu'à établir la feauté entiMles, la cause s'en decouvre incessamment, parce qu'il auroit falu déposséder la plûpart des Proprietaires, ou les obliger à de nouvelles conventions, chose impratiquable sans violer le droit commun ; il se contenta donc de ce qui étoit possible dans la conjoncture, de jetter les semences de la féodalité, lesquelles ont porté leurs fruits en leur tems, quoique nourries parmi les épines dés plus cruelles divisions.
Les reflexions auxquelles ce même Prince consacra la 23. année de son Regne, ne firent qu'augmenter son estime pour cette nouvelle Police des Fiefs, il regla pendant ce tems-là le Gouvernement de l'Allemagne, & il y établit l'ordre de la féodalité dans une perfection si complette, qu'il peut faire un sujet d'admiration a quiconque voudra sen instruire dans l'Extrait du Mémoire d'Alsace, il est vrai aussi qu'il fut bien aise de donner à ce Païs la forme de Gouvernement pour laquelle il avoit le plus de goût, non que
CHARLES LE G
les esprits y fussent plus flexibles, mais parce que les grandes Conquêtes qu'il y avoit faites avoient étonné tout le monde, & l'a voient mieux disposé à l'obéïssance, outre qu'en y établissant la Loi Chrétienne, il n'étoit pas difficile d'y en introduire d'autres & de telle espece qu'elles pussent être. Quant à la France proprement dite, qui d'ancienneté étoit regie par des Graphions, des Tungins & autres Dignitez Françoises, il y fit peu de changement ; je ne doute pourtant point que ce ne soit à ce Prince qu'il faille rapporter les divisions de chaque Canton par mas, mansions ou demeures, dont nous trouvons des traces sous le Regne de Charles le Chauve, à l'occasion de l'impôt qu'il établit tant pour les Normands que pour son dernier voyage d'Italie, parce qu'en effet c'étoit une facilité & un ordre qu'il est difficile d'attribuer à un autre genie qu'à celui de ce Grand Prince, par laquelle division on connoiffoit éxactement quelles étoient les terres du fisc, les bénéfices, les terres Saliques, libres ou allodiales, les terres des Eglises & les terres ferviles ; de sorte que quand il étoit nécessaire d'en tirer de l'argent il étoit aisé d'en faire l'imposition sur telle nature de terre que l'on souloit assujettir en la maniere que nous l'avons dit, qu'il futpratiqué dans ce Parlement qui fut tenu à Quercy en la derniere année du Chauve. Mais ce qui me persuade que cette exacte division, ou plutôt description générale de l'Etat de la France, doit être rapportée à Charlemagne, c'est qu'il nous reste des Actes qui sont voir que du tems de son pere, la nature des terres étoit encore fort incertaine, & que ce qui avoit été terre Fiscale, ou Ecclésiastique, devenoit Bénéfice ou terre Allodiale, & recipi oquement ; ainsi nous voyons que Wulfrade, Archevêque de Bourges, promu en 866 par la faveur du Chauve, parce que c'étoit lui qui avoit élevé son fils Carloman & l'avoit induit à prendre l'état de l'Eglise, ayant prétendu contre le Comte Erard, l'un des Grands Seigneurs de Bourgogne, que le Bourget, Seigneurie de Perpeny, appartenoit à son Eglise, il fut ordonné que les Parties produiroient leurs témoins par Devers Leudo, lors Evêque d'Autun, dans le Diocefe duquel étoit la terre contestée ; Wulfrade y fit porter ses titres justificatifs, que, du tems des Rois Childebert & Childeric, cette terre avoit appartenu à son Eglise, & que Nebelond, pere d'Erard, l'avoit possedée long tems du tems du Roi Pepin, par concession de l'Evêque de Bourges ; Erard de son côté fit entendre des témoins entre lesquels le nommé Gundefried dit sur son serment qu'il avoit vû posseder la même terre par Hildebrand, que l'on suppose pere de Nebelong, comme terre du fisc, & depuis par Erard comme terre allodiale ; Deinde, ce sont les termes de l'Inféodation, interrogatus fuit Gunfrido, G ? dïxit, quod Hilbrandum tilam habere vidit adfijcum Régis, G ? deinde Erardum ad allodium ; voilà une grande variation dans la nature d'une feule terre, par laquelle on peut juger de celles de toutes les autres, mais mon intention, en rapportant ce fait, ne se borne pas au seul objet de justifier cette variation, ; en tirerai dans la fuite une conséquence plus importante, que je supprime en ce lieu pour ne pas détruire nôtre idée des établissemens faits par Charlemagne.
Ce Prince donna la derniere Perfection aux Parlemens, & ce ne fut pas le moindre de ses ouvrages, puis que toute la dignité de la Nation & des Rois même résidoit dans ces Assemblées, qui étoient ailleurs le lieu de l'union & de la concorde de tous les Peuples sujets à la Monarchie, nous avons vû dans le récit de sa vie avec quelle magnificence il y présidoit, comment il donnoit audience aux Princes étrangers, aux Ambassadeurs ; comment es en ans même étoient obligez d'y comparoître à la tête des Grands & des Armées de leurs différens Royaumes ; comment enfin les autres Rois & Princes soumis par ses armes y venoient recevoir ses commandemens ; Rome même, dans sa prosperité, n'avoit jamais eu plus d'éclat & de grandeur que la sagesse du Monarque en procura à la Nation assemblée en Parlement. Mais il ne voulut pas, comme son pere ou son ayeul, que ce ne fut qu'une vaine cérémonie pour amuser le Peuple ; il pensoit d'une maniere trop réelle & trop effective pour se borner au simple spectacle ; & de plus, la veritable tendresse qu il avoit pour sa Nation, jointe à la reconnoissance des Services
qu'il en avoit tirez, ne lui permettoit pas de me point agir sincerement avec elle : il voulut donc qu'elle fut effectivement maîtresse d'y former des avis & de deliberer sur toutes les matieres qui appartenoient primitivement à l'union nécessaire pour faire subsister la Monarchie ; secondement, à la fureté & à la jouissance paisible des biens des particuliers ; troisièmement, à l'honneur de la Religion & à sa propagation ; quatriémement, aux entreprises qui, pour avoir une fin hûreuse, doivent commencer par le consentement de ceux qui doivent avoir part à leur éxecution, & c'est en conséquence de ces principes que l'on voit 1°. Que les Parlemens, depuis l'an 790, ont jugé souverainement des infractions de foi, sans égard à la condition même Royale des coupables, comme il est justifié par les éxemples de Tassillon, Roi, ou Duc de Baviere, de Bernard, Roi d'Italie ; 2°. Qu'ils ont pareillement été maîtres des Impôts, tant à l'égard de la quantité que de la répartition, de sorte que chacun pouvoit vivre avec sûreté & tranquillité, & si les nécessitez de l'Etat engageoient les Princes à éxiger au delà de la coûtume, il en faloit revenir au consentement des Parlemens, par une regle si constante que l'avidité de Charles le Chauve ne la pût changer quelque desir qu'il en eût ; 3°. Que les Parlemens ont fait une infinité de reglemens, dont les Capitulaires sont remplis, pour rendre la profession de la Loi Chrêtienne aussi pure, s'il étoit possible, que l'est son principe ; enfin, Qu'il ne s'est entrepris sous son Regne aucune guerre qui n'ait été précedée d'un Parlement, pour y aviser tout ensemble aux moyens de la bien conduire, & de la finir promptement & hûreusement. Il est d'ailleurs remarquable, au sujet des Rois de ce tems-là, que s'ils étoient magnifiques en public, ils étoient si mênagers en particulier que leur Domaine fuffifoit, non seulement à leur dépense ordinaire, mais que le produit superflu en étoit amassé & mis au trésor, qui subvenoit toûjours aux dépenses les plus urgentes, sauf à être obligé de recourir à la bourse des peuples. Tel fut le Gouvernement qu'on conçût & mit en pratique par l'incomparable genie de Charlemagne ; mais que dis-je ; c'est moins à l'idée d'un esprit vaste & singulier que ses constitutions doivent être rapportées, qu'à l'amour paternel de ce Prince pour ses sujets ; on voit avec évidence, par ce récit, qu'il connoissoit le caractere & la pente de sa Nation, laquelle bien conduite, c'est à dire, entre ses mains, s'il eut pû être plus long tems actif & vigoureux, auroit été capable, non seulement de détruire l'Empire Grec, mais de passer jusqu'à l'Euphrate & d'éteindre le Mahometisme, sçachant toutefois que la force & le destin des hommes sont bornez, quoique l'idée de délivrer la Terre Sainte & tant de millions de Chrétiens languisians sous l'efclavage des Sarrazins eût été son objet principal pendant la meilleure partie de sa vie, il sçût retenir son zéle & sa passion & se contenta de ce qui lui parût évidemment possible, quoique d'un autre côté il ait eu le malheur de donner dans le vice de la prévention, quand il s'imagina faire une autre oeuvre agréable à Dieu, obsequium se praejìare Deo, que de reduire par force les Payens d'Allemagne au joug de sa propre Religion. Voilà ce que peut un Prince François qui aime véritablement ses Peuples & qui en est reciproquement aimé, comme il ne sçauroit manquer de l'être dans la disposition commune pour la moindre attention qu'il donne à la justice qu'il leur doit. Je ne sçai pas si après l'éxposition de ces veritez, il est nécessaire de parler des institutions fabuleuses que l'on rapporte à Charlemagne, telle que celle des anciens Pairs de France ; c'est dans le fond une idée si peu vraisemblable qu'elle n'a pas besoin de réfutation ; toutefois il faut reconnoître qu'elle a un principe dans la pratique de ce Prince, lequel en rétablissant le Parlement dans la dignité qui lui appartenoit, voulut que chacun y fut jugé par ses pareils, selon l'ancien droit François que nous avons exposé dans le commencement de cet ouvrage ; de plus, ce droit convenoit à celui des Fiefs que nous avons vû être la forme du Gouvernement, préféré par Charlemagne ; mais au reste, on sçait trop que rétablissement des anciens Pairs n'a point de rapport avec le tems
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de cet Empereur, où il n'y avoit encore aucune de ces trois Provinces de Normandie, de Guienne, ni de Champagne.
Nous ne saurions suivre la Police Françoise sous le Regne du Débonnaire & de ses enfans, sans reconnoître & sans plaindre, avant toutes choses, le destin commun de toutes les Monarchies, qui les livre à la nécessité d'avoir des Maîtres d'un caractère si inégal, que l'on peut hardiment compter qu'à la fuite d'un bon & grand Prince, il en viendra dix, ou malhûreux, ou méchans, ou imbecilles, & quelquefois tous trois ensemble, ce que tous les Monaiques véritablement sages ont prévû & à quoi la Politique particuliere de Charlemagne auioit apporte du remede, s'il y en pouvoit avoir contre la fatalité des evenemens ; car en établissant les Parlemens, il avoit pourvu ses Successeurs dun Conseil nécessairement & parfaitement fidele, qui ne leur auroit jamais manqué, s'ils ne se fussent manque a eux-mêmes les premiers ; encore voyons-nous que l'inconstante conduite du Débonnaire, & les factions qui divisèrent ion Regne, eurent toutes les peines du monde a le corrompre : les Parlemens ne pouvoient s'écarter de la justice & de la verité, toutes les fois qu ils avoient la liberté de juger suivant leur conscience ; à la fin ils devinrent aussi pervers que les Maîtres, comme on le voit sous le Regne du Chauve, parce qu'il est moralement impossible de resister à l'exemple des Rois ; cest pourquoi quand ceux-ci ont une fois fait dans leur coeur le malhûreux partage de l'intêret personnel avec celui de l'Etat, & qu'en conséquence ils agissent par le motif de leurs passions, toûjours plus dereglées que celles des autres hommes, parce qu elles sont nées & se sont fortifiées dans l'autorité, & le Rang sublime attaché à leur naissance, il est dune éxpérience certaine que tous les inferieurs, grands & petits, s'accoutument d'abord aux mêmes principes d'interêt personnel, de mépris ou d'indissérence pour l'avantage commun & d'ardeur pour la satisfaction des passions particulieres : C'est ainsi que Charles le Chauve, ayant été un Prince leger & sans foi, accoutuma les François à la legereté & à l'infidelité ; qu'ayant été aussi avide de tout ce quil ne possedoit pas, que negligent à conserver ce qui lui appartenoit, il les accoutuma a l'usurpation, dont il fut la premiere victime ; que s'étant aimé lui seul par préference a ses devoirs envers l'Etat & envers sa Famille, il les accoutuma à s'aimer eux-mêmes pareillement & à les haïr avec detestation, jusqu'à recourir au poison pour s'en defaire. Au reste, les Parlemens parvinrent sous la posterité de Charlemagne à ce degré d'autorité que je ne puis m'empêcher de regarder comme un dérèglement contraire a l'intention que ce Monarque avoit euë en les établissant ; nous avons vu de quelle maniere ils condamnerent à la mort Bernard, Roy d'Italie, quoique aîné de la Manon Royale, comment ils privèrent l'Empereur Lothaire de son partage en deça des Monts, comment ils traitèrent la Postérité de Pépin Roi d'Aquitaine ; mais aussi faut-il reconnoître que ce sont moins des actes de Parlement que des effets de la pasfion de ce Prince qui les faisoit agir dans les occasions, & partant bien que l'on ne puine disconvenir que les Dignitez Impériales & Royales n'ayent subi leur jugement, je crois que on peut asseurer que jamais les Parlemens François n'ont prétendu au droit positif de juger es Princes sacrez & couronnez, quoi qu'ils ayent eu celui de les choisir, comme l'Histoire suivante en fera la preuve.
Le Laboureur, Traité de la Prairie.
Il resteroit à définir quelle part & quelle fonction les Prélats avoyent dans les Parlemens généraux, ou epin leur avoit accordé le rang de préséance, surquoi il est nécessaire d'observer que sous es pi entiers Rois on ne trouve que deux exemples où les Evêques ayent été appeliez au Parlement, sçavoir sous le Roi Gunchram & sous Clotaire II. lorsqu'il se fit reconnoître en Bourgogne, main un Moderne très-habile a judicieusement remarqué que dans la premiere occasion ils étoient si éloignez d'avoir la préséance, ou d'êtres regardez comme Membres nécessaire, que dans la Harangue que le Roi Gunchram fit a l'ouverture de l'Assemblée, il adressa la parole aux Seigneurs en présence des Evêques : & quant à la seconde occasion, on voit bien qu'il n'étoit question que du Evêques. & quant a la seconde occasion, on voit bien qu'il n'étoit question que du
CHARLES
ferment de fidélité que Clotaire étoit obligé de prendre de ses nouveaux sujets à son avenement au Royaume de Bourgogne. Il est aussi certain cependant que depuis le Regne de ce même Clotaire, ou plutôt que depuis la Regence de la Reine Batilde, les Evêques ont toûjours affecté de se trouver aux Assemblées génerales, & même de les remplir en plus grand nombre que les Seigneurs Laïques, c'étoit une innovation précise que l'ignorance d'une part & la superstition de l'autre firent tolerer jusqu'à ce que Charlemagne détruisit en général toutes sortes d'Assemblées, quoique son indignation particuliere contre les Evêques ne laissât pas de continuer. Mais quant à la fonction que le Clergé y éxerçoit, il me paroit qu'elle ne se pouvoit rapporter ni aux jugemens capitaux, ni aux entreprises militaires, & qu'ainsi elles devoient être reduites à opiner sur les matieres communes, telle que la répartition des Impôts & les moyens de terminer les différens particuliers, à l'égard desquels les Evêques & Abbez étoient regardez comme des Docteurs ou des Jurisconsultes pour éxpliquer la Loi ; quant aux Impôts, ils y avoient intérêt personnel, outre celui de Citoyen, parce que les biens du Clergé n'étoient pas encore exempts de Charges civiles, & c'est pour cela que nous voyons dans le Parlement de Quercy de l'an 877, que les Prêtres & les Monasteres surent taxez plus haut que les autres Membres de l'Etat, sans que le Pape [Jean VIII.] pût invalider cette imposition. Pour ce qui est des autres Membres des Parlemens, on ne sçauroit douter qu'ils ne fussent composez des Seigneurs de la Cour, des Officiers des Armées & des Magistrats des Provinces qui s'y rendoient selon que le lieu de l'Assemblée étoit plus ou moins à leur portée, il y avoit toutefois des occasions signalées où toutes les personnes constituées en Dignité étoient invitées de s'y trouver, de quelque Nation qu'elles fussent, ce que l'on appelloit Parlemens Généraux, à la distinction des Parlemens particuliers de chaque Royaume, qui ne pouvoient statuer que par rapport à leurs affaires particulières ; on remarque toutefois que les Rois étoient fort attentifs sur le choix des lieux où se devoient tenir les Assemblées, parce qu'il étoit sûr que le plus grand nombre de Membres seroit de ce Canton-là, & c'est une preuve que les affaires s'y decidoient à la pluralité des voix & non par Provinces ou Duchez, comme quelques-uns l'ont écrit, & qu'il s'est pratiqué dans les Etats Généraux qui ont succedé à ces Parlemens : ainsi nous voyons que Louïs le Débonnaire ayant à choisir un lieu pour la tenuë dun Parlement qui devoit connoître du tort ou de la justice qu'on lui avoit fait, ne voulut jamais fléchir à la priere de son fils Lothaire qui vouloit les assembler en Neustrie, mais qu'il les fît tenir à Nimegue, parce qu'il y eut moins de Deputez, à cause de l'éloignement de cette Place, qui d'ailleurs étoit située dans un Païs oû il avoit beaucoup de Partisans.
Nous avons parmi les Ouvrages de Hincmar, au Traité qui est intitulé, de Ordinatione Sacri Palatii, une description de la tenuë d'un Parlement François, que ce Prélat donne, non comme l'usage de son tems, mais comme une chose qu'il avoit apprise dans sa jeunesse du Grand Adelard, Abbé de Corbie, qui étoit cousin germain & avoit été le principal Ministre de Charlemagne ; il dit donc que le Prince laissoit une entiere liberté aux déliberations qui se faisoient en deux Chambres différentes, par les Ecclésiastiques & Laïques séparément ; que les Chambres étoient ornées de siéges & de tapis, que le Prince n'entroit jamais ni dans l'une ni dans l'autre, mais qu'il recevoitde fréquens Messagers de leur part, comme il envoyoit les siens ; qu'enfin lors que les resolutions étoient formées, le Roi ou l'Empereur paroissoit en public sur un trône, près duquel les deux Chambres ne manquoient pas de se rendre & qu'en leur présence on faisoit la dénonciation au nom du Roi, laquelle étoit toûjours reçûë avec acclamation par une multitude, qui, sans avoir de part aux résolutions, ne laissoit pas d'avoir connoissance des affaires proposées & d'en traiter directement avec le Roi, de sorte que l'on pourroit croire que si le Prince eut eu dessein de faire rejetter quelque résolution, il auroit pû se servir de cette même multitude ; mais Hincmar ne laisse pas penser qu'il pût
[texte manquant]
y avoir de division dans le Parlement François, & sa principale attention est de faire voir avec quelle ardeur chacun concouroit au bien & à l'avantage public dans une parfaite unanimité ; il auroit été à desirer que ce Prélat, en nous laissant un monument si considérable, l'eût écrit d'un stile plus naturel & moins forcé, car son éxpression est tellement embarassée, qu'en laissant croire que la plus importante affaire qui occupoit le Parlement dans les séances ordinaires, étoit le choix des Conseillers du Prince ; on ne sçauroit dire, s'il a voulu marquer que le Prince même n'avoit aucune part au choix, & qu'il étoit néanmoins astraint à suivre l'avis des Conseillers qui lui étoient donnez.
Il reste à parler des Envoyez ou Commissaires des Rois, qualifiez en ce tems-là, du nom de MiJJì Dominïci, desquels la fonction étoit de visiter certaine étendue des Provinces, tant pour y éxaminer de quelle maniere les Magistrats ordinaires éxerçoient la justice que pour la publication des Ordonnances ou Capituls qui avoient été autorisez par le consentement d'un Parlement général. On ne sçauroit absolument attribuer l'établissement de cette Magistrature à Charlemagne, car on l'avoit en usage sous la premiere Race, comme on le voit par divers Monumens de l'Histoire de ce tems-là, & entrautres par celle de Chilperic, mari de Fredegonde, qui s'en servit pour éxercer d'éxtrêmes violences dans les Provinces ; mais il y a lieu de juger, que Charles en règla les fonctions, & qu'il la fit revivre avec plus d'autorité & de dignité qu'elle n'en avoit eu jusqu'à lui. En effet, l'on voit que sous son Regne & sous celui de ses ensans , ces Envoyez étoient nommez dans le Parlement avec attribution de jurisdiction dans une certaine étendue de Païs, où ils avoient le pouvoir de faire une espece de chevauchée & d'indiquer des Malles, ou Jugemens publics, dans les lieux principaux, l'un après l'autre, pour y recevoir les plaintes de tous ceux qui auroient prétendu n'avoir pas obtenu justice des Magistrats ordinaires, & ces Malles se tenoient avec tant de rigueur, que si le Centenier ou Graphion, le Vicaire ou le Comte même, étoient convaincus de n'avoir pas fait justice, ils étoient amendables au jugement des Commissaires & n'en étoient pas encore quittez pour cela, puis que selon la gravité du cas, les Rois passoient à leur destitution, & dans le Parlement suivant ils recevoient des Successeurs, & quelquefois une punition plus griéve. De plus, s'il étoit nécessaire de publier quelque nouveau reglement, c'étoit en présence des Commissaires dans les mêmes Malles, ou Jugemens publics-, mais quant à l'éxecution, elle étoit commise au Magistrat ordinaire que les Commissaires ne devoient pas dépouiller de sa fonction, quoiqu'ils eussent l'autorité de le condamner à l'amende, & à la restitution des choses dont il auroit pû s'emparer par violence ou par artifice. Mais comme les affaires ordinaires se peuvent considerer à deux différens égards, celui de la Religion & des matières Ecclésiastiques, & celui de la Police ordinaire ou des matieres purement civiles, on jugea, pour une plus grande précaution, que les Commissaires devoient être pris du nombre des deux Ordres de l'Etat, le Clergé & la Noblesse. C'est pourquoi l'on voit, que dans le nombre des Commissaires il y avoit d'ordinaire un Prélat, soit Evêque, soit Abbé, dont la présence & la décision ne pouvoient manquer d'être d'un grand poids dans ces sortes de Commissions par le grand respect que l'on portoit alors aux Dignitez Ecclésiastiques –, à l'égard des autres Commissaires, en quelque nombre qu'on les employât, c'étoient toûjours des plus Grands Seigneurs, qui ne trouvoient point leurs fonctions au dessous de leur condition ni de leur dignité, & qui s'en acquittoient avec d'autant plus de zèle, que tout le monde étoit persuadé que l'ordre, la règle & la manutention des loix étoient attachées à cette discipline.
Il est aisé de voir maintenant si la fonction de Mrs. les Intendans des Provinces peut être dite pareille à celle des Mijsi Doìninidj comme ils le prétendent, pour se parer de cette antiquité : II est vrai que le nom de Commissaire du Roi peut leur être commun, mais si le pouvoir de ceux du tems passé leur étoit confié pour le bonheur & l'union de la Société, j'ai grand peur que la Posterité qui parlera de ceux de cetems-ci, n'ac-
CHARLES
cuse au contraire leur Ministere de l'avoir détruite parmi nous : quant à la différence des personnes employées dans l'un & l'autre tems, ceux de nos jours sont trop sensez pour la vouloir contester. Revenons maintenant à l'Histoire, & disons, que la Posterité legitime & masculine de Charlemagne étant reduite à la personne du jeune Charles, fils du Begue, lors âgé de neuf ans seulement, & par conséquent hors d'état de faire valoir ses droits sur la Monarchie entiere, tous ceux qui se piquoient de l'honneur singulier de descendre du même Empereur par leur mere crurent avoir le même droit à la Monarchie que les mâles. Louïs, fils de Bozon, se fit reconnoître dans la Bourgogne Cisjurane, c'est à dire, depuis la Saone jusqu'à la Mer, sur le fondement qu'il étoit fils de Ermengarde, fille de l'Empereur Louïs II, & qu'en cette qualité il avoit été adopté par l'Empereur Charles le Gros, à un Parlement qui fut tenu à Ubertingue. Raoul, neveu de Hugues, Duc de France & petit-fils de Conrard de Stralinguen s'empara de la Bourgogne Transjurane, & fut se défendre contre les forces d'Arnould, Roi de Germanie au delà des Alpes. Berenger, Duc de Frioul, descendu de Giselle fille du Débonnaire, & Guy de Spolette aussi descendu d'une fille de Pépin Roi d'Italie, soeur du Roi Bernard, après avoir long tems disputé ensemble la possession de ce Païs, convinrent que Berenger en demeureroit maître, & que Guy de Spolette auroit la France avec le titre de l'Empire, à quoi il n'y auroit certainement point eu de difficulté, s'il eut usé de diligence pour se faire reconnoître ; mais à la fin les François rebutez de ses longueurs, & dans la nécessité de prendre un défenseur contre les Normands, s'assemblerent à Compiegne pour choisir un Tuteur au jeune Charles, lequel ils autoriserent à porter le nom de Roi comme Gardien du Pupille : l'Election fut long tems débatuë ; Baudouin, Comte de Flandres, petit-fils du Chauve, & Foulque Archevêque de Rheims, voulant qu'on s'attachât à la Famille de Charlemagne ; la plûpart des autres Membres soutenoient au contraire, que le besoin de l'Etat demandoit un bon Capitaine, & qui fut instruit de la maniere dont il faloit faire la guerre aux Normands, qualitez qui se trouvoient en la personne d'Eudes, Comte de Paris, quoique non du Sang Royal.
EUDES, Quarante-huitième Roi.
EUDES.
ENFIN le plus grand nombre l'emporta, & Eudes fut couronné par les mains de Gauthier Archevêque de Sens au refus de celui de Rheims l'an 888 ; cependant l'Empereur, Guy de Spolette, étant arrivé en France, se fit couronner à Langres par Gerlon Evêque du lieu, mais voyant qu'il avoit peine à venir à bout des Francs attachez à Eudes, il prit presqu'aussi-tôt le parti de retourner en Italie, & d'abandonner un Royaume qu'il auroit eu à conquerir contre un Prince actif & vigilant & contre des Peuples indisposez. Dès l'année suivante, Eudes défit en bataille à Montfaucon en Bourgogne les Normands du Siège de Paris qui s'étoient divisez en deux bandes, dont l'autre occupoit la Champagne, il leur tua 20000 hommes sur la place le jour de S. Jean Baptiste, &, dans le même tems, Alain Comte de Bretagne en défit une autre troupe, dont il resta 15000 sur le Champ : Quand ceux de Champagne apprirent ces nouvelles ils se hâterent de descendre le long de la Riviere de Marne, mais ne pouvant passer à Paris, ils chargerent leurs batteaux & leur butin sur des chariots & les mirent à l'eau au dessous de la Ville, s'échappant avec bien de la peine à la poursuite du Vainqueur ; mais la plus grande perte qu'ils firent alors fut celle d'une bataille dans laquelle Arnould de Germanie leur tua ou prit 100000 hommes & brûla tous leurs vaisseaux ; cette
EuDES
action se passa auprès de Liege, les Historiens du tems rapportent que le cours de la Meuse fut arrêté par le grand nombre de corps morts. En 890, Eudes, délivré de la crainte des Normands commença à songer aux intérêts de sa famille apparemment par les conseils de Robert son frere, l'homme du siécle le plus ambitieux : les Partisans de la Famille Royale, dont le chef étoit l'Archevêque de Rheims, les Princes de la Maison de Vermandois, le Comte de Flandres, & le vieux Guillaume Duc d'Aquitaine, se tenoient unis, & ne vouloient point le reconnoître ; la Reine veuve de Louïs le Bégue avoit enleve sonfils Charles & l'avoit transporté en Angleterre, en attendant une plus hureuse conjoncture. Cette disposition des affaires fit juger à Eudes & à Robert, qu'il faloit relever l'ancien Parti du Roi Pepin en Aquitaine qui serviroit à grossir le leur ; cest pourquoi il confera le Comté de Poitiers à Aimar d'Angoulême, fils du celebre Emmenon, qui avoit été fidele aux deux Pépins, & celui-ci s'en mit en possession maigre le Duc d'Aquitaine, Guillaume, qui étoit trop vieux & trop devot pour entrer en lice avec lui.
CHARLES IV, dit le Simple, Quarante. neuvième Roi.
CHARLES LE SIMPLE
CETTE demarche obligea les bons François d’en faire une autre, c’est à dire, de se hâter de couronner le jeune Charles, qu’ils rappellerent d’Angleterre, & la cérémonie de son Sacre se fit à Rheims par les mains de l’Archevêqué Foulques le 27. de Janvier 893, ce Prince n’ayant encore que treize ans & demi, après quoi l’Archevêque écrivit des lettres d’exhortation à tous les fideles François pour les inviter à reconnoître le legitime Héritier de la Couronne & à se declarer contre l’usurpateur. Ce fut le Signal de la Guerre qui continua long tems sans aucune décision ; toutefois Eudes eut bien de la peine à se maintenir, jusques-là qu’il fut insulté en plein Parlement par le Comte Gauthier, son cousin germain, qui se jetta ensuite dans la Ville de Laon, mais y ayant été forcé, Eudes lui fit couper la tête : les deux Rois convinrent enfin d’une treve & d’une espece de partage, par lequel Eudes paroit avoir joui de la Bourgogne, de la Picardie, de la Champagne & du Poitou. A la fin ce Prince, las d’être regardé comme un Usurpateur, & ne pouvant toutefois se résoudre à descendre du Trône qu’il avoit occupé, se laissa surmonter par le chagrin, dont il mourut à la Fere en Picardie, le 3. de Janvier, 897. Il témoigna, à sa fin, beaucoup de regret d’avoir fait la guerre à Charles, ordonna à son frere Robert & à tous ceux qui étoient présens de lui obéir comme à leur Roi légitimé ; quelques-uns disent, qu’il laissa un fils qui ne lui survécut que six mois. Mais avant d’aller plus loin, il est bon de donner une idée de la Généalogie de ce Roi Eudes, sur laquelle les Modernes ont débité des faits entièrement absurdes, dans la pensée de mériter beaucoup de la Maison regnante, en la joignant à celle des Mérovingiens & à celle de Charlemagne, comme si la possession constante d’un même Trône pendant plus de 700 ans, & la gloire d’avoir donné des Monarques à tous les autres Royaumes de l’Europe, avoit besoin d’être relevée par une de couverte semblable, ignorée de toute l’Antiquité.
Il y a donc trois opinions sur l’origine de Robert, Marquis de France, que nous devons regarder comme la Tige de la Maison Capetienne, & je croi que l’on en peut prendre une quatrième, dont je tâcherai de donner l’idée, 1°. Celle que l’on rapporte à Dante,
CHARLES
Pofcte Italien, qui fait sortir Hugues Capet d'un boucher, est si absurde & si contraire témoignage de l'Histoire, qu'il est inutile de la réfuter & même de remarquer que c'est une médisance, effet de la paillon d'un Gibelin, décharné contre la Maison d'Anjou, attachée aux Papes, a" On a prétendu, que Robert le Fort etoic de Race Saxonne sur l'autorité de plusieurs anciens Historiens, tels que Helgaud, Reginon, l'Abbé d'Ursberg, & surtout celle d'un Cartulaire de S. Martin, qui le fait fils de Richard, en quoi toutefois on soutient qu'il y a erreur, parce qu'on lui donne pour pere Witikind, second petit-fils de celui qui portoit le même nom sous Charlemagne. 3°. Une autre opinion fait descendre Robert de la Tige de S. Arnoul, Evêque de Metz soit par le Duc Clodulphe, frere d'Ansesige, pere de Pepin de Herstal, lequel Clodulphe on sçait d ailleurs n'avoir point eu de Posterité au delà du Duc Martin, tue par Ebrouin an 1, soit par Childebrand que l'on sçait avoir été frere de Charles Martel & pere de Theodoric & de Nebelong, successivement Comtes d'Autun ; on dit après, que Nebelong I. fut pere de Childebrand II. & de Theodebert, & que ce dernier fut aussi pere d'Ingeltrude, femme de Pépin, Roi d'Aquitaine, premier du nom, & de Robert qui a ete lui-même Marquis de France, ou pere de Robert, qui est véritablement reconnu pour te ; c'est l'opinion de Dubouchet dans l'Histoire de la seconde & troisième Lignee de la Maison de France. Mais depuis cet Auteur, la question a bien change de face ; Perard avoit fait un recueil des pieces des titres servans à l'Histoire de Bourgogne, qui a donne connoissance des Chartres du Prieuré de Perrey, Diocese d'Autun, desquelles on tire bien d'autres conséquences pour cette Généalogie –, Mons. Colbert se fit apporter les originaux, & après que l'on en eut rendu compte au Roi, Mons. le Duc d'Epernon fit le livre fameux de l'Histoire de la véritable origine de la troisième Race des Rois de France, voici en peu de mots le systeme qu'il y établit,
CHILDEBRAND, Comte dAutun, Duc en Bonigogne, fils de Pépin Heristel & vraisemblablement d'Alparde, fut
Pere de
THEODORIC, aussi Comte d'Autun, Tige de la branche des Ducs d'Aquitaine, mort avant 804.
NEBELONG I. Comte d'Autun, & c. lequel l'an 4. du Roi Pepin fit faire une reconnoissance que la Ville de Perrey avoit été donnée à son pere par Charles Martel.
Le Continuateur de Fredegaire semble dire, que ce Moine avoit entrepris son Histoire par l'ordre de Childebrand, oncle du Roi Pépin, & qu'il l'a continuée par celui de son fils le Comte Nebelong.
NEBELONG I. a été
Pere de
CHILDEBRAND II, Comte d'Autun ; il est fort bien prouvé que celui-ci a été pere des suivans, mais non qu'il soit fils de Nebelong I.
THEODEBERT, Comte de Mâcon ou de Madric, Madricenfis ou Matricensis, pere de Robert & de la Reine Ingeltrude.
De lui sont sortis,
ECCARD, Comte d'Autun, & mort en 885.
THIERRY, mort en 874.
BERNARD, mort en 875.
CHARLES
Ce Comte Eccard est celui qui eut procès avec Vulfrade Archevêque de Bourges, touchant la possession de la terre de Perrecy, dont l'enquête ci-devant rapportée a été faite entre 866 & 867 : son Testament conservé dans les Chartres du même lieu de Perrecy donne les noms de ses pere, mere, freres, soeurs & enfans, par où l'on connoit qu'il a été pere de Thierry, Comte d'Autun,
Pere de
NEBELONG II, Comte d'Autun, d'Auxerre, de Macon ou de Madric, lequel a été Commissaire pour Charles le Chauve l'an 24, de son Regne, a fait une donnation à l'Abbaye de la Croix, S. Emsroy, l'an 20. du même Regne, & a signé une autre Chartre en 878. l'an 2. de Louïs le Begue ; on le fait pere du Marquis Robert mort en 867.
RICHARD, DUC de Bourgogne, qui a fait le Siège de Vienne en 882.
Pere de
RAOUL, Roi de France en 923.
Pere de
EIUGUES ie Nou, & de BOZON.
THIERRY, Comte de Châions,
Pere de
MANASSES de Vergi, en 921,
Pere de
GISLEBERT, dont la fille Leudegarde épousa Othon Duc de Bourgogne, frere de Hugues Capet.
Je pourrois aller plus loin dans la représentation du Systeme, mais ce que j'en viens de découvrir suffit, selon moi, pour en démontrer la fausseté : Premierement, il n'y a aucun titre, ni Chronique, qui fasse Robert Marquis de France fils de Nebelong ; au contraire, le Cartulaire de S. Martin de Tours désigne proprement qu'il étoit fils de Richard. Mezeray, en son Histoire générale, soutient à la vérité que le Cartulaire original ne porte qu'une R. avec un point, selon la méthode des abbréviations de ce tems-là, de sorte que l'on en peut faire Robert, aussi bien que Richard, mais pour le nom de Nebelong, c'est ce qui est impossible. Il est vrai que les Annales de S. Bertin disent, que la Comté d'Autun avoit appartenu au Marquis Robert, & qu'elle lui avoit été enlevée par un nommé Bernard, mais ce n'est pas dire, qu'il fut fils de Nebelong, ou du Comte Eccard, qui etoit aótuellement en possession de cette Comté pendant la vie de Robert, & qu'il le fut encore long tems après sa mort, si l'on en croit l'énoncé des Titres. 2°. Je trouve une impossibilité, sinon Physique, du moins Morale, que Robert eut été pourvu du Gouvernement de la Marche de France, en. qualité dun des meilleurs Capitaines de son tems, bien auparavant que son pere & son ayeul aient paru dans le Monde. Quand on propose des filiations & qu'on prétend les rendre probables par le secours de quelques Titres, il ne faut pas tellement négliger la probabilité même, que l'on choque absolument le bon sens & la droite raison, contre lesquels les Titres ne sçauroient prévaloir, ainsi sans contester sur ce sujet des piéces qui prouvent que le Comte Eccard & son fils Nebelong ont tous deux vécu jusqu'en 885, il paroîtra incroyable à tous ceux qui y feront reflexion que Robert, petit-fils d'Eccard, se trouve pourvu de la plus grande Dignité du Royaume en conséquence de son mente, 24 ans avant la mort de son ayeul ; que Robert vienne ensuite à mourir dans une bataille glorieuse à l'Etat, & que ce même ayeul qui n'oublie personne de sa Famille dans son Testament, n'en fasse pas la moindre mention, il en faut dire autant par rapport a Richard Duc de Bourgogne, oublié de même dans le Testament de son ayeul contre toute vraisemblance.
De plus n'est-ce pas abuser de l'Histoire, que de dire que le Marquis Robert avoit épousé une fille du Débonnaire & qu'il en eut les Rois Eudes & Robert, lors que l'on voit au contraire, que l'obstacle principal qu'ils ont trouvé à leur avancement du côté esrans, a été le defaut de leur sang, parce qu'ils n'avoient pas l'avantage de sortir
CHARLES
de la Maison Royale, ainsi que leurs Compétiteurs ; par ces raisons je crois pouvoir conclurre que le Systeme dont il s'agit est absolument insoutenable.
Mais il n'y a pas moins de difficulté à former une quatrième opinion, n'y ayant rien sur quoi l'on puisse sûrement compter pour y établir l'origine paternelle du Marquis Robert, si toutefois il étoit permis d'en juger par conjecture, je pourrois dire qu'il étoit oncle de l'Impératrice Richilde, femme du Chauve, de Bozon Roi de Bourgogne, & de Richard pere du Roi Raoul & par conséquent frere de Beuvin, Comte d'Ardenne, au moyen dequoi il pourroit avoir été marié avec une soeur de Hugues l'Abbé, Duc de France après lui, & par conséquent fille de Conrard de Stratlinghen, car c'est une alliance laquelle étant constante en sa personne, ne peut avoir lieu à l'égard de Richilde, parce qu'elle l'auroit rendue si proche parent de Charles le Chauve, qu'il n'auroit pu l'épouser. Or dans la supposition que je fais ici, I°. Robert auroit été oncle de Richard, Duc de Bourgogne & du Roi Raoul, & en effet l'Histoire ne permet pas de douter qu'ils ne fussent de même Maison. 2°. Ses enfans auroient été neveus de Hugues Duc de France, comme l'Histoire le fait connoître. 3°. Son pere auroit été Allemand & peut-être Saxon de naissances & auroit pû avoir le nom de Richard qui se trouve répété parmi les enfans de Beuvin. 4°. Charles le Chauve auroit eu un sujet suffisant de l'avancer, étant son proche parent du côté de sa mere : Ainsi toute la probabilité & les témoignages de l'Histoire demeurent conservez, quoique dans la vérité aucun passage positif des Anciens n'appuyé formellement cette conjecture. Mais puis que nous en sommes sur un Article de pure Généalogie, nous ne le quitterons pas sans parler de celle de la Maison de Vermandois, qui, dans la fuite de cette Histoire, a eu une part si considérable aux affaires. J'ai déja dit, que Bernard Roi d'Italie, dont la mort couta si cher au Debonnaire, laissa un fils nommé Pepin, qui eut pour appanage les Comtez de Peronne, de S. Quentin & de Senlis, & fut pere de Bernard, mort sans lignée, de Herbert Comte de Vermandois, & de Pepin Tige de Comtes de Senlis & vraisemblablement des premiers Seigneurs de Coucy. Herbert vécut jusques à l'an 902, il avoit été partisan du Roi Eudes tant qu'il avoit vécu, & avoit eu de rudes guerres avec Baudouin Comte de Flandres, dans lesquelles Raoul Comte de Cambrai avoit été tué, il fut pere de Herbert II, renommé par ses insignes trahisons & particulièrement par la detention du Roi Charles le Simple. On prétend qu'il épousa Childebrante, que l'on dit avoir été fille de Robert premier, Marquis de France, mais cette alliance est très-suspecte : il fut pere d'Albert, dont la Posteriré s'est continuée jusqu'à Adelle, Comtesse de Vermandois, femme de Hugues de France dit le Grand, puis de Renaud second Comte de Clermont laquelle emporta l'heritage principal, quoiqu'il soit resté des mâles jusques bien avant dans le V. Siécle, possedans les Seigneuries de S. Simon dans la Branche aînée, & de Ham dans la Branche cadette : les autres enfans de Herbert II. furent Herbert, Comte de Troyes & de Meaux après son frere puisné Robert, il épousa Ogive veuve de Charles le Simple, comme il sera dit ci-après, il fut pere d'Etienne, aussi Comte de Troyes & de Meaux, lequel étant décédé sans enfans, sa Succession fut envahie par Eudes Comte de Blois son cousin. Robert de Vermandois son troisième fils, fit la conquête de la Champagne en 958 & mourut sans enfans, laissant la Succession à son frere Herbert, comme il a été dit. Eudes de Vermandois, quatrième fils, fut établi Comte de Viennois par Hugues Roi d'Italie, & se rendit ensuite maître de la Ville d'Amiens. Hugues cinquième, son fils, fut Archevêque de Rheims, & causa de grands troubles, dont il sera parlé dans la fuite. Alix fut mariée à Arnoul premier, Comte de Flandres. Enfin Leudegrave, premierement Epouse de Guillaume premier, Duc de Normandie, épousa en secondes nopces Thibaud le Trichard Comte de Chartres, de Blois & de Tours, & ce fut à son droit que ses enfans succederent à la Comté de Champagne.
CHARLES
La Chronique de Vezelai rapporte la premiere invasion de Raoul à l'année 886
Après la mort du Roi Eudes, Herbert Comte de Vermandois se raccomoda si bien avec le Roi Charles & gagna tellement sa faveur qu'il l'engagea d'abandonner les intérets du Comte de Flandres pour les siens, quoiqu'il eut été jusques-là son principal Protecteur, il lui ôta la Ville d'Arras pour la donner à un Comte nommé Altmar, lequel en échange cedoit celle de Peronne à Herbert. Le Comte de Flandres, touché de cette préférence, fut trouver le Roi pour s'éxpliquer avec lui, mais il en fut si mal reçu qu'il se retira mal content & demeura très-offensé tant contre le Roi que contre l'Archevêque de Rheims, Foulques, qui étoit alors premier Ministre. Dans cette occurrence, Uniomarch, Seigneur de Lille en Flandres, l'un de vassaux du Comte, entreprit de le vanger & assassina l'Archevêque au coin d'un bois où il l'avoit attendu sur son passage ; ce meurtre fait, il se retira en Angleterre, où il mourut peu aprés de. Phtyriaie, ou de la maladie pediculaire ; ce qui fut regardé comme un châtiment divin, quoique ce fut alors un mal épidemique. En 902, Herbert premier de Vermandois sur tué, comme nous l'avons dit, par les Troupes du Comte de Flandres, il laissa les enfans, dont nous avons fait mention. Haric, Capitaine Normand, étant descendu par la Loire, brûla la Ville de Tours. En 905, Raoul, ou Rollon, autre Capitaine Normand, descendu par la Riviere de Seine, s'empara de Rouën & de tous les Païs voisins, toutefois non content de cela, (parce qu'en effet le Païs étoit tout désert) il se jetta sur la Picardie, la Champagne, le Païs Messin, & d'autre côté sur le Chartrain, le Perche & l'Orleannois : il insulta plusieurs fois Paris sans le pouvoir emporter ; il brûla une infinité de Villes & d'Eglises : cependant ses Troupes furent batuës en deux endroits, à Tonnerre par Richard, Duc de Bourgogne, & à Chartres par l'Evêque de la Ville, nommée Gosseanne ; ces ravages durerent jusqu'à l'année 911, que Raoul ayant commencé à goûter les remomtrances de l'Archevêque de Rouen, donna quelque esperance de sa conversion au Christianisme. Robert, alors Duc de France, songeant à s'en faire un appui solide pour le dessein qu'il avoit formé de s'emparer de la Couronne, fut le premier à proposer de lui abandonner la Neustrie depuis les Rivieres d'Epte & d'Eure jusqu'à la Mer, avec les territoires de Bayeux, de Coutances, d'Avranches & l'hommage de Bretagne, Païs dont il étoit déja en possession. Cette négociation se poussa si avant & si hûreusement, qu'enfin Raoul reçut le baptême le jour de Pâques de l'année 912 & l'investiture du Païs qui fut appellé Normandie, à titre de Fief mouvant de la Couronne de France : le Duc RObert fut Parrain & le Roi lui donna sa fille Giselle pour Epouse, mais elle mourut peu après sans enfans, & le nouveau Duc reprit celle qu'il avoit quittée en se faisant Chrétien, de laquelle il avoit déja un fils, qui ayant reçû le Baptême avec lui, fut nommé Guillaume. Le tems fatal étoit arrivé où les Normands, après avoir désolé si long tems la France, devoient servir à la repeupler, tous ceux qui se trouverent alors dans le Royaume Maîtres d'une quantité de Places le long des Rivieres, particulièrement dans le Païs du Maine, d'Anjou, de Poitou & de Bretagne, se firent Chrêtiens à l'exemple de Raoul, & devinrent en peu de tems bons François.
Pour lui, que non seulement sa valeur, mais son esprit & son jugement distinguaient au dessus des Princes de son Siécle, il travailla puissamment à repeupler le Païs de sa conquête, premierement en y établissant la securité des personnes & des biens & y faisant fleurir une justice si éxacte que toutes les Histoires ne nous représentent rien de comparable à ce qui s'est pratiqué en Normandie sous son Gouvernement ; peut-être que la défense qu'il fit de s'y servir de ferrures ni de clefs, & que l'arbre d'argent qu'on dit qu'fit planter près de Rouën, & qui y demeura cinq ans sans Gardes & sans qu'on en detâchat une feuille, sont des fictions ; mais ce qui est de certain, c'est qu'il voulut que la feule invocation de son nom arrêtât toute forte d'entreprises & qu'elle forçât les plus rebelles à comparoître en justice ; c'est delà qu'est devenue la clameur de Haro qui subsiste encore en Normandie, malgré tous les changemens qui y fout arrivez. Secondement, ce Prince mit tous ses Peuples en liberté, détruisit, dans toute sa Domination,
CHARLES
ce qu'on appeiloit la main morte, accordant la proprieté des biens & le droit de Succession à tous les hommes indifféremment : cependant il voulut que les Normands, auxquels il partagea toutes les terres féodalement, jouïssent de la Dignité qui appartenoit de droit aux Conquerans du Païs, de forte toutefois qu'ils ne purent fouler les Peuples, ni les obliger autrement que par convention ; c'est pourquoi il retint toutes les Justices en sa main, afin que les particuliers n'en pussent abuser. Il pourvût aussi magnifiquement à sa propre subsistance & à celle de tous ses Successeurs, en retenant à lui la propriété de tous les bois du Païs : mais le récit de tout ce qu'il fit d'utile à ses sujets, & de glorieux à sa mémoire, demanderoit un Ouvrage particulier ; ainsi je me bornerai à dire qu'il vécut trop peu pour affeurer l'éxécution parfaite des Loix qu'il avoit établies, sur tout ayant laissé son fils mineur sous la tutele du Duc Robert son Parain. Il mourut en 917 sur la fin de l'année, avec une circonstance qui est rapportée par la Chronique de S. Cybar, & qui merite de n'être pas oubliée ; cette Chronique qui parle en diverses occasions de l'étroite Alliance entre le Comte de Poitou & le Conquerant de la Normandie, fait connoître que son Auteur étoit bien instruit de ce qui se passoit chez l'un & chez l'autre Prince ; il rapporte donc que Raoul, ou Rollon, se voyant près de la mort, peu certain entre la Religion du Païs de sa naissance, & celle qu'il avoit embrassée nouvellement, se détermina à donner à l'une & à l'autre une égale preuve de son respect, & que pour cela il envoya cent livres d'or pur, pour être distribuées aux principales Eglises de ses Etats, pendant que d'un autre côté il fit couper la têté à cent de ses anciens captifs à l'honneur des Idoles qu'il avoit adorées la plus grande partie de sa vie, flattant les Dieux du Nord par le sang & le carnage, & celui des Chrêtiens avec de l'oR. On pourroit peut-être juger sur cet éxemple de quelle espece étoient pour l'ordinaire les confessions de ces Barbares, si la Chronique n'ajoutoit que la tête avoit tourné au sage Rollon, Imminenti obitu, dit-elle, in amentiam versus est.
Cette même année fut fatale à bien d'autres Grands, puis que le Comte de Flandres, Baudouin le Chauve, mourut aussi, laissant deux fils Arnoul & Adolphe, au dernier desquels il donna pour partage Therouene, Boulogne & S. Orner. Foulques le Roux, Comte d'Anjou, fils d'Indeger, mourut aussi, laissant sa Succession à Foulques le Bon, son fils. Enfin le Roi Conrard d'Allemagne mourut l'année suivante, ayant déféré la Couronne à Henri, Duc de Saxe, qui a été surnommé l'Oiseleur ; le Roi Charles de France profita de cette conjoncture pour reprendre la Lorraine jusqu'au Rhin. Mais pendant qu'il travailloit à étendre ses limites, le Duc Robert, qui dressoit depuis long tems sa cabale pour le detrôner & occuper sa place, se declara tout à coup avec Gifalbert, qui avoit épousé une fille de Henri Roi d'Allemagne, & Otton, tous deux fils du Duc Regnier ; les autres Seigneurs, dont le but n'étoit que de se procurer l'independance & la proprieté de leurs Gouvernemens, n'eurent pas de peine à entrer dans ce parti, de sorte que Charles se trouva tout à coup abandonné & reduit au point de n'avoir d'autre subsistance que celle que lui procura Hervé, Archevêque de Rheims ; à la fin ce Prélat obtint néanmoins des Factieux qu'ils lui laisseroient le titre de la Royauté, comme lui de sa part s'engagea à ne leur ôter aucun de leurs Emplois ou de leurs Terres.
ROBERT I. Cinquantième Roi.
eMAIS
eMAIS Duc Richard de Bourgogne, qui avoit toûjours été attaché aux Rois l gitimes, & qui n'étoit jamais entré dans les injustes desseins de Robert, étant venu à mourir, la querelle se ralluma bien-tôt au sujet de l'Abbaye de Chelles, que le Roi donna à son Favori Aganon, que toute la Noblesse haïssoit infiniment, quoique le dit Robert demandât nommément cette Abbaye pour son fils Hugues. Cette préférence irrita tellement Robert, que s'étant emparé de la Ville de Rheims, il s'y fit couronner par l'Archevêque Hervé, le 28. Juin 922 ; cette datte est précise dans Flodoard, qui dit que l'Archevêque mourut quatre jours après, le 6. du mois de Juillet : sur cette nouvelle le Roi Charles quitta le Siège de Capremont où il tenoit enfermé le Duc Gisalbert, l'un de ses plus grands ennemis ; la guerre dura un an & se fit toujours en Lorraine & en Champagne, jusqu'au 15. Juin de l'année suivante, qu'elle fut terminée par la bataille de Soissons, en laquelle quelques-uns disent, que Charles tua son Competiteur de sa main. La même Chronique de S. Cybar fait un récit particulier de cette guerre, & rapporte que le Roi d'Allemagne ayant prêté des Troupes à Charles, celui-ci vint chercher son ennemi bien avant dans la France, qu'il faisoit porter sa Banniere Royale par un Seigneur fort brave, nommé Fulbert, auquel il en avoit recommandé la garde avec tant de soin que ses paroles devinrent un Proverbe commun & populaire, Cave Fulberte ; mais que le Roi Robert ne vouloit point avoir d'autre Banniere que lui-même, de sorte que pour se faire connoître sous le fer des armes, dont il étoit couvert, il tira sa longue barbe blanche par dessus sa cuirasse, dejectâ barbâ canitie plenâ extra loricam ; ce qui fit que ses ennemis s'attacherent à sa personne, & que le même Fulbert lui fendit la tête par le milieu, per médium cerebri : ce fut toutefois le seul avantage de cette journée, car ce parti n'étant ni assoibli, ni changé de disposition à l'égard de Charles, on proceda à l'Election d'un nouveau Roi ; le choix tomba sur Raoul Duc de Bourgogne, gendre de Robert qui fut couronné à Soifions dans le mois de Juillet suivant. C'étoit. un Prince jeune & actif qui poussa Charles si vertement que le secours des Normands qu'il avoit appeliez, n'ayant pû passer, il fut obligé de se retirer vers l'Allemagne & d'implorer le secours du Roi Henri, qui lui fut promis au moyen de cession de la Lorraine : en cet état il auroit pû rétablir ses affaires, si la trahison de Herbert de Vermandois ne l'avoit malhûreusement perdu ; ce perfide lui persuada, qu'étant de sa maison il avoit le premier intérêt à la maintenir, quainsi il vouloit absolument entrer dans ses intérêts & renoncer au parti odieux de ses ennemis. Le pauvre Charles trompé par cet artifice se laissa engager d'aller à S. Quentin, où le Traître le retint prisonnier, puis il le transfera à Chateauthiery, où il le garda Jusqu au tems qu'il lui plût de l'en tirer pour ses intérêts particuliers. On remarque qu'il se servit pour cette négociation de Bernard, Comte de Senlis, son cousin, lequel les Historiens disculpent toutefois de la trahison ; cela fait, Herbert prit tous les avantages qu il pût tirer de son crime, opprimant ses voisins, & particulièrement l'Eglise de Rheims, dont il éxigea une promesse que le Siège ne pouvoit être rempli que de la personne de son fils Hugues, quoiqu'il n'eut encore que huit à neuf ans. En 924, le Roi Raoul fit la guerre en Lorraine & en prit une partie ; on fit cette année une Collecte forcée, comme il s'étoit pratiqué du tems du Chauve. Raoul fit aussi quelques mouvemens contre Guillaume Duc d'Aquitaine, pour le reduire à l'hommage. En Italie les choses étoient dans la derniere désolation, les Hongrois y étans entrez saccagerent Bresse, Bergame, Mantoue, & sur tout la belle Ville de Pavie, qu'ils brûlèrent
ROBERT I.
& ruinèrent de fond en comble, quelques-uns de ses habitans rachetèrent ses murailles de huit muids d'argent qu'ils avoient amassé parmi les cendres & les ruines de leur Ville. En 926 les Normands, qui faisoient toutes les années des incursions nouvelles malgré Rétablissement qu'ils avoient en Neustrie, où ceux qui arrivoient du Nord n'étoient pas reçus sans changer de moeurs & de Religion, pénétrèrent jusqu'en Bourgogne ; une autre Troupe occupa l'Artois & le Roi Raoul les ayant voulu forcer, fut repoussé & blessé, & auroit même été pris sans le secours de Herbert de Vermandois, En 927, Raoul & Herbert eurent un différent au sujet de la Ville de Laon, que celui-ci vouloit avoir, & la chaleur alla si avant que Herbert tira le Roi Charles de sa prison & le mena sur les Confins de Normandie, comme pour engager ces Peuples à le rétablir, parce qu'en effet ils l'aimoient, comme celui à qui ils étoient redevables du bel établissement dont ils jouïssoient, mais il n'avoit garde de les laisser conclurre un Traité avec ce malhûreux Prince ; c'est pourquoi il le ramena subitement à Rheims, sous prétexte de l'y faire couronner une seconde ou troisième fois pour son établissement ; cependant comme tout ce manège n'étoit que pour faire peur à Raoul, dès qu'il en eût obtenu la Ville de Laon, il ramena Charles à Peronne & l'y garda le reste de sa vie. En 929, Raoul II. Roi des deux Bourgognes étoit en pleine possession de l'une & de l'autre ; Hugues d'Arles Roi d'Italie, qui lui avoit cedé celle que nous pouvons nommer la Bourgogne Françoise, le vint visiter à Vienne cette année, & il fut reçu avec toute sorte d'honneur. En 928, une Flotte de Normands ayant pris terre dans le Boulonnois, s'y fortifia dans le lieu de Ghisnes ; le Comte de Flandres Seigneur du Païs lui donna des Terres ; mais peu après le Chef de ces Normands qui se nommoit Siegefray enleva la fille du Comte ; dont s'ensuivit une guerre dans laquelle ce Capitaine se trouva tellement embarassé qu'il se pendit lui-même par desespoir, il laissa sa femme enceinte d'un fils qui a été la Tige des Comtes de Ghînes. Cette même année le malhûreux Roi Charles mourut dans sa prison, le 17. Octobre, âgé de 50. ans ; Raoul & Herbert lui faisoient toûjours esperer sa liberté & lui rendoient des respects éxterieurs ; à la fin le déplaisir l'accabla, il fut inhumé dans l'Eglise de S. Furcy de Peronne, & dans l'Histoire il porte l'Epithete de Simple, pour avoir trop foiblement donné dans les piéges que les Factieux de ses Etats lui avoient tendus : il laissa un fils de sa femme Ogive d'Angleterre, lequel fut nommé Louïs, & que sa mere emmena au delà de la mer sur le premier avis de la detention du Roi Charles. C'est ce qui fit donner le surnom d'Outremer à ce jeune Prince, parce qu'il fut en effet rappellé de ce Païs-là quelque tems après.
En 930, Raoul remporta une grande victoire contre les Normands de la Loire, qui avoient pénétré en Limousin, ils furent vaincus au lieu de Dextricios : Herbert de Vermandois & Hugues de France, fils de l'Usurpateur Robert, entrerent en querelle au sujet de l'hommage de Herluën, Comte de Montreuil en Picardie ; Herbert, piqué de ce que Raoul soutenoit son beau-frere, s'emporta jusqu'à faire hommage à Henri, Roi de Germanie. Raoul de son côté ne l'épargna pas, lui enleva & la Ville de Rheims dont il se disoit maître, sous prétexte de l'Election de son fils à l'Archevêché ; & celle de Laon, qui étoit le principal sujet de jalousie. Cela fait, Raoul se porta vers les parties Meridionales du Royaume, & y reçût les hommages de Raimond & Hermengault, Ducs de Gothie, avec celui de Loup Azuard, Duc de Gascogne, apparemment fils de Sanches Misarra & petit-fils de Loup Centule. Flodoard rapporte qu'il montoit un cheval âgé de 100 ans, encore beau, fraix & vigoureux. En 932, Guillaume Duc de Normandie fit le même hommage au Roi Raoul, qui, pour l'engager de plus en plus, lui donna les Terres que les Bretons occupoient sur la Mer, ce qui signifie peut-être l'Evêché d'Avranches. En 934, la guerre d'entre Hugues de France & Herbert de Vermandois continuant au desavantage du dernier, Henri, Roi de Germanie, en fut le Médiateur, & obligea Hugues de rendre à Herbert les Villes de S. Quentin & de
Peronne dont il s'étoit emparé ; l'année suivante il y eut une entrevue des Rois de France, de Germanie, & de Bourgogne sur la Meuse, pour aviser aux moyens de repousser les Hongrois qui avoient cette année pénétré jusqu'en Bourgogne : cette invasion obligea Raoul d'y courir, & chemin faisant il reprit la Ville de Dijon, dont Bozon son frere s'étoit emparé. En 936, EblesII. Duc d'Aquitaine, Comte de Poitou, moulut, laissant ses Etats a son fils Guillaume II. surnommé 'Tête d'étoupes *, Raoul Roi de France mourut aussi a Auxerre le 15. Janvier de cette année de la maladie pédiculaire si commune de ce tems-là ; Henri Roi d'Allemagne lui survécut fort peu & laissa ses Etats à Othon I. qui a été surnommé Le Grand.
LOUIS IV, dit d'Outremer, Cinquante-deuxième Roi.
LOUIS IV.
APRES la mort de Raoul, Hugues Duc de France que plusieurs surnomment le Louis IV Blanc & l’Abbé, ne manquoit pas de bonne volonté pour s’emparer du Ro yaume, craignant néanmoins les effets de la jalousie de la Maison de Vermandois & celle de Gifalbert de Lorraine, il se détermina à se donner au seul Prince qui restoit de la Posterité de Charlemagne & se borna à meriter sa reconnoissance. Pour cet effet, ayant communiqué son dessein à tous ceux de son Parti, il fut resolu d’envoyer une députation solemnelle en Angleterre prier la Reine Ogive de ramener Louis, fils de Charles le Simple ; l'Archevêque de Sens étoit Chef de l’Ambassade ; la Reine se résolut d’abord au retour, mais le Roi Adelstan son frere qui se défioit que les François ne fissent perir ce jeune Roi, comme son pere, par quelque noire trahison, ne se cotenta pas de sermens & voulut des otages de la fidélité des Grands qui paroissoient si empressez. Ce trait est une grande tache à la gloire de la Nation & fait voir à quel point ses factions continuelles l’avoient deshonorée parmi les Etrangers. Hugues de France vint recevoir le jeune Louïs à Boulogne à la descente du vaisseau & lui fit hommage sur la Greve, il le conduisit aussi-tôt à Rheims, où il fut sacré le 20. Juin 936, & immédiatement après il le conduisit en Bourgogne pour ses propres intérêts, prétendant que cette Duché lui appartenoit au préjudice de Hugues, dit le Noir, frere du dernier Roi Raoul : éxemple étonnant de ce que pouvoit alors l’intérêt personnel au dessus des liaisons du sang & de l’amitié. Ce voyage produisit un accord par lequel Hugues le Noir céda au Blanc la moitié des Terres contestées. L’année suivante, Raoul II, Roi de Bourgogne, mourut, laissant pour Successeur son fils aîné Conrard, qui a été surnommé le Pacifique, lequel avoit été élevé auprès d’Othon, Roi de Germanie, depuis Empereur du nom, lequel devint aussi son beau-frere, par son mariage avec sa soeur Adelaïs, premiere femme de Lothaire, Roi d’Italie.
En 938, le Roi Louis prit le Gouvernement de son Etat, il choisit la Ville de Laon pour sa demeure & y fit venir sa mere. Ses premiers exploits se tournerent contre Herbert de Vermandois, & il l’auroit accablé si Hugues le Blanc ne lui avoit donné du secours, ce qu’il fit dans la crainte que sa propre ruine ne suivit de près celle de Herbert. Pour se prémunir ensuite contre tous les événemens, il épousa Havide, soeur d’Othon de Germanie ; mais le Roi Louïs n’oublioit rien aussi de son côté pour se procurer des alliances ; Arnoul Comte de Flandres, le Noir Duc de Bourgogne, Arthold Archevêque de Rheims, embrasserent ses intérêts, & il auroit infailliblement ruiné
Louïs IV.
Herbert & Hugues, si Gisalbert de Lorraine, autre Traître pernicieux, ne se fut réüni avec ces derniers ; & les deux Partis se trouvant égaux, on convint d'une trêve. En 939,la guerre recommença, Guillaume Duc de Normandie se joignit à Hugues & à Herbert & vint courir l'Artois & la Picardie qui appartenoit aux Flamands ; cependant on prolongea la trève pendant laquelle le Roi fit des conquêtes jusqu'au bord du Rhin, à l'occasion de la brouillerie du Roi Othon avec son frere Henry Duc de Saxe ; mais Hugues qui n'avoit pas intérêt que Louis se rendit si puissant, fit une diversion qui rappella le Roi de France, & pendant ce tems-là Gisalbert, qui étoit du parti du Duc de Saxe, fut battu près d'Andernach & se noya dans sa fuite ; par sa mort la France & l'Allemagne furent délivrées d'un boutefeu le plus criminel qui fut jamais ; sa veuve Serberge, quoique déja mere de deux enfans, épousa l'année suivante le Roi de France, elle étoit soeur du Roi Othon, de Henri Duc de Saxe & de Havide femme de Hugues le Blanc. Cette mort donna lieu au raccommodement des freres Othon & Henri, & à la reduction de la Lorraine, que le premier donna au second en titre de Duché. En 940,commença la guerre de Champagne pour l'Archevêché de Rheims entre Arthold legitimement pourvu, & Herbert de Vermandois soutenant l'Election d'un de ses ensans . La Ville de Rheims fut d'abord reduite par des Princes Liguez, & Arthold parût se contenter d'une Abbaye, mais le Roi étant depuis entré en sa querelle, il prit courage, les Factieux d'autre part voulant obliger Louïs de l'abandonner, assiégèrent la Ville de Laon, qui étant fort pressée fut sécouruë par le Roi avec beaucoup de conduite : toutefois l'arrivée d'Othon de Germanie, Payant obligé de se retirer en Bourgogne, cette Place fut réduite au pouvoir de Herbert de Vermandois ; après quoi Othon poursuivant Louïs, obligea le Noir à renoncer à son Alliance. Malgré cela, le Roi refit une armée dès l'année suivante, & vint à son tour assiéger la Ville de Laon, mais il eut le malheur d'être surpris dans son Camp, & de voir perir toutes ses Troupes, de sorte que forte que se trouvant sans ressource il retourna en Dauphiné, où Charles Constantin, Comte de Vienne, fils de Louïs l'Aveugle, & petit-fils de Bozon, lui donna retraite ; delà il écrivit au Pape & aux plus grands Princes du Royaume, de qui il pouvoit esperer du secours. Le premier envoya un Legat à Hugues & à Herbert, mais les autres le secoururent encore plus efficacement, le mirent à la tête d'une bonne Armée, avec laquelle il vint chercher ses ennemis, ceux-ci éviterent le combat & employerent enfin le Roi de Germanie pour faire une paix, dans laquelle ils se soumirent en apparence. En 943, selon la Chronique de Rouen, le 16. des Calendes de Janvier, Guillaume de Normandie s'étant abouché dans une Isle de la Riviere de Somme, vis à vis de Pequigny, avec Arnoul Comte de Flandres, dans le dessein de vuider à l'amiable le différent qui étoit entr'eux touchant l'hommage de Herluën, Comte de Montreuil sur Mer, y fut afiàffiné n'ayant laissé qu'un enfant, nommé Richard, de la Duchesse de Spolette, fille de Bernard, Comte de Senlis ; cette mort ne fut pas plûtôt connuë en Normandie qu'il s'y forma des troubles capables de ruiner cette Domination naissante. La minorité du jeune Richard en fut l'occasion, parce que la moitié des Normands étant mal convertis, on reçût dans le Païs, sous le pretexte de la compassion duë à des Compatriotes, tous ceux qui voulurent y venir de Dannemark & de Norvege ; ces hommes nouveaux dégoûtèrent bien-tôt les mauvais Chrêtiens du Culte qu'ils avoient embrassé, & tous ensemble, sous la conduite de Sertrice & de Rodard, prétendirent obliger le jeune Duc à renoncer à son baptême ; il en falut venir aux armes, & par le secours de Hugues de France, les Revoltez furent mis en pièces & punis avec la derniere severité. Mais le Roi Louïs conçût aussi le dessein de tirer avantage de cette minorité & de s'en servir pour détruire une Puissance qui jusques-là lui avoit été très-contraire. Dans cette idée il se rendit à Rouen, où sous prétexte de prendre un foin particulier du jeune Duc, il persuada aux Normands de le lui confier ; après quoi l'ayant emmené à Laon, on prétend qu'Arnoul, Comte de Flandres, Meurtrier de son pere, porta le Roi à la perfide résolution de faire brûler les
Louis IV.
jarrets de ce jeune Prince, pour le rendre inhabile à la guerre ; mais Osmond Gouverneur de ce l'rince, ayant eu connoissance de ce qui se tramoit, trouva le moyen de le sauver, engageant un Païsan à l'emporter sur son dos, lié dans une trousse d'herbe ; après quoi, étant lui-même sorti de la Ville à cheval, il arriva la même nuit avec l'enfant dans la Ville de Senlis, ou le Comte Bernard, son oncle maternel, qui voulut le garder sans le vouloir rendre mau Roi, ni aux Normands qui se l'étoient laissé enlever.
Herbert de Vermandois mourut dans ce même tems dans une espece de desespoir de son salut ; comme ses Etats furent partagez avec plusieurs enfans qu'il laissa, le Roi songea d'abord à les opprimer l'un après l'autre, puis peu à peu les reçût en grâce par la médiation de Hugues, auquel il confera pour lors le titre de Duc de France. On ne vit alors, que brouilleries & raccommodemens entre le pauvre Roi & son Compétiteur le Duc Hugues ; le premier ayant surpris la Ville d'Amiens sur Eudes de celui-ci en prit aussi-tot occasion de renouveller la guerre, mais le Roi confia la Place à Herluïn de Montreuil, après l'avoir bien remis avec le Comte Arnoul de Flandres. En 945, Louïs & Hugues firent un nouveau Traité pour la conquête de Normandie qu'ils devoient partager ensemble, ils y entrerent à forces communes & soumirent tout le Païs sans résistance ; car quoique l'on commençât à bâtir alors des Forteresses, il n'y en avoit point encore en Normandie. Bernard, Comte de Senlis, ne voyant point de remede à cette violence, fut le premier a conseiller la soumission aux Normands, mais il les porta à la rendre au Roi seul a l'éxclusion de Hugues, ce qui ne manqua pas de les brouiller de sorte que celui-ci le retira mecontent. Bernard pratiqua un soulevement général des Normands, & ayant assemblé une Armée il marcha contre le Roi, toutefois avant que d'en venir au combat, il proposa une conférence qui se tint au lieu de Cressenville entre Caën & Lizieux, & prit de si bonnes mesures qu'il se trouva en état d'enlever le Roi & de massacrer tous ceux qui firent résistance ; Herluïn de Montreuil fut tué dans cette occasion à l'aide & satisfaction des Normands qui le regardoient comme le Meurtrier de leur Duc Guillaume.
Dès que la nouvelle de la detention du Roi fut arrivée en France, la Reine Serberge sa femme recourut a la médiation de son frere, le Roi de Germanie ; inutilement fois, puis qu'il en fallut revenir à un Traité qui fut conclu à S. Clair sur Epte par lequel le Roi s'engagea non seulement au rétablissement du jeune Duc Richard, mais le reçût a l'hommage & promit de ne jamais rien entreprendre contre lui, & parce que sa parole etoit suspecte, on l'obligea de donner son second fils en otage avec deux Evêques ; après quoi les Normands le remirent entre les mains de Hugues de France qui le gara encore un an ; & pour éviter les reproches du Roi de Germanie, le remit à Thibault le vieux, ou le Trichard, Comte de Chartres & de Blois, qui le garda encore quelques mois jusqu' a ce qu'enfin le Roi de Germanie le fit entièrement délivrer.
En 946, Louïs ayant recouvré sa liberté vint trouver le Roi Othon à Cambray, où Conrard Roi de Bourgogne se rendit aussi, on y convint de¬ porter le fer & le feu dans les erres de Hugues de France, regardé de tous comme un second Herbert ; en effet ayant assemblé des Troupes ils vinrent mettre le Siege devant Rheims, & ayant pris cette Ville, ils en chasserent Hugues de Vermandois ; après quoi ils rétablirent Arthold, delà passant à Laon qu'ils ne purent prendre, ils vinrent se présenter devant Paris, puis tomberent sur a Ville de Rouën où leur Armée acheva de se consumer. En 947 Hugues de France remit le siege devant Rheims, & le Roi Louïs devant Montreuil qu'il vouloit ôter a Rotgard fils de Herluïn ; ils ne firent rien, ni l'un ni l'autre. L'année suivante, se tint deux Conciles des Prélats de France & de Germanie à Verdun & à Ingelsheim, tant pour travailler à la réünion de Hugues avec le Roi que pour terminer la querelle des deux Archevêques de Rheims. Le Roi Louïs harangua lui-même & leur représenta qu'ayant été appellé d'Angleterre, où la rébellion des Seigneurs François l'avoit oblige de se retirer, il n'en étoit revenu qu'à la sollicitation de Hugues,
LOUIS IV.
Comte de Paris, pour occuper un Trône dont it etoit l'Hentier légitimé mais que loin d'avoir trouvé des sujets fidèles & obcïssans, il avoit éprouvé de la part de Hugues lui-même tous les artifices & les mauvais traitemens imaginables, jusqu'à se voir retenu prisonnier pendant deux amsentiers, sans aucune cause ni pretexte & au mépris signalé de ses bienfaits ; que ce même Hugues s'étoit emparé de. la Ville de Laon, la feule qui lui restât du Domaine de ses peres, en forte qu'il se trouvoit dans une condition pire que celle du dernier des Seigneurs, n'ayant pas un seul endroit de retraite & de seureté dans tout le Royaume & sans néanmoins qu'aucun François se pût plaindrequil eut fait tort ou violence à personne, A l'égard des Contendans pour le Siège de Rheims, il montra en peu de mots l'injustice de la Maison de Vermandois, & finit en priant les Prélats de faire les derniers efforts de leur charité & de leur zèle pour épargner le sang de la Nation & pour porter les Rebelles à rentrer dans leur devoir. Les deux Hugues furent inutilement citez au Concile & depuis à celui de Verdun, de sorte que la sentence d'éxcommunication fut à la fin portée contre le Duc de France & ses partisans, & Arthold de Rheims fut rétabli dans son Siége. On remarque qu'Othon Roi de Germanie fit alors une déclaration publique, par laquelle, nonobstant sa proximité avec Hugues de France, il renonça à son alliance en detestation de ses fourbes & de ses trahisons, & que toutefois il ne donnoit que de foibles secours à Louïs, étant peut-être bien aise que la France se consumât par ses propres forces pour avoir plus de facilité à s'en emparer pour lui-même. En 949, Foulque le Bon, fils de Roux, Comte d'Anjou, mourut ; ce Seigneur avoit commencé à introduire parmi les Laïques l'imitation de la tonsure Cléricale, apprimè tonsus ut Clertcus, & la mode de chanter à l'Eglise avec le Clergé, mode qui fit depuis tant de progrès, que le Roi de France, Robert, fils de Capet, n'avoit point de plus grand plaisir & d'occupation plus agréable. On rapporte que le Roi Louïs s'étant raillé du bon Comte d'Anjou à ce sujet, celui-ci lui manda qu'un Prince non-lettré n'étoit qu'un Asne couronné ; mais quoiqu il eut raison dans le fond, son usage fait voir quelle étoit l'étrange idée que l'on avoit des Sciences. En 950, une espece de paix entre Louïs & Hugues de France se fit, par le moyen de laquelle celui-ci remit au premier la grosse Tour de Laon qu'il occupoit, après quoi Louïs passa en Aquitaine pour s'asseurer de la fidélité des Seigneurs de ce Païs-là, qui prenoient. d'ailleurs peu de part aux affaires de Neustrie. Lannée suivante la Reine Ogilve, maltraitée depuis long tems par son fils qui la retenoit prisoniere, trouva le moyen de s'évader & s'étant jettée entre les bras de Herbert de Vermandois, l'épousa âgée de plus de 45 ans ; le Roi lui fit perdre les avantages de son Douaire.
En 953, il y eut une nouvelle Paix entre le Roi & le Duc Hugues, au sujet de laquelle il semble qu'on peut justement s'étonner de ce que, s'agissant entr'euxde la Couronne même, à laquelle Hugues aspiroit manifestement, il paroit néanmoins que leurs différens s'appaisoient pour moins que rien, n'étant jamais question que de la reddition ou de la demolition de quelques Tours ou Forteresses, construites en de certains passages, ou sur le Cours des Rivieres, par lesquelles le Commerce pouvoit véritablement être interrompu, mais qui n'approchoient pas de l'importance des autres différens qu'ils avoient ensemble. On remarque aussi qu'en ce tems-la Thibauld le vieil, ou le Trichard, Comte de Chartres, ayant épousé Lendegarde, soeur des Princes de Vermandois, commença de se rendre puissant dans la Champagne, où il tourmenta beaucoup la Ville de Rheims ; sa Postérité se rendit dans la fuite totalement maîtresse de cette Province, & reprit le titre des Comtes Palatins en la personne d'Eudes II, surnommé le Champenois. Enfin en 954, le Roi Louïs d'Outremer mourut le 15. jour d'Octobre, après avoir été long tems malade d'une chûte de cheval, dont il eut le corps froisse. Ce Prince que l'on ne sauroit mettre au nombre des hûreux, quoiqu'il eut recouvré sa Coutonne par une fortune signalée, ne laissa que trois enfans \ Lothaire, qui lui succeda,
âgé de treize ans seulement ; Charles, qui fut Duc de Lorraine & qui mourut dans les prisons de Hugues Capet ; & Ma haut, qui porta la Souveraineté de la Ville de Lyon dans la Maison des Rois de Bourgogne.
LOTHAIRE II, Cinquante-troisième Roi.
LOTHAIRE
LE DUC Hugues auroit pu alors s'emparer de la Royauté, mais dans son projet, qui ne pût être exécuté que par son fils, il vouloit qu'elle lui fut déférée sous quelque prétexte, afin de se mettre à couvert du nom odieux d'Usurpateur ; d'ailleurs il lui convenoit mal de la prendre par violence sur un enfant de treize ans, qui étoit même son neveu ; c'est pourquoi il ne balança point de le conduire à Rheims, & de l'y faire sacrer au mois de Novembre de cette année, mais d'autre part, toûjours attentif à son intérêt, il se fit donner les Duchez de Bourgogne & d'Aquitaine, pour les joindre à celui de France, qu il possedoit deja ; non qu'il eut intention de dépouiller tous les Proprietaires des Seigneuries de ces Provinces, mais pour s'y donner l'autorité superieure, telle qu'il éxerçoit sur les vassaux de sa Duché de France : Cette Donation notifiée à Guillaume, Comte de Poitiers, celui-ci refusa de s'y soumettre, de sorte que dès l'année suivante Hugues conduisit le Roi en personne avec une Armée devant la Ville de Poitiers, où la défense fut telle qu'intimidé d'ailleurs par un orage extraordinaire qui fut regardé comme un effet de la protection que S. Hilaire donnoit à cette Place, il leva le siége ; le Comte eut l'audace de le poursuivre dans sa retraite, mais il eut le malheur d'y être defait. Enfin en 956, Hugues, le Grand Duc de France & Comte de Paris, mourut avec le regret de n'avoir pû parvenir au succès de tant de peines qu'il avoit prises pour dépouiller les Rois légitimés. Il laissa de la derniere de ses femmes quatre garçons, Hugues, Othon, Eudes & Henry, les trois derniers desquels furent successivement Ducs de Bourgogne. Cette mort remit la paix dans le Royaume, parce que ses enfans, dont le plus âge n'avoit que seize ans, n'étoient pas encore en état de suivre le projet d'Usurpation, tracé dancienneté dans leur Famille. La Reine Gerberge gouverna pendant ce tems-là avec beaucoup de tranquillité par conseil de ses freres, l'Empereur Othon, & Brunon Archevêque de Cologne & Archiduc ou Gouverneur suprême de Lorraine ; ce dernier vint en France éxprès en l'année 959, pour y tenir un Parlement qui fut assemblé à Compiegne : l'affaire qui s'y traita concernoit la possession de quelques Châteaux de Bourgogne, prétendus par les enfans de Hugues le Grand. Ce même Prélat reprima les entreprises de Robert de Vermandois, Comte de Troyes, & eut toutefois du désavantage dans une occasion où il s'agissoit du rétablissement de l'Evêque de cette Ville, chassé par le Comte.
Cette même année le Roi reçût à l'hommage ses cousins, enfans d'Hugues le Grand, par la me iation de leur oncle commun, l'Archevêque Brunon, & pour marquer combien il les cherissoit, il confera à l'aîné les Duchez de France & d'Aquitaine, & au second celui de Bourgogne, exemple qui fait voir que les Rois prétendoient encore disposer des Titres, ou Gouvernemens des Provinces, au moins à l'égard de ceux qui étoient d'ancienne institution, mais aussi que les Seigneurs, qui les possedoient, étoient si persuadez du droit de leur proprieté, que loin d'être disposez à les ceder sur les ordres de la Cour, il n'y avoit que la force qui en pût décider, & c'est pourquoi le Roi Lothaire, en donnant le Poitou à Hugues, depuis surnommé Capet, se remit à lui du foin de s'y ître. Mais de toutes les Seigneuries du Royaume aucune n'étoit si odieuse
LOTHAIRE
aa Gouvernement, & en particulier à l'Archevêque Brunon, que celle des Normands ; c'est pourquoi ou forma le dessein d'enlever le Duc Richard & de l'envoyer prisonnier en Allemagne sous le pretexte d'un Parlement qui fut indiqué à Soissons pour l'année 961, mais comme ce Prince étoit en chemin pour s'y rendre, il fut hûreusement averti sur sa route par deux Cavaliers inconnus du tour qu'on lui vouloit faire, ce qui l'obligea de retourner sur ses pas ; ce coup ne fit pas perdre l'idée d'éxecuter ce projet d'une autre maniéré ; ce Duc fut mandé sur les bords de la Riviere d'Epte par le Roi pour lui rendre hommage & faire les sermens de fidélité auxquels il étoit tenu ; il s'y rendit aussi & passa la Riviere sans deffiance ; il ne voulut pas toutefois s'avancer sans avoir fait reconnoître les forces & les dispositions du Roi, par où il demeura convaincu du dessein formé contre lui, en conséquence dequoi il se retira bien vîte sur son terrain. Le Roi qui ne le haïssoit pas moins, lui suscita un ancien ennemi qui lui donna dans la fuite toutes les peines imaginables, ce fut Thibaud, surnommé le T'richard, Comte de Chartres, dont il a déja tant été parlé, lequel courut & pilla la Normandie, & qui, quoique défait dans une bataille, ne laissa pas peu aprés d'assiéger Rouën & de mettre la Place en telle éxtremité, que sans un secours qui vint du Nord au Duc Richard & qui obligea Thibaud à se retirer, la Domination des Normands couroit risque d'être entièrement détruite, mais cela n'arriva qu'en 969.
L' Archevêque de Rheims, Arthold, étant mort en 962, Hugues de Vermandois, qui avoit été son Concurrent, auroit été envoyé en possession de ce Siège par un Concile tenu à Meaux, sans l'oppofition pasiìonée de la Reine Gerberge, qui obligea les Evêques de renvoyer la cause au jugement du Pape ; Gebuïn Evêque de Chalons sur Marne, fut l'Auteur de cet expedient, dont Herbert & Robert, freres de Hugues, se vangerent en surprenant & brûlant de fond en comble sa Ville Episcopale. En 964 Arnoul, Comte de Flandres, étant venu à mourir, le Roi prétendit qu'il avoit fait une disposition générale de ses Etats en sa faveur, au préjudice de son petit-fils, qui a été nommé Arnoul le Jeune, & sous ce pretexte il s'empara de Douay & d'Arras l'année suivante. En 966, l'Archevêque Brunon s'étant rendu à Compiegne pour la tenue d'un Parlement y tomba malade & mourut à Rheims se faisant rapporter en Allemagne. Ce fut une perte d'autant plus grande pour le Roi Lothaire, que son autorité avoit jusques-là contenu les factions, & que quelque bien intentioné que fut ou que put être l'Empereur Othon, il n'avoit pas le même loisir pour se rendre présent en France dans ces occasions importantes. On remarque que sous le Gouvernement qu'eut cet Archevêque, du Royaume de Lorraine, il étoit déja divisé en haute Lorraine ou Mosellanique ; que celle-ci avoit un Duc particulier, nommé Gérard, duquel on fait descendre les Princes qui la possedent aujourd'hui ; & en basse Lorraine, dont le plus grand Seigneur prenoit le titre de Marquis ; mais ce Canton étoit encore subdivisé en quantité de Comtez particulières. L'Histoire rend témoignage à cet Archevêque Brunon d'avoir été un très-gran4 Prince, on l'a toutefois blâmé de la magnificence de ses équipages & de la splendeur de sa Cour, comme peu convenable à un Pasteur de l'Eglise ; mais d'ailleurs il ne s'occupoit pas seulement des affaires d'Etat, il porta ses soins à la reforme du Clergé & y donna entrée à la pauvre Noblesse, en pourvoyant à la bien faire elever, c'est à lui que l'on rapporte l'éxcellente coûtume d'Allemagne & des Païs-Bas de faire preuve de Noblesse paternelle & maternelle pour entrer dans les Chapitres Séculiers & Réguliers des deux Sexes.
Le Roi Lothaire se maria peu après à une Princesse, nommée Emme, que les Auteurs assurent avoir été fille de Lothaire d'Italie & de PImpératrice Adelaïs, soeur de Conrard le Pacifique & femme d'Othon I. En 973, le même Empereur Othon mourut comblé de gloire & de prosperité, acquise par une valeur & un travail infatigable. Il laissa l'Empire à son fils Othon II, dont le Regne ne fut ni si ferme, ni si hûreux que celui de son pere. La bonne intelligence continua entre ce Prince & le Roi Lothaire, jusques-là qu'Othon donna le Gouvernement de Lorraine, comme l'avoit possédé l'Ar-
is-chevêque
is-chevêque à Charles frere du Roi. Ce bienfait fut toutefois la pomme de d corde, Charles ne lui en sçût point de gré parce qu'il ne vouloit point relever de la Couronne de Germanie, & Lothaire, prétendant que ce Royaume lui appartenoit de droit, soutint qu'Othon n'en avoit pu disposer, c'est ce qui donna occasion â l'irruption soudaine, qu'il fit en ce Païs-là, en l'année 978 ; dans laquelle il marcha tellement à l'improviste, qu'il pensa surprendre le jeune Othon dans le Palais d'Aix la-Chapelle, dont il eut à peine le tems de sauver sa personne, laissant sa vaisselle & tous ses meubles précieux entre les mains de Lothaire. Pour prendre sa revanche d'une telle insulte, Othon se mit aussi-tôt à la tête d'une Armée de 60000 hommes, avec laquelle ayant traversé la Champagne & l'Isle de France, il se vint présenter devant Paris. Hugues Capet, qui en étoit Comte, s'y renferma pour la défendre, mais comme la saison étoit fort avancée, l'Armée d'Othon ne put tenir la Campagne assez long tems pour forcer une telle Place ; il prit le parti de la retraite, dans laquelle il fut suivi & harcelé par les François, de telle sorte qu'il perdit son Arriere-garde au passage de la Riviere d'Aisne. Ce fut en cette occasion, si l'on en croit les Historiens Allemands, qu'arriva le Miracle par lequel Udalric Evêque d'Ausbourg, qui accompagnoit l'Empereur en ce voyage, affermit les eaux du fleuve par sa bénédiction, en sorte que toute l'Armée le passa à pié sec ; Gessroy Comte d'Anjou, surnommé Grisegonnette, se signala dans cette guerre, au dessus de tous les Seigneurs François ; ce fut lui qui proposa que les deux Rois vuidassent leur querelle par un combat singulier, devant les deux Armées ; mais les Allemands rejetterent cette proposition ; cependant, quoique les Parties parussent si animées que l'on en pouvoit craindre de tristes suites pour les Peuples des deux Royaumes, la Paix se fit immédiatement après ; Lothaire renonça à la Lorraine & Othon investit Charles, frere du Roi de la Mosellanique, à laquelle il joignit l'année suivante les Villes de Metz, Toul, Verdun & Nancy, pour lesquelles il éxigea le serment de fidelité.
Ce n'étoit pas véritablement une action bienséante à un Prince de la Posterité de Charlemagne, que de s'engager par serment envers un des anciens sujets de sa Maison ; mais ce n'étoit pas un crime à un Cadet denué de subsistance d'avoir accepté sous cette condition la Duché de Lorraine, lors que le Roi son frere étoit notoirement hors d'état de lui donner un partage, comme il s'étoit jusques-là pratiqué dans la Maison Royale, ou même de lui donner aucune sorte d'établissement. Cependant Hugues Capet, qui suivoit les traces de ses Ayeuls, saisit cette occasion pour animer le Roi son frere & tous les François contre lui, afin que le cas arrivant de la mort de Lothaire, il put profiter de cette haine générale, d'autant plus avantageusement que le Roi n'avoit qu'un fils imbécille. Il se joignit à cela un mécontentement personnel du Roi contre son frere sur ce qu'il l'avoit empêché de s'emparer du Trésor de Cambray, comme il avoit fait de celui de S. Wast d'Arras ; ainsi la mort de l'Empereur Othon II. étant survenuë en 982, Lothaire se jetta inopinément sur la Lorraine, emporta la Ville de verdun & prit le Comte Godefroy prisonnier ; mais sur la nouvelle qu'Othon III, qui avoit sucedé à son pere, avoit été couronné d'un consentement général & qu'il s'approchoit pour le repousser, il se retira avec promptitude & rendit la liberté à son prisonnier. En 985, Lothaire associa son fils Louïs à la Royauté & le fit couronner solemnellement avec sa femme Blanche, de laquelle on ignore la Famille ; Mezeraya cruquelle étoit fille de Rotbaud, Comte de Provence ; quoiqu'il en soit, elle ne méritoit gueres cet honneur, puis que peu après elle abandonna son mari dans un voyage où elle le conduisit, & le Roi Lothaire fut obligé d'aller rechercher son fils ; il mourut a son retour, le 12. de May 986, non sans soupçon de poison que l'on prétendit lui avoir ététe donne par la Reine Emme sa femme. Ce fut un Prince actif & belliqueux, mais perfide, comme tous ceux de son Siécle. Il fut inhumé à Rheims.
LOUIS V. Cinquante-quatrième Roi.
i.oms v,
HUGUES CAPET ne manqua pas de publier que Lothaire lui avoit confié la Hgarde de son fils & de son Royaume, mais la Reine Emme, qui ne prenoit guere de confiance, se préparoit de conduire le Roi en Allemagne pour le mettre en sûreté auprès de la vieille Impératrice Adelaïs, veuve d'Othon I, que l'on appeloit la Mere des Rois, parce qu'elle l'étoit en effet de presque tous ceux de l'Europe, lors que Charles Duc de Lorraine, frere du Roi défunt, se saisit d'elle & la retint prisonnière en l'intention de lui faire son procès. Cette action lui attira une infinité d'ennemis, parce qu'elle venoit à contretems & qu'elle étoit toute propre à faire périr le Roi son neveu, lequel véritablement ne survécut que peu de mois, étant mort au commencement de l'année 987. à Compiégne où il est inhumé ; en lui s'éteignit la posterité directe de Charlemagne en France, comme il étoit arrivé en Italie & en Allemagne par deux Princes du même nom de Louïs ; tant il est vrai, qu'il étoit avec raison censé malhûreux dans la Race des Princes Carliens, comme si le nom du Grand Clovis, dont ils avoient éteint la Posterité, n'eut pû se joindre à leur sang sans causer quelque vangeance.
NOUS voici enfin parvenus à l'Epoque fameuse de la Royauté de la troisième Race, surnommée des CAPÉTIENS : Race illustre en plusieurs manieres, I°, Par la longue possession dont elle jouït encore avec plus d'autorité & de gloire qu'elle n'en a jamais eu. 2, Par son amour pour la Religion, & par la pratique que plusieurs de ses Princes en ont faite jusqu'à mériter l'honneur de la Sanctification. 3°, PAr leur humanité envers les Peuples, & surtout par une pratique éxacte de la justice. 4°, & enfin, Par les succès particuliers de la Branche des Bourbons & à la gloire des deux derniers Regnes, que l'on peut regarder comme le comble de la prosperité de cette Famille. Il est vrai que le merite des Rois, qui ont regné les uns après les autres pendant plus de VII. Siécles jusqu'à présent, est fort inégal : on a vû succeder immédiatement la folie de Charles, à la bonne conduite & à la sagesse de son Pere ; on a vû de même l'humanité & la douceur de Charles VIII, & de Louïs XII, succéder au caractere sombre & rigoureux de Louïs XI ; mais à tout prendre, l'on ne sçauroit disconvenir que cette Race n'ait porté de Grands Princes & dignes d'une éternelle vénération.
Il est vrai encore, qu'il manque quelque chose au droit & à la justice de son établissement, puis que l'on ne sçauroit trouver des couleurs qui puissent pallier l'injustice des Ancêtres de Hugues Capet, dans la persécution qu'ils ont faite à leurs Rois legitimes, lesquels portoient même à leur égard un Titre encore plus sacré, puis qu'ils étoient leurs Bienfaiteurs particuliers par la concession des Honneurs, des Charges & des grandes Terres qu'ils leur avoient données ; mais si l'on considéré dans le fond, la Posterité de Charlemagne n'a presque pas survécu à l'Usurpation, de sorte que son droit sest réellement éteint, même du vivant de Hugues Capet ; que d'ailleurs la Providence a des secrets impénétrables dans l'ordre & l'arrangement des événemens, & qu'elle sçait tirer, des crimes les plus contraires à la Societé, les avantages de la Societé même. Il ne sera plus question, que des fautes personnelles de Hugues Capet & de ses Ancêtres, qu'il sera toûjours juste de condamner par rapport à eux, mais qui n'influent plus sur leur Posterité. Il y a néanmoins deux choses singulieres à cet égard, & qui mentent notre reflexion ; la premiere que Hugues Capet, depuis la céremonie de son Sacre, ne voulut plus dans le reste de sa vie porter de Couronne, ni d'habit Royal dans les solemnitez, celles même qui étoient alors regardées comme nécessaires, & que
LOuis V.
pour se delivrer de la nécessité de la représentation, il fit couronner son fils Robert, six mois âpres lui, le chargeant de tous les Honneurs qu'il refusa constamment pour lui-même. Que si l'on demande aux Historiens quelle pouvoit être la cause de ce caprice, ils ne répondent rien pour la plupart, Mezeray avance toutefois avec Guillaume de Nangis, qu'on avoit prédit au Prince son élevation à la Couronne, avec la circonstance que sa Posterité apres lu, durant sept Generations, en jouïroit, & que voulant gagner un degre, il s'avança de faire porter à son fils le nom de Roi, & qu'il s'en priva lui-même. Pour moi je ne saurois me payer d'une si legere monnoye, & je suis persuade que Hugues, qui scntoit le vice de son Usurpation, s'imagina de se décharger dune partie de l'iniquité, en renonçant à la jouissance de la Couronne : car pour ie soulagement de sa conscience, chacun raisonne comme il lui plait, sur tout en fait de restitution. Il se piqua même d'en faire une autre, à laquelle on s'attendoit d'autant moins, que vû l'usage constant il pouvoit prétendre n'y être pas obligé ; ce fut la remise de toutes les Abbayes qu'il possédoit, aux Religieux, auxquels elles devoient appartenir avec la liberté des Elections dans toutes les Eglises où elles de devoient avoir lieu aux termes des Canons : son éxemple ayant en même tems été suivi de tous les Seineurs qui se trouvèrent dans le même cas, on vit tout à coup les richesses & l’autorité du Clergé s’élever avec un empire, qui dans la fuite ne laissa pas d’être incommode la Posterité, mais qui dans le présent lui attira universellement ses suffrages, avec une pleine justification de son entreprise. La seconde singularité que je veux observer, & qui, quoiqu’appartenante à un âge bien plus posterieur à celui-ci, devoir toutefois y être rapportée, est la note faite de tous les Historiens du tems, que le mariage du Roi Philippe Auguste avec la Reine Isabeau de Hainault avoit accumulé dans sa personne Je droit de la Maison de Charlemagne au sien. En effet, Philippe d’Alsace, Comte de Flandres, qui fut Auteur de ce mariage, n’oublia rien pour le rendre avantageux au Roi, soit en lui faisant transmettre les droits de la Maison de Hainault, soit en lui cédant de son chef la Comté d’Artois. L’on voit de plus, que cette idée étoit si confiante dans l’esprit des Peuples, qu’à la naissance du Roi Louïs VIII. qui arriva le troisième jour de Septembre de l’an 1187, il y eut à Paris & dans tout le Royaume des rejouïssances extraordinaires fondées sur l’esperance de revoir regner en sa personne le Sang de Charlemagne ; on sçait bien d’ailleurs que c’étoit une idée populaire, puis que dans la vérité l’Ayeul de Charlemagne n’avoit pas plus de droit à la Couronne que Hugues Capet, outre que la Maison de Hainault, qui ne descendoit de cet Empereur que par des femmes, ne pouvoit avoir de veritable droit à la Couronne dont les filles ont toûjours été solemnellement exclues : cependant Guillaume de Nangis, qui écrivoit en 1301, entreprit dès ce tems- là de justifier le droit de la Maison Capétienne & n’oublia pas de faire une attention particulière à l’alliance de Philippe Auguste, parce que la Reine Isabeau descendoit directement d’une fille de Charles, Duc de Lorraine, mais comme il croyoit que c’étoit passer condamnation à l’égard des Rois qui l’avoient précedé, il insista particulièrement sur le droit qui pouvoit appartenir personnellement à Hugues Capet, du chef de Havide de Saxe sa mere, sans faire attention à la bâtardise d’Arnoul Roi de Germanie, dont cette Havide descendoit par Mahault sa petite fille laquelle fut mere de Henri, dit l’Oiseleur. De tout cela on peut former une idée qui fait sentir, tant ce que Hugues Capet pensoit lui-même de son action, que ce que les Peuples en ont pensé long tems après lui.
Il me reste, après cela, à expliquer de quelle maniere Hugues confomma son Ouvrage, qui fut un chef-d’oeuvre d’adresse & de subtilité : on croit communément qu’il fut élevé au Trône par un consentement général des François assemblez au Parlement mais c’est ce qui ne paroîtra jamais à quiconque examinera de près cette Histoire, car supposant la datte de la mort de Louïs V. au 22. de Juin de l’année 987. avec Mezeray & le commun des Historiens, il est impossïble qu’entre cette datte & le 3. jour de
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Juillet, qui a été celui de son Couronnement, il ait eu le loisir d'assembler un Parlement, lequel, pour être tel qu'on le suppose, auroit du être indiqué aux extremitez du Royaume dans un terme suffisant, pour que les plus éloignez eussent eu le loisir de sy rendre. Il est vrai que Mezerai ajoute, que Hugues avoit pris les précautions au Parlement du mois de May précédent, qui s'étoit tenu à Noyon, mais il ne prend pas garde que c'est le rendre coupable, ou d'attentat à la vie du Roi Louïs, ou du moins d'avoir contre toutes sortes de loix conjuré de son vivant sur la succession à la Couronne, où il n'avoit par lui-même aucun droit ajoutez, quaucun Auteui n'a parlé de ce Parlement dont on n'auroit aucune connoissance sans une lettre du fameux Gerbert, depuis Pape Silvestre II, lors Escolastre de l'Eglise de Rheims & Ministre principal de l'Archevêque Adalberon, écrite à Dietricht Evêque de Metz : c'est la 59. du premier Recueil de Duchesne ; mais ce monument est si contraire à ce qu'en dit Mezerai, qu'il y a peu d'apparence qu'il ait mieux connu cette autorité, car on ne le soupçonnera pas, comme on pourroit faire quelques Historiens plus modernes, d'avoir voulu dissimuler le crime de l'Usurpation. Voici ce que rapporte Gerbert, d'où l'on peut recueillir, que la partie de Capet étoit faite & liée avec l'Archevêque de Rheims & quelques autres ennemis de la Race Carlienne, mais qu'il étoit bien éloigné de remettre le succès de les desseins à la décision d'un Parlement libre & légitimé. Dux Hugo ad fiexcentos milites collegififie dicitur-, ea fama Conventum Francorum Compendiaco Palatio habitum quint 0 Idus Man subito dijfiolvit ac liquefecit –, interfuerant de vesiris quidem Vux Carolus, Cornes Rheincanus \ de nostris Herbertus Fricafiìnus, sed Otto acrìori cura.... Episcopus Landunensis, Adalbero frater Gocilonis, obside fratris filio Bardae tradito, eâ conditione evasit, ut quod Sigefridus & Godefredus facluri fiunt faciant : Quid hoc fit ? Francis fip es mera ; nobis res certa, & c. c'est à dire, „Le Duc Hugues a assemblé 600 hommes d'armes, & sur le bruit de son approche le Parlement, qui se tenoit dans le Palais de Compiegne, s'est dissipé dès l'onzième jour de May, le Duc Charles & le Comte Reinchard y étoient du nombre des Lorrains, & des Neustriens Herbert de Troyes, son frere Othon, que l'on a éloigné avec plus de précaution, Gebuïn, Evêque de Laon, qui a donné son frere en otage à Bardas pour l'éxécution de ce que Sigefrid & Godefroy ont promis. Qu'est-ce que tout cela ? Les François n'ont que l'esperance ; mais nôtre affaire est certaine.
Ainsi l'on voit par ce récit combien Mezerai s'est abusé, puis que ce Parlement ne s'est point assemblé à Noyon, comme il le dit, & que loin d'avoir statué quelque chose en faveur de Hugues, celui-ci le dissipa d'abord, qu'il en mit les plus considerables en fuite, sçavoir le Duc Charles, Oncle du Roi, les Princes de Vermandois & autres, mais qu'il s'assûra de ceux qu'il pût corrompre pour faire réussir une conjuration secrete qui n'est point éxpliquée. Enfin ce dessein de l'Usurpateur étoit si grand & si notoire, que Gerbert ne fait pas de difficulté de donner le nom de Bardas à Capet, par allusion à ce qui se passoit alors en Orient, où un Seigneur de même nom avoit entrepris d'usuper l'Empire Grec sur les enfans de son Bienfaiteur & de son Maître ; à la différence toutefois que Basile II. sçût se défendre au lieu que Louïs étoit mourant. Je ne crois pas qu'il soit besoin d'autres preuves pour montrer que dans l'état, où se trouvoient alors les affaires, l'assemblée d'un Parlement n'étoit rien moins que nécessaire aux desseins d'un Prince qui vouloit occuper le Trône. En effet, Hugues ayant répandu le bruit que la disposition spéciale du Roi Louïs l'avoit appelé à la succession du Royaume, il donna de si bons ordres pour se faire assister de ses principaux Feudataires particuliers, qu'il se trouva en état de prendre le titre de Roi dans la Ville de Noyon, dès que Louïs eut les yeux fermez. Il y fit faire l'élevation de la banniere semée de Fleurs-de-lys, que le Roi Eudes avoit portée le premier Dimanche, 26. de Juin, & delà marchant à main forte à Rheims, il y reçût des mains de l'Archevêque Adalberon Ponction du Sacre le 3. de
Juillet avant que les interessez à la Succession eussent la nouvelle de la mort du Roi, aussi les Historiens observent-ils qu'il n'y eut aucune opposition, & que personne ne reclama de la part du Duc de Lorraine, véritable héritier.
HUGUES CAPET, Cinquante-cinquième Roi.
HUGUES
IL suffisoit en effet à Hugues d'avoir un titre, & il n'y en avoit point alors de plus spécieux que celui du Sacre, mais aussi comme il connoissoit bien le défaut de son action il n'eut rien de plus pressé que de le réparer, ce qu'il fit par une évocation solemnelle d'un Parlement qu'il indiqua pour le mois de Décembre lors prochain, dans la Ville d'Orléans, hors la portée du Duc Charles & au milieu des plus fideles Vassaux de sa Duché de France. Ce fut là que de l'avis unanime de l'Assemblée, la Couronne fut deferée au jeune Robert, fils unique de Hugues, & qu'il reçût la consécration solemnelle du Sacre, le premier jour de l'année 988 ; mais il ne faut pas croire que les Seigneurs de Languedoc ou de Gascogne, d'Auvergne, de Poitou, de Bretagne, de Flandres, ou même de Picardie & de Champagne s'y trouvassent : tout ce que l'on peut présumer est qu'il en vint quelques-uns de Bourgogne, de Berry, du Nivernois, Gastinois & du reste de la Duché de France, peut-être aussi de Normandie, à cause de l'Alliance du Duc avec la Maison Capétienne ; la preuve en est constante par la fuite de l'Histoire, & même par l'inféodation qui s'y fit de la Dignité de Senechal à Geoffroi Grisegonette, Comte d'Anjou, ce qui fait connoître que c'est vraisemblablement le plus Grand Seigneur qui s'y fut présenté, quoiqu'il y ait à douter si cet Emploi, affecté auparavant au Vermandois par rapport à la Couronne, n'étoit pas pour la Duché de France plûtôt que pour le Royaume entier ; mais je dois remarquer ici qu'il étoit de l'intérêt des nouveaux Rois de confondre l'un avec l'autre, pour rendre leur droit moins aisé à demêler, & c'est aussi ce qu'ils firent dans la fuite très-habilement.
Au surplus, après que Charles Duc de Lorraine eut long tems délibéré, il assembla une Armée pour entrer dans le Royaume, où toutefois il étoit plus connu & encore moins aimé, depuis qu'il sembloit avoir abdiqué la France pour se donner aux Allemands. Les principaux amis qu'il avoit à sa portée étoient Arnoul, Comte de Flandres, toûjours fidele à la Maison de Charlemagne, parce qu'il en sortoit lui-même, & Herbert, Comte de Vermandois, dont Charles avoit épousé la fille, mais malhûreusement le premier vint à mourir, & le second, trop à portée à la vangeance de Hugues, n'osa se déclarer aussi hautement qu'il l'auroit dû faire ; cependant Charles entra par ses Terres, & ayant lié une intelligence dans la Ville de Laon, il s'en rendit maître par surprise, & se saisit de l'Evêque Afcelin qu'il retint prisonnier. Hugues ne manqua pas de faire procéder selon les Canons Ecclésiastiques contre Charles, au sujet de cette detention, & Mezerai dit qu'il le fit éxcommunier : incident très-préjudiciable, puis qu'il étoit alors censé déchu de tous ses droits ; cependant il ne meritoit gueres de l'être, puis que Ascelin, loin de se plaindre de sa prison, devint Ministre & Favori de Charles ; d'autre parti Hugues n'étant pas de trempe à laisser prendre un pié dans le Royaume à son ennemi, le vint assiéger avec une grande Armée ; mais comme la Place n'étoit pas aisée à emporter, il y passa deux mois à faire différentes attaques inutiles ; au bout desquelles Charles fit une sortie si à propos qu'il mit le feu au Camp de Hugues & tailla en pièces la moitié de son Armée. Cette perte ayant obligé Hugues de se retirer, Charles poursuivit sa
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pointe & s'empara de Soissons & de Rheims, mais il se ralentit trop tôt, en sorte que ]'Archevêque Adalberon fut assez hardi pour refuser de le sacrer, sous le prétexte qu'il n'avoit pas le droit de disposer seul de la Couronne, laquelle ne pouvoit être valablement donnée que du consentement des Seigneurs & des Evêques représentans l'Etat entier. Celui-ci n'auroit peut-être pas fait une difficulté sur laquelle il avoit passé assez légerement en faveur de Hugles, s'il ne l'avoit senti si proche de lui ; car en effet il reprit aussi-tôt la Ville de Rheims, mais Adalberon ne vit point la fin de cette querelle, étant mort incontinent après ; sur quoi Hugues, par une Politique dont il eut en fuite lieu de se repentir, conféra l'Archevêché à Arnoul, frere naturel du Duc Charles ; en esset, ce nouvel Archevêque introduisit aussi-tôt son frere dans la Ville, & pour se disculper de la violation de son serment demeura son prisonnier par collusion. D'autre côté, si tôt que la nouvelle des premiers succès de Charles se fut repanduë dans la France, le Comte de Poitou, dont la Maison avoit toûjours été fidelement & constamment attachée à celle de Charlemagne, se declara pour lui, & soit par ses discours, soit par ses lettres, il osa reprocher à tous les Seigneurs François qui s'étoient trouvez au Parlement d'Orleans & au Couronnement du jeune Robert, la violation de leur ferment. Sane JDux Aquitanorum Willelmus reprobans nequitiam Francorum Hugoni subditus esse noluit ; Véritablement, dit la Chronique de S. Cybar, Guillaume Duc d'Aquitaine, détestant l'iniquité des François, refusa l'obéïssance à Hugues : mais celui-ci connoissant toute l'importance de cette entreprise songea aussi-tôt à la reprimer & marcha droit à Poitiers, où il mit le Siége, inutilement toutefois, parce que le Comte trouva moyen d'affamer son Armée & le battit en diverses rencontres, de forte qu'il fut obligé de regagner la France. La même Chronique dit néanmoins que le Poitevin fut défait par les François dans le voisinage de l'Abbaye de Bourgueil, & qu'en fuite il s'accommoda avec les deux Rois : en effet, l'on voit dès l'année suivante 991, qu'il étoit occupé d'une nouvelle guerre contre le Comte d'Anjou pour l'hommage du Loudunois & du Mirebalais.
Ce fut en cette même année 991, que se termina la guerre du Duc Charles ; car Hugues ayant trouvé le moyen de gagner l'Evêque Ascelin, lequel possedoit toute la faveur du Duc, sut introduit dans la Ville de Laon, le jour du Jeudy Saint de cette année, & se rendit ainsi maître non seulement de la Place, mais de Charles & de sa Famille, qui n'étoit occupé que de la dévotion du jour, il les fit aussi-tôt conduire à Senlis, & delà dans la grosse Tour d'Orléans où il retint ce malhûreux Prince jusques à sa mort, qui arriva deux ans après, l'an 994 ; il laissa deux garçons, Othon & Louïs, & deux filles, Hermengarde & Gerberge *, Othon posséda quelque tems la Lorraine Mosellanique, & mourut sans postérité l'an 1004, n'ayant au plus que 18 ans. Louïs étant mort quelque tems auparavant, les filles furent mariées, sçavoir Hermengarde avec Albert, Comte de Namur, & Gerberge, avec Lambert, Comte de Mons, ou plûtôt de Hainault, fils de Regnier au long col, qui l'étoit du fameux Gisalbert & de Gerberge de Saxe, qui épousa en secondes nopces le Roi Louïs d'Outremer. La Reine Isabeau, femme de Philippe Auguste, sortoit de l'aînée, & les Landgraves de Hesse sont issus de la seconde. Tel fut le sort de cette guerre, & en général la maniere dont Hugues Capet, & par lui toute sa Postérité, sont parvenus à la Couronne de France : il ne reste pour éclaircir ce dernier fait qu'à donner l'état du Royaume à leur avènement, afin de mettre le Lecteur en état de juger s'il est vrai, comme la plûpart des Modernes osent l'assûrer, que ce fut, de la grâce de ce Prince que les Seigneurs obtinrent la possession de leurs Terres & les droits attachez à cette possession, comme réciproquement il en obtint le droit de leur commander, qu'il n'avoit pas auparavant. J'ai déja dit, & je le repéte, parce qu'il est très-veritable, qu'à peser ce droit primordial, ni Charles Martel, ni Hugues Capet, n'en avoient pas plus l'un que l'autre sur la Couronne dont ils se sont rendus propriétaires, & que si l'on veut donner quelque avantage au premier & à ses descendans au dessus du second, ce ne peut être qu'au droit de son ancienneté, parce que l'on convient presque
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généralement qu'une autorité reconnue & reçûë ne peut être comparée, quant au droit, avec une entreprise plus moderne, quels qu'en aient été les Auteurs, & je ne puis faire reflexion sur une vérité qui coule si naturellement de la définition d'une Royauté successive, sans m'étonner que les Historiens aient été si timides à s'en expliquer. En effet, on pourroit déduire de leur déguisement sur cet Article, qu'ils ont douté du droit essentiel de la troisième Race de nos Rois, au lieu qu'en le considerant du côté qui nous le doit rendre véritablement respectable, fçavoir l'obéïssance constante qui leur a été rendue par nos peres & par nous-mêmes ; nos sermens qui nous engagent à la même fidelité que nos Ancêtres ont eu pour les leurs, il en resulte une liaison reciproque qui doit faire le bonheur de la Société. Malheur aux Rois, s'ils ne s'acquittent pas de leurs devoirs envers nous ; mais malheur à nous si nous manquons aux nôtres, & jamais l'incertitude du droit primordial ne justifiera raisonablement quiconque sera assez criminel pour s'en éloigner.
Dans le fait, les Rois & les Peuples errent également par l'imagination que les Couronnes sont patrimoniales, & que le fils a un droit incontestable d'y succeder à son pere, ce qui sera vrai en effet s'il est reconnu par le plus grand nombre de ceux qui doivent obéïssance ; mais qui ne le sera pas, si comme à l'égard de Charles, Duc de Lorraine, la Providence en dispose autrement. S. Paul nous dit éxpressement, que les Puissances sont ordonnées de Pieu, fc ? que celui qui s'y oppose combat contre Dieu même. Les Payens n'en ont pas jugé autrement, _ & l'on peut à ce sujet citer l'exemple de l'Empereur Tire, lequel deplorant le genie impatient de son frere, l'avertissoit que toutes les entreprises qu'il faisoit contre sa vie ne lui seroient peut-être bonnes à rien, parce que les Empires sont distribuez par un destin superieur à l'ambition particulière : Régna fato âantur. D'autre part, la lecture précédente nous a mis devant les yeux de terribles éxemples & bien opposez au préjugé commun, touchant le droit d'aînesse & l'heredité, ou succession nécessaire, de fortequil nest plus possible de fonder en conséquence aucun droit certain sur l'ordre de la naissance, ni sur le privilege du Sang. Non seulement Bernard Roi d'Italie, & Pepin Roi d'Aquitaine, sont éxclus eux & leur Posterité malgré leur aînesse, maïs e Parlement de France, consulté sur la personne de Louïs le Begue, fils unique du Chauve, loin de répondre que la Couronne lui appartenoit de droit, ne s'engage que conditionnellement envers lui ; Si Deus & Vos eum fublimaveritis : Réponse quf remet manifestement le droit le plus évident à la décision du succès, dont la cause ne se peut chercher que dans la volonté de Dieu & la disposition du Roi regnant, qui est censé revêtu par conséquent de l'autorité nécessaire pour adjuger sa succession à qui elle doit appartenir ; reconnoissons cependant, qu'à ces différens égards il n'y a pas au monde de droit si parfaitement établi que celui de la Maison régnante en France, soit du côté de la possession qui se trouve aujourd'hui de plus de sept Siécles, soit du côté de la règle suréminente du Destin qui la favorise depuis si long tems. Mais si je crois déterminement & du fond de mon coeur le droit de la Maison Royale parfaitement incontestable, je n'ai pas une moindre opinion de celui des Peuples par rapport à la proprieté de leurs biens, foit qu'on la considere dans le principe, c'est à dire, dans la premiere conquête soit qu'on a regarde dans la décadence de la Monarchie sous la seconde Race.
Danse premier état, ; ai fait voir qu'une Nation entiere qui s'est déterminée à changer le Païs de a naissance, & à faire une conquête au risque de se perdre elle-même n'a jamais pu considerer l'établissement personnel de son Roi, comme son objet principal ; il est vrai néanmoins que le succès d'une telle entreprise n'a pû lui devenir favorable sans que le roi en ait eu le profit principal, outre la gloire de la conduite ; mais que la Nation ait renooncé, ou même qu'elle ait pû renoncer à son droit sur les Terres qu'elle s'est acquise, & qu'elle a partagées dans la feule idée de donner à ce Roi ou à ses Succeseurs, un pouvoir illimité, dont il ne lui reviendroit d'autre avantage que la gloire d'obéïr, c'est non feulement ce qui n'a pas été fait, mais qu'il étoit impossible de faire,
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ou d'imaginer. J'en dis autant par rapport à la seconde Epoque, avec dautant plus de raison que ce qui s'y est passé a un principe non conteste, sçavoir l'établissement du droit féodal, qui fut accepté & des Rois & des Peuples, sinon par délibération solemnelle, du moins par un usage public & consacré par l'estime que Charlemagne en avoit fait ; outre qu'en ce tems-là il auroit été plus utile aux Rois que le Despotisme même, quelque prévention qu'on ait en sa faveur ; si les Rois, au lieu de se laisser piller comme ils firent, avoient eu assez de genie & de courage pour faire avec méthode & discernement ce qu'ils ne pouvoient plus empêcher d'être fait. Et delà je conclus qu'autant qu'il y auroit de noirceur & d'injustice à calomnier le droit de la Maison régnante, parce qu'elle ne sort pas originairement de Charlemagne, autant il y a de bassesse, d'indigne adulation, de mauvais coeur à n'oser dire que les biens des Peuples leur appartiennent de droit naturel, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir la grâce ou la concession des Rois, pour en autoriser la possession ; quoique cette proposition soit notoirement vraye, & qu'il importe infiniment à la Conscience & à la Gloire des Rois qu'ils en soient persuadez, & qu'ils en fassent une Maxime plus inviolable encore que celle de l'obéïssance qui leur est dûë. En effet, on s'écarte un peu de cette obéissance, & l'éxperience fait connoître que s'il arrive des troubles dans un Etat, c'est rarement la faute des Peuples, mais toûjours celle des Princes factieux ou des Favoris aveuglez de la Fortune. Les Rois au contraire sous ce pretexte flatteur de leur autorité, à laquelle on ne peut rien opposer sans crime, croyent aisément qu'ils ont droit d'user à discretion des biens particuliers comme publics ; c'est leur idée commune, & l'on ne reproche presque jamais à leur mémoire autre chose que d'avoir épuisé leur Peuple au delà des termes de la justice, dans lequel il leur est permis d'employer une mediocre partie des biens des sujets à la conservation de tout le reste : Principe non moins sacré à leur égard que celui qui enseigne parmi nous la nécessité de l'obéïssance. Et qu'il me soit permis d'en apporter pour preuve l'exemple de la vigne de Naboth, puis que le droit des Israëlites sur leurs propres biens, après la conquête & le partage de la Terre promise, n'étoit pas différent de celui que nous avons sur les nôtres, si nous remontons aux premiers tems ; & toutefois ce n'est, pas là nôtre meilleur titre, puis que celui de la féodalité, qui a la convention pour principe & la foy réciproque des parties pour seureté, oblige les Rois à nôtre égard, comme il nous oblige envers eux, à la feule différence de la force qui est de leur côté. Il me reste à présent à montrer par le détail de l'Etat du Royaume à l'avenement des Rois Hugues & Robert, que ce droit de proprieté des biens n'est point de leur institution, qu'ils l'ont trouvé bien & solidement établi, & que la Couronne ne leur a été donnée qu'à condition de le maintenir.
A l'egard de la Normandie & de la Bretagne, nous avons vu de quelle maniere elles avoient été cedées solemnellement aux Normands, l'une à titre de propriété & l'autre à titre d'hommage dès l'année 912, sous obligation de la foi ; car encore que les Rois y ayent souvent manqué dès qu'ils en ont eu l'occasion, le droit n'en est pas moins évident par rapport à la convention & à la Religion des sermens donnez de part & d'autre. Il est donc certain, que la Royauté des Capétiens n'a rien innové pour ces deux Provinces, & que les nouveaux Rois sont entrez à leur égard dans tous les engagemens des Anciens. Quant à la Flandre, nous avons vû que Charlemagne en avoit confié la garde à un Comte qui prit le titre de Forestier, & qui la gouverna si bien, que malgré les ravages des Normands, s'étant repeuplée en moins d'un Siécle, elle devint une des plus considérables Provinces de France, dont l'étenduë étoit comprise entre l'Escaut, la Mer & la Riviere de Somme. Il seroit difficile de determiner positivement si la premiere institution de Forestier fut féodale, mais en revanche il est aisé de reconnoître que ses Successeurs ont jouï féodalement de cette grande Province, depuis Baudouïn, surnommé Bras de fer, qui épousa Judith, fille de Charles le Chauve ; non seulement on trouve la succession établie parmi ses Descendans, mais on voit que la question des hommages a
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souvent produit des guerres entr'eux & leurs voisins : on voit de plus, que malgré leur attachement pour les Rois Carliens, ceux-ci les ont chicanez sur la proprieté de certaines Terres, sans contester toutefois celles qu'ils avoient de surplus. L'on voit pareillement que les Comtes de Flandre avoient établi dans le Païs des féodalitez subordonnées qui se rapportoient à eux, comme eux-mêmes la rendoient au Roi ; & tels ont été les établissemens des Comtes de * Ghînes, de Boulogne, de S. Pol ou Therouenne, des Seigneurs de Montreuil, de Lille, &c ; surquoi je crois qu'il est à propos de remarquer qu'en origine la Comté de Ghînes préceda les autres, comme aussi en aînesse, puis que Boulogne & S. Pol sont sortis de la Tige de Ghînes. Le reste de la Picardie étoit partagée entre les Comtes de Vermandois & de Ponthieu, le premier possédé par les Descendans de Bernard Roi d'Italie, & le second par Guillaume, créature de Louïs d'Outremer, dont deux enfans furent faits Comtes de Boulogne & de Therouenne, par la faveur du Roi Lothaire, mais leur Postérité s'éteignit en une fille qui s'allia dans la Maison de Ghînes & y porta les mêmes Terres. Quant au Ponthieu proprement dit, il passa bien-tôt à des Normands du nom de Talvas ou de Montgommery, lesquels réunirent la Seigneurie de Montreuil, malgré l'opposition des Flamands. Quant au Vermandois, dont l'éxtinction embrassoit la plus grande partie de la Champagne & de l'Iste de France, il fut démembré à diverses fois, prémierement par le partage des Comtes de Senlis aînez, qui ayant eu plus de moderation que leurs Collatéraux, firent aussi une moindre fortune ; sécondement, par celui des enfans de Herbert III, en conséquence duquel Ludgarde, femme de Thibault lè Trichard, emporta le Beauvoisis & plusieurs Terres en Champagne & dans l'Iste de France, entr'autres celles de Coucy, qui fut l'occasion de la querelle d'entre la Maison de Blois & les Archevêques de Rheims ; ainsi il ne restoit aux Rois dans cette Province que les Villes de Laon, Soissons & la Fere ; ils avoient aussi quelques droits sur la Ville d'Amiens, mais les Evêques, & en fuite leurs Vidames, s'en rendirent les Maîtres, depuis que cette Place eut été inféodée à Herbuïn de Montreuil par le Roi Louïs d'Outremer. La Champagne étoit presque toute occupée par la Maison de Vermandois qui possédoit aussi la Brie en entier ; Robert, fils puisné de Herbert III, prit le premier titre de Comte de Troyes, comme nous l'avons vû ci-devant ; son frere Herbert lui succeda, & après lui son fils Etienne, qui étant venu à mourir sans enfans donna sa Succession à Eudes, surnommé le Champenois, petit-fils de Thibault le Trichard, & de Leudgrave de Vermandois. De lui sont sortis les Comtes de Champagne jusqu'à la Reine Jeanne, femme de Philippe le Bel ; le reste de la Province étoit possédé par les Eglises de Rheims, de Sens & de Châlons sur Marne, & par les Comtes particuliers de la Ville de Sens, qui étoient très-puissans, mais qui s'éteignirent sous le Roi Robert, par une confiscation qui peut être regardée comme la premiere arrivée sous la troisième Race.
La Bourgogne d'en deça la Saónnê appartenoit depuis long tems à la Maison Capétienne, soit à la Branche des Comtes d'Authun, soit à celle des Marquis de France, & nous avons vu en particulier l'inféodation qui en fut faite à Hugues le Blanc, comme aussi de quelle maniere elle devint le partage de l'un de ses enfans ; ainsi Hugues Capet ny possédoit que l'hommage. Quant à la partie d'outre la Saonne, on sçait quelle étoit celle du Royaume de Bourgogne, sur lequel il ne restoit plus de droits aux Rois de France, mais elle étoit partagée en divers Comtes qui sont renommez dans l'Histoire, tels que ceux de Maçon, d'Auxonne & de Châlons : la Maison de Vergi issue des Comtes d'Authun, avoit de grands établissemens dans la haute Bourgogne, mais elle en faisoit hommage aux Ducs François –, au reste les Comtez de Nevers & d'Auxerre avoient leurs Seigneurs particuliers long tems avant Capet, & l'on peut asseurer que les premiers étoient issus des Ducs d'Aquitaine. La Duché de France qui comprenoit, outre les Villes de Paris & d'Orléans, les Comtez de Gastinois & de Chartres, du Perche, de Blois, de Tours, d'Anjou & de Maine, avec les Terres de Sologne faisant partie de
* ou Guines.
l'Orleanois, étoient inféodez à la Maison qui monta alors sur le Trône, & cest ce qui rendo.it beaucoup plus puissante que ne l'étoient les Rois dépossédez, à qui il ne reoit que les Villes de Picardie, dont nous avons fait mention. II est vrai toutefois que les Ducs de France avoient pris eux-mêmes la méthode des inféodations, dont la foi leur étoit portée, & le service rendu par préference aux Rois, & telles furent la cession de l'Anjou à Ingelger, qui étoit déja Comte de Gâtinois & celles des Comtez de Chartres, Blois, Tours, à Thibault le Trichard, qui pour cette raison n'étoit pas conté dans le nombre des Seigneurs du Royaume, mais bien pour un Vassal du Duc Hugues le Blanc, & qui fut en conséquence rejetté d'un Parlement François, comme on le voit dans les Annales de Rheims sur Pan 964. L'Aquitaine auroit été sans doute le plus grand Fief du Royaume, s'il avoit été réuni sous une même main, mais, outre que la Famille, à laquelle il fut donné, se divisa & se subdivisa en une infinité de Branches, il y eut dans cette grande étendue quantité de Seigneurs qui sçûrent tirer parti du désordre général de la Monarchie, & l'on y remarque, outre les Gascons qui ne reconnoissoient presque point la Royauté des François, les Comtes de la Marche & d'Angoulême, les Vicomtes de Perigord, entre lesquels Audebert, qui vivoit au tems de Hugues Capet, fcût bien lui répondre qu'il étoit Vicomte de sa Terre à meilleur titre qu'il n'étoit Roi, parce qu'il la tenoit de son pere. Dans le Berry les Comtes & Vicomtes de Bourges, les Seigneurs de Deols & de Château-Roux, les Sires de Bourbon, & enfin les Ducs d'Auvergne, qui étoient tous en possession de leurs Terres & en jouïssoient même presque sans féodalité. Quant aux Comtes de Poitou qui devinrent plus puissans que tous les autres, parce que leur terrain se trouva le meilleur & le plus étendu, il suffit de ce qui a été observé dans la narration précedente, pour en pouvoir conclurre qu'ils ne devoient rien aux graces des Princes Capétiens, lesquels au contraire avoient fait tant d'efforts inutiles pour les déposseder. Enfin, si nous passons à la consideration du Languedoc, lors appellé Gothie ou Septimanie, nous trouverons que l'hommage y étoit reçû dès le tems de Charles le Chauve, & que les Rois Eudes & Robert, ayeuls de Capet, loin de disputer la possession d'Ermengaud & de Raimond, qui en étoient Comtes de leur tems, s'empresserent de les recevoir à leur hommage & de les aller chercher pour en tirer cette soumission : il en est de même des Successeurs de Charles le Simple, qui les mirent efficacement dans leurs interêts, comme nous Pavons vû dans la fuite de l'Histoire.
Concluons à présent, & jugeons s'il est possible en faveur de la foule des flatteurs modernes, qui veulent que tout ce qu'il y a d'hommes sous le commandement de nos Rois, tiennent leurs biens de la libéralité qu'ils ont exercée envers les uns & les autres, soit pour en faire des Seigneurs, soit pour en faire de simples Proprietaires, ou des sujets taillables : Mais cela n'est point nécessaire, puis que, graces au Ciel, nos Princes très-Chrêtiens abhorrent, aussi sincerement que nous pouvons le desirer, les Maximes du Mahometisme & la barbare Loi de l'Orient qui a anéanti la proprieté des biens ; eux qui dans les tems précédens ont si souvent laissé aux Etats du Royaume, & quelquefois à de simples Magistrats, la liberté de leur représenter, que les biens des François sont aussi libres que leur personnes, & que les Rois en sont également les Protecteurs. Enfin, puis que nos Princes ont reçû une éducation si hûreuse, je ne dois jamais appréhender qu'ils puissent préférer une Histoire flatteuse & déguisée, à la naïve vérité que j'éxpose ici, sans autre intérêt que celui de leur gloire & du bien de l'Etat en général.
Fin des Mémoires Historiques sur ïancien Gouvernement de France.
ETAT DE LA FRANCE. CONSIDERÉ DANS SES GENERALITEZ.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA GENERALITÉ DE PARIS, Dressé par ordre de Monseigneur le Duc DE BOURGOGNE en 1698. Par Monsieur PHELIPEAUX, Conseiller d'Etat.
PARIS.
LA Matiere de ce Mémoire est si étendue par elle-même, qu'il est étonnant que l'Auteur s’en soit écarté autant qu’il a fait & aussi souvent, par des digressions hors du sujet ; il semble que s’étant proposé l’instruction du Prince, par l’ordre duquel il l’a dressé, il devoit le considerer non comme un Ecolier vulgaire, auquel on peut remplir la tête de ce qui sert purement à l’ornement & à la satisfaction de l’esprit, mais comme le Maître futur de cette Monarchie, auquel il appartient d’en pénétrer & d’en connoître tous les ressorts avec l’état véritable des Peuples.
Etablisse-des Generalisez. Avantage de celle de Paris.
La premiere digression n'est pas toutefois inutile, parce qu'elle regarde l'Etablissement des Généralisez que l'Auteur rapporte à François I. & à l'année 1 542 : il dit, qu'avant cela le Royaume entier n'étoit divisé qu'en quatre Départemens sous autant de Généraux des Finances, & qu'ils en prirent le nom de Généralitez ; & il remarque que dès lors celui de Paris avoit la prééminence sur les autres, avantage qu'il assûre être passé aux Intendans de cette Capitale depuis l'érection & l'usage de ces Généralitez modernés, sur le fondement que la principale Ville du Royaume y est renfermée, & que d'ailleurs elle est la plus considerable par les revenus qu'elle fournit au Roi &. par son étenduë particuliere.
La Situation.
La Situation de cette Généralité ne pouvoit être plus hûreuse ; il semble que la Nature s'est efforcée de la rendre également commode au Commerce, abondante dans ses recoltes, agréable par la vûë du plus beau païs du monde, sa longueur est d'environ 70 lieuës de France sur 35 à 45 de largeur, & ses bornes sont à l'Orient, les Généralitez de Châlons & de Soissons ; au Nord, celles d'Amiens & de Rouën ; au Couchant, le Perche & l'Orleannois ; au Midi, le Nivernois & la Bourgogne.
Ses Rivieres. Seine. Aube. Yonne. Marne. Oyse. Lu Loire & les Canaux. Canal d'Orléans. Canal de Briare. Bieure. L'Orge. La Crou. Le Therin. La Mauldre.
Outre la Riviere de Seine, qui la traverse depuis Romilly, dans l’Election de Nogent sur Seine, jusques au petit pont de Blazu, quatre lieuës au dessous de Mantes, il faut compter toutes celles que ce Fleuve reçoit dans son cours, qui contribuent à rendre Paris la Ville la plus abondante du Monde, en servant au transport des rïchesses da toutes les Provinces : La Riviere d’Aube, qui traverse une partie de la haute Champagne, se jette dans la Seine à 3 lieuës de Chaumont en Bassigny : Celle d’Yonne prend sa source au dessus de Chinon, Capitale du Morvant, elle devient navigable à Cravant au dessus d’Auxerre, & passe à Auxerre, Joigny, Villeneuve-le-Roi, Sens & Pont sur Yonne ; elle entre dans la Seine sous le Pont de Montereau faut-Yonne : Celle de Marne a sa source au Mont de Faucille près de Langres ; elle passe à Vitry-le-Francois, où elle commence d’être navigable, puis à Châlons ; elle traverse en suite la Généralité de Champagne, entre en celle de Paris à Sacy, passe à la Ferté sous Jouarre, Meaux & Lagny, & se joint à la Seine à Conflans près de Charenton : La Riviere d’Oyse prend sa source à 8 lieuës au delà de Guise, devient navigable à Chauny, entre dans la Généralité une lieuë au dessus de Compiegne ; elle reçoit auparavant la Riviere d'Aisne, puis elle passe à Verberie, Pont S. Maixance, delà à Crecy, Lufarche, Beaumont, Pontoise, & se jette dans la Seine à un autre Conflans à 5 lieuës au dessous de Paris : La Riviere de Loire, quoiqu’éloignée de cette Généralité, ne laisse pas de s’y communiquer par le moyen de deux fameux Canaux de Briare & d’Orleans, qui servent à apporter à Paris les richesses de l’Ocean par Nantes & celle de la Mediterannée par Lyon & Rouanne : Le Canal d’Orleans, qui fut creufé en 1682, & achevé 10 ans après, commence deux lieuës au dessous d’Orleans, traverse la Forest & la Plaine qui la fuit, étant soutenu dans son cours, qui est de 18 lieuës, par 30 écluses ; il se joint à la Riviere de Loing au dessus de Montargis, & va se rendre dans la Seine un peu au dessous de Miret, après avoir traverse l’Election de Nemours & partie de celle de Melun : la propriété de ce Canal appartient à Monseigneur le Duc d’Orleans qui a constitué aux Entrepreneurs & Intéressez 15000 l. de rente foncière & rachetable néanmoins de 100000 écus : Le Canal de Briare fut commencé en 1606, mais l’Entrepreneur étant mort il ne fut achevé en sa perfection qu'en 1642. son chemin est plus court & plus droit que celui d’Orleans, il ne contient que 12 lieuës de cavation jusqu’à Montargis, & dans ce cours il est soutenu de 41 écluses depuis Montargis jusqu’à la Seine ; la Navigation se fait par divers pertuis, qui causent souvent des naufrages ; on pourrait la rendre beaucoup plus sûre en changeant ces pertuis en écluses, comme dans le Canal d’Orleans. Les petites Rivieres sont la Bievre, autrement dite des Gobelins, qui vint des Bois de Fontaurie proche Verfailles ; elle pass à Bievre, à Antony, à Gentilly & aux Gobelins, où ses eaux servent aux Teinturiers d’Ecarlate : L’Orge qui prend sa source à Ste. Mesmes dans la Forêt de Dourdan passe à Sermaise & à Chartres, où elle reçoit une autre Riviere nommée la Renarde qui vient de Claire-Fontaine, dans la Forêt de la Haye, passe à Mosang-le-Val, S. Germain, le Maret, &c ; depuis cette jonction cotinue son cours jusqu’à ce qu’elle se divise en deux branches, qui toutes deux tombent dans la Seine, l'une à Chatillon & l’autre à Albon ; la petite Riviere qui passe à Long-Jumeau, Chevreuse, l’Abbaye de Gisle, Ville-bon, se jette aussi dans l’Orge au dessous de Ville-maison : La Riviere qui passe à S. Denys se nomme la Crou, elle vient de Louvres en Parifis, passe à Gonesse, où ses eaux servent à faire le pain qui fournit presque tout Paris ; elles ont une qualité particulière qui lui donne un goût excellent ; cette Riviere fait moudre 16 moulins de grands revenus, il y a diverses petites Rivieres qui se jettent dans l’Oyse, comme la Breche, la Nonette, qui passe à Senlis, la Ronde & l’Automne, elles ont toutes beaucoup de Moulins : Le Therin qui passe à Beauvais, a un cours de 75 lieuës & arrose 40 paroisses, il se jette dans l’Oyse à Creil : Celle de Mauldre qui passe à Neausle pourrait être navigable, ainsi que celle qui passe à Dreux, elle tombe la premiere dans la Seine au dessus de Mantes, & la séconde dans
L'Essone. La Juyne.
L'Yere. Le Grand. Morin. Provins. Vannes. Le Serain.
l'Eure, que l'Auteur confond mal à propos avec l'Aure qui faisoit autrefois la séparation de la Normandie d'avec le Perche : les Rivieres d'Etampes qui sont l'Essonne & la Juyne ont été autrefois navigables, & n'ont cessé de l'être que depuis l'établissement du Canal de Briare ; l'Essonne passe aussi à Males-herbes & à la Ferté Alais : l'Escole passe à Milly & à Coutances * : Le Loing est considérable parce qu'il sert aux Canaux de Briare & de Montargis : L'Ourq ou l'Ourches passe à Gefures & se jette dans la Marne à Villert ; l'on a proposé de le conduire à Paris par le Canal, ou un Aqueduc –, ce qui auroit été d'une éxtrême utilité pour la commodité du public & pour l'ornement de la Ville : La Riviere d'Yere passe à Chaunes, à Epinay, à Yeres, où elle çoit l'Iron, qui passe à Tournon & se jette dans la Seine à Ville-neuve S. George : Le Grand Morin passe à la Ferté-gaucher & à Coulommieres, à Cray, au Pont aux Dames, & se jette dans, la Marne à Condé ; il porte batteau presque depuis Coulommieres : La Riviere de Provins qui se jette dans la Seine à Bray, pourroit être rendue navigable, & on l'avoit entrepris il y a 25 ans, dans la vûë d'une grande utilité pour le débit des blez de Champagne : La Riviere de Vannes, qui se jette dans l'Yonne à Sens, seroit beaucoup plus utile si elle portoit batteau, on a entrepris de la rendre navigable en 1639, mais l'on trouva que le terrain de son lit est mouvant ; ce qui n'a pas empêché qu'on n'ait repris le dessein dans la fuite, mais inutilement : L'Election de Joigny a divers ruisseaux ou rivieres, comme le Serain qui passe à Pontigny, à Chablis & a l'Armancé ; on a songé diverses fois a les rendre navigables : celles de l'Election de Vezelai sont dans le même cas, mais en bonne regle on doit se contenter de les faire servir au flottage des bois.
Au reste, quoiqu'il paroisse en général qu'il n'y ait rien de plus utile au Commerce que de rendre les Rivieres navigables, & que nous ayons pour regle à ce sujet l'éxemple de nos plus proches voisins, en Flandre, Hollande & Angleterre, on peut dire qu'il y a une fatalité singuliere à l'égard de la France, qui anéantit de maniere ou d'autre tout ce qu'on entreprend sur de semblables sujets, soit par le refus des secours qu'il faudroit donner aux Entrepreneurs, soit par l'éxcès des Impôts dont on charge la navigation quand les ouvrages sont achevez, comme il est arrivé à l'égard des canaux d'Orleans oc de Briaie, & même a celui de la jonction des deux Mers en Languedoc.
ETAT ECCLESIASTIQUE DE LA GENERALITE de Paris.
L'Archevech.
L'ETAT Ecclésiastique de cette Généralité sera considéré par rapport aux Evêchez & Archevêchez qu'elle contient en tout ou en partie.
L'Archevêché de Paris, autrefois Evêché, a été fondé suivant l'opinion la plus com mune par S. Denys, environ l'an 250, sous l'Empire de Decius. L'on a cru aut fois que S. Denys étoit véritablement l'Aréopagite, converti à Athènes par l'Apôtre S. Paul ; mais on est revenu de cette opinion, on prétendoit même que le Chef de S Denys, qui est gardé à Nôtre-Dame de Paris, étoit celui de l'Aréopagite, avant que le contraire eut été jugé par arrêt. Au reste, les Archives de l'Eglise Cathédrale comptent 106 Evêques de Paris jusqu'à Jean François de Gondy, sous lequel ce Siéoge fut érigé en Archevêche par le Pape Grégoire XV. par Bulles du 13. Novembre 1623, qui fu*
fu* Corance. Le Loing. LOurq.
Paris,
rent vérifiées au Parlement, sans approbation du terme de motu proprio, dont le Pape s'étoit servi. Monseigneur le Cardinal de Noailles est le sixième Archevêque ; il y a eu d'illustres Prélats parmi ce nombre : Geoffroy, auquel on attribuë la fondation de l'Université ; P. Lombart, surnommé le Maître des Sentences ; Guillaume d'Auvergne ; Guillaume de Beauffy, sous lequel fut fondée la Sorbonne en 1252 ; Aimeric de Maignac, par l'avis de qui l'on dit que le Roi Charles V. en 1373. fixa la majorité des Rois à 14 ans ; le Cardinal du Bellay ; Etienne Poncher & plusieurs autres.
Le Fauxbourg S. Germain étoit autrefois indépendant des Evêques ; mais par une transaction, confirmée par arrêt & lettres patentes du 8. Avril 1669, la jurisdiction de l'Abbaye de S. Germain fut renfermée dans ses Cloîtres sous la condition que le Prieur de l'Abbaye feroit Grand Vicaire né de l'Archevêque dans cette étenduë. Le Roi a érigé l'Archevêché en Duché-Pairie, par lettres du mois d'Avril 1684, & en a placé le titre sur la terre de S. Cloud : l'Archevêché vaut 100000 l. de rente ; ses suffragans sont les Evêques de Meaux, Chartres, Orléans & Blois, nouvellement érigé en l'année 1698, & démembré de l'Evêché de Chartres ; les Jurisdictions de l'Archevêché sont l'Officialité pour le Spirituel & la Temporalité, dont le Juge connoit des appellations en matiere Civile des Justices appartenantes à cet Archevêché.
Doyennez. chapitre.
Le Diocèse est divisé en 20 Doyennez, dont il y en a 13 dans la Ville de Paris & 7 à la Campagne, savoir, Chèllës, Montmorency, le Viel-Corbeil, Lagny, Champignv, Montlhèfy & Chateaufort. Le Chapitre de Paris est un Collège très-illustre composé de huit Dignitez, le Doyen, le Chantre, trois Archidiacres, le Sous-chantre, le Chapelain & le Pénitencier ; & 51 Canonicats qui valent depuis 1500 l. jusqu'à 2500 ; de huit Vicariats & une Chapelle Sous-diaconale. II y a plus de 150 Chapelles fondées dans l'Eglise de Nôtre-Dame depuis 100 jusqu'à 1500 l. & entr'autfes une sous le titre de la Vierge qui vaut 2000 l. de revenu, & qui est sous le patronage de la maison dc : Rostaing ; les Chapelles sont divisées en deux Communautez : l'ancienne a droit de Commitimus. le revenu total du Chapitre monte à la somme de 18000 l. sans y comprendre les maisons du Cloître qui sont vendues au profit commun, lors qu'elles viennent à vacquer par mort, sans résignation précédente, & sans compter aussi 96 minots de sel qui lui ont été accordez par fondation de Charles, Duc cl'Orléans, & du Roi Louïs XII. son fils.
Les Annexes. Justices du Chapitre.
J.es Annexes de ce Chapitre sont un même Corps avec lui : S. Jean le Rond a 8 Canonicats qui valent chacun 800 l. & S. Denys du Pas, 12 de pareil revenu ; ces deux Chapitres possédent donc 16000 l. de rente. Le Chapitre est indépendant de l'Archevêque & de ses jurisdictions spirituelles & temporelles ; l'Official du Chapitre tient un Synode tous les ans le 19. Mars, auquel tous les Beneficiers du Corps doivent comparoître. La Jurisdiction temporelle est nommée la Barre du Chapître, elle est autorisée par une Chartre du Roi Louïs XI, confirmée par celle du Roi en 1676, qui déclare que dans la réunion de toutes les Justices de Paris à celle du Chatelet, la Barre du Chapître, renfermée dans les bornes du Cloître, n'y feroit pas comprise. L'Université s'assembloit autrefois au parvis, mais son accroissement a depuis obligé la Ville de ceder à cette Université un de ses quartiers ; le Chantre de l'Eglise de Nôtre-Dame a conservé Jurisdiction sur toutes les Ecoles du Diocèse. L'Archevêque nomme à toutes les dignitez ça Chapitre, (éxcepté le Doyenné & la Sous-Chantrerie) & à 22 Canonicats, les autres sont à la collation du Chapître & sont nommez servitoriaux, parce qu'ils ne peuvent être confierez qu'aux Ecclésiastiques & enfans de Choeur qui ont servi l'Eglise pendant un certain tems ; le Doyen & le Sous-Chantre sont aussi nommez par le Chapître. A l'égard des autres benefices qui sont à la collation du Chapître, on en a fait un partage entre les Canonicats, & celui qui en est revêtu en dispose, le cas arrivant.
PARIS PARIS.
Chaptitres dependans de l'Archevech. S. Germain de l'Auxerrois. S. Honor Ste. Oportune.
Il y a 4 Chapitres dans la Ville qui sont nommez Filles de l’Archevêché, celui de S. Marcel composé d’un Doyen qui a 1200 l. de revenu, 14 Chanoines qui ont chacun 400 l. & 17 Chapelles ; ces Benefices sont à la nomination de l’Archevêque : Le Chapitre de S. Germain l’Auxerrois est composé d’un Doyen qui a 2000 l. de revenu, & de 18 Canonicats qui valent chacun 1500 l. & il y a 11 Chapelles de différens revenus depuis 100 jusqu’à 800 l. le Doyen est électif, la Chantrerie n’est qu’une simple Commission ; les Canonicats sont donnez par l’Archevêque, & les Chapelles par le Chapitre, qui est enu de choisir les plus anciens Vicaires, Prêtres ou Choristes, suivant un Arrêt du 14. Novembre 1676. Le Chapitre de S. Honoré est composé d’un Chantre & de 11 Chanoines qui ont chacun 2000 l. de rente : le Chantre, qui peut être aussi Chanoine, est nommé par le Chapitre ; à l’égard des Canonicats, ils sont donnez alternativement par l’Archevêque & le Chapitre de S. Germain de l’Auxerrois : Le Chapitre de Ste. Opportune, composé d’un Greffier, qui est aussi Curé, & de neuf Chanoines ; le premier a 800 l. & les autres Chanoines chacun 300. ils sont nommez par les Chanoines de S. Germain de l’Auxerrois, suivant l’attribution de chaque Prebande. Le revenu total de ces 4 Chapitres est de 72000 l. de rente.
Chapitres dependans de celui de Paris. S. Mederic. Le S. Sepulcre. S. Benoist. S. Etienne des Grecs.
Il y a 4 autres Chapitres, qui sont nommez par celui de Paris : les Filles de Notre-Dame, lesquelles sont sous la Juridiction du Chapitre Cathédral ; celui de S. Mederic est composé d’un Greffier qui est aussi Curé, de 6 Chanoines qui ont chacun 600 l. & de 6 Chapelains. Ces Benefices sont à la collation de deux Chanoines de l’Eglife de Paris : par le droit annexé à leur Prebande : Le Chapitre du S. Sepulçre est de 5 Canonicats. chacun de 400 l. ils sont à la collation alternativement de deux Chanoines de l’Eglise de Paris & des Administrateurs de l’Hôpital du S. Sepulcre : Le Chapitre de S. Benoist est de 6 Chanoines qui ont chacun 600 l. ils sont à la nomination de 6 Chanoines de Nôtre-Dame par le droit attaché à 6 Prebandes différentes ; cette Eglise a encore 12 Chapelains qui ont chacun 300 l. de rente, ils sont nommez par les Chanoines de S. Benoist aussi bien que le Curé ou Vicaire perpétuel : Le Chapitre de S. Etienne des Grecs est composé du Greffier & de 12 Chanoines, qui ont chacun 300 l. la dignité emporte le double : Ces Benefices sont à la collation de deux Chanoines de Notre-Dame de Paris, qui par le droit de leurs Prébandes nomment chacun à six Canonicats. Le revenu totade ces 4 Chapitres est de 20000 l.
La Ste. Chapelle du Palais.
Les autres Chapitres de Paris font, 1°. La Sainte Chapelle du Palais, ancienne demeure de nos Rois, qui a été édifiée & fondée par S. Louïs pour y déposer les Reliques qu’il avoit obtenues de l’Empereur de Constantinople Baudouin XI. Le Chapitre est composé d’une dignité de Trésorier & de 13 Canonicats, parce que le Roi Philippe le Bel en a ajouté 5 aux 8 anciens fondez par son Ayeul : Le Trésorier a droit d’officier avec la Mitre, mais sans Crosse, il a 7000 l. de revenu ; celui des Canonicats est inégal depuis 2000 jusqu’à 4000 l. l’office de Chantre est attaché à une Prébande & vaut seul plus de 2000 l. Il y a pareillement 6 Chapelles fondées dans cette Eglise, dont la moindre vaut 1500 l. Tous ces Beneficiers qui sont nommez de plein droit par le Roi, sont logez dans la Cour du Palais & Commenceaux de la Maison du Roi ; ils jouissent en cette qualité du droit de Committimus, ainsi que de tous les autres qui y sont attachez ; le revenu de la Sainte Chapelle monte à 50000 l. ou environ ; on y a compris l’Abbaye de S. Nicaife de Rheims qui y a été unie pour dédommagement des droits de Regale, que S. Louïs y avoit attribuez, & que le Roi Régnant remet à préfent aux Beneficiers, après la prestation de ferment.
S. Jacques.
20. Le Chapitre de S. Jacques de l’Hôpital, composé d’une dignité de Tréforier qui vaut 1500 l. de 7 Canonicats de 703 l. & de 12 Chapelles de 400 l. Ces Benefices sont à la collation des Pellerins qui s’élisent 3 Administrateurs tous les ans, lesquels ont droit de conférer, en cas de vacance, dans l’année de leur administration,
PARIS.
s. Thomas.
3. Le Chapitre S. Thomas du Louvre, qui fut fondé par Robert de France, Comte de Dreux, fils de Louis le Gros, avant l'année 1180, fsus l'Invocation de S. Thomas de Canterbury, composé d'un Doyen qui jouït aussi d'une Prébande & de 11 Canonicats : le premier a 2000 l. de revenu, & les Chanoines chacun 300 l. Le Doyen est élû par le Chapitre ; les Chanoines sont nommez, 4 par le Roi, & les 7 autres alternativement par le Roi & par l'Archevêque de Paris.
S. Nicolas.
4°. Le Chapitre de S. Nicolas du Louvre est composé du Prevost & de 10 Chanoines, la dignité vaut 1800 l. & les Canonicats 800 chacun, ils sont à la nomination de Paris, hors un Canonicat, qui est en patronage Laïque, dépendant du Sieur de Gallichere, Gentilhomme de la Province de Limoges. Le revenu total de ces trois Chapîtres monte environ à 27000 l. & partant en résumant tout ce qui a été dit des revenus de l'Archevêché de Paris & des Chapîtres de la Ville, il résulte que ce premier ordre du Clergé séculier jouït de 465000 l. de rente.
Abbaye de S. Genevieve. S. Germain des Prez. S. Victor. S. Magloire
Les Abbayes de Paris sont celles de Ste. Genevieve, dont l'Abbé est Triennal, Electif & chef de la Congrégation de Ste. Genevieve des Chanoines Réguliers de S. Augustin, jouit 70000 l. de revenu ; elle est de la fondation du Roi Clovis I. Celle de S. Germain des Prez, de Religieux Bénédictins, de la Congrégation de S. Maur, fondée par le Roi Childebert, vaut, y compris le revenu de la IVlanfe Abbatialie, 172000 !. de rente. L'Abbaye de S. Victor, de Chanoines Réguliers, de la fondation de Louïs le Gros, est de 35000 l. de revenu : L'Abbaye de S. Magloire, anciennement de l'Ordre de S. Benoît, dont on attribue la fondation à Hugues Capet, premier Roi de la Maison Régnante, a été unie à l'Archevêché.
Abbayes de Filles. Val de Grace. Port Royal. Les Cordelierse. Pantemont.
Les Abbayes de Filles sont S. Antoine des Champs, Ordre de Cîteaux, fondée en 1199, qui vaut 25000 l. de rente & renferme 50 Religieuses : Celle du Val de Grace, Ordre de S. Benoît, de 65 Religieuses, dont l'Abbesse est Triennale & Elective, jouït de 30000 l. le Bâtiment en est superbe ; c'est une fondation de la Reine Anne d Autriche : L'Abbaye de Port Royal, Ordre de Citeaux, est un demembrement de Port Royal des Champs ; il y a 36 Religieuses qui ont 8000 l. de revenu : LAbbaye des Cordelieres du Fauxbourg S. Marcel, de 60 filles, dont l'Abbesse est Triennale & Elective, vaut 10000 l. de revenu ; cette Maison doit son établissement a la Reine Marguerite de Provence qui y passa sa vie, après la mort de S. Louïs : L'Abbaye de Pantemont, de l'Ordre de Cîteaux, venue du Diocèze de Beauvais, ou elle avoit été fondée en 1217, est de 25 filles & de 4200 l. de revenu. On peut joindre à ces Maisons, le Prieuré de ChercheMidi, démembrement de l'Abbaye de Malnouë, Ordre de S. Benoît, ou il y a 30 Religieuses, qui ont 4500 l. sans les pensions de 1200 l. Le total du revenu de ces Maisons de Filles est de 83000 l.
S. Martin des Champs. S. Denys de la Chartre. S. Julien.
Les Prieurez simples & Conventuels de la Ville de Paris sont S. Martin-des Champs, l'une de quatre filles de Cluny, dont le revenu monte à 44000 l. de rente, il y a 108 benefices qui en dépendent ; cette Maison a été fondée par les Rois Henri & Philippe premiers. Le Prieuré de S. Denys de la Chartre, Ordre de S. Benoît & fondé par un Cheier nommé Ansoldus & Gertrude sa femme, ainsi qu'il est rapporté dans une Chartre de Gilbert, Evêque de Paris de l'an 1132 ; vaut 1.2000 l. de rente, il y a six Religieuses : Le Prieuré de S. Julien le pauvre, est uni a l'Hotel Dieu : Celui de Notre-Dame des Champs vaut 4000 l. Celui de S. Barthelemy est uni à l'Archevêché, à cause de S. Magloire. Le Prieuré de S. Bon vaut 1500 l. Tous ces Prieurez montent ensemble à 61500 l. Les quatre Prieurez suivans, des Billettes, des Celestins, de Ste. Croix de la Bretonniere, & de Ste. Catherine du Val des Ecoliers, sont remplis par des Religieux, l'Auteur ne dit rien de leurs revenus.
Les Chartreux.
Les autres Maisons religieuses de la Ville de Paris sont pour les hommes, qui jouissent seuls de plus de 100000 l. de rente des bienfaits du Roi S. Louïs Fondateur, de Pierre Prince de Navarre de la Maison d'Evreux, qui y est inhumé avec sa femme à la droite du
PARIS,
du Grand Autel, du grand Mre. de Montaigu & de divers autres particuliers : Les Recolets, les Mathurins, les Peres de la Mission de S. Lazare : Les Benectictins, dits Blancs-manteaux, les deux Maisons de Premontrez, les trois des Feuillans, trois de jacobins, trois d'Augustins, trois de Capucins, trois de Carmes, deux de Cordeliers, deux de Minimes, deux de Penitens, de Piquepus, les Théatins, les Bernabites, les Religieux de S. Antoine, les Religieux de la Mercy, les Peres de la Doctrine Chrétienne, trois de Jesuistes & trois des Peres de l'Oratoire ; cela fait en tout 39 Monastères, dont les revenus sont immenses, à cause des Dons particuliers & des Legs Testamentaires ; il peut y en avoir d'autres oubliez, ou nouvellement établis.
Monasteres de Filles.
Les Monasteres de Filles, outre ceux dont il a été parlé, sont les Cordelieres de Conception & celles du Fauxbòurg S. Germain ; l'Assomption, Ordre de S. Augustin ; les Capucines ; les nouvelles Catholiques rue Ste. Anne ; les Dominicaines de S. Thomas ruë neuve, S. Augustin ; les Filles-Dieu, Ordre de Fontevrault ruë S, Denis ; les Augustines de S. Magloire ; les Religieuses de S. Antoine de la Misericorde ; trois Couvents de la Visitation ; deux d'Ursulines ; trois de Carmélites ; les Feuillantines g les Religieuses de Ste. Catherine de l'Hôpital ; deux de Religieuses du S. Sacrement ; celle de S. Gervais vieille ruë du Temple ; l'Avé-Maria ; la Magdelaine de la Ville l'Evêque ; les Annonciades de Pincourt ; les Religieuses de Piquepus ; les Angloises de Charenton ; le Calvaire ; le précieux Sang ; Nôtre-Dame de Liesse ; les Recolettes ; les petites Cordelieres ; les Filles de Ste. Elizabeth ; les Madelonnettes ; les Hôpitalieres de la place Royale ; les Hôpitalieres de Ste. Basile, & les Filles bleues. L'Auteur ne nomme que ces trente-sept, quoiqu'il y en ait plusieurs autres, & l'on peut juger, par le nombre des filles qui habitent ces Maisons, quels peuvent être leurs revenus, sur tout depuis que l'usage des Lotteries les a presque toutes enrichies.
Bénéfices.
A l'égard des Bénéfices du reste de ce Diocèze, on y compte onze Chapîtres de Chanoines, celui de la Ste. Chapelle du Bois de Vincennes fondé en 1379, au mois de Novembre par le Roi Charles V. les Lettres Patentes sont données à Montargis, il est composé d'une dignité de Trésorier qui a 2503 1. de revenu, d'un Office de Chantre, qui a 1500 l. avec un Canonicat, & onze Canonicats, chacun de 1200 l. six Chapelains ou Vicaires qui ont entrée au Chapître & chacun 600 l. de revenu. Les Maisons où les uns & les autres demeurent sont entretenuës au dépens du Domaine, ils sont reputez aussi Commensaux de la Maison du Roi & pourvûs à sa nomination. En l'an 1694, il s'est fait une augmentation en ce Chapitre de 4 Canonicats, 2 Vicaireries perpétuelles & 4 Clergeries, avec 12 Chapelains honoraires sans revenus ; le motif & le moyen ont été la suppression de la Sainte Chapelle du Vivier, Diocèze de Meaux, qui avoit été fondée par le Roi Philippe V, dit le Long, dont le revenu en son entier a été uni à celui de Vincennes, n'étant resté sur le lieu qu'un Chapelain avec 600 l. ce gages.
S. Maur. S. Martin. S. Mederic. S. Spire. S. Cloud. Palaiseau. Montmorency. S. Cosme. S. Paul.
Le Chapitre de S. Maur des Fossez, anciennement Abbaye, maintenant secularizée, est composé d'un Chantre qui a 2000 l. de revenu, de 8 Chanoines qui ont 1000 l. & de 4 Vicaires perpétuels, qui ont chacun 500 l. de revenu ; le Chapitre est Curé primitif du lieu, & toutes les places sont à la nomination du Roi. Le Chapitre de S. Martin de Champeau est composé d'un Doyen & de dix Chanoines, qui ont chacun 1000 l. Celui de S. Mederic de Livry posséde en tout 3000 l. de rente. Celui de S. Spire de Corbeil, fondé par la Reine, veuve de Philippe Auguste, est'composé d'un Abbé, d'un Chantre, de 9 Chanoines & 6 Chapelains, ils ont en tout 3600 l. de revenu. Le Chapitre de S. Cloud, composé d'un Doyen, d'un Chantre, de 8 Chanoines & 8 Chapelains, posséds en tout 1200 l. de rente. Les Chanoines de Palaiseau au nombre de 4, ont en tout 600 l. Le Chapitre de Montmorency est uni à la Congrégation de l'Oratoire, qui y tient 8 Prê tres, ils jouissent de 3000 l. de revenu & ils deservent la Cure. Le Chapitre de S. Cosme & S. Damien de Luzarches, est composé d'un Prévôt Chanoine & de 6 autres, ils ont ensemble 7100 l. de revenu. Enfin, le Chapitre de S. Paul à S. Denys, de Fondation
PARIS.
Royale, est composé d'un Chantre, 16 Chanoines & cinq Chapelains, qui ont ensemble 5000 l. Le revenu total de ces Chapîtres est de 72500 l.
Abbayes. S. Denys. Cherivaux Livry. Nôtre-Dame du Val. Lagny. Cernay. La Roche.
Les Abbayes d'hommes du Diocèze sont celles-ci, S. Denys en France, Ordre de S. Benoît, dont la Manse Abbatiale a été unie à la Maison de S. Cyr, fut fondé par le Roi Dagobert l'an 630 ; elle sert depuis long tems de sepulture commune à tous les Rois ; le dernier Titulaire de cette Abbaye a été le Cardinal de Retz, qui en tiroit 100000 l. de rente, elle en vaut en tout 160000 l. L'Abbaye de Cherivaux, Ordre de S. Augustin, vaut 6750 l. de rente, elle a été fondée en 1151. Celle de Livry, Ordre de S. Augustin, de la fondation de Guillaume de Garlande, Seigneur du Lieu en re- vaut 5000 l. Celle de Nôtre-Dame du Val, Ordre de Cîteaux, unie aux Feuillans, vaut 8000 l. L'Abbaye de Lagny, Ordre de S. Benoît, fondée premierement par S. Fourcy & depuis rebâtie par Herbert, Comte de Vermandois l'an 993, vaut 16000 l. de rente. L'Abbaye de Vaux de Cernay, Ordre de Cîteaux, vaut 18500 l. elle a été fondée en 1128. par les Seigneurs de Neaufle le Châtel : L'Abbaye de la Roche, de la fondation des Seigneurs de Levi, Cadets de la Maison de Chevreuse en 1190, ne vaut que 600 l. Le total de ces Abbayes est de, 2098501. de rente.
Montmartre. Ste. Genevieve de Chaillot. Long-Champ.
Les Abbayes de filles du Diocèze sont, l'Abbaye de Montmartre, fondée par la Reine Adelayde de Savoye l'an 1133, à la place des Religieuses de l'Ordre de Cluny, qui gardoient le lieu du Martyre de S. Denys, elle vaut 28600 l. de rente : Cette Maison possedé un fief au lieu de Clignancourt, qui doit à la Manse Abbatiale de S. Denys, à chaque mutation d'Abbesse, un droit de rachapt fixé à 10000 l. L'Abbaye de S. Germain de Ste. Genevieve de Chaillot, Ordre de S. Bernard, vaut 7000 b Celle de LongChamp, Ordre de Ste. Claire, de la fondation de Jeanne de France, soeur de S. Louïs, a 2.0000 l. de rente, sans les pensions. L'Abbaye de Chelles, Ordre de S. Benoît, de la fondation de la Reine Baudour, ou Bathilde, a 34000 l. de rente. Celle de Gisse, Ordre de S. Benoît, de la fondation du célébré Maurice Evêque de Paris, vaut 8000 l. Celle d'Yere, du même Ordre, fondée en 1132, par Eustache Comte d'Etampes & de Corbeil, vaut 10000 l. Celle de Ste. Perrine de la Villette, où elle a été transportée du voisinage de Compiegne, rapporte sa fondation à Philippe le Bel, elle est de l'Ordre de S. Augustin & vaut 8000 l. L'Abbaye de Jarsy, Ordre de S. Benoît, de la fondation d'Alphonse, Comte de Poitiers, frere du Roi S. Louïs & de Jeanne héritière de Toulouse, vaut 6000 l. Celle de Malnouë, du même Ordre, n'est pas plus ancienne que l'an 1171, elle vaut 15000 l. Celle de la Saussaye 4000 b & a cela de singulier qu'elle a été bâtie du tems de Philippe I. pour les enfans de la Maison de France qui seroient attaquez de la pierre : & enfin celle de Port-Royal des Champs, Ordre de Cîteaux, édifiée par Eudes de Sully, Evêque de Paris, environ l'an 1204, a été détruite depuis peu par les ordres du Roi, elle valoit 12000 l. de revenu, qui ont été attribuées à la Maison du Port-Royal de Paris. Le revenu de toutes ces Abbayes ensemble monte à 158600 l. de rente.
Prieurez du Dioceze
Les Prieurez d'hommes de ce Diocèze sont celui de Sceaux, de 9000 l. uni aux Chartreux : celui de S. Martin de Palaiseau de 1300b Les Prieurez de Marcoully, qui ont été fondées sous le Regne de Charles VI. par le Grand Maître de Montaigu, & possedent 19500 l. de revenu.
Ceux d'Incette & d'Orçay, valent 9500 l. Le Prieuré de Limours, de 6000 l. Celui de Beaulieu, de 3000 l. Celui de S. Clair, de Gaumet le Château de 2800 l. Le Prieuré de Marly, 1400 l. est uni à la Cure. Celui de Suresne, uni à la Manse Conventuelle de S. Germain des Prez. Le Prieuré de Versailles est uni à l'Archevêché. Celui de Brayelle vaut 1400 l. Celui de S. Germain en Laye... Celui de S. Medard de Joüi vaut 2000b Celui d'Argenteuil de l'Ordre de S. Benoît vaut 10500 l. Celui de Mousfy le neuf 4000 l. Celui de D'Aumont 5000b Celui de Deuil 5300b Celui de S. Prix, nommé le Bois S. Pere, 15000 l. Un autre Prieuré au même lieu de S. Prix 550 l.
PARIS.
Celui de Taverny 150 l. Celui de Conflans 4000 b Celui des Bons-hommes, du bois de Vincennes, est uni aux Minimes, il vaut 9000 l. Le Prieuré de Gogny vaut 1700 l. Celui de S. Mandé est uni à l'Archevêché. Celui de S. Blaise de Rainey transféré à S. Gervais vaut 4000 l. Le Prieuré de Montfermel vaut 1500 l. Celui dé Gros-bois 300 b Celui de Pomponne, qui est uni aux Jesuistes d'Amiens, 1000 l. Le Prieuré de Mont-j'ay 850 l. Celui de Marolles 1850 l. Ceux de Mons & de Vernels chacun 700 l. Celui de S. Ouën près Tournan 1500 l. Celui de S. Thibaut 2700 l. Celui de Gournay vaut 8500 l. il y a deux Religieux qui ont chacun 300 l. Celui de la Magdelaine de Chessy 4000 l. Celui de S. Jean de Conches 576b Celui de Cormier, Paroisse de Roisfy, 100 l. Celui de Long-Jumeau, Ordre de Ste. Genevieve, 1800 b II y a cinq Religieux qui ont 1400 l. Le Prieuré de Long-pont, Ordre de S. Benoît, 13640 l. Celui de Montlhery 630 l. Celui de S. Yon 1000h Celui d'Essonne 1900b Celui de S. Genan 1600b Enfin celui de Chateauford 320 l.
Le revenu de tous ces Prieurez se monte à 1460701. non compris ceux dont le revenu n'est pas certain.
Les Prieurez des filles sont aussi de Terey en Brie, fondé par M. Berrier, qui vaut 8000 l. & le Prieuré de Laval, qui est de 3000 l. Ils sont de l'Ordre de S. Benoît. A l'égard du Prieuré de Poissy, il en fera parle dans l'article du Diocèze de Chartres ; & quant aux fondations des Chapelles dans les Châteaux des Seigneurs, elles sont peu considerables, & ne méritent aucun détail.
Maisons Religieuses du Dioceze.
Les Religieux & Communautez du Diocèze sont les Mathurins de Montmorency & de Ville-neuvé, Paroisse de Bron, les Peres ont 3000 l. de rente ; les Penitens de Luzarches, qui ont 300 l. seulement ; les Augustins d'Argenteuil, qui n'ont point de bien ceux de Pomponne, qui ont 2000 l. les Minimes de Vincennes dont il a été parlé ; les Minimes de Brie Comte Robert, fondez par le Maréchal de Vitry, lesquels ont 1800 l. les Chanoines Réguliers de Ste. Genevieve à Nanterre, qui ont 2400 l. les Prêtres du Mont Valerien 550 l. les Prêtres de Versailles 6500 l. la Communauté de S. Cloud ...... les Feuillans du Plessis Piquet 2800 l. les Jacobins de Gonesse 2000 l. les Carmes de Conflans ; les Penitens de Belle-ville ; les Recolets de S. Denys ; ceux de Versailles ; les Camaldules 12000 l. les Capucins de Meudon ; les Feuillans du PleffisRaoul, qui ont 1000 l. & enfin les Cordeliers de Noisy qui disent la Messe au Château de Marly le tout ensemble fait 22 Maisons qui possedent, sans ce qui n'est pas éxprimé, 348501. de revenu. Quant au Convents & Communautez de filles du Diocèze, l'Auteur en compte 12 ; sçavoir les Annonciades de S. Denys qui ont 12000 l. de rente, les Ursulines du meme lieu, qui ont 20000 l. celles de la Visitation de la même Ville, qui possedent 18000 b les Carmelites, aussi du même lieu, dont le revenu n'est pas éxprimé ; les Ursulines d'Argenteuil, qui en ont 9000 ; celles de S. Germain en Laye, qui en ont 4000 l. ce es de S. Cloud, qui en ont 11400 ; les Religieuses de la Congregation de Montreuïl, qui en ont 4200 ; les filles de la Croix en Brie Comte Robert en ont 2000 ; ce ese même Ordre à Roziers, 2400 –, les Religieuses de Ste. Marie de Chaillot, qui en ont 25000 ; & les Bernardines d'Argenteuïl, 6000 b Ces revenus sans les pensions particulieres de Religieuses montent à 124000 l. de rente.
L'Hôpital general.
Pour achever le détail des revenus des Eccléslastiques du Diocèze de Paris, l'Auteur parle des Hôpital. Entre tous, celui qu'on nomme Hôpital général, mérite la premiere consideration : on etablissement se doit rapporter aux soins du premier Président de Bellièvre, qui obtint les Lettres patentes nécéssaires au mois d'Avril 1656 : les Pauvres mendians oiseux, libertins, étoient tellement à charge au public par leur insolence & leur nombre, qui se trouvoit monter à Paris & aux environ 40000, qu'on remontra b. M. la nécessité de les enfermer, le Roi ordonna des assemblées des principaux Magistrats pour trouver les moyens de les loger & de les faire subsister, & quand on eut preparé tout ce qui etoit nécessaire, on publia aux prônes des Paroisses que l'Hôpital se-
PARIS.
roit ouvert le 7. May 1657, pour recevoir tous ceux qui voudroient s'y retirer volontairement, & huit jours après on fit défenses à cri public de demander l'aumône dans les rués & dans les Eglises, ce qui obligea les gueux de profession de se retirer, ou de cherchés du travail, pendant que les pauvres de nécessité trouverént le soulagement dont ils manquoient. L'Hôpital général est sous la conduite de trois Directeurs principaux, l'Archevêque, le premier Président du Parlement & le Procureur General du Roi ; ces trois ont 22 Administrateurs inférieurs de différentes Conditions, & un Receveur, qui sont reçus au Parlement, où ils prêtent serment de bien & fidelement régir le bien des Pauvres. Pour le Spirituel, il y a un Directeur qui a sous lui 22 Prêtres pour administrer les Sacremens. L'Hôpital général renferme à present 10000 personnes ; il le trouve souvent beaucoup plus chargés ; d'où il arrive que ces Revenus, quoique très-considérables, sont à peine suffisans pour la subsistance des pauvres qui s'y rendent ou qui y sont conduits malgré eux ; ce qui oblige souvent les superieurs de les recommander à la charité generale des Fideles. Il est composé de trois Maisons principales, qui sont la Pitié, la Salpetriere & Bicestre ; celles de la Pitié contient la Boulangerie, où l'on cuit le pain des pauvres : ce refuge sert à la retraite des filles, & l'Hôpital des enfans trouvez est destiné particulièrement à l'éducation des enfans exposez de l'un & de l'autre Sexe, auxquels on fait apprendre un métier dans l'Hôpital, avant de les en faire sortir : on marie aussi de tems en tems en Canada des peupables de filles, tirées de ce lieu, & elles s'y marient quelquefois avec avantage.
Autres Hôpitaux.
Les autres Hôpitaux de Paris sont l'Hôtel-Dieu, où il y a ordinairement 3 à 4000 Malades. Celui de la Charité, administré par des freres dits de la Charité, qui ont le petit Hôpital des Convalefcens dans leur dépendance. L'Hôpital de la Trinité ; celui du S. Esprit ; celui des Enfans rouges, celui des Quinze-vingts, celui des Petites-maisons, & celui des Incurables ; mais toutes ces Maisons ne sont pas aussi riches que le besoin des Pauvres pourroient le requérir ; c'est pourquoi l'Auteur n'en donne aucun détail. Les autres Hôpitaux du Diocèze sont celui de S. Denys de 7000 l. de rente, y compris le revenu d'une Maladrerie ; il est administré par le Prieur de l'Abbaye & trois Bourgeois : L'Hôpital de Gentilly est servi par des Soeurs grises ; l'Hôpital de Chelles de 500 l. celui de S. Cloud est très-pauvre ; celui de Lagny a 3000b1. & celui de Brie Comte Robert, 800 l.
A l'égard des Cures, il en réservé le détail général à la fin de ses observations sur l'Eglise ; mais sans comprendre les Hôpitaux, ni les revenus des Communautez & des Monastères de la Ville de Paris, ni de plusieurs du Diocèze qui n'ont point été éxprimez : Il s'en trouve jusqu'à présent dans ce Memoire pour 154000 l.
Archev. de Sens.
L'Archevêché de Sens est le second compris dans la Generalité de Paris, non en son entier, mais dans sa plus considérable "partie, le reste dependant de la Généralité d'Orlans ; ce Siège est beaucoup plus ancien en dignité que celui de Paris, qui en dépendoit autrefois, en qualité d'Evêché suffragant, aussi bien que ceux de Chartres, Moaux & Orleans, qui en ont été separez pour être soumis au Siège de Paris lors de son Erection en Archevêché, & pour dédommager d'une si grande étendue soustraite à la jurisdiction de l'Archevêché de Sens, on lui a uni l'Abbaye de Montmartin, en Picardie, Ordre de Prémontré, qui vaut 12000 l. de rente ; de sorte que son revenu a été porté jusqu'à 50000 l. On en fait remonter l'établissement jusqu'au Siécle des Apôtres, & la tradition porte que S. Savinien, Potentien & Álrin furent envoyez à Sens par S. Pierre ; mais comme cela n'est pas assez fondé, l'ópinion contraire a prévalu, qui veut que par S. * Pierre on doit entendre quelqu'un de ses Successeurs au Siège de Rome ; l'Auteur ne croyant pas qu'on puisse déroger à ce que Sulpice Sevëre dz 'Grégoire de Tours ont de l'établissement du Christianisme dans les Gaulés, qu'ils rapportent à l'an 250. On compte 106 Archevêqués de Sens, depuis S. Savinien, qui est le premier, jusqu'à Mesfire Hardouïn Fortin de la Hoguette, qui-l'est aujourd'hui. Entre ces Prelats il y a eu plusieurs Saints, plusieurs Princes, huit Cardinaux & grands Officiers de la Couronne ;
* Apparemment que les Copistes ont la S. Pierre au lieu de S. Pere.
Heraclius assista S. Remy dans l'instruction de Clovis & ensuite à son Bâtême ; Gilbert sacra Louïs le Gros ; & Guy, le Roi Philippe Auguste : Ansegiste, l'un des pr cipaux Ministres de Charles le Chauve, obtint par son crédit du Pape Jean VIII, la Primatie des Gaules & de Germanie. Les Prélats de France assemblez à Pontigara, & particulièrement Hincmar de Rheims, s'opposèrent à ce nouveau titre, mais néanmoins les Archevêques de Sens l'ont conservé jusqu'à Grégoire VII, qui confera la Primatie a Gebouïn, Archevêque de Lyon, supposant que c'etoit une ancienne dignité & prééminence de son Eglise ; les Prélats de Sens ont fait divers efforts pour attaquer cette dignité des Archevêques dè Lyon, mais ils ont toûjours succombé, & dans le Procès intenté contr'eux au Parlement par le Cardinal de Bourbon, Archevêque de Lyon en 1421, il fut jugé par la Cour que l'Eglise de Sens lui demeureroit soumise ; à la vérité, celle-ci se laissa condamner par défaut pour conserver son titre, comme elle l'a fait. Les Cardinaux du Prat & du Perron sont illustres dans l'histoire de cette Eglise –, le premier est regardé comme l'Auteur du CONCORDAT, qui a donné aux Rois de France le droit de disposer des Bénéfices de leur Royaume en 1515 : il fut en conséquence revêtu des Evêchez de Meaux, d'Alby & de l'Archevêché de Sens ; il avoit été marié à Françoise d'Arbouze & premier Président du Parlement ; il devint ensuite Chancelier, & même à ce qu'on dit, conçût le dessein de se faire Pape ; il mourut en 1539, âge de 72 ans ; le second qui avoit été Huguenot, devint une des plus grandes lumieres de l'Eglise. Il traita la réconciliation de Henry IV. avec le saint Siège en 1595 ; Il soutint la grande Conférence de Fontainebleau contre du Plessis Mornay en 1600 il devint enfin Archevêque de Sens en 1606, & mourut en 1618. Il s'est tenu plusieurs Conciles à Sens, mais celui de 1140 est le plus celebre par la dispute de S. Bernard contre Abailard, en présence de Louis le jeune.
Chapitre de l'Archevéche de Sens.
Le Chapitre de la Métropolitaine, dedie'e à S. Etienne, est composé de quatre D gnitez, le Doyen, le Trésorier, le Chantre, qui ont chacun 600 l. & le Celerier qui n'en a que 300 ; de l'Archidiaconé qui vaut 700 l. & quatre Personnats de 1500 l. diversement partagé entre le Clergé de 31 Prébandes entieres, & 14 demies, de 2 Vicariats & de 12 Chapelles ; l'Archidiaconé, le Personnat & les Prebandes sont à la collation de l'Archevêque ; les Chapelles sont conférées alternativement par lui & par le Chapître ; il faut remarquer que les Prébandes valent environ 600 l. il y a de plus sept Chapelle du titre de S. Laurens, dahs le Palais de l'Archevêché, qui ont 260 l. de rente chacune ; le revenu du Chapitre avec l'entretien des Bâtimens revient encore à 40000 l. qui joint aux 50000 l. de l'Archevêché sont 90000 l. pour le premier corps du Clergé, les Membres du Chapitre ont droit de Committimus à l'instar de ceux de Paris par lettres de l'année 1548.
Autres Chapitres.
Les autres Chapîtres du Diocèze, compris dans la Generalité de Paris, sont celui de Traignel de six Canonicats en patronnage laïc du Seigneur, qui valent chacun 200 l. Celuie de Notre-Dcime d Etampes, de la fondation du Roi Robert, composé d'un Chantre qui a 300 l. de 10 Chanoines qui n'en ont chacun que 1501. & de 17 Chapelles de très-petit revenu, ce Chapître ne possede que 2400 l. Celui de Ste. Croix, de la même Ville d'Etampes, fondé en 1183, est composé d'un Doyen, & d'un Chantre Electifs, qui ont chacun 200 l. 19 Chanoines qui ont 100 l. & 11 Chapelains qui tous ensemble ont 1400 l. les Canonicats sont à la collation de l'Archevêque. Celui de Nôtre-Dame de Melun, fondation Royale, est composé d'Un Chantre, 7 Chanoines, & 17 Chapelles ; les 8 premiers ont chacun 500 l. & lès autres la moitié. Le Chapître de Milly qui est rempli par les Seigneurs, est composé d'un Doyen & d'un Curé qui a 600 l. 4 Chanoines, qui ont chacun 300 l. la Prébande du Chantre qui est de 600 l. a été, en 1401, appliquée a un Maître & six enfans de Choeur, le total vaut 2400 l. Le Chapitre de S. Quiriace de Provins, est composé de 4 Dignitez qui valent chacune 800 l. & de 20 Canonicats qui en valent la moitié, Le Doyen est Electif & confirmatif : Jes autres Bénéfices
sont à la nomination du Roi ; il y a de plus six Vicariats de chacun 100 l. & 22 Chapes les qui sont conférées par le Chapître ; les plus fortes ne valent que 100 l. le total revenu de ce Chapitre ne monte qu'à 13400 l. Le Chapitre du Val, fondé en 1171, près Provins, est de 3 Dignitez, 16 Chanoines, 3 Vicaires & 27 Chapelains, qui ont ensemble 10800 l. de revenu : Celui de S. Nicolas, fondé en 1618, est si peu considérable qu'il n'a que 1500 l. de revenu, pour 10 Chanoines & 7 Chapelains : Le Chapitre de Montereau est aussi peu considérable ; le Doyen, le Chantre, ont chacun 200 l. & les Chanoines moitié ; ils sont 9 & quelques Chapelains : Celui de Brunon, près de Joigny, dont le Trésorier a 400 l. & 7 Chanoines chacun 200 l. Celui de S. Julien des Paules est composé d'un Chantre, d'un Trésorier & de 8 Chanoines qui ont chacun 40 l. Enfin celui de Bray, de 3 Dignitez de 600 l. & 10 Canonicats de 400 l. le Trésorier, le Chantre sont nommez par le Seigneur de Bray, le Doyen est Electif, & les autres nommez par l'Archevêque : Tous ces Chapîtres ensemble, au nombre de 12, jouissent de 54000 l. de revenu.
Abbayes.
Les Abbayes d'hommes du Diocèze de Sens, au nombre de 18, sont celles de S. Remy de Sens, Ordre de S. Benoît, fondée avant l'année 527, qui doit son rétablissement à Louïs le Debonnaire, vaut 25000 l. de rente, & a été unie à la Cure de Versailles : Celle de S. Pierre de Vif-lès-Sens, du même Ordre, fondée en 507 par Ste. Erdechilde, vaut 3000 l. Celle de S. Jean, fondée dans le Sixième Siécle par Heraclius, Archevêque de Sens par les Chanoines Réguliers de S. Augustin depuis l'an 1111 ; la Manse Abbatiale est unie à l'Archevêché, ces Religieux jouissent de 4000 l. de revenu. Celle de S. Paul-lès-Sens, Ordre de Prémontré, fondée en 1220 vaut 1200 l. Celle de Ste. Colombe, Ordre de S. Benoît, a été fondée par le Roi Clotaire II. environ l'an 620 ; elle vaut 1200 l. de rente, dont l'Abbé a la moitié.. Celle d'Ilot, Ordre de Prémontré, sondée en 1135, a 3600 l. de revenu. Celle de Morigny, près Etampes, Ordre de S. Benoît, fondée en 1106, & valant 6500 l. S. Pierre de Melun, Ordre de S. Benoît, fondée en 546, & rétablie par Seguin, Archevêque de Sens en 981, vaut 7000 l. Le Jard, Ordre de S. Augustin, fondée en 1134, par Alix, Comtesse de Champagne, soeur de Philippe Auguste, vaut 8000 l. Barbeaux, Ordre de Cîteaux, fondée en 1145 par Louïs le Jeune qui y a été inhumé, vaut 18000 l. S. Severin de Châteaulandon, fondée dans le sixième Siécle par le Roi Childebert, est possedée par des Chanoines Réguliers & est en regle, elle vaut 5000 l. Cezannes, Ordre de Cîteaux, fondée en 1181, vaut 4500 l. S. Jaques de Provins, de Chanoines Réguliers, fondée en 1124. par les Comtes de Champagne, vaut 19000 l. Nôtre-Dame de Joüi, Ordre de Cîteaux, vaut 22000 l. elle fut édifiée par Thibaut le Grand, Comte de Champagne, l'an 1124, sur le fond donne par Pierre du Châtel & Achille Desnaudes, Chevaliers Champenois. Preüilly, Ordre de Cîteaux, fondée en 1118, sur un fond acquis par l'Ordre, mais dotée depuis par les Comtes de Champagne, vaut 20000 l. Les Echalis, Ordre de Cîteaux, fondée en 1131, vaut 10000 l. Vauluisant, du même Ordre fondée par Artaud, premier Abbé de Preüilly & doté par Ursel, Seigneur de Praignel vaut 26000 l. de rente. Celiers, du même Ordre, vaut 6000 l.
Prieurez.
Les Abbayes de filles, du même Diocèze, sont les suivantes : Nôtre-Dame-lès Sens, Ordre de S. Benoît, vaut sans les pensions 6000 l. Ville-Chanton, du même Ordre, vaut 4000 l. Villiers, Ordre de Cîteaux, 15000 l. Le Lys, du même Ordre, fondée en 1248. par la mere de S. Louïs, vaut 15000 l. La Joye, fondée près Nemours par les Seigneurs du Lieu, vaut sans les pensions 6000 l. Le Mont Ste. Catherine de Provins, de Cordelieres, fondée en 1253, vaut 6000 l. Le Paraclet, Ordre de S. Benoît, fondée par Eloïse & Abailard en 1131, vaut 15000 l. Nôtre-Dame de Provins, de Citeaux, fondée en 1225, vaut 4000 l. Ces Abbayes jouissent ensemble de 71000 l. de rente, sans les pensions, qui sont en grand nombre par tout. Les Prieurez simples sont ceux-ci : Nôtre-Dame du Charnier, Ordre du Cluny, vaut 1200 l. La Cour Nôtre-
Dame, Ordre de Cîteaux, 500 l. LTnfourchure, Ordre de Grammont, 300 l. Mombeton, Ordre de S. Augustin, 1400 l. S. Gervais des Tables, 500 l. S. Pateme de Sergines 460 l. S. Loup de la Chapelle, 200 l. S. Bon de Baron, 2501. Flestay, 2501. S. Leger, 200 l. S. Philbert, 400 l. Pongis, 100 l. S. Pierre de Marville, Ordre de S. Benoîts 1200 l. S. Martin d'Etampes, idem, 600 l. Etrechy, idem, 400 l. S. Medard de Marne, idem, 250 l. Nôtre-Dame du Pré près d'Estampes, 301. La Prévosté de Dauvert, Dignité de l'Eglise de Chartres, 800 l. Pringy, Ordre de Cluny, 300 l. Robloy, 200 l. Nerouville, 1500 l. S. André de Chateaulandon, 300 l. S. Pierre de Courtenay, 1200 l. La Sacristie du même Prieuré, 500 l. S. Hilaire lès Andresis, 900 l. Souppes, 300 l. La Chapelle de la Reine, 900 l. Villers sous Grès, 300 l. L'Óre, 300 l. Le Prieuré de Nemours, uni à la Cure, 500 l. Ville-mou-tiers, 1300 l. S. Ayeul de Provins, 1400 l. Ste. Croix 500 l. Voulon, Ordre de S. Augustin, 400 l. La Fontaine aux bois, 3 500 l. S. Loup de Naud, Ordre de S. Benoît, 2000 l. Chalantrela petite, 2000 l. Melis la Magdelaine, Ordre de Cluny, 1800 l. Montreau, Ordre de S. Benoît, 1200 l. Champignelles, idem, 1100 l. La Chaise d'Hermoy, idem, 1000 l. Soisy, 500 l. Jariel, 400 l. Beaulieu, Ordre de S. Benoît, 1200 l. Bois-Artaud, Ordre de S. Augustin, 600 l. S. Hubert des Marais, 120 l. Les Bons-hommes de Couchaud, Ordre de Grammont, 600 l. Limorel, autrement les Hermites de Chenoise, aux Peres de la Mercy, 800 l. S. Martin du Tertre de Montreau, uni à l'Evêché de Blois, 3500 l. Pont-loup, Ordre de S. Benoît, 1500 l. S. Mammet, 1500 l. Canne, Ordre de Cluny, 1500 l. S. Douain, Ordre de S. Augustin, 500 l. Nôtre-Dame de Joigny, Ordre de Cluny, idem, 2000 l. S. Sidoine, idem, 700 l. La Magdelaine lès Joigny, 1300 l. Saumaise & l'Abbaye S. Germain d'Auxerre 2501. Vieux-Pont, Ordre de Grammont, 1000 l. S. Sauveur lès Bray, Ordre de S. Benoît, 13200 l. Romilly, 800 l. Mamey, 3000 l. La Basse-Cour de Pont 400 l. S. Jaques de l'Hermitage, 1800 l. Pere, 800 l. S. Hilaire, 1200 l. S. Quentin de Feuillage, 300 l. Pont sur Seine, dépendante de l'Abbaye de Jouy, 1200 l. S. Florentin, aux Bénédictins d'Auxerre, 500 l. Mentidieu, 360 l. Francheveaux, dépendante de Molesme, 900 l. Beau-pré, 300 l. Puidon à Aunon, 600 l. Vaumain, 600 l. S. Pierre le Vif d'Auxon, 700 l. Le revenu de tous les Prieurez ensemble monte à 94870 1.
Prieurez de Filles.
Les Prieurez de Filles du même Diocèze, qui sont en bien moindre nombre, sont celui de la Magdelaine de Sens, transféré au Fauxbourg S. Antoine à Paris en 1684, qui jouït de 2000 l. L'Ecole de Jesus, Ordre de Cîteaux, à Bruy, vaut 2300 l. Moret, Ordre de S. Benoît, vaut 2000 l. Les autres Monasteres de Filles, sont les Carmelites de Sens, qui ont 1500 l. Les Ursulines & les Annonciades, qui ont chacun 2000 l. Les Bénédictines de Ville-neuve le Roi ont 800 l. & les Religieuses de la Congregation de Nôtre-Dame à Etampes ont 8000 l. Les Filles de Ste. Marie de Melun en ont autant, & les Urfulines 6000 l. les Bernardines de Provins 4000 l. les Religieuses de la Congregation de la même Ville ont 8500 l. Toutes ces Maisons ensemble possédent 47100 l. de revenu.
Hôpitaux.
Les Hôpitaux & Maladreries sont celui de Sens de 6000 l. de rente, celui de Villeneuve le Roi de 1200 l. Il y a plusieurs Maladreries qui leurs sont unies. L'Hôtel-Dieu d'Etampes avec la Maladrerie vaut 21501. l'Hôtel-Dieu de Provins 8000 l. l'Hôpital de S. Nicolas à Melun a 7000 l. l'Hôtel-Dieu 2500 l. & l'Hôpital de Fontainebleau 3000 l. l'Hôpital des Orphelins de Provins, fondé par l'Abbé d'Aligre en 1694, a 5000 l. de rente ; l'Hôpital de Nogent, fondé par M. Bouthilier, a 2500 l. la Charité de Bray 1000 l. Tous ces Hôpitaux, sans les petites Communautez des Soeurs grises, jouissent de 358501. de revenu. Le College de la Ville de Sens, fondé par un Chanoine en 1537, & donné aux Jesuites en 1625, a 2000 l. de rente ; le Seminaire de la même Ville jouït de 3500 l. d'imposition sur le Clergé, & n'a aucun fonds ; les Celestins ont 6000 l. de rente, les Jacobins, Cordeliers, Penitens & Capucins établis dans la même
Ville, sont très-pauvres. Les Bernabites de la même Ville d'Etampes, ont 900 l. ils possedent l'ancien Hôpital de S. Antoine ; les Mathurins du même lieu ont 1000 l. les Cordeliers & Capucins n'ont aucun bien. Les Carmes, Capucins & Recolets de Melun vivent d'Aumônes, ainsi que les Pénitens de Bray & les Carmes des basses loges. Les Mathurins de Fontainebleau ont été fondez par S. Louïs en 1259, dans la Chapelle du Château, ils ont 6000 l. de rente. Il y a dans le Bourg une maison de Missionaires. Le College de Provins, occupé par des Peres de l'Oratoire, a 2300 l. de revenu, c'étoit l'ancien Palais des Comtes de Champagne. Les Benedictins de S. Lyon ont 2000 l. & les Jacobins 850 l. les Cordeliers 600Í. Les Minimes d'Aunois 1000L. Les Capucins de Provins, de Nogent & de Joigny vivent d'aumônes, ainsi que les Recolets de Montreau & de Nemours, les Pénitens de Courtenay fondez par les Seigneurs de Courtenay du nom de Blainvilliers ont 400 l. les Chartreux du Val profond en ont 400 l. & il y a quelques petites Communautez peu considérables. Ces revenus montent à 24000 l.
A l'égard des Chapelles fondées dans les Maisons Seigneuriales du Diocèze, on en compte 28, dont la principale est celle de Vallery lieu de la sépulture des Princes de Condé. Leur revenu total dans ce Diocèze monte à 5100 L. Partant l'on peut fixer le revenu total des Ecclésiastiques de cet Archevêché, pour ce qui en est compris dans la Generalité de Paris, à l'éxception des Bénéfices qui se trouvent dans les Elections de Rosay & de Coulommieres, qui auront un article separé, & des revenus des Cures & des Tresors des Eglises Paroissialles, à plus de 600000 l.
Evêché de Beauvais.
Après que l'Auteur a parcouru les deux Archevêchez de Paris & de Sens, il considere l'Evêché de Beauvais, qui étant honoré du titre de Pairie, & renfermé, pour la meilleure partie, dans la Generalité de Paris, mérité sa premiere attention, il en rapporte l'établissement à S. Lucien au milieu du troisième Siécle de l'Eglise, mais parce que ses successeurs sont inconnus jusqu'au commencement du dixième, il vient d'abord à l'Evêque Roger, qui étoit de la Maison de Champagne, ou de Blois, & Comte de Sancerre, pour son partage avec Eudes son frere, Comte de Beauvais ; il dit que dans la fuite ces freres échangèrent entr'eux leurs terres, & que Roger ayant acquis par ce moyen la Comté de Beauvais en fit don à son Eglise l'an 996, annuente Rege Roberto. Le premier exercice que les Evêques de Beauvais ont fait de la Pairie est marqué en l'année 1179, au sacre de Philippe Auguste ; leur fonction est de porter le manteau Royal.
Prelats illustres.
L'Auteur ne manque pas de porter en compte, entre les Evêques qui ont tenu ce Siège avec honneur, Henri, fils de Louis le Gros en 1148 ; Philippes de Dreux son petit-sils en 1175 ; Simon de Clermont, orné trois fois de la Regence du Royaume, comme il paroit par l'Inscription de la sépulture qui est en l'Abbaye de Beaupré ; Jean de Dormans, Cardinal Légat, Ministre d'Etat & Chancelier sous le Roi Charles le Sage, qui fonda le College de Beauvais à Paris en 1370 ; Odet, Cardinal de Chatillon, qui embrassa la Religion Reformée, & enfin Charles, Cardinal de Bourbon qui lui succeda en 1571. Cette Eglise compte 89 Evêques, en ce compris le Cardinal de Janson qui remplit aujourd'hui.
Chapitre du Diocese de Beauvais.
Le Chapitre de la Cathédrale est composé de six Dignitez & de 52 Prébandes, dont le revenu année commune peut être fixé à 1000 l. de rente chacune : la Trésorerie qui valoit 6000L. a été unie partie au seminaire & partie au Chapître, il y a de plus des fonds considerables pour l'entretien des Eglises, celui de la Musique & d'un grand nombre de Chapelains ; de forte qu'on peut estimer le revenu total de cette Eglise, année commune, 150000 l. de rente, dont l'Evêque en tire 50000 l. pour sa part. Il y a de plus, dans la Ville de Beauvais, 6 Eglises Collégiales, ou Chapîtres de Chanoines : celui de S. Michel de 13 Canonicats, qui ont chacun 300 l. celui de S. Nicolas de 6, qui valent chacun 400 l. & celui de Nôtre-Dame de 10, qui ont chacun 100 l. seulement : celui de S. Barthelémy de 7, qui ont 280 l. celui de S. Vaart de 10, qui n'ont que 100 l. & celui de S. Laurens de 6, qui ont chacun 150 l. II y a encore deux autres Chapîtres dans
PARIS,
l'Election de Beauvais ; celui de Gerberay composé d'un Doyen & de dix Chanoines le premier a 1200 l. & les autres chacun moitié, & celui de Mouchy Je Châtel, composé de six Chanoines & un Trésorier, qui ont chacun 400 l. tous les Bénéfices precedens sont conferez par l'Eveque de Beauvais, à l'exception du Doyenné de la Cathédrale qui est rempli par l'Election du Chapitre des Prébandes de S. Nicolas, qui sont à la collation du meme Chapitre & de celles de Mouchy, qui sont données par le Seigneur : les revenus de toutes ces Eglises montent annuellement à 16150 l. derevenu. Il faut encore soin dre a ces Chapîtres, celui de S. Clement de Compiégne, composé d'un Doyen, de 400 l & 6 Canonicats de chacun 200 l. & enfin celui de S. Mellon de Pontoise qui est de l'Archevêché de Rouen, le Doyenné est de 1000 l. & les 8 Canonicats de 300 l. chacun Cette Eglise qui est dans l'avant-cour du Château de Pontoise, a été fondée par le Roi huppe I. Ces Chapitres séparez augmentent les revenus des Collegiales de 500 l. de rente.
Abbayes du Dioceze de Beauvais.
Les Abbayes du Diocèze de Beauvais, dans lequel l’Auteur par commodité fait entrer Election de Pontoise, quoiqu’elle n’en soit pas, sont, S. Lucien lès Beauvais, Ordre de S. Benoit fondée par Childebert II. vaut 40000 l. S. Germer de Flaix, très-ancien Monastere, vaut 25000 l. S. Syphonen, du même Ordre, & dont la Manse Conventuelle est unie au sommaire de Beauvais, vaut 4000 l. Froidmont, Ordre de Cîteaux, fondée en 1194 par Lancelin & Manassés, Seigneurs de Bulles & d’Achy vaut 17500 l. Beaupré, du même Ordre, fondée par Mathieu de Floques en 1137, vaut 13000 l. Launoy, du même Ordre, fondée en 1335, par le même Manassés Seigneur de Bulle & d’Auchy ; S. Quentin, de Chanoines Reguliers, de la fondation des Evêques de Beauvais en 1064, vaut 15000 l. S. Corneille de Compiégne, Ordre de S. Benoît, qui doit sa fondation à l’Empereur Charles le Chauve, vaut 30000 l. la Manse Abbatiale en est unie au Val de grace de Paris. L’Eglise de cette Abbaye est considérable par quelques Conciles qui s’y sont tenus & par les sépultures de quelques Rois. S. Martin de Pontoise, Ordre de S. Benoît, fondée par le Roi Philippes, vaut 13000 l. Le Val fondé par Ansel de l’Isle, Seigneur de l’Isle-Adam & de Villier, est uni aux Feuillans de Paris, & vaut 3000 l. Le revenu total de ces Abbayes d’hommes monte à 185000 l.
Abbayes de Filles.
Les Abbayes de Filles sont S. Paul-lès-Beauvais, Ordre de S. Benoît, de 80 Religieuses, fondée en 1040, vaut 28000 l. Royal-lieu, Ordre de S. Benoît, 7000 l. Mouchy, Ordre de Cîteaux, 3000 l. Monbuisson, du même Ordre, 30000 l. elle a été fondée par la Reine Blanche, mere de S. Louïs. Le revenu de ces 4 Abbayes est de 68000 l. Avant que de passer plus loin au détail des revenus Ecclésiastiques ; il est bon de remarquer que le grand Vicariat de Pontoise étoit autrefois un Benefice considérable, tant pour le revenu que pour l’autorité, reconnue à Rome, comme d’un Benefice en titre, aux possesseurs duquel les Papes ont souvent adressé des Rescripts, des Bulles pour être fulminées en vertu de leur puissance ordinaire, en conséquence de laquelle ils conféroient de plein droit les Benefices dans l’étenduë de l’ancien Archidiaconé de Pontoise & des Doyennez de Meulan, Chaumont & Magny. Ceux qui ont cherché l’origine de cette indépendance, disent que toute cette étenduë étoit autrefois du Diocèze de Paris ; mais que sur la contestation des Evêques de Beauvais qui prétendoient qu’elle étoit de leur jurisdiction, ils convinrent de la sequestrer entre les mains de l’Archevêque de Rouën, qui l’a retenuë en conséquence de l’antiquité de sa possession ; d’autres estiment que les 190 Paroisses comprises dans ce Vicariat ont toûjours fait partie du Diocèze de Rouën, mais que comme le Vexin appartenoit aux Rois de France & qu’ils ne vouloient pas que leurs sujets de ce Païs eussent une relation de dépendance avec les Normands leurs ennemis, ils contraignirent les Eglises à recevoir les Saintes Huiles & le Chrême de l’Evêque de Paris, sans l’aller chercher à Rouën : Et à l’égard de l’Ordination, ils voulurent que les Clercs la reçûssent sur le demissoire du grand Vicaire de Pontoise, afin de les dispenser de fréquenter la Ville de Rouën, qui ne les reconnoissoit plus. Ce dernier sentiment est
PARIS.
si plausible & s'est trouvé si bien autorizé par les anciens documens, que le Conseil du Roi n'a pas fait difficulté d'assujetir le Vicariat de Pontoise à la pleine jurisdiction de l'Archevêque de Rouen, de sorte qu'il n'est plus exercé que par simple commission, à laquelle il y a 400 l. de revenu attaché.
Prieurez du Dioceze le Beauvais.
Les Prieurez du Diocèze de Beauvais, y compris Compiégne & Pontoise, sont S. Maixant 1500 l. Villiers S. Sepulchre 2000 l. Brayaux, Chartreux de Gaillon, 800 l. Le Coudray, Ordre de Grammont, 3800. S. Nicolas le petit 1200 l. Elincourt, Ordre de S. Benoît, non-reformé, 10000 l. La Croix S. Ouën, dépendante de S. Medard de Soissons, vaut 1200 l. S. Nicolas de Courson 1000 l. Rincourt 1000 l. Bougey 1000 l. Franciere 600 l. Vignemont 500 l. S. Adrien de Betisy, dépendant de S. Quentin de Beauvais 900L. Ste. Genevieve de Betisy 600 l. S. Pierre de Pontoise 2000 l. LIsleAdam 2000 l. Ambleville 500 l. Valmondois 400 l. Le Bosnel en règle, uni à S. Martin de Pontoise le Lay 500 l. Carnouillers, uni & dépendant de l'Abbaye de Josaphat 800 l. Marines, uni à la Cure, déservie par les PP. de l'Oratoire 2500L.
Maison de Filles.
Ces 23 Prieurez composent 34800 l. de revenu, les Prieurez & maisons de Filles des mêmes Élections, sont, Variville, Ordre de Fontevrault 1800 l. de revenu. Les Cordelieres de Beauvais 6000 l. Les Ursulines de la même Ville 10000 l. Les Carmelites de Compiégne vivent d'aumônes. Les Filles de la Congregation de la même Ville ont 4000 l. de rente. Les Filles de Ste. Marie 4000 l. Les Ursulines de Pontoise 12000 l. Les Carmelites du même lieu 1000 l. Les Bénédictines Angloises sont ties-pauvres. Le Prieuré de l'Hôtel-Dieu, fondé par S. Louïs, 3000 l. Ces Maisons composent un revenu de 67000 l.
Monasteres d'Homme.
Les Monastères d'hommes sont les Jacobins, Cordeliers, Minimes & Capucins de Beauvais, très-pauvres ; les Jesuistes de Compiégne, qui tiennent le College, jouissent de 4800 l. de revenu, lavoir 3000 l. sur les rentes ordinaires de la Forêt, & le surplus de la Chapelle de bonnes-nouvelles, qui leur est unie : Les Celestins du Mont de Chasfre dans la Forêt ont 5000 l. Les Mathurins de Verberie 600 l. Les Minimes de Compiégne 1500 l. Les Jacobins 400L. Les Cordeliers 200 l. Les Jesuites de Pontoise, fondez par le Cardinal de Joyeuse, ont 1400 l. Les Mathurins du même lieu ont 1500 l. Les Cordeliers & Capucins n'ont rien. La Communauté des Prêtres de l'Isle-Adam, fondée par feuë Madame la Princesse de Conti, 300 l. Toutes ces maisons ensemble composent un revenu de 31100 l.
Hôpitaux.
A l'égard des Hôpitaux, les plus considérables sont ceux de Beauvais qui jouïssent de 1200 l. de revenu chacun ; il y a une Maladrerie, unie à l'Hopital général. L'HotelDieu de Compiégne jouit de 1000 l. de rente. L'Hôtel-Dieu de Pontoise est uni au Prieuré. L'Hôpital de S. Jacques est uni à celui des Renfermez établis depuis 45 à 50 ans. L'Hôtel-Dieu de Chars, fondé par Jean d'Aumont, Seigneur des Chars sous Charles VI, 800 l. Ces revenus montent à 26000 l. Le surplus des Bénéfices du Diocèze de Beauvais, compris dans les Elections de Senlis & de Paris, sera rapporté dans les articles qui leur seront propres ; & quant aux différens revenus Ecclésiastiques, dont il est parlé en celui-ci, ils se trouvent monter à la somme de 577550 l. non compris les Cures, les Chapelles & les Tresors des Eglises.
Evéchê de Meaux.
L'Auteur traite ensuite du Diocèze & de l'Evêché de Meaux ; il en a en vain recherché l'établissement dans les premiers siécles de l'Eglise, & n'a rien trouvé de plus ancien que l'Evêque Medoüé qui souscrivit au cinquième Concile d'Orléans en 549, il dit toutefois que Sanctinus en a été le premier Evêque, & qu'il fut établi par S. Denys, son nom est fort connu & son invocation pratiquée dans le Diocèze ; on compte depuis lui 105 Evêques jusqu'à M. Bossuet, entre lesquels les plus considérables sont S. Faron, de la Race des Rois de Bourgogne, qui fut Evêque en 627, & fonda l'Abbaye de Ste. Croix qui porte à présent son nom ; S. Gilbert, qui pour l'amour de la Paix consentit à diviser les revenus de l'Eglise avec son Clergé en 1004 : Guillaume de Nemours en
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1214 : Jean le Moine, créé Cardinal en 1294, & Evêque de Meaux en 1302, qui a sondé le beau College qui porte son nom à Paris ; Guillaume Briçonnet en 1518, que l'Auteur justifie avec grand soin de l'accufation d'avoir favorisé les premiers Lutheriens.
L'Evêché de Meaux ne vaut que 20000 l. de rente, étant diminué de 15000 l. depuis que les hauts bois ont été abbattus & reduits en taillis ordinaires. Son étendue, qui comprend 230 Paroisses, est divisée en deux par la Riviere de Marne, la partie qui en l'Orient est nommée France & l'Occidentale Brie : Ja premiere comprend les Doyennez de Dammartin, Artis & Gandelus ; le second desquels renferme l'étenduë, nommée autrefois Pagus Millianus, & le troisième Pagus Vadicassimus ; les Doyennez de Brie sont Crecy, Coulommieres & la Ferté.
Chapitres.
Le Chapitre de la Cathédrale est composé du Doyenné qui vaut 1000 l. de deux Archidiaconnez qui n'ont que 700 l. la Chanterie 900 l. la Trésorerie & Chancelerie qui ont ensemble 700 l. de rente, 36 Canonicats de 900 l. 8 autres de 800 l. 6 Grandes Chapelles de 700 l. & 28 petites de 50 à 60 l. avec trois Officiers de la Sacristie qui valent chacun 400 l. de sorte que ce Chapitre jouït d'environ 50000 l. de revenu : tous ces Bénéfices sont remplis par l'Evêque, à la reserve du Dóyenné. Les autres Chapîtres du Diocèze, sont S. Saintin de Meaux, composé de 12 Prébandes de 500 l. chacune. La Collegiale de Dammartin composée du Doyenné qui vaut 1000 l. & de 5 Chanoines qui ont chacun 500 l. & le premier d'entr'eux est Religieux de S. Martin aux bois. Cette fondation a été faite par le grand Maître, Antoine de Chabannes, qui y est inhumé, & depuis augmentée par les Seigneurs de Boulainvilliers & par ceux de Montmorency qui lui ont succédé. M. le Prince a la nomination de ces Bénéfices, comme Seigneur de Dammartin, malgré la prétension de l'Evêque de Meaux, fondée sur le défaut d'hoires du nom de Chabannes. La Collégiale de Crecy est de 6 Chanoines, qui ont chacun 400 l. Le Chapitre du Vivier, qui avoit été fondé par le Roi Philippe le Long, a été uni à celui de la Sainte Chapelle de Vincennes, à la referve d'un Chapelain titulaire qui a 600 l. Le Chapitre de Faremoutier est de 4 Canonicats de 400 l. chacun, & d'une Chapelle de 80 l. ces Bénéfices sont à la collation de l'Abbesse du lieu. Celui de Joüarre est de 13 Chanoines qui ont chacun 300 l. & deux Officiers de Diacres & de Sous-diacres qui ont de plus chacun un muid de blé. Il faut joindre à ce nombre le Chapitre de Courpelay, quoique du Diocèze de Sens, parce qu'étant de l'Election de Rofay, il n'a pas été mis au rang des Bénéfices de ce Diocèze, il est composé dun Doyen qui a 700 l. 12 Chanoines qui ont chacun 350 l. & 4 Chapelles de 100 l. Le revenu total de ces Colléges de Chanoines monte à 244801.
Abbayes du Dioceze de Meaux.
Les Abbayes de ce Diocèze sont S. Faron, Ordre de S. Benoît, anciennement dite te. Croix & rétablie en 998, sous le nom qu'elle porté aujourd'hui, vaut 32000 l. Re bais, idem, fondée par Dadon alors Referendaire du Roi Dagobert I. depuis connu sous le nom de S. Ouën, Archevêque de Rouën. Cette Abbaye est bâtie au bord d'un torrent qui lui sert de fossez, parce que le mot de Resbac, en ancien Gaulois, signifioit un torrent, elle en a tiré son nom de Rebacense Monasterium, elle vaut 27000 l. de revenu. Chaume, Ordre de S. Benoît, fondée en 1181, vaut 9600 l. Le Chage, à Meaux, Ordre de S. Augustin, congrégation de Ste. Genevieve, fondée l'an 1130, vaut 7500 l. Juil y, unie aux Peres de l'Oratoire, qui y tiennent un Collège, vaut 6000 l. Chambre-fontaine, Ordre de Prémontré, fondée en 1202, vaut 7000 l. Nôtre-Dame de Meaux, de filles, Ordre de S. Augustin transférée de Fimes à Meaux en 1637, par l'autorité du Duc de la Vieuville Sur-intendant 3000 l. Joûare, de filles, Ordre de S. Benoît, fondée par Dadon, frere du Référendaire ou Chancelier de Dagobert, vaut 30000 l. Faremoutier, Ordre de S. Benoît reformé, fondée par Ste. Fare, soeur de S. Faron Evéque de Meaux en 670, vaut 1500 l. Le Pont aux Dames, de filles, Ordre de Cî-
Paris.
taux, de la fondation de Hugues, Comte de S. Paul & de Marie cf Avenue sa femme en1236. vaut 1200 l. Le revenu total de ces Abbayes monte a 166700 l.
Prieurex du Dioceze de Meaux.
Les Prieurez du Diocèze de Meaux conventuels & simples, sont en grand nombre & fort considerables Reuil sur Marne, fondé dans le VII. Siécle, & renommée sous le nom de Radolim, s'est donné à l'Ordre de Cluny dans la Reforme, il est à la nomination du Prieuré de la Charité sur Loire, il a 12 Religieux & vaut en tout 23000 l. Ste. Céline, Ordre de S. Benoît, dépendant de Marmoutier, vaut 4000 l. S. Pere de Meaux 500 l. S. Regiomé dépendant de Chauge 300 l. Grand-Champ, Ordre de Cluny, 3000 l La Sacristie de Grand-Champ 600 l. Cerfroid, des Trinitaires, Prieuré Electif & Triennal, fondé par Jean de Matha & Felix de Valois en 1198. vaut 6000 l. S. Fiacre Electif & Triennal 3000 l. Dammartin. Ordre de S. Augustin, dépendant de S. Martin aux bois, à présent uni à la Cure Jbool. Nanteuil Hodouin, Ordre de Cluny, 7300 l. Annel sur Marne, Ordre de Cluny, uni à S. Martin des Champs, 6000 l. Rouvre en Muluen, dépendant de Faron, 3000 l. S. Martin prés Crecy, dépendant de S. Martin des Champs, vaut 2000 l. Moncion 300 l. Mauregard 1200 l. Trilbardou 1000 l. Varenne 300 l. Montigny 400 l. Conteurron, dependant de Marmoutier, 600 l. Raurois, Ordre de Grammont, unis aux Peres de l'Oratoire, 800 l. Marnon, Ordre de S. Benoît, uni aux PP. de l'Oratoire, 800 l. Les Missionnaires de Crecy, fondez en 1650, 1500 l. Fontaine, de Filles, Ordre de Fontevrault 35000 l. Collinans, de Filles, idem, 12000 l. Nacfort, de Filles, Ordre de S. Benoît, dépendant du Paraclet, 4000 l. La Chapelle du Chateau de Meaux & celle de Monceaux & de Bec-oiseau 3661. Outre plusieurs autres Chapelles depuis 100 jusqu'à 300 l. dans les Châteaux de la Campagne. Les Trinitaires de Meaux ont 1500 l. Ceux de la Villette aux Aunes 2000 l. Les Cordeliers & Capucins de Meaux vivent d'aumônes. Les Carmes Déchaux de Crecy ont 1500 l. Les Minimes de Sablaines 1000 l. Les Filles de la Visitation 6000 l. Les Ursulines 2000 l. Le Prieuré de S. Foi de Coulommiers, Ordre de S. Benoît, dépendant de l'Abbaye de Conches, vaut toutes charges acquittées 5000 l. Le Prieuré de Bouchet 2500 l. Il y a 6 Chapelles dans l'Eglise de Coulommieres de chacune 100 l. en tout 600 l. Le Prieuré de la Ferté-Gaucher, qui est dépendant de S. Jean des Vignes, vaut 4000 l. Les Chapelles du Chateau de Coulommieres, valent 200 l. Les Religieuses de la Congrégation de Coulommieres 400 l. Les Chanoinesses de la Ferté valent 3000 l. Le Prieuré de la Selle, Ordre de S. Benoît, 4000 l. Le Prieuré de Morlauff 400 l. S. Laurens de Mesle 1200 l. Le Prieuré, Cure de Fontenay, vaut 2000 l. S. Ouën, Prieuré simple, Tournay 1300 l. La Magdelaine de l'Ortie 120 l. Bontiere de S. Martin de Pontoise 950 l. Segris 500 l. Lardy, Diocèze de Sens 2000 l. Chambrefys, Paroisse de Jun, dépendant de l'Abbaye de Chaulnes 1200 l. La Magdelaine, de Filles, 300 l. La Chapelle de S. Eloy de Gatines 300 l. Les Dominicains de Rosay 300 l. Les revenus de tous ces Bénéfices montent à 1754361.
A l'égard des Hôpitaux, l'Hôtel-Dieu de Meaux a 9000 l. & l'Hôpital général 1500 l. celui de Jean Rose, fondé en 1536, de 5000 l. est à présent uni au Séminaire ; l'Hôtel-Dieu de Mitry a 1600 l. le Mont de Pieté à Couperay a 800 l. L'Hôpital de Coulommieres a 2000 l. Celui de Rosay 300 l. Celui de Dammartin 3000 l. Celui de Nangis 500 l. Et partant ils possedent tous ensemble 23700 l. de revenu. Ainsi tous les biens Ecclésiastiques de Meaux, pour ce qui est compris dans la Generalité de Paris, à l'exception des Cures, Chapelles & Trésors des Eglises, montent à 390316 l. de revenu.
Evêché de Senlis.
Le Diocèze de Senlis fait remonter l'Origine de sa Religion jusqu'à S. Rieul, Regulus, qu'il compte pour son premier Evêque, au tems que S. Denys l'étoit de Paris ; mais le nombre de ses Successeurs n'est pas certain : Le Doyen de la Cathédrale qui a recherché les Antiquitez Ecclésiastiques du Païs en trouve 96 jusqu'à M. Sanguin, entre lesquels on compte Usson, Chancelier en 1090, & Guerin natif du Pont S. Maixance, premiere-
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nient Chancelier du Temple & ensuite élu Evêque de Senlis en 1214 : on attribue la victoire de Bovine à l'ordre qu'il fit tenir à l'armée Françoise en cette bataille, il fut ensuite Chancelier & est mort en cette Charge sous S. Louis. Le Cardinal de la Rochefoucault est un des plus illustres Prélats qui ayent occupé ce Siège : il se fit autoriser par le Pape, & par le Roi, à poursuivre la réforme des Ordres Religieux & y travailla hûreufement ; il commença par son Diocèze ; son principal ouvrage est la congrégation de Ste. Genevieve, dont il étoit Abbé, il mourut en 1645, âgé de 88 ans. Cet Evêché, qui est suffragant de Rheims, comprehend 177 Paroisses, il vaut 20000 l. de rente.
Chapitres.
Le Chapitre de la Cathédrale est composé de 3 Dignitez, 24 Canonicats, & 12 Chapelains ; les Bénéfices valent environ 1000 l. année commune, leurs Possesseurs ont droit de garde Gardienne & de Gomnûttimus par lettres de 1507. Le Chapitre S. Rieul est de 2 Dignitez & 15 Canonicats chacun de 200 l. Celui de S. Frambon, de 2 Dignitez & 15 Canonicats de pareil revenu ; & enfin celui du Château de Creil est de 6 Chanoines, qui ont chacun 600 l. de sorte que les revenus de l'Evêché & de ces Chapîtres montent année commune à 60000 l.
Abbayes.
Les Abbayes, Prieurez & Monastères de ce Diocèze, sont, La Victoire, Ordre de S. A Augustin, fondée par Philippe Auguste, en reconnoissance du gain de la bataille de Bouvines l'an 1214, de 17000 l. S. Vincent du même Ordre, & de la fondation d'Anne de Russie, femme de Henri I. en 1067, de 12000 l. les Religieux ont établi un Collège dans leur Maison. Challis, Ordre de Cîteaux, fondée en 1136, par Louis le Gros vaut 35000 l. Royaumont, du même Ordre, du Diocèze de Beauvais, a été fondée par S. Louis en 1227, & vaut 22000 l. Le Prieuré de S. Maurice, Ordre de S. Augustin, 16800L Le Prieuré de S. Nicolas, Ordre de Cluny 8500 l. S. Christophle, Evêque de Beauvais, Ordre de S. Benoît, vaut 5000 l. S. Leu, même Diocèze, 1300 l. S. Leonard de Beaumont, même Diocèze, 3000 l. Chambly 2000 l. Il y a neuf petits Prieurez depuis 400 l. jusqu'à 900 l. dont le revenu total monte environ à 6000 l. Les Cordeliers & Capucins n'ont point de biens. Les Carmes ont 1000 l. Les Hermites de Ste. Brigite ont quelque revenu sur l'Hôtel de Ville de Paris, & n'ont aucun fonds. Les Religieuses de la Présentation ont 2500 l. Les Cordelieres de Montul, proche le Pont S. Maixence, ont 6000 l. Les Bénédictines de Boran, Diocèze de Beauvais, ont aussi 6000 l. L'Hôpital de la Charité de Senlis a 2000 l. L'Hôtel-Dieu autant. Partant on peut estimer le revenu total des Ecclésiastiques de ce Diocèze, sans y comprendre les Cures, Chapelles & les Tresors des Eglises à 262300 l. A l'égard du reste de l'étendue de cette Generalité, elle est de différens Diocèzes, les Villes Episcopales n'y sont point comprises.
Benefices de l'Election de Mantes.
L'Election de Mantes est partagée pour le spirituel entre Chartres, Rouen & Evreux. Il y a dans la Ville de Mantes, un Chapitre de Chanoines, d'un Doyenné & de 7 Pré bandes de 500 l. chacune, & de 8 Vicariats de 300 l. chacun ; l'on prétend qu'une Jeanne de France enterrée à coté de l'Autel, en est la Fondatrice, mais il y a apparence que la fondation en est beaucoup plus ancienne. On trouve dans cette même Election L'Abbaye de S. Corentin, de Filles, Ordre de S. Benoît, qui attribuë sa fondation au Roi Philippe Auguste en 1201, & qui possédé 6000 l. de rente. Les autres font, Le Doyenné de Gassicourt, Ordre de S. Benoît, 6000 l. Le Prieuré de S. Cosme de Meulan 1500 l. S. George de Mantes 1500 l. La Magdelaine 1200 l. Sieüil 1200 l. S. Nicolas de Mathau 4000 l. & 7 autres Prieurez depuis 100 jusqu'à 700 l. qui peuvent monter ensemble jusqu'à 3000 l. Les Célestins de Mantes, fondez en 1376. par le Roi Charles V. en memoire de Jean Martel, Seigneur de Bagneville qui y est inhumé, ont 1000 l. Les Cordeliers 400 l. Les Capucins & les Recolets sans biens. Les Ursulines 3000 l. Les Annonciades de Meulan 3000 l. outre une pension du Roi. Les Religieuses de l'Hôtel-Dieu 4000 l. Le total des revenus de ces Monasteres monte à 9400 l. ainsi que le total des revenus Ecclésiastiques de cette Election, non comprises les Cures, Chapelles & Trésors
Trésors Eglises, est de 50200].
Benefices de l'Election de montfort
L'Election de Montfort la Maurie est entiérement du Diocèze de Chartres. Il y a 7 Prèbandes dans l'Eglise du lieu qui valent chacune 100 l. Les Abbayes de cette étendue sont Neaufle Ordre de S. Benoît, non Reformé, fondé par les Seigneurs du lieu en 1185, vaut 6000 l. s. Magloire de Moré, est uni à l'Archevêché de Paris. Grand Champ, Ordre de Prémontré, de la fondation de Simon IV, Comte de Montfort, ne vaut que 2000 l. Joyenval, du même Ordre, fondé en 1321, par Barthelémy de Roye, Chambrier de France, de 6000 l. La Tradition populaire veut qu'il y ait eu, dès le tems de Clovis, des Religieux en ce lieu, & en particulier un Hermite auquel la Ste. Ampoule, dont on se sert au sacre des Rois, fut apportée avec l'Ecu des Armes de France semé de fleurs de Lys, tel que les anciens Rois le portoient. Abbecourt, encore du même Ordre des Prémontrez & en regle, fondé par Gaston de Poissy, Chevalier, de 3000 l. Les Religieux de ce lieu tâchent de grossir leur revenu par les pensions qu'ils retirent des familles de quelques insensez auxquels ils donnent retraite & les secours dont ils ont besoin. La Maison Royale de S. CYR, fondée par Louïs XIV. de 50 Dames, 250 Demoiselles & 26 Soeurs lesquelles y sont les voeux ordinaires de Religion & un quatrième de consacrer leur vie à l'instruction des Demoiselles de leur Communauté. Ces Demoiselles doivent être nobles de quatre races paternelles & n'y sont reçûës qu'au dessous de 12 ans, elles y restent jusqu'à 20, elles peuvent être reçûës parmi les Dames par les suffrages de la Communauté. La fondation, qui est du 2. May 1686, porte la suppression du titre Abbatial de S. Denys en France & l'union de cette Manse à la nouvelle Maison ; mais par autres lettres du 22. suivant, le Roy la dotée de 50000 l. de rente sur le Domaine de la Generalité de Paris jusqu'à l'acquisition d'une ou de plusieurs terres de pareil revenu, à charge de deux Messes par jour ; & au mois de Mars 1698, le Roi a augmenté la fondation de 30000 l. de rente, à prendre sur la Recette generale des Finances de Paris, partant sans y comprendre le revenu de S. Denys, ni le fonds ou Monastere, cette maison jouït de 80000 l. de revenu des graces du Roi, sans fonds de terre. Le Prieuré de S. Cyr, Ordre de S. Benoît, vaut 6000 l. Bazinville 4000 l. S. Thomas d'Epernon 800 l. S. Jean de Houdan, uni à l'Abbaye de Colombe, 900 l. S. Martin de Houdan, uni à l'Hôpital du lieu. S. Laurens de Montfort, uni à l'Archevêché de Paris, 1300 l. S. André de Neaufle 500 l. Foiry, uniauxPeres de l'Oratoire, 1500 l. Le Prieuré, Cure de Neaufle le Vieux, 800 l. Hautes Bruyeres, de Filles, Ordre de Fontevrault, où le coeur de François I. est inhumé, 20000 l. Les Capucins de Montfort & Cordeliers de Noisy, n'ont aucuns biens. Les Religieuses de Montfort ont 1000 l. L'Hôpital de Montfort a 300 l. Celui de Houdan 700 l. Le total des revenus de cette Election sous les exceptions précédentes & sans y comprendre la maison de S. Cyr, monte annuellement à 55500 l.
Bénéfices de l'Election de Dreux.
L'Election de Dreux est toute entiere du Diocèze de Chartres. Il y a dans la Ville de Dreux un Chapître de Chanoines sous l'Invocation de Ste. Etienne, fondé par Louïs le Gros en 1119. Il est composé d'un Chantre, 13 Chanoines, & 3 Chapelains ; les Prébandes valent 500 l. & les Chapelles 450 l. Les autres Bénéfices de cette Election sont le Prieuré de Chuisy de 1200 l. De Rouvres 2000 l. Villemeuse de 1500 l. L'Hôtel-Dieu de Dreux de 3000 l. Les autres Bénéfices sont si peu considérables qu'ils ne méritent aucun détail, on les peut fixer à 3000 l. Et partant les revenus Ecclésiastiques de cette Election ne se trouvent monter qu'à 20550 l.
Benefices de l'Elecction de Tonnerre.
L'Election de Tonnerre est partagée entre les Diocèzes de Langres & d'Auxerre. Le Chapitre de S. Pierre de Tonnerre est composé de 3 Dignitez & de 14 Canonicats, & possédé en tout 1400 l. & l'Evêque de Langres, & le Seigneur y pourvoyent. On trouve dans cette Election les Bénéfices suivants. Le Chapitre de S. Martin de Chablis, composé d'un Chantre & 12 Chanoines, a 1300 l. & le Prévôt de S. Martin de Fours nomme à ces Benefices. Le Chapître d'Apoigny, de 4 Canonicats valant chacun 400 l. L'Abbaye de S. Michel de Tonnerre, Ordre de S. Benoît, fondée par Milon,
Comte de Tonnerre Tan 980, de 7000 l. S. Martin 7000 l. Molesme, du même Ordre, fondé selon l'opinion commune par Gerard de Roussillon fameux par la guerre qu'il soûtint contre le Roi Charles le Chauve 10000 l. Pontigny, seconde fille de Cîteaux, fondée en 1114. par Thibault Comte de Champagne, vaut 25000 l. Puinay, du même Ordre, est en regle où il n'y a qu'un Religieux avec l'Abbé, 2000 l. Cremon, Paroisse de Tracy, Ordre de S. Benoît fondée en l'an 1030. par Alix Comtesse deNevers, fille du Roi Robert, 6000 l.
Les Prieurez de cette Election sont,
Prieurez.
Serveaux
400 l.
Bissy
800 l.
Clichy
1200 l.
Coutan
500 l.
Dié
3000 l.
Vimenet
500 l.
Ste. Vertu
800 l.
S. Agnan
800 l.
Raffé
800 l.
Les Minimes de Tonnerre ont 6000 l. de rente. Les Ursulines 3000 l. L'Hôpital du même lieu, 4000 l. pour 24 Lits, 6 Chanoines Réguliers & 6 Religieuses. Le total des revenus Ecclésiastiques de cette Election monte à 106300 l. sous les exceptions ordinaires.
L'Election de Vezelay que l'Auteur examine la derniere est dans la plus grande partie du Dioceze d'Autun.
Benefices de l'Election de Vezelay.
Le Chapitre & l'Abbaye de Ste. Magdelaine de Vezelay sont unis ensemble ; l'Abbaye a été fondée par le célébré Gérard, Comte de Rouffillon & Berthe sa femme, si fameux par la defense de la Ville de Vienne contre les forces de Charles le Chauve ; ses fondateurs la soumirent immédiatement au S. Siege, mais elle n'en a pas conservé la regularité, ayant ete sécularisée en 1537. par Paul III, à la priere de François I. La Manse Conventuelle fut attribuée aux Chanoines qu'il y établit à la place des Moines, & le titre Abbatial fut conservé dans tous ses droits & privileges, de sorte que le Roi & l’Abbé sont aujourd’hui les Collateurs alternatifs des Prébandes, le tout ensemble vaut 15000 l. L’Abbaye & le Chapître de Certion n’est guere considerable ; l’Abbé, qui a 600 l. nomme les 6 Chanoines qui ont chacun 400 l. le tout ensemble vaut 2400 l. Le Chapître de Mont-Real n’est que de 3 Chanoines, qui ont chacun 300 l. L’Abbaye de Corbigny, Ordre de S. Benoît, fondée en 864, vaut 14000 l. Celle de Cure, du même Ordre, 2500 l. Les Chartreux du Val S. George ont 10000 l. Les Ursulines de Vezelay, de Lormes & de Corbigny ont 3000 l. de revenu dans chacune de ces maisons. Les Cordeliers Capucins n’ont aucun revenu. L’Hôtel-Dieu de Vezelay nouvellement établi par l’union de 3 Maladreries jouït de 250 l. de rente. Celui de Corbigny a 300 l. Ainsi les revenus Ecclésiastiques de cette Election montent à 50800 l. Il résulte de ce long & ennuyeux détail que les Ecclésiastiques rentez de la Generalité de Paris, non comptez les Convents de la Ville & Fauxbourg, les biens de l’Ordre de Malthe & les autres ci-devant éxceptez, montent annuellement à 3663986l.
Cures de la Generalité de Paris.
Pour former l’état du revenu des Cures, l’Auteur compte 2091 Paroisses & 3586 hameaux dans l’étenduë de la Generalité, sous les Gouvernemens de l’Isle de France, de Champagne & Brie ; ce qui compose en tout le nombre de 2091 Cures, non compris la Ville & Banlieüe de Paris ; surquoi il observe que si on divise ce nombre de Cures en 10 parties, on ne peut estimer les 9 parts à un moindre revenu que depuis 300 l. jusqu’à 1000 l. ce qui fait monter chaque Cure évaluée proportionnellement à 670 l. toutefois ne les prenant qu’à 500 l. l’une portant l’autre, il se trouve que les 1882 Cures qui composent les 9 parties du total produisent 944000 l. & quant au dixième reservé, il en estime les trois quarts qui sont le nombre de 157, jusqu’à 1500 l. ce qui compose 235500 l. de revenu. Enfin il porte les 52 restantes jusqu’à 2000 l. ce qui en compose 104000 l. ainsi revenu. Enfin il porte les 52 restantes jusqu’à 2000 l. ce qui en compose 104000 l. ainsi il est aisé de juger que cette estimation est beaucoup trop foible, si l’on considere que les
PARIS.
Curez des environs de Paris, du Vexin & Brie sont extrêmement considérables, & que les Prêtres qui les déservent en tirent un fort gros Cazuel, outre la subsistence que les Vicaires ou A bituez prenent des fondations & de la charité desfideles. II est donc certain qu'en portant les revenus Ecclésiastiques en fonds de terre de la Generalité de Paris jusqu'à 5000000 l. non compris ceux de la plupart des Convents de Paris, on les mettra beaucoup plus bas qu'ils ne sont en effet. Le nombre des Ecclésiastiques, sans y comprendre ceux de la Ville & Fauxbourgs de Paris, se trouve monter à 9975, savoir 3968 Prêtres seculieres, 1859 Religieux & 4148 Religieuses, il est peu nécessaire de suivre l'Auteur à cet égard dans le détail des Diocèses & des Elections.
Ordre de MALTHE. son Institution & son Histoire.
Quant aux biens que l'Ordre de Malthe possédé, dans l'étenduë de la Généralité, l'Auteur avant d'en donner le détail, fait une nouvelle digression sur son Institution & sur la forme de son gouvernement, en quoi je ne laisserai pas de le suivre, même contre la regle, dans l'idée que l'on sera bien aise de trouver ici un abrêgé d'une religion si considérable avec le détal des Privieleges dont elle est en possession dans ce Royaume.
Il est donc certain que l'Ordre, ou Religion de S. Jean de Jerusalem doit son origine à la Charité de quelques Marchands de Melphes ou Melphi en Italie, dans le Royaume de Naples, qui établirent à Jerusalem un Hôpital pour le soulagement des Pelerins. Frere Gerard, qui fut le premier Maître de cette Maison en 1099, donna des statuts à ses Religieux & les obligea outre les trois voeux ordinaires, à un quatrième, qui fut de garder & entretenir les Pelerins. Ce dernier voeu les jetta bien-tôt dans la profession des armes, & l'usage qu'ils en firent avec une valeur très-brillante attira parmi eux beaucoup de Noblesse avec quantité d'aumônes & de dons.
Après la prise de Jerusalem par Saladin, Sultan d'Egypte, ils se retirerent à Murgot, puis en la Ville d'Aire qu'ils défendirent contre les Sarrazins en 1290, avec une opiniâtreté & une valeur incroyable, mais l'ayant enfin perdue, ils se retirerent en l'Isle de Chypre, où le Roi Jean de Lusignan leur donna retraite dans la Ville de Larissa, alors dite Larinon ; ils n'y demeurèrent pas en repos, mais attaquant par tout les Infideles, ils conquirent l'Iste de Rhodes en 1310, & y firent leur établissements Ils furent néanmoins fortement attaquez eux-mêmes & secourus quelque terris après, par Amée VI, Duc de Savoye, qui en remporta la célébré Devise de sa maison F.E.R.T. qui s'éxplique par ces mots, Fortitudo Ejus RhodUm Fenuìt : c'est par sa valeur que Rhodes nous a été conservée. Mahomet II, le Conquerant de Constantinople y mit le siégé en 1480, avec des forces innombrables que le grand Maître d'Aubusson soutint avec autant de valeur que de succès : cependant ils y furent enfin forcez sous le grand Maître de Villiers de l'Isle Adam en 1528. par le Sultan Soliman ; le Pape leur donna alors retraite à Viterbe jusqu'à ce que Charles-Quint Empereur leur ceda l'Isle de Malte en 1528. C'est-là qu'ils ont formé le dernier établissement qui resista toûjours à toutes les forces des Turcs en 1566, sous le grand Maître de la Vallette, & qui subsiste encore aujourd'hui avec autant d'éclat & de réputation qu'ils en ayent jamais eu.
Quant à la principale source des richesses de la Religion, on la recherche ordinairement dans la suppression de l'Ordre des Templiers, qui fut faite à la poursuite du Roi Philippe le Bel au Concile de Vienne en 1311, laquelle paroît avoir fait passer aux mains des Chevaliers de Malthe la plus grande partie des Biens qu'ils possédoient ; mais la vérité est, qu'ils les acquirent du Roi à prix d'argent, comme il est justifié par une infinité d'actes : quoique l'on dise communément qu'ils leur furent accordez liberalement par le Concile, & par un Arrêt du Conseil du Mois de Mars 1312.
Ses Privileges.
A l'égard des Privilèges, l'Ordre de Malthe n'a rien de commun avec le reste du Clergé de France, dont il est séparé, non seulement par un usage immémorial, mais par lettres patentes du Roi Charles IX, du 26. Avril, 1568. confirmatives de l'apointement fait entre les Députez du Clergé de France & ceux de l'Ordre de S. Jean, registrées en Parlement le 4. Juin ensuivant, par lesquelles il est porté que ceux de l'Or-
– PARIS,
dre de S. Jean, tant en general qu'en particulier, & Membres qui en dépendent, seront & demeureront séparez du Clergé & exempts de sa jurisdîction.
Les Privileges dont jouït en France l'Ordre de Malthe, sont 1°. L'éxemption de tous droits de Peage, Passages & Coûtumes. 2°. L'éxemption de toutes contributions & droits d'aide & de tailles, tant sur eux que sur leurs hommes & fermiers ; 3°. De tous droits de Chancelerie ; 4°. De Décimés, Dixmes & Novalles des Curez ; 5°. De la Visite de leurs Eglises ; 6\ De Justice séculière ; De Pattribution de la garde Gardienne & du drôit de Committhnus ; 8°. Et enfin l'amortissement général de tous leurs biens, terres & possessions, avec une exemption de donner aveux & dénombremens. Ces Priviléges sont établis sur une Chartre de Louis le Jeune en 1138 : une autre de Philippe Auguste en 1219, une autre de S. Louïs en 1226 ; de Philippe le Bel en 1294 ; & de tous les Rois consécutifs jusqu'à François I, qui Pan 1522. tirades Chevaliers de S. Jean une finance de 100000 l. pour l'amortissement général de leurs terres.
Leurs revenus dans la Generalité.
Les biens de cet Ordre dans la Generalité de Paris, sont le Grand Prieuré de France, Composé de la Commanderie du Temple de Paris, de celle de Choify près de Claye en Brie, & de Launay près de la Ville de Sens, avec plusieurs autres Membres separez qui l valent ensemble 55 à 60000 l. de revenu. La Commanderie de S. Jean de Latran de Paris qui vaut, toutes charges déduites, 9000 l. Celle de S. Jean en l'Isle près Corbeil 12000 l. Celle de Saussoy près de Villeroy 2200 l. La Commanderie de Bellay est un membre de celle de Louvieres, & vaut 600 l. Celle de Laigneville près Senlis vaut 2500 l. Celle de Compiegne, membre d'Ivry le Temple, vaut 1500 l. Celle de S. Pantaleon de Beauvais, membre de celle de Pommereaux, vaut 2300 l. Celle de Prunay, membre de S. Etienne près Evreux, 1500 l. La Commanderie de Ville-Dieu près de Dreux 5000 l. La Commanderie d'Etampes 1500 l. Celle de Beauvais en Gastinois 10000 l. Celle de Moisy près Meaux 7000 l. Celle de Lagny-le-Sec 16000 l. Celle de la Croix en Brie 14000 l. Celle de la Maison-neuve près Coulommieres 8000 l. Celle de Chevreux 5000 l. Celle de la Ferté-gaucher 3000 l. Celle de Coulours 7000 l. Ainsi le revenu total de l'Ordre de Malthe, dans la Generalité de Paris, monte à la somme de 168100 l.
GOUVERNEMENT MILITAIRE DE LA GENERALITE DE PARIS
APRES avoir traité de l'état de l'Eglise dans la Generalité de Paris, l'Auteur entreprend de la considerer dans son gouvernement. Il soutient d'abord, mais sans aucune preuve, que la Division du Royaume en douze Gouvernemens est très-ancienne, & que François I. ne fit que la renouveller, lors que par son Edit du 6. Mars 1545,il ordonna que les seuls Gouverneurs de ces grandes Provinces pourroient prendre la qualité de ses Lieutenans Généraux, il ajoûte que jusqu'au Regne de Louis XII. les Gouverneurs avoient jouï d'une autorité absoluë, & que les Provisions du Gouvernement de l'Isle de France données par Louïs XI, à Charles d'Artois, Comtéd'Eu, le 12. Août 1465, portant le pouvoir d'accorder Lettres de Grâces, Remission & Naturalité, de restituer les personnes en leurs biens, possessions & dignitez, même dans les cas Royaux, le Parlement de Paris fit les remontrance au Roi Louïs XII, sor cette puissance illimitée, & depuis ce tems-là l'on a toûjóurs restraint î'autorité des Gouverneurs, qui se trouve reduite aujourd'hui à la simple jouissance des appointemens attachez à
S. titre, quand le Roi ne donne point de Commandement des Armées en particulier.
La Generalité de Paris est divisée en deux Gouvernemens, celui de l'Isle de France qui comprend les Elections de Senlis, Compiegne, Pontoife, Beauvais, Mantes, Dreux, Montfort, Etampes, Melun & Nemours, & celui de Champagne & Brie qui comprend les Elections de Meaux, Coulommieres, Rosay, Provins, Nogent sur Seine, Sens, Job gny, S. Florentin, Tonnerre & Vezelay.
Gouvernement de Paris.
Anciennement le Gouvernement de France renfermoit celui de la Prevosté & Vicomté de Paris, mais on les a divisez dans la fuite, en l'année 1514. le Roi donna le Gouvernement de Paris & de l'Isle de France au Duc de Vendôme, avec pouvoir & autorité, sur tout ce qui regarde la fureté du Royaume & la discipline des gens de guerre. Le Comte de S. Pol lui succeda en 1520 ; deux ans après Pierre Fithofy, Archevêque d'Aix en fut pourvu, & après lui le Marquis de Saluces. Ces Gouvernemens furent désunis pour la premiere fois en 1528, le Comte d'Etampes ayant été pourvû de Celui de la Ville, & François de la Tour, Vicomte de Turenne, de celui de l'Isle de France. Antoine de la Rochefoucault, Seigneur de Barbezieux, lui succeda en 1531, & l'année suivante le Gouvernement de Paris étant vacant par la mort du Comte d'Etampes, il fut aussi donné en 1536. le Cardinal du Bellay succéda à tous les deux ; à celui-ci le Cardinal de Meudon en 1544. qui le laissa au Seigneur de Rochepot ; à qui succeda Gaspard de Coligny, son neveu, qui devint Admiral de France en 1552. On remarque que celui ci fut dispensé de quitter l'épée en prêtant le ferment au Parlement pour cette dernier Charge, en conséquence de ce qu'il étoit Gouverneur de Paris & de la Province : en 1556, François de Montmorency fut fait Gouverneur de Paris & de l'Isle de France sur la demission du precedent, qui avoit opté le Gouvernement de Picardie par préférence. Charles de Bourbon, Prince de la Roche-sur-Yon, en fut pourvû l'an 1561, & la même année le Maréchal de Brissac lui fut substitué : Antoine d'Etrées obtint ces mêmes Gouvernemens en 1594, & sa posterité celui de la Province, en la personne de N.... d'Etrées, pendant que le Gouvernement de la Ville est possedé par le Duc de Trefmes, qui a succedé au Duc de Gesvres son pere.
Lieutenans Generaux.
Le Roi a créé une Charge de Lieutenant General au Gouvernement de Paris, par £cpc du]y[0is de Fevrier 1692 –, laquelle a été achetée par M. le Ragois de Bretonvilliers ci-devant Capitaine aux Gardes.
Les Lieutenans Généraux au Gouvernement de l'Isle de France sont pour le Vexin, dont Mantes est la Capitale, le Duc de Sully ; pour le Beauvoisy, le Comte des Maretz d'Avré ; pour Senlis & le Valois, le Marquis de Vins ; & pour le Païs d'outre Seine, le Marquis de Blaru, du nom de Tilly.
Gouvernement de Brie.
La Brie avoit autrefois Comtes particuliers avant qu'elle fut unie à la Champagne, & l'Auteur rapporte comme un trait singulier que l'un de ces Comtes, nommé Robert, a fait bâtir la Ville de Brie, qui est encore nommée de son nom, Comte Robert ; dans le fait la Brie a été connue dans les anciennes Chartres & Croniques, sous le nom de Pagus Bregius, ou Bregiensis, & il y a apparence qu'elle l'a tiré du Gaulois, Bray ou Brie, qui signifioit de la fange, parce que c'est un païs fort gras ; elle commence du côté de Paris au Village de Créteil, au dessus du Pont de Charenton ; renferme toute l'étendue d'entre les Rivieres de Seine & de Marne jusqu'à la Champagne, Mr. le Prince de Soubize en est Gouverneur, ainsi que de toute la Champagne –, Mr. de Puy Segur est Lieutenant General de la Brie, & Mr. de Cartille, Marquis de Senoise, est Lieutenant de Roi.
Remarques generales par les sermens des Gouvernems.
Les Gouverneurs des Provinces, les Lieutenans Généraux, & les Lieutenans de Roi ent serment entre les mains du Roi, & les Gouverneurs des Places entre celles de s le Chancelier ; les commissions des Gouverneurs de Province sont régitrées aux Parlemens de leur réfort, & ils ont ordinairement séance après le premier Président aux Assemblées publiques, telles que celles de Te Deum Laudamus, &c.
PARIS,
Les Gouverneurs des Maisons Royales ne reconnoissent que l'autorité du Roi & sont indépendans des Gouverneurs & des Lieutenans Généraux des Provinces.
Histoires particulieres.
L'Auteur entreprend ensuite l'histoire abrégée des Villes & Païs de la Généralité, & commençant par le Valois, il dit qu'après avoir eu pendant long tems le titre de Comté, il fut érigé en Duché, l'an 1402, pour Louis, Duc. d'Orléans, frere du Roi Charles VI.
De Senlis & de Valois. Crepy. Beaumont. Montmorency.
Pontoise.
Senlis, autrefois Capitale de ce Païs, a eu ses Comtes particuliers, descendus de la Maison de Charlemagne jusqu'à Bernard pere de la Comtesse Adelle, femme de Gautier II, Comte de Vexin & d'Amiens en 998, & 1017. Elle lui porta en dot toute la Comté de Senlis, dont l'étenduë devoit être très-grande, si tous les Païs, qui en suivent la coûtume, y étoient compris ; Philippe Auguste s'en empara l'an 1204, ainsi que du reste du Valois, & depuis cette Comté & la Ville sont demeurez unis à la Couronne. Il s'est tenu un Concile à Senlis en 1313, pour la condamnation des Templiers. Le Traité de Paix de l'année 1493, entre le Roi Charles VIII, Maximilien, & Philippe Archiduc d'Autriche, au sujet de la répudiation de Marguerite d'Autriche, premiere femme de ce Roi, fut conclu à Senlis ; le Duc de S. Simon en est à présent Gouverneur & Bailly. La Duché de Valois a été donnée en appanage à Philippe de France Duc d'Orléans, frere du Roi, pour 100000 l. de rente, avec pouvoir de nommer à tous les Benefices de cette étendue hors les Evêchez. Crepy est la seconde Ville du Valois, autrefois la re dence des Comtes ; ceux de la Branche, qui ont pris le nom de Valois, l'ont possédé depuis Charles, fils du Roi Philippe le Hardi, jusqu'à Henri III. mort en 1589, pendant 308 ans. Le Domaine de Senlis fut engagé en 1633, au Duc d'Epernon tuteur de ses enfans & de Diane légitimée de France, sa femme, sous la clause éxpresse qu'il ne pourroit être qualifié Comte de Senlis, le Roi y est entré & en jouït à présent ; il vaut 70000 l. de revenu. Beaumont sur Oyse avoit déja le titre de Comté dès l'an 1100, sous le Roi Philippe I. Il a été long tems possédé par une famille qui en avoit prîs son surnom, & depuis il a passé à differentes autres maisons ; Charles & Philippe de Boulainvilliers en ont été Seigneurs en 1515 & 1535. Le Connêtable de Montmorency l'acquit & le vendit au Sieur de Marchaumont, d'où il a passé à la famille du Plessis Liancourt, qui l'a vendue à la Maréchale de la Motte Houdancourt ; c'est aujourd'hui le Prince de * Conti qui le possédé & auquel il vaut 13500 l. de rente. La ville de Creil n'a rien de memorable que le Château où le Roi Charles VI. fut rétabli de sa.... Elle fut engagée en 1549. au Duc de Brunswich avec la Comté de Clermont ; elle a passé depuis dans la Maison de Lorraine, en celle de Soissons, & se trouve aujourd'hui possédée par Mr. le Prince, à qui le Domaine engagé vaut 7000 l. de rente. Compiégne est une V le fort ancienne, qui fut ruinee l'an 870.par les Normands ; on dit que Charles le Chauve la fit rétablir sur le modèle de Constantinople, & la fit nommer de son nom Carlopoli plusieurs Rois y ont fait leur demeure, à cause de la beauté de sa situation & de sa forêt. Robert y fut couronné l'an 1017 ; son fils aîné le Roi Hugues II. en 1046 : La Cérémonie du mariage d'Isabeau de France, fille de Charles VII, avec Charles, fils aîné du Duc d'Orleans, se fit en cette Ville. Mr. le Duc d'Humieres en est Gouverneur. Beauvais, Ville Episcopale & Capitale du Païs, qui porte son nom, étoit connue dès le tems des Romains, Jules César & Strabon lui donnent de grands éloges : cette Ville est demeurée attachée à la Monarchie & n'a jamais été prise par aucuns ennemis. L'an 1433, les Anglois sous la conduite du Comte d'Arundel pensèrent la surprendre, mais ils furent repoussez : En 1472, elle fut attaquée par le Duc de Bourgogne, qui en forma le siège ; les femmes & les filles de la Ville furent plus animées que les hommes à sa défense, & l'on avoit conservé la mémoire de leur valeur en cette occasion par une procession qui se faisoit tous les ans le jour de Ste. Agadresme, Patrone de la Ville, dans laquelle les femmes précédoient les hommes ; mais on a aboli cet usage depuis 40 ans. M. le Maréchal de Boufflers est Gouverneur & Bailly de Beauvais. Pontoise, anciennement P
* Le Pere de celui d'à present, souvenez-vous que l'Auteur écrit en 1700. Creil. Compiegne.
PARIS,
nommé Brives, c'est à dire, Passage, comme on le voit dans Grégoire de Tours, n'étoit originairement qu'un Bourg, où les Rois bâtirent un Château qui est devenu considerable parce qu'ils y ont souvent fait leur demeure. S. Louïs donna le Domaine de Pontoise à la Reine Blanche sa mere en 1244, après y avoir été malade à l'éxtremité. Ce fut en ce lieu qu'il fit voeu d'aller en Orient y porter la guerre contre les Infideles. Le Duc Philippe le Hardi, chef de la deuzième Branche, Duc de Bourgogne, y naquit en 1341 : Les Anglois surprirent cette Place par escalade en 1419, & sa perte porta un grand dommage à la Ville de Paris ; elle fut reprise par le Roi Charles VII en 1441, & depuis le Roi Henri III. Rengagea au Sr. de Nouville d'Alincourt en 1579, pour la somme de 40000 l. De la Famille de Villeroy, elle a passé au Cardinal de Joyeuse ; celui de Richelieu l'acquit de ses héritiers & la transmit à la Duchesse d'Aiguillon sa nièce, de qui le Caidinal de Bouillon l'a pareillement acquise avec le Gouvernement.
Mantes.
La Ville de Mantes, Capitale du Vexin, est très-ancienne ; Guillaume le Conquérant la prit en 1088, & la ruina, mais il mourut après avec de grands regrets du mal qu'il y avoit causé. Elle fut comprise dans l'appanage de la Maison d'Evreux, & servit long tems de retraite à Charles le Mauvais, Roi de Navarre, lors qu'il troubla si cruellement l'Etat sous les Regnes du Roi Jean & de Charles le Sage. Celui-ci, qui comprit combien il étoit important de l'éloigner des environs de Paris, reprit la Ville de Mantes & la Comté de Longueville, en échange desquelles il lui céda la Ville de Montpellier & ses dépendances par lettres du mois de Juin 1371 : Les Anglois s'en emparèrent en 1419, & l'ont gardée jusqu'en 1440, que les habitans se soulevèrent contr'eux & les chasserent de leurs murailles. Le Roi Henri IV. gagna près de cette Ville la fameuse bataille d'Yvry le 12. Mars 1590, où les forces de la Ligue furent détruites. Le Domaine de Mantes étoit aliéné au Chancelier Seguier, mais la Duchesse de Verneuil, sa fille, l'a abandonné au Roi, ne se réservant que la présentation aux Offices & Bénéfices, prétendant que les Charges en éxcédoient les revenus. Le Duc de Sully est Bailly & Gouverneur de Mantes.
Meulan.
Meulan a eu autrefois ses Comtes particuliers, mais il est réuni à la Couronne depuis long tems, il y a un Château, dont le Seigneur de la Chesnaye est Gouverneur.
Montfort.
Montfort, ancienne Comté distinguée par le surnom d'Amauray qu'elle prit d'Amaury II, qui en fit une Place forte au commencement de l'onzième Siécle, est devenue illustre par les hauts faits d'armes de ses Seigneurs. Simon de Montfort conduisit la Croisade contre les Albigeois, & mourut à Toulouse. Son fils, Duc de Narbonne, fut Connétable de France, & mourut au retour de la Terre Sainte, leur postérité étant, finie, cette terre, qui avoit passé aux Ducs de Bretagne, fut réunie à la Couronne par le mariage de la Reine Anne ; elle fut engagée en partie le II. Septembre 1587, au Duc d'Espernon pour 33228 écus & 28 fols, à raison du denier 12 ; l'autre partie étoit restée au Roi, mais le Duc de Chevreuse a depuis acquis l'une & l'autre par le moyen de quelques échanges nécessaires à l'établissement de la Maison de S. Cyr, & même il avoit fait ériger le tout en Duché pour son fils ; mais celui-ci étant venu à mourir, il a depuis vendu à Mr. le Comte de Toulouse, déja possesseur de la terre de Rembouillet pour le prix de 1200000 l.
Dreux.
Dreux, ancien séjour des Druides, est, selon l'Auteur, d'une si grande antiquité, que pour en rechercher l'origine, il faudroit remonter au tems de la Fable. Les Druides étoient les Prêtres & les Philosophes parmi les Gaulois : On sçait qu'ils habitoient principalement dans la Beauce, qui étoit alors couverte de forêts, & l'on prétend que celle de Crotoy, près de Dreux, a pris son nom du Druide Croto, qui a été un des plus fameux parmi eux. Claudius Empereur défendit leurs sacrifices, leur ôta l'administration de la justice, proscrivit leurs assemblées, ce qui détruisit peu à peu leur Religion. Robert de France, fils du Roi Louïs le Gros, eut en appanagela Comté de Dreux l'an 1137 ; il y a une posterité nombreuse, dont la plus considérable Branche a été celle des Ducs de
PARIS,
Bretagne, finie en la personne de la Reine Anne, Epouse de Charles VIII, & ensuite de Louïs XII. Le 18. Decembre 1562, il y eut une grande bataille près la Ville de Dreux entre les Catholiques & les Protestans au succès de laquelle on peut attribuer la conservation de la Religion Romaine. Henri IV. fit le siege de cette Ville & l'emporta en 18 jours, il y avoit alors un ancien Château, qui fut détruit après la prise : En l'année 1381, Charles V. aliéna la Comté de Dreux à Marguerite de Bourbon, soeur de la Reine sa femme, en faveur de son mariage avec le Sire d'Albret ; leur posterité en a jouï 170 ans jusqu'au 4. Mars 1551, qu'elle en fut depossedée par arrêt, en vertu d'une clause de la donation qui portoit faculté d'y rentrer en assignant ailleurs 4000 l. de rente. La Reine Catherine de Medecis en jouït quelques années pour son Douaire, & la fit donner ensuite à son fils Duc d'Allençon, pour accroissement d'appanage ; mais ce Prince étant mort sans enfans, la Comté de Dreux fut engagée à Philippe Murault de Chiverny Chancelier au Sieur de Villequier & Miron pour 9000 l. Cette aliénation a subsisté jusqu'à la mort de Madame la Duchesse de Nemours, à qui la Comté de Dreux valoit 25000 l. de rente : la terre de Beu à deux lieuës de Dreux, en est, à ce que l'on prétend, un demembrement, pour raison dequoi il y a eu procès au Conseil, elle appartient au Marquis de Canillac héritier du Sieur de... & vaut 12000 l. de rente.
Etampes.
La Ville & le Baillage d'Etampes sont en contestation entre les Gouverneurs de l'Isle de France & d'Orleannois ; ce dernier est en possession d'y commander l'Arriere-ban. A l'égard de l'antiquité de cette Ville, elle est. grande, puis qu'il en est souvent fait mention chez les Historiens de la premiere Race de nos Rois. Elle fut érigée en Comté par le Roi Charles le Bel en 1327, en faveur de Charles son beaufrere. Charles VII. étant lors Dauphin & Régent du Royaume, en fit don l'an 1421. à Richard de Bretagne, & confirma ce don en 1425, lors qu'il fut Roi. Louïs XI. en fit autant en faveur de François, Duc de Bretagne, fils de Richard en 1465. En 1513, la Comté d'Etampes ayant été unie à la Couronne par la mort de Gaston de Foix, le Roi Louïs XII. en fit don à la Reine Anne sa femme. Dans fuite le Roi François I. l'aliéna en faveur de Jean de Brosse, Duc de Bretagne, & l'érigea en Duché par lettres du mois de Janvier 1536. vérifiées en. Parlement en considération de son mariage avec Anne de Pisseleu, dite Mademoiselle de Heilly sa maîtresse : Cette Maison de Brosse prétendoit à la succession de Bretagne, & s'éteignit sans enfans. Henri III. aliéna de nouveau la Ville & le Domaine d'Etampes en 1582, en faveur de sa soeur Marguerite, mariée avec le Roi de Navarre pour fournir avec les Duchez de Valois, Comtez de Senlis & Clermont 6700 l. de rente rachetable de 80000 l. qui lui avoient été promises pour sa Dot ; mais en 1598, la Reine Marguerite fit donation entre Vifs de la Duché d'Etampes à Gabriele d'Etrées, Duchesse de Beaufort par Contract du 11. Novembre qui fut accepté le 4. Janvier suivant, & c'est à son droit que Monsieur le Duc de Vendôme la possédé
Melun.
La de Melun connue dans les Auteurs, sous le nom de Mellodunum, est si ancienne que l'on prétend qu'elle précédé celle de Paris, & qu'elle a servi de modele à sa construction. Elle a eu long tems ses Comtes particuliers ; le Roi Charles V. en fit bâtir le Château, qui étoit une place des plus importantes du Royaume en ce tems-là ; ce fut même en ce lieu qu'il assembla son Trésor qui fut pillé par ses freres après son deces es Anglois l'assiegerent en 1419 ; il fut défendu par le Sire de Barbazan, qui y acquit une gloire immortelle & fut enfin forcé par la famine, après un siege de dix mois en 1429, dix ans après qu'il eut été pris : les habitans chassèrent eux-mêmes les Anglois & se soumirent à Charles VII, qui par ses lettres patentes de 1432, leur accorda de beaux privileges en recompense de leur fidelité. Le Domaine en fut aliéné en 1513, par le Roi Louïs XII. à l'Amiral de Graville pour 80000 l. il a depuis appartenu à Monsieur de la Grange, & en dernier lieu à Monsieur Fouquet, surquoi le Roi l'a retiré en 1666, par arrêt de la Chambre de Justice. Il est affermé 30000 l. Monsieur de la Rioterie est Gouverneur & Bailly de la Ville de Melun,
PARIS.
Nemours.
La Ville & Comté de Nemours fut érigée en Duché l'un 1404, par le Roi CharlesVI. en faveur du Roi de Navarre Charles le Mauvais le Roi Louïs XI. la donna a Jacques
d'Armagnac, en faveur de son mariage avec Louïse d'Anjou, sa Cousine Germaine, & depuis lui ayant fait trancher la tête, sa confiscation fut donnée à ses enfans par Charles VIII, mais étant mort sans postérité Louïs XII. en fit don, en 1507, à Gaston de Foix son neveu, & François I. la donna à Philiberte de Savoye sa tante, puis à Philippe Comte de Geneve en 1528, avec la stipulation d'en pouvoir faire le rachapt pour 100000 l. En 1547, Henri II. renonça à cette faculté de rachapt en faveur de la Ligne masculine, qui en jouït jusqu'au mariage de Madame Royalode Savoye, après lequel le Roi l'ayant retirée, elle a été donnée à Mr. le Duc d'Orleans en 1671, pour augmentation d'appanage ; la Maison de Savoye a fait quelques aliénations & demembremens de cette Duché ; entr'autres celles de la terre de Mée-maréchal, ainsi nommée parce qu'elle appartenoit à la Maison de Clement, qui posisédoit héréditairement la Charge de Maréchal de France, sous les Rois Louïs le Jeune & Philippe Auguste ; elle appartient au Sieur Marquis de Turin.
Courtenay.
Courtenay, ancienne Comté, possedée par une Branche de la Maison de France, qui a donné des Empereurs de Constantinople, est aujourd'hui possedée par Madame de Caderousse heritiére de la Maison de Rambure, dans laquelle elle étoit entrée par le mariage de Renée de Boulainvilliers avec Charles de Rambure, Mestre de Camp des Gardes ; cette Famille la tenoit de la Maison de Chabannes.
Meaux, Capitale de la Province de Brie, étoit une ancienne Comté, dont les Princes de Champagne ont quelquefois pris le titre ; le Siege du Marché de Meaux par les Païsans révoltez, qu'on nommoit Jacquiers, c'est un des principaux évenemens de son histoire. Il arriva pendant la Prison du Roi Jean ; les Communes de France s'étant mis dans la tête que la Noblesse n'avoit pas fait son devoir dans les batailles qu'elle avoit perdues contre les Anglois, le péril des trois Reines qui y étoient renfermées, attira en foule la Noblesse pour combattre les revoltez ; ils y furent entierement défaits & les Princesses delivrées ; les Anglois s'emparerent de cette Ville en 1419, & comme c'étoit un Poste considérable, ils en devinrent beaucoup plus forts : Sous le Regne de François I, la nouvelle Religion fit ses premiers progrès dans cette Ville. Charles IX. pensa y être enlevé par l'Amiral de Coligny au mois de Septembre 1567 ; il ne fut sauvé que par la fermeté des Suisses qui le ramenerent à Paris.
Les Domaines de cette Ville qui sont considérables sont presque tous engagez à divers particuliers de la Ville de Crecy en Brie, en faveur de Mr. le Duc de Coislin en 1640, pour le prix de 225000 l. Madame de Laval en jouït encore,
Provins.
Provins est une fort ancienne Ville, quelques-uns soutiennent que c'est l'ancien Agendìum –, d'autres ne la connoissent que par le nom de Provinum, & la croyent par conséquent beaucoup plus moderne ; cette Ville appartenoit aux Comtes de Champagne & de Brie, & ne fut réunie à la Couronne que par le mariage de Jeanne heritiére de Champagne & de Navarre avec le Roi Philippe le Bel en 1284. On voyoit autrefois dans le Château de ce lieu d'anciens vers écrits contre la muraille d'une Gallerie qu'on croit avoir été l'ouvrage d'un Comte de Champagne amoureux de la Reine Blanche, mere de S. Louïs la plûpart de ses Comtes y ont fait leur séjour, ce qui a donné lieu à son accroissement. L'ancienne tradition porte, que la premiere manufacture de draps qui ait été en France étoit en ce lieu, & que les Anglois en se retirant en emmenerent des ouvriers qui donnerent commencement à la fabrique des draps d'Angleterre. La Ville n'occupoit autrefois que le haut de la Montagne, où se trouvent encore aujourd'hui les anciennes fondations & les monumens de l'antiquité. Enfin pour derniere singularité, les voyageurs nous assûrent que sa situation a beaucoup de rapport avec celle de Jerusalem. Le Domaine principal est engagé à Mr. le Comté de Chiverny, mais il y a eu divers démembrement.
PARIs,
Coulommiers.
La Ville de Coulommiers, qui a fait autrefois partie de la Duché de Nemours, en fut distraite par Lóuïs XII. en 1507, mais depuis elle lui rut réunie par le Contract d'échange de la Comté de Narbonne avec Gaston de Foix ; après sa mort, Germaine, Reine d'Arragon, sa soeur, l'a possedée jusqu'à son decès, arrivé en 1538. Comme elle ne laissa pas d'enfans, Odet de Foix, Seigneur de Lautrec, son cousin, lui succeda, mais il ne laissa qu'une fille, Claude de Foix, mariée premierement à Claude de Laval, dont elle neut point d'enfans, & ensuite a Henri de Luxembourg, mort aussi sans postérité en 1549. ainsi Marie d'Albret, sa grande tante, hérita de la Seigneurie de Coulommieres. Elle épousa Charles de Cleves, duquel vint François I. Duc de Nevers, pere d'Henriette de Cleves, mariée à Louis de Gonzagues, dont, entr'autres enfans, il est sorti une fille, nommée Catherine, qui épousa Henri Duc de Longueville, ayeule de Madame la Duchesse de Nemours qui la possédé * aujourd'hui ; le vieux Château de Coulommiers a été bâti par cette Catherine de Gonzagues, qui l'acheva en 1629 La terre de Coulommiers a de très-petits revenus, mais elle a de grandes mouvances.
Montereau.
La Ville de Montereau n'est considérable par aucun évenement ancien, si ce n'est la mort du Duc Jean de Bourgogne, tué sur le Pont de la Ville en 1419. en présence de Charles VII, lors Dauphin. Le Domaine est engagé à Madame de Richebourg, & celui de Moret à celui de Caumartin.
Sens.
La Ville de Sens, autrefois l'une des plus considerables de la Gaule par le nombre de ses peuples, a envoyé des Colonies jusques dans l'Asie ; l'un de ses Capitaines prit la Ville de Rome & la ravagea. Les Villes de Sienne & de Seingalia sont aussi de ses Colonies en Italie, elle a eu ses Comtes particuliers jusqu'au Roi Robert qui l'a réünie en 1005. Le Domaine de cette Ville est engagé à M. le Prince & vaut 31000 l. de rente.
Joigny.
Joigny a depuis plusieurs Siécles le titre de Comté ; il y a des lettres de Charles VI. qui qualifient le Comte de Joigny Doyen des Pairs de Champagne. La Ville de S. Florentin a toûjours été un membre de la Comté de Champagne, c’étoit une forteresse considérable contre les Bourguignons, mais ayant été démolie, le Roi en a donné les pierres pour le bâtiment d’une Eglise. Tonnerre est encore une ancienne Comté, elle a passé successivement dans la maison de Nevers, de Courtenay, de Châtillon, de Bourbon de Bourgogne de Chalons, de Husson & de Clermont, par le mariage de Bernard, de Clermont, Vicomte de Tallard, avec Anne de Husson, dite de Tonnerre, en l'année 1596. La Ville de Chablis n’a aucune antiquité que la memoire de la bataille donnée l'an 841 : entre les enfans de Louïs le Debonnaire, qui fut gagnée par Charles le Chauve. Vezelay est considerable pour l’ancienne devotion & les Reliques de Ste. Magdelaine, on y tint un Concile en 1046. Louïs le Jeune y prit la Croix & la prédication de S. Bernard, & depuis Philippe Auguste & Richard Coeur de Lyon s’y croiserent aussi en 1190. Theodore de Beze étoit natif de ce lieu ; le Domaine en appartenoit à Mr. de Turenne, & à présent à Mr. le Cardinal de Bouillon.
Après ce détail des dehors de la Generalité de Paris, l’Auteur traite en particulier des Villes du voisinage, & remarque que S. Denys s’est insensiblement formé auprès de l’Abbaye qui fut fondée l’an 641 : mais que l’Abbé Sugger l’augmenta & la fit fermer de murailles ; l’Eglise de ce lieu est considerable par les Mausolées d’un grand nombre de Rois ; Versailles & S. Germain sont des maisons Royales qui auront leurs articles à part.
La Ville de Poissy est très-ancienne, les Latins la nommoient Piscialium ; plusieurs anciens Rois y ont fait leur sejour : Le Roi Charles le Chauve y tint son Parlement l’an 868. S. Louïs y naquit l’an 1215, le 25. Avril, & le Roi Philippe le Bel, son petit-fils, pour honorer sa memoire, fit bâtir un magnifique Monastere & une Eglise sur le lieu où il étoit né, cet Ouvrage fut commencé en 1304, & achevé en 1330. par le Roi Philippe de Valois; on y trouva en 1687, le Coeur de Philippe le Bel dans une petite
* L'Auteur écrivoit ceci en 1700.
PAIIS.
Urne d'airain, l'an 1562 : le célébré Colloque de Poissy, entre les Prélats Catholiques & les premiers Docteurs Huguenots se tint en ce lieu, en présence du Rot Charles IX. & de sa mere.
Lagny.
La Ville de Lagny a tiré son nom, à ce que l'on prétend, ; Louïs le Débonnaire Empereur y tint son Parlement l'an 835. Les Anglois s'en rendirent maîtres en 1432 ; mais le plus grand évenement qui y soit arrivé est sa prise imprevûë par le Duc de Parme, qui s'en étant saisi le 7. Sept. 1590, délivra par ce moyen la Ville de Paris, que le Roi Henri IV. tenoit bloquée depuis long tems & réduite à la derniere extremité ; le Chancelier d'Orgemont étoit natif de Lagny.
Corbeil a eu ses Comtes particuliers jusqu'au regne de Louïs le Gros, Ingeburge, veuve de Philippe Auguste, s'y retira, & elle y mourut en 1236. elle y est inhumée dans l'Eglise du Prieuré de Malthe.
Après cette Histoire abrégée, & où l'Auteur avoit fait néanmoins une quantité de méprises & de fautes absurdes, il entreprend le dénombrement du peuple de la Généralité par les Villes & les Villages, il compte dans le Gouvernement de l'Isle de France 1428 Paroisses & 2704 hameaux, & dans le Gouvernement de Champagne & de Brie 663 Paroisses & 892 hameaux ; ce qui fait en tout 2091 Paroisses & 3596 hameaux, non compris la Ville & Banlieuë de Paris.
Il fait deux sortes de dénombremens, l'un des hommes depuis l'âge de 15 ans, & il en compte dans les 52 Villes de la Generalité, non compris la Ville & Banlieuë de Paris & la Campagne, 39441 : & l'autre de tout le peuple en général, même des enfans au berceau, qu'il fait moriter tant dans les Villes hors de Paris, qu a la Campagne au nombre de 856938 ames.
Diminution du peuple.
L'Auteur remarque encore en général, que-le nombre du peuple est fort diminué dans toute l'étenduë du Gouvernement ; il dit que les Elections de Mantes & d'Etampes le sont presque de la moitié & les autres d'un tiers, ou à tout le moins d'un quart, Les raisons qu'il en donne par rapport à celle de Mantes, sont la cessation du Commerce des Vins, qui ont été de très-mauvais débit dans les dernieres années ; par rapport à celle d'Etampes, c'est rétablissement des Cannaux de Briare & d'Orléans qui ont diminué le Commerce des Charois ; & pour toutes les autres en général, il dit que les logemens excessifs des gens de guerre & leurs frequens passages, la mortalité en 1692, la retraite de plusieurs Huguenots & celle des habitans de la Campagne, qui se jettent dans les Villes franches, les levées des troupes & les milices forcées, & enfin les Impositions éxtraordinaires sont les veritables causes de la diminution des peuples. Il remarque encore fort judicieusement que la misere des Païsans est telle que les enfans deviennent maladifs, foibles & de courte vie, parce qu'ils manquent des commoditez, qui procurent une bonne génération & éducation, il ne croit point de remede plus efficace que la relaxation de quelques Impôts & l'encouragement que l'on pourroit donner à la jeunesse en l'exemptant de tailles jusqu'à 25 ans, lors qu'elle feroit mariée, au lieu que non mariée il la faudroit obliger à la taille pour la moindre occupation ; il propose encore de fixer le tems des voeux de Religion à 25 ans, comme on l'avoit proposé pour la France au Concile de Trente.
Nombre des Huguenots sortis ou restez.
L'Auteur fait ensuite un calcul éxact du nombre des familles Huguenotes qui se trouvoient dans la generalité avant la revocation de l'Edit de Nantes, & il en compte 1823, dont la seule Ville de Meaux en fournissoit 1500 ; il en est sorti du Royaume le nombre de 1195 familles, & partant il n'en reste que 628, dont la plus part sont convertis ; ce calcul ne comprend ni la Ville ni la Banlieuë de Paris.
Etapes ou logemens des Troupes.
L'Auteur passe aux logemens & passages de gens de guerre dans la Generalité, & compte 58 bureaux d'Estappes, sans y comprendre les logemens ordinaires de 17 brigades de gardes du Corps du Roi, savoir à Pontoise deux Brigades ; à Beaumont & Chablis une, à Mantes une, à Poissy & à Beauvais trois ? à Senlis deux, à Dreux une,
PARiá
à Compiegne deux ; à Creil & à Verberie une, à Dammartin & Pont Ste. Mexance chacune une, outre les compagnies des Mousquetaires qui logent l'une à Montereau & l'autre à Nemours, quand le Roi est à Fontainebleau.
Quant au détail des logemens & quartiers d'hiver des Troupes des Armées, l'Auteur en fait un récit assez inutile, puis que c'est une chose arbitraire du côté de la Cour, & qui n'est sujette à aucune regle.
De la poudre à Canon & du salpêtre,
De ce détail, l'Auteur passe à une digression assez hors de propos sur la maniéré dont on compose la poudre & la quantité qui s'en fabrique dans le Royaume ; ce qu'il dit de plus curieux regarde la quantité de Salpêtre que le Royaume fournit, dont les forces à cet égard n'étoit pas bien connues avant l'an 1690 : On ne fabrique en France qu'environ 15 milliers de poudre ; mais depuis le Bail commencé en 1691, par lequel non feulement le Roi a fixé le prix de la poudre de vente, à 20 fols la livre pour le traitant, & 4 fols d'augmentation pour le marchand ; mais a mis les fournitures de ses magazins à un prix avantageux ; l'on s'est empressé d'en fabriquer une plus grande quantité, ce qui est encore augmenté par le Bail nouveau qui a porté la vente de la poudre à 26 fols, & celle du plomb à tirer, à 6 fols la livre, avec défenses d'en acheter d'autres mains que de celles du traitant, ou de ceux à qui il donne le droit d'en débiter ; la fabrication des poudres s'est augmentée jusqu'à 5430000 l. sur quoi la consommation du Public ne va guere qu'à 500000 l. L'Auteur a donné en détail les 23 Endroits où l'on fabrique la poudre & la quantité des mortiers qu'ils contiennent, qu'il fait monter à 1027 : ce qu'il dit des lieux où l'on tire le Salpêtre, & de la maniere dont cela se fait est plus curieux ; il n'est pas rare de dire que les Bergeries, les anciens décombres de Fosses & de Caves contiennent beaucoup de Salpêtre ; mais il est bon d'apprendre que la Touraine en produit d'avantage que toute autre province par la nature de la pierre de Tuf, qui sert à y bâtir des maisons, laquelle étant exposée à l'air se charge de Salpêtre, qui la ronge en peu de tems, en forte qu'il y a du profit à abartre. une vieille maison pour en bâtir une neuve, en vendant les anciens materiaux aux Salpêtriers ; quant à la maniere de préparer le Salpêtre & de le raffiner avec de la colle d'Angleterre & del'eau, & de la mettre en roche, c'est une chose assez connue. Les autres matieres qui entrent dans la composition de la poudre, sont le foûfre & le charbon : on tire le premier d'Italie par Marseille, mais il a toûjours besoin d'être purifié, ce que l'on fait aisément en le fondant avec l'huile de baleine. Le Charbon doit être fait du bois qu'on nomme Bourdaine, autrement Mort-bois, parce qu'il est plus leger, on le fait du côté de Provence du bois de Chenevots qui surpasse l'autre en legereté, mais qui est aussi plus sujet à prendre l'humidité. C'est le défaut general qui corrompt la poudre dans les magazins ; c'est pourquoi l'usage étoit pendant la paix de les remplir de Salpêtre en roche, qui ne sauroit se gâter ; on observe encore de mettre la poudre qui se voiture pour les Armées dans de doubles Tonneaux, au lieu, que celle qui est de stinée pour la Marine, ou pour le Public, est enfermée dans des sacs, que l'on met en suite dans des Muids, parce qu'elle court moins de risques que l'autre. Le produit de toutes les Salpêtreries du Royaume est fixé, année commune, à 2212600 l, l'Auteur convient cependant quil monte beaucoup plus haut quand les Salpêtriers y trouvent du profit, & pour le quart en sus que l'on met en foûfre & en charbon pour la composi tion de la poudre, il fait voir que sur cette quantité, il suffit de 368766 l. de soûfre d'I talie & autant de charbon. Enfin revenant à la Generalité de Paris, il dit qu'elle four nit en 59 articles, 628600 l. de Salpêtre.
GOUVERNEMENT JUDICIAIRE.
LA Suite du détail de la Generalité oblige l'Auteur de parler du Gouvernement de la justice, sous laquelle il comprend non seulement les Tribunaux ordinaires, mais encore les mouvences des Fiefs.
Origine des Fiefs.
Il est peu nécessaire de s'arrêter à ce qu'il dit de l'origine de ceux-ci, parce qu'il est évident qui n'a pas asseZ pénétré cette matière, puis que les faisant commencer en 752, au Regne de Pepin, il les divise encore en benefices & en hommages réversibles, & qu'il ajoute enfin que Hugues Capet, en 987, fit une division generale des terres de l'Etat aux Seigneurs du Royaume, auxquels il en accorda la possession pareille à celle de tous autres biens patrimoniaux. Ceux qui connoissent l'ancienne histoire de France & quelles ont été les diverses formes de son Gouvernement, savent combien ce Système est éloigné de la vérité, puis que les benefices ou possessions de terres à vie étoient non seulement en usage sous la premiere race, mais qu'ils étoient le bien propre de la Nation Françoise, qu'elle avoit acquis par le droit de la Conquête de la Gaule. A l'égard de la division des terres attribuées à Hugues Capet, c'est une fiction chimerique, puis qu'on sçait avec pleine certitude par les titres & l'histoire, que ceux qui possedoient alors de grandes terres, les tenoient long tems avant qu'il parvint à la Couronne ; il divise ensuite les Fiefs qualifiez, en Duchez, Comtez, Marquisats & Baronies, dont il dit que les titres sont plus anciens que la Monarchie, les faisant remonter au tems de l'Empereur Adrien ; il est vrai que les Comtes étoient originairement les compagnons du Prince selon la force du mot Comités ; qu'ils devinrent ensuite ses Conseillers, & qu'enfin on leur confia l'administration de la Justice & la direction de la Finance : il ajoute de plus que l'on choisit parmi leur Corps des Conducteurs des Troupes & les Généraux des Armées, auxquels on donna le nom de Ducs ; tout cela est amassé avec si peu de discrétion & de connoissance du fait, qu'il ne merite aucun éxamen ; mais ce qu'il ajoute de la division des Comtes en trois classes sous la premiere Race a quelque peu plus d'ordre ; la premiere étoit de ceux qui rendoient la justice ; la seconde de ceux qui étoient Officiers des Armées, & la troisième de ceux qui jouïssoient de ce titre par le droit de leur naissance & la parenté des Rois, il ajoute que chaque Duc avoit ordinairement 12 Comtes sous sa jurisdiction.
Duchez & Patries.
Delà il passe à l'institution des Pairies, & veut bien ne pas s'arrêter à l'opinion qui La rapporte à Charlemagne, parce qu'il a découvert que la Flandre n'a été érigée en Comté que sous la fin du regne de Charles le Chauve, 48 ans après sa mort ; la Champagne en 950, par Louis d'Outremer ; & la Normandie peu de tems auparavant par Charles le Simple ; cela est veritablement digne de pitié, & il est étonnant que de tels Historiens se hazardent de donner leurs mémoires aux Grands Princes, n'étant propres qu'à les tromper par leur ignorance, ou les induire en erreur par leurs lâches flatteries, qui au mepris de la verité leur representent les Rois revetus d'une autorité arbitraire jusques dans un tems, ou ils ne jouïssoient pas même de celle qui leur appartient légitimement.
Les Provinces ou grandes Terres ayant été en divers tems & par divers moyens réunies à la Couronne, & les Rois pour honorer leur parenté ou la Noblesse de leur Royaume, ont érigé depuis un tems très-moderne plusieurs Terres particulières en Duchez simples & en Duché-Pairies ; François I. érigea la terre de Guise en faveur d'une Branche de la Maison de I.çrrainej ; & Henri II ? cellç dç Montmorency en faveur de son Favori,
PARIS.
le Connêtable du même nom ; ce sont les premiers éxemplés de la Pairie accordée à des Etrangers ou à la simple Noblesse du Royaume. Charles IX. & Henri III. ordonnerent par Edit qu'aucune Terre ne pourroit être érigée en Pairie, si elle ne valoit au moins, avec ses Annexes, 8000 l. de rente, & sans la Clause expresse de reversion à la Couronne, faute des hoirs mâles, & cependant leurs successeurs & eux-mêmes n'ont point eu dégard a cette ordonnance, qui auroit rendu effectivement la Pairie onéreuse aux familles à qui elle auroit été accordée, loin de leur faire avantage.
Autres Dignitez des Terres.
Les autres Fiefs ont des regles plus certaines, à ce que dit l'Auteur ; un Marquisat doit être composé de trois Baronies & six Châtellenies unies & tenues du Roi par un seul hommage. Les Comtez ne doivent avoir que deux Baronies & trois Châtellenies seulement, mais celles-ci doivent avoir haute, moyenne & basse justice avec droit de prééminence ès Eglises de son ressort, surquoi l'on peut dire, que s'il étoit vrai que ces regles dussent être exactement observées, les Erections feroient moins fréquentes & les Titres moins communs qu'ils ne sont.
Justices de Paris.
Les Justices de Paris sont en très-grand nombre ; il y a un PARLEMENT qui est la Cour de Paris & le premier du Royaume ; une Cour nommée de grands Conseil ; une Chambre des Comptes ; une Cour des Aides ; un Bureau des Finances –, Cour des Monoyes ; Table de Marbre, Connêtablie & Maréchaussée, Amirauté, Baillage du Palais, le Chatelet, qui est la justice ordinaire, une Election, Grenier à sel, Hôtel de Ville, Siege de Consuls, & enfin une Jurisdiction de la Varenne du Louvre.
Parlement.
L'Auteur traite de chacune dans son ordre : il dit d'abord avec autant d'absurdité que de hardiesse, que le Parlement fut institué l'an 777, par le Roi Pepin, pour avoir soin de l'administration de la justice, & connoître des affaires Civiles & Criminelles par appel de juges ordinaires, & en dernier ressort entre particuliers, & que tous les Pairs du Royaume, tant Ecclésiastiques que Séculiers, assistoient aux jugemens qui s'y rendoient : mais il n'a pas pris garde que le Roi Pépin étoit mort dès l'an 768, dix ans avant la datte qu'il donne à cette institution, & qu'il a reconnu ci-devant qu'il n'y avoit aucuns Pairs avant Charlemagne ; mais au reste, pourroit-on croire que l'Auteur ait ignore que les Parlemens, ou Assemblées de la Nation, sont aussi anciennes que la Monarchie, & que ce n'est point l'institution des Rois, qui est le principe de leur autorité, quoiqu il soit vrai que leur jalousie ait infiniment contribué à la restraindre. Dans le fait, je conçois qu'un Auteur, tel que celui-ci, engagé à parler de l'Origine des Parlemens, auroit cru faire outrage au pouvoir absolu de la Royauté, de la rapporter au droit fondamental, en vertu duquel le peuple a toûjours partagé le gouvernement avec ses Princes mais en cas, il devoit arrêter au changement qui se fit sous le regne de Philippe le Bel, ou le Parlement, entant que Tribunal de Justice, fut separé de l'Assemblée commune de la Nation, qui prit alors & pour la premiere fois le nom d'ETATS GENERAUX. Or ce Parlement, qui avoit été jusques-là une simple Convocation de certains Seigneurs Ecclésiastiques & Laïques, devint alors une Cour fixe & sédentaire, à laquelle le meme lippe le Bel donna son propre Palais pour habitation, l'an 1312, la divisa en deux Chambres ; l'une pour connoître des affaires les plus importantes, ou de celles dont les circontances n'étoient pas contestées, qui fut nommée Grand Chambre, & l'autre des Enquêtes, parce qu'elle avoit droit d'informer & d'établir la vérité des faits sur le quels il y avoit à prononcer ; on voit par la Somme Rurale de Jean Bouteiller, qui vivoit en 1400, que la premiere Chambre étoit compofée de quatre Présidens, dont l'un étoit nommé le premier, & de trois Conseillers, moitié Clercs & moitié Laïcs, qUe Es Enquêtes étoient de quarante Conseillers, dont il y en avoit 24 Clercs & 16 Laïcs. L'Auteur dit que cette division de Clercs & de Laïcs fut établie pour suivre l'ordre des anciens Parlemens, où les Evêques & Abbez avoient séance ; maison qu'il n'a jamais connu a quel droit & par quels motifs le Clergé a été admis TTO
PARIS.
dans les Parlemens François. A l'égard des Pairs, il dit avec une hardiesse qui éxcite l'indignation des plus modérez, qui decouvie bien le fonds du coeur lintention de tous les légistes en général, que la séance au Parlement a été conservée en considération de leurs dignitez, mais que le Parlement n'est pas Cour des Pairs par rapport à cette séance, qui n'est jamais qu'occasionnelle & particulière, mais bien parce que toutes les appellations des Pairies, qui y ressortissent directement, & qu'ainsi il est le juge naturel des Pairs & de leurs Pairies.
Grande Chambre.
Le Parlement est à présent composé de la Grande Chambre, qui connoit de toutes. les appellations verbales des jugemens du ressort des matieres du Domaine du Roi, des droits de la Couronne, des Causes des Ducs & Pairs & autres grands Officiers de la Régale, à l'éxclusion de tous les autres Parlemens & Cours du Royaume ; il ya outre les Présidens à mortier, au nombre de Cinq, Trente Conseillers, du nombre desquels sont douze Ecclésiastiques.
Tournelle.
La Tournelle étoit autrefois double, Civile & Criminelle, mais la premiere est abolie, la seconde est composée de quatre Presidens à mortier, neuf Conseillers de Grande Chambre qui servent six mois, & de deux Conseillers de chacune des Enquêtes qui servent tour à tour pendant trois mois.
Enquites & Requete.
ites cinq Chambres des Enquêtes ont chacune trois Présidens simples & vingt-huit Conseillers, les deux des Requêtes du Palais ont aussi trois Présidens & seulement quinze Conseillers ; les Enquêtes connoissent des appellations des Procez par écrit dans toute l'étenduë du ressort, & les Requêtes connoissent en premiere Instance des causes de ceux qui ont droit de Committimus.
Outre les Requêtes du Palais, il y a une Chambre des Requêtes de l'Hôtel, composée de Maîtres des Requêtes, qui connoit aussi des affaires des privilegiez qui choisissent entre les Requêtes de l'Hôtel ou du Palais, la Jurisdiction où ils veulent proceder.
Les Charges des Président des Enquêtes & des Requêtes ne sont que des commissions possédées par des * Conseillers de la Grande Chambre dans les ceremonies, de forte qu'els ne doivent être possédées que par deux Conseillers, dont l'un doit être titulaire, l'autre peut être honoraire.
Les Présidens à Mortier sont Mr. Harlay premier Président, Mr. Pelletier, Mr. de Longueil, Mr. Molé, M1'. deMesme, Mr. Bailleul, M", de Novion, Mt. deMenard, Mr. de Lamoignon, M. d'Aligre. II y a de plus trois Avocats Généraux du Roi, un Procureur General, qui est M'. d'Aguessau, sa Charge est une des plus considerables du Royaume, il y a 18 Substituts, outre ceux de toutes les justices ordinaires du ressort, qui communément sont nommez Procureurs du Roi.
Le Parlement.
Le Parlement a de plus 4 Officiers en chef, Secretaires du Roi, pour le Civil & autant pour je Criminel, 4 Notaires, aussi Secretaires du Roi, un premier Commis au Greffe de la Grande Chambre, & des Greffiers aux Audiences & Conseils de toutes les autres Chambres.
Vacations.
Le Parlement qui n'avoit autrefois que deux Séances, Pâques & S. Martin, commence à présent toûjours le lendemain de S. Martin, & ne finit que le 7. Septembre pendant la vacation, il y a une Chambre qui en a pris le nom, laquelle connoit des affaires qui requièrent célérité & des Causes criminelles.
Grand Conseil.
Le Grand Conseil étoit autrefois le seul Conseil des Rois où les les plus importantes affaires de l'Etat étoient réglées ; les Grands Officiers & les Chefs des Cours superieures prenoient par honneur la qualité de Conseiller en tous ses Conseils ; la jurisdiction de tous ces Conseils s'étend par tout le Royaume & sa compétence est de connoître des révocations, nullitez & contrarietez d'Arrêts, de la conservation & jurisdiction des Présidiaux & des Marêchaussées, des Bénéfices Consistoriaux & de tous autres qui sont à la nomination, collation ou disposition du Roi ; à la reserve de sa Regale, des droits du
* Leur rang est toutefois reglé avec les Conseillers.
PARIS,
Roi sur les Eglises, des Indults des Cardinaux & des Officiers du Parlement de Paris, des priviléges des Secretaires du Roi, des appellations de la Prevosté de l'Hôtel, des Evocarions des ordres de Clugny, de Cîteaux, de Prémontez, Grammont, la Trinité, le S. Esprit, Fontevrault, S. Jean de Jerusalem, des Franchises, & des immunitez des Ecclésiastiques & enfin de toutes les Causes qui lui sont renvoyées par le Conseil d'enhaut.
L'an 1497 Charles VIII. fixa le nombre des Conseillers à 20, & rendit la Compagnie Semestre. Elle est à présent composée de 9 Frésidens, 54 Conseillers, 2 Avocats Generaux, un Piocnieur General, 12 Substituts, un Greffier en chef, 4 Secretaires de la Cour, créez en 1635 ; deux principaux commis au Greffe, l'un pour l'Audience, l'autre pour le Conseil ; un Greffier Garde-sacs, un Greffier Député, un premier Huissier, 20 autres Huiffieis, & 23 Procureurs ; les Presidens, Conseillers & gens du Roi, servent par Semestre, à la reserve du premier Président & du Procureur General qui ne'premnent point de relâche.
Chambre des Comptes.
La Chambre des Comptes fut établie sedentaire à Paris au même tems que le Parlement lors qu'elle étoit unique ; elle envoyoit des Commissaires dans les Provinces pour ouïr les comptes des Comptables & même dans le Languedoc, ce qui n'a cesse que par l' érection d'une semblable Chambre à Montpellier en 1320, & de plusieurs autres qui lont à présent reduite à l'étenduë de 15 Generalitez seulement, elle n'étoit alors composée que de 2 Présidens, dont l'un étoit Archevêque ou Evêque, de 6 Maîtres, 3 Ecclésiastiques & 3 Laïcs, & de 8 Clercs Auditeurs ; par ordonnance de 1319, il fut dit que 2 des Clercs tiendroient le registre des affaires, & que les autres.... Il créa aussi un troisième Président, & quoique ces Officiers ayent été augmentez sous ses successeurs en divers tems ; cette Chambre n'etoit encore du tems de François I. composée que de 3 Présidens, 12 Maîtres & 16 Clercs, nommez Auditeurs ; Henri II. attribua à ceux-ci la voix deliberative, & établit le service de la Chambre par Semestre ; le Tribunal, qui gouvernoit autrefois les Finances du Royaume, étoit tellement considérable, que les Rois assistoient souvent à leurs deliberations, & que les plus grands y prenoient leurs séances ; Jaques de Bourbon, Prince du Sang, en étoit premier Président en 1397 ; Philippe de Valois, en partant pour la guerre, lui laissa son sceau, c’est à dire, la regence de l’Etat.
La Jurisdiction.
Sa jurisdiction consiste à recevoir le serment de tous les pourveus aux benefices de fon¬ La, Jurisdation Royale, Evêchez, Archevêchez, Chefs d’Ordre & autres sujets à la régale, qui n’est formée que du jour de la prestation du serment, puis les fois & hommage des vassaux de sa Majesté, les aveus & declarations de leurs Fiefs ; elle enregistre les Declarations du Roi, soit pour fait de guerre soit pour traité de paix, les Contracts de mariage des Rois & des enfans de France, ceux de la délivrance de leurs appanages & tous autres concernant les réünions ou aliénations du Domaine, les lettres de Naturalité, Légitimation, Amortissement, Dons, Pensions, Gratifications, les Erections des terres & des justices, les Anoblissemens, Confirmations, Rehabitations de Noblesse ; elle verifie les privileges, affranchissemens ; elle examine & arrête les Comptes du Tresor Royal, de la Maison du Roi, des Maisons Royales & de tous les comptables de son ressort, on ne se peut pourvoir contre ses jugemens en matiere civile que par remission à la même Chambre, comme il est porté en l’ordonnance de Moulins ; & dans les matieres criminelles, les gens des comptes sont competens pour l'instruction, jusqu’à la torture éxclusivement ; après quoi les Avocats Generaux du Parlement & des Comptes doivent s’assembler pour convenir, & alors la Cause portée en la Chambre où se jugent les revisions, elle y est jugée définitivement par un Président du Parlement & 5 ou 6 Conseillers au plus, & par un Président des Comtes avec 5 ou 6 Maîtres au plus.
Ses Officiers.
A présent la Chambre est composée de 13 Présidens, 74 Maîtres, dont 16 ont la pension de Conseillers d’Etat qui est de 1500 l. de rente, de 34 Correcteurs, & de 70 Auditeurs, un Avocat ou Procureur du Roi, 4 Substituts, un Controleur de Régistres, 2
PARIS. – "V
Greffiers en chef, un Greffier au Plumitif, 2 Commis au Greffe, un Garde-livre par Commission, & aï Procureurs : tous ces Officiers fervent par Semestre, hors le premier Président & les gens du Roi ; il y a des bureaux, le premier tenu par le premier Président & les 3 anciens de chaque Semestre, le second par les 3 autres Présidens ; les Maîtres fervent alternativement dans chaque bureau de mois en mois ; Mr. Nicolay est premier Président & le 7. de sa famille ; les enfans de France ont droit d'avoir une Chambre des Comptes dans leur appanage ; il faut remarquer que les Officiers des Comptes ne portent la robe longue que depuis 1660, qu'elle leur fut accordée à l'entree de la Reine.
Cour des Aide.
Quant à la Cour des Aides, c'est un Tribunal dont l'institution est assez moderne, par la raison que les Impositions dont elle connoit sont elles-mêmes d'une date assez moderne ; le Roy Jean, en 1355, fit par declaration une Imposition fixe lur le sel, & de huit deniers par livre sur toutes les ventes des Marchandises ; cet Impôt qui fut consenti par tous les Etats du Royaume assemblez, fut nommé, Ayde & Gabelle ; le même Roi établit des Juges pour connoître des différens qui surviendroient à son occasion ; les uns en premiere instance, & les autres en dernier ressort : Cette ordonnance porte qu'il fera choisi en chaque baillage un Elû de chacun des 3 Etats & 3 Généraux, pour avoir autorité sur tous les Elûs, qui feront pareillement tirez des 3 Etats, pour connoître par les Elûs des matieres des aides en premiere instance, & par les Généraux en dernier ressort sur les appellations des jugemens des Elûs. Les premiers Généraux furent de l'Ordre du Clergé, l'Evêque de Dole, l'Abbé de Bonneval & Pierre Dangeau du Corps de la Noblesse ; le Comte de Forêt, le Sieur de Renel & le Sieur de Loupes, du tiers Etat, Humbert de Lions, Jean de S. Benoît & Maurice d'Espernon. Cet établissement fut confirmé par les Etats Generaux tenus à la S. André, en 1356, en presence du Dauphin pendant la prison de son pere : le Roi étant de retour en France en conséquence des traitez de Calais & de Bretigny le ratifia & confirma par lettres patentes. Charles V. étant parvenu au trône en fit autant, & on remarquequil y avoit dès-lors en cette Cour un Procureur général & un Greffier. Charles VI. augmenta l'autorité de la Cour des Aides, en lui donnant le pouvoir de changer & de réformer les règlemens des Finances, même d'en faire de nouveaux & de réformer ses propres jugemens, en cas de proposition d'Erreur, en appellant 5 ou 6 personnes du Conseil du Roi ; elle avoit dès-lors connoissance des matieres criminelles jusqu'à punition de mort, pour marque dequoi son Poteau de jurisdiction fut dressé dans la Cour du Palais proche la Sainte Chapelle, & c'est encore le lieu de l'éxécution de ses arrêts en matiere criminelle.
La maniere dont la jurisdiction des Finances étoit administrée dans les premiers tems est assez embrouillée, à cause des desordres où l'Etat se trouvoit en general ; cependant il paroit que les Trésoriers de France au nombre de deux ou de quatre connoissoient du Domaine de la Couronne, & qu'ils en avoient l'administration de la direction, avec les quatre Généraux de Justice & les Conseillers aussi sur le fait de la justice éxerçoient d'abord conjointement leur Jurisdiction, mais qu'ils furent ensuite divisez, comme il paroit par l'ordonnance de Nancy de 1444. depuis cette séparation les Généraux des Finances avoient leur Chambre, où le Chancelier se rendoit quelquefois, mais les Généraux & Conseillers de Justice n'y avoit point d'entrée, au lieu que les Généraux des Finances ont depuis été réunis aux Trésoriers de France, & on ajouta aux Officiers de Justice un Président sous le regne de Charles VI. les Présidens de cette Cour furent sucçessivement l'Evêque d'Evreux, celui de Chartres, l'Evêque de Sens, celui de Besançon, le Seigneur d'Albret, & c. & en 1460, Louïs Raguier, Eveque de Troye, en étoit Président. En 1470, le Roi fixa le nombre des Officiers de cette Cour à 8 personnes, un Président, 4 Généraux, 3 Conseillers, un Avocat & un Procureur General, avec un Greffier. En 1474, le lieu de leur Jurisdiction, qui étoit près de la Chambre des Comptes, fut transfera dans la Chambre de la Reine, En 1522, François I. créa un second Président & alors
ugl’ancien
ugl’ancien la qualité de premier ; il créa aussi un deuxième Avocat General & augmenta aussi le nombre des Conseillers. Henri II. créa une deuxième Chambre de la Cour des Aides par Edit du mois de May ; 1551 ; en augmenta le pouvoir, lui attribuant celui de corriger & punir les Officiers de son Corps, & la connoissance des decrets des Comptables, l’ordre de la discussion de leurs biens, & la distribution du prix ; il voulut rendre cette Compagnie Semestre ; mais l’Edit en fut revoqué, au moyen de la création de 6 Conseillers nouveaux ; François II. ordonna en cas de conflit de jurisdiction entre le Parlement & cette Cour, que les gens du Roi de l’une & l’autre s’assembleroient pour convenir ; on ils ne conviendroient pas, un Président des Aides & 2 Conseillers iroient conferer en la grande Chambre, où le Président auroit place à la tête du Banc de la droite & les Conseillers au bureau.
Louis XIV.
Louis XIII, en 1636, créa une troisième Chambre en la Cour des Aides, mais le Roi * regnant l’a augmentée en total de 2 Présidens, 6 Conseillers & 3 Avocats Generaux ; le ressort de la Cour des Aides est pareil à celui du Parlement de Paris, à la reserve de l’Auvergne, qui en fut distraite en 1551. par la Création d’une Cour des Aides en cette Province.
Quant à sa compétence, elle connoit en dernier ressort, tant en matiere Criminelle que Civile, des appellations de tout procès concernant les Aides, Gabelles & 5 grosses fermes ; droits d’entrée & de sortie ; Ottrois des Villes & de toutes Impositions ; du titre de Noblesse, quand le Privilège est contesté ; de l’entérinement des lettres de Rehabilitation pour cause de dérogeance ; de tous différens entre les Fermiers des droits du Roi, leurs Associez & Cautions, Commis ou Interessez ; des Saisies réelles & droits des Comptables ou redevables à sa Majesté : Elle est depositaire des Officiers des Maisons Royales & juge de leurs privilèges ; ce que ne sont ni les Parlemens, ni les Cours des Aides des Provinces ; les Committimus n’étant delivrez à la Chancelerie que sur les Extraits du Gresse de la Cour des Aides de Paris.
Cette Cour est à présent composée de 3 Chambres, où il y a 8 Présidens, y compris le premier, qui est Mr. Le Camus ; 40 Conseillers, 3 Avocats Generaux & un Procureur General, 4 Greffiers en Chef, 4 Secretaires de la Cour, un Greffier criminel, un des présentations, un des decrets, & 2 principaux Commis pour l'éxpedition des arrêts ; le rang de cette Cour est après le Parlement & la Chambre des Comptes.
Le tems de l’institution des Trésoriers de France n’est point connu, les plus anciennes Ordonnances en sont mention, leur fonction a toûjours été de veiller à la conservation du Domaine, mais leur nombre n’étoit point fixé avant 1311 ; il n’y en avoit qu’un cette année, & on en créa un second ; En 1320, il y en avoit 4, ils furent réduits à 2 par Ordonnance de Charles VI. en 1400, qui porte suppression des Trésoriers au fait de la justice, & veut qu’en cas de difficulté sur les jugemens, les Trésoriers se conseillent aux gens du Parlement & des Comptes, les appellant en la Chambre du Trésor, si besoin est. En 1450, le nombre des Trésoriers fut fixé à 4, & l’on fit une direction du Royaume en 4 départemens qui furent attribuez à chacun d’eux, entre Semi-Languedoc, Languedoye & Normandie. Cet Ordre a duré jusqu’en 1542 : que François I. par Edit du mois de Janvier créa 16 Recettes generales en 16 Villes principales du Royaume, & en chacune un Receveur Genéral des Finances ; Henri II. créa un Trésorier des Finances en chaque recette en 1551, pour y remédier, avec faculté aux anciens Trésoriers de choisir leur (1) résidence. Delà s’est formé chaque bureau des Finances, où l’on augmente le nombre des Trésoriers à discretion : En 1577, Henri III. unit les Charges des Generaux des Finances à celle de Trésoriers, à cause de la connexité de leurs fonctions ; En 1581, il créa un sixième Tresorier de France & un Président en chaque bureau : En 1586, deux autres Trésoriers, & par différens Edits subsequens, le nombre en a été encore très-considérablement augmenté.
(1) Reord. dans le Ms.
PARIS.
Voyeriez unies au Bureau.
En 1626, par Edit du mois de Janvier, le Roi Louis XIII. supprima loffice au Grand Voyer, dont étoit pourvû le Comte d'Orval, qui avoic ete cree en, 599 pou. le Duc de Sully Surintendant des Finances, & l'unit aux charges de Trésoriers de crance de chaque Bureau, chacun dans l'étenduë de sa Généralité, sur le fondement que les fonctions de cet office avoient appartenu auparavant aux memes Trésoriers ; il leur attribua de plus la juridiction contentieuse du Domaine en premiere instance révoquant, quanta ce l'Edit de 1516, qui en donnoit la connoissance aux Baillifs & Sénéchaux ; la Charge de Voyer particulier de Paris ayant été supprimée en 1635, fut unie au Bureau des Finances de cette Ville, & c'est en conséquence de cette Union qu'ils ont dans la Ville & Vicomté de Paris la direction des Chemins, rues & pavez des Maisons & Edifices qu on ne peut établir sur la voye publique, sans avoir pris d'eux les permissions & allignemens nécessaires des grands chemins & chauffées dans toute l'étendue de la Generalité.
Le Sieur de Fourcy, Trésorier de France, eut le crédit de faire eriger en Charge la Commission de Surintendant des bâtimens qu'il avoit, & dont il se fit pourvoit en titre ; après quoi il vendit sa Charge de Trésorier, conservant la nouvelle, laquelle fut par ce moyen retranchée du bureau des Trésoriers de France.
Les Brevets des Tailles ; les sommes qu'il plait au Roi de faire lever en chaque Generalité leur sont convoyées tous les ans aussi bienquaux Intendans pour avoir l'avis de a Compagnie touchant la répartition qui en doit être faite sur chaque Election ; al effet dequoi ils se partagent & se transportent dans tous les sièges d'Elections pour sinformer de l'état des biens de la terre, de l'abondance, médiocrité ou sterilité des recoltes, & en fuite ils rendent leurs avis au Conseil, en même tems que l'Intendant ; sur lesquels on éxpedie les Commissions, scellées du Grand Sceau, adressantes aux Intendans, Trésoriers de France, Elûs, contenant les sommes auxquelles chaque Election est taxée, sur lesquelles on éxige le payement, après avoir reçu l'attache du Bureau des Finances.
Deux des Trésoriers de chaque Bureau ont Commission du Conseil pour faire avec l'Intendant le département des Tailles, & travailler aux affaires qui lui sont adressées pour le service du Roi. Il y en a aussi 3, qui ont Commission faciale de la direction du Pavé de Paris & des Chemins, Ponts & Chaussées de toute la Generalité.
Les Etats des Finances arrêtez par le Roi sont envoyez chaque annee au Bureau pour en être le payement par lui ordonne en recepte & dépense aux Officiers & personnes y comprises, en pensions, Fiefs, aux mêmes gages, augmentation de gages & autres parties specifiées dans ces états : surquoi le Bureau délivre aux Receveurs Généraux des états de recouvrement & de payemens, auxquels tant les Officiers Compta es que les Commis sont tenus d'y prêter le serment & d'y compter par état au vrai, avant de pres enter leur compte à la Chambre des Comptes.
Erection d'une feconde Chambre.
Les Trésoriers sont du Corps des Compagnies souveraines ; ils ont leur séance à la grande Chambre, quand ils y sont mandez, & autrement au banc des Baillis & Senechaux ; & au dessus d'eux ils Sont reputez Officiers domestiques & Commenseaux, & jouïssent des mêmes Privileges ; ils ont la direction des bâtimens & réparation du Palais de Paris, mais outre ces prérogatives, le Roi, par son Edit en 1693, a incorpore au Bureau des Finances de Paris les fonctions & juridictions de la Chambre duresor qu'i supprimé ; à l'effet dequoi il a créé un deuxième Président, 7 autres Trésoriers & 4. Commissaires Généraux sur le fait de la Voyerie, au moyen dequoi le service des Présidens est devenu Semestre continuel, parce qu'ils passent six mois au Bureau & six mois à la Chambre du Domaine ou du Trésor. La Compétence des deux Chambres a été reglée par le même Edit qui ordonne que ['enregistrement des Lettres d'Anoblissement Réhabilitation, Légitimation, Erections, Pensions, & autres affaires des Finances & Voyeries, qui jusqu'alors avoient appartenu aux Trésoriers de France, seroient jugees au Bureau, & celles concernans le Domaine, les Confections ou renouvellement es Terriers, l'enregistrement & l'éxecuDon des Brevets, lettres de dons accordez pare Roi, appar-
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tiendront à la Chambre du Domaine ; ces deux Chambres sont composées de 6 Présidens, dont deux sont premiers ; 29 Trésoriers, 2 Avocats & 2. Procureurs du Roi, un Greffier en chef, 2 Greffiers au Plumitif, 4 Commissaires Généraux, & c. Ces Chambres conservent les Etats du Roi, des Finances, du Taillon, du Domaine, & des bois qui leur sont envoyez tous les ans, les états au vrai des Comptables & tous les titres concernant les Domaines.
Cour des Monnoyes.
Quant à la Cour des Monnoyes, l'Auteur en cherche l'antiquité jusques parmi les D recteurs de la monnoye Romaine, qui étoient nommez Tres Viri Monetales, & la trouve par les fonctions des Généraux des Monnoyes, dont il est parlé dans l'ancienne Histoire ; il dit que Philippe le Bel fixa la demeure de ces Officiers à Paris, & que leurs Charges furent depuis unies à celles des gens des Comptes jusqu'en l'an 1358, qu'elles en furent distraites & leur jurisdiction placée au dessus de la Chambre des Comptes, où elle est demeurée jusqu'en 1686, que le Roi leur a accordé le Pavillon de la Cour neuve du Palais ; Henri II. érigea ce Bureau en Cour souveraine par Edit de Janvier 1551 :
Sa Juridiction.
Sa Compétence est de connoître en dernier ressort des Mines, Métaux & Poids, de la fabrique des Monnoyes, du Titre, Prix, Cours & Police des especes d'Or & d'Argent, des différens entre les officiers & artisans qui y sont employez, & recevoir les appellations des jugemens des Chambres particulières de monnoyes & autres justices de sa dépendance. Elle est à présent composée de 9 Présidens, dont l'un est le premier, de 36 Conseillers, 2 Avocats Généraux, un Procureur General, 2 Substituts, un Greffier en chef, un Prévost General des Monnoyes & Maréchaussée de France, lequel a séance en la Cour ; il a plusieurs Lieutenans Exempts, un Procureur du Roi, un Assesseur, un Greffier & 40 Archers. On garde en cette Cour les poids originaires de France, sur lesquels tous ceux des Villes du Royaume sont étalonnez, & elle commet tous les ans un Conseiller pour faire appliquer le Poinçon du Roi sur les nouveaux Etalons. L'Auteur voudroit, à l'occasion de cette Cour, découvrir les premiers Inventeurs de la Monnoye ; mais son erudition ne s'étend pas si loin ; il se restraint à dire que les Romains ont porté sa fabrique à la perfection, & que de tout tems le droit de frapper monnoye a été attache à la souveraineté, il auroit peut-être fait une digression plus utile, en nous apprenant comment il est arrivé, malgré son principe, que. tous les Seigneurs François Ecclésiastiques & Seculiers ont joui sans contradiction du droit de battre Monnoye pendant plus de 600 ans ; & comment il est arrivé dans la fuite que les Rois les en ont dépouillez, & en ont fait un appanage de leur souveraineté.
Table de marbre.
L'Auteur toûjours attentif à l'antiquité, sans jamais d'approfondir, entreprend d'éxaminer celle de la jurisdiction des Eaux & Forêts, de la Table de Marbre de Paris ; puis se rabattant tout à coup il se contente de dire, qu'elle fut établie, il y a plusieurs Siécles, pour connoître des abus & malversations qui se commettoient dans les bois & forêts du Roi, des Communautez & des particuliers ; des entreprises sur les Rivieres, Isles, Islettes ; & de tous procès pour raison des moulins & bâtimens dessus les Rivieres ; de la Pêche, de la Chasse, des droits de Grueries, Tiers & Danger tant au Civil qu'au Criminel entre toutes personnes ; que son ressort s'étend beaucoup plus que celui du Parlement, parce qu'elle reçoit les appellations des Maîtrises particulières & des Justices Seigneuriales, non seulement de son étendue, mais de celles des Parlemens de Grenoble, Dijon, Pau, Bourdeaux & Metz, où il n'y a point de Table de marbre ; & enfin qu'elle a droit de prevention sur les officiers des Eaux & Forêts des autres Parlemens, les principaux officiers des Maîtrises, les Capitaines des Chasses & de la Louveterie y sont reçus, es Ducs & Pairs y procedent par privileges, nonobstant tout droit commun & éxception même de Committimus.
La juridiction de la Table de marbre a cela de singulier que ses jugemens sont quelquefois orinaires, c'est à dire, sujets à l'appel, & quelquefois ils sont souverains ; les appellations de l'ordinaire ressortissent au Parlement, mais elle juge en dernier ressort les
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procès de reformations & malversations, délicts, dégradations & autres matieres avec un Président & 7 Conseillers de Grande Chambre ; les Grands Maîtres des Eaux & Forêts ont droit d'y présider & alors les jugemens sont intitulez de leurs noms. Lors qu'il n'y avoit qu'un grand Maître des Eaux & Forêts, il n'y avoit aussi qu'un Lieutenant en cette Jurisdiction, mais le Roi François I. y établit des Conseillers. Henri & François II. y deleguerent des Juges. Ainsi elle est à présent composée de 2, le général & le particulier de 6 Conseillers, un Procureur & un Avocat General, & c. II y a de plus une Maîtrise particuliere dont la jurisdiction se restraint à la Vicomté & Prévosté de Paris.
Connêtablie. Marêchaussée.
La Connêtablie & Maréchaussée de France est proprement une Justice militaire, unique & universelle dans tout le Royaume –, sa jurisdiction s'étend sur tous les Présidens généraux, provinciaux & particuliers, Vice-baillis, Vice-Senêcheaux, Lieutenans de Robe courte, Chevaliers du Guet, leur Lieutenant, Assesseurs, Greffiers, Commissaires, Controleurs à faire montre, Trésorier de la solde, Receveurs, Payeurs des Compagnies, & des Procureurs du Roi des mêmes jurisdictions ; elle connoit de tous les Procez, entre officiers & gens de guerre pour malversations, ventes de vivres & munitions, armes, chevaux & équipages, nonobstant le privilège de Commïttimus, en attribution de Châtelet ; ses jugemens sont instituez de la part des Connétables & Maréchaux de France ; celle de Paris est composée de 2 Lieutenans, général & particulier, un Avocat & un Procureur du Roi ; les 4 officiers sont Commensaux & prennent la qualité d'Ecuyers ; le Prévost General de la Connêtablie a sous lui 4 Lieutenans, un Procureur du Roi, un Greffier, 4 Exempts & 48 Gardes avec un trompette ; cette Compagnie fait ses montres & sert à l'armée. Le Prévost General de l'Isle de France dont la fonction est de veiller à la sûreté publique des environs de Paris, a 4 Lieutenans & un Guidon, 8 Exempts & 100 Archers, divisées en 7 brigades, il y en a 35 à cheval, le Prévost de la Monnoye doit être au même rang, mais il en a déja été parlé.
Amirauté.
L'Amirauté de Paris étoit autrefois jointe à la Table de marbre, mais on l'a separée pour former une jurisdiction particulière, qui est considerable, par le droit qu'elle a de recevoir les appellations des Amirautez de la Rochelle, Calais, Boulogne, S. Vallery, Montreuil, Abbeville & autres lieux ; elle connoit de tout commerce par Mer, des naufrages & débris des vaisseaux ; elle est composée d'un Lieutenant, 4 Conseillers, Avocat & Procureur du Roi.
Baillage du Palais.
Le Baillage du Palais est une petite jurisdiction composée d'un Bailly, un Lieutenant & un Procureur du Roi, qui connoit au Civil & au Criminel, même des cas de Police dans l'étenduë des Salles & Cour du Palais.
Du Châtelet.
La Justice ordinaire de la Ville Prévosté & Vicomté de Paris, qui s'exerce sous le nom u Prévost de Paris, est le Châtelet ; tous les Jugemens & les Actes des Notaires passez sous le scel de cette justice, sont intitulez de son nom sle Prévost commande la Noblesse à l'Armée & la convoque à son Hôtel pour le service du Roi ; sa jurisdiction est composée du Lieutenant Civil, du Lieutenant de Police & du Lieutenant Criminel, 2 Lieutenans particuliers, 57 Conseillers, dont l'un d'épée créé en 1691, 4 Avocats & un Procureur du Roi, 8 Substituts, un Greffier en chef avec plusieurs autres, un Juge Auditeur, 48 Commissaires des quartiers, 113 Notaires, 235 Procureurs, 380 Huissiers à cheval, 240 Huissiers à verge & 108 Huissiers priseurs ; il y avoit autrefois dans la Ville de Paris plusieurs Justices Seigneuriales & particulières qui furent toutes supprimées par Edit de l'année 1674 –, & pour y suppléer, le Roi créa un second Châtelet qui fut aussi supprimé par autre Edit du 7. Sept. 1684, & réuni à l'ancien.
Le Lieutenant Criminel de Robe Courte de la Prévosté de Paris, est une Compagnie composée de 4 Lieutenans, 7 Exempts, & 10 Archers, qui sont aussi Huissiers de Châtelet ; le Chevalier du Guet a une autre Compagnie, composée d'un Capitaine, 4 Lieutenans, un Guidon, 8 Exempts, 50 Archers à cheval, un Enseigne, 8 Sergents de
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commandement & 100 hommes de pié, 2 Greffiers Controlleurs & un payeur des gages. Le Parlement tient sa séance au Châtelet quatre fois l'an, le mardi de la semaine Sainte, le Vendredi devant la Pentecôte, la Veille de Simon & Jude, & la Veille de Noël.
De l'Election.
L'institution des Elections a été rapportée en partant de la Cour des Aides –, leur j risdiction s'étend sur l'affiette des Tailles & sur les différens qui en résultent, ou des I positions des Aides, entrées de Ville & de tout autre subside, à la reserve des droits domaniaux & des gabelles ; celle de Paris est composée d'un Président, un Assesseur, 5 Elus, un Avocat & un Procureur du Roi, 2 Receveurs des Tailles, & c.
La Varenne du Louvre.
La Jurisdiction de la Varenne du Louvre connoit du fait des Chasses dans les plaisirs du Roi. Celle de l'Hôtel de Ville s'étant tant sur les rentes de la Ville que sur les Taxes des vivres & denrées qui arrivent à Paris sur la riviere, grains, vins, bois, charbon, poissons, fruits, & c. & sur tout les différens entre les Voituriers par eaux & les Marchands ; elle est éxercée par le Prévôt des Marchands, 4 Echevins, 26 Conseillers, un Procureur du Roi, un Greffier : les appellations en vont au Parlement, les autres officiers de la Ville sont le Receveur, 16 Quartiniers, 224 Dexiniers & 3 Compagnies d'Archers de 100 hommes chacune.
Des Consuls.
Enfin la jurisdiction des Consuls fut établie par Charles IX. en 1563 ; pour prévenir entre les Marchands les longueurs de la procédure, elle connoit de toutes les causes en s procès concernant le Commerce, & fait des Marchandises entre Marchands, soit lettres de Change, promesses, obligations, contracts, traitez de societez, & encore entre les gens d'affaires & les Notaires, pour le payement des billets à volonté : l'appellation des jugemens de cette Cour depuis 500 l. & au dessus se porte au Parlement, mais au dessous ils sont executez nonobstant l'appel.
Le Consulat de Paris qui se renouvelle tous les ans par Election, & qui est pris du nombre des anciens Conseillers, est composé d'un Juge Consul, de 4 Conseillers, qui sont élûs pareillement d'entre les Marchands, d'entre les Greffiers & 4 Huissiers ; les Juges prêtent serment au Parlement & choisissent leur Greffier, parce que le Consulat acquit le Greffe de sa jurisdiction dès le tems de son établissement ; les Huissiers sont Procureurs de l'heredité & sont seuls compétens pour signifier les Sentences rendues par défaut.
Les Marchands avoient autrefois un lieu d'assemblée pour conférer de leurs affaires, mais l'incommodité de sa situation qui étoit proche du Palais, l'a fait abandonner, ce qui a causé de grands inconveniens, parce que les assemblées étant interrompues, les Marchands pour traiter entr'eux ont été contraints de se servir des Courtiers de change, qui se sont rendus maîtres de l'argent, & l'ont fait profiter pour leur compte ; l'Auteur ait, que plusieurs d entr'eux ont fait de grosses fortunes par ce moyen, & que le remede à ce mal seroit d'établir une place fixe pour tenir les assemblées qui fut commode aux Marchands ; on avoit autrefois proposé d'acheter quelques maisons voisines de la jurisdiction des Consuls, mais cela ne s'est pas éxecuté.
Corps de metiers.
Les six Corps de Métiers de Paris sont les Apoticaires, les Drapiers, les Epiciers qui sont un Corps ; les Merciers, Jouailliers, Clinquailliers, qui en sont un autre ; les Pelletiers, les Bonnetiers, & les Orphevres, les Libraires, les Marchands de bois, de vin, & de laine, ont le même privilege que les 6 Corps précédens pour parvenir au Consulat.
Justices & Terres considerables de la Generalite.
Le justice & Terres plus considérables de la Généralité sont les suivantes : Dans l'Election de Paris, la Prevosté de Corbeil, les Châtellenies de S. Marcel, S. Denys, S. Maur, Gonesse, Montmorency, Argenteuïl, S. Clou, Villeneuve, S. George, Chelles, Cagny Brie, Comte Robert, Montlery & Poissy : Brie par engagement & Moisy au Président de Mesme : Champlatreux, Laffy & Luzarches au Président Molé : Chevreuse Duché, S. Denys & n ou 12 Paroisses aux Dames de S. Cyr : Bruyere à M.
le Mayrat, c'est un Marquisat –, Chartres à M. le Marquis de Lalande ; Chilly, Long* jumeau & Massy à M. le Marquis d'Effiat : Conflans, Eragny, & Neuf-ville, au Président de Mesnart : Croissy, Torcy, & Collégien en Brie, à M. de Torcy Secrétaire d'Etat : Airné sur Seine, à M. le Duc d'Antin : D'Ampierre, Duché, à M. le Duc de Chevreuse : Montmorency, ou la Duché d'Enguyen, Epinay, Moiselle, Montigny, Taverny, laVarenne, S. Maure, Lepleffis, Rouchard, Saincourt, S. Maur hors la Varenne, S. Brice, Soissy, Franconville, à M. le Prince ; la Duché de Montmorency est ; composé de 36 Villages, 12 hameaux, & il y a 172 fiefs dans sa Mouvence. La Queuë au Duc de Charôt ; la Grange, Marquisat, à M. le Lievre ; le Blanc Mesnil, & le Bourget, à des héritiers. Luiry en Laonnois & Seyran, au Marquis de Luiry Sanguin, Le Signy au Sieur de la Foret Darmaillé, Poifiy, Maisons, Ste. Janïës, Aigremont, Pierre Laye, au Président de Maisons. Mante sur Marne, au Sieur de la Vieuville Maître des Requêtes ; Mousify le neuf, au Marquis de Rothlin ; La Baronie de Montjay Torrigny, & les Fourneaux au Duc de Tremes ; Monthlery par engagement à M. de Pontchartrain intendant de Paris ; Paloiseau Champlau, à M. de Paloiseau d'Harville, à présent M. de Pomponne ; Pomponne, au Marquis de ce nom, du nom Arnaud ; S. Gatien, au Maréchal de Catinat ; S. Cloud, Duché, à l'Archevêque de Paris ; S. Non la Bretêche, au Sieur de Pommereux, Conseiller d'Etat ; S. Non de Levy, au Duc d'Usez ; S. Yon Boissy, S. Sulpice, Tarfou-Brie, Vaugrigueux, au Président de Lamoignon ; Sceaux, le Plessis Raoul, les Bagneux, Chatillon, Chastenay, au Duc du Mayne ; Serron, au Comte de ce nom ; Soisy & Etiole, au Président de BailJeul ; Savigny sur Orge, Marquisat, au Marquis deVins ; Le Tillet, à M. de la Cour des bois, Maître des Requêtes ; Villeneuve le Roi à Blon, au Président Pelletier ; Villepreux, a M. de Maulevrier Colbert ; Villemenoux, au Président de Bretonvilliers ; Ville Cresme, au Duc d'Aumont ; Villemaison, au Marquis de Noailles ; Villemaine près Poissy, au Comte de Saux Tavannes ; Villeroy, Duché Pairie, erigée en 1651, verifie le 15. Septembre 1663, est composé de 12 Paroisses & plusieurs Fiefs ; il y a 43 terres nobles de sa Mouvance ; Aunay lès Bondis, à M. de Gourgues, Maître des Requêtes ; Bonneval en France, à M. de Ploulay, Conseiller d'Etat ; Brefsy S. Martin, ci-devant au Marquis de Boucheraulle, à présent à ..... ; Chasoy, à M. de Fourcy, Conseiller d'Etat ; Fresnes le Rougis, ci-devant au Cardinal de Furstemberg ; Coubert, au Comte de.... ; Grisy, au Sieur Pinon, Président des Trésoriers de France ; Mailleres, Baronie, au Président Boulanger ; Boucquerat, au Sieur de S. Haurent, Marêchal de Camp ; Deuil à M. de Chateauneuf, Secrétaire d'Etat ; Montmagny, au Sieur de Mallebranche, Conseiller ; Joigny, Mareuil en France, Villers le Sec, Fontenay lès Louvres, au Duc de Tresmes ; Villetaneuse, aux hoirs du Sieur Girard ; Rousiy, au Comte d'Avaux ; Gousianville, au Président de Nicolay ; les justices de Montmorency, Villeroy, Fontenay, Roissy & Goussanville, ressortissent directement au Parlement.
Election de Sentis.
Dans la Ville & Election de Senlis, il y a un Baillage, Siège presidial, une Prevosté Royale, Election, Grenier à Sel, Maréchaussée, Maîtrise & Capitainerie Royale. Le Baillage de Senlis est régi par une Coûtume particulière, qui fut rédigée en 1339 : Elle comprend Pontoise & Compiegne ; les Justices de cette étendue sont Chantilly, à M. le Prince, laquelle étant passée de la famille d'Orgemont à la Maison de Montmorency, est demeurée & unie à la Duché de ce nom jusques en 1633, que le Roy retint cette terre qui est une des plus ornées du Royaume entre celles qui lui furent ajugées par l'arrêt de condamnation du dernier Duc de Montmorency ; la Reine mere la donna à M. le Prince, pendant sa regence ; mais les Guerres Civiles & la retraite de M. le Prince étant survenues, le Roi s'en remit en possession & ne la remit en toute propriété à M. le Prince qu'en l'an 1661. Elle vaut 14000 l. de rente, & a de grandes mouvances, sur tout depuis les acquisitions que les Princes de Condé y ont jointes suc-
ceffivement ; Verneuïl, Duché érigée pour Madame d'Entragues ; il vaut 12000 l. de rente. Precy & Marlou, au Duc de Luxembourg, vaut 10000 l. de rente. Beaumont sur Oyse & Bornel, à M. le Prince de Conti, 17000 l. Pont Ste. Mexance, qui releve de Chantilly, au Duc de S. Simon 10000 l. Villiers S. Paul, au Duc de Sully héritier de Madame de Verneuil, 3000 l. Ruray, au Marquis de ce nom 50000 l. Ermenouille en décret, 11000 l. Presque tous les Nobles de cette Election sont attachez à la Cour ou à la Ville ; peu resident sur les lieux. L'Auteur en compte néanmoins 72.
La Justice de Compiegne est exercée par un Lieutenant du Bailly de Senlis, il y a de plus Election, Grenier à sel, & 2 Maîtrises, l'une pour la Forêt du Roi & l'autre pour celle de Loigne, qui appartient au Duc d'Orléans. Les principales terres de cette Election sont Mouchy, érigée en Duché, sous le nom d'Humieres en 1688. Cette Terre a passé au puisné du Duc d'Aumont, qui a pris le nom d'Humieres en conséquence de son mariage avec l'heritiere ; elle vaut 20000 l. de rente, & a de grandes mouvances. Blarnoy & Longueville sous Thomette au Duc d'Humieres, à droit de sa mere en partie heritiere de l'Archevêque d'Auch, du nom de la Motte Houdancourt, valent 2000 l. Joux, au Marquis de Mirepoix, aîné du nom de Levy, 2000 l. S. Sauveur, au Marquis de Vieupont, 1000 l. Fayes & Accourt, au Comte de la Motte, héritier en partie du même Archevêque d'Auch, 6000 l. Meux, au Marquis de Roville, 2000 l. II ne reside que 22 Gentilhommes dans l'Election.
Election de Beauvais.
Beauvais, outre le Siège présidial, contient la Justice de la Pairie & Comté de Beauvais, une Election, un Grenier à sel, & une Marêchaussée ; le Présidial qui ne fut créé qu'en 1580, comprend le ressort des Baillages de Chaumont en Vexin & de Magny, distraits de celui de Senlis, les Prevostez de Milly, Balles & la Neufville, du ressort de Clermont, & les Prevostez de Beauvoisis à 5 lieuës à la ronde, du ressort de Laon ; ce qui fait qu'il est régi par des Coûtumes fort différentes : ce Siège est composé de 18 officiers ; la Charge de Lieutenant General vaut 25000 écus. La Justice & Police de la Ville appartient à l'Evêque, qui a un Bailly, sous lequel sont 3 Lieutenans & ce même Evêque a une juridiction des Eaux & Forêts.
Les principales Terres de l'Election sont la Comté de Beauvais, dont relevent 300 Fiefs & le Vidamé de Gerberoy qui en a 150, dans sa mouvance ; lesquels Comtez & Vidamé sont unis à l'Evêché. Cagny, à présent Boufflers, Duché, au Maréchal de ce nom, érigé en 1695, vaut 20000 l. Mouchy le Chastel & Villars au Maréchal de Noailles, vaut 13000 l. Meua, a M. le Prince de Conti, 7000 l. Aunevil relevant de l'Evêché 3000 l. Auteuil, au Sieur Gombaud, relevant de l'Evêché, 5000 l. Achy, à la famille de Caivoisin, aussi relevant de l'Evêché, 6000 l. Ibany, Marquisat, au Sieur Dauville, du nom d'Auxy de Monceaux, 6000 l. Belloy, Baronie, & l'Huis, Comté ci-devant au Président de Menevillette, 6000 l. Campeaux, au Marquis de Thoury, du nom de Clermont, relevant du Vidamé, 4000 l. Savigny, mouvant de l'Evêché, au Sieur Marquis de Biez, 6000 l. Fontaine la Vagnagne, relevant du Vidamé, à Madame la Grange 6000 l. Les Maisons distinguées de cette Election sont celle de Goufsier, dont les Sieurs de l'Ouveuse Cadets de la Branche de Choix & celle de Gaudeschard dont le Sieur de Bachevilliers........ II y a en tout 100 Gentilhommes, residens dans l'Election ; un Auteur mieux instruit auroit pû joindre aux Maisons distinguées de ce canton, celle d'Auny, de Monceaux, dont le Marquis Dauville est le chef de cette Tournelle, & quelques autres.
Pontoise.
Pontoife possédé une Lieutenance du Bailly de Senlis, deux Prevostez Royales, une Election, un Grenier à sel, une Marêchaussée & une Officialité, dont l'appel se reléve a Rome. Les principales Terres de son ressort sont, ...... au Marquis de Saint Chamant, 12000 l. Sandricourt, Marquisat, au Marquis du même nom, aîné de la Maison de Rouvroy S. Simon, 10000 l. Ablege le Comte, au Sieur de Maupeou d'Ableges, ci-devant Intendant à Poitiers, 10000 l, Liste-Adam, Baronie, à M. le Prince de
Conti, 220201. Chars, à la Marêchale de Crequy, 6000 h Marines, aux héritiers du Marquis de Crequy, 12000 !. Vaurnet au Sieur le Bel, fermier General, 2000 l. Epiais, Grizy & Vallangou]ard, au Duc de Duras, 13000 l. Il y a dans cette Election 47 hautes justices & 27 Gentilshommes résidens.
Mantes.
Mantes possedé un Baillage & Siège principal, une Prevosté Royale, une Election, un Grenier à sel, une Maréchaussée. Meulau, ancienne Comté, possédé aussi un Baillage, ils sont l'un & l'autre régis par une Coûtume particulière, le Baillage de Mantes a 18 officiers. Les principales Terres de l'Election sont, Rosny, Marquisat, au Duc de Sully, 12000 l. Blaru, au Marquis du même nom, l'un des Lieutenans du Roi de l'Isle de France du nom de Tilly, 10000 l. Rozay, au Sieur Briçonnel Conseiller, 5000 l. Goupillere, au Sieur le Crocy, Maître des Requêtes ; Vigny, Baronie, au Prince de Rohan, 5000 l. Vaux, au Marquis de S. Simon ; Lenancourt & Gargeville, au Sieur Giffard –, Laniville au Sieur Comte de Brinon Senneterre ; Sully aux Seigneurs de ce nom. Parmi la Noblesse de cette Election, l'Auteur distingue les familles de Halcot de Juin Cauville, de la Vaux, de Bernapré, la Ruë, & c.
Election de Montfort.
Montfort possédé deux Baillages ; l'un Royal, & l'autre Ducal, une Election, un Grenier à sel, une Maîtresse, une Maréchaussée. L'an 1465, le Roi Louïs XI. accorda au Duc de Bretagne, Comte de Montfort, que les jugemens des Juges de cette Comté resortiroient sans moyens au Parlement ; ils sont régis par une Coûtume particulière, qui subsiste malgré les grands changemens qui y sont arrivez dans tous les tems ; cette rerre a été changée avec la Duché de Chevreuse par contract du premier Fevrier, 1692, & en même tems érigée en Duché, en faveur de la Maison d'Albret Chevreuse ; en conséquence dequoi le Roi a supprimé l'ancienne Justice, qui s'y rendoit en son nom, érigeant un simple Bailly de Robe Courte pour les cas Royaux ; les Justices de Houdan & de S. Leger qui en étoient dépendantes, ont été pareillement supprimées ; cette Duché qui appartient aujourd'hui à M. le Comte de Toulouse, vaut avec Houdan 30000 l. de rente.
Les principales Terres de l'Election sont Pontchartrain, Comté, à M. le Chancelier, du nom de Philippeaux : cette Terre a de grandes mouvances, qui ont été considerablement augmentées dans ces derniers tems. Auteuil, Comté, au Président de Briçonnet, 4000 l. Beuville Combart, Marquisat, au Sieur de Niert, premier Valet de Chambre du Roi, 1000 l. Orgeres, Chatelainie, au Président de Maisons, 10000 l. avec ses dépendances. Le Tremblay, au Sieur le Clerc du Tremblay, 10000 l. Villiers, au Sieur Marquis de Bullion, 3000 l. L'appel des Justices de toutes ces étendues ressortissent au Baillage Ducal, le beau château de Montfort est tombé, faute d'entretien ; il Y a 78 Gentilshommes résidens dans cette Election.
Election de Dreux.
Dreux possédé un Baillage Royal, une Election, un Grenier à sel, une Maîtrise, & un Lieutenant de Robe Courte, & tout ce Canton est régi par une Coûtume particuliere, les appellations du Baillage se relevent au Parlement. Les principales Terres de l'Election Sont Annet, à M. le Duc de Vendôme ; cette Terre, qui étoit du Domaine de la Couronne, fut donnée avec celle de Nogent le Roi, Breval, & Montchauvet, par le Roi Charles VII. à Pierre, Seigneur de Brezé, Sénéchal de Normandie, pour récompense des services en la guerre des Anglois, tant de lui que de ses Ancêtres, pour en jouir lui & ses hoirs en toute propriété sous la redevance d'une haquenée blanche de 100 l. Parisis.
Ces Terres avoient fait partie de la Comté d'Evreux, & étoient réunies à la Couronne par la confiscation jugée contre Charles III, Roi de Navarre ; les Lettres Patentes de ce nom sont de l'année 1444 : Pierre de Brezé Donataire fut pere de Jaques, qui épousa Charlotte, fille naturelle du Roi Charles VII, de laquelle il eut trois fils & deux filles ; ce Seigneur tua sa femme par emportement de jalousie. Pourquoi son procès parfait, il fut condamné à 100000 écus d'amende envers le Roi, & à tenir prison
PARIS.
Election d'Etampes.
jusqu'au payement ; pourquoi il fit un abandon de tous ses biens à charge d'une legere pension pour sa subsistence : mais le Roi Louïs XI. par Lettres Patentes du mois de May 1481, rendit ses quatre terres à Louïs, son fils aîné, avec clause de substitution à ses freres & soeurs faute d'hoirs ; celui-ci fut Comte de Maulevrier & Sénéchal de Normandie, comme ses peres ; il épousa Diane de Poitiers, dont il n'eut que deux filles, l'aînée Françoise fut mariée à Robert de la Mark, Duc de Bouillon, & la Cadette Louïse à Claude de Lorraine, Duc d'Aumale, qui ne laissa qu'une fille, mariée au Duc de Mercoeur, laquelle épousa César, Duc de Vendôme, fils naturel d'Henri IV. & ayeul de Mr. de Vendôme d'aujourd'hui [1700]. Le Château d'Annet fut bâti par Henri II, en faveur de Diane de Poitiers, qu'il aimoit ; on sçait qu'il y passoit avec sa Cour une partie de l'année : la Terre vaut 3 6000 l. de rente ; ses mouvances s'étendent à 40 fiefs. Beli, Comté, que l'on dit demembrement de celui de Dreux, au Marquis de Canillac, vaut 12000 l. Mesieres, Chatelainie, au Maréchal de Marcin, vaut 6000 l. Tréon, Marquisat, & Trogny, au Comte de Trogny, Plenipotentiare à Nimegue, 12000 l. Abondant, Chatelainie, au Marquis de Sourches, grand Prévost, 1800 l. Gannay & Marmouze, au Sieur de Gaillon, 6000 l. Le Boulay, à la Présidente Talon, 6000 l. Il y a huit Gentilshommes résidens dans cette Election. Etampes a, comme les autre Baillages, Prevosté, Election, Grenier à sel, & Maréchaussée ; c'est une Duché appar tenante à Mr. le Duc de Vendôme, qui vaut 10000 l. & qui a de grandes mouvances. Les principales Terres de son ressort sont, Merinville, Comté, au Sieur d'Elpech, Conseiller, par adjudication du 22. Août 1698, qui vaut 8000 l. Baville, à M. le Président de la Moignon. Tarcheville, au Sieur Vappin, 8000 l. Vivay de Champrotier, au Sieur Hurault de l'Hôpital, 4000 l. Il y a 58 Gentilshommes résidens dans cette Election.
Election de Melun.
Melun est le Siège d'un Baillage, & Présidial d'une Prevosté, d'une Election, d'un Grenièr à sel, & d'une Maréchaussée. Ce Baillage est réduit à une Coutume particuliere & est composé de 25 officiers. La Vicomté de Melun & la terre de Vaux, qui appartenoit au Sieur Fouquet, fils de Surintendant, a été acquise par le Marêchal Duc de Villars, qui en fait le Siege de sa nouvelle Duché Pairie, Courame Reau, Soisy & Danmenot, qui sont des terres considérables, relevent de cette Duché. Les autres terres considerables de l'Election font, Cely, Comté, à Mr. de Marlay, 12000 l. Vaux Apenil, à Me. de Lavardin 5000 l. Bourbon, au Sieur de Bresme de Monthiery, 5000 l. La Chapelle, au Marquis de Sourdis, 7000 l. Breau, à Mr. de Vertumont, premier Président au grand Conseil, 3000 l. II y a 60 Nobles résidens dans cette Election.
Election de Nemours.
Nemours possedé aussi un Baillage, une Election, un Grenier à sel, une Maîtrise & une Maréchaussée. L'Erection du Baillage, auquel ressortissent cinq Prevostez Royales, est de l'an 1524. Il est régi par la Coûtume de Paris. Les principales Terres sont, Courtenay, Comté, au Duc de Caderousse par sa femme, heritiere de Rambures ; il vaut 15000 l. 28 fiefs en dépendent. Beaumont, Comté, à M. de Harlay, premier Président, vaut 24000. Egreville, Baronie, au Marquis de Torcy la Tour, 14000 l. Il y a 38 fiefs en sa mouvance. La Chapelle la Reine, au Sieur d'Argouges, Conseiller d'Etat 4000 l. Le Fay, Marquisat, au Marquis du Plessis Belliere, 6500 l. Rumont, aussi Marquisat, au Sieur de Montleard 8000 l. Le Boulay, au Sieur du Boulay Brulard ; il y a 60 Nobles résidens dans l'Election.
Election de Meaux.
Meaux est le Siège d'un Baillage, Présidial, d'une Prevosté, d'une Election, d'un Grenier à sel, d'une Maréchaussée ; il y a aussi un Baillage à Crecy. Les principales Terres de cette Election font, Compuray & ses Annexes, au Prince de Guimené. Chastefer, Sablines, à Mr. de Fourcy. Clayes, Fresnes & Souilly, au Duc de Nevers, Compans & Ste. Même, au Sieur de Harlay, Confeiler d'Etat. Gefvres, Tremes, Gouges, Montigny, Crouy, & c. au Duc de Gefvres. Dampmartin, Longperrier, Mongé, S.
PARIS.
Soupier, Vivants, à Mr. le Prince. Le Mesnil & Mauregard, au Président Àmelot. Duplessis Pomponne, à Madame Voisin Veuve. Le Pleslìs Vicomte, Vissery, Silly & S. Patron, au Président d'Aligre. Mary, au Marquis de Renty. Messy, au Marquis de Rotelin. Mantouillet, au Marquis de ce nom. S. Jean Vaucourtois, Villemareuil, a la Princesse de l'Isle Bonne. La Ferté sous-jouars, au Comte de Roussy ; c'est un Baillage, dont relevent 50 fiefs, il vaut 8000 l. Grimeis, au Bailly de Meaux. Il y a 80 Gentilshommes résidens dans cette Election, dont les principaux font, Les Sieurs de Luzency du nom de Homer, les Sieurs de Vaudetart, Porsan, les Sieurs de Meaux, dont la maison porte pour armes cinq Couronnes d'Epines, parce qu'un des Ancêtres apporta la Sainte Couronne en 1228, sous le Regne de S. Louïs ; les Sieurs de la Barre Martigny, les Sieurs de Montbise, du nom de Bernard, & c.
Election de Rozay.
Rozay est le Siège d'une Election & d'une Prevosté subalterne, & appartient au Chapître de nôtre Dame ; il est indecis entre le Bailly du Chapitre de Paris & le Bailly de Melun, où doivent ressorter ses appellations, quoique le premier soit en possession ; les principales Terres de cette Election sont, Nanquis, à la Maison de Brichâteau, 18000 l. Fontenay de Tresigny, Marquisat, au Sieur le Tonnelier de Breteuil, 10000 l. Armainvilliers & Tournun, à M. de Beringhen, 14000 l. Nesies & la Fortelle, au Sieur Robert Président aux Comptes, 13000 l.
Election de Coulommiers.
Coulommiers est le Siège d'une Election ou d'un Baillage Seigneurial, ainsi que la Ferté Gaucher. Les principales Terres de son étenduë sont, La Ferté Gaucher, à Mr. le Tellier Archevêque de Rheims, du chef de sa mere, 12000 l. Doré, au Marquis de Treignel, du nom de Herville, 16000 l. Boissy, au Sieur de Caumartin, Maître des Requêtes, 10000 l. Burre Levée, au Sieur de Montbise, 5000 l. Amilir, à Mr. de la Martelliere, Maître des Requêtes, 7000 l. Maupertuis, au Marquis de ce nom & Commandant des Mousquetaires, 3000 l. Pommeuse, au Sieur de Boisemaux, 5000 l. II n'y a que cinq Nobles résidens dans cette Election.
Election de Provins.
Provins possédé un Baillage présidial, une Prévosté, une Election, un Grenier à sel, une Maréchaussée, & une Maîtrise ; le Baillage fut distrait de celui de Meaux, dont il suit la Coûtume, ainsi que celui de Montereau par Lettres Patentes du Mois d'Avril, 1544 ; & le Président fut établi par l'Edit général en 1551. Les deux ensemble doivent être composées de 22 Officiers ; mais il y a plusieurs Charges vacantes aux parties casuelles ; les habitans de la Ville n'ayant point de goût pour les Offices de Judicature, & cherchant ordinairement à s'établir dans la Maison du Roi, & des Princes, où ils achetent de petites Charges pour jouïr des éxemptions. Les principales Terres de l'Election sont Monglast, au Comte de Chiverny, Marquisat, qui vaut 18000 l. Emoly, à la Duchesse de Vivonne, ausi Marquisat, qui vaut 15000 l. Chenoise, au Sieur de Laville Lieutenant de Roi de Brie, Marquisat, valant 12000 l. Lehousse, Marquisat, à la Dame de la Hoguette, veuve, 10000 l. Champeaux, Marquisat, au Sieur de la Vienne, premier Valet de Chambre du Roi, 10000 l. Vilbert, Marquisat, au Sieur de Morsontaines, de 3000 l. Provins, Vicomté, uni à la Commanderie de la Croix en Brie. Sordun, Vicomté, au Sieur de Monbron, 3000 l. Le Plessis aux Tournelles, au Sieur de la Grange, Conseiller, 13000 l. Cette Terre fut érigée en Baronie par le Chancelier Olivier en 1544. Raporeaux & les Marais, au Sieur de Desmarais d'Hauven, grand Fauconnier, 8000 l. Courcbamp, au Sieur Guillemant Maître des Requêtes, 10000 l. Bazoches, au Sieur Rapin de Vauréal, Lieutenant de Roi de Champagne, 5000 l. Le Plessis Messuaux, à Mr. de Fieubet, Maître des Requêtes. Saumers, au Sieur de Calans, d'ancienne Noblesse, 3500 l. Lermes & Fagnoles, au Marquis d'Escote, Lieutenant General de la Province. Loupés, au Sieur de ce nom, du nom de Champagne. Il y a 35 Gentilshommes résidens dans l'Election, dont les plus considérables sont le Sieur de Vielmaison, Chanteclair, le Sieur de Rachevu Mery, le Sieur Nivert de Grand Pleur, le Sieur le Duc de Lorence, & c.
oûElection
oûElection Nogent.
Nogent sur Seine, possédé un Baillage composé de huit Officiers, régi par la C tume de Troyes, une Election, un Grenier à sel & une Maîtrise. Les principales Terres de cette Election sont, Bray, Baronie, à Madame la Marêchale de Vivonne, 8000 l. Pont, Baillage Royal & Château-superbe, à Mr. de Chavigny, 10000 l. Le Domaine de Nogent, au Marquis de Chavigny, 10000 l. Creancé, Baronie, à l'Evêque de Troyes, 700 l. Plessirs S. Jean, aux heritiers du Duc de Choiseuil, 7000 l. Lamotte, à la Marêchale de Noailles, 10000 l. Passy 6000 l. Avaux, à Mr. de Palluau, 4000 l. Noyon, à Mr. de Mon chai, 5000 l. II y a 30 Gentilshommes dans cette Election.
Election de Monterau.
Montereau possédé un Baillage distrait de celui de Meaux, dont il suit la Coutume, une Election, un Grenier à sel. Les principales Terres font, Moret, Baillage Royal, Marolles, Marquisat, érigé en 1670, en faveur du Sieur de la Barde, Ambassadeur en Suisse, à présent au Président de la Barde, son fils, 6000 l. D'Anne Marie, Baronie, au Trésorier de S. Martin de Tours, 9000 l. Montigny, à M. de Trudaine, Maître des Requêtes, 6000 l. Garay, à Mr. Brichateau, 7000Í. Diants, Vicomté, au Sieur Megrin Dedian, 8000 l. L'Auteur fait l'éloge de cette famille, & ne compte que huit Gentilshommes résidens dans l'Election.
Election de Sens.
Sens possedé un Baillage, Principal, Election, Grenier à Sel, avec Maîtrise & Marechaussée. Le Baillage & Présidial sont composez de 26 Officiers, & sont régis en pa tre par la Coutume particulière de Sens, & partie par celle de Paris, c'étoit autrefois un des quatre grands Baillages du Royaume ; mais il a été demembré de toutes façons, pour former les Présidiaux de Troyes, Langres, Chalons, Melun, Auxerre & Chaumont en Bassigny. L'Election a été pareillement retranchée en 1696, pour former celle de Montereau : il y a un Lieutenant du Bailly de Sens a Villeneuve le Roi. Entre les Terres de ce ressort, l'Auteur compte Vallery, Comté, relevant du Roi, à cause de la grosse Tour de Sens, à Mr. le Prince valant 10000 l. de rente ; les Mouvances en sont grandes. Traignel, Marquisat, au Marquis de ce nom, de la maison de Harville, 4500 l. Cette Terre releve du Roi, à cause de la grosse Tour de Troyes ; elle a aussi de belles mouvances. Champigny, au Sieur Bochard de Champigny, 12000 l. Fromont & Marlay, au Sieur de Rogres de Lufignan, Baron de Champignelle, qui demeure dans l'Election de Joigny, 1500 l. Fleurigny, au Sieur de ce nom, 6000 l. Dony, au Sieur le Bazile d'Argençeuil, 8000 l. Vertilly, au Chevalier d'Arlus ; Torigny, au Président Lambert, 8000 l. Chery, aux heritiers du Président Duret, 2500 l. Theil, Noé, Pont sur Vannes & Vaumont, au Sieur Caillet du Theil, Conseiller, 6500. Il y a 60 Gentilshommes résidens dans l'Election.
Joigny, Siège d'une Election & d'un Grenier à sel, n'a d'autres justices ordinaires que le Baillage Seigneurial.
La Comté de Joigny a vingt terres considerables dans sa mouvance ; elle fut decrettée au commencement du Siécle passé, sur la succession du Marquis de Givry, & acquittée par le Cardinal de Gondy, lequel la substitua au Duc de Retz son neveu ; elle appar tient aujourd'hui à la Duchesse de l'Esdiguieres, héritière de sa maison, & vaut 5000 l. de rente. Les principales Terres de l'Election font, Cefy, au Prince de Courtenay, 7000 l. Venefy & Tarny, aux Sieurs de Barbeziers & de Chemerault, 15000 l. Champignelle, au Sieur de ce nom, dont il a été parlé, 8000 l. Champlay, Neuilly, Epinot, &c. au Sieur de Champlay, 12000 l. Ville-valliere & Ville-beaux, au Sieur de Beaugny, 6000 l. La Selle, Beon, Baroy, S. Aubin, Villiers sur Tollon, à Mr. de Valgrand, conseiller au grand Conseil, 2000 l. Prey, à Mr. de Nantouillet, 15000 l. Guerchy, au Sieur Marquis de ce nom, 9000 l. Malerne, S. Martin sur Vanne, & les Haunois, au Marquis de Haute-feuille, 12000]. Remy Bouvart & 6 autres Terres, au Marquis de Seignelay, 18000 l. Il y a 26 Gentilshommes dans cette Election.
Election de S. Florentin.
S. Florentin, Siége d'un Baillage principal, d'une Election, & d'un Grenier à sel, partient a Mr. de la Vrilliere, Secrétaire d'Etat, & est considerable par ses grandes mou-
PARIS,
vances, quoiqu'elle ne vaille par elle-même que 1500 l. de revenu ; c'est une Vicomté Pairie dont relevent plusieurs Baillages particuliers, & autant de Baromes. Les autres Terres de l'Election sont, Damemoine, Baronie, à la maison de Berulle, 3000 l. Courfan, acquise par le Sieur Thevenin par decret sur Alvarez, 25000 l. Santour, Nouvy, au Marquis de Trevoy, à cause de la Dame sa mere, 4500 l. Champlois, a.... 7000 l. Malignv, Baronie, au Cardinal d'Arquin, 7000 L. Fornay, a la Dame de Baudrevant, du nom de Treffau, soeur de la Dame de Fornay, 5000 l. Flomy & la Chapelle en direction 5500 l. II y a 7 Nobles résidens dans l'Election.
Election de Tonnere.
Tonnere a un Baillage & Grurie Seigneuriale, une Election, un Grenier a sel, & une Marêchaussée La Comté de Tonnere appartient aux heritiers de Madame cte Touvriol. Les principales Terres de son étendue sont, Ligny, Vicomté, au Marquis de Seignelay 6000 l. Punicy, Vicomté, au Comte de Riviere, Lieutenant de Roi en Bourgogne 4000 l. Cerisy & Argenteuil, Marquisats, à Mr. de Louvois, 16000 l. Ancy le franc, au même. Prussi & Ragny, à Mr. de Chateauneuf la Vrill.ere Secrétaire d'Etat. Mery le sec, à M. de Coussau. Les Riées, connues par leurs bons vins, au Sieur Baron, Conseiller. Villiers le Bois au Marquis de Ragny la Magdelame. II n'y a que 24 Gentilshommes résidens en l'Election.
Election de Vezelay.
Vezelay possédé un Baillage Seigneurial, qui est la justice de Abbaye de ce lieu ; une Election, un Grenier à sel & une Marêchaussée. La Comte de Tonnere n'a que a grurie plus que Vezelay, dont le Baillage est régi par la Coûtume d'Auxerre. Il n'y a de Terres considérables dans l'Election que celle de Bazoches, appartenant au Maréchal de Vauban. Il y a 48 Gentilshommes résidens dans l'Election.
DES REVENUS DU ROI.
L'Auteur ayant traité dans le discours precedent de l'état véritable de la Generalité, éxamine dans la fuite ce qu'elle produit à Sa Majesté, & divise d'abord tout son revenu en quatre Classes suivant la méthode ordinaire, savoir le Domaine, les Aides, les Gabelles & les Tailles, dans lesquelles il comprend la Capitation.
Domaine.
Le Domaine est le revenu propre des Rois, parce qu'il est censé le Patrimoine de la Couronne ; son établissement est aussi ancien que la Conquête des Gaules, les premiers François ayant voulu que leurs Princes fussent en état de soutenir leur dignité avec éclat & de satisfaire aux Charges publiques ; il consiste en proprieté de Terres & de Seigneuries & en tous les droits Royaux, tels que ceux de la régale, amortissements, franchises & nouveaux acquêts, annoblissemens, bans & arrieres-bans, aubaines, bâtardises, confiscations, amendes, épaves, trésors & biens vacans, droits de Dames, Mines & Métaux i Pesche, Chasses, Tiers & dangers, débris sur mer & fleuves ; Patronages, Grefs Tabellionages, Atterissement, Acroissement, Istes & Iflots ; Dssmes mfeodees, droitse sceaux, Contracts & Sentences ; Bannalitez, Foires, Marchez ; Cenfives, Lots Ventes –, Quint & Requint –, Reliefs, Rachapts, Champart, Terriers ; Poids & Mesures & plusieurs autres, qui appartiennent au Roi à cause de sa Couronne, ou qui ont censez tels, quand ses receveurs ou officiers les ont éxercées durant dix ans, & qu'ils sont entrez en ligne de compte dans les Receptes.
Le Domaine en general est censé inaliénable, & ne pouvoir passer en main étrangère qu'en deux cas feulement, le premier pour appanage des Puisnez des enfans de France ; le second pour les necessitez de l'Etat avec plusieurs formalitez qui sont requîtes.
PARIS.
Dans le cas d'appanage des enfans puisnez de France, il est toûjours reversible à la Couronne, faute de mâles, suivant l'Ordonnance de Charles V. du 3. Octob. 1374, & dans le cas d'engagement, il est toûjours à la volonté du Roi, en remboursant les Engagistes ; il y en a des dispositions précises dans les déclarations de 1401, 1539, & 1556.
Le Bail General du Domaine de France, compris dans celui de Templierest évalué à 4500000 l. mais par rapport à la Generalité de Paris, la sous-ferme n'est que de 108000 l. y compris les 4 s. du Controle des exploits qui a été premierement établi en l'an 1669, à raison de 5 s. par exploit, & a reçû divers changemens : il en a été aliéné un sol pendant la Guerre terminée en 1697, & depuis augmenté d'un autre fol, qui avec le précédent ont été réunis à la Ferme generale en 1698. L'Auteur en fait monter le produit dans l'étenduë de la Generalité de Paris, non compris.... à 26000 l.
Le Domaine de la Ville de Paris étoit autrefois considerable, à cause des Greffes qui en faisoient partie, & qui rendoient un gros produit ; mais comme ils ont été aliénez en différens tems, le Domaine se trouve reduit aux droits de lots & ventes des biens qui sont dans la mouvance directe du Roi ; ce qui peut valoir année commune 15000 l. Véritablement dans l'esperance. de remplacer ces aliénations, on a créé, en 1696, de nouveaux droits du Domaine, tels que les petits sceaux, le Controle des Actes des Notaires & autres, dont on a composé une ferme particuliere, laquelle n'est pas encore fixée, mais l'Auteur la croit fort onéreuse au Public & de très-petit rapport pour le profit de sa Majesté. Le détail du Domaine & de ses engagemens par Election, qu'il donne après cela, est assez curieux ; mais il est si long, que ce qui en a été dit dans les histoires de ces mêmes Elections doit suffire.
L'Auteur traite ensuite des Aides, parce qu'elles ont été introduites avant les tailles ; il dit que c'est la même chose que ce que les Romains appelloient Mrarìum Militare, c'est à dire, l'imposition du 20. sur la vente des Marchandises, qui se faisoit pro stipendio militum, il remarque, que quoiqu'elles soient fort anciennes en France, elles ne dépendoient pas absolument des Rois, mais que les Etats du Royaume les accordoient pour peu de tems, & jamais sans la nécessité de TEtat ; Chilperic est, dit-il, le premier Roi qui ait mis un Impôt sur le vin ; mais je crois qu'il auroit peine à prouver cette proposition, s'il ne l'entend d'un tribut de vin en essence. Quoiqu'il en soit, Charles VII. rendit les aides perpétuelles & les fixa au 20. du prix du vin, vendu en gros, & au 8. & 4. vendu en détail, on a depuis chargé cette vente si considérablement que les Vignerons ne trouvant presque aucun profit dans leurs recoltes, ont en partie abandonné leurs vignes ; d'autres les ont arrachées, & generalement cette partie du Commerce s'est diminuée avec un éxtreme préjudice des droits du Roi ; la fabrique de la bierre y a aussi contribué, & l'Auteur remarque qu'au lieu qu'autrefois il ne s'en débitoit pas pour 100000 l. à Paris, il s'en est débité pour 120000 l. dans Tannée 1689, & qu'il s'est fait une consommation de la fabrique de la bierre de 80000 feptiers d'orge, sans compter le bled pour la bierre blanche ; d'où TAuteur infere que le véritable remede au mal seroit de charger la bierre de quelques grands droits, afin de décourager les Brasseurs & dégoûter le peuple, qui cherche le bon marché.
Le droit de Gros, qui est d'un sol par livre de la vente de chaque muid, n'est originairement établi que pour la Generalité de Paris, la Champagne, le Soissonnois & la Picardie ; mais malgré cela, on y a assujetti plusieurs Villes qui n'en sont pas ; telles que Rouën, & toute la Normandie ; de plus on a créé des Charges de Jaugeurs de Muids & de Courtiers de vin, avec une attribution de 10 s. par muid des ventes en gros ; mais le succès ne justifie pas l'utilité de ces Impositions, puisque les Aides diminuent de jour en jour, & qu'on les voit reduites à la moitié de leur ancien produit ; comme les comptes des Fermiers le justifient.
PARIS.
Les Aides sont comprises dans le Bail general des Fermes & par évaluation au total, elles sont estimées à 15500000 l. mais à l'égard de la partie qui en peut être portée par la Generalité de Paris, l'Auteur fait compte premierement de la recolte des vins dans l'étenduë de la Generalité, & ensuite du produit des Entrées de Paris.
Années
Recoltés
Produit de la Generalité de Paris par les Entrées des vins crus.
1687
179542
276061
1688
252590
218617
1689
747495
238575
1690
178607
248559
1691
150137
216101
1692
67849
131566
1693
62872
139960
1694
746211
214109
1695
158576
170208
1696
57441
170914
1697
54843
169917
1698
85579
124520
1699
126300
230000
Des Tailles
Par cette Table il paroit qu'année commune & proportionnelle on recueille dans la Generalité de Paris 125211 muids de vin, tant bon que méchant, & que les Entrées de aris montoient l'année 1700 (car les droits sont fort augmentez depuis ce tems-là le out proportionnellement & année commune) à 204777 l. Il ne faut pas toutefois confondre cette estimation des Entrées de la Ville de Paris avec son véritable Produit qui fait aujourd'hui le plus clair revenu du Roi, selon l'estime des personnes intelligentes dans ces matieres ; car les Entrées, y compris les anciens & nouveaux droits sur les Vins, les Bestiaux, le Poisson, les Grains, Foins, Bois, Legumes, Beurres, Fromages, Draperies, Soyes, Toilles, & generalement toute-s sortes de Marchandises & de Commoditez nécessaires à la vie, montent année commune à 22000000 l. pour le moins, ce qui passeroit en quelque forte l'humaine croyance, si l'éxperience qu'on fait en cette Ville de l'éxtreme cherté de toutes choses, même de celles qui sont à non-valeur dans les Provinces, ne ramenoit l'esprit à la certitude que le Produit de ces Entrées est immense, & qu'il passe tout ce que nos peres & nous-mêmes en aurions autrefois jugé. Les Aides du reste de la Généralité sont pour l'Election de Paris, non compris la Ville, 600000 l. Pour les Elections de Melun, Rosay, Provins & Coulommieres, 160000 l. Senlis, Compiegne, Beauvais, 460000 l. Meaux, y compris Crecy, 16000 l. Pontoife, 30000 l. Sens, Montereau, S. Florentin, Vezelay, 251000 l. Etampes, 30000 l. Joigny, 40000 l. Mantes, Meulan, Dreux, Montfort, 140000 l. Partant le total des Aides dans la Géneralité de Paris monte par an à 1727000 l. ce qui, comparé à la récolte, charge chaque muid de vin de près de 15l. de droit, non compris les attributions particulieres. A l'égard des Taillés, l'Auteur fait une espece de justification, en disant qu'il n'y a aucun peuple qui n'ait été sujet à quelque forte d'Impôts, que les Hebreux en payoient un au Temple avant qu'ils fussent soumis aux Romains, que les Monarques Persans en avoient établi qui se payoit par les différentes Provinces de leur obéissance, quen France elles ont commencé sous le Roi Jean au sujet de sa prison, mais qu'elles ont été rendues fixes & perpétuelles par Charles VII, après qu'il eut chassé les Anglois, que Louïs XI, son fils, en levoit jusqu'à la somme de 4700000 l. qu'elles étoient beaucoup moindres auparavant, mais que Charles VIII. avoit envie de les reduire à une somme modique de 2000000 l. & qu'il n'en fut empêché que par la mort qui le prévint, que François I. les augmenta consi-
PARIS.
dérablement : qu'ainsi elles ont été augmentées ou diminuées selon la volonté des Rois & la proportion de la valeur des biens qui a doublé & quatruplé depuis ce tems-là.
Les Tailles se levent en France de deux manieres, ou plûtôt elles sont ôtées de deux sortes, les unes réelles & les autres personnelles, les premieres sont en usage dans le Languedoc & la Guienne, & les autres dans la Generalité de Paris & tout le reste du Royaume : quand leurs Tailles sont réelles, elles sont payées par certaines portions d'héritages qu'on nomme feux de Cadastres, dont les possesseurs sont tenus solidairement d'acquitter les Taxes, & comme héritages sont sujets, ainsi que toutes especes de biens Patrimoniaux, à divers changemens & divisions, on renouvelle ordinairement lé Rolle de cette Imposition tous les 30 ans.
Les Tailles de -la Généralité de. Pâris. pour 1699, fixées à 3165832 l. payables par les 22 Elections, dont elle est composée de la maniéré suivante :
ELECTIONS
PAROISSES
IMPOSITIONS
Paris
348
1126796
Senlis
78
125564
Compiegne
57
62380
Beauvais
151
167284
Pontoise
63
96139
Mantes
94
131450
Montfort
59
58647
Dreux
72
86372
Etampes
46
62385
Melun
103
96653
Tonnere
130
121427
Nemours
118
94544
Meaux
141
315718
Rosay
61
81563
Coulommiers
34
64930
Provins
58
72245
Nogent
45
66430
Montereau
53
59194
Sens
94
88708
Joigny
91
93723
S. Florentin
39
53530
Vezelay
54
40155
22
1989
3166837
Mais parce que les Tailles augmentent ou qu'elles diminuent suivant la volonté, l'Auteur a crû devoir ajouter à cet état de l'année 1699, celui des 8 années précédentes pour faire connoître la proportion qui s'y garde.
1691
3791265
1692
3897830
1693
3923160
1694
3979987
1695
3550272
1696
3189020
1697
3175016
1698
3126052
1699
3165832
1700
3165832
L'Auteur manque en ce lieu d'observer que le Taillon, l'Ustencille & les autres droits qui se levent sur le peuple dans les rems de guerre, portent une augmentation si conrable au Corps de la Taille, qu'elle va, comme il arrive « avec tro.quarts de la première Imposition, & passe toûjours la moitié : ainsi selon son calcul, aaille de la Généralité de Paris peut être estimée année commune, pendant la Guerre, à cinq millions.
Gabelles.
Les Gabelles ont été introduites en France sous le Regne de Philippe de Valois, environ l’an 1344, à l’occasion de la guerre que lui suscita le Roi d’Angleterre, Edouard III, ce qui donna occasion à ce Prince de dire un bon mot au sujet du Roi de France, qui assuroit son droit à la Couronne sur l’éxclusion des Filles de ses Predecesseurs, en vertu de la Loi Salique, savoir que Philippe, qui mettoit un impôt sur le sel, étoit véritable Auteur de la Loi Salique.
On a prétendu que l’inventeur de cet Impôt étoit un Juif ; Mezeray dit qu’il étoit Italien, mais quel qu’il ait été, il est certain qu’aucun tribut n’est imposé avec plus de regle & de proportion que celui-là, puis qu’il embrasse également tous les sujets, & qu’il est établi sur la Consommation.
Le Royaume est divisé en païs exempts de Gabelles entieres & Païs de petites Gabelles ; les Provinces exemptes font, le Poitou, la Xaintonge & le Limousin, laGuienne & la Bretagne ; celles de petites Gabelles sont, le Lyonnois, Dauphiné, Provence, Languedoc & Roussillon, & enfin les Generalitez sujettes aux grandes Gabelles sont, Pa ris Soissons, Amiens, Chalons, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Rouen, Alençon, Dijon & Caën : pour les Elections de Caën & de Bayeux, dans les autres lieux de eneralitez, il se perçoit le droit nommé le Quart Bouillon, qui se prend sur la fabrique du Sel blanc, il faut y joindre les Gabelles des trois Evechez, etz, ou er un & celle de Franche-Comté. Il faut toutefois remarquer que dans l'étenduë des grandes Gabelles, il y a plusieurs Villes maritimes, ou petits Ports de Mer, & que en ces lieux les salaisons des Poissons ne pouvoient être prises au tau de la grande Gabelle sans ruiner le Commerce, le sel y est distribué au Bourgeois au prix du Marchand qui est d'environ 6 l. le minot, & néanmoins avec toutes les précautions nécessaires pour empêcher le versement. Le Fermier General jouïssoit encore des Gabelles de Lorraine ; mais comme parle Traité de Riswick cette Province a été rendue aux Princes héréditaires, on en fait diminution sur le pié de 900000 l. par an ; L'Ordonnance du Mois de Mav 1680, avoit réglé différemment le Prix du sel, eu égard au profit duRoi, a celui du Marchand & aux frais de Voiture, à 40, 41, & 42l. mais les necessitez publiques ont engagé sa Majesté à y faire deux augmentations de 30 s. chacun, par minot à son profit, outre l'attribution de 33 s. 6 d. aux Officiers des Greniers, qui ont finance pendant la Guerre ; de sorte que ce minot de sel, revenoit à Paris en l'année 1700, 45 l. 13 s. 6 d. ce prix est si considérable & si haut par rapport au menu peuple qui n'a pas souvent dequoi acheter un quart de minot qui est la plus petite mesure des Greniers, que l'on a été obligé d'établir une vente par petites mesures, dans lesquelles, a la verne, il y a une infinité d'abus, mais qui hausse considérablement le revenu du Roi, parce que le prix y est d'un demi Parisis, c'est à dire, d'un huitième au deffus du poids courant.
Le Bail general des Fermes de France fait à Thomas Templier le 20. Avril 1697, étoit de 52000000 en tems de Guerre, & de 52700000 l. au tems de Paix, par rapport à l'augmentation de 2 l. par minot, qui n'a point été ôtée, comme on s'en étoit flatté, de sorte que le revenu total des Gabelles est de 24500000 l.
Quant à la part que la Generalité de Paris en porte, l'Auteur remarque d'abor avec précision que la vente des 23 Greniers, dont elle est composée, a produit, ans année 1698, 4233840 l. surquoi il faut défalquer le profit du Marchand, les fraix de voiture & fraix particuliers. Mais dans le détail, il faut savoirquen conformité de l'Ordonnauce de 1680, le prix du sel des Greniers de Dreux, Mantes, la Rocheguyon, Poiy
PARIS.
& Pontoise n'est que 401. paf minot, & celui des autres Greniers de 41 l. à Pexception du Grenier de Tonnerre qui est 421. Il faut savoir de plus que le muid de sel à brouâge, tel que le proprietaire le vend & que le Roi le débite, est composé de douze sacs pesant chacun 400 l. le sac contient quatre minots qui sont par conséquent chacun 100 l. Partant le muid contient 48 Minots. Il ne reste donc qu'à connoître le détail du Débit de sel pour juger certainement du profit des Fermiers du Roi.
Notes (1)(2)(3)
Te revenu du Regrat monte
Pour Paris & Poissy
200000
Lagny & Brie
5000
Senlis, Creil, Joigny, Melun, Nemours, Montereau, Beauvais & Pontoise
16000
Compiegne
2000
Estampes
10000
Meaux
10100
Montfort
8000
Ma Mantes
4000
Provins & Sens
9000
Tonnere & Yezelay
4000
S, Florentin
1200
(1) Le Debit du Grenier de Paris, année commune, est de 760 : sur quoi ìl faut faire déduction d'environ 150 pour les privilEgiez, & partant reste en profit 610 Muids.
(2) Compris la Roche-Guyon.
(3) Il se fait en ce lieu un depost de sels, qu'on envoye en Champagne & Bourgogne.
Il resulte de ce détail, que la produit du sel passe ordinairement 4000000 de livres dans la Généralité, toutes charges & tous fraix deduits. Cependant l'Auteur observe que les dernieres augmentations, loin d'en avoir haussé le produit, ont diminué la consommation du sel, au grand préjudice de la santé des pauvres qui s'en passent dans l'impossibilité où ils sont d'en acheter au prix exorbitant où il est.
Grosses-Fermes.
Les autres parties du Bail general de France sont ce qu'on nomme les cinq grosses Fermes & le Tabac, qui sont évaluées en tems de Guerre à 8500000 l. & en tems de Paix à 11450000 l. sur quoi l'on peut dire, que par proportion à la part que la Généralité de Paris paye de Gabelles & des Aides, elle paye le sixième des cinq grosses Fermes & du Tabac, c'est à dire, en tems de Guerre, 1416000 l. & en tems de Paix 1900000 l.
Les autres revenus du Roi consistent en Parties casuelles ; D. (1) & D. vacances & ventes de Charges, ou nouvelles Créations ; en Domaines & Baraques ; par où l'Auteur entend les Deniers Patrimoniaux des Villes & Bourgs fermez, dont le Roi s'est mis en possession ; en traittes foraines & Douanes, en contributions du Clergé, & enfin en affaires extraordinaires ; l'Auteur n'entre en aucun détail à l'égard de ces articles.
Quant à la Capitation, il observe qu'elle fut établie par declaration du 18 Janvier 1695, pour durer pendant la Guerre seulement ; qu'elle produit beaucoup moins dans la Generalité de Paris que dans les autres, parce que la plus part des Terres y sont possédées par des personnes de la Cour, ou par des Magistrats, dont la Taxe est limitée par la déclaration, & enfin il conclud qu'en l'an 1695, 2 ans avant la paix de Riswick ; la Capitation a produit dans l'étendue de la Généralité 5965711. II est certain que l'Auteur n'y comprend pas la Capitation de la Cour, c'est à dire, des Princes, Ducs & grands Officiers, ni de tous les Commensaux de la Maison du Roi & des Princes ; il y a bien apparence qu'il n'y comprend pas non plus les Magistrats & Officiers des Cours souveraines, puis qu'il en excepté formellement la Ville & Banlieuë de Paris ; de sorte que la Capitation dont il traite ici, ne regarde que les Classes inferieures de la Campagne ou des autres Villes de la Generalité, comme il s"en éxplique lui-même ; il ajoute néanmoins qu'en l'an 1696, la Capitation fut portée jusqu'à 6396361. en 1697, reduite à 627696, & en 1698, pour un quartier seulement à 154840. On sçait combien elle a été augmentée depuis ce tems ; partant il n'y a nulle difficulté de la prendre à présent sur le pié d'un million sous les éxceptions precedentes.
Aussi l'on peut recueillir de ce détail que le Roi tire annuellement de la Generalité de Paris, sans y comprendre les Parties casuelles & autres revenus dont l'Auteur n'a point fait d'estimation, & singulièrement la Ville de Paris, si ce n'est par rapport aux Entrées des Vins, crus dans la Generalité de Paris, & à quelques parties de la Capitation, environ 13 millions & demi.
Recote & nature des Terres.
L'Auteur entrePrend enfaite d'éxpìiquer la nature des Terres de chaque Election, & le Produit des Recoltes qu'on y fait communément ; sa premiere considération tombe sur le Climat & la Situation de la Généralité, auxquels il donne de grands éloges, moins toutefois par rapport à la nature de la terre qui n'est pas bonne universellement, ' que par rapport à l'industrie des habitans, qui a facilité le Commerce par les Rivieres & qui a sçû mettre à profit de maniere ou d'autre tout ce qui en peut être employé. Il dit que le Terroir de l'Election de Paris est de qualité fort inégale, que les terres à blé qui sont à l'Orient de la Seine sont très-bonnes, & qu'elles se louent depuis 10 jusqu'à 201. l'arpent, qu'on y recueille environ 14000 muids de vin, que les terres legeres & sablonneuses sont occupées par des plants d'arbres & par des legumes ; que les habitans profitent de toutes les Eaux pour fertiliser leur terroir, & qu'enfin il y a beaucoup de prairies le long des Rivieres de Seine & de Marne, où l'on recueille d'éxcellens foins, & ou les Bestiaux, après les faucherons, trouvent encore dequoi paître, L'Election de
(1) Il y a ainsi dans le Ms.
PARIS.
Senlis est plus froide que celle de Paris, les meilleures terres de labeur n'y valent que 9 à 101. l'arpent ; la récolte des vins monte jusqu'à 15000 muids, dont le prix ne passe guere 25 à 30 l. n'étant pas de bonne qualité. L'Election de Compidegne est encore plus froide que la précédente, parce qu'elle a plus de bois ; la forêt y occupant 30000 arpens de terre ; le reste & païs de labeur dont les bonnes Terres valent 41. 10s. l'arpent. L'Election de Beauvais est d'un terrain assez inégal ; il rapporte beaucoup de bled ; les bonnes terres y valent iol. l'arpent ; l'on y recueille quelques vins foibles, qui se consomment dans le païs. Celle de Mantes est en très-mauvais état, un quart de labeur y est en friche ; les meilleures terres n'y valent que 8l. l'arpent ; les vignobles perissent aussi, & l'on n'y recueille à présent qu'un peu plus de la moitié des vins qui s'y faisoient autrefois, c'est à dire, environ 30000 muids, l'Auteur prétend que la liberté qui est donnée aux Collecteurs de saisir les Chevaux de labeur pour les tailles, est le premier obstacle à la Culture de la Terre ; & à l'égard des vins, l'établissement du droit du gros, & particulierement celui de 7 l. par muid de tout ce qui passe les Rivieres d'Euse, d'Epte & d'Andelle qui a tellement empêché le débit & la consommation des Vins, que les Foires de Rouën ne tirent pas à présent 10000 muids, dont il reste la moitié aux Marchands, au lieu qu'autrefois le debit montoit à 60000. le droit de 71. ne ruine pas seulement les vignerons, mais il empêche que le Roi n'en perçoive vingt fois autant par le quatrième de la vente des vins en Normandie : ce droit à été établi environ l'année 1670 ; on l'auroit reduit à 31. 10s. mais on l'a rétabli dans toute son étendue en 1689 : on ne recueille que des seigles & des avoines dans cette Election.
Celle de Montfort est beaucoup mieux cultivée ; les deux tiers rapportent des grains oc les bonnes terres y valent jusqu'à 91. Parpent ; on y fait environ jusqu'à 6000 muids ; de vin assez mauvais qui s'y consomme.
L'Election de Dreux est presque toute d'assez méchant terrain dur & pierreux ; les meilleures Terres y valent 4 l. l'arpent, il s'y trouve de bons pâturages, & l'on fait des nourritures ; les fruits y sont éxcellens ; le vin est dur ; on en fait environ 8000 muids. L'Election d'Etampes n'a que peu de bonnes Terres qui valent jusqu'à 4l. 10S. l'ar-pent ; on fait des nourritures en quelques Paroisses.
L'Election de Melun est beaucoup plus fertile, sur tout du côté de Brie, qui est de franche Terre. Il s'y fait grand nombre de nourritures, à cause de la facilité qu'ont les habitans de pâturer les bestiaux dans les forêts, terres commîmes.
L'Election de Nemours est beaucoup moindre par la qualité du terrain qui est presque tout de rochers & de fable, on y fait près de 2000 muids de vin qui vaut ordinairement 20 l. il y avoit entre Nemours & Montargis un marais très-étendu, nommé le marais de Corbeil & Bourdeaux, qui a été desséché en 1669, par les soins d'un particulier, à qui les proprietaires ont cedé la moitié du terrain ; il est à présent en bonne nature soit pour le mettre en prairies, soit pour y semer des grains ; cet exemple pourra engager d'autres personnes à dessêcher trois autres grands marais, qui se trouvent encore dans cette Election.
L'Election de Meaux est une des plus fertiles du Royaume ; toutes les terres, qui y sont de bon rapport, sont actuellement cultivees ; le vin y est fort mauvais ; on ne laisse pas d'en faire dans trente Paroisses pour la boisson des gens du Païs ; on fait aussi dans cette étendue quantité de Nourritures de moutons & d'autres bestiaux.
Les Terres de l'Election de Rosoy sont assez bonnes quand elles sont marnées ; c'est une sujection nécessaire tous les trente ans, il n'y a que du labeur, les meilleures sont affermées 6 l. l'arpent, payables moitié en bled, moitié en argent ; on fait du vin dans sept Paroisses, mais il n'est propre qu'aux gens du Païs, d'ailleurs il se fait peu d'engraix des bestiaux dans cette étendue, manque de pastures.
PARIS.
L'Election de Coulommiers est fort inégale, tant par les Montagnes dont elle est remplie, que par la qualité de la Terre. Cependant il y en a plus de bonnes que d'autres, les labeurs sont bien cultivez & valent jusqu'à 71. l'arpent : on y recueille environ 2000 muids de vin, qui valent dans le Païs environ 20 ou 24 l. le muid ; il y a aussi beaucoup d'estangs dont le poisson se debite à Paris.
L'Election de Provins est un Païs assez uni, où l'on recueille des grains de toutes especes ; les bonnes Terres y valent 4 à à l. il s'y fait aussi au vin ; mais il a toûjours la qualité de vin de Brie qui n'est propre qu'aux gens du Païs.
L'Election de Nogent tire un revenu principal des prairies, les labeurs valent 3 l. l'arpent ; celui des prairies, s'afferme ordinairement 251. & rapporte depuis 200 jusqu'à 400 bottes de foin du poids de 10 l.
Dans l'Election de Montereau les Terres d'entre la Seine & l'Yonne sont unies, mais legeres & sablonneuses, & valent jusqu'à 5 l. l'arpent ; les bords des deux Rivieres sont occupez par de bonnes prairies où l'on fait des engrais ou nourritures de bétail, qui se consomment à Paris.
Les Terres de l'Election de Sens sont assez bonnes à la reserve des collines qui s'elelevent à la distance d'Yonne : Le Gatinois est beaucoup plus froid, les Fermages s'y payent partie en grains & partie en argent.
L'Election de Joigny rapporte principalement des grains, les bonnes Terres y valent 5 l. l'arpent, il y croit aussi du vin, dont le pris va quelquefois jusqu'à 40 l. & enfin il y a de bonnes prairies sur le bord de la Riviere d'Yonne & de divers ruisseaux qui la coupent.
La quantité de l'Election de S. Florentin monte à 12000 l'arpent, il y en a 7000, en labeurs, & 1000 en prairies, autant en vignes ; 6000 en bois ; le reste en jardins, en chenevieres & en terres vagues & vaines ; les bonnes terres y valent jusqu'à 7 l. l'arpent ; on y fait par tout des nourritures de poulains, qui feroient très-avantageufes au Païs, qui d'ailleurs n'a point de Commerce, si on ne le traversoit pas par les saisies qui s'y sont continuellement pour les deniers du Roi.
Le Terroir de l'Election de Tonnere est presque tout planté en vignes, on y recueille ordinairement depuis 40 jusqu'à 43000 muids de vin qui valent depuis 30 jusqu'à 45 1. il y a aussi des Terres à bled & de toutes sortes d'arbres fruitiers, mais très-peu de pâturage.
Enfin l'Election de Vezelay, qui est la derniere, se divise en Terres de bon Païs & Terres de Morvant, les premieres portent les grains en la maniere ordinaire, mais les autres qui sont les deux tiers au total, ne se labourent que tous les sept ans, & sont proprement des Landes ou Bruyeres ; il y a des Terres pierreuses, où l'on en trouve de plattes qui servent à couvrir les maisons : en general cette Election est très-pauvre, quoi qu'on peut y faire des nourritures, à cause de la quantité des terres vagues.
L'Auteur fait succéder à ce détail un dénombrement de tous les bois de la Generalité, il dit que les anciens Rois négligèrent cette partie des fruits de la terre, parce qu'il y avoit trop de bois, mais que quand le peuple est venu à s'augmenter, on en a tant défriché que Philippe Auguste se trouva obligé d'y donner son attention pour ce qui en restoit ; Philippe, fils de S. Louïs, & Charles VI. firent des Ordonnances à ce sujet, mais la plus parfaite de toutes, & qui conserveroit merveilleusement les hauts bois si elle étoit éxécutée, est celle de Charles IX. du mois d'Août, 1573 : Elle fut rendue sur l'avis du Parlement, & porte que les bois de haute fûtaye, appartenans au Roi, ne pourroient être coupez avant l'âge de cent ans ; que les lieux dont les bois auront été abbattus seront labourez, semez de glands & clos de fossez pour leur seureté ; que les bestiaux n'y pourront entrer qu'ils n'ayent vingt ans, & enjoint aux Officiers d'y tenir la main.
PARIS,
Le Roi François I. regardoit ses Forêts comme le trésor de l'Etat, & le Roi * régnants touché de la même considération, a renouvellé les Ordonnances de ses Prédécesseurs, & en a fait de nouvelles ; mais l'Auteur se plaint de leur inexécution, & il en attribue la faute aux Officiers des Forêts, outre les abus qu'on a commis dans le défrichement de plusieurs bons bois, sous le pretexte de l'alienation des terres vaines & vagues : il remarque encore que l'usage des bâtimens de Bois revêtus de piastre, tant pour le corps des maisons que pour les lambris, est cause qu'on coupe les bois de trop bonne heure, parce que celui de 40 ans est propre à ces sortes d'ouvrages. C'est pourquoi il voudroit qu'on défendit absolument ces sortes de coupes, hors pour les maisons de deux Toises de profondeur, où il est de toute nécessité d'épargner le Terrain.
Eaux & Forets.
Il n'y avoit autrefois qu'un Office de Grand-maître Enquesteur & Réformateur general des Eaux & Forêts du Royaume de France, dont le Roi Louïs XII. fit don à François d'Alegre, Seigneur de Presly par lettres du 10. Janvier 1514 : En l'an 1575, » Henri III. créa six Charges ou Offices des Grands-maîtres avec diverses attributions ; elles ont depuis été supprimées, & le Roi, par son Edit de 1689, en a créé seize autres dont il a tiré une finance considerable.
De ce nombre il y a deux grandes Maîtrises pour la Generalité de Paris, la premier a le département de Paris & de l'Isle de France avec attribution de 10000 l. de gages, 5000 l. de chauffage, 800 l. pour appointement d'un Secrétaire, & par autre Edit du Mois d'Août 1693, on lui a attribué, ainsi qu'aux autres Maîtrises, droits de journées & vacations, à raison de trente livres pour sa personne, & dix livres pour le Secretaire : Cette Charge est remplie par le Marquis de Bruslard.
La deuxième Grande-maîtrise, qui comprend Valois & Soissons, n'a que 8000 l. de gages, 400 l. de chauffage, & 800 l. pour le Secretaire, outre les journées & vacations. M. Feron remplit cette seconde Charge.
Departement de Paris.
Le département de Paris comprend les Maîtrises particulières de Paris, de S. Germain en Laye, qui comprend les Elections de Pontoise, de Mantes & de Fontainebleau, qui comprend ses Elections de Melun, de Montereau & de Montfort l'Amaury, qui a été supprimé en faveur de l'échange faite par se Roi avec le Duc de Chevreuse ; Dreux, Crecy, qui comprend les Elections de Rosoy, Coulommiers, Provins, Nogent & Sens ; qui comprend ses Elections de Joigny, S. Florentin, Tonnere & Vezelay, & hors de la Généralité d'Auxerre, Sezanne, Chateauneuf, Entuneraye & Dourdan.
Chaque Maîtrise a diverses grueries dans sa dépendance ; celle de Paris en a sept, savoir Livry & Bondis, qui contient 14000 arpens de bois, dont 7000 seulement appartiennent au Roi ; celle de Brie Comte Robert, ou se Roi a 980 arpens de bois en trois buissons, le parc de lEchelle & Francqueux ; celle de Cenars de 5766 arpens, de Rougeau de 2960 arpens, & d'Osoy la Ferriere ; la plus part de ces bois à différens particuliers ; celle de Montlery, autrement dit de Sequigny, de 1390 arpens de bois, dont le Roi ne possedé rien ; celle de Limours de 845 arpens, y compris ses buissons du Parc ; celle d'Etampes & la Ferté Alep, de 149 arpens au buisson de Montbois, & celle de ou ogne qui contient ses bois de Boulogne de 1770 arpens, qui appartiennent au Roi, parcequil a remboursé les Religieuses de Long-champ ; le Parc de Vincennes de 1468 arpens ; la Forêt de Montmorency, qui est de 1200 arpens, à présent un gruyer particulier.
La Maîtrise de S. Germain s'étend furies bois & forêt de la Châtelainie, de Pontoise, & des Baillages de Mantes & de Meulan : les bois propres au Roi sont la forêt de S. Germain de 5550 arpens, tant plains que vuides ; la forêt de Marly, de 2141 arpens, la Garenne de 648, & un autre morceau proche Marly de 7 arpens ; les bois des particiliers, dans la Chatelainie de S. Germain, sont le buisson de Laye de 1100 arpens, & les bois de Mery de 4000 arpens, ils appartiennent l'un & l'autre à différens particuliers ;
* Louis XIV.
PARI
les bois des Baillages de Mantes & de Meulan montent à 8552 arpens, & le total de cette Maîtrise à 30506 arpens.
La Maîtrise de Fontainebleau contient la Forêt qui est de 26424 arpens, divisée en huit gardes, & les bois particuliers ; savoir le buisson de Massaury de 2800 arpens, à divers particuliers ; la Forêt de Barbeaux de 4000 arpens, dont le quart est à l'Abbaye de ce nom ; Rougeau 1800 arpens, Vitry 676, Blondy 11000, & les autres jusqu'à la quantité de 14238 à divers particuliers, les Bois de l'Election de Montereau montent à 6480 arpens, à divers particuliers.
La Maîtrise de Montfort à présent unie à la justice de ce lieu, depuis l'échange, contient la Forêt du Seigneur, de 11406 arpens, & 4925 arpens à divers particuliers ; la Maîtrise de Dreux contient la Forêt de Dreux, de 4000 arpens à Madame de Nemours ; celle de Senonches à Mr. le Prince, de 8000 arpens, & en general dans la Maîtrise 50385 arpens à divers particuliers.
La Maîtrise de Crecy contient dans l'Election de Paris, 1046 arpens, dans celle de Meaux la Forêt de Crecy, de 5131 arpens, dont 2000 sont au Roi, en fûtaye, & de plus 8672. à divers particuliers en differens morceaux ; dans l'Election de Rosoy 8646 arpens de bois, & enfin celle de Coulommiers.... arpens en divers buis¬ons.
La Maîtrise de Provins contient les deux Forêts de Jouy & deSerdun, en partie au. Roi, en partie engagée, & en partie a divers particuliers l'elles contiennent 910 arpens, le buisson de ferriere est de 700 arpens, & dans l'Election de Nogent il y en a en tout 1700, dont le Parc, qui en dépend, en contient 1200.
La Maîtrise de Sens n'a point de Forêt, mais elle contient en divers buissons dans l'Election de Sens 9900 arpens de bois ; dans celle de Joigny, y compris le bois du Seigneur, 33533 : tous les bois de l'Election de S. Florentin montent à 6000 arpens ; ceux de l'Election de Tonnere à 50000, dont 11300 aux Ecclésiastiques ; 20000 aux Seigneurs des Paroistes, & aux particuliers ; 18700 aux Communautez des Villages, qui ont leurs biens patrimoniaux ; enfin dans l'Election de Vezelay il y a encore 38000 arpens, tous fort en desordre, parce que le proprietaire se hâte de les faire couper pour les faire trainer à Paris.
Quoique la Maîtrise de Dourdan ne soit point de la Generalité de Paris, l'Auteur n'a pû éviter de rapporter les bois de l'Election de Nemours, qui y sont compris, & se trouvent monter à 6430 arpens, dont les bois de Courtenay sont les plus considérables ; il resulte de ce compte abrêgé, que tous les bois de la Grande-maîtrise de Paris, compris dans la Generalite, sont au nombre de 345611 arpens, la plupart taillez de vingt ans.
Quant au département de Valois, il est compris dans la Maîtrise de Senlis, qui est si remplie de bois, qu'ils sont le quart de l'Election ; la Forêt de Chantilly contient 76000 arpens, dont le Roi en a 5146 ; les autres bois particuliers moment à 2875 arpens.
La Maîtrise de Compiegne, qui contient la forêt de 29000 arpens, & les bois particuliers, dont il y en a divers buissons, 2773 arpens.
La Maitrise de Beaumont composée de la Forêt de Carnel de 2176 arpens, dont les deux tiers sont au Roi & quelques bois particuliers au nombre de 1865 arpens, le total de cette Maîtrise n'est que de 4873 arpens.
Dans la Maîtrise de Clermont, qui est hors de la Generalité, il y a dans l'étenduë de l'Election de Beauvais, 4900 arpens de bois appartenant à l'Evêché & à divers particuliers, & enfin dans l'Election d'Etampes, sous la Maîtrise d'Orléans, il y a 2300 arpens de bois, de sorte que le total des bois de la Generalité, tant ceux qui sont compris dans les deux départemens que ceux qui sont dépendans des Maîtrises situées hors de la Géneralité, montent à 416332 arpens.
PARIS.
Commerce
Après le détail general des revenus de la Generalité & des droits que le Roi en tire, l'Auteur entre dans celui du Commerce ; il dit qu'avant l'an i6a6, on ne fabriquoit en France que des draps très-groffiers, & qu'on tiroit les fins de Hollande, d'Angleterre & d'Espagne, au grand préjudice du Royaume, à cause du transport des especes, mais qu'en cette année le Roi accorda pour vingt ans aux Sieurs Binet & Marseilles un privilege pour rétablissement d'une Manufacture en tel endroit du Royaume qu'ils voudroient choisir ; ils la fixerent à Sedan & réussirent si bien, qu'après l'expiration des 20 années, ils y avoient 5 à 600 métiers de draperie dans la Ville de Sedan & les environs ; à leur imitation, le Sieur Van Robes, Hollandois, en établit une autre à Abbeville en 1665, avec privilège éxclusif, qui a été renouvellé à son expiration.
Ces établissemens ont eu de si hûreux succès qu'il se tire à présent très-peu de draps de Hollande ; en 1688, les Sieurs Gludes & Julienne obtinrent un autre manufacture aux Gobelins à Paris, & il y a présentement vingt métiers battans, qui sont des draps blancs, qu'on teint ensuite en écarlatte ou en bleu ; outre cette manufacture, on fabrique à Paris quantité d'Etoffes de Soye & Brocard d'or & d'argent, Ferandines, Moires lissées, Tassetas, Etoffes mêlées soye & laine, Galons or & argent, rubans & toutes sortes de bas à l'aiguille & au métier ; les Fermiers généraux avoient établi une manufacture de draps de Castor au fauxbourg S. Antoine, mais il s'est trouvé que cette espece de laine réüssissoit mal en Etoffe, n'étant pas assez flexible pour être filée, ce qui les a portez à ceder leurs privilèges & matière : aux Chapeliers qui en sont un meilleur usage.
Le Commerce des dentelles, or, argent & soye, qui se faisoit à Montmorency & aux environs, est presque entierement éteint ; il y a à Corbeil une manufacture de Buffles & de Chamois, de seize Ouvriers ; dans les Elections de Senlis & de Compiegne & dans les environs une grande quantité de bonnets & de bas de laine qui sont transportez en Flandres : le Sieur Jacquemin a établi à Magny une manufacture de Camelots & de Pluches ; il y a dans la Ville & Election de Beauvais trois manufactures considérables, celle de Tapisserie établie en 1664 ; celle des serges & draps, qui sont établis à Mouy, Blicourt, Glavigny & c. les fabriques de laines du païs & de celles de Brie que l'on prepare à Beauvais, où les Eaux sont éxcellentes pour la teinture. La principale manufacture de toilles est à Brille près de Beauvais ; elles sont de chanvres ou du lin, & portent nom de Demie-hollande ; on les blanchit à Beauvais, où on les apporte de tous les environs, même de S. Quentin & de Flandres ; ces deux Canaux attirent beaucoup d'argent dans l'Election, mais la manufacture des Tapisseries a quelque chose de plus singulier, tant parcequelle est unique que par le débit qu'elle a dans les païs étrangers ; L'entrepreneur est trés-habile dans son métier, il fait lui-même ses teintures qui sont éxcellentes pour la vivacité des couleurs ; l'Auteur croit qu'il seroit du bien de l'Etat de le soutenir & de l'encourager dans son travail, qui diminuë faute de débit, il faudroit aussi qu'on entretint auprès de lui certain nombre d'Apprentifs, afin de rependre davantage sa Science & son Talent, qui pourroit périr avec lui ; il se nomme Bragel, & est Flamand de naissance.
Tout le Commerce des Elections de Pontoise, de Montfort l'Amaury, consiste en grains & farines qui se débitent dans les marchez & sont transportez à Paris : celui de l'Election de Mantes consiste presque uniquement en vin qui est porté à Rouën par la Seine, ou en Basse Normandie par Charoy, l'Auteur a ci-dessus marqué les causes de la diminutïon du Commerce.
Les Vins de l'Election de Dreux passent ordinairement la Mer pendant la Paix, aussi la Guerre lui cause un grand préjudice ; il y a dans la Ville principale une manufacture de draps, qui employé près de 3000 Ouvriers à la Campagne, par la fabrication des laines ; les Etoffes qu'on y fabrique sont propres à l'habillement des soldats, ainsi que les Serges de Beauvais & de Berry ; les bleds de cette étendue se tirent à Paris, & les laines sont consumées par la manufacture, ou passent en Beauce & delà à Orléans.
Tout le Commerce des Elections de Melun, Nemours, Meaux, Coulommiers & Rofoy, consistent dans les Grains qui se tirent à Paris ; ainsi que les autres fruits du Païs, les laines de bonne qualité sont enlevées par les Picards pour les manufactures de leurs Païs, & principalement pour Beauvais.
On fabrique à Provins des Tiretaines de bonne qualité d'un assez grand débit dans le Païs : quelques particuliers ont entrepris de relever la manufacture des draps, à quoi ils auront de la facilité à cause de la Commodité des Eaux & de la bonté des laines du Païs, mais ils ont besoin d'être soutenus ; les bleds de cette Election sont portez à Paris par la Riviere.
Le Commerce des Elections de Nogent & de Montereau consiste en foins ; Nogent est un lieu de repos de toutes les Marchandises qui descendent à Paris ; ce qui rend l'endroit assez riche ; il y a une manufacture de draps à Cormeil près Montereau, qui est nouvellement établie, il faut aussi compter les bestiaux parmi le Trafic de ces Elections.
Quoique la Ville & l'Election de Sens soient avantageusement situées pour le Commerce, les habitans rebuttez de misere & de pauvreté n'en entreprenent aucun, ils ont même laissé perir les moulins à eau, qui étoient en quantité sur la Riviere de Lannes, M. Colbert avoit établi à Sens une manufacture de poincts de France, qui fubsistoit des deniers d'Octroi de la Ville, mais elle fut supprimée en 1676, & les Octrois convertis au profit de sa Majesté.
Le Commerce de l'Election de Joigny roule entierement sur les vins, le bois & le charbon qui sont transportez à Paris ; il en sort très-peu de grains ; il y a quelques Ouvriers employez aux Tiretaines, qui servent à vestir les gens du Païs.
Pareillement dans l'Election de S. Florentin, le bois, le charbon, & les vins sont comme la ressource commune des habitans ; la manufacture des Serges de Seignelay est tombée, on y fabrique toutefois des Tiretaines, des Toilles & du Treillis, qui se débitent assez bien dans la Champagne.
Les Vins de Tonnere sont fort recherchez des Flamands, il s'en tire beaucoup a Paris par Auxerre ; c'est le seul Commerce du Païs, M. de Louvois avoit établi une manufacture de Glaces à Levieux, qui est tombée depuis sa mort.
Outre le bois flotté, qui est le principal Commerce de l'Election de Vezelay, il y ae Trafic des bestiaux, qui pourroit être beaucoup plus considérable, si les habitans avoient la force de les bien nourrir & de les garder plus long tems sans travailler ; le mal géneral est la pauvreté qui empêche de mettre à profit les meilleures ressources de chaque. Païs.
Forêts & Marchez.
Les Assemblées qu'on nomme Foires & Marchez, ont un rapport si essentiel au Commerce, que l'auteur en traite dans le même article ; il dit que celles de Brie & de Champagne ont toûjours passé pour les plus considerables du Royaume, que les Franchises dont y jouissent les Marchands sont établies sur diverses concessions des Rois, & il compte entre les principales celles de Philippe de Valois, du Roi Jean, de Charles VI. & VII, de François I, & de Henri II, qui défend l'usage des lettres de repit, Cession, ou altervoyement contre les debtes contractées en ces Foires ; la Foire de Landy a été accordée par Philippe & Auguste au Monastere de S. Denys, à l'instar de celle que Dagobert avoit établie à la Fête du S. Patron de ce lieu ; il y a quelques Foires en faveur desquelles les Rois ont renoncé au droit d'Aubeine, afin d'assurer les Marchands ; tel es sont celles de Lyon, & de Beaucaire, mais cela ne regarde poïnt la Generalité.
Les Foires de S. Germain & de S. Laurent sont les plus considerables de la Ville de Paris, la premiere appartient à l'Abbaye de S. Germain des Prez, la seconde aux Religieux de S. Lazare.
PARIS.
Les Marchez de Sceaux sont très-considerablës pour les bestiaux ; c'est delà que la Ville de Paris tire sa viande, il ferait ennuyeux de suivre l'Auteur dans l'enumeration de toutes les autres Foires & Marchez de la Generalité.
A l'égard des Ponts & Chemins, l'Auteur dit qu'il n'y a aucun fonds dans la Generalité pour leur entretien, parce que la dépense en est inégale, mais que les réparations s'en sont sur les ordres des Trésoriers de France, qui veillent à cette Police, & y employent quelques revenans bon du Domaine ; l'on ne fauroit toutefois dissimuler l'abus general qui se pratique à cet égard, dans la Generalité & plus particulièrement aux environs de Paris, où toutes les voyes qui conduisent au nouveau Palais, élevées par les Financiers sont parfaitement pavées & entretenues pendant que les grandes routes, comme celles de Paris à Rouen, à Beauvais, ou à Amiens, sont impraticables la plus grande partie de l'année.
L'Auteur traite ensuite en particulier des Ponts de la Ville entre lesquels il compte celui de l'Isle Louvier, bâti de bois en l'an 1698 ; il dit que l'Isle Nôtre-Dame revêtuë de quais & de parapets de pierre dans la longueur de 300 toises, d'une pointe à l'autre, & largeur de 93, a commencé d'être ornée & habitée en 1614 ; que les Trésoriers de France en ont conduit les Ouvrages, qui ont duré plus de quinze ans, à cause des oppositions du Chapitre de Nôtre-Dame, qui est Seigneur du terroir ; que le Pont-Marie, qui joint l'Isle à la Ville du côté du Nord, fut abattu par les glaces en 1658, & depuis rétabli ainsi que celui de la Tournelle & le Pont de bois ; que le Pont Nôtre-Dame a été bâti en 1539, & fini en 1642 ; S. Michel en 1616 ; le petit Pont est d'ancienne construction ; il ne dit rien des Ponts de l'Hôtel Dieu, qui sont particuliers à cette maison, mais à l'égard des Ponts de toute la Generalité dont il fait le détail, ainsi que des Peages & Travers qui s'y élevent, il m'a semblé que je les pouvois omettre dans cet extrait : en observant simplement que l'Auteur compte dans la Généralité 184 Ponts de pierre & de bois, dont il en suppose un tiers en ruine, & les autres assez mal entretenus ; qu'à l'égard du droit de péage & de travers qui se levent dans la Generalité, ils montent tous ensemble à la somme de 753081. non compris les Bacs sur les grosses Rivieres. Sur quoi il observe que les péages sont fort incommodes au Commerce ; raison pour laquelle il voudroit qu'on les réduisit au simple entretien des Ponts & Chaussées, qui par ce moyen pourroit être fait plus éxactement.
Des Mines & Carrieres
En l'année 1472, on persuada au Roi Louis XI, qu'il y avoit dans le Royaume une grande quantité de Mines d'or & d'argent & d'autres métaux, ce qui donna occasion à ce Prince de faire une déclaration favorable pour ceux qui en entreprendroient la recherche ; biançois I. & Henri II. l'ont confirmée & étenduë, mais quelques travails quon ait fait en conséquence, il paroit par l'éxpérience, ou que la France ne produit point de tels métaux, ou que ses habitans n'ont point de talent de les découvrir utilement ; il raconte à ce sujet qu'un particulier, nommé Prévost, prétendit il y a quelques années avoir découvert une Mine d'or au territoire d'Auneuil, Election de Beauvais, & en effet la Terre qu'il tiroit de sa Mine paroissoit chargée d'un métal jaune & luisant ; niais on convint ensuite que ce n'étoit qu'un marcassite imparfait, & la découverte a été abandonnée ; une autre Mine fut découverte proche Lufancy, Election de Meaux ; mais l'éxpérience qu'on en fit réüssit mal, en ce que la dépense passa de beaucoup le prix de l'orquon en tira & delà l'Auteur conclud que les véritables Mines de la France sont les bleds & les vins & les autres fruits de la terre, qu'elle produit avec abondance, quand elle est bien cultivée.
Il ditquil y avoit autrefois des forges & des fonderies pour la Mine de fer, dans les Elections de Sens, Joigny & de Vezelay ; mais que depuis l'Invention de faire flotter le ois a Paris par les Rivieres, elles ont toutes cessé, parce que les Marchands de bois trouvent plus de profit a ce débit qu'à travailler aux forges.
PARIS,
L'Auteur compte avec raison les Carrieres de plâtre qui se trouvent auprès de Paris entre les richesses souterraines, auxquelles on doit joindre les autres Carrières d'où l'on tire la pierre de Taille & le Moeslon avec tant de facilité & de commodité pour les bâtimens de la Ville de Paris, mais à l'égard de leur nature, il observe que les pierres de Tonnere surpassent toutes les autres, & que depuis peu on a prétendu avoir découvert une Carriere de Marbre jaune près de Montereau faute-Yonne.
Des Maisons Royales.
L'Auteur finit son Memoire par un discours particulier sur les Maisons Royales –, il dit que Versailles est je plus somptueux bâtiment du monde, parce qu'il est l'ouvrage du plus magnifique & du plus à l'aise de tous les Rois, qu'il est accompagné de trois autres Maisons admirables, savoir Trianon, Meudon & Marli, & enfin que le Parc a trois lieuës de circuit.
Vincennes.
Il dit, que le nom de Vincennes a été formé de l'étenduë de son Parc, qui contient 2000 arpens, c'est à dire, vingt fois 100 ; que, c'étoit une dépendance de l'ancien Château de Beauté sur Marne, qui est à présent détruit, qu'en 1164. Louïs le Jeune fit entourer ce Parc de fossez, & y fit faire quelque logement pour le retour de la Chasse ; qu'il y fonda peu après le Convent de Gaumont, à présent possedé par les Minimes ; qu'en 1183. Auguste fit enfermer le même Parc de Murailles, & le peupla de bêtes fauves ; que le Roi S. Louïs en augmenta les bâtimens & construisit la grosse Tour qui porte son nom ; qu'en 1357, Philippe de Valois fit commencer les huit Tours au milieu desquelles se trouve celle de S. Louïs, que le Roi Jean les fit élever à demie hauteur, que Charles V. les acheva & se logea dans celle qu'on nomme le Donjon qui est la plus élevée du côté de Paris, qu'il bâtit aussi & fonda la sainte Chapelle de ce lieu, & qu'enin le Roi * regnant y avoit fait élever deux rancs de logis, desquels l'un est double ; ils sont à présent le principal ornement du Château.
S. Germain.
Il rapporte sur le sujet du Château de S. Germain en Laye, que le Roi Charles V. en jetta les premiers fondemens l'an 1370, attiré par la bonté & la pureté de l'Air qu'on y respire ; que les Anglois s'en emparèrent sous Charles VI ; que Charles VII. l'acheta du Capitaine Anglois qui le gardoit ; que Louïs XI, par Lettres patentes en 1482, en fit don aussi bien que des Seigneuries de S. Germain & de Triel, anciennement nommée la Chevaliere de Poissy, à Jaques Cottier, son medecin, qui ne les posséda pas long tems, ayant évincé presque aussi-tôt après la mort du Donateur par arrêt du Parlement : il ajoute encore, que François I. fit relever l'ancien bâtiment & qu'il en forma une Maison Royale ; laquelle Henri IV. Louïs XIII. & le Roi (1) regnant ont augmentée & embellie au point où nous la voyons aujourd'hui.
Fontainebleau. Compiegne.
L'Auteur ne dit rien de considerable du Château de Fontainebleau.
Il obierve que Charlemagne avoit un Château à Compiegne, qui fut donné avec les jardins par Charles le Chauve à l'Abbaye de St. Corneille qu'il fonda en 866 ; que ce Roi en fit bâtir un autre sur le bord de la Riviere d'Oise, dont les jardins étoient dans l'Isle & au delà de la Riviere, mais que S. Louïs donna ce même Château aux Jacobins, & fonda dans l'Ile, l'Hôtel-Dieu qu'on y voit encore, en la place dequoi le même Roi bâtit ce même Château, qui est celui qui subsiste encore, quoiqu'il n'en reste que la Chapelle & la grande Sale ; Louïs XI. l'augmenta des Bâtimens qui joignent cette Sale ; François I. fit construire l'entrée avec les Tourelles des côtez. Le Connétable de Montmorency fit faire le bâtiment qu'on nomme encore la Connétable, & enfin le Roi * regnant a fait rétablir toute la façade, bâti l'escalier & donné à sa Maison tous les Ornemens qui s'y voyent.
Monceaux.
La Reine Catherine de Medicis fit prémierement le Château de Monceaux en 1547, dans une place Champestre & l'orna de jardins ; Henri IV. fit refaire ce bâtiment de forme nouvelle & le donna à Gabrielle d'Estrées, qui porta quelque tems le nom de Marquise de Monceaux : après sa mort, il fut réuni au Domaine, & c'est encore à présent une Maison Royale.
* Louis XIV.
(1) Louïs XIV.
* Louïs XIV.
PARIS, ssi
Le Château de S. Leger & les Parcs où sont les haras, appartenans au Roi, avant l'échange qu'il en a faite, avec le Duc de Chevreuse ; on prétend que ce haras est au ancien que la Forêt ; il y a là ordinairement 100 Cavales, & 12 a 15 Etalons qui donnent tous les ans 40 Poulains & autant de Pouliches ; mais l'éxpérience fait connoître que ces Chevaux ne sont bons qu'à sept ans : le Roi jouït encore des Parcs du Château par convention particulière, jusqu'à ce qu'on ait trouvé une autre place commode pour ces haras.
Le Château de S. Clou est l'Ouvrage de feu Monsieur le DUC * d'Orleans.
* Le frere de Louis XIV.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA GENERALITÉ DE PICARDIE. Dressé par ordre de Monseigneur le Duc DE BOURGOGNE en 1698. Par Monsieur BIGNON, Intendant.
LA Generalité de Picardie ou d'Amiens, si on lui donne le nom de sa Capitale, est bornée au Levant par la Generalité de Soissons, au Midi par celle de l'Isle de France & de Rouën, au Nord par la Flandres & le Hainault, à l'Occident par la Mer qui la séparé d'Angleterre.
Elle contient divers Païs, qui portent différens noms ; le Vismeux compris entre la Riviere de Somme & celle de Bresle ou de Senepont, qui le separé de la Normandie ; le Ponthieu, entre celle de Somme & de Canche, qui le separe de l'Artois & de la Comté de Montreuil, l'Amiennois au milieu de la Province ; le Sangters, ou Santerre, entre l'Amiennois & le Vermandois ; le Boulonnois tout à fait au Nord & sur la Mer ; le Païs conquis & reconquis avec le Gouvernement d'Ardres au Nord, & au Levant du Boulonnois & le Vermandois qui confine la Tierarche. La longueur de tous ces Païs depuis Calais jusqu'à S. Quentin esc de 45 lieuës, & sa plus grande largeur de 25 ; elle se trouve située entre le 49. & 52. degrés de latitude. La Mer, qui borne cette Province, & qui la separé de l'Angleterre, s'étrecit beaucoup en approchant de Calais ; le trajet n'y est que de 6 à 7 lieuës, & il est encore plus étroit vis à vis de Weissant que l'on prétend être l'Iccius portus de Jules César.
Les Rivieres de cette Province sont la Somme, qui la traverse presque toute dans sa longueur, & qui est la feule navigable ; elle prend la source au Village de Fonsonne deux lieuës au dessus de S. Quentin, d'où elle passe à Ham, à Peronne, à Bray, à Corbie, où elle commence à porter de petits batteaux, à Amiens où elle est divisée en douze Canaux qui se rejoignent en un bassin où abordent les grands batteaux, nommez
PICARDIE.
Gibannes, lesquels remontent de la Mer, de S, Valéry & d'Abbevilie, & qui apportent les Marchandises étrangères ; cette Riviere n'a que 25 lieuës de cours navigable ; on a essayé d'en augmenter la navigation jusqu' a Ancre, mais sans succès, a cause des marais ou elle se répend ; & même l'utilité de ces travaux seroit peu considérable ; il y en auroit beaucoup plus a la joindre a la Riviere d'Oise, ce qui seroit aisé par le moyen des petites Rivieres qui se trouvent être deux, depuis Moreuil passant par Montdidier, le Bac, Bussy & Noyon : il y auroit même une autre conduite à choisir, en passant de Montreuil à Roye, de Roye à Noyons, cette entreprise ne coûteroit pas plus de 200000 l. la Riviere de Somme est par tout très-profonde, & n'est gayable qu'à un seul endroit, entre Abbeville & S. Valéry, qu'on nomme la Blanquelange ; ce fut en cet endroit qu'Edouard III, Roi d'Angleterre, la passa au mois d'Août 1346, pour aller loger à Cressy, où se donna la célébré Bataille où les forces de la France reçûrent un si grand échec.
Les autres Rivieres de la Province sont celles d'Avignon, d'Eures, d'Aureigues, la Lule, qui se jettent dans la Somme –, l'Aire » l'Arroude & le Mans, qui se jettent dans l'Oise, le Bresle ou la Riviere de Senarpont, qui se jette aussi dans la Mer, à la Ville d'Eu : L'Auty, qui se jette dans la Mer, venant d'auprès de Doulens, & la Canche, qui passe à Hesdin en Artois & à Montreuil, & se jette dans la Mer à Etaples : il y a 20 ans qu'on fit des travaux considérables pour rendre cette derniere navigable jusqu'à Hesdin, mais sans aucun succès, par la faute des Entrepreneurs, il y a quatre petites Rivieres dans le Boulonnois, dont celle de Lianne pourroit être rendue propre à la navigation jusqu'à Wervennes, au grand profit du Roi par le débit de ses Forêts. Le Gouvernement de Calais est coupé de plusieurs Canaux, tant pour l'écoulement des eaux que pour le Commerce, il y en a deux principaux, par où l'on communique avec Dunkerque & S. Orner, & jusques dans la Flandre Espagnole ; les autres sont pour la Ville d'Ardres, le Bourg de Guisnes & les Villages de Bas-païs.
Terroir.
Le terrain de la Province est par tout éxtremement uni, il ne se trouve des hauteurs que rarement aux bords des Rivieres ; les grains de toutes especes y viennent en abondance, il y a peu de fruits & de legumes, si ce n'est aux environs d'Amiens & dans l'Election de Montdidier ; l'on recueille aussi des lins, de la navette, du chanvre & du houblon ; les pâturages y sont rares, & il ne s'en trouve que dans le Boulonnois, où il se fait débit de beurre qui se consume dans l'Artois, & où l'on éleve des chevaux & du bétail qui se tire vers la Normandie ; le Climat est plus froid que temperé, sur tout au voisinage de la Mer, où les vents & les brouillards regnent une partie de l'année.
Mines.
On a découvert, depuis 5 ans, une Mine de charbon proche de Boulogne au Village d'Argdenhem ; le Duc d'Aumont a eu une permission du Roi éxclusive, d'y faire travailler, en dédommageant les Propriétaires ; le Marquis de Tagny en a eu une pareille pour le terroir de Rety ; ils en ont fait tirer l'un & l'autre une grande quantité, mais il ne se trouve pas si bon que celui de Hainault & d'Angleterre ; on voit que c'est par la faute ou l'ignorance des travailleurs, qui cherchent le plûtôt fait & ne connoissent point les bonnes veines ; il est certain qu'on trouveroit ailleurs de pareilles ou de meilleures Mines, mais les Proprietaires qui ne peuvent esperer qu'un leger dédommagement ne s'empressent point de faire des découvertes. Il y a aussi des Mines de Fer par tout le Boulonnois, mais le manque de bois les rend inutiles : on y en pourroit aussi trouver de Plomb & d'Etain, si quelqu'un se trouvoit en état de faire de la dépense.
Les pierres de Sinkal sont assez communes dans le Boulonnois, on s'en sert aux fortifications tant pour les graisseries que pour les revêtissemens ; cette pierre est susceptible de tous les ornemens d'Architecture : on trouve aussi à Marquise dans le Boulonnois une espece de Marbre gris, assez beau, & qui le seroit davantage, si la Carrière étoit plus creuzée, le débit seroit aisé puis que Marquise n'est qu'à une lieuë d'Ambleteuse sur la Mer ; il y a dans l'Election de Montdidier au Village de Mortemer une Carrière, d'où
PICA DIE.
R¬ tire des pavez d'Eglise & de Sale, qui. sont assez beaux & dont il se'fait beaueoim de débit.
Caractere des Peuples.
Le Caractère principal des Peuples de cette Province est d'une part la lenteur, l'inaction, l'indifférence, & de l'autre la fidelité, la droiture & la brusquerie ; ils sont tous peu susceptibles d'inquiétude pour acquérir des biens & des honneurs au dessus de leur naissance, ils se contentent d'une possession paisible du peu de bien de leurs peres & le ménagent avec oeconomie : ils soutiendroient leurs familles ordinairement nombreuses, mais les impositions les réveillent & les rendent plus attentifs au gain, ils ne sont labourieux que quand ils sont pressez, on a peine à trouver des Ouvriers parmi eux, lors que le bled est à bon marché, & que les moissons sont abondantes ; contens de vivre au jour la journée ; ils sont ordinairement pleins de bon sens, mais nullement vifs, ni subtils, quoiqu'ils sçachent d'ailleurs aller à leurs fins ; les insinuations ont peu daccès auprès d'eux, ils vivent sans liaison les uns avec les autres, & aussi sans inimitiez ; difficiles à redonner leur coeur quand il s'est une fois éloigné. La Noblesse fait parmi eux une profession plus particuliere de bonne foi & d'honneur, & ces sentimens, secondez d'une bonne Education, ont produit d'éxcellens personnages : Cette Noblesse se jette ordinairement dans le service, & il est rare qu'un Gentilhomme n'ait fait au moins quelques Campagnes ; les Picards sont bons soldats, tant parce qu'ils sont accoûtumez à une vie dure que parce que leur naturel les porte aux Armes.
Coutumes.
Ils sont régis par des Coûtumes différentes ; Celle du baillage d'Amiens, qui comprend les Prévôtez d'Amiens, Foüilloy, Beauquesne, Doulens, S. Riquier, Montreuil, Vimeure, le Beauvoisy, & les Baillages d'Ardres & de Guisnes, donne en Succession directe à l'ainé ou l'aînée des enfans nobles, ou roturiers, les quatre quints des fiefs ; l'autre quint aux Cadets ; les autres biens meubles & immeubles se partagent également. Les Coûtumes de Peronne, Montdidier & Roye sont pareilles, excepté que les puisnez nobles n'ont qu'un quint viager dans les fiefs, mais les puissiez roturiers y ont la moitié ; s'ils sont plusieurs & s'il n'y en a qu'un, ils ont le tiers : les puissiez succedent les uns aux autres dans ces Coûtumes, à l'éxclusion de l'aîné, qui n'est jamais admis à partager le quint, tant qu'il y a des Cadets : lors que le puisné succédé à son aîné, il garde sa part dans le quint à la Coûtume d'Amiens ; mais en celle de Montdidier elle accroit à ses Cadets ; en Succession collaterale, l'aîné est seul héritier aux fiefs. La Coûtume de S. Quentin est semblable à celle de Peronne pour les roturiers ; maisàl'égard des Nobles, les Cadets n'ont qu'un quint viager dans les fiefs ; partageant les autres biens également : il n'y a point de droit d'aînesse collatérale. La Coûtume de Ponthieu ne donne aux Cadets qu'un quint viager dans les biens paternels & maternels de quelque nature qu'ils soient ; mais elle promet aux peres & meres de disposer de leurs meubles acquets, & du quint des propres, en faveur des Cadets : en collaterale l'aîné est seul héritier. Dans le Boulonnois les puissiez des Nobles & roturiers n'ont qu'un quint hereditaire dans les fiefs, mais ils partagent également avec l'aîné les acquets roturiers & les meubles ; le pere peut disposer du quint, comme dans la Coûtume de Ponthieu & même du revenu de trois ans de ses biens féodaux ; l'aîné est seul héritier collateral, hors les Successions des freres & soeurs, dont les meubles & acquets se partagent également. Dans les Coûtumes d'Amiens, de Peronne, Montdidier, Roye' & S. Quentin, la représentation en ligne directe au lieu de l'infini & en collatérale jusqu'aux enfans des freres & soeurs inclusivement. Dans les Coûtumes du Ponthieu & du Boulonnois, la représentation n'a lieu, ni en ligne directe, ni en collatérale, avec cette différence, à l'égard du Boulonnois, que l'aîné des petits enfans, dont le pere est mort sans laisser ni freres ni soeurs, succédé à tous les biens de l'ayeul, à l'éxclusion de ses freres & soeurs.
Histoire.
La Picardie se trouvant dans le voisinage du païs que les François occuperent d'abord en deçà du Rhin & de la Meuze par la concession des Empereurs Romains fut
nre-
aussi des premieres envahies quand les peuples songerent à se faire un établissement i dépendant. Grégoire de Tours nous apprend que Clodion, qu'il regarde comme le p mier Roi François qui ait regné dans la Gaule, occupa cette Province jusqu'à la Somme mais il ne dit point ce qui est effectivement improbable, quoique l'Auteur de ce Mémoire ose l'avancer, que ce Prince ait déclaré pour lors la Ville d'Amiens Capitale de la Monarchie Françoise dans les Gaules ; au contraire on ne sauroit douter que ce même Clodion ayant été vaincu auprès de Sens en Artois par Aetius, General Romain, enl'an 428, ne perdit alors, avec un grand dommage de sa Nation, tout cè qu'il prétendoit avoir acquis à son avantage ; cependant il fit la paix dans la suite avec ce même Aetius, c'est à dire, en 430, & il y a apparence, qu'il en fut traité favorablement puis qu'il continua de demeurer en deçà du Rhin, faisant sa residence au Château de Diparge, à présent Duisbourg près Bruxelles, sur les terres de l'Empire. Il envoya même un second fils à Rome pour s'y faire connoître de l'Empereur qui le traita si favorablement ; qu'âpres la mort de son pere il lui conserva la dignité de Roi des François Saliens ; c'est celui que nous connoissons sous le nom de Merouée & qui servit si bien les Romains en la journée où ils triomphèrent d'Attila, en 451. Après Merouée, les affaires de l'Empire ayant entierement changé de face Childeric son Successeur l'attaqua tout ouvertement avec d'autant plus de violence qu'il se trouva piqué & personellement intéressé dans celle querelle, parce que Egidius, maître de la milice Romaine, profitant d'un mécontentement general que la Nation avoit eu contre Childeric, s'étoit fait reconnoître pour Roi des cette partie de François qui demeuroient sur les terres de l'Empire ; on prétend qu il les avoit gouvernez huit années entieres, à la fin desquelles Childeric, qui s'étoit retire en Allemagne & fait reconnoître Roi des François au delà du Rhin surprit tout à coup la Ville de Cologne & s’avança par le Païs de juliers jusqu’en Lorraine, où il fut recueilli par ceux des François Gallicans qui venoient se joindre à lui au lieu dé Bar. Ce fut delà, qu’il s’avança contre Egidius, qu’il attaqua dans le voisinage d’Orleans : après sa mort, il porta la guerre jusqu'à Angers, d’où il revint sur le bord du Rhin fortifié d’une nouvelle Alliance avec les Saxons. Pendant le cours de cette Guerre où Childeric commit d’éxtremes desordres dans les Gaules, en vengeance de ce qu’aucune Ville fermée ne lui vouloit ouvrir ses portes, il semble que les Auteurs François, qui habitoient le Brabant & les rives de la Mer, profiterent de la foiblesse des Romains & firent quelque établissement de proche en proche, s’avançant vers la Somme ; il paroit même que Childeric en profita, puis qu’il vint s’établir à Tournay où son tombeau fut découvert en 1653.
Le Grand Clovis, fils de Childeric, plus hûreux que son pere, se rendit maître des Villes qui avoient refusé de le recevoir ; cependant il semble que la Picardie, quoiqu’occupée par des François, se trouva soumise à une domination, puis que Carasic & Ragnacaire regnoient de son tems à Cambray & à Amiens, & que ce ne fut qu’après les avoir fait mourir que Clovis en devint le maître. Les enfans de celui-ci en ayant partagé les Terres Françoises & le reste de la Conquête * aequa lance, comme le dit Gregoire de Tours, on ne sauroit dire de quel partage fut la Picardie.
Le titre de Roi de Soissons n’emportant pas la jouïssance de ce PaIs-là, comme l'Auteur le veut insinuer ; mais il paroit qu’après la division plus particuliere de la domination Françoise en Austrasie & en Neustrie, la Picardie avec la Province Ecclesiastique de Rheims, fit partie de la premiere, quoique comme frontiere elle ait été le théatre de la Guerre qui s’est faite entre l'une & l’autre. L'Auteur prétend que la Picardie entiere est demeurée à la unie Couronne jusqu’à l’an 823. que Louïs le Debonnaire s’avisa d’y établir des Comtes, mais ceci merite explication ; car s’il entend, par ce terme de Comte, le Magistrat ordinaire, il est certain que leur institution est aussi ancienne que la Conquête, mais s’il entend une inféodation, telle qu'on peut la supposer sur la fin de la seconde race, il est certain que celle qui fut faite à Pepin, fils de Bernard, Roi
* Voiez, ci-dessus Les Memoires Hist. Tom I. p. 36.
PICARDIE.
d'Italie, ne se rapporte point à la Généralité d'Amiens, puis qu'elle se renfermoit au Vermandois : il est vrai que ces descendans ont acquis la Comté d Amiens, mais ils n ont jamais rien possedé dans l'Artois, ni le Boulonnois, qui étoient membres de la Comté de Flandres, ni dans le Ponthieu & le Vismeux qui ont eu d'autres Seigneurs.
Philippe d'Alsac, qui avoit eu la Picardie, ou plûtôt la Comté d'Amiens, par son mariage avec Elisabeth de Vermandois, refusa après la mort de sa femme de la rendre à Alionor sa belle-soeur, qui en étoit légitimé heritiere : elle eut recours à Philippe Auguste, Roi de France, qui fit la guerre pour ce leger sujet à l'homme du monde à qui il devoit le plus. Cependant il la termina par un traite qui laissa la jouïssance de la Province à Philippe d'Alsac & à Alienor successivement pendant leur vie, & on assura la possession au Roi de France après leur mort.
Au surplus, le Roi Charles VII. engagea les Villes situées sur la Riviere de Somme à Philippe, Duc de Bourgogne, par le traité d'Arras de l'an 1435, sous la faculté d'en pouvoir faire la rachat toutefois & quantes, en lui payant 400000 écus. Louis XI. les retira en 1463, & fut oblige de les ceder de nouveau a Charles, fils de Philippe, pour appaiser la guerre du bien public, excitée par ce dernier, il les ratrappa néanmoins après sa mort, employant à cet effet tout l'art de sa politique, parce qu'il connoiffoit bien qu'elles étoient la clef de son Royaume.
Amiens.
On compte treize Villes dans le département de Picardie ; Amiens, Abbeville, Calais, Boulogne, Ardres, Montreuil, S. Valéry, S. Quentin, Peronne, Roye, Montdidier, Corbie, Doulens. Les plus considérables sont les trois premieres.
Amiens, Capitale de la Province, située sur la Somme à 14 lieuës de la Mer & 28 lieuës de Paris, est selon la commune opinion la Samarobriva de Jules César. Son origine n'est point connue, on sçait seulement que ses habitans eurent part à l'irruption que les Gaulois firent dans la Grece & la conquête de Galice, 279 ans avant Jesus Christ. Jules César est le premier qui ait assujetti la liberté de cette Ville, plusieurs de ses Successeurs y ont fait leur séjour, & quelques-uns l'ont augmentée : depuis qu'elle a été soumise aux Rois de France, elle a toûjours fait partie de leur Domaine, si ce n'est pendant l'aliénation faite en faveur des Comtes, qui a fini en 1183, & le tems de l'engagement fait au Duc de Bourgogne.
Cette Ville est la Capitale de l'Election, elle est le siege d'un Evêché, dont il sera parlé dans la fuite, la résidence de l'Intendant & d'un Bureau des Finances qui y est établi depuis l'année 1578. II n'y avoit d'abord qu'un Trésorier de France, qui se qualifioit Commissaire général des Vivres en Picardie, Champagne, Lorraine & Barrois : on en a établi ensuite 4 différens jusqu'à la Creation du Bureau particulier d'Amiens qui a été augmenté en différens tems ; il y a actuellement 23 Officiers qui se qualifient tous Présidens, parce qu'ils ont acheté en corps les Charges créées sous ce nom ; 2 Avocats & 2 Procureurs du Roi & un Receveur General, &c : ce Bureau a la direction des Finances, comme tous les autres du Royaume ; il connoit suivant les Ordonnances de 1445 & 1489, des Domaines du Roi, adjudications, liquidations des lots & ventes, impositions & levées des deniers, & par la déclaration de 1627, des chemins & voiries. En 1697, le Corps du Bureau a acquis 2 Charges de Trésoriers de France, Commissaires verificateurs pour les comptes des Etapes créées en la même année.
L'Election d'Amiens a ses Officiers en grand nombre, qui connoissent, comme tous les autres du Royaume, des affaires des Communautez, deniers d'octroi, contraventions à la ferme du Tabac, à la marque des métaux & à celle des chapeaux, elle paye 278535 l. de Taille ordinaire ; il y a un grenier à sel, composé de différens Officiers, un Bureau des Tailles pour juger des fraudes, contraventions aux droits & Ordonnances du Roi sur les denrées & marchandises entrant & sortant dans l'étenduë des cinq grosses Fermes pour les Provinces étrangères, ou réputées telles, il y a deux Prévôtez, l'une provinciale & l'autre particulière.
Le Présidial d'Amiens a été créé par l'Edit de 1551. Il est composé de deux Présidens, un Lieutenant General, un Lieutenant Criminel, un Chevalier d'honneur, eréation de 1691 ; 17 Conseillers anciens, deux honnoraires, création de 1696 ; deux Avocats, un Procureur du Roi & & un Greffier.
Le Baillage d'Amiens est composé d'un Bailly d'Epée, qui est toûjours le Gouverneur de la Ville & Citadelle, d'un Lieutenant General & des autres Officiers du Président ; il y a encore dans la Ville deux Prévôtez, celle d'Amiens & celle de Beauvoisis, qui ont aussi leurs Officiers ; on parlera dans un article à part de l'Etat Ecclésiastique de cette Ville & de son Diocese.
II n'y a guere de Provinces dans le Royaume dont les habitans ayent plus de talens pour imiter & contrefaire les ouvrages des Etrangers que la Picardie ; s'ils n'ont pas l'avantage de l'invention, ils égalent dans la fabrique plusieurs manufactures d'origine ; les habitans des Villes & de la Campagne subsistent également par ce travail : la principale de ces fabriques est la Sayetterie, ainsi nommée à cause que le fil de la fayette, dont la chaine de cette étoffe est composée, est faite de laine peignée & travaillée en petits rouez ; elles sont de différentes qualitez, Serges, Bouracans, Camelots, &c : on en travaille aussi de laine avec de la foye ou du lin, tels sont les poils de chevre, Camelots façon de Bruxelles, & c. & quand il y a un fil de soye autour de la chaîne, on les nomme Etamine de toutes façons : les laines dont on se sert dans ces manufactures sont pour la plûpart du crû du Païs, on en tire néanmoins de Brie, de Soissons, d'Artois, de Flandre & quelque peu d'Angleterre pour les ouvrages les plus fins. Il y a dans la Ville d'Amiens 2030 métiers travaillant à ces sortes d'Etoffes qui ont fabriqué, l'année derniere, 58200 pieces, lesquelles estimées à 20 l. l'une portant l'autre ont dû produire 1164000 l. sans y comprendre 113400 aunes de pluches, à 3 1. 10s. l'aune, valant 396910 l. Il y a de plus dans la Ville d'Amiens une manufacture de Rubans de laine, dont le Produit peut aller à 45000 l. par an, y compris le travail du Plat-païs des environs ; on compte encore une manufacture de Savons gras, noirs & verds, qui fervent à dégraissir les laines, dont le produit peut être d'environ 100000 l. II resteroit à donner le détail des Villages, qui composent l'Election d'Amiens, le nombre des feux de la Ville, mais l'Auteur se contente de dire qu'elle renferme 35000 ames.
Abbeville.
Abbeville, Capitale de Ponthieu, est une Election, &, après Amiens, la Ville la plus nombreuse en habitans ; elle est située sur la Somme à 4 lieuës de la Mer : c'étoit autrefois une petite habitation qui faisoit partie du Domaine de l'Abbaye de S. Riquier, & c'est d'où elle a pris le nom Latin Abbatis Villa ; la même Abbaye en a jouï jusqu'en 980, que Hugues Capet, alors Duc de France, la fortifia à cause de sa situation avantageuse ; il y a dans cette Ville un Siège présidial, auquel la Senêchaussée de Ponthieu est unie ; il est composé d'un Sénéchal d'Epée, qui est à présent M. de Mauhy, de l'une des meilleures Maisons de la Province, de deux Présidens, trois Lieutenans, Civil, Criminel & particulier, un Assesseur Criminel, un Chevalier d'honneur, deux Conseillers d'honneur & treize autres Conseillers, & c. le Baillage particulier a été réüni au présidial. L'Election composée des Officiers ordinaires paye 127395 l. de Taille, & elle contient 80 Familles Nobles : les Maires & les Echevins de cette Ville ont, suivant les anciens privileges, le commandement des Armées dans le tems de Guerre ; cependant le Roi y a mis depuis peu un Commandant qui est le Sieur de la Rade : la Ville renferme 17982 ames, il y a comme à Amiens un Bureau des traittes, deux Tribunaux de Marêchaussée, un Grenier à sel, & c. Les manufactures d'Abbeville sont de diverses sortes, il y a environ 80 mêtiers occupez à la façon des Bouracans, Serges façon de Londres, Serges drapées, Raz ;, Tiretaines de toutes façons qui fabriquent environ 1400 pieces de valeur de 60 l. l'une portant l'autre ; ce qui peut monter à 80000 l. par an, sans compter les Pluches ordinaires & celles de la manufacture de Ricouart qui sont plus cheres que les autres de 10s. Il y a de plus une manufacture particulière éta-
PICA DIE.
blie à Abbeville depuis l'année 1665. pour la Fabrique des draps façon de Hollande & d'Angleterre ; ce sont des Hollandois qui l'ont entreprise, & qui travaillent de laine d'Espagne tant pour les chaines que pour la trame, ils sont à présent 80 métiers battans qui sont dans le cours de l'année 1600 demi-pieces de 18 à 20 aunes chacune, & au prix de 151. l'aune, sur le pied commun, produisent 480000 l. il y a plus de 40 métiers employez à la mocade & aux tripes rayées, la chaine de cette Etoffe est de fil & la trame de laine de toutes couleurs ; il en est sorti l'année derniere 2000 pieces, qui, à raison de 30 l. chacune, ont produit 60000 l. la fabrique des Savons, pour dégraisser les laines fait ordinairement un débit de 100000 l. par an. Il y a de plus huit ou dix Marchands à Abbeville, qui débitent de grosses toilles propres aux amballages, lesquelles se fabriquent dans le lieu & aux environs, dont le débit peut aller à 30000 l. on fabrique aussi beaucoup de toilles de laines qui étant mises en teintures servent aux doublures des habits ; enfin il y a dans cette Ville & dans les Villages des environs une fabrique particuliere de fil de Caret & de cordages qui passent dans toutes les autres Provinces du Royaume.
Calais.
La Ville de Calais est très-ancienne ; on croit que le petit Risban qui subsiste encore, est un ouvrage de Caligula ; son assiette la rend plus considerable que le nombre de ses habitans, qui n'est que de 595 ames ; elle est située sur le bord de la Mer à 4 lieuës de Gravelines, & 3 lieuës d'Ardres ; elle communique de tous cotez par canaux & avec l'Angleterre par la Mer ; l'ancienne enceinte de cette place, en y comprenant la Citadelle, forme un quarré long, dont les grands côtez ont chacun 600 toises & les petits 250. Cette étendue est fortifiée de murailles & de petites tours de médiocre défense ; la partie de la Citadelle, qui fait face au Fort de Nieulay, est couverte par une inondation ; le grand côté, qui regarde la Campagne, est fortifié de bons bastions revêtus, avec de bons fossez de 25. à 30 toises, où l'on peut mettre l'eau selon les besoins ; le côté, qui regarde Gravelines, est celui qui a été fortifié avec plus de soin ; cependant les ouvrages sont trop serrez pour une bonne défense, & d'ailleurs on n'a pû y faire des chemins couverts, à cause de la hauteur du terrain qu'il auroit falu percer, de sorte que c'est toûjours le côté foible de la place, d'autant plus que les approches en sont aisées à cause des Dunes qui sont le long de la Mer. Au reste comme les eaux sont abondantes, on s'en est hûreusement servi pour mettre la place à couvert, tant par des inondations que par des courans fort rapides qu'on peut faire passer dans les fossez de quel côté que l'on voudra par le moyen des écluses ; la difficulté qu'il y auroit à assiéger cette place ne consiste pas seulement dans ses fortifications, mais dans l'impossibilité de l'enfermer à cause des inondations qui separeroient une armée ; au reste, le Fort de Nieulay est une pièce parfaite dans ce qu'il contient, il n'y a que quatre bastions.
Quelque heureuse que soit la situation de Calais, son port est presque inutile par le mauvais état des jettées, il n'y a que 22 ou 23 piez d'eau à leur tête dans les plus grandes marées & 15 piez dans le port vis-à-vis la Ville, un vaisseau n'y entre point sans risque : car s'il range à l'Ouest, il est en danger de briser contre la jettée, & à l'Est, le péril n'est pas moindre ; tout le mal vient de ce qu'il n'y a point d'écluse pour nettoyer le port, & que les sables qui s'y amassent s'y durcissent prodigieusement avec la vase, dans laquelle ils se mettent. M. de Vauban avoit projetté de réparer ces défauts en prolongeant les jettées de 5 à 600 toises jusqu'à la basse mer, en rétablissant les Quais du pont & en construisant 4 écluses sur une même ligne, au travers le Port vis-à-vis la Citadelle ; ces ouvrages ne coûteroient que 1500000 l. & rétabliroient le Commerce dans une place des plus considerables du Royaume ; on objecte néanmoins que ce seroit la ruine de Dunkerque, qui a infiniment couté a.u Roi, mais c'est faute de considérer qu'il ne s'agit pas de faire a Calais un Etablissement de Marine, comme à Dunkerque, mais seulement de mettre ce Port en état que les vaisseaux poursuivis de l'ennemi y pussent trouver un azile, dont ils manquent absolument sur toute la Côte ; que d'ailleurs il n'y a point
PICARd'endroit
PICARd'endroit propre aux armateurs que celui-ci, parce qu'ils découvrent tout ce qui entre & sort de la Manche, comme le Roi en a eu le dessein. Dans l'état présent le Commerce de ce Port n'est aucunement considerable, il se reduit à faire passer en Ano-leterre secrettement quelques balots de marchandises de France, sur tout des manufactures de Lyon, Galons d'or & d'argent, points, dentelles, & c. qui ne payent point de droits à la sortie de France, lors qu'il est justifié qu'elles ont été achetées à Lyon, dans le tems des Foires franches, mais comme elles sont de Contrebande en Angleterre, on ne les passe jamais sans risque ; il arrive quelquefois en ce Port des bâtimens François chargez de sel ou de vin, qu'on voiture à la faveur des Canaux dans l'Artois & la Flandre Françoise : les Anglois y portent du Beuf salé & des Cuirs d'Irlande, & nonobstant les défenses severes de laisser sortir d'Angleterre les laines de Bouchon, il en arrive de tems en tems par le moyen des navires que les Marchands de Calais envoyent à la Côte. II y a un Baillage Royal à Calais, qui est composé d'un Présidents Juge General, Civil & Criminel, d'un Conseiller & des autres Officiers Civils à proportion. Il y a aussi un Siège d'Amirauté composé d'un Lieutenant, un Procureur du Roi & un Greffier, qui connoissent privativement à tous juges des délits commis en Mer ; il y a aussi un Bureau des traittes, on compte 20 Familles nobles dans l'étenduë du gouvernement de Calais, dont Mr. le Duc de Bethune est revêtu.
L'Auteur ne passe pas plus avant dans le détail qui concerne les autres Villes de la Province ; c'est pourquoi, comme il semble s'être proposé un Ordre tout particulier ; il faut, pour la suivre, reprendre ses considérations generales sur la Province. Il dit qu'il n'y a aucune Forêt dans la Picardie, si.ce n'est celle de Cressy qui contient 160 arpens, & que les autres, savoir Hailly, Chailly, Pleinuelle, Maignelay, Guines, Boulogne, Surennes, Ardelos, & c. sont des bois de fort petite étenduë : c'est pourquoi le bois de Chauffage est très-cher dans toute la Province, ce qui oblige les gens du commun à brûler de la tourbe, dont l'odeur puante est fort incommode ; c'est une espece de terre noire & legere, qui se forme dans les marais à trois piez de profondeur, ce qu'on appelle à la troisième pointe ; on se sert pour la tirer d'une espece de bêche qui lui donne q.ppuces de longueur sur 3 de large, & un pouce & demi d'épaisseur, plus elle est seche plus son odeur est forte.
On a déja dit, que les Villes de la Province sont au nombre de 13 –, l'Auteur ajoute qu'elles contiennent 91564 ames ou personnes, & comme il a déja donné le détail des Villes d'Amiens, d'Abbeville & de Calais, il ajoûte que
Celle de Boulogne en renferme
3748
Ardres
1089
Corbie
2065
Doulens
1970
Montdidier
3815
Montreuil
5075
Peronne
2250
S. Quentin
8000
S. Valery
3750
Gouvernement Militaire.
Monsieur le Duc d'Elboeuf est Gouverneur de la Province, le Duc de Bethune en est Lieutenant General, & le Duc de Charôt a la survivance ; le Comte de.... est Lieutenant General dans les gouvernemens dePeronne, Montdidier & Roye. Depuis le Roi a créé pendant la Guerre quatre Charges de Lieutenant de Roi particulier, le Sieur de Neuschel a acheté celle d'Amiens & Ponthieu, le Vidamé d'Amiens, celle de Peronne, Montdidier & Roye ; les deux autres Charges n'ont jamais été levées. Les Gouvernemens particuliers sont l'Amirauté, M1', de Mezieres Lieutenant General des Armées du Roi ; à Abbeville, le Maire & les Echevins ; à Móntreuil, le Duc d'Elboeuf ; à Ca-
PICAR DIE.
lais, le Duc de Bethuné –, à Ardres, le Marquis de Bethune ; à Boulogne, le Duc d'AUmont ; à Doulens, le Duc de Chevreuse ; à Peronne & Roye, le Comte de... ; à S. Quentin, le Sieur de Maupertuis.
La Province entiere contient 1347 Bourgs ou Villages grands & petits, dont l'Auteur donne un détail fort long & fort inutile, puis qu'il suffit de savoir qu'ils contiennent tous ensemble 520175 personnes ; il y avoit autrefois davantage de peuple environ un douzième, mais les mortalitez & la guerre l'ont reduit à cette quantité ; la desertion des Huguenots n'y a pas aussi peu contribué, il en est sorti 2600 de l'Election d'Amiens, 80 dans cette d'Abbeville, 60 familles dans le gouvernement de Montreuil, 40 dans celui de Boulogne, 2700 dans celui de Calais ; ainsi des autres à proportion.
Manufactures.
Le Plat-païs de Ponthieu & des environs d'Amiens est fort occupé aux manufactures, il y a eu jusqu'à 950 métiers dans le Bourg de Crevecoeur, travaillant aux Serges qui portent le nom de ce lieu, lesquelles sont de très-bon usé, étant toutes de coeur de laine ; le Produit monte à plus de 400000 l. cependant les Ouvriers de cette fabrique sont très-pauvres, les Marchands leur sont ordinairement avance de l'année, & ils leur livrent les Etoffes sans être foulées, ni aprêtées, & il y a une pareille manufacture dans les Villages de Fouquers, Hardevilliers, Tilly, &c ; où l'on compte 148 métiers, dont le Produit monte à 11000 l. la fabrique des Serges d'Aumale est aussi fort répenduë en Picardie, quoique le Chef-lieu ne soit pas du département, il y a 1170 métiers dans les Villages voisins d'Aumale & de Grandvilliers, qui fabriquent pour plus de 1500000 l. de Serges, connues sous le nom d'Aumale : c'est la feule manufacture de cette espece qui soit dans le Royaume, & cependant la plûpart des Ouvriers meurent de faim, & sont contraints d'abandonner leurs métiers, soit à cause de la cherté des laines, soit parce que les impositions ordinaires & extraordinaires passent le produit de leur gain : il y a une autre manufacture de Serges drapées au Bourg de Tricot, dans l'Election de Montdidier, à 10 lieuës d'Amiens ; il y a dans ce lieu & aux environs 150 métiers, qui fabriquent jusqu'à 7000 piéces, lesquelles valent 8 l. & sont un produit de 190000 l. Il y a une autre manufacture à Baucan le Vieil & Coupigneule, non loin d'Aumale, où l'on fabrique des Etoffes nommées Bellinges, qui est une espece de tiretaine de fil & de pignon, qui sert à vêtir les pauvres & est dans un très-grand débit ; on y compte 75 métiers qui en fabriquent 3000 piéces, de valeur de 50 l. chacune, ce qui forme un produit de 150000 l. Dans la Ville de S. Quentin & aux environs, il y a une manufacture de Toiles très-confiderable, qu'on nomme Batistes, ou Toilles de S. Quentin ; il s'en débite par an environ 6000 piéces, qui sont enlevées pour tout le Royaume & dehors ; tout ce Commerce ne roule néanmoins que sur 25 Marchands de la Ville de S. Quentin, quoi qu'il monte à près de deux millions par an, lors qu'il n'y a point de guerre. Le Vermandois est très-abondant en Lins & les eaux de la Ville de S. Quentin sont éxcellentes pour le blanchissage des Toilles, de façon que les fabriques de Cambray & autres lieux y viennent faire blanchir les leurs ; les environs de Peronne fournissent aussi de ces mêmes Toilles environ pour 1500000 l. Il est presque impossible de donner le nombre des Ouvriers employez à toutes ces manufactures, sur tout à la Campagne, où le travail n'est pas continuel ; on peut toutefois se former une idée du grand nombre d'Ouvriers qui subsistent par-là : de ce que chaque ouvrage doit au moins passer par les mains de 20 personnes différentes, avant d'être achevé, mais leur salaire est fort inégal ; un bon Ouvrier hautelisseur ou sayetteur ne gagne que 15 s. par jour, un mediocre 10 s. les apprentifs y travaillent sans profit pendant la premiere année, la seconde ils gagnent moitié, de façon que les Ouvriers de Serge ne gagnent que 6 s. ceux des fabriques d'Aumale 4 ou 5s. les peigneurs 8 s. En general ce sont tous journaliers qui n'ont point de profession reglée, le tems & le gain les déterminent à un métier plutôt qu'à un autre ; tel maître qui a trois ou quatre métiers n'en fait quelquefois pas battre un seul, se réglant sur le débit & le prix de la Marchandise ; les Fileuses de Picardie sont fort recherchées à cause de leur adresse à ma-
PICARnier
PICARnier laine, il en a passé plusieurs depuis la paix en Hollande, aussi bien qu'en An gleterre, de même que plusieurs ouvriers, le tout à cause de la cessation du travail cause par la cherté des laines.
Il y a peu de choses à desirer pour la perfection des manufactures de sayetterie & de drapperies & autres ouvrages, si ce n'est une observation plus exacte des reglemens & statuts de chaque manufacture : La cherté des laines induit les ouvriers a faire de faux ménages qui gâtent les Etoffes, soit par la foiblesse de la trame, soit par le mélange des laines ; l'Auteur croit que le moyen de remedier à tous ces abus seroit de multiplier les Inspecteurs & les Visites de Jurez-, d'autres croiroient que la liberté du Commerce seroit le meilleur expedient pour empêcher les abus, & que les ouvriers seroient assez punis en manquant du débit de leurs marchandises, quand elles ne vaudroient rien ; mais l'usage du tems est d'établir par tout des marques & contremarques, & des bureaux de Visite & de bannir la liberté ; c'est pour cela qu'il assure qu'il feroit nécessaire d'etablir un bureau à Beauvais pour controler les Marchandises achetées à Grandvilliers, Aumale, & c. quoique marquées de plomb de la fabrique, afin de confisquer sevèrement celles qui n'auroient pas les longueurs prescrites, & il ajoûte que si les Marchands, après leur achat, étoient sujets à ces sortes de confiscations, ils n'auroient pas la facilité d'acheter des Marchandises défectueuses, & que les ouvriers n'en trouveroient pas le débit.
Commerce.
Mais le principal Commerce & la ressource de la Province consistent dans le débit des grains, dont la récolte passe de beaucoup ce que le Païs en peut consumer, de sorte qu'ils sont enlevez en Flandre & en Hainault, tant pour la subsistance des habitans de ces lieux, que pour celles des troupes : il en passe même jusqu'à Paris & par Mer on y voiture de S. Valery dans les autres Provinces depuis que le Roi en a permis la traitte. Le Commerce des lins est très-considerable dans le Ponthieu, l'Amiennois, & surtout dans le Vermandois, outre celui qui passe à Rouën & en Bretagne, il sen consume beaucoup dans le Païs à la fabrique des toiles. La graine de lin entre aussi dans ce Commerce, parce qu'on est dans la necessité de changer la semence tous les ans sans quoi le peuple est persuadé que la terre ne rapporteroit rien, mais on veut de plus que cette graine prenne une nouvelle fidelité, quand elle est transplantée dans un autre païs, les chanvres de Ponthieu, de Montreuil, de Laincinnois & de la Vallée de Rissour vers Montdidier, sont employez à l'usage du Païs pour de grosses toilles, ou pour des cordages, on en transporte aussi en Bretagne & à la Rochelle.
Les Marchands de Normandie tirent par an cinq à six mille poulains des Gouvernemens de Calais & de Boulogne, qu'ils jettent ensuite dans le pâturage de Normandie.
Outre la Consommation du Charbon de terre & du beurre qui se fait dans la Généralité, il en passe une assez grande quantité à Dunkerque par la voye de la Mer, aussi bien que quelque charpenterie pour l'entretien des levées, & même pour la construction des Vaisseaux ; mais sur tout il y passe une grande quantité de fascines pour les ouvrages de la Mer.
Enfin l'un des principaux Commerces de la Province est celui du Poisson fraix & salé, qui se pêche sur les côtes, il s'en consomme un tiers dans le Païs, un autre tiers est porté à Paris, & le reste va en Flandre & en Artois & le seul Bourg d'Ault, proche de la Ville d'Eu, débite dans les bonnes années plus de 4000 sommes de Poissons, & les Ports de Boulogne & de S. Valery, retirent plus de 400000 l. de la pêche du Hareng & du Maquereau.
Les Marchandises qui viennent du dehors en Picardie sont les vins de France, de Champagne, & de Bourgogne, les Eaux de vie d'Orléans, les Cidres de Caen, les gros bestiaux de Normandie, les laines du Soissonnois & de Brie, le miel du Soissonnois, quelques drogues pour teindre, comme les pastels de Languedoc, les saffrans du Gâtinnois, le bois de Normandie, le fer en barre & en verges, de la Tiérarche, le papier
ÚICEAR'
d'Auvergne, Orleannois, Angoumois ; les sucres, fruits de Carême, les Galons & Etoffes d’or & d’argent de Paris, la Verrerie du Vermandois & de Normandie, la Peleterie de Rouën & quelques Toiles de la Flandre Françoise.
Ports de Mer.
A l’égard des Ports de Mer, outre ce que l'Auteur a remarqué à Calais, il traite en particulier, par raport au Commerce, des autres lieux de la Province qui sont sur la Côte.
S. Valery.
S. Valery sur Somme est le premier dont il parle. Il observe que l’entrée de cette Riviere est éxtremement perilleuse à cause des bancs de sable qui changent continuellement avec les vents & les crues d’eaux, de sorte qu’on ne peut s’engager dans cette Riviere qu’avec les meilleurs pilotes du Païs ; l’eau monte en pleine Mer de 3 brasses à la pointe de Hourdel, de deux brasses & demi au Crotoy, & de deux brasses & demi à S. Valery ; ainsi les Vaisseaux choisissent où ils veulent s’arrêter, mais ils passent ordinairement dans une fosse ou havre qui joint le Fauxbourg de S. Valery, & quelque difficile que soit l’entrée de la Riviere, il ne laisse pas de s’y faire un grand Commerce.
Etaples.
Etaples, à l’embouchure de la Canche, est un Port sort miserable, & propre seulement aux bateaux pêcheurs ; il y a néanmoins quelques bâtimens de 40 à 50 tonneaux qui navigent dans la Manche & jusqu’à la Rochelle ; les retours sont toûjours très-perilleux, parce que la Mer est éxtremement grosse à l’entrée de la Riviere, & que les bancs de sable sont fort dangereux ; on ne peut entrer dans ce Port que de vive eau, les navires vont l’attendre à Dieppe, où les Pilotes Côtiers les viennent trouver.
Boulogne.
Il n’y a point de Rade à Boulogne, si ce n’est celle de S. Jean à une lieuë au large, mais elle n’est bonne que pour vents du Nord jusqu'au Sud, & dans tous les autres vents la Mer y est éxtremement grosse, & les Vaisseaux n’y peuvent tenir le mouillage du Port est aussi trés-mauvais, à cause des rochers qui sont à la Côte sur l’étenduë d’une lieuë au large, lesqüels occupent les Cables en peu d’heures ; le Port assêché de basse mer, il y a 15 piez d’eau dans les hautes marées, & 7 dans les petites, de sorte qu’il n’est propre que pour les bâtimens à fonds plats, tels que les Bellandres & les petites barques.
Ambleteuse.
A deux lieuës de Boulogne est le Port d’Ambleteuse, qui n’étoit autrefois que l’embouchure d’un ruisseau venant de Marquise, qui couloit à travers les sables, & faisoit un coude proche de la Mer où il montoit 10 à 12 piez d’eau dans les hautes marées, ce qui fit prendre le dessein, il y a 15 au 16 ans, d’y faire un Port pour servir de retraite aux bâtimens du Roi, & pour cet effet on a pratiqué une écluse à un quart de lieuë de ce Bourg, qui forme un étang assez considerable, dont les eaux servent à nettoyer le Port & à le remplir d’eau douce ; on a de plus pratiqué des jettées qui s’étendent jusqu’à la basse Mer, & on les a élevées jusqu’à la hauteur des grandes marées, toutefois on a été obligé ensuite d’abandonner l’entreprise, parce que l’éxperience a montré que les eaux de l’étang qui tombent dans le Port sont un détour qui romp toutes leurs forces, de sorte qu’il ne leur en reste pas assez pour nettoyer le bassin, comme on l’avoit esperé, on auroit pû néanmoins faire un autre travail, lequel portant l’eau en droite ligne, remedieroit aux principaux inconvéniens, de sorte qu’en creusant ensuite un bassin & faisant une seconde écluse pour retenir l’eau des grandes marées, les fregattes de 36 à 40 Canons y pourroient entrer en tout tems, mais dans l’état présent la hauteur couvre les jettées de façon qu’un vaisseau seroit en danger évident de se rompre en y entrant : au reste, ce Port a l’avantage d’être situé au milieu de la Rade de S. Jean & l’Auteur estime que si l’établissement de Dunkerque souffroit jamais quelque diminution, il n’y a point d’endroit sur toute la Côte plus convenable pour tenir sa place.
PICARo-
Le Commerce de S. Valery est plus estimable & plus considerable par rapport à la facilité qu'il y a de transporter les marchandises à Amiens, & delà par toute la Province jusqu'en Artois, en Champagne & à Paris, sans essuyer les retardemens ordinaires par la voye du Havre de Grace ; un bâtiment se rend de Hollande, & les marchandises dont il est chargé passent à Amiens en deux jours & demi par le moyen des Gribannes qui remontent la Somme, Riviere douce & creuse sans être rapide ; que si les marchands sont plus pressez, ils ont la route des Charrois qui vont en trois jours à Paris, & c'est ce qui a déterminé le Conseil du Roi à permettre l'entrée des Epiceries par ce Port, à la reserve néanmoins des Sucres & des Cires venant des païs étrangers, dont il a plû au Roi de favoriser d'autres lieux.
Pendant la traitte des bleds, il en est beaucoup sorti parce rapport pour la Bretagne & la Normandie, & à présent il est d'un grand usage pour le débit de toutes les manufactures de Picardie, qui passent jusqu'en Espagne & en Portugal, & d'autre part les denrées qui y viennent par Mer sont les Sucres de Nantes, de la Rochelle & de Normandie, les Eaux de Vie de la Rochelle & de Bourdeaux, & les Savons de Toulon & de Marseille, les Cidres d'Auge, les Miels blancs de Bretagne, les Peleteries de la Rochelle, les Beurres de Normandie & du dehors du Royaume ; les Cendres de Dannemarck pour le blanchissage ; les Cendres potasses de Hollande pôur la fabrique des Savons, les huiles de toutes façons, les laines d'Espagne pour la fabrique des Etoffes, des bois de Campê'ché & de Bresil pour les teintures, & c. de la Moruë, des harangs, des fromages de Hollande, des fers blancs & noirs de Hambourg, des Aciers de Hongrie, des Savons, des Toiles, des Baleines, des Draps, des Camelots, de Hollande ; des Suifs, des Beurres, des Charbons de terre, Ardoise, Plomb, Etain, Couperose, Alum, toutes sortes de Pierreries & de Drogues, toutes sortes de Quincailleries d'Angleterre. Le Commerce des autres Ports ne consiste qu'en Harangs salez, Maquereaux & quelques Sels.
Les peuples du Nord sont les seuls étrangers qui frequentent les Ports de Picardie, & l'on ne sauroit douter que leur Commerce ne soit avantageux à la F rance, tant qu'ils n'y apporteront que les marchandises dont on a besoin, & qu'elle ne produit pas naturellement, quoique l'usage en soit nécessaire ; partant on ne sauroit trop le favoriser à cet égard : il est aussi certain pour une raison pareille, qu'on ne sauroit trop favoriser le débit des marchandises que la France produit, & que c'est le seul moyen de l'enrichir : cependant ce Commerce se trouve éxtremement gêné d'une & d'autre façon, premierement par le haut prix de nos monnoyes, qui fait que l'échange est si fort qu'il consume tout le profit des marchandises ; 2°. par les nouveaux droits qui se lévent sur les faisseaux Anglois, qui viennent dans nos Ports, & sur les marchandises qu'ils y apportent ; cela hausse tellement le prix des plus communes marchandises, & particulièrement de l'alum, dont on ne peut se passer dans les teintures, que toutes les manufactures en souffrent, les petites Etoffes ne pouvant pas supporter de gros fraix : les beurres, les huiles à brûler, les fromages sont renchéris par cette même raison, ce qui met la nourriture à trop haut-prix ; c'est pourquoi l'Auteur ne feint point de dire, que la France gagneroit beaucoup à réduire les droits sur les marchandises étrangeres au pié du tarif de 1664 ; 3°. on a chargé de droits outre mesure les Etoffes des manufactures de la Province, ce qui en empêche la consommation ; c'est pourquoi l'Auteur pense qu'il faudroit absolument ôter les nouvelles impositions ou du moins accorder l'éxemption aux marchandises qui se vendent pendant les foires franches d'Amiens & des autres lieux où il y en a dyétablies.
Marchands.
A l'égard du nombre des Marchands on en compte de 2 Classes ; la premiere Classe à Calais 12, & 50 de la seconde ; 6 à Boulogne, & 15 au dessous ; 3 à Etaples ; to les Marchands de S. Valéry ne sont que Commissionaires, il n'y en a guere que dix ou douze en état de faire Commerce pour leur profit. On compte à Abbeville vingt bons Negotians & cent du second ordre ; à Amiens quarante du premier rang, & deux cens
PICAR DIE.
Marinieres.
dusecond ; à Peronne 400 ; à S. Quentin 25, & 60 du moyen ordre ; & enfin dans toutes les autres Villes & à la Campagne, environ 200, ce qui fait en tout 900 Negotians.
Il y a sur les Côtes de Picardie depuis l'embouchure de la Bresle au dessous du Bourg d'Ault jusqu'à Valdin, au dessous de Calais, 2667 personnes servant à la Mer ; savoir 163 Officiers, 1084 matelots invalides & 508 mousses, employez dans les vaisseaux au Commerce & à la Pêche. Au reste, il ne faut pas finir cet article de la Marine & du Commerce sans expliquer plus particulièrement ce qui regarde la Pêche, l'Auteur dit, que celle du Poisson frais dure depuis le mois de Novembre jusqu'à la fin de May, & qu'on y employé de deux sortes de bateaux, ceux de cinq ou six tonneaux sont nommez Drageurs, vont en pleine Mer jusqu'à la côte d'Angleterre, où est le meilleur poisson, les autres pêchent à l'hameçon, & sont appeliez Cordiers, il compte dans tous les Ports de Picardie 71 bateaux de la premiere espece, & 51 de la seconde ; la pêche du Maquereau se sait pendant les mois de May & de Juin, en tirant vers les cotes d'Angleterre par des bâtimens de differente grandeur depuis 6 jusqu'à 45 tonneaux ; il y en a ordinairement 65 sur toute la côte employez à cette espece de moisson ; ceux de Boulogne entrent & sortent tous les jours, parce qu'ils sont foibles, & que la pêche est fort abondante, les autres tiennent la Mer plus long tems ; la pêche du Harang se fait avec les mêmes bâtimens dans les mois d'Octobre, Novembre & Decembre ; ils vont chercher ce poisson à Yarmouth sur les côtes d'Angleterre. C'est le principal Commerce de la Ville de Boulogne. L'adjudication de chaque bâtiment si fait par le Maire & Echevins à chaque retour, & il faut être Bourgeois pour avoir le droit d'acheter ; il y a ordinairement 800 lots, 12 barils à chacun.
II fort très-peu d'argent de la Province, du moins par la voye du Commerce, comme aussi il n'y en a entre guere, tout se sait réciproquement par lettres d'échange, à la reserve des débits particuliers ; les impositions & droits du Roi en tirent une éxtreme quantité, mais il y en repend aussi beaucoup pour la solde & la subsistance des troupes dont le passage continuel fait un espece de profit quoiqu'accompagné de beaucoup d'incommoditez.
L'Auteur traite ensuite en détail des revenus du Roi dans toute l'étenduë du département : il commence par le produit des Douannes, qu'il dit être l'un des plus anciens droits de la Couronne, qui comprend les entrées & sorties, le Domaine & les traittes foraines sur les grosses & petites denrées, sur les marchandises, épiceries, drogueries, tant pour le dehors que pour le dedans du Royaume* à l'égard des Provinces réputées étrangeres : mais comme la Picardie est comprise dans les cinq grosses Fermes, tous ces droits particuliers ont été réunis à un seul à son égard, comme pour les autres Provinces par l'Edit du mois de Septembre 1664. Outre ce droit général, il y en a un de 50 s. par tonneau sur les vaisseaux étrangers, dont les Espagnols & les Hollandois ont été déchargez à la Paix de Riswik, mais il y en a un autre de 13 l. 10 s. sur chaque muid de vin, à l'éxception de celui de Bourgogne sortant par les lieux étrangers : le même Impôt est sur les Eaux de vie qui sont destinées pour Paris & le dedans du Royaume, & sur les Cidres entrant & sortant il y a aussi un droit sur le poisson, nommé droit d'abord, & de consommation. La recepte de tous ces droits différens se fait par les commis de 44 Bureaux établis à cet effet, il y en a dix sur la côte de la Mer, 24 qui ferment une barrière le long de la frontière de Flandre, d'Artois & de Hainault, & enfin dix autres établis en seconde ligne le long de la Somme, en cas qu'il fut échappé quelque chose aux premiers. La recepte de tous ces Bureaux a monté dans la derniere année de guerre à la somme de 419826 l. tous frais de regie déduits, comme loyers des Bureaux, gages des Commis & Gardes, salaires & vacations d'Officiers & c. qui ont monté dans la même année à 89363 ; l'Auteur prétend que durant la paix, le produit de ces droits doublera.
isDIE.
Les Aides de la Province de Picardie consistent en différens droits sur tous les Po sons, Vins, Cidres, Eaux de Vie, Beurres, Pié fourché, Entrées de bois, Formules & Timbres de papier, parchemin ; le tout produit, année commune, 960000 l. les Fermiers & les remboursemens des fraix de regie n'étant point compris dans cette somme, quoiqu'ils soient payez bien réellement par la Province.
La Ferme du Tabac est un droit assez nouveau, qui produit néanmoins au Roi des sommes très-confiderables ; il y a trois Bureaux principaux établis à Amiens, Abbeville & Calais, & quatre moindres qui se fournissent aux grands ; ceux-ci ont sous eux des distributeurs de Tabac dans chaque Village, la fourniture des grands Bureaux y est voiturée de Dieppe, Rouën ou Paris, il s'y en est consommé, l'année derniere, 370952 l. qui ont produit en argent 313952 1. 11 s. I d. sur quoi il faut deduire les fraix de regie montant à 28215 l. 14s. 4d.
Le Domaine de la Province de Picardie ne consiste qu'en quelques moulins & garennes, le contrerolle des exploits, les tabellionages, les amendes, quelques dixmes, censives, droits Seigneuriaux, inféodations, fours banneaux, pêches, & c. Tous ces droits affermez 125531l. 9 s. 4 d. non compris les aliénations faites en conséquence de l'Edit du mois de Mars, 1695, qui n'ont produit au principal que 120808 l. de cette somme ; il y a 91963 1. 19s. 4d. en regie, & 33568 l. en souffrance ; il y a diverses charges locales & Aumônes à payer annuellement qui sont arrêtées au Contingent tous les ans ; elles montent ordinairement à 37372 en argent, 27 muids de froment, 8 muids d'avoine, les reparations des Edifices & les fraix de Justice sont aussi pris sur le Domaine selon les arrêtez qu'en fait l'Intendant ; ainsi il ne reste au Roi sur son Domaine de Picardie que 84559 l. 10 s. & encore à la charge des réparations & fraix de Justice.
Mais les bois qui lui appartiennent ne sont point de ce compris, les Grands-maîtres des Eaux & Forêts en ajugent tous les ans les coupes, & les adjudications en remettent le prix directement au Receveur du Domaine. Ces bois consistent dans la Maîtrise d'Amiens en quelques ballivaux sur taillis, près Beauquesne, en la Maîtrise d'Abbeville, en la Forêt de Crecy & quelques bois dans celles de Boulogne ; les bois d'Ardelot dans celle de Calais ; les bois de Guisnes. Le montant de ces adjudications est, année com mune, à 67565 1. 15 s. sur quoi il y a pour 38117 l. 15 s. de Charges ; partant il reste au Roi de tous ces Domaines de Picardie environ 110000 l. par an.
Tailles.
Les Tailles de cette Généralité sont personnelles ; l'impofìtion s'en fait tant par rapport aux possessions des proprietez ou de fermes, qu'à proportion du Commerce & de l'industrie des contributaires. Le Conseil du Roi fixe tous les ans le contingent de chaque Election, & l'Intendant en fait la répartition sur les Paroisses conjointement avec les Elûs, mais l'impofition particulière est faite par les Collecteurs de chaque lieu, & les instances qui naissent sur les rolles qu'ils arrêtent sont portez devant les Elûs ; la plus forte imposition de Taille qui ait été faite sur la Picardie est celle de l'année 1694, qui fut de 935551 repartie en la maniéré suivante ; Savoir,
1.
Sur l'Election d'Amiens
278535
d'Abbeville
7395
de Doulens
145180
de Montdidier
221143
de Peronne
124721
de S. Quentin
38577
935551
PI CARDIE.
L'Ustencille de Cavalerie & d'Infanterie a monté jusqu'à 3 63 806l. sans compter la dépense des fourrages de la Cavalerie & un nombre infini d'affaires de Finances.
A l'égard du Gouvernement de Montreuil, il faut observer que de 36 Villages, dont il est composé, il y en a 17 dans l'Election d'Abbeville ; des 19 autres il y en a 6 dans la banlieuë qui jouissent d'éxemption & 13 démembrez de la Comté d'Artois & unis à la France par les traitez de Madrid, de Cateau de Cambresis & de Crespy, qui jouïssent aussi de leurs anciennes exemptions de Taille, à la charge seulement de payer les deux tiers des fourrages de la garnison de Montreuil, le Roi demeurant chargé du surplus ; laquelle contribution ne monte qu'à 3000 l. par an. Le Gouvernement de Boulogne n'étoit naturellement sujet à aucunes Tailles, en conséquence de divers privileges accordez par le Roi ; mais celui-ci ayant envoyé des troupes en quartier d'hyver en l'année 1660, elles y firent tant de desordres que les habitans se porterent d'eux-mêmes à offrir une somme de 40000 l. pour n'y être plus éxposez : l'imposition a continué, & même à présent, à 439501. Le Gouvernement de Calais n'est sujet à aucune imposition reglée ; cependant les dépenses où on est obligé pour les réparations des canaux & les dédommagemens des terres qui ont été comprises dans les fortifications, donnent lieu tous les ans à des levées considerables par rapport aux 24 Paroisses, dont le Gouvernement est composé. Celui d'Ardres ne consiste qu'en 19 Paroisses, qui sont éxemptes de Tailles, & ne devroient payer que la plus valuë des fourages qui se consument dans la Ville au delà de 5 s. par ration, ils en payent néanmoins, année commune, jusqu'à 3000 l. & fournissent de plus les lits pour les troupes de la garnison d'Ardres, & une somme de 11981. pour l'entretien de 198 lits.
Gabelles.
A l'égard des Gabelles, il y a 14 greniers à sel dans le département, dont la vente & distribution se fait en deux manieres, ou par la vente volontaire ou par vente d'Impôt ; la premiere n'est guere différente de la seconde, si ce n'est en ce qu'il n'y a point d'imposition sur la Communauté des Paroisses ; car les habitans ne sont pas moins obligez à lever du sel aux greniers que les autres, à raison d'un minot pour 14 personnes ; il y a en chaque grenier un registre du nombre des personnes, & quand elles manquent à prendre du sel, les Receveurs les sont avertir & ensuite contraindre pour le payement ; les greniers de vente volontaire sont ceux de Grandvilliers, Montdidier & Roye ; ceux d'Amiens, d'Abbeville, Corbie, Ault, Doulens, Forêt-montier, Rue, S. Valéry, Seigneville, Peronne, S. Quentin, sont en partie de vente volontaire, en partie d'Impôt ; le sel est imposé suivant les Commissions du Conseil & les mandemens de l'Intendant ; les Collecteurs des Paroisses en sont les repartitions sur les contribuables, & en levent les deniers ; le prix du sel est inégal à Amiens, Abbeville, Rue, S. Valéry, Seigneville, le sel de vente volontaire étoit avant les augmentations à 41 l. le minot, à Ault, Corbie, Forêtmontiers, Doulens, Grandvilliers, Montdidier, Roye, Peronne, S. Quentin, a 44 l. l'Impôt en general est de 189 muids, 7 septiers, 2 minots & un quart par année ; la vente volontaire, compris le sel de privilège, l'administration pour la pêche, pour les nobles & priviligiez a été, à la derniere année, à 311 muids, 15 septiers, & un quart, dont le produit est de 565961 l. 18 s. 9 d. & le total de la vente tant volontaire que d'Impôts 9611921. 8 s. fùrquoi il faut diminuer les fraix de regie, qui ne sont pas toûjours égaux, & à l'égard desquels l'Auteur assure qu'après la Paix & le licencienement des troupes la vente augmentera de 100000 l. au moins. Il ajoûte qu'il y a deux dépôts ordinaires de sels, savoir S. Valéry & Amiens, d'où ils sont distribuez dans les greniers a sel ordinaires. Il faut de plus remarquer que les Gouverneurs d'Ardres, de Calais & de Boulogne sont entierement éxempts de Gabelles aussi bien que la Ville de Montreuil & les 19 Villages qui en dépendent qui ne sont point de l'Election de Ponthieu, mais que par une convention faite avec les habitans de Montreuil pour empêcher les versemens de sel qui se faisoient, on a établi dans la Ville un dépôt où on livre le sel aux habitans au prix de 14 s. le boisseau, & pour les habitans des 13 Villages démem-
PICARan-
brez de l'Artois à 24 s. il y a aussi quelques Paroisses qui ont des privileges particuliers d'user de sel blanc, & d'autres, qui étant demembrez de l'Artois ont conservé leurs fr chises. Suivant le détail précédent, il paroit que le Roi tire de la Picardie, non compris la Capitation, les affaires extraordinaires & la subvention du Clergé, 4241256l. 15 s ;
Ce que l'Auteur dit des Foires & des Marchez de la Province est de trés-petite instruction : un Almanach les fait connoître avec plus d'ordre & de méthode. Ce qu'il dit des Grands-chemins ne merite pas plus de considération, si ce n'est à l'égard des chaussées qu'on attribue improprement à la Reine Brunehaut, à cause qu'elle les fit soigneusement réparer pendant son administration : l'Auteur n'en compte que deux, quoiqu'on en trouve une infinité de vestiges dans la Province, l'une d'Amiens à Arras, & l'autre d'Amiens à Montreuil. Les Ponts de la Generalité qui sont sur les Rivieres, sont de méchants Ponts de bois qui sont tels d'ancienneté, sans doute pour avoir la facilité de rompre & d'empêcher les courses des ennemis pendant la Guerre ; à l'égard des péages, il y en a un à Peronne, qui est uni au bail general des Fermes, & qui releve à raison de 18 d. pour livre des droits établis dans la Province depuis Calais & S. Valery jusqu'à l'éxtremité de la frontière de Flandre proche Mezieres sur Meuse –, les péages de Bray & d'Ancre appartiennent à Mr. le Comte de Toulouse depuis son acquisition, & Pequigny, qui appartient au Seigneur du lieu, peut valoir tant en especes qu'en argent environ 10000 l. Le Duc d'Elboeuf, en qualité de Gouverneur de Montreuil, est en droit de se faire payer 3 l. par chacun poulain qui y passe, acheté dans les Foires du Boulonnois.
Le Roi depuis 8 ans n'a point de troupes dans le Plat-païs de Picardie, Celles qui y passent l'hyver sont dans les Villes, sur le pié de garnison, où les fourages sont distribuez par les Commis des Entrepreneurs ; il y a ordinairement 12 bataillons & 67 Compagnies de Cavalerie, enfin à l'égard des passages des gens de guerre, l'Auteur se contente de donner leur route ordinaire, chose fort inutile par rapport à un Païs aussi connu que la Picardie, sans faire d'ailleurs aucun détail du nombre & de la Consommation des Estapes.
Familles Nobles.
Il entreprend ensuite de donner une idée des principales Familles de la Province, & remarque d'abord que les Nobles de toute espece montent au plus à 500 ; savoir 86 dans l'Election d'Amiens, 80 en celles d'Abbeville, 40 en celle de Peronne, 20 en celle de Dolens, 50 en celle de Montdidier, 14 en celle de S. Quentin, 120 dans le gouvernement de Boulogne, 60 en celui de Montreuil, 20 en celui de Calais, & enfin 10 dans celui d'Ardres. Les principales Maisons, selon l'Auteur, sont Ailly, autrefois honorée de la premiere place aux Etats de Picardie, à cause du Vidame d'Amiens, & éteinte dans la maison d'Albert, le Sieur de Fresnoy, qui porte les Armes d'Ailly, s'appelle Sains, & n'est point de cette maison, non plus que le Sieur de Guienneville, déclaré Noble par sentence de l'Election d'Artois du 21. Fevrier 1605 : Belleforiere, dont le Marquis de ce nom établi en Artois ; la branche aînée de Soyecourt est éteinte : Blottefiere, dont le Marquis de Vauchille Lieutenant du Roi au gouvernement de Picardie. Boufflers, illustrée en ces dernieres années par le Maréchal du même nom, qu'il a tiré d'un Village situé sur la Riviere d'Auty, dont l'héritiere fut alliée, en 1221, avec un Gentilhomme du nom de Morlay, duquel la posterité a pris depuis le nom de Bouffiers Bournonville, Maison qui a commencé à se distinguer au service des Ducs de Bourgogne, sous le regne de Charles VII. dont le Prince de Bournonville, Comte de Heninlittard, Baron de Caumont : La Chaussée d'Eu, Maison issue des premiers Comtes d'Eu, dont le Comte d'Arests, Baron de Rogy. Clermont Tonnere, Maison étrangère à la Province, dont le Comte de Tourry, Seigneur de Bertangle, demeurant à Amiens, qui a épousé l'héritiere de Rhunes & de Campeaux : Crequi, dont la branche aînée est tombée dans la Maison de Blanchefort par le mariage de Marie, soeur du Cardinal de Crequi, Evêque d'Amiens, avec Gilbert de Blanchefort sous le regne de Charles IX, il y a
PICA DIE.
R¬ branches cadettes fort éloignées, comme du io.au 12. degré : cette Maison est très-ancienne. Croy, Maison qui tire son nom d'un Village àqlieuës d'Amiens, a été fort illustre dans le tronc & dans les branches, elle s'est séparée au milieu du XIV. Siécle en deux souches, dont l'une a continué de porter le nom de Croy, & l'autre a pris le nom de Boulainvilliers d'une autre terre à 4 ou 5 lieuës d'Amiens : cette Maison fait remonter son origine jusqu'à Attila par les Rois de Hongrie qui en sont descendus. Estournel autrefois Creton, aussi fort ancienne : cette Maison tire son origine de Cambresis ; la branche aînée est tombée dans la Maison d'Hautefort : cette Famille prétend avoir eu la croix qu'elle porte en ses Armes, & qui est une relique gardée par les aînez de la Maison par donation de Godesroy de Bouillon, premier Roi de Jerusalem, en reconnoissance des grandes actions de Rainbault de Creton, Sire d'Estournel, à la Conquête de la Terre Sainte : Estrées, dont le Duc d'Estrées & le Cardinal de cette Maison, tire son origine d'une Maison du Boulonnois, ou, selon une autre opinion, d'un enfant sorti de Madame Louïse de Savoye & du Connêtable de Bourbon, adopté par Antoine d'Estrées en 1517 ; il se noinmoit Jean & épousa Catherine de Bourbon de Rubempré ; quoiqu'il en soit cette Maison est fort illustrée depuis les faveurs qu'Henri IV. accorda à Gabrielle d'Estrées, mere de César, Duc de Vendôme : Gouffier, originaire de Poitou, s'est établie de Picardie par le mariage de l'Amiral Bonnivet avec l'héritiere de Crevecoeur ; la branche aînée descend du Grand-maître Artus Gouffier, dont le Duc de Rohanne & le Comte de Caravas & les branches de Bonnivet, Thoy, Cheilly & de Rozannes sortent de Guillaume, Amiral de France son frere. Fontaine, très-ancienne Maison, qui vient de Fontaine, Seigneur de Longpré en 1190, les Seigneurs de Neufville en sont les aînez. Grouche, dont le Marquis de Chagni, est une Maison ancienne, mais sans illustration. Halincourt, Maison ancienne, dont le Comte de Drosmesnil parent de M. de Boufflers. Lameth, Maison descenduë d'un Antoine de Lameth, Seigneur de S. Martin, premier Ecuyer du dernier Duc de Bourgogne, qui épousa l'héritiere de la Maison de Hennecourt, dont il eut trois enfans, l'aîné substitué au nom & armes de la mere, le Cadet Vidame de Laon, Seigneur de Bouchavennes & de Bressy, substitué au nom de Bayencourt en l'an 1578. & le 3. qui a fait la branche de Bauve dont le Duc de Charôt a épousé l'héritiere. Humieres, Maison très-ancienne & très-noble, éteinte en celle de Crevaut, dont le nom a passé avec le titre de la Duché en celle d'Aumont. L'isle, dont le Marquis de Marivaux est le chef. Liques, dont le Marquis de Licques, Seigneur de Reycourt, héritier par femmes des Châtelains de Sens en Artois. Mailly, très-ancienne Maison, divisée en 4 branches, dont deux, Mailly & Nesle ont leurs terres en Picardie, celle de Haucourt qui prétend à l'aînesse, & le Suime en Normandie : Melun, dont le Prince d'Epinoy & le Vicomte de Gand, qui possedent plusieurs terres en Picardie, à cause d'une alliance avec la Maison d'Abbeville. Monchy, très-grande Maison, divisée en plusieurs branches : Monteaurel l'aînée sans aucuns biens, le pere ayant cedé toutes ses terres au Marquis de Neste son beau-frere, à la charge de payer ses dettes : Hocquincourt éteinte ; Hannoux & c. établis dans le Beauvoisis ; Sinarpont, & c. La Mothe-hondancourt, dont le Comte de la Mothe Lieutenant General : Montmorency, dont le Comte de Bours, demeurant à Gueschard près S. Riquier. Moreuil, dont le Comte de Moreuil pere de Madame de Chemeraud issu de bâtardise. Pas, dont le Marquis & le Comte de Feuquieres. Rambures, Maison éteinte en filles. Riancourt, éteinte dans la Maison de Thiercelin, & de laquelle le Marquis d'Orival, Seigneur de Filloloy prétend sortir. La Roche Fonteville, héritiere de la Maison de Rambures. Rouhant Gamache, maison descenduë de Joachim Rouhault, Maréchal de France, en 1451 : Roussé, dont le Marquis d'Alimbon Sarens, éteinte en la Maison de Thiercelin de Bossé : Saveuse, éteinte pareillement en la même. Thiercelin de Brosse, très-ancienne Maison, qui vient pareillement de s'éteindre par la mort du fils unique, arrivée à Brisack en 1713 ; & enfin la Vieuville, dont le Marquis d'Orvilliers est chef.
PICARDIE.
Terres titrêes.
Les Terres titrées de cette Province sont les suivantes :
Le Ponthieu, possédé premierement en Duché par Aìcaire qu'on croit avoir été fils de Rao-nacaire, frere de Clovis, & son successeur jusqu'à Valbert en 668, & depuis en titre de Comté par les Successeurs de Valbert jusqu'en 1102. qu'Agnès, héritière de Ponthieu, le porta par mariage à Robert, Comte de Bellesme, dont le fils aîné fut Guillaume de Calvas, trisayeul de Marie Comtesse de Ponthieu, femme de Simon de Dampmartin & mere de Jeanne épouse de Ferdinand III, Roi de Castille & de Leon, qui eut deux ensans , Ferdinand & Alienor femme d'Edouard I, Roi d'Angleterre, lequel devint héritier du Ponthieu, du Chef de sa femme, au terme de la Coûtume, qui éxclut la representation même en ligne directe, parce qu'Alienor survivoit à son frere, quand la mort de la Reine Jeanne arriva : le Roi Edouard rendit hommage pour le Ponthieu au Roi Philippe le Hardi en 1279. Edouard II. le rendit à Philippe le Bel le 17. Juillet, 1307 ; & Edouard III. au mois de Septembre, 1327, en présence des Rois de Navarre & de Bohème & de Maiorque ; mais comme ce Prince ne tarda pas de faire la guerre à Philippe de Valois, le Ponthieu fut confisqué avec ses autres terres ; le Roi Jean le donna à Jacques de Bourbon, fils puisné de Louïs I, Duc de Bourbon, qui le garda jusqu'au traité de Bretigny, par lequel il fut restitué au Roi d'Angleterre, mais le Roi Charles V. ayant de nouveau déclaré la guerre à Edouard en 1369, il se rendit maître de Ponthieu, & par une déclaration éxpresse du mois de May suivant, il accorda au peuple & autres de n'être jamais alienez de la Couronne : cependant le Roi Charles VI. le donna en appanage à son frere Jean, Duc de Touraine, en faisant son traité de mariage avec Jaqueline de Bavière, Comtesse de Hollande & de Hainault : ce Prince étant mort sans ensans , le Roi Charles VII. son Successeur, engagea le Ponthieu au Duc de Bourgogne par le Traité d'Arras en 1435 ; Louïs XI. le retira en 1463. & le ceda de nouveau à Charles, Comte de Charolois en 1465 ; ainsi il ne fut réuni à la Couronne qu'en 1477 : le Roi Henri III. le donna en 1583. à Diane, fille legitimée de France, sa soeur naturelle, en échange de la Ville de Chatelleraut pour en jouïr sa vie durant : Henri IV. le ceda au Comte d'Auvergne de qui il passa au Duc d'Angoulême son frere, dont la fille unique, Marie de Valois, épousa le Duc de Guise ; de sorte que cette grande terre n'a été réünie à la Couronne qu'en 1696, par la mort d'Isabelle d'Orléans, Duchesse de Guise & d'Alençon ; il y a 250 fiefs dans la mouvance directe de la Comté de Ponthieu, & plus de 400 en arriere-fiefs.
Le Vermandois.
Le Vermandois, l'une des anciennes Pairies de France, a été possedé par une branche de la Maison de Charlemagne jusqu'à Henri de Vermandois, qui en porta les restes à Hugues de France, dit le Grand, fils du Roi Henri I. Elisabeth, Comtesse de Vermandois, sa petite fille, épousa Philippe d'Alsace, Comte de Flandre, lequel obtint chartes du Roi Louïs le Jeune, pour succéder à sa femme au préjudice d'Alienor sa belle-fceur ; mais après la mort d'Elisabeth, Philippe Auguste entra dans les intérêts d'Alienor, fit la guerre, & par Traité obtint la proprieté du Vermandois pour lui & ses Successeurs, Rois de France, après la mort de Philippe & d'Alienor, à qui l'usufruit demeura reservé.
Boulogne.
Boulogne, très-ancienne Comté, rapporte son origine à Artus, prétendu Roi d'Angleterre, qui le donna, selon la vieille opinion, à Leger son neveu. Les premiers Comde Boulogne prétendoient descendre de ce Prince fabuleux ; mais s'étant éteint dans la Maison de Guienne par alliance, cette Comté devint le partage d'un Cadet, dont la posterité infiniment illustre, compte entre plusieurs heros qu'elle a produits, Godefroy de Bouillon, qui conquît la Terre Sainte & fut couronné premier Roi Latin de Jérusalem, le 1. Juillet 1099 ; après lui, 8 Comtes de Boulogne ont possédé successivement le Royaume de Jérusalem jusqu'en 1188, que Saladin, Roi d'Egipte, s'en rendit maître. Au reste, cette Comté étoit originairement mouvante de celle de Flandre, mais par le traité
PICAR DIE.
de Philippe Auguste & Philippe d'Alsace de l'an 1192, la propriété de l'Artois & la mouvance de Boulogne fut cedée au Roi, & en conséquence Renaud, Comte de Boulogne, en fit hommage à Philippe Auguste en 1196. Philippe de France, fils de ce Roi épousa l'héritiere de Renaud, mais n'en ayant eu qu'une fille, la succession passa Roi, Maison des Comtes d'Auvergne, dont Bertrand de la Tour, Comte d'Auvergne, qui ceda Boulogne à Louïs XI, en échange de la Comté de Lauragais ; il y a 12 Baronies mouvantes de cette Comté qui lui doivent 100 l.... Elle avoit aussi ses grands Officiers dont les Charges étoient attachées à des terres qu'on nomme à présent les Pairies du Boulonnois : enfin il y a 4 Chatelainies dans sa même dépendance. Fienne, à présentMarquisat, au Comte de Valençay ; Tingry, à présent Principauté, au Duc de Luxembourg, & c. Les terres de nouvelle création au Comté de Boulogne sont, Entredun Baronie, a M. de Frenoy ; Lemanoir, Vicomté, à M. Disque ; la Salle, Vicomté à Mr. Bonnet, Maître des Requêtes ; & Colombart, Marquisat, à M. de Maulde, Lieutem rude Roi a Boulogne.
Guines.
Guines. a eu des Comtes particuliers depuis Sifroid le Danois en l'anne'e 928 : J'hommage en fut cedé à la France avec celui de Boulogne par Philippe d'Alsace, & fut enuite remis aux Comtes d'Artois ; Raould de Guines, Comte d'Eu, Connétable de France décapité en 1350, lut le dernier mâle de cette race : sa fille Jeanne hérita de la Comté de Guines, & non de celle d'Eu, qui fut donnée à la Maison d'Artois, toutefois le Roi Jean se crut en droit d'en disposer, & la ceda à l'Angleterre par le Traité de Btetiony. Charles V. la reprit, & Louis XI. la donna au Seigneur de Croy, premier Ministre de Philippe, Duc de Bourgogne ; mais par le Traité de Conflans il fut obligé de la retirer de loi & de la céder au Comte de Charolois : enfin après la mort de ce dernier, Guines fut réuni a la Couronne avec les autres biens que Louïs XI. pût reprendre sur son héritiere il y a 12 y a 12 Baromes & 12 Pairies mouvantes de la Comté de Guines, & enJtlles il n'y a de terres titéees que celle de Courtebonne érigéeen Marquisat.
Poix.
e Chemin d'Aumale, appartient a la Duchesse de Crequi ; les anciens Seigneurs de Poix des années 1159 & 1256, portoient le nom de Thirel, & descendoient d'un Gautier Thirel, qui tua malhûreusement uillaume II. Roi d'Angleterre étant à la Chasse ; il reçût depuis cette Terre de Poix de la libéralité de Guillaume, Duc de Normandie, Comte de Flandre, & l'on voit par les titres de ses Successeurs, qu'ils le porterent si haut qu'ils prenoient la qualité de Princes, & qu'ils s'entituloient par la Grâce de DieuSeigneurs de Poix : l'héritiere de ce nom porta cette terre dans la Maison de Moreuil ; celle de Moreuil dans la Maison de Crequy, & celle-ci dans celle de Blanchefort : il y a douze Paroisses & trente Fiefs qui en relevent.
Magnelais.
Magnelais, près Montdidier, fut érigé en Duché-Pairie en 1384, en faveur de la Maison de Halluin ; elle a passe dans celle de Margierac par le decez du Maréchal de Schomberg sens enfans ; c'est une terre de 3000 l. de rente, & qui a de très-belles dépendances.
Croy.
Croy, ou Crouy, petit Village à 4 lieuës d'Amiens, fut érigé en Duché-Pairie en 1498 au mois de Juillet, non à cause de l'étenduë de sa Seigneurie ou de la grandeur de ses revenus, mais pour l'honneur de la Maison qui en est sortie, en faveur de Charles de Croy, Duc d'Arscot. Elle ne vaut que 800 l. de rente : les Religieux du Gard en sont Seigneurs en partie, le Château releve de Pequigny, la Duché est éteinte & la terre est possedée par le Duc d'Havrée.
Chaunes.
Chaunes, ancienne Comté, érigée en Duché-Pairie en 1621, en faveur du frere du Connêtable de Luines, qui avoit épousé l'héritiere de cette terre & de la Maison d'Ailly ; le Duc de Chaunes dernier mort en a fait don au Duc de Chevreufe ; elle vaut 20000 l. de rente, & n a presque point de mouvances.
PICARn
Hames. Breteuil.
Hames, Comté dans le gouvernement de Calais, est un démembrement de celui de Guines ; il appartient à la Duchesse d'Havrée & vaut 8000 l. de rente, presque tout e droits Seigneuriaux.
Breteuil, autre Comté, a été possedée en l'an 1000. par Gilduin, Vicomte de Chartre, dont la posterité a duré jusqu'en 1200, qu'elle s'éteignit dans la Maison de Beaussard, d'où cette terre a passé en celle de Melun, & enfin en celle de Bethune : Le Duc de Sully la possedé encore, elle lui vaut 7000 l. de rente, à cause de Montdidier elle releve du Roi.
Neste.
Neste est une des grandes terres du Royaume, elle a dans sa dépendance plus de 800 fiefs, elle vaut 50000 l. de rente ; elle passa autrefois dans la Maison de Clermont en Beauvoisis, par le mariage de Gertrude, Dame de Nesle héritiere ; Marie de Flandre, petite fille d'Alix de Clermont, la porta dans la Maison d'Ambroise, de qui elle passa en celle de Ste. Maure, en faveur de laquelle François I. l'érigea en Marquisat l'an 1546 ; de la Maison de Ste. Maure, elle a passé en celle de Laval, de qui elle est venue à Magdelaine aux Epaules mariée en la Maison de Mouchy, [ou Mouchy] d'où enfin elle a passé en celle de Mailly.
Ancre.
Ancre, ancienne Baronie, appartenante à la Maison de Melle, passa en celle d'Humieres, en faveur de laquelle elle fut érigée en Marquisat au mois de Juin, 1557. C°ncino Concini, dit le Maréchal d'Ancre, l'acheta le 16. Sept. 1610, pour la somme de 330000 l. elle fut confisquée à sa mort & donnée au Duc de Luynes, des héritiers duquel M. le Comte de Toulouse l'a achetée.
Piennes.
Piennes, autrefois nommée Meuilliers a été érigée en Marquisat, en faveur de la Maison de Brouilly, & vaut 10000 l. de rente, & appartient aujonrd'hui au Duc d'Aumont qui en a épousé l'héritiere. Querruic, simple Seigneurie mouvante de la Baronie de Bouës, a été érigée en Marquisat en faveur du Sieur de Godesart, dont le fils la possede aujourd'hui, elle vaut 4000 l. Mailly, autrefois Monteaurel, dans le Boulonnois, vaut 1500 l. elle a été érigée en Marquisat en faveur du Marquis de Nesle. Brunvilliers, Marquisat dans la Prévôté de Montdidier, appartenant au Comte de la Mofhe-Houdancourt, – elle vaut 9500 l. Jumelles, Marquisat, érigé en 1678, est à présent à un Bourgeois d'Amiens. Piquigny, très-ancienne Baronie mouvante de l'Evêché d'Amiens, a plus de 700 fiefs dans sa dépendance ; elle vaut 20000 l. de rente ; le Vidamé d'Amiens y est joint : cette terre passa de la Maison de Piquigny en celle d'Ailly, & de celle-ci elle est venue en celle d'Albert, qui la possedé encore aujourd'hui. Bouës, Baronie aussi très-ancienne, appartenoit premierement à des Seigneurs de la Maison de Coucy ; Enguerrand de Bouës s'empara de la Ville d'Amiens. Sa fille, ou petite-fille, Isabeau, la fit passer dans la Maison de Ravigny & la porta en mariage à Thibault, Duc de Lorraine, en l'année 1265 : elle fut décretée au commencement du * Siécle sur la Succession de Charles, Duc d'Anmale, & elle est à présent possedée par M. Turmenies Nointel ; j le revenu est de 8000 l. il y a 120 fiefs qui en dépendent. Moreuil est une des anciennes terres qui n'ont jamais été vendues : l'héritiere de Moreuil la porta dans la Maison de Crequy, de qui elle a passé en celle de Blanchefort Crequy, elle vaut 10000 l. de rente.
Outre ces grandes Ferres, l'Auteur en rapporte plusieurs qu'il prétend n'avoir jamais été venduës ; entr'autres Ailly, terre immémoriale dans la famille de ce nom. Authie, au Marquis de Fonteville par son alliance avec la Maison de Rembures, qui la tenoit de Bourbon Rubempré. Bailleul, au Prince d'Epinoy, qui la retient de l'héritiere de Bailleul ; Beauchon, au Marquis de Gamache, à cause d'une alliance de Moreuil, qui remonte à Bournet & à Beauchon. Boufflers, au Maréchal de ce nom ou à ses héritiers. Canaples, à la Maison de Crequy, qui la teint de celle de Picquigny, comme celle-ci la tenoit des Châtelains d'Amiens. Caumont, au Prince de Bournonville, par alliance de Melun qui remonte a Abbeville & a Caumont. Caulincourt, proche S.
* XVII.
PICAR
Quentin, qui a toûjours appartenu aux Seigneurs du même nom. Feuquieres, pareillement à la Maison de Pas. Flexicourt, qui a passé des Chatelains d'Amiens à la Maison de Varennes & de celle-ci à Raineval, puis à la Maison d'Ailly, d'où elle est venue, en celle d'Albert. Fouilloy, qui s'étoit éteinte anciennement à Raineval, passa par une fille en la Maison d'Ailly : une autre l'a portée en celle de Hames, d'où une héritiere l'a fait passer en la Maison d'Estournel : Hennecourt, en la Maison de Lameth. Licques en Boulonnois aulVïarquis de ce nom. Moyencourt à Mr du Chatelet. IVIolieux, Vidatné, fait partie de la Seigneurie de Piquigny, & aeu le même sort. Monsures, à la Famille de Bourdainvilaines, qui la tient de celle de Tiercelin & celle-ci de Gourlay, à qui elle étoit venuë d'une héritiere de ce nom. Pouches, au Marêchal de Bouffiers. Rambures, au Marquis de Fonteville. Ramburel, à la Famille de Gaillard. Lonjumeau, qui la tient de celle de la Fontaine. Remaugis, au Marquis de Mailly par une alliance. Riancourt, a la Maison de Tiercelin de Brosse par Succession. Rubempré, au Comte de Mailly, a qui elle est venuë de la Maison de Mouchy, qui la tenoit par une alliance de Bourbon Rubempré, bâtard de Vendôme. Sailly, Sieur Blimont, aux Seigneurs de ce nom. Saisseval, à la Maison de Semicourt. Sareux, à la Maison de Tiercelin de Brosse, par une alliance de Gourlay. Senarpont, à la IVÍaison de Miouchy, par une alliance de Cayeu. Vertoud, a la Maison de Fontaine, par une alliance de Soyecourt. Vignacourt, à la Manon d'Albiet par alliance avec celle d'Ailly. Vismes, a la Maison de Mouchy.
ETAT ECCLESIASTIQUE DE LA PROVINCE DE PICARDIE.
LA Generalité de Picardie renferme deux Evêchez, Amiens & Boulogne, avec une partie des Diocèses de Beauvais & de Noyon. L'Evêché d'Amiens est un des Suffragans de Rheims, il a reçû la Foi Chrêtienne par la predication de S. Fermin à la fin du III. Siécle. S. Quentin & ses compagnons acheverent dans le IV. la conversion du Païs, du moins dans une partie considérable, & furent les uns & les autres martirisez ; le Diocèse comprend, outre l'Eglise Cathédrale 12 Collégiales, 20 Abbayes d hommes, 6 de filles, 55 Prieurez, 780 Cures Succurales qui ont été unies aux premieres à cause de la médiocrité des revenus, 26 Communautez d'hommes, 22 de filles, 6 Colleges, 2 Hôpitaux généraux, & 10 Hôtels-Dieu pour les pauvres malades.
Il y a 2 Archidiaconez ; le premier, qui est celui d'Amiens, comprend 14 Doyennez, & le second, qui est celui de Ponthieu, en a 12 : Amiens est celui de la residence de l'Evêque dont le revenu peut être estimé à 20000 l. Entre plusieurs droits & plusieurs prééminences d'honneur qui appartiennent à ce Siége, il y en a une qui mérite d'être remarquée, savoir que les Comtes d'Amiens qui commencerent, comme on a dit, en 823, & finirent en la personne de la Comtesse Elisabeth en 11935 relevoient leurs Seigneuries de l'Evêché d'Amiens, de sorte que le Roi Philippe Auguste étant entré en leurs droits, fut obligé, pour se liberer, de l'hommage de changer avec l'Evêque le droit de procuration, en vertu duquel, selon l'usage le plus ancien, les Rois de France étoient desrayez eux & leurs Maisons par les Evêques quand ils venoient à Amiens, & il est stipule par le Concordat, fait entr'eux, qu'en cas que le Comté d'Amiens fut désuni de la Couronne, Le Roi & l'Evêque rentreroient réciproquement en leurs droits : il y a eu 76 Evêques jusqu'à présent, dont 7 sont honorez comme Saints, & 7 autres ont : été Cardinaux, entre lesquels on compte Jean de la Grange, dit le Cardinal d'Amiens, Ministre d'Etat, soit reproché sous Charles V.
PICARDIE.
Chapitre.
Le Chapître est composé d'un Doyen, de 8 Dignitez de différens revenus, de 43 Chanoines effectifs, de 72 Chapelains, 2 Vicaires & 2 Chapelains réguliers ; le Doyen est élu par le Chapître, & confirmé par l'Archevêque de Rheims –, lesDignitez. lesCanonicats & la moitié des Chapelles sont à la collation, de l'Evêque ; ce Chapitre a sa jurisdiction qui est éxercée par un Chanoine Commissaire, les appellations vont à la Métropolitaine ; les Prébandes valent, années communes, 800 l. ainsi le revenu total de ce Chapitre est d'environ 55000 l. qui joint à celui de l'Evêque compose 75000 l. l'Eglise, qui est un des plus bâtimens du Royaume, fut commencée en 1220 & achevée en 1269, elle a 366 piez de longueur sur 49 piez, 9 pouces de large, sans y comprendre les ailes ; la croisée en a 180 & la nef 213 de longueur, la hauteur de la voute est de 132 piez, on y conserve plusieurs Corps Saints, & entr'autres le Chef de S. Jean Baptiste, apporté de Constantinople après la prise de cette Ville en 1267. le Corps de S. Firmin Evêque d'Amiens & Martir y est aussi en grande vénération, comme une relique pretieuse & autorisée par une éxtrême antiquité ; lors que la translation s'en fit sur la fin du VII. Siécle, il arriva des miracles éxtraordinaires, & non feulement la mémoire en est conservée, mais un Seigneur de Beaugency près d'Orléans y ayant été gueri de la lepre, chargea sa terre de la redevance tous les ans d'un Cierge de 100 livres de Cire qui doit être representé le 25. Septembre, jour de la Fête du Saint ; les Comtes & Vidame d'Amiens, Seigneurs de Picquigny, Vignacourt, Poix, Raineval & Boret ont chargé leurs terres de pareilles obligations, & le Roi même s'en acquite ce même jour en faisant présenter deux Cierges de 50 l. chacun, l'un pour la Comté & l'autre pour la Prévôté d'Amiens. Philippe Auguste & Charles VI. ont été mariez dans cette Eglise. Il y a deux Collegiales dans la Ville, celle de S. Firmin, fondée au VII. Siécle par S. Salve Evêque ; de 6 Chanoines & 6 Chapelains, qui ont entr'eux tous 6, à 7000 l. de revenu ; l'autre de S. Nicolas, fondée en 1078, par Dreux, Evêque de Therouanne, laquelle n'a pas plus de 1800 l.
Abbayes.
Les Abbayes de la Ville sont, S. Acheul, qui étoit autrefois la Cathédrale ; l'Evêque Roricor y établit une Communauté en 1085, & l'Evêque Thierry l'érigea en Abbaye, il y a dix Religieux Chanoines réguliers sans Abbé, qui ont 7000 l. de revenus.
S. Martin-lès-Jumeaux n'étoit qu'une Chapelle bâtie sur le lieu où S. Martin donna autrefois une partie de son manteau à un pauvre, l'Evêque qui y érigea une Communauté de Clercs, que le Chapître dotta en 1073, en conséquence dequoi il a conservé la jurisdiction de cette Maison ; ils prirent la régularité 1109, & furent érigez en Abbaye en 1149 ; on en unit les revenus à l'Evêché en 1565. en faveur du Cardinal de Crequy ; il n'y a que trois Religieux dont le revenu est de 2000 l.
L'Abbaye de S. Jean, Ordre de Prémontré, fut fondée en 1125, par Guy Chatelain d'Amiens, l'Abbé Commandataire tire 17000 l. les Religieux 7000 l.
Il y a dans la Ville un Prieuré, nommé de S. Denys, qui est uni au College tenu par les Jesuistes, une Communauté de Chapelains fondée en 1506, par un Chanoine, laquelle a 1100 l. de revenu : On compte de plus dans la banlieuë 17 Cures de différens revenus, qui ont ensemble 13300 l. une Maison des Peres de l'Oratoire, fondée par M. de Caumartin de 1300 l. un Seminaire qui a 4000 l. outre l'imposition du Clergé, un College de Jesuistes, qui a 12000 l. une Maison de Célestins qui en a 2000 l. une d'Augustins de 1100 l. une de Jacobins reformez de 2000 l. une de Cordeliers qui a 1700 l. une de Minimes de 2000 l. une de Carmes de 1100 l. & enfin une de Capucins qui vit d'Aumônes.
Maisons de Filles.
Les Maisons de Filles sont l'Abbaye du Paraclet, fondée en 1218, par Enguerrand Seigneur de Borces à 3 lieuës d'Amiens, & qui a été transférée depuis cinquante ans : Cette Maison est de l'Ordre de Cîteaux ; il y a 65 Religieuses tant à la Ville qu'à la Maison de Campagne, elles ont 6000 l. de revenus. Les Urselines en ont 6500 l. les
PICARDIE.
Religieuses de Marncourt, Ordre de Fontevrault 6000 l. Celle de Ste. Marie 5500 l. les Carmélites 3500 l. les Cordelieres & les Filles grises 5000 l. les Cordelieres de S. Julien 4000 l. Les Filles de Ste. Claire ne sont point fondées ; celles de Genevieve, fondées en 1690, elles ont 1500 l. l'Hôpital généra ! jouït d'environ 15000 l. & en dépense 24000 l. l'Hôtel-Dieu a 18000 l. outre cela il y a une Maison des Repenties ; une Ecole pour les pauvres garçons orphelins, qui peut avoir 2000 l. & ainsi tout le revenu des personnes Ecclésiastiques dans la Ville d'Amiens, non compris les honoraires & les Charitez, se trouve monter à 141700 l. En la Ville d'Abbeville, il y a une Collégiale nommée S. Sulphran, fondée en 1110 & 1121, par Guillaume Talvas, Comte de Ponthieu, & Jean son fils ; il y a 22 Chanoines, 3 Dignitez, plusieurs Chapelles, & ils ont tous ensemble environ 10000 l. de rente, un Prieuré de l'ordre de Clugny, nommé S. Pierre, fondé par Guy II, Comte de Ponthieu, en 1100 ; le Prieur en retire 8000 l. & la manse des Religieux est de 4000 l. Il y a 14 Paroisses dans la Ville, dont on peut estimer le revenu à 8400 l. un Couvent de Minimes qui a 900 l. un de Jacobins qui en a 1800 ; les Carmes, les Capucins & les Cordeliers n'ont aucuns revenus ; les Chartreux, qui ont été fondés en 1301, par Guillaume de Maçon, Evêque d'Amiens, ont 9000 l. les Chapelains de S. Jean des Prez ont chacun 501. & le College jouït de 600 l. A l'égard des Communautez de Filles, l'Abbaye d'Espagne, Ordre de Cîteaux, vaut 4000 l. celle de Vignancourt, du même Ordre, en vaut 3500 l. les Urselines en ont 6000 l. les Religieuses de Ste. Marie 5000 l. les Carmelites 2500 l. les Jacobins 3000 l. les Cordeliers autant, ainsi que les Minimes ; l'Hôtel-Dieu a 9000 l. l'Hôpital des Orphelins & le bureau des pauvres ne subsistent que des aumônes des Bourgeois. Il y a de plus à Abbeville un Prieuré du S. Esprit, qui vaut 2501. & une Commanderie de l'Ordre de Malthe qui vaut 10000 l. en sorte que le revenu total des personnes Ecclésiastiques dans Abbeville, non compris les honoraires & les Charitez, montent à 922501.
A Montdidier, il y a le Prieuré de Nôtre-Dame, de l'Ordre de Clugny, dont le Prieur tire 4400 l. & les Religieux en ont 3600 l. les Soeurs grises 2200 l. les 5 Paroisses de la Ville ont 3900 l, les Urfulines 4400 l. il y a aussi un Couvent de Capucins ; l'Hôpital general commence à se former : le College est abandonné faute de subsistance ; ainsi le revenu total des Ecclésiastiques à Montdidier n'est que de 18500 l.
A Roye il y a une Collegiale, fondée par Herberic, Comte de Vermandois, sous le titre de S. Laurent, qui étoit un Solitaire d'Anjou, lequel fut ordonné Prêtre par S. Martin : il y a un Doyen, 17 Prébandes & 15 Chapelains, qui ont en total environ 13000 l. de rente ; tous les Bénéfices sont à la présentation du Roi. Les Cures de la Ville sont de 1400 l. le College jouït d'une Prebande : il y a un Couvent de Minimes qui ont 1500 l, un de Cordeliers qui vit d'Aumônes, un de Filles Annonciades qui ont 2500 l. un Hôpital de la Charité, de pareil revenu ; un Hôpital de Femmes de 500 l. une Communauté de Filles de la Croix qui ont 250 l. ainsi les Ecclésiastiques de Roye jouissent de 216601.
Dans la Ville de Corbie il y a une célébré Abbaye, fondée l'an 552. par Ste. Bathilde, Reine de France, qui est la plus noble & la plus riche du Diocèse ; elle jouït d'une éxemption totale de l'Evêque, par concession de Berfride, Evêque d'Amiens, de 669 l. Les Religieuses sont, la Congregation de S. Maur, leur manse vaut environ 45000 l. & l'Abbé tire autant : Les Cures de la Ville sont à portion congrue, il y a une Communauté de Prêtres qui sont nommez les Charitables, qui sont l'office dans une Paroisse & ont 2000 l. le College manque de subsistance ; l'Hôtel-Dieu a 1800 l. ainsi le revenu total des Ecclésiastiques de Corbie monte à près de 100000 l. de rente.
A Doulens il y a une Abbaye de Filles de S. Benoît, qui peut avoir 3000 l. un Couvent de Soeurs grises, qui en a 3500 l. les Cures sont à portion congruë ; les Cordeliers vivent d'Aumônes ; l'Hôtel-Dieu. a 1500 l. ainsi les Ecclésiastiques n'ont à Doulens que 7900 l.
PICARDIE.
A Montreuil il y a l'Abbaye de S. Salve de très-ancienne fondation, qui avoit la plus part de ses biens en Angleterre ; elle fut brûlée au Siécle passé par les ennemis ; cette Maison est d'anciens Bénédictins non reformez ; ils ont 1600 l. pour leur manse, & l'Abbé Commendataire en tire 12000 l. Il y a un petit Chapitre de Chanoines, nommé S. François, qui n'a que 500 l. de rente ; les 8 Paroisses de la Ville sont à portion congrue ; les Carmes & Capucins vivent d'Aumônes. Enfin, il y a une Abbaye de Filles, de l'Ordre de S. Benoît, nommée de Ste. Austrebette, qui a été transférée du lieu de sa fondation près Hesdin, & est ancienne du X. Siécle. Ainsi les revenus Ecclésiastiques de Montreuil ne sont que de 21500 l.
A S. Valery il y a une célébré Abbaye, de l'Ordre de S. Benoît, fondée par Clotaire II. en 613 ; elle jouïssoit de l'éxemption, mais elle l'a perduë par arrêt rendu en Fevrier 1664 : les Religieux ont 9000 l. pour leur manse, & l'Abbé en a 13000, les 2 Cures de la Ville jouissent d'environ 1400 l. l'Hôtel-Dieu en a 1200. Ainsi le revenu total des Ecclésiastiques de S. Valery est de 24600 l.
Au Bourg S. Riquier, à 2 lieuës d'Abbeville, il y a une célébré Abbaye fondée en 630, par un Saint du même nom, elle étoit en tout ruinée lors que l'Abbé d'Aligre titulaire entreprit de la rétablir ; elle est à présent très-magnifiquement bâtie & fort riche en argenterie & autres ornemens ; l'Abbé Commanditaire, dont les Religieux sont Fermiers, en tire 22000 l. & ceux-ci en ont 20000 l. pour leur manse : la Cure du lieu est à portion congruë : l'Hotel-Dieu a 6500 l. de revenu. Ainsi les biens de l'Eglise montent en ce Bourg à 48900 l.
A Ruë, autre Bourg à 5 lieuës d'Abbeville, il y a un Couvent de Cordeliers de 3000 l. & un Hôpital de 1600 l. & les Cures ont 1800 l.
A Piquigny il y a un autre Chapître, de deux dignitez & 10 Chanoines, qui ensemble nont. pas plus de 3000 l. à Vignancourt un Chapitre composé d'un Doyen & 12 Chanoines, qui ont 4500 l. à Longpré les Corps Saints, un autre Chapitre qui n'a que 2200 l. à Noyelles, un autre de 1500 l. à Dourier, un autre de pareil revenu ; à Gamache, un autre de 200 l. à Sarves, un autre de 500 l. à Fouilloy près Corbie, un autre de 9400 l. & enfin, un dernier à Rolet près Montdidier de 600 l. Le revenu total de tous ces Ecclésiastiques, dont il a été parlé ci-devant, monte à 507600 l.
L'Auteur donne ensuite un détail des Abbayes & Prieurez rependus à la Campagne ; S. André, Ordre de Prémontrez, en regle, fondée en 1156. par Guillaume de S. Omer, à deux lieuës de Montreuil, vaut 6000 l. Bentamour, de Filles, Ordre de S. Benoît, fondée en 1095, par l'Abbé Gautier, des Aumônes qui lui avoîent été confiées par des Dames de Qualité, nommées Godeline & Helinde, vaut 8oop 1. Curamp, Ordre de Cîteaux, fondée en 1140. par Hugues Candavensis, Comte de S. Paul, vaut 18000 l. à l'Abbé ; les Religieux en ont 7000 l. pour leur menfe. L'Abbaye de Clerfais près Doulens, Ordre de S. Augustin, vaut 2800 l. Daumartin sur la Rivière d'Authie à 2 leuës d'Hesdin, Ordre de Prémontré, en regle, vaut 15000 l. de rente, elle est de la fondation de Guillaume Talvas, Comte de Ponthieu, en 1120. Forêtmontier, delafondation de S. Riquier, qui y est mort en.... située à l'entrée de la Forêt de Crecy, vaut 6000 l. en tout. Le Duc d'Orléans, fils de François I. y mourut empoisonné l'an 1545. Fuscier aux bois, de l'Ordre de S. Benoît, de la congrégation de S. Maur, fondée en 1105, Par Enguerrand, Comte d'Amiens, vaut 4000 l. à l'Abbé & 2500baux Religieux. Le grand Ordre de Cîteaux, fondé en 1139, par Gerard Vidame d'Amiens, Seigneur de Piquigny, vaut 18000 l. à l'Abbé, & 5000 l. aux Religieux, S. Josse, à 2 lieuës de Montreuil, Ordre de S. Benoît, a été fondée par Charlemagne en 793 ; elle vaut 5000 l. à l'Abbé & 2800 l. aux Religieux Bénédictins de la Congregation de S. Maur. Le Lieu-Dieu, Ordre de Cîteaux, fondée en 1191. par Bernard de S. Vaery, vaut en tout 8500 l. dont l'Abbé en a 3500. Moreuil, de Benedictins, en regle, vaut 3000 l. elle a été fondée en 1109. Par Bernard, Sire de Moreuil. S. Pierre
PicARDIE.
de Selincourt, Ordre de Prémontrez, fondé en 1131. par Gautier Tirel, Seigneur de Poix, vaut 8500 l. L'Abbé Commendataire en retire 4000 l. Sery, Ordre de Prémontrez la reforme, fondée en 1221. par Guillaume de Cayeu & Gérard d'Abbeville, Seigneur de Boubers, vaut 9000 l. l'Abbé en tire 5000 l. Valoire près de Hesdin, fondée en 1138. par Guillaume Talvas, vaut 16000 l, dont l'Abbé en tire 10000 l.
Les Prieurez sont Authie, à une lieuë de Doulens, uni au Couvent des Penitens de Picpus de Luriours, 22000 l. S. Aubin de Herpouval, près Roye, 800 l. Airaine 1000 l. Bagneux près Doulens 2000 l. Biencourt sur l'Authie 5000 l. Bouës 1500 l. Cayeux 2400 l. Camp 2000 l. Cauchy, au Pont de Remy, 1500 Clement 401. Collinvilliers 2501. Conti 450 1. Courcelles 501. Aufencourt 2400 l. Dounarc en Ponthieu 3500 l. Dampierre sur l'Authie 1000 l. Domvan près Crecy 1000 l. Ancre 1800 l. Eclainvilliers près de Breteuil 400 l. La Chauffée d'Eu 800 l. Flochecourt en regle 700 l. Gamache 800 l. S. Germain sur Bresie pres Senarpon bool. Gouy, près Picquigny, 1800 l. Hormoy 1600 l. La Lans, près Airenne, 1200 l. S. Laurens au Bois, en regle, 300 l. Leuilly près Conti, en regle, 900 l. Ligny sur Cauche 1800 l. Litions, en regle, del'Ordre de Clugny, 1600 h Maintenay, près Montreuil, 2000 l. Marc, près Roye, 1500 l. Marmoutier, près Montdidier, 400 l. S. Denys de Poix à 6 lieuës d'Amiens 3000 l. Montreuil 1000 l. Moricourt, en regle, 400 l. Molens 1500 l. Pierrepont 250 l. S. Nicolas de Regny, près Breteuil, en regle, 1000 l. S. Remy aux bois, près Amiens, en regle, 6000 l. Senarpont 300 l. Freton, près Doulens, 1500 l. Nôtre-Dame sur le mont près Picquigny, 200 l. S. Taurin, près Roye, 1500 l. Ragny, près Corbie, 2601. & Verjolay dans la Paroisse de Broyé sur l'Authie 1200 l.
Les revenus de toutes ces Abbayes & Prieurez épars à la Campagne montent, suivant cette estimation, à 2216601. de rente, joints aux revenus des Ecclésiastiques des Villes, composent la somme de 7292601. à laquelle il faut ajouter le revenu particulier de quelques Communautez de Filles à la Campagne, qui peut monter à 2000 l. Celui des Cures, qui ne montent guere qu'à 288000 l. parce qu'on n'en estime que 20 sur le pié de 1000 l. chacune cent sur le pié de 7 à 800 l. & le reste à portion congrue, ou encore moins, à cause des abonnemens faits avec les Décimateurs ; de sorte que tous les revenus des Ecclésiastiques du Diocèse ne monte qu'à 1200000 l. on ne comprend point en cette somme plusieurs Hôpitaux qui commencent à s'établir en differens endroits pour le secours des malades : II est aussi à remarquer, que l'Auteur a oublié les Commenderies de l'Ordre de Malthe qui sont fort considerables dans cette Province, puis que celles d'Oysemont, de S. Maury & de Peronne, valent au moins 15000 l. de rente chacune.
Boulogne.
Le Diocèse de Boulogne est suffragant de l'Archevêque de Rheims ; il renferme l'étenduë du Boulonnois, les Gouvernemens de Calais & d'Ardres, & quelques Paroisses de ceux de S. Orner, Arras, Hesdin ; la partie du Diocefe qui est dans l'Artois ne paye point de Décimes, il est composé dans son entier de 17 Doyennez, lesquels comprenent 77 Cures, avec 147 Succures, dont il y en a 133 Cures & 58 Succures des Gouvernemens de Bourgogne, Calais & Ardres, & 144 Cures & 80 Succures dans l'Artois. L'Evêque peut avoir 12000 l. de revenu. La Cathédrale, dediée à la Vierge, est dans la haute Ville de Boulogne, ; on remarque comme une singularité, que le Roi Louïs XI. assujétit ses Successurs à rendre hommage de la Comté de Boulogne, à la Ste. Vierge en cette Eglise, par l'offrande d'un coeur d'or à leur avenement. Le Chapitre de la Cathédrale est composée de 21 Prébandes à la nomination de l'Evêque & de 4 Dignitez ; le revenu de ce Chapitre est d'environ 32000 l.
Maisons Religieuses
Les Maisons Religieuses de la Ville sont les Urselines de 8000 l. les Annonciades de 6000 l. les Peres de l'Oratoire, qui tiennent le Collège, ont 5000 l. leur Maison étoit autrefois une Abbaye qui leur a été donnée, la basse Ville & plusieurs Couvents, dont le revenu n'est piont rapporté par l'Auteur, je disfeulement que la Cure vaut 1200 l. & que
roDIE.
l'Hôpital a 8000 l. de revenu, depuis l'union de plusieurs Maladreries ; Mr. de Perocher mort Evêque de Boulogne en 1678, y a fondé un Seminaire pour l'instruction des Clercs. Dans la Ville de Calais la Cure vaut 1500 l. il y a des Minimes & des Capucins sans revenus, des Benedictins qui ont 3400 l. des Jacobins qui ont 6000 l. & un Hôpital qui subsiste des Aumônes des Bourgeois.
L'Auteur n'entre point dans le détail au sujet du gouvernement d'Ardres ; on peut feulement réfumer que les Ecclésiastiques, dont il a parlé dans l'article de ce Diocèse jusqu'à présent, jouïssent en total de 85000 l. de rente.
Abbayes. Prieurez.
Les Abbayes & Prieurez du gouvernement de Boulogne font, S. Valmer, fondée par Eustache, Comte de Boulogne, pere de Godefroy de Bouillon, qui vaut 3000 l. Samer, Ordre de S. Benoît, fondée en 608. par S. Valmer, Comte de Boulogne, depuis Roi d'Angleterre, vaut 9000 l. Louvilliers, Ordre de Cîteaux, fondé par Etienne, Comte de Boulogne, depuis Roi d'Angleterre, & l'un des Monasteres établis par S. Bernard, a 2400 l. de rente ; Beaulieu, fondée en l'Onzième Siécle par Eustache de Sienne, à son retour de la Terre Sainte, a été brûlée par les Anglois, & n'a pû être rétablie ; il n'y a point de Religieux, mais seulement un Abbé titulaire qui en tire 3000 l. Audeauville, dependante de l'Abbaye d'Artois, est en pareille décadence, l'Abbé en tire 2500 l. le Prieuré de Beussent, Ordre de Clugny, vaut 1500 l. Rumilly, Ordre de Cîteaux, 1600 l. Herly, Ordre de S. Benoît, 1800 l. le Val, en regle, 600 l. les Chartreux de Neuville, proche Montreuil, fondez par Robert III, Comte de Boulogne, en 1124, ont 700 l. les restes de l'Abbaye de Marc, fondée en 1090 ; par Eustache, Comte de Boulogne, de laquelle tous les biens sont perdus, ne valent que 100 l. Dans le gouvernement d'Ardres, on compte l'Abbaye d'Ardres, Ordre de S. Benoît, fondée en 1084, par Baudouin, Comte de Boulogne, de Guines, de 3000 l. Licques, Ordre de Prémontré, de la fondation de Robert, Comte de Boulogne, en 1131, de 8000 l. En Artois on compte, dans la dépendance de Boulogne, la Ville de S. Paul, où il y a un Chapitre de Chanoines, qui ont 2000 l. de revenu, & plusieurs Couvents dont le revenu n'est point éxprimé ; les Carmes tiennent le Collège. A l'égard des Abbayes, ilyaBlangis, Ordre de S. Benoît, en regle, qui vaut 1800 l. Ruisseauville, Ordre de Prémontré, en regle, de 7000 l. celle-ci a été fondée par Emelin de Crequy, en 1099 ; Auchy, près Hesdin, Ordre de S. Benoît, de 8000 l. les Prieurez font, Renty, qui dépend de Marmoutier : Beaucains, en regle, de 3000 l. Bouvieres, en regle, de 6000 l. est uni au College de Jesuites de Douay, de 9000 l. Framciscourt, en regle, 2000 l. il y a de plus 4 Couvents de Recolets & 2 de Soeurs grises ; le revenu de toutes ces Maisons Ecclésiastiques, joint au précédent calcul, pour la Ville de Boulogne, monte à 205000 l. Le revenu des Cures est entierement en portion congrue, à la reserve de celui des Cures de Marc & Oye, qui valent chacune 2000 l. partant on peut estimer le revenu total des Ecclésiastiques dans le Diocèse de Boulogne à 300000 l.
Le reste du département est compris sous des Diocèses étrangers, c'est à dire, que les Eveques résident hors de la Province, le principal morceau est celui qui dépend de l'Evêché de Noyon, qui comprend de l'Evêché 180 Paroisies.
S. Quentin.
La Ville de S. Quentin en est le Chef ; c'étoit autrefois la residence de l'Evêque jusqu'en l'année 531, que S. Medard le transfera à Noyon. Cependant le Chapitre de S. Quentin à toûjours conservé en conséquence de ce premier établissement les privileges d'une Cathédrale : il est composé d'un Doyen de 56 Chanoines, reste de 72, parce que l'on a amorti 16 Prébandes pour l'augmentation des revenus du Doyen. La fabrique & l'entretien d'une Musique, outre l'établissement d'un Collège ; le revenu de chaque Chanoine est de 1000 l. il y a de plus 83 Chapelains, desquels 40 y vivent en Communauté ; on peut estimer le total du revenu de ce Chapitre 80000 l. Il y a de plus dans la même Ville une autre Collegiale de 12 Chanoines, qui a 2000 l. de revenu.
PICAR d i E.
L'Abbaye S. Quentin en l'iste, Ordre de S. Benoît, Congrégation de S. Maur en possede 32000 l. dont l'Abbé en tire 24000 l. S. Prix, d'anciens Bénédictins, vaut 9000 l. Feruacques, de Filles, Ordre de Cîteaux, vaut 10000 l. les Cordeliers 900 l. le Prieuré de Filles, de Nôtre-Dame, de petit Pons, 600 l. les Cordelieres 3000 l. l'Hôtel-Dieu 8000 l. & l'Hôpital général 4000 l. A une lieuë de S. Quentin est l'Abbaye de Humblieres, d'anciens Bénédictins, qui vaut 15000 l. celle de Vermand, Ordre de Prémontré, vaut 8000 l. le Prieuré de Mergeré vaut 1500 l. cette partie du Diocèse de Noyon, en y comprenent les revenus des Cures au prix de 1500 l. l'une portant l'autre, fournit de revenus Ecclésiastiques, non compris les Charitez & honoraires, ni les biens de l'Ordre de Malthe, 270000 l.
A l'étard du Diocèse de Cambray, l'on compte dans son étendue lAbbaye d Honnecourt, Ordre de S. BenOÎt, de 4000 l. celle du Mont S. Martin, Ordre de Prémontré, unie à l'Archevêché de Sens, pour l'indemnité de sa jurisdiction sur le Diocese de Paris, 19000 l. & le Prieuré de Bonny de 12000 l.
Dans la Ville de Peronne il y a une Collegiale fondée par Erchiavalde, Maire du Palais, sous Clovis II. pour honorer S. Furey, Seigneur Irlandois, mort à Mezerolles sur la Riviere d'Authie-, les Bénéfices de cette Eglise sont à la nomination du Roi ; il y a 36 Prébandes ; l'Eglise a près de 20000 l. de revenus, il y a de plus dans la même Ville 5 Cures qui ont 3600 l. un Couvent de Cordeliers qui en a 200 l. un de Minimes 400 l. un d'Urselines 1000 l. un College conduit par les Mathurins & un Hôpital & c. A la Porte de Peronne est l'Abbaye du Mont S. Quentin, Ordre de S. Benoît, qui vaut 18000 l. Cette partie du Diocèse de Cambray fournit 80300 l. Il ne reste que la partie du Diocèse de Beauvais comprise dans la Generalité, qui consiste en 68 Paroisses, dont les Cures valent 300 l. jusqu'à 500 l. de revenus, ce qui compose un total de 27200 l. Il y a de plus dans la même étendue l'Abbaye de S. Martin aux Bois, de l'Ordre de S. Augustin, dont la mense Abbatiale est unie au College des Jesuites à Paris ; elle vaut en total 13 500 l. dont les Jesuites en ont 900 l. celle de Breteuil, de Benedictins, de 19000 l. celle de S. Just, Ordre de Prémontré, de 11000 l. dont l'Abbé en tire 7000 l. dans le même Bourg S. Just, il y a une Communauté de Filles Cordelieres, qui ont 6000 l. Le Prieuré de Bonneville, uni au Seminaire de Beauvais, 1000 l. & enfin celui de Bourray-lès-Merles 500 l. partant les revenus Ecclésiastiques de cette petite étenduë montent à 98200 l. Ainsi en résumant ces divers Calculs, il s'enfuit que l'Ordre Ecclésiastique possédé dans le département de Picardie, plus de 2000000 l. de revenus.
L'Auteur termine son Mémoire par une observation qu'il fait que tous les habitans du gouvernement de Boulogne, en état de porter les Armes, sont naturellement engagez au service du Roi, & composent ce qu'on nomme les troupes du Boulonnois ; il y a 6 Regimens d'Infanterie, de 10 Compagnies chacun, qui sont 3000 hommes, les Officiers ont des Commissions du Roi, & roulent suivant leur ancienneté avec ceux des Troupes réglées ; la Cavalerie Boulonnoise est de 5 Regimens, de 4 Compagnies chacun, qui sont 600 hommes. Il y a de plus une Compagnie de Carabiniers de 30 hommes, & de 2 Compagnies de Dragons, aussi de 30 hommes chacune ; le Roy y tient un Inspecteur particulier ; on tire beaucoup de service de ces Troupes pendant la Guerre, tant pour la garde des Côtes que pour la garde des Places en Flandre où elles ont été envoyées pendant la Guerre.
Il est encore à observer, qu'en parlant des droits du Roi, l'Auteur ne dit rien du tout de la Capitation, quoi qu'elle lui produise un revenu si considérable, qu'il meriteroi certainement d'être traité en particulier,
PROVINCE D'ARTOIS.
ARTOIS.
Son étenduë & sa situation.
QUOIQUE l'Artois fòit une Province toute différente de la Picardie ; comme elle est sous le même gouvernement & régie par le même Intendant, le détail qu'on en doit faire se doit ici trouver naturellement à la fuite du mémoire de la Generalité d'Amiens. L'Artois est une petite Province qui a tout au plus 90 lieuës de circuit ; sa plus grande longueur depuis Gosancourt près de Bapaume jusqu'à S. Folquin près Gravelines, est de 23 lieuës, & sa largeur depuis Mezerolles près Doulens, jusqu'à Marquilly près de Lille ; il a la Flandre au Nord, dont il est separé par la Lys & le Neuf-Fossé, le Cambresis à l'Orient, la Picardie au Midi, & le Boulonnois au Couchant, il est tout entier sous le 50. degré de Latitude.
Rivieres. La Lys.
II n'y a aucune Riviere navigable dans l'Artois, mais on y a pratiqué plusieurs Canaux pour la Commodité du Commerce. La Lys prend sa source au Village de L bourg, & ne commence à porter bateau qu'à Veindres proche d'Aire ; elle passe à S.
Venant, Merville, la Gorgue, d'où elle va se rendre à Gand, où elle tombe dans l'Escaut. La Save passe prés de Bethune, où l'on fait un Canal de 1200 Toises de long, pour y communiquer ; elle se jette dans la Lys à la Gorgue. L'Aa passe à S. Omer, où il devient navigable par le moyen des écluses, il se jette dans la Mer à Gravelines. La Scarpe commence à porter bateau au dessous d'Arras, d'où elle va de Douay à S. Amand, & se jette dans l'Escaut. La Deule, autrefois très-petite Riviere, est devenuë considerable par les Canaux & les Ecluses qu'on y a pratiquées pour communiquer de Sens à Lille, & de Douay à la Deule, pour se rendre ensuite à Lille : on nomme Haute Deule, l'espace qui est entre Lille & Sens d'un côté, & Douay & Lille de l'autre ; la Basse Deule est au dessous de Lille jusqu'à la Lys ; mais les bateaux ne passent point de la Haute à la Basse Deule ; toutes ces Rivieres ont peu d'eau & la Navigation ne s'y soûtient que par le moyen des Ecluses, elles sont sujettes à se remplir de Limon & de fange, particulièrement la Scarpe & le Canarde Bethune, qu'il faut rétablir entiérement & y faire un nouveau bassin ; la dépense du tout ne monteroit qu'à 30000 l. on a proposé de faire communiquer la Lys à l'Aa, d'Aire à S. Omer par le Canal qu'on nomme le Neuf-Fossé ; qui est un ancien retranchement fait par Baudouin, Comte de Flandre, en 1062 : M. de Louvois fit éxaminer les niveaux en 1686, & l'entreprife fut jugée de facile éxecution par la quantité d'eau qu'on y découvrit, ce seroit un grand avantage pour le Païs, puis que ce qui coute 3 livres de voiture d'Aire à S. Orner ne viendroit pas à 5 s.
Terrain & ses qualitez.
L'Artois est un Païs fort plat qui s'abbaisse du côté de la Flandre, & c'est à la fin de cette hauteur que commence ce qu'on appele Païs-bas ; la temperature du Païs est égale dans cette étendue, & par tout plus froide que chaude ; il y a très-peu de bois dans toute la Province, ce qui le rend très-cher : on n'y brûle guere que des tourbes ; il y a moins d'arbres fruitiers que dans aucune autre Province du Royaume, les foins n'y sont point abondans, ce qui empêche qu'on y puisse faire d'engrais ; mais en récompense la terre y est d'un très-grand rapport en toute espece de grains, dont le Païs consomme une très-grande quantité ; tant pour le pain que pour les boissons ; le bled qui y vaut ordinairement 3 livres, monta jusqu'à 20 l. en l'année 1693 : ce qui est un prix excessif ; cette Province a été long tems le théatre de la guerre, & a beaucoup souffert dans ce tems fâcheux. Cependant le peuple y est à présent aussi nombreux qu'il ait jamais été depuis qu'elle est à la France : l'activité, l'industrie, l'ardeur & le savoir faire ne sont point le caractere de la Nation qui l'habite, mais bien la sincérité, la droiture
ARTOIS.
& la fidélité –, ces peuples sont pleins d'une parfaite confiance jusqu'à ce qu'ils ayent été trompez, mais leur éloignement est sans retour ; ils sont dociles, ouverts, soumis & reconnoissans, leur maniere d'agir unie & simple est soutenue de discernement & de bon sens ; la difficulté qui paroit chez eux dans les premieres approches se dissipe bien-tôt & quand on les a une fois goûtez, il y a peu de caracteres dont on s'accommode davantage ; ils sont presque tous tranquilles & exempts des agitations d'esprit qui mettent les autres hommes en mouvement ; mais ils n'en sont pas moins laborieux ; appliquez chacun dans leur état au genre de vie qu'ils ont embrassé ; éxacts à leur devoir, mais sur tout attachez à la Religion, & jaloux de leurs privileges & de leurs coutumes au point que tout établissement nouveau, quoiqu'indisserent, les allarme & les égare ; il n'y a rien au contraire qu'on n'obtienne d'eux pourvû qu'on s'accommode à leurs moeurs & qu'on tempere l'autorité, qui leur seroit autrement naître des sentimens d'impatience.
Privileges du Païs.
La Taille, les Gabelles ni les Aides ne sont point en usage dans ce Païs, qui a été conservé dans ses anciens droits & privileges par les Traitez de Paix & Capitulation des Villes, en forte qu'il est revenu à la Couronne sans changement à la Police & au Gouvernement, depuis qu'il en avoit été séparé ; il se trouve par conséquent hors de l'étenduë des cinq grosses Fermes, ce qui lui fait d'ailleurs un grand prejudice, en ce que les Marchandises qui y entrent ou qui en sortent payent de très-gros droits, il n'y a point non plus de quartier pour les Troupes dans toute l'étenduë de l'Artois, celles que le Roi y envoye dans ces Places y sont sur le pié de garnison, demeurant dans les Cazernes qui y ont été bâties du produit d'un Impôt de ios. sur chaque tonneau de Biere, auquel les habitans se sont assujettis pour être exempts de logement, ce qui n'empêche pas néanmoins que quand les garnisons sont plus fortes qu'à l'ordinaire, on ne mette des soldats chez les Bourgeois. L'Etape n'est point établie en Artois ; les Troupes logent dans les Cazernes même sur leur route, & y vivent de la solde ; la Province fournit néanmoins les fourrages pour la Cavalerie.
Villes & Bourgs.
Les Villes les plus considerables sont Arras, Capitale de la Province, S. Omer, Aire, Bethune, Hesdin, Bapaume, Sens, S. Pol, Lillers & Pernes –, les gros Bourgs sont Aubigny, Avesnes, le Comte, Hennin, Lietard, Houdin, Oisy, Vitry, Carmain, Epinoy, Croisil, Damety, Blangy, Fressin, Frivent, Fouges, Evechin, Pas en Artois, S. Venant, Fouquembourge, Argues, Renty, Tournehaut, & c. il y a des Marchez dans tous ces lieux & des Foires assez fréquentes pour le débit des denrées du Païs. Ces Lieux communiquent les uns aux autres par de grands chemins qui sont presque par tout dans le plus mauvais état où ils puissent être ; il faut esperer que la Paix donnera moyen de les rétablir ; le principal est la Chaussée de Brunehaud qui conduit d'Arras à Calais, comme celle d'Amiens à Montreuil ; elle est élevée dans la Campagne, & sert de Monument à l'attention des Anciens au bien public.
Commerce.
Tout le Commerce de l'Artois roule sur les grains, le lin, le houblon, les laines, les huiles de Coslas & de Navette, & la Toile fabriquée à Bethune, Aire, S. Venant, la Gorgue, Bapaume & leurs environs. Les Marchandises qui viennent de dehors pour être consommées dans le Païs, sont du côté de Flandre environ 50 milliers de fer en barres, en plaques & en clouds ; 16 milliers de cuivre en chauderons, 20 milliers rasures de charbon de terre ; 100 milliers d'Ardoise, pour 6 à 7000 l. de potteries, 10000 pieces de vin du Rhin, 150 milliers de laine, 3000 moutons, 400 pieces de Toile d'Ath & d'Oudenarde, 10 milliers de fromages de Hollande, 500 tonneaux de moruë, 40 milliers de beurre d'Angleterre, 3000 l. de mercerie & quincailleries, 20 pipes de vin d'Espagne, 3000 livres de tabac, 40 milliers de cendres, 50 pipes d'huile, quelques peaux passées, 6 milliers dacier, 400 pieces de Camelot de Vallenciennes, & c.
Les Marchandises qui entrent en Artois par les Portes de France consistent en 300 tonnes de moruë, 400 barriques de harengs ; 200 barriques de saumon, 30 milliers de fromage, 100 milliers de beurre, 1500 pieces de cochon salé, 400 pieces de cuirs de
ARTOIS.
boeufs tanez, 10 milliers de cuirs crus, 200 pipes de vins d'Espagne, 10 pipes de vin du Rhin ; 400 tonnes de vins de France, 150 tonnes d'eau de vie, beaucoup de sel, de fer, de charbon, d'épicerie, & en general de tout ce qui est nécessaire dans le Païs, à l'éxception de ce qui se tire de terre par charrois.
Manufactures.
II n'y a nulle manufacture en Artois, si ce n'est celle de quelques Toiles dont il a été parlé, il y en avoit de Camelots avant l'année 1605, que la Guerre a detruite ; on avoi commencé rétablissement d'une autre manufacture de Moquettes & de Serges, de façon de Londres, à S. Omer, qui eut réussi si elle eut été soutenue, les eaux y étoient très-bonnes pour les apprêts, mais si l'on remontoit dans l'ancienne Histoire on trouveroit qu'il y a eu à Arras une celebre manufacture de Draps de soye, de Tapisseries... Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne, fit présent d'une tenture, qui y avoit été fabriquée, à Bajazeth, Empereur Turc, lorsque le Comte de Nevers son fils se trouva dans ses prisons.
Il est peut-être plus avantageux pour le bien general que les habitans soient occupez à la culture des terres qui rendent avec tant d'usure, que d'être distraits & partagez par d'autres occupations, dont on ne pourroit peut-être pas se promettre un si grand succès, parce que le Païs manque en general des commoditez nécessaires pour les établissemens des manufactures.
Tribunaux de Justice. Conseil d'Artois.
La Justice se rend dans la Province par différens Tribunaux, dont le principal est le Conseil Provincial d'Artois, érigé en 1530. par Charles V. après l'abandon que lui François I. de la Souveraineté ; iln'étoit d'abord composé que d'un Président, 2 Chevaliers, 6 Conseillers, un Procureur & un Avocat général, dont la séance devoit être dans le Palais de la Cour à Arras, l'Empereur s'étoit réservé la nomination du Président & de ces deux Conseillers ; à l'égard des autres Officiers, il en avoit laissé le choix à la Compagnie, après l'avoir remplie la premiere fois ; mais depuis la conquête d'Aire & de S. Omer, le Roi a créé, en 1678, 2 Charges de Conseillers, & en 1687, au mois de Juin, 7 autres Charges pareilles, afin de former 2 Chambres de Juges, pour une plus prompte expedition des affaires, & depuis en Fevrier 1693. toutes ces Charges, dont le Roi disposoit en faveur des personnes distinguées par leur capacité, surent rendues héréditaires, & vendues à son profit pour le besoin de la Guerre : celle de
1.
Premier Président
75000
Second Président
30000
Chevalier
13000
Conseiller
13000
Conseiller garde sel
20000
Avocat general Procureur general
15000
20000
Tribunaux particuliers.
Les Justices quì ressortissent au Conseil d'Artois, les Gouverneurs d'Arras & de B thune, les Baillages d'Aire, S. Omer, Bapaume, Hesdin, Sens, Avesnes, les Jurisdictions des Magistrats, les Justices Seigneuriales d'Aubigny, Epinoy, Foucarnberge, Bourbourg, S. Pol, Lilliers, la Regale de Therouanne & la Justice de S. Vas. Les appellations du Conseil d'Artois vont au Parlement de Paris, hors les affaires Criminelles, les contestations de la Noblesse & celles qui concernent les Impositions ordonnées par les Etats. Il y a une Chancelerie particulière pour le Conseil, créée pareillement en 1693.
Les Officiers de la gouvernance d'Arras sont quatre, savoir le Grand Bailly, qui est aussi Lieutenant General, un Lieutenant général particulier, un Procureur & un Avo-
ARTOIS.
cat du Roi, les autres Baillages Royaux ont le même nombre d'Officiers ; toutes ces Charges ont été créées héréditaires & vendues depuis la Guerre.
La Charge de grand Bailly étoit autrefois attachée au gouvernement des Villes, ceux qui les remplissoient étoient en cette qualité Chefs de la justice, & nommoient des Lieutenans pour la faire éxercer, ou, poursuivre les termes du Païs, pour conjurer les Hommes des fiefs de la rendre ; car il doit être remarqué comme un usage bien différent de celui qui est à présent suivi dans le Royaume, & que c'est toutefois le droit ancien de toute la Nation Françoise, que toutes les Justices de la Province sont entre les mains, ou des Echevins des Villes, ou des Hommes des fiefs, c'est à dire, que les Nobles & les Bourgeois reçoivent la justice par le Jugement de leurs Pairs, n'y ayant que le peuple de la Campagne, toûjours censé dépendant & assujéti, qui soit obligé de la recevoir de l'autorité de la Noblesse ; on nomme un Homme de fief, tout Vassal qui tient en fief quelque terre d'un Seigneur dominant, lequel à son tour releve d'un autre Seigneur, ou immediatement du Roi, à cause de la Comté d'Artois, & par conséquent est aussi lui-même Homme de Fief dans un autre égard.
Leurs obligations.
s Proprietaires des fiefs sont obligez par la Loi & par l'investiture de leurs fiefs, de servir eux-mêmes, ou de faire servir par des personnes commises la Justice du Seigneur superieur ; la Convention des Domaines en général n'ayant été faite qu'à cette condition, tant en fiefs immédiats qu'en arriere-siefs : ainsi les Justices des Seigneurs ; celles mêmes des baillages & des gouvernances, quoique Royales, sont administrées par les Proprietaires des fiefs, lesquels en sont tous les fraix, mais ils usent ordinairement de la liberté qu'ils ont d'y commettre des personnes obligées à prêter serment & à faire enregistrer leur pouvoir au greffe de la Justice où ils sont commis ; le Grand-bailly, ou le Lieutenant dans les Justices Royales, ou le premier Officier du Seigneur dans les Justices féodales, a soin de les convoquer pour instruire & juger les Procez qui se présentent ; c'est ce qu'on appelle en langage du Païs, conjurer les Hommes de fiefs ; mais il arrive rarement, sur tout dans les Justices des Seigneurs, que ces Commis soient graduez ; ce ne sont ordinairement que des païsans, lesquels, quoiqu'obligez de prendre l'avis des graduez, disposent des jugemens des parties : sur quoi l'Auteur ne manque pas d'observer, que cet usage est susceptible de beaucoup d'abus, & qu'il est absolument irregulier par rapport à ce qui se pratique en France ; aussi croit-il qu'il n'est point convenable à la majesté des Sieges Royaux d'avoir d'autres Officiers que ceux qui ont des fonctions déterminées & réglées par les ordinaires du Roi, & il fait d'ailleurs peu de cas des objections qu'on pourroit faire contre les changemens qu'il propose à cet égard dans la pratique des Artésiens non interrompuë durant tant de Siécles : montrant en cela combien il est difficile, quand on a l'autorité, de s'abstenir de rapporter tout aux idées dont on est prévenu, & de ne pas forcer les autres à les suivre.
Juridiction des Corps de Ville.
A l'égard de la jurisdiction des Corps de Ville, ils ont non seulement celles de Police, mais aussi la jurisdiction contentieuse & criminelle sur tous les habitans des Villes & de leur Banlieuës, & lors qu'ils ne sont pas graduez, ils sont dans la même obligation que ces Hommes des fiefs & de prendre un avis d'Avocat ; toutefois l'intendant qui par ordre du Roi renouvelle tous les ans l'Echevinage des Villes, & qui souffre toûjours impatiemment ce droit des magistrats, dont il jouïroit seul & absolument, s'il pou voit les exclure, a soin de les remplir d'un nombre suffisant de graduez.
Election d'Artois.
L'Elections d'Artois, composée de deux Elûs & du Procureur du Roi, connoiten premiere instance des affaires de la Noblesse, des Titres, Armoiries & des qualstez des con testations qui surviennent au sujet des octrois des Villes & des Impositions ordonnées par les Etats-, l'appel de cette Cour ressortit au Conseil d'Artois en dernier resrort ; il y a aussi quatre Maîtrises des Eaux & Forêts dépendantes du grand Maître, lesquelles ont été établies depuis la Guerre en quatre Sièges, Arras, Hesdin, S. Orner & Tournehaut,
ARTOIS,
elles ont leurs Officiers particuliers, & l'appel de leurs jugemens ressortit au Conseil d'Artois, le Grand-maître est celui de Picardie, Mr. Colin de Liancourt.
La Maréchaussée d'Artois a été long tems confondue avec celle de Flandre jusqu'à ce qu'elle en fut divisée par Charles-Quint en 1553 : le Roi l'a supprimée en 1693, & en a créé en même tems une nouvelle, composée de beaucoup d'Officiers, toutefois les Etats du Païs, ont obtenu la permission d'acheter ces Charges afin de demeurer Maîtres des Offices, comme ils étoient auparavant.
L'Auteur a placé dans ce lieu le détail des Justices Seigneuriales –, mais i'Ordre veut, ce me semble, qu'on les remette à l'article des terres titrées, après avoir parlé de la Noblesse qui l'a possedée ; ainsi il est plus à propos de dire quelque chose de l'Histoire génerale du Païs & de la forme du gouvernement.
Histoire generale.
Jules César est le premier qui a parlé des peuples d'Artois sous le nom Latin Airebates, il ne reste d'autres Mémoires de ce qui s'est passé dans cette Province avant l Conquête qu'il en fit, que le passage de quelques Artésiens dans la Grande Bretagne, ou ils établirent une colomnie de leur nom qu'on nomme à présent Barkshire : César assiégea la Ville d'Arras, estima la défense qu'on fit ; & après la Conquête du Païs, lui donna pour Roi celui qui avoit été le Chef de la Guerre contre lui ; il s'en servit utilement contre les Morins, mais pendant qu'il étoit occupé au Siège d'Alizé, les Artésiens se revolterent, de sorte qu'il falut une seconde Guerre pour les soûmettre ; ils resterent sous la domination des Romains jusqu'en l'année de Jésus Christ 423, que Clodion, Roi des François, en fit la Conquête, mais il ne les garda guere, ayant été défait en 428, au lieu de Lens, lequel portoit alors le nom de Vieushelens, & repoussé au delà de la Meuse jusqu'à la Paix qu'il fit avec les Romains en 431 : on trouve que Ragnacaire étoit Roi de Cambray & d'Artois, 8t Cavaric Roi des Morins & de Therouenne environ l'an 500 : mais on ne sçait pas à quel titre cette Province leur étoit échue. Clovis trouva moyen de s'en défaire & de s'approprier leurs Etats, qui demeurerent unis à la Couronne de France sous la premiere race des Rois ; quelques Auteurs modernes prétendent néanmoins que Ragnacaire eut un fils dont ils sont descendre successivement plusieurs Comtes d'Artois, mais on est assuré que ces Comtes n'étoient que des Officiers publics jusqu'au déclin de la race de Charlemagne ; le premier Comte, dont le nom soit connu, est le Comte Thibaut qui vivoit en 745 ; un autre Comte, nommé Roch, vivoit sous Charlemagne ; Beranger son fils, qui le fut après lui, mourut en 836 : Everard fondateur de l'Abbaye de Lisoing, que quelques-uns disoient avoir été frere de Beranger, devint Comte Propriétaire d'Artois, puis Duc de Frioul ; ayant épousé Giselle, fille de Louïs le Debonnaire, il en eut plusieurs enfans, mais ils passerent aussi bien que lui en Italie, où Beranger devint Empereur ; Adelard auffi, parent du Roi, fut Comte après lui ; mais Roch, fils aîné d'Everard, préféra le séjour de la Belgique à celui de l'Italie & rentra en possession de l'Artois qu'il laissa à son fils Anthemard, lequel vécut jusqu'au regne de Charles le Simple ; enfin Adolin, fils d'Anthemard, fut le dernier Comte d'Artois de.cette race ; car ayant été tué à Noyon en 932, Arnould le Vieil, dit le Grand, Comte de Flandre, se saisit de cette Province, laquelle demeura unie au Comte de Flandre sous le Successeurs d'Arnould jusqu'à Charles le Danois, mort à Bruges le 2. Mars 1127 : Ce Prince n'ayant point laissé d'enfans, Arnould le Danois, Baudouin de Mons, & Guil laume d'Ipres furerit en contestation sur la Succession ; le différent ayant été remis à l'ar bitrage de Louïs le Gros, Roi de France, il décida en souverain & donna l'Artois à Guillaume de Normandie, fils du Duc Robert Courteuse *, celui-ci ne dura guere, ayant été tué en 1128. au Siège d'Alost qu'il entreprit, après avoir vaincu Thierry d'Alsace, son seul Compétiteur : il lui laissa par sa mort les Provinces contestées. Philippe d'Al sace succeda à Thierry son Pere, & après avoir eu plusieurs démêlez avec Philippe Au guste, Raccompagna à son voyage de Terre Sainte où il mourut en 1191, au Siége d'Aire, sans laisser de posterité. Ce Prince avoit donné en dot la Province d'Artois à sa niéce,
ARTOIS.
Isabelle de Hainault, en la mariant avec Philippe Auguste : Baudouin, Comte de H-SO nault, qui avoit épousé Marguerite d'Alsace, & Mahault de Portugal, veuve de Philippe, lui contesterent cette donation, & à plus forte raison la Succession que Philippe Auguste prétendoit par le seul titre de sa puissance & de son intérêt : le différent fut cependant terminé dans la Ville d'Arras par des arbitres nommez de part & d'autre, sa voir l'Archevêque de Rheims, l'Evêque d'Arras & l'Abbé de Cambron qui adjugerent à Marguerite la Flandre Françoise & la Flandre Impériale, & à Philippe AUGUSSEPARtois jusqu'au Neuf-fossé, en y comprenant les hommages de Boulogne, Guisoe ?, Ardres" Richebourg, & la Comté de S. Pol ; d'autre part Lille, Douay, Orchies, Lifoina, Scelin, Furnes, Bailleul, Bourbourg, Bergues, Vatan, avec leurs Chatelainies & bois de Nieppe, furent adjugez à Mahaut pour son Douaire pendant sa vie, à charge, selon quelques Auteurs (qui cherchent un fondement plus-légitimé qu'il n'est en effet, à tant de Guerres entreprises par nos anciens Rois) de reversion à la Couronne de France ; Louis VIII, pere de S. Louïs, recueillit l'Artois comme partie de la Succession de sa mere Elisabeth de Hainault ; & par son testament du mois de Juin 1225. ledonnaàson second fils, Robert de France, & S. Louïs l'érigea en Comté-Pairie l'an 123 7.
Ce Prince Robert mourut à la Bataille de Manoure en Egipte l'an 1250 : son fils, Robert II, lui succéda, lequel fut tué à la Bataille de Courtray l'an 1312 ; mais comme il avoit perdu quatre ans auparavant, Philippe son fils unique, la Comté d'Artois fut adjugée à Mahault sa fille au préjudice de Robert, son petit-fils, c'est la décision de ce Procez qui engagea Robert d'Artois à appeller les Anglois en France, quoiqu'effectivement il eut été décidé suivant la Coûtume du Païs, où la représentation n'a point de lieu, mais le soupçon dune injuste faveur : car cette Marguerite d'Artois étoit belle-mere de deux des enfans du Roi, Philippe le Bel, qui rendit le premier jugement, & en particulier de Philippe le Long, qui rendit le second, dans lequel il étoit partie directe : outre l'éxemple de plusieurs jugemens, & entr'autres de celui de Melun, rendu en 1216, sur la Succession de Champagne, où les filles avoient été éxcluës pour adjuger l'héritage à l'onde en faveur de la Pairie : Ces éxemples, dis-je, réduisirent ce Prince, Robert d'Artois, à refuter la raison qu'on lui objectoit pour la représentation du contract de mariage de son pere où il y avoit une disposition dérogeante à la coutume, mais le Roi Philippe de Valois fit juger cette piéce fausse ; ce quijetta Robert dans le desespoir, & le livra aux Anglois. Philippe le Long, Roi de France & mari de Jeanne de Bourgogne héritiere de sa mere Mahaut, fut donc reconnu Comte d'Artois ; & après lui ses filles lui fuccederent l'une après l'autre, savoir Jeanne de France, femme d'Eudes IV, Duc de Bourgogne, mere de Philippe, Comte d'Artois & de Boulogne, tué au Siège d'Eguillon ; & Marguerite de France, femme de Louïs de Crecy, Comte de Flandre, de laquelle sortit Louïs de Marte, pere de Marguerite, héritière de Flandre & d'Artois, qu'elle porta à Philippe le Bon, Duc de Bourgogne, de la seconde race ; le dernier mâle de sa posterité a été le Duc Charles, tué à Nancy, le 5. Janvier 1477, après la mort duquel Louïs XI. se saisit de l'Artois & de ce qu'il avoit possédé en Picardie.
Maximilien d Autriche, qui avoit épousé Marie, héritière de Bourgogne, ayant gagné la bataille de Guinegate, recouvra une partie de l'Artois, & le ceda enfin dans son entier au Roi Charles VIII. pour la dot de sa fille Marguerite d'Autriche ; toutefois le manage ne sétant pû accomplir, l'Artois fut restitué de bonne foi ; & Charles-Quint, petit-fils de Maximilien, obligea François I. de renoncer aux droits de Souveraineté sur l'Artois, & en conséquence les Rois d'Espagne en ont jouïjusqu'à Philippe IV, qui l'a cédé au Roi par le Traité des Pyrenées en 1660 ; à l'éxception des Villes d'Aire & de S. Omer que le Roi a conquises depuis.
Etats d'Artois.
Comme les Impositions qui sont en usage dans le Royaume ne le sont point dans l'Artois, & que le Roi néanmoins en tire des sommes très-considerables qui lui sont accordées par ses Etats de la Province, & levées à leur diligence ; il est nécessaire d'éxpliquer
ARTOIS,
ce qui concerne cette matière. L'usage d'assembler les Etats dans cette Province est si ancien qu'on n'en trouve aucun commencement, & même il n'a jamais souffert d'interruption, si ce n'est depuis la prise d'Arras en 1640. jusqu'à la Paix des Pyrenées, après laquelle sa Majesté voulut bien rétablir le Païs dans ses anciens privileges. En conséquence de cette grâce, la premiere assemblée se tint dans la Ville de S. Pol au mois de Mars 1660 ; & depuis les Etats ont été convoquez tous les ans dans la Ville d'Arras. La Convocation s'en fait par Lettres patentes, en forme de Commission adressées aux Commissaires du Roi, & par des Lettres de cachet particulieres pour tous ceux que sa Majesté y appelle ; car quoique les Etats soient composez des trois Etats de la Province, le Clergé, la Noblesse & le tiers Etat, personne n'y est reçû, quoiqu'avec les qualitez nécessaires, s'il ne represente sa Lettre de cachet, & le Secretaire des Etats en fait l'enrégistrement avant l'Ouverture : la Séance est toûjours personnelle, & l'on n'y assiste jamais par Procureur.
Ordre des Etats.
Le jour de l'Ouverture des Etats, les trois Corps s'étant rendus dans la Sale de l'Hôtel, les Députez généraux & ordinaires vont au nom de la Compagnie avertir les Co missaires du Roi que l'Assemblée est formée ; cet avertissement se lait chez le premier des Commissaires, & les mêmes Deputez se trouvent ensuite à la porte de l'Hôtel des Etats pour recevoir les Commissaires & les conduire dans la Sale ; le Gouverneur de la Province y est placé dans le fond, ayant à sa droite & à sa gauche sur la même ligne le Lieutenant général du Roi & l'un des Lieutenans particuliers, alternativement l'Intendant & le premier Président du Conseil d'Artois-, le premier des Commissaires du Roi a un fauteuil & les autres des chaises. Le Clergé occupe le côté droit de la Sale, l'Evêque d'Arras, Président-né des Etats, & l'Evêque de S. Omer y ont chacun un fauteuil, les Abbez & les Deputez du Chapître sont ensuite sur des bancs par ordre d'ancienneté de leurs benefices. La Noblesse occupe le côté gauche de la Sale & est assise sur des bancs sans aucun rang determiné. Le Quarré de la Séance est fermé par le tiers Etat, les trois Deputez ordinaires sont hors de rang, assis à un bureau devant le tiers Etat & vis-à-vis les Commissaires du Roi.
Maniere de procéder.
L'Ouverture de l'Assemblée commence par la lecture de la Lettre que le Roi écrit aux Etats pour faire reconnoître ses Commissaires ; on lit ensuite leur Commission, & après que le Gouverneur s'est éxpliqué en peu de mots l'Intendant fait un discours & conclud par la demande d'un don gratuit, qui depuis la prise de S. Omer a toûjours été de 400000 l. par an, le Président de l'Assemblée répond au nom des trois Ordres, & les Commissaires se retirent, reconduits par les Deputez ordinaires, lesquels étans revenus à leurs places, les Deputez en Cour nommez par la precedente Assemblée rendent compte des affaires dont ils ont été chargez auprès de sa Majesté, & après quelques déliberations on fixe le jour de ce qu'on nomme la Rejonction des Etats, qui s'ajournoient autrefois à un mois ou six semaines, pendant lequel tems ils s'assembloient en particulier pour examiner les affaires ; on deputoit à la Cour pour faire des remonstrances ; mais on a retranché ces longueurs ; ainsi la Rejonction se fait toûjours peu de jours après la premiere Assemblée. Ce jour venu, tous les Corps étant assemblez, ils se séparent aussi-tôt pour se retirer dans leurs Chambres particulières, & deliberer sur les points representez tant par les Commissaires du Roi que par les Députez généraux, & lors que chacun des Corps a pris sa résolution séparemment sur chacun des points mis en déliberation, ils se les communiquent par des conférences particulieres qui se sont en la maniere suivante.
La Noblesse nomme quatre Deputez, lesquels avec les Greffiers vont à la Chambre du Clergé, où le Greffier fait la lecture de chaque point l'un après l'autre, observant après la lecture du premier, de laisser lire par le Greffier du Clergé l'arrêt que ce Corps en a fait ; après quoi il lit celui de la Noblesse, & continuë ainsi l'un après l'autre jusqu'à la fin ; le tiers Etat en Corps vient ensuite dans la Chambre du Clergé, & le Greffier
y fait lecture des points & des délibérations en la même forme ; le tiers Etat passe incontinent après dans la Chambre de la Noblesse & y fait la même chose.
Maniere de former des oppositions.
Ces Conférences particulières étant finies, les trois Corps en tiennent une generale dans la grande Sale où les délibérations se terminent en la maniere suivante.
Le Greffier des Etats commence la lecture des points ; les Greffiers lisent l'un J'autre les délibérations de leur Corps sur chaque point ; lorsque tous les trois ou deux au moins conviennent, les Deputez du tiers Etat en forment une résolution qui s'écrit sur le champ & est lûë publiquement ; puis l'on passe à la décision d'un autre point jusqu'à la fin ; mais lors que les trois délibérations sont différentes, la matière s'agite de nouveau, on prend les suffrages de tous les Corps, l'Evêque d'Arras dans le Clergé, le Deputé de la Noblesse de son côté, & celui du tiers Etat du sien, & alors la résolution est arrêtée à la pluralité des voix non des personnes, mais des Corps, deux emportant le troisième, éxcepté dans les matieres de pure grâce, où le concours des trois corps est toûjours nécessaire.
Chambre du Clergé.
La CIlambre Ecclésiastique est composée des Evêques d'Arras & de S. Omer, des Abbez de S. Wast, d Anchin & deS. Eloi, d'Arovaise, d'Eaucourt de Henin, Lietard & de Maraville, tous du Diocèse d'Arras ; de S. Bertin, de Clairmarais, de Choques, de Dans, de celui de S. Orner, d'Auchy, de Blanchy, de Ruisseauville & de S. Augustin, du Diocèse de Boulogne ; & de Dampmartin, de S. André & de S. Jean, quoique résident à Ypres, du Diocèse d'Amiens ; des Deputez des Chapitres d'Aire, Bethune, Lens, Lilliers, S. Pol, Hesdin, Fauquemberge, tous au nombre de deux, hors le Chapître d'Arras, qui a trois Deputez avec le Prévôt.
Chambre de la Noblesse.
Chambre de la Noblesse est composée d'environ dix gentilshommes ; tous ceux qui sont reconnus nobles, au moins de 100 ans, de côté paternel & maternel, & qui ont une terre en Artois, pouvoient ci-devant esperer d'en être Membres, mais le Roi depuis quelques années s'est rendu plus difficile sur le choix des personnes nobles, à qui il accorde l'entrée aux Etats, comme il a été ci-devant marqué au sujet de la Convocation ; le Député de la Noblesse préside à cette Chambre, prend les voix & porte la parole pour tout le Corps.
Chambre du Tiers Etats.
La Chambre du tiers Etat est composée de 12 Echevins d'Arras, qui ne sont qu'une voix, & des Deputez des Magistrats de S. Orner, Aire, Bethune, Peines & Lilliers le Deputé du tiers Etat y préside.
Toutes les assisses generales & particulières de la Province se reglent pendant le tems que dure cette Assemblée, qui est ordinairement de 15 jours ou trois semaines ; ceux qui ont rait des pertes par accident de feu, de gresse, ou autrement, y demandent l'éxemption des Impôts ; les Fermiers des Etats qui prétendent des indemnitez, y sont leurs remonstrances, mais la principale occupation de ce Corps est au recouvrement-des sommesquon est obligé de lever en conséquence des demandes de sa Majesté ; on a déja dit que le don gratuit est fixé en quelque forte à 400000 l. mais la dépense des fourrages est de 4 à 500000 l. suivant qu'il y a plus ou moins de Cavalerie dans les places.
100e denier.
Le revenu des Etats ne consiste qu'en octrois sur les bestiaux, sur les bieres, vins & eaux de vie, dont le produit ne va qu'à 400000 l. les fonds éxtraordinaires se tirent d'une imposition generale nommée 100e. qui rapporte 215000 l. quand elle est entiere ; les Espagnols l'établirent en 1569 : tous les biens tenans nature de fonds, terres à labeur, prez, bois, maisons, tant des Villes que de la Campagne, furent alors estimez par des mmissaires es qui arrêterent des Rolles d'Impositions par rapport au 100. de la valeur ce chaque fonds ; ces Rolles ont été recollez & vérifiez dans la fuite avec tant d'éxactiquil n'y a pas une piéce de terre qui n'y soit comprise, c'est la regle immuable des Impositions ; lors néanmoins que les fonds changent de nature & diminuent leur valeur par
des évenemeus qui ne sont pas du fait des proprietaires, les Etats y pourvoyent, mais quand ces diminutions arrivent par négligence ou faute de conduite, on n'y a aucun égard ; cette Imposition est grossière, selon les besoins de la Province, & il a été levé jusqu'à six 100mes. par an durant la guerre ; personne n'en est éxempt, le Clergé, la Noblesse, les habitans des Villes de la Campagne, avec différence néanmoins que les terres & les maisons que le Clergé & les gentilshommes occupent & sont valoir par leurs mains, ne payent qu'un 100me. par an, mais les héritages qu'ils afferment sont sujets à tous les 100mes. qui sont imposez.
Le reglement des fonds des dépenses fait la principale occupation des Etats, & ils remettent l'exécution de leurs arrêts à trois Deputez ordinaires, qui dans le cours de l'année representent le Corps des Etats ; à l'égard des autres affaires dont la décision dépend de la volonté du Roi, l'Assemblée en dressé un cahier qu'elle lui fait présenter par 3 Députez qui sont envoyez à la Cour pour en solliciter l'éxpedition ; il y a une 3e. especé de Deputez pour la reddition des Comptes en recepte & dépense ; les premiers & les derniers ne sont changez que de 3 en 3 ans ; les seconds sont nommez tous les ans par l'Assemblée.
L'Auteur ferme ce détail par une restection sur le zèle & l'union de ceux qui composent les Etats ; il dit que chacun concourt avec ardeur à l'utilité publique, que personne ne se prévaut de ses droits, que rien n'égale leur obéïssance aux Ordres du Roi, qu'ils ne déliberent jamais que pour éxecuter ce qu'il desire & pour faire une égale repartition des Charges.
Outre le don gratuit & la dépense des fourrages, qui monte, comme on a dit, à environ 900000 l. & l'Imposition des six 100os. qui produit 1290000 l. les Etats ont racheté pendant la Guerre une infinité d'Offices de nouvelle création, mais les Charges qui ont fait plus de tort à la Province sont les fournitures éxtraordinaires d'avoine & de fourrages, le commandement des Chariots & Pionniers, à quoi les différentes éxpeditions & mouvemens des armées ont donné lieu ; cela a monté jusqu'à 800000 l. en un an, & il est presque inconcevable qu'un si petit païs ait pû fournir jusqu'à 3 millions, non dans une feule année, mais plusieurs années de fuite.
Le Domaine du Roi en Artois est fort médiocre, étant presque tout consommé par les charges, il consiste en Censives, rentes foncières & Seigneuriales & en différentes sortes de droits, le produit total monte à 77000 l. & les charges ordinaires à 51161 1. de forte qu'il ne reste à son profit que 258391. à la vérité les bois n'y sont pas compris, la vente de ceux de Tournehoudrend, année commune, 260441. S. Omer rend 146371. Hesdin 23003 l. Arras 3229 l. Total 66974 l. sur quoi il faut déduire les Charges, consistant en gages d'Officiers, chauffages & autres qui montent à 8155 l. ainsi le revenu Domanial du Roi en Artois monte à 84658 l. feulement.
Noblesse d'Artois.
La Noblesse distinguée d'Artois, tant celle qui y reside que celle qui y possedé des terres, se reduit à présent aux Maisons suivan tes.. Ste, Aldegonde, originaire d'Artois, est fort ancienne ; Jean de Ste. Aldegonde fonda les Chartreux du Val près S. Omer en 1298. il y en a 4 branches ; l'aîné qui porte le nom ; la seconde les Barons de Mingoval ; la troisième les Barons de Bourg, & la quatrième le Comte de S. Genest, établi à Lille : il y a eu deux Gouverneurs d'Artois de ce nom sous les Espagnols, & un Chevalier de la Toison, la Baronie de Noircarme est depuis plusieurs Siécles dans cette maison. Belleforiere, maison éteinte en Picardie, subsiste en la personne du Marquis de Belleforiere, Baron de Soeilly, Seigneur de Courcelles & de plusieurs autres terres en Artois. Bergues, Maison très-illustre defcenduë des Chatelains de Bergues & de S. Winoe s'est établie en Artois en la personne de Guy, fils aîné de Gilbert II. & de Marguerite, Dame de Bienque & de Cohem, lequel eut en partage les terres de sa mere ; la Branche aînée de ce nom est éteinte, le Seigneur d'Ostain, chef de celle d'Artois, en a épousé l'héritiere & a réuni les terres de sa maison ; il y a encore deux autres Branches,
ARTOIS,
celles du Vicomte d'Harleim, & celle du Baron de Boubert. Bernimicour, qu'on croit être une Branche de Belleforiere, prétend en conséquence de la conformité des Armes de la Maison de Saluces en Italie avec les siennes ; être issu de ce Païs-là ; ce qui est certain, c'est que la Branche aînée substituée aux Noms & Armes de Bernimieour, & subsistant dans la personne du Marquis de Saluces d'à-présent, a quitté l'un & l'autre depuis quelques années ; il est puissant en Artois où il possedé des terres considérables : la Branche cadette de Bernimieour subsiste dans le Seigneur Fourquieres établi à Cambray. Bonnieres, qui se prétend Branche cadette de la Maison de Hames, puisnée de celle de Guines, & toutefois reconnue par cette Maison, est ancienne & distinguée par ce seul nom de Bonnieres, comme il est prouvé par les sepultures de la Famille qui se voyent dans la Cathédrale d'Arras ; elle a cependant porté des noms bien dissérens, ayant presque toûjours pris ceux des terres qu'elle a possédées ; on l'a connuë sous le nom de Souastre dans le Siécle passé & encore à présent, à cause de la Comté de Souastre qui est sa terre principale ; il y a trois freres de ce nom, qui ont bien servi, & ils ont un oncle Comte de Mieurlet en Flandre : les Flamands distinguent les Armes de Bonnieres de celles de Hames ou de Guines, en ce que celles-ci commencent le Vair de leur écu par l'or & Bonnieres par azur.
Bournonville, Maison que l'on dit encore descendre des Comtes de Guines, s'est formée sous la domination de Bourgogne, & est devenuë plus considérable sous celle d'Autriche ; le Prince de Bournonville, qui en est le chef, possedé plus de 20 Terres considérables en Artois. Bethune est une Maison fort illustre, particulièrement depuis l'accroissement de fortune qu'elle reçût par la faveur d'Henri IV. Les Ducs de Sully & de Charost, les Comtes & Marquis de Bethune sont de cette Maison, il en reste une Branche en Artois, dont le Marquis d'Espigneul est Chef, il descend de Hugues de Careney, Seigneur de Planques, ses ancêtres avoient en quelque forte negligé le nom de Bethune, dont ce Seigeur qui est fort puissant en Artois, s'honore aujourd'hui ; la Branche de Perumes est la Cadette de celle d'Espigneul. Crouy ; cette Maison a de grandes possessions en Artois ; le Comte de Roeux, qui en est le Chef, y a quatre terres, dont Beaurains est l'une : le Comte de Solre y en a aussi plusieurs, entr'autres celle de Beaumez ; le Comte de Moulembais son frere fait sa residence en Artois depuis qu'il a épousé l'héritiere de Crequi Wroiland. Crequi, il ne reste en Artois de ce nom illustre que la Marquise de S. Floris & la Comtesse d'Assennées, soeur héritiere de la Branche de Langle ; toutefois les Seigneurs de Crequi, Marconnettes & de Crequi Hermondy ont encore quelques Possessions. Egmond, l'une de plus illustres Maisons de Flandre, possedoit des Terres très-considerables en Artois, Renty, les deux Aubigny, Auxy le Château & plusieurs autres ; le dernier Comte d'Egmond comptoit 33 générations jusqu'à un Roi de Frise qui vivoit en 392 : les Duchez de Gueldres, de Juliers, & la Comté de Zutphen, avoient été dans sa Maison. Fiennes, Originaire de Boulonnois, est une Maison illustre qui a donné un Connêtable de France ; elle quitta son nom en 1300, pour prendre celui de Dubois, à cause du mariage d'Enguerrand de Fiennes, Seigneur de Heuchin avec Colette de Luxembourg Dame Dubois ; & elle l'a porté jusqu'en 1550 : le Vicomte de Fruge, Comte de Chaumont en est le Chef, le Comte de Lumbres son frere est établi à Lille. Villain de Gand, dont le Prince d'Isenghien est le Chef, possede de grandes Terres en Artois ; entr'autres la Comté Dongnies ; la Baronie d'Isenghien fut érigée en Comté le 19e. May 1589, en faveur de Maximilien Villain, Baron de Rassinghien, Chef des Finances de Flandre & Gouverneur de Lille. Ghistelles, ancienne Maison, Originaire de Bruges, possédé de grandes Terres en Artois par l'Alliance de Barbe de Planques héritière de Walines : le Marquis de S. Floris est Chef de cette Maison, il possede le Marquisat de Croix, le Seigneur d'Ocquembronne est aussi du même nom ; mais il y a des reproches de bâtardise contre l'une & l'autre, fondez sur ce qu'à la mort du Baron d'Uxelles, dernier mâle du nom de Ghistelle, ses Armes furent
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inhumées avec lui suivant la coutume de Flandre en pareilles occasions. Gomicourt est encore une ancienne Maison, issue du Diocèse de Noyon en France ; le Comte de Gomicourt d'à-présent descend d'un Gentilhomme du même nom qui vivoit en 1214, & transigea avec l'Evêque d'Arras d'un Procez qui duroit depuis un tems immémorial touchant leurs Justices ; Gillon de Gomicourt l'un de ses descendans ayant forfait ses héritages par le meurtre du Seigneur de Miraumont, cette Famille déclina considérablement ; & il sen trouve plusieurs qui ayant quitté ce nom de Gomicourt ont pris & porté celui de le Grand ; l'on prétend même que la Maison de Spencer en Angleterre est issue des Cadets de celle-ci, qui passa la Mer dans le tems d'adversité & fit une grande fortune dans ce Païs-là, les Armes de Gomicourt sont d'or à la bande de fable ; outre la terre du nom ce Seigneur possédé encore celle de Cuinchy & sept autres. Hainin il y a deux Familles de ce nom, l'une se disant originaire de Hainault qui s'est établie en Artois en 1550, & paroit n'avoir rien de commun avec la Maison de Hainin Lietard quoi qu'elle ait pris la Croix engreslée, on en rapporte communément l'origine à un Porte-balle ou Marchand de Toilettes, dont le fils fut dit Sieur de la Vallée & le petit fils acheta la Seigneurie de Wavrans : toutefois il obtint sentence de décharge en l'Election d'Arras le 7. Juillet 1609 : au contraire, la Maison de Hainin Lietard est illustre & ancienne & est crue puisnée de celle de Bossut en Hainault. Horne, Maison qu'on fait descendre des premiers Comtes de Hainault par les Comtes de Loor du Païs de Liége, est fort illustre par elle-même ; Guillaume, Comte de Horne vivoit en 1120, & de lui sont sortis ceux d'aujourd'hui ; Paul de Lallim, Comte de Hovestrat a laissé la Comte de Bailleul & huit autres terres au Prince de Horne, qui est venu s'établir en Artois, depuis la Paix de Ryswic. Houchin, Maison ancienne de 300 ans en Artois, de aquelle le Marquis de Longastre est le Chef, il y en a un du même nom au service de l'Empereur, qui est General de son Artillerie.
Landasse, Famille originaire de la Châtelainie de l'Isle, est fort ancienne ; elle descend des anciens Seigneurs de Mortagne qui prirent ce nom de l’héritiere de Landasse ; le Seigneur de Coin en est le Chef le Sieur d’Escarpel, qui possede cette terre par donation d’Anne de Vischery, Douairiere de Wroiland, est reputé communement s’être enté sur le nom de Landasse, ou n’en être issu que par bâtardise.
Lannoy, Maison honorée de plusieurs Dignitez sous les Comtes de Flandre, Ducs de Bourgogne & sous la Maison d’Autriche, a porté des noms différens en divers tems, ainsi qu’il est arrivé à quelques autres, le premier & le veritable étoit celui de Lannoy ; ils se sont ensuite nommez le Begue, puis se sont determinez pour le nom moderne de Lannoy. Entre les Grands hommes sortis de cette Maison, il compte Charles, Viceroi de Naples du tems de Charles Quint, qui prit François I. prisonnier à la bataille de Pavie ; le Chef présent de la Famille est le Seigneur de Warnes resident dans la Chatelainie de Lille ; le Comte de Beaurepaire est Chef des Branches établies en Artois ; il y possede la terre de Caucour ; le Comte de la Motterie son frere, celle de Contenille ; une héritiere de cette Maison en fit passer les biens dans celle de Bure ; d’où ils sont venus au Prince d’Orange ; une autre a porté les Terres de Solre & de Molembais dans la Maison de Crouy ; il y a encore du même nom les Seigneurs d’Epinghem, d’autres encore qualifiez Sieurs de rets & de la Carmoy, residens à Lille, qui sont issus de Jean de Lannoy, Sieur d’Esplantis, ennobli par lettres registrées en la Chambre des Comtes de Lille le 19. Novemb. 1641 : Lens, il ne reste de cette Maison que la Branche de Lens Ribecque ; Baudouin de Lens, dit Damuquin, du nom de sa mere, fut Maître des Arbalestriers de France & tué en la bataille de Cocherelle en 1364 : Charles de Lens fut Amiral de France en 1418 : mais il n’étoit du nom de Lens que par sa trisayeule, Ide de Lens, femme de Jean Derecour, dont la posterité a pris le nom de Lens, à raison de la Chatelainie de cette Ville que cette héritiere apporta dans sa Famille ; & en conséquence du même mariage François de Recour, son petit-fils, ayant épousé l’héritiere de
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Liques, une partie de sa postérité a quitte les noms de Recour & de Lens, pour prendre celui de Liques ; le Comte de Blandeques est aujourd' hui Chef du nom.
Lierres étoit une ancienne Maison qui ne subsiste plus, Philippe d Ostrcl acheta la terre en 1490, & en prit le nom & les armes ; il étoit originaire du Païs de Luxembourg, le Comte de S. Venant est Chef de cette Maison ; les Barons de Berneville de Flers en sont austi, le dernier a conserve le véritable nom d'Ostrel.
La premiere Branche de la Maison de Longueval, est éteinte en Artois, & ses biens ont passé en celle de Monchy, où ils sont plus particulièrement connus sous le nom de Vaux, laquelle a formé les sous-branches des Comtes de Bucquoy, des Marquis d'Haraucourt & de Manicamp, des Comtes de Beaumont & de Crecy. Cette Famille est certainement Cadette, issuë de celle d'Uzecourt, qui, comme il a été dit, a pris le nom de Lens, mais elle a tombé en pauvreté jusqu'à être reduite à éxercer la charge de Bailly de Beaumetz & de Metz en Coutures, terres lors appartenantes a la Maison de Melun Epinoy ; l'Alliance d'une fille du Sieur de Couiteville, Secietane d h.tac, aidaa la relever, & plusieurs autres mariages subsequens l'ont remise dans son lustre, Marnix, Famille originaire de Savoye, vint en Flandre avec Marguerite d'Autriche, Douairiere de Savoye, tante de Charles-Quint quand elle y fut Gouvernante, le Chef de cette Maison est le Vicomte d'Augimont, Comte d'Etrées, Baron de Rollaincourt. Maftaing, originaire de Brabant est Cadette de la Tauche. Maulde, origininaire de Hainault, ancienne du XII. Siécle, s'est établie depuis peu en Artois ; le Marquis de la Bussiere en est le Maître, il y en a une Branche dans le Boulonnois connue sous le nom de Colemberg,
Melun, Maison originaire de France, où elle a possedé les premiers Dignitez & diverses grandes Terres, s'est rétablie en Artois en 1327, par le mariage d'Isabeau héritière d'Epinoy, Sottenghen, & de la Vicomté de Gand, le Prince d'Epinoy en est le Chef, les Vicomtes de Gand & Marquis de Richebourg sont les oncles du Prince d Epinoy ; il y a aussi deux Branches de ce nom, qui descendent d'un fils naturel ; Melun Cottennes & Melun d'Homicourt lesquels ont obtenu la permission d'ôter la barre de leurs armes qu'ils portent à présent écartelé de gueules.
Monchaux est une Maison ancienne dont le Seigneur de Fouquillieres se prétend le Chef, quoiqu'elle soit éteinte il y a long tems, après la mort du dernier de ce nom qui fut tué à la bataille d'Azincourt. Un Pierre Adin, dit de Monchaux, natif de Bretagne, se présenta hardiment comme son héritier, il en prit le nom & les armes que sa posterité a conservées, il y a eu néanmoins diverses sentences d'Arras, & de son Election, & de son Conseil pour confirmer cette posterité de sa Noblesse & notamment en 1599.
Montmorency, Jacques Sire de Montmorency est le premier de ce nom qui ait possede des biens en Artois par son mariage avec la fille de Hugues de Melun, Seigneur d'Autoing & d'Epinoy, qui lui porta en dot la terre de Croisil & celle de Pourriere ; leurs enfans s'établirent en Artois, où ils acquirent beaucoup d'autres terres, principalement par le mariage avec l'héritiere de Fasseux, & ensuite par une alliance avec la Maison de Horne ; il reste deux Branches de cette Maison, celle du Prince de Robeque & celle de Neufville Witasse.
Noyelles, cette Maison descend de Michel Hulduch, que l'on avance aujourd hui avoir été fils d'un Chastelain de Lens, qui eut en partage la terre de Noyelles dont il prit le nom, en conservant les Armes avec une legere difference, mais cette Famille deu duch n'a pas 200 ans d'ancienneté, & ne s'est enhardie de prendre le nom & les armes de Noyelles qu'après que les Seigneurs de Vion ont été éteints ; le Marquis de Lisbourg est Chef d'une Branche en Artois, & le Baron de Tarsy d'une autre en Flandre. Tiembrune, autrement Bournel, est une Maison de 500 ans d'antiquité, dont le Marquis de
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Bournel, Baron de Monchy est le Chef. Thiennes, Maison considérable, dont A voir des titres dès le XII. Siécle, subsiste en Artois par le Marquis de Berthines Comte de Rumberg, ils descendent d'une fille d'Othain. Trasignies, ancienne Maison, dont on prétend que Gilles le Brun, Connêtable de France sous S. Louïs, étòit sorti, s'est éteinte dans la Maison de Hamal, dont un Cadet s'honora de prendre le nom & les armes de Transiguies ; il épousa l'héritiere d'Armuiden ; M. de Transiguies d'aujourd'hui est fils de Wisocq, qui étoit fort riche.
La Tramerie, ont prouvé par titres que Jacques de la Tramerie épousa, en 1380, une fille de Robert de Baussard, que l'Auteur dit mal à propos avoir été Connêtable de France, ignorant que la Maison de Beaussard a long tems possedé héréditairement la Connêtablie de Flandre ; la Branche aînée subsiste en Hainault dans le Baron de Roissin & la Cadette en Artois en la personne du Marquis de Forest ; il se trouve des lettres d'Armoiries accordées à Robert & Pontus de la Tramerie le 10. Mars, 1598, régistrées en la Chambre des Comptes de Lille. Vignacourt, Maison ancienne, dont il y a un Grand-maître de Malthe dans le dernier Siécle ; celui qui possede la Baronie de Pernes est Chef de la Branche aînée ; le Baron de Maleres près Namur est Chef de la seconde, & le Comte Destetres qui demeure à Lille de la troisième.
Terres titrées.
A l'égard des terres titrées, voici ce que l'Auteur en remarque de plus important : Croissette, érigée en Principauté, en faveur de l'Abbaye de Messines. Epinoy, dans le Baillage de Lens, érigé en Comté par Louïs XII, en 1506, & en Principauté par Charles-Quint en 1541, en faveur de la Maison de Melun. Robeque dans le Baillage de Lilliers, érigée en.... en 1630, en faveur de la Maison de Montmorency. Le Biez, Marquisat, érigé en faveur de la posterité du Maréchal de Biez, La Bussiere, dans le gouvernement de Bethune, érigée en Marquisat en faveur d'Albert de Maulde. Carency, dans le Baillage de Lens, érigé en Marquisat sans préjudice du titre de Principauté en faveur du Sieur Toustain. Courcelles, dans le même Baillage, érigé en 1669, en faveur de François de Glune Baron de Florins en Liege. Croix en la Comté de S. Pol, érigé en Marquisat en 1673, en faveur de la Maison de Ghiselles. S. Floris, Baillage de Lilliers, érigé en Marquisat en 1664, en faveur de la même Maison. Forest, Marquisat, à la Maison de la Trannerie, ainsi que la terre d'Auby ; tous deux sont dans le Baillage de Lens. Grigny, Marquisat possédé par N.... de Bassecour qui est au service d'Espagne. Havrincourt, au Baillage de Bapaume, Marquisat, érigé en 1693, en faveur de François de Cardenaque, Seigneur de Gorincourt Colonel du Régiment d'Artois. Estigneul, Marquisat, érigé en faveur de la Maison de Bethune qui le possedé depuis 1388 : il est dans la gouvernance de Bethune. Heuchin en la Comté de S. Pol, Marquisat, érigé en faveur de la Maison de Croy. Lisbourg, aussi en la Comté de S. Pol, érigé en 1629, en faveur de la Maison de Noyelles, à présent possedé par le Sieur Voilants de Bervilliers, dont le pere commandoit le Regiment du Maréchal de Schulemberg ; cette Famille se prétend issue d'Ecosse. Le Vaques, au Baillage de Bapaume, érigé en faveur de Maximilien le Jeune ; cette Famille est une Branche Cadette de celle de Contay, il y a eu un Cardinal le Jeune en 1439. Lugny, en la Comté de S. Pol, érigé en Marquisat en 1694, en faveur du Sieur de la Bussiere. Nedonchel, Marquisat, érigé en 1694. par François de Carmain, connu sous le nom du Marquis de Lilliers. Noyelles, en la gouvernance d'Arras, érigé en Marquisat pour Guillaume de France en 1698 ; cette Famille de France descend d'un Raimond de France, Capitaine de la jeunesse de Bethune qui se signala à la Bataille d'Azincourt, celui d'aujourd'hui a plusieurs autres terres. Renty, premier Marquisat d'Artois, érigé par l'Empereur Charles-Quisit en 1533, en faveur de la Maison de Melun. Royon, de la Comté de S. Pol, érigé en Marquisat en 1692, en faveur de Louïs de Brias, dont la Famille possédé cette terre par une alliance de Crequy. Villiers Boulin, en la gouvernance d'Arras, érigé en Marquisat en 1668, en faveur de la Maison de Crequi, de qui elle a passé en celle de Bernage,
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& de celle de Bernage en celle de Vieusmale. Wanin, du Baillage de Hesdin, érigé en Marquisat en 1690, en faveur de la Maison de Fleschin, qui est une Branche cadette d'Overquerque Vantin, est dans la même Maison. Winchy, érigée en Marquisat en 1676, en faveur du Sieur d'Astigny, originaire de Lille.
Comtez.
Les terres suivantes sont des Comtez.
Ste. Aldegonde, érigée en 1605, pour la Maison du même nom. Arques, au Baillage de S. Orner, possedée depuis 1000 ans par l'Abbaye de S. Bertin. Bailleul', à la Comté de S. Pol, érigée en 1614, en faveur de la Maison de Bailleul, de qui elle a passé à celle de Laillan Hochstrate, puis en celle de Horne. Bayenhem, au Baillage de S. Omer Belleforiere, au Baillage de Lens, érigée en 1663, pour la Maison du même nom Blangerval, au Baillage de Hesdin, érigée en 1661, pour la Maison de Chastel que l'on tient originaire de Bretagne ; elle possedé de grands emplois au Païs & au service d'Espagne. Blanderque, au Baillage de S. Omer, érigée en 1664, pour la Maison de Lens Briais-tristel, en la Comté de S. Pol, érigée en 1649, pour la Maison de Briais ; cette Maison est divisée en trois Branches toutes en Artois, l'Archevêque de Cambray, derer * mort, étoit de cette Maison. Brouay, de la gouvernance de Bethune, érigée en 1605. en saveur de la Maison de Spinola, établie en Artois depuis l'alliance de Renty ; le Comte de Brouay,Gouverneur de Namur, y a de grandes terres, aussi bien qui ma¬la Picardie. Bucquoy, érigé en 1680, en faveur de la Maison de Longueval Branche de Vaux. Colombie, au Baillage de S. Omer. Fauquemberg, au Prince de Lignes. Gomicourt, au Baillage de Bapaume : Henin-Lietard, érigé en 1571, en faveur des Bournonville : Hefec, à la Comté de S. Paul, érigé en 1666,Lur la Famille de la Haye : Lumbres, au Baillage de S. Omer, est possedé par le Sieur de Feronnes Maries, érigé en 1621, pour la Maison de Noyelles par le Sieur de Balincourt Noyelles, au Baillage de Lens, érigée en 4, pour la Maison du même ncTóifr £ la gouvernance d'Arras, érigée en faveur de François de Tournay, qui a fait son héritier Eustache Daffigny, Seigneur d'Agdon, à condition de porter le nom & les armes de Tournay, il possédé dix autres terres en Artois. S. Pol, très-illustre, appartenoit autrefois a la Maison de Camp d'Avesne, que l'on croyoit issue des Comtes de Flandre du moins de ceux de Ponthieu ; Elisabeth Camp d'Avesne porta cette Comté, en 1205, dans la Maison de Chatillon, qui l'a possedée jusqu'à ce que Guy, Comte de S. Pol, ayant été envoyé en otage en Angleterre pour le Roi Jean, y mourut sans enfans ; Mahault de Chatillon sa soeur qui en devint héritiere la fit passer dans la Maison d'où elle est entrée dans celle de Bourbon & de Longueville. Madame la Duchesse de Nemours, qui la possedoit, l'a depuis vendue au jeune Prince d'Epinoy. Seneghem, au Balliage de S. Omer, est aujourd'hui possedée par le Prince de Lignes Saremberg. Souastre, dans la gouuernance d'Arras, érigée en 1676, pour la Maison de Bonnieres. S. Venant érigée en 1655 pour la Maison de Lieres. Villers aux bois, de la gouvernance d Arras, erigée en 1668 en faveur de Philippes de la Motte, Seigneur de Librement. Villers Val, au Baillage de Lens, érigée en 1612, pour la Maison d'Ognies confirmée en 1697, pour Jerome Deriais acquéreur.
Baronies.
Les Baronies sont, Les deux Aubigny qui sont à la Comté d'Egmond. Auchy la Bassée, ancienne Baronie des Seigneurs de Bonnieres, appartient à N.... Prudhomme d'Aillie. Auxy le Chateau, très-ancienne Baronie, qui a donné son nom à une Maison ondue en celle d Lgmond. Bayenghen, Baillage de S. Omer érigée en 1545, en faveur de la Maison de Nortomb, à présent possédée par Philippe de Duvou, duquel la Famille est établie en Artois depuis 140 ans. Berneville, à la Maison de Lierres. Beaumetz, Comte de Cheslieu, est dans la Ville d'Arras, & a donné le nom à une illustre Maison ; celle est aujourd'hui à la Famille de Hericourt. Couriere, au Baillage de Lens, en la Comté d'Ognies, Cadet de Coupigny. Cuinchy, Baillage de Lens, fut érigée en Baronie il y aix vingt-ans par Philippe II, Roi d'Espagne pour Antoine de Bondel,
* Le Prédecesseur de l'Abbé Feteur du Telemaque.
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qu'il envoya au secours de l'Isle de Malthe ; le Lieutenant général du même nom, mort au service du Roi en 1684, n'ayant laissé qu'une fille, morte sans enfans, étoit son arriere petit-fils, sa succession est en dispute. Fiers, Baillage de Hesdin, érigée en 1662, en saveur de Robert d'Hosel. Fosseux, dans sa gouvernance d'Arras, érigée il y a 200 ans en faveur de la Maison de Montmorency, est passée en celle de Hesnin Lietard dont les Comtes de Bossut & le Prince de Chimay sont. Cadets. Hammelincourt, Baillage de Bapaume, appartient au Sieur Bouquet qui l'a achetée. Hins-hingette, dans la gouvernance de Bethune, érigée en 1696, sous le nom de Pires, en faveur d'un homme du même nom. Lilliers, ancienne Baronie, appartenant au Marquis de Carmin Demdouchel. Pernes, ancienne Baronie de la Maison de Vignacourt. Rausard, gouvernance d'Arras, au Comte de Solre. Rolincourt, ancienne Baronie, a été possedée par une Famille du même nom, d'où elle a passé successivement en celle de Châtillon, de Dampierre, de Lannoy, de Villersal, d'Egmond & de Nassau Orange, & par alliance en celle de Marinot qui la possédé aujourd'hui. Saiìly, à la Maison de Belleforiere, & Vaux à celle de Longueval.
Justices.
Les principales Justices de la Province d'Artois sont celle de l'Abbaye de S. Wast, de la Comté de S. Pol, de Lilliers, de Pernes, de Renty, d'Aubigny, d'Auxy, de Carmin, d'Epinay, de Blagny, de Bucquoy, de Chaumont, d'Hesnin Lietard, de la Broye, de Choques, deDourier, de S. Venant, deFrevant, d'Oisy, deFauquemberge, de Fressant, de Fruges, de Vitry, de Lisbourg, d'Huchy, de Rolincourt & Denchin.
Gouvernement militaire. d'Artois.
Le Duc d'Elbeuf est Gouverneur général de la Province, aussi bien que de la P cardie ; le Comte d'Artagnan, Lieutenant général –, le Comte de Repaire, Lieutenant du Roi particulier, dans le gouvernement d'Arras, Bethune, Bapaume *, & le Marquis de Courtebonne dans ceux de Hesdin, Aire, S. Orner ; les autres gouvernemens de la Province sont ceux de S. Omer, de Bethune, d'Aire, de S. Venant, de Bapaume & Hesdin, dont l'Auteur avoit nommé les Possesseurs ; mais ils sont tous generalement changez, comme il arrive nécessairement par le cours des années.
Enumération des Communautez & Personnes.
Le Terme de Paroisse n'est point connu dans l'Artois, si ce n'est par rapport au spi rituel : on se sert de celui de Communautez. A l'égard de toutes les affaires militaires, ou de Finances, l'Auteur donne le détail du nombre des Communautez que contient la Province, & de celui des personnes qu'elles renferment :
Villes, ou Gouvernances
Communautez
Personnes
Arras
184
33996
S. Omer
65
14118
Bethune
37
15516
Aire
71
14824
Bapaume
71
20960
Hesdin
89
15068
Lens
108
24305
S. Pol
128
16810
Lilliers
20
2559
Pernes
13
572
786
158728
ETAT DE L'EGLISE.
Evêchez.
IL y a deux Evêchez, Arras h S. Orner, tous deux Suffragans de l'Archevêque de Cambray, depuis l'érection de ce Siège en Archevêché, qui fut faite en 1559, par le Pape Paul IV, à la priere de Philippe II, Roi d'Espagne ; Arras étoit alors suffragant de Rheims aussi bien que Tournay. S. Diogene a été le premier Evêque d'Arras y ayant été envoyé par l'Archevêque de Rheims en 390 : il souffrit le Martire par quelques incursions des Barbares en 410, & comme les fideles de ce Canton furent alors tous exterminez, aucun Evêque n'y résida jusqu'en 530. que S. Wast se chargea de cet Emploi. C'est pourquoi il est reconnu pour le second Evêque & Patron principal : ses Successeurs ont demeuré à Arras jusqu'en 583, que Wedulphe, quatrième Evêque, transsera le Siege à Cambray : ces deux Evêchez sont restez jusqu'en 1093, que le Pape Urbain II. les separa & donna un Prélat à chacune de ces Villes ; l'Evêché d'Arras peut avoir 18000 l. de revenu, année commune ; l'Evêque est Seigneur de la partie qu'on nomme la Cité, & y institue des Magistrats ; le Roi ne nomme point à cet Evêché en vertu du Concordat, mais par un Indult particulier de Clement IX, du 9. Avril 1698, le Diocèse est divisé en 2 Archidiaconnez, dont le premier que l'on nomme d'Arras comprend 9 Doyennez, & le second qu'on nomme d'Ostrevent en comprend 3, qui ne sont point du département d'Artois : dans la premiere partie l'on compte 250 Cures, 2 Chapitres de Chanoines outre celui de la Cathédrale, 6 Abbayes d'hommes, 4 de filles, & plusieurs Prieurez.
L'Eglise Cathédrale est bien bâtie ; on y remarque particulièrement la Croisée & la structure des pilliers avec les fonds Baptimaux ; le Chapitre est composé de 6 Dignitez, qui ont ensemble 4000 l. de revenus, de 40 Chanoines qui ont chacun 1000 l. & de 48 Chapelains, outre le Bas-Choeur & le Musique ; l'Evêque conféré les Archidiaconnez & les Canonicats, le Roi donne la Prévôté, & le Chapître élit le Doyen & le Chantre.
Abbayes.
Les Abbayes de la Ville & environs d'Arras sont S. Wast, de la fondation de Thierry, Roi de France, qui y fut inhumé en 613 : il bâtit ce Monastere pour satisfaire à la penitence qui lui avoit été imposée par la mort de S. Leger, Evêque d'Autun, & l'enrichit de très-grands biens, l'Abbé en tire 50000 l. toutes charges acquittées, les Religieux, au nombre de 50, sont gouvernez par un Prieur qui jouït en particulier de 6000 l. un autre Religieux, qui est Prévôt, en a 5000 l. un autre Receveur 3000 l. le Rentier 2000 l. & ainsi des autres Officiers de la Maison qui possedent en tout plus de 130000 l. de rente, l'Eglise & l'Abbaye sont bien bâties, & la Bibliotheque bien remplie. L'Abbaye du Mont de S. Eloy, à une lieuë. d'Arras, n'étoit autrefois qu'une Chapelle édifiée sur le lieu on mourut S. Eloy en 665 : il s'y habitua quelques hermites, & ensuite des Chanoines réguliers en 1410, qui obtinrent de Jean, Duc de Bourgogne, la permission de se fortifier, & en reconnoissance ils sont obligez à l'hommage d'une lance à chaque mutation d'Abbé ; cette Maison a 50000 l. de revenu, dont l'Abbé tire la moitié. Mareuil, autre Abbaye de Chanoines réguliers, en regle, vaut 7000 l.
Les Abbayes de filles au voisinage d'Arras sont les suivantes. Le Vivier, Ordre de Cîteaux, de 5000 l. Estran, Ordre de S. Benoît, fondée en 1085, par Gerard Evêque d'Arras, vaut 14000 l. on n'y reçoit que des Demoiselles, sans les obliger néanmoins à aucunes preuves ; cette Communauté est très-reglée quoiqu'il n'y ait point de Closture ; Avesne, aussi de S. Benoît, établie depuis 1558, en ce lieu, qui étoit une maison de plaisance des Comtes d'Artois, jouït de 7000 l. on n'y reçoit aussi que des Demoiselles. Les Cures de la Ville au nombre de onze, jouissent de 8500 l, partagées entr'elles assez
ARTOIS.
également ; le Seminaire établi en 1677, subsiste par le moyen de 2400 l. que le Clergé du Diocèse paye & des pensions des jeunes Clercs ; les Jesuites ont un beau College bâti par Philippe de Gaverelles, Abbé de S. Wast ; les Jacobins, les Carmes anciens & déchaussez, les Recollets, les Capucins & les Mathurins ont chacun une Maison dans la Ville, les derniers ont 3000 l. de rente.
A l'égard des Communautez des filles, les Dominiquaines ont 6000 l. les Claristes 2000 l. les Bénédictines de la Paix 6000 l. les Urselines 4000 l. il y a de plus 3 autres Communautez, dont le revenu n'est pas éxprimé, qui sont les Louant-Dieu, les filles Penitentes & les filles de Ste. Agnès ; l'Auteur ne dit rien de particulier des Hôpitaux.
En la Ville de Bethune, il y a une Collegiale, dont le revenu peut être de 1200 l. 2 Paroisses qui en ont 2000 ; le College des Jesuites n'est ni riche, ni frequenté, à cause de l'Université de Douay ; les Recolets & les Capucins y ont chacun une Maison, les Bénédictines de la Paix 4000 l. les Hôpitalieres 3000 l. les Conceptions 5000 l. & les Annonciades 4000 l.
Il y a dans Bapaume une Cure de 1000 l. une maison de 2 Jesuites qui ont 700 l. 2 Hôpitaux qui ont 5000 l. & une maison de Recolets.
Il y a dans la Ville de Lens une Collegiale qui a 7 à 8000 l. de revenu ; la Cure est de 700 l. les autres Ecclésiastiques n'ont anciens biens en fonds.
Les Abbayes & autres biens de la Campagne sont les Abbayes de Eaucour, à une lieuë de Bapaume, Ordre de S. Augustin, fondée en 1101, par Lambert, Evêque d'Arras ; cette Abbaye est reguliere & vaut 8000 l. elle a un Prieuré proche de Mastrick qui est considérable : il y a des Religieux qui les deservent.
Arrouaise, Ordre de S. Augustin, à 2 lieuës de Bapaume, est sous un Abbé Religieux regulier, qui étoit autrefois Chef de 26 autres maisons, dont les Abbez étoient obligez de s'assembler tous les ans à Arrouaise, cette maison est encore très-reguliere ; elle a 10000 l. de rente, la fondation est de l'année 1090, par le Cardinal Conon lors Légat en France.
Clairfay, dépendance d'Arrouaise, il n'y a que deux Religieux.
Hesnin-Lietard, entre Douay & Lens, a été fondée en 1040, à la solicitation de l'Evêque d'Arras, lequel y établit 12 Chanoines, qui embrasserent la regle de S. Augustin en 1169 : le Monastère d'à-présent fut alors bâti par Baudouin Brochel, Seigneur du Lieu ; cette maison est en regle & possédé 7000 l. de rente.
Arnay, de filles, Ordre de Cîteaux, près de Lens fondée en 1257, par Michel Seigneur d'Autoing en Hainault, ces filles ont 5000 l. de revenu. Il y a encore les Prieurez & Communautez suivantes.
S. Poix, Prieuré dépendant de S. Bertin, aux portes de Bethune, vaut.... Aubigny sur l'Escarpe fondé en 620, & donné à l'Abbaye de S. Eloy par Alix Dacer, Evêque d'Arras, l'an 1131, il y a 6 Religieux qui ont 3000 l. Rebreuve près Bethune dépendant de S. Eloy ; Berdant dépendant de S. Wast, fondé en 1024. par Landemius 33e. Abbé, est situé dans des marécages très-propres aux pâturages ; les Chartreux & Chartreuses de Gonay, à une lieuë de Bethune, ont 1200 l. il y a peu de maisons de filles de cet Ordre ; celles-ci sont au nombre de 27 Dames, 4 Converses & 14 filles données qui ont soin de la Basse-Cour ; il y a dans le dehors 3 Religieux pour la Messe, la Confession & le soin temporel, & 4 freres pour le Labourage. Il y a à Houdin, à 2 lieuës de Bethune, un Monastere de Benedictins qui vaut 3000 l. & une maison de Dominiquains de 1000 l. ainsi le revenu total des Ecclésiastiques du Diocèse d'Arras, non compris des Cures, en ce qui est éxprimé dans ce memoire monte à 282050 l. de rente annuelle.
Election des Abbez.
Il y a des pratiques singulieres dans l'Artois, tant à l'égard de l'instruction des A bez que de celle de Curez ; comme tous Monastères sont électifs & soumis à la jurisdiction Episcopale, si tôt qu'un Abbé est mort, l'Evêque Diocésain se trouve dans l'Ab-
ARTOIS.
baye, on y envoye un Commissaire pour assembler la Communauté 5C faire choix d'un sujet capable d'administrer le spirituel pendant la vacance ; les Juges Royaux s'y transportent aussi & sont une description exacte des biens du monastere, afin que rien ne soit dissipé, puis nomment un Administrateur du temporel, mais comme l'Evêque prétend que ce droit lui appartient, pour éviter les contestations, on tâche de convenir d'un même sujet ; le Roi nomme ensuite des Commissaires pour assister à l'Election, savoir le Gouverneur ou le Lieutenant du Roi qui commande pour lors, l'Intendant de la Province, & un Abbé du même Ordre, lesquels reçoivent les suffrages de chaque Religieux ou Religieuse en particulier, ils sont obligez de nommer trois personnes, d'en déclarer & distinguer les qualitez, mais l'Auteur ajoûte qu'il seroit à souhaiter que les Vocans ne fussent pas obligez de nommer 3 sujets par un nombre déterminé ; car ils y sont souvent fort embarassez ; il suffiroit, selon lui, qu'ils nommassent en leurs consciences les plus capables sans exceder le nombre de trois : autrefois le Roi choisiffoit celui des trois qui avoit eu le plus grand nombre de voix, & à cet effet les Commissaires ne lui rendoient compte que des trois plus nommez ; à présent ils envoyent le procez verbal en entier, sur lequel le Roi fait la nomination, après laquelle on procede à une nouvelle Election pour rendre cette Election canonique ; c'est alors l'Evêque, ou son Commissaire, qui reçoit les suffrages, après quoi l'Evêque confirme solemnellement & judiciairement l'Election.
A l'égard des Cures, depuis le Concile de Trente le Concours est établi dans ces deux Diocèses, les Examinateurs du Concours sont nommez par l'Evêque & approuvez par le Sinode du Diocèse. L'Evêque, ou son grand Vicaire Président aux Examens, & tous Ecclésiastiques sont reçûs à cet Examen sur le Certificat de l'Evêque, quand ils sont Etrangers, ou du propre Curé quand ils sont du Païs, on les éxamine amplement sur toutes les matières Ecclésiastiques, & après que les Examinateurs ont pesé la doctrine & les qualitez de chaque Concurrent, on les distingue en trois Classes à proportion du merité, suivant quoi la feuille est arrêtée, & il n'est point permis aux Patrons des Benefices de representer d'autres sujets à l'Evêque que l'un de ceux qui ont été admis sur la feuille ; cette coutume retranche toûjours les procez, & fait avancer promptement les personnes de mérite ; il faut pourtant ici observer que les Cures ne tombent au Concours que par leur vacance qui n'empêche pas la resignation : toutefois comme en ce cas les Bulles en sont éxpédiées à Rome, il coute si cher que les resignations sont fort rares.
L'Evêché de S. Omer est un délabrement de l'ancien Evêché de Therouenne, aussi bien que ceux de Boulogne & Ypres : Henri II, Roi de France, fit donner à Boulogne tout ce qui étoit alors dépendant de la France, & ce qui étoit sous la domination d'Espagne fut partagé entre les Sièges d'Ypres & de S. Orner ; celui-ci est divisé en deux Archidiaconnez ; le premier, qui est nommé d'Artois, contient 60 Curés, & le second, qui est en Flandre, seulement 29 : Cet Evêché vaut 30000 l. de rente, le premier Evêque fut Gerard de Harmericour sacré en 1469.
Le Chapitre de la Cathédrale est composé de 6 Dignitez, de 34 Chanoines, 24 Chapelains, & du Bas-Choeur ; les Dignitez ont ensemble 2600 l. de rente partagées inégalement, il n'y a que 25 Chanoines effectifs qui ont chacun 900 l. & parmi eux il y a 9 Prébendes affectées aux graduez qui ne peuvent être resignées ni permutées ; les autres Canonicats à la Collation de l'Evêque : les petits Canonicats n'ont entr'eux que 1100 l. de revenu ; le total du Chapître peut être de 32000 l.
Il y a de plus dans la Ville de S. Orner, l'Abbaye de S. Bertin, l'une des principales des Païs-bas ; S. Bertin en jetta les fondemens l'an 626, il étoit né près la Ville de Constance en Suisse, & se fit Religieux à Luxeuil en Bourgogne, d'ou il passa avec quelques compagnons en Flandre, où il s'établit à Sithieu sur la riviere d'Ax, auquel lieu il fonda la maison qui a retenu son nom ; ce Monastere devint bien-tôt riche, Gobert, jeune Gentilhomme, qui s'y fit Religieux Pan 88/t, lui donna 33 Bourgs & Villages ; la reforme
an,
de Clugny y fut introduite l'an 1101, par l'Abbé Lambert, selon le Conseil de Jean, Evêque de Therouenne, & les ordres de Robert le Frison de Flandre –, l'Abbé d'Auxy doit être pris parmi les Religieux de la même maison, qui est composée de 49 Moines, sous un Abbé régulier, ils ont plus de 100000 l. de rente.
Les Cures de la Ville au nombre de 6, ont 4500 l. de rente, le Seminaire de S. Omer a 6000 l. le College des Jesuites Anglois 600 l. outre 6000 l. que le Roi leur donne de pension ; le College des Jesuites Walons 13000 l. les Jacobins 1100 l. les Recolets Capucins & Carmes déchaussez n'ont rien, les Urselines ont 6000 l. les Pénitentes 3600 l. les Jacobines 3000 l. les Repenties 300 l. les Urbanistes 5000 l. les Conceptionistes 2000 l. les Soeurs grises 1200 l. les Soeurs du Soleil 1200 l. les Soeurs de Ste. Catherine 3500 l. il y a encore dans la Ville de S. Orner 2 Collèges, celui de S. Bertin qui a 6500 l. & celui des Bons-enfans sous l'administration des Chartreux qui n'en a que 300 ; il y a aussi 3 Hôpitaux dont celui de S. Louïs a 7000 l. celui de S. Jean 3000 l. & celui de S. Anne pour les pauvres veuves 400 l. le Jardin de Nôtre Dame où l'on eleve gratuitement les Jeunes filles, en a 4000.
Dans la Ville d Aire il y a une Eglise Collégiale de la fondation des anciens Comtes de Flandre, le Prévôt a 2200 l. de revenu, les Prébendes y sont inégales, il y en a 28 de 700 l. & tout le Chapitre ensemble possede 25 à 26000 l. de rente ; les Cures de cette Ville ont 1300 l. les Jesuites 6000 l. les Pénitentes 2000 l. les Conceptionnistes autant, les Soeurs grises 1200 l. les Beguines 1000 l. les Capucins & les Clarisses Angloises vivent de Charitez, l'ancien Hôpital a 3000 l. le Roi en a érigé un nouveau pour les soldats.
Dans la Ville de Hesdin il y a une Collégiale de i zPrebendes & 4 Chapelles qui possédent en tout 4000 l. de revenu ; les Jésuites y ont 3000 l. les Recolets & les Claristes nont rien, il y a aussi un petit Séminaire ; PHôpital du Lieu a 2000 l.
Dans la Ville de Lilliers, il y a un Chapitre fondé l'an 1048, par Venemard, Seigneur du Lieu, qui est composé d'un Doyen, 10 Chanoines, plusieurs Vicaires & Chapelains, le Roi nomme de plein droit à la moitié des Prébendes, & le Marquis de Lilliers a l'autre moitié ; ce Chapitre possédé 9000 l. de rente, il y a encore dans le Lieu un hospice de Dominiquains qui ont 3000 l. & des Soeurs grises qui en ont 400 l.
Les autres Abbayes du Diocèse qui sont en Artois sont S. Augustin de Thérouenne fondée en 1164, par Milon Evêque de cette Ville, qui vaut 10000 l. Chaque Ordre de S. Augustin fondé en 1100, fut premierement bati auprès du château de Choques & transferé où il est, 80 ans après, par Desiré, Evêque de Therouenne ; cette Abbaye vaut 11000 l. Clairemaretz, Ordre de Cîteaux, de la fondation de Thierry, Comte de Flandre, vaut 25000 l. de rente : Hant près Lilliers, Ordre de S. Benoît, fondé par Ingebrant, Seigneur de Lilliers, Pan 1084, vaut 11000 l. les Religieux de ce Monastere furent pris de l'Abbaye de Charroux, & mis sous la discipline de l'Evêque de Therouenne.
Des Abbayes de filles qui sont dans le Diocèse de S. Omer, il n'y en a qu'une en Artois fondée en 1186, par Desiré, Evêque de Therouenne, qui est l'Abbaye de Blandesque, Ordre de Cîteaux ; cette Maison n'a que 600 l. de revenu.
Les autres Bénéfices du Diocèse de S. Omer sont tous en Flandre, en forte qu'il ne reste à parler que des Chartreux de S. Omer, qui ont été fondez en 1298, par Jean de Ste. Aldegonde, Seigneur de Noir-Carme, ils n'ont que 5000 l. de revenu.
Ainsi le total des revenus Ecclésiastiques en Artois, dans le Diocèse de S. Omer, pour ce qui est éxprimé dans ce memoire, &, non compris les Cures, monte à 363700 l. lequel joint au total de PEvêché d'Arras, composent 745750 l. à quoi il saut encore ajoûter 155000 l. pour le revenu des Cures de la Campagne ; partant le total de revenus Ecclésiastiques en Artois se trouvera monter à plus de 900000 l.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA GENERALITE DE SOISSONS. Dressé par ordre de Monseigneur le Doc DE BOURGOGNE en 1698.
c 01s SON
LA Generalité de Soissons est composée d'une partie des Provinces de l'Isle de France, de Champagne, & de Picardie. Elle confine vers l'Orient à la Generalité de Châlons ; à l'Occident, à celle d'Amiens ; au Nord, à celle du Hainault, & au Midi, à celle de Paris, laquelle a une extention jusqu'à Compiegne qui divise l'Election de Clermont de la Comté de Valois : dans cette étenduë elle renferme les Païs nommez le Soissonnois, le Laonnois, la Thierarche, une partie du Vermandois & du Beauvoisis dans l'espace de 30 lieuës en longueur sur 20 de largeur.
Rivieres.
Ses Rivieres navigables sont l'Oise, l'Aisne, & la Marne ; l'Oise prend sa source en Thierarche près Aubenton, elle commence d'être navigable à Chaune, on a voulu étendre cette navigation jusqu'à la Ferté, mais on y a trouvé tant de difficulté que l'entreprise a été abandonnée, il seroit utile pour le débit des bois de la Thiérarche qu'on pût au moins la rendre flottable par le moyen d'un ruisseau qui la pourroit joindre à la Sambre, mais l'indemnité des moulins qui sont bâtis sur son cours, sera toûjours un puissant obstacle pour l'empêcher : cette Riviere passe à Noyon & à Compiegne, où elle reçoit l'Aisne ; l'une & l'autre sont d'un grand secours à la Province pour le débit des bleds, bois, & charbons, que l'on conduit à Paris sur le Canal ; l'Aisne n'étoit autrefois navigable que jusqu'à Pontavair dépendante de la Comté de Roucy, mais depuis, 20 ans on a étendu la Navigation jusqu'à Neufchatel, on pourroit la pousser jusqu'à Rhetel, sur tout si le projet de son union avec la Meuse se pouvoit accomplir. La Marne traverse l'Election de Château-Thierry dans le cours de 10 lieuës ou environ. Elle sert au
SoisSONS.
débit des vins de cette Election que l'on nomme communément vin de Marne : Sa navigation est dangereuse sous le pont de Chateau-Thierry, le Roy y a fait la dépense d'un glacis & d'une digue qui étoit très-nécessaire. Les autres Rivieres de la Généralité sont l'Ourq, qui se jette dans la Marne à Lisy. S.A.R.y a fait construire des Ecluses au moyen desquelles elle sert au transport des bois de la Forêt de Valois, on en pourroit faire autant avec facilité sur la Riviere du Therain laquelle tombe dans l'Oise à Creil, mais les Indemnitez des Moulins seroient très-considerables ; la Vesle qui vient de Rheims se jette dans l'Aisne au dessus de Soissons, la Crise à cette Ville même, la Serre qui vient de Montcornet tombe dans l'Oise à la Fere ; la Ronde qui vient de la Généralité d'Amiens s'y jette à Compiegne, après avoir passé à Gournay. Toutes les autres sont proprement des ruisseaux dont l'usage est de faire tourner quantité de Moulins,
Son Climat.
En general le Climat de la Generalité est assez doux & temperé, mais néanmoins beaucoup plus froid que celui de Paris ; dans la Tiérarche le Païs est inégal coupé de coteaux plantez en vignobles le long de l'Aisne, dans tout le Soissonnois, & le long de la Riviere de Marne ; ce qui fait un aspect très-agréable, mais il n'y a aucun de ces coteaux assez haut pour être appellé Montagne ; il y a aussi des bois abondamment dans la Generalité, dont il sera parlé, ainsi que de toutes les circonstances qui regardent chaque Election particulière séparément, l'Auteur ayant suivi cette méthode comme la plus facile & la plus éxacte.
Sa division par Elections.
La Généralité n'est composée que de sept Elections, qui sont Soissons, Laon, Guise, Noyon, Clermont en Beauvoisis, Crespy en Valois, & Chateau-Thierry.
Les terres de l'Election de Soissons sont de fort bon rapport en bled, avoine, orge, chanvres, poix & faveroles ; les coteaux plantez en vignes n'y rapportent que du vin mediocre, qui se consomme dans le Païs ; il y a peu de prairies, & le Païs ne produit pas même assez d'herbes ni de soins pour la consommation qu'en pourroient faire les laboureurs ; les fruits y sont assez bons ; le Lieu du principal Commerce pour les bleds est la Ville de Soissons ou les Marchands établissent leurs greniers d'où ils les voiturent a Paris ; l'esprit des habitans en general est vif & porté au Commerce : toute l'Election, à l'exception de quelques Villages, est régie par la Coûtume du Vermandois.
On y trouve outre la Ville de Soissons, qui renferme environ 7000 ames, les Villes de Braisne de 12000, & de Vailly de 1100, & 228 Bourgs ou Villages portant tailles separées ; ce qui fait en tout 241 Paroisses ; dans toutes lesquelles on compte, y compris les Villes, à peu près 68000 ames, le nombre des feux est de 16000, & celui des Charruës de 1670 ; la Forêt de l'Aigle, qui est de l'appanage de Monsieur le Duc d'Orleans, est comprise dans cette Election & contient 13000 arpens en taillis.
Laon.
Dans l'Election de Laon sont les Villes de Laon, la Fere, Coucy, Marie, Vervins, Ribemont, Crespy en Laonnois, Bruyeres & 380 Bourgs ou Villages payant taille separée, ce qui fait 346 Paroisses, y compris celles des Villes ; il y a 5000 ames dans la Ville de Laon, 1600 dans la Fere, 800 dans Coucy, 1200 dans Vervins, 800 dans Ribemont, 600 dans Crespy en Laonnois, 400 dans Bruyeres & 64000 dans toute l'Election, y compris les Villes ; le nombre des feux est de 25327 ; celui des Charruës de 2453.
La Forêt de Coucy, de l'appanage de Monsieur le Duc d'Orléans, contient 2500 arpens de bois taillis, celle de la Fere & de S. Gobin qui sont du Domaine engagé au Duc de Mazarin, en contiennent aussi 2500 de même nature, & il y a encore quelques autres buissons dans l'Election, dont les plus considérables appartiennent à des Communautez Ecclésiastiques : les Terres de cette Election sont fort bonnes, & rapportent abondamment du bled, de l'avoine, de l'orge, du chanvre, des poix, fèves & faveroles, à l'exception de celles qui confinent a la Campagne, qui sont legeres & ne produisent que
Sois
du segle & de l'avoine : il y a plusieurs coteaux plantez en vignes, dont les vins sont assez recherchez ; tels sont ceux de Cussy, de Peignan & de Coucy, qui sont d'un assez grand débit, à cause du voisinage de la Flandre & du Hainault, & que c'est le dernier vignoble de ce côté-là, mais s'ils sont éxcellens dans les Caves de la Ville de Laon, ils perdent beaucoup de leur force & de leur couleur dans le transport : il y a d'assez belles prairies dans les Rivieres d'Oise & la Fere ; les foins en sont bons & abondans, ; les fruits à couteau y sont en quantité suffisante pour l'usage des habitans, & assez bons : le Commerce du bled se fait du côté de Flandre, & les plus riches familles de Laon lui doivent leur fortune. On a découvert depuis quelques années aux Villages de Bourg & Cou.... une Mine d'Alun qui est d'aussi bonne qualité que celui des Païs étrangers ; mais la disette du bois sur la frontière de Champagne en fait cesser le travail.
Manufactures des Glaces.
ac¬ y a dans ces Forêts de la Fere & de S. Gobin quelques fours à verres où l'on fabrique toutes sortes d'ouvrages de Verrerie, la Manufacture des glaces est établie dans le Château de S. Gobin au milieu de la Forêt de ce nom ; c'est une invention nouvelle qui doit passer pour une des plus singulieres du Siécle, puis que le volume de ces glaces n'est limité que par la difficulté des transports. On les coule sur une table de métal, comme on verseroit du plomb, & l'on se sert pour les étendre d'un gros rouleau, dont les extremitez sont appuyées sur deux tringles de fer couchées sur les bords de la table, en sorte que l'élevation de ses tringles décidé de l'épaisseur de la glace coulée ; la matiere est cuite & préparée dans des creusets d'une composition particulière qui sont placez dans des fourneaux ouverts des 4 côtez pour recevoir une quantité égale de bois, de la grosseur & longueur des Cotterets, qu'un homme, qui est relevé de 6 en 6 heures, y jette continuellement & successivement par chacune des ouvertures, ce qui produit une ardeur la plus vive qui puisse être imaginée ; l'adresse avec laquelle ces gens-là manient, tournent & portent ces creusets jusqu'à la table qui sert à couler est surprenante, quand la glace est formée, ce qui dure au plus une minute, on la pousse dans un four bien chauffé, où on la laisse cuire pendant 24 heures ; après quoi il ne reste plus qu'à la polir, mais les entrepreneurs ne le sont qu'à Paris, parce que les interessez trouvent mieux leur compte à transporter les glaces bruttes, à cause des accidens qui surviennent dans le transport, qui sont beaucoup plus à craindre quand les glaces ont reçû toutes leurs façons, & que la dépense est faite.
On fait un Commerce assez considerable, à Laon & à Coucy, d'Artichaux, qu'on transporte en Flandre & à Paris, il y a à la Fere un Moulin à poudre où l'on employe chaque année environ 60 milliers de Salpetre. La Ville de Laon & toute l'Election sont régies par la coutume generale de Vermandois, à l'exception de Coucy & de Ribemont qui ont leurs coûtumes locales ; le Genie du peuple dans les Villes est vif & toutefois paresseux : celui de la Campagne est laborieux par nécessité.
L'Election de Guise contient une partie de la Thierarche ; & a trois Villes, Guise, Aubenton, & Bohain, avec 96 Bourgs & Villages, portant Taille separée, ce qui en tout fait 103 Paroisses ; il y a 2500 ames dans la Villede Guise, 1000 dans Aubenton, & autant à Bohain, & 49500, dans toute l'Election ; le nombre des feux est de 12232, & celui des Charruës de 764.
Les Forêts sont celles de Noyon de 8000 arpens ; de S. Michel de 5000 ; & de Remualde de 2500. Les terres en general y sont froides & rapportent toutefois du bled, de l'avoine & de l'orge ; il n'y a point de vignes ; la biere est la boisson du Païs ; les fruits n'y sont pas bons, & ils sont en petite quantité. L'on y trouve communément une herbe, ou une plante particuliere que l'on nomme Coclearia. laquelle passe pour très-rare *à Paris, quoique son usage y soit plus nécessaire qu'en tous autres endroits a cause de sa proprieté contre le scorbut : les Forêts de cette Election ont plusieurs forges & fourneaux où il se fabrique du fer qui est transportés Rheims, Amiens &" S. Quentin par
* Elle est commune en Angleterre où elle est très-utile.
inSONS ;
Charrois : on en a tiré pendant la guerre beaucoup de munitions d'Artillerie ; la pr cipale Manufacture de l'Election est la fabrique des Toiles fines, dont le débit se fait à S. Quentin, les habitans sont par tout durs au travail & très-laborieux, aimant la guerre & bons Cavaliers, ils suivent la coûtume gènerale du Vermandois, & la locale de Ribemont en quelques endroits.
Noyon.
L'Election de Noyon contient 4 Villes, Noyon, Chauny, Ham & Nesle, & 126 Bourgs ou Villages, payant taille separée ; ce qui fait en tout 146 Paroisses. Il y a 4500 ames dans la Ville de Noyon, 3000 dans Chauny, 1400 dans Ham & 1100 dans Nesie, & 49000 dans toute l'Election, y compris les Villes ; le nombre des feux est de 12503, le nombre des charrues 585 : Il n'y a point de Forêt dans cette Election, mais seulement quelques buissons assez considérables en taillis où l'on façonne des bois & charbons que l'on transporte à Paris. Les terres y sont très-bonnes & de grand rapport en bleds, avoines, orges, feves, pois, chanvres & lins : II y a de belles prairies le long du cours de l'Oise, dont les foins sont transportez à Paris ; les vins de ce terroir sont de très-petite qualité, mais les fruits y sont éxcellens, le Commerce consiste en bleds, bois & charbons qui se tirent à Paris. L'esprit des habitans est dur & vif, ils aiment le Commerce & sont fort laborieux ; le Païs est regi, partie par la Coûtume du Vermandois, partie par les Coûtumes locales de Chauny & de Noyon.
Clermont.
Dans l'Election de Clermont en Beauvoisis, sont les Villes de Clermont & de Bulles, & 101 Bourgs & Villages payant Taille separée, en tout 95 Paroisses : Il y a 1600 ames dans Clermont, 560 dans Bulles, & 27000 dans toute l'Election ; le nombre des feux est de 9553 ; & celui des charrues de 603 : Il n'y a dans cette Election d'autres Forêts que celle de la Haye ou de la Neufville en Haye, laquelle contient 49000 arpens, & fait partie du Domaine de la Comté de Clermont, engagé à M. le Prince de Carignan, & revendu sur lui à Madame la Princesse d'Harcourt. Les terres sont par tout d'un grand rapport en grains de toutes sortes d'especes, on y fait par an environ 8 milliers de Salpetre. Il se fait à Clermont grand Commerce de bled qui se tire de Sanctere Généralité d'Amiens, & qui passe aux Marchez de Beaumont & de Gonesse.
Crespy.
L'Election de Crespy en Valois contient deux Villes, Crespy & la Ferté-milon, quatre Bourgs considérables, Pierre-fond, Neuilly, S. Front, Villers-Cotterets, & Nanteuil le Haudouin, & 93 Villages, ce qui fait en tout 94 Paroisses. II y a 1800 ames dans la Ville de Crespy, 1300 dans la Ferté-Milon, 1500 dans Neuilly, 800 dans Pierre-fond, 1800 dans Villers-Cotterets & 700 dans Nanteuil, & en tout 25000 dans l'Election ; le nombre des feux 7530 ; celui des charruës de 870 : Il y a dans cette Election la Forêt de Retz qui a donné le nom au Bourg de Villers-Cotterets, laquelle contient 21400 arpens en haute-futaye, Chesnes & Hestres ; elle est de l'appanage de M. le Duc d'Orleans ; il y a aussi plusieurs buissons qui contiennent en tout 6000 arpens, non compris celui de Nanteuil qui est de 2600 ; les terres en general sont bonnes & rapportent toutes sortes de grains, les fruits y viennent bien, le commerce consiste en bleds qui se transportent par Charrois à Dampmartin pour les Boulangers de Gonesse, & en bois qui se transportent à Paris par les Rivieres d'Ourcq & de Marne & de Seine. Il y a à Neuilly une Manufacture de Serges, dont le débit se fait à Rheims & à Paris, les habitans ont l'esprit assez vif & porté au Commerce ils suivent la coûtume de Valois.
L'Election de Chateau-Thierry comprend deux Villes, celle de Château-Thierry & Montmirel, & 118 Bourgs ou Villages payant Tailles séparées ; ce qui fait en tout 118 Paioisses. Chateau-Thierry contient 5200 ames, Montmirel 1600, & toute l'Election 40000 ; le nombre des feux est de 9958 ; celui des Charruës est dé 1200. Il n'y a dans cette Election d'autres Forêts que celle de la Fere & Tardenois qui contient 2000 arpens en taillis ; elle appartient à M. le Prince de Conti ; les terres qui sont vers la Champagne & la Brie, sont legeres & de petit rapport, les autres sont très-bonnes & produisent toutes sortes de grains en abondance. Il y a quantité de vignes, & lès vins qui sont
Soisassez
Soisassez passent à Paris par la Marne, où ils sont portez en Picardie par charrois, les soins des Prairies le long de la Marne sont aussi transportez à Paris, mais le plus grand Commerce du Païs roule sur le débit des vins. Il y a quelques Carrieres de meules à Moulins & de plâtre ; l'esprit des habitans est assez vif, mais porté à la debauche, & ils sont peu laborieux ; ils suivent la coûtume de Vitry.
On voit par ce détail que la Generalité renferme d'éxcellens Païs qui produisent en abondance tout ce qui est nécessaire à la vie, & dont les fruits éxcedans la consommation qui se fait sur les Lieux, sont facilement transportez à Paris & en Flandre, ce qui apporte de l'argent dans le Païs : On voit aussi que le nombre de ses habitans monte jusqu'à 34700 ames, divisées en 1135 Paroisses, qui renferment 92995 feux & 8145 charrues. Pour achever de faire connoître l'état véritable de cette étendue par rapport aux biens de l'Eglise ; l'Auteur s'attache à la même division par élection pour eviter la confusion de la multiplicité des Diocèses, & il la suivra pareillement pour les Finances le Gouvernement Militaire & le détail des Seigneuries particulières.
Etat de l'Eglise & Evêché de Soissons.
L'Election de Soissons comprend l'Evêché de cette Ville composé de 397 Paroisses, lequel vaut à prefent 7000 l. de revenu, mais qui vaudra le double après l'union de l'Abbaye de Valfery qui sera faite du consentement du Roi & du General de l'Ordre de Prémontré après la mort de l'Abbé titulaire ; l'Evêque de Soissons est premier Suffragant de Rheims, & en cette qualité deux Evêques de cette Ville ont eu l'honneur de sacrer deux de nos Rois, S. Louis & Louïs le Grand. Mr. de Sillery en est à présent Evêque.
Le Chapitre de la Cathédrale est composé de neuf dignitez, un Prévôt, un Doyen, 4 Archidiacres, un Trésorier, un Chantre, de 60 Prébendes, dont le revenu est de 600 l. & de 30 Chapelles de différens revenus, ce qui porte le revenu total, non compris celui de l'Evêque, à près de 60000 l.
Les Abbayes de cette Election sont S. Medard, Ordre de S. Benoît, de 22000 l. cest une fondation du Roi Clotaire I, en 557, où se voyent plusieurs sépultures des Rois de la premiere race, & le lieu où l'Empereur Louïs le Debonnaire fut renfermé pour prendre l'habit de Religieux en l'année 832. S. Jean des Vignes, de Chanoines Religieux, fondée par Hugues de Chateau-Thierry, de 23000 l. Valfery, Ordre de Prémontré, fondée d'abord au lieu de Viviers, par Hugues Seigneur du lieu en 1112, puis transporté 20 ans apres au lieu ou elle se trouve. Il y avoit autrefois des Chanoines Reguliers qui furent expulsez pour y établir ceux de Prémontré ; elle est aujourd'hui en regle, & vaut 15000 l. S. Crespin le Grand, Ordre de S. Benoît de 6000 l. S. Yves de Braine, Ordre de Prémontré, fondée sur d'anciennes ruines en 1130. par André de Baudimont, mais fort augmenté par les liberalitez de Pierre de Dreux, dit Mauclere, Comte de Bretagne, après sa retraite à Braine, vaut 5500 l. S. Leger de Soissons, Ordre de S. Augustin, en regle, de 3000 l. cette Maison a été fondée par Renaud, Comte de Soissons en 1129 : Val Chrêtien, Ordre de Prémontré, fondée par Raoul de Cramaille, vaut 3000 l. S. Crespin en Chaye, in Cavea, Ordre de S, Benoît, 2000 l. Nôtre-Dame de Soissons, de filles, Ordre de S. Benoît, de 45000 l. cette grande Abbaye reconnoit pour fondateur Ebroin, Maire du Palais de France en 680, ou plutôt sa femme Lentrude, dont la memoire est moins odieuse. S. Paul, de filles, Ordre de S. Benoît, de 1000 l. Les plus considérables Prieurez de l'EJection sont S. Pierre & la Chaux de 1500 l. de rente. S. Remy de Braine, de 1500 l. S. Leger aux bois, de 2000 l. Choify au Bacq, aux Bénédictins Anglois, 2000 l. La Joye, en regle, de 1000 l. S. Hubert de Bretigny de 1500 l. S. Paul aux bois, en l'instruction de l'Oratoire de Paris, de 500 l. Outryle Chateau, à l'Abbaye de S. Jean des Vignes, de 2500 l. Charly, aux mêmes Religieux, de 4 à 5000 l. Les Eglises Collégiales sont S. Pierre aux Parrains, composée d'un Doyen & 30 Chanoines de 150 l. de revenu. Nôtre-Dame des Vignes, dun Doyen, dix Chanoines, de pareil revenu. S. Vast de même revenu, com-
SOISSONS.
posé d'un Doyen & de 12 Chanoines. Ste. Sophie, de 12 Canonicats, de 75 l. Le Mont Nôtre-Dame, de 12 Prébendes, de 2000 l. a été depuis unie au Seminaire de Soissons à la Charge de 200 l. de pension envers chaque titulaire &....... de six Chanoines qui ont 751.
Il y a aussi dans l'Election dix Monastères d'hommes, savoir les Célestins de Soissons les Célestins de Ste. Croix, les Feuillans de Soissons & ceux de Bleraucourt ; ceux de Choisy au Bacq, les Cordeliers & Capucins de Soissons, les Jacobins & les Picpus de Vailly.
Les Monasteres de filles, au nombre de quatre, sont la Congregation à Soissons, les filles Minimes, celles de S. Benoît de Braine, & les Cordelieres d'Auchy. II n'y a qu'une feule Commanderie de Malthe, dite la Commanderie deMaupas, laquelle vaut 6000 l.
Le Seminaire de Soissons est tenu par les PP. de l'Oratoire ; ils y ont aussi un College pour l'instruction de la jeunesse. L'Hôtel-Dieu de Soissons a 10000 l. de revenu, il y a 30 lits & 12 Religieuses. L'Hôpital général de la même Ville renferme 200 pauvres & possede 8000 l. de rente, celui de Bleraucourt fondé par la maison des Ducs de Gesvres, est destiné pour les pauvres du lieu & des Villages qui en dépendent.
Il y a quelques pélérinages dans l'Election, mais ils ne sont gueres à l'usage d'autres peuples que ceux du Païs, on compte Ste. Restitue à Arcy, la Joye, dite Ste. Claire, Ste. Radegonde à Missy, Ste. Genevieve aussi près de Soissons, Ste. Locade à Viouraine, & St. Hypolite à Chavignon, L'Election contient environ 600 Ecclésiastiques, dont les deux tiers sont bénéficiers, 220 Religieux, & 180 Religieuses.
L'Election de Laon est considérable par l'Evêché de cette Ville qui est la seconde Duché-Pairie Ecclésiastique, & ne valoit néanmoins que 11000 l. de revenu avant l'union de la Mense Abbatiale de l'Abbaye de S. Martin de Laon, dont l'Evêque jouït par autorité du Conseil, l'affaire n'étant pas encore terminée à Rome. M. de Clermont de la Branche de Chattes, est aujourd'hui Evêque de Laon.
Le Chapitre de la Cathédrale est composé de 5 Dignitez, un Doyen, deux Archidiacres, un Tresorier & un Chantre, 84 Canonicats de 600 l. & de 50 Chapelles de 100 l.
Les Abbayes de l'Election sont S. Vincent de Laon, Ordre de S. Benoît, de la fondation de la fameuse Reine Brunehaut de 15000 l. S. Jean de Laon, Ordre de S. Benoît, autrefois Abbaye de filles fondée par Ste. Salaberge, reçût en leur place des Religieux l'an 1129 ; cette Maison vaut 12000 l. S. Martin de Laon, Ordre de Prémontré, fondée en 1124, vaut 20000 l. de revenu. Nogent sous Coussy, Ordre de S. Benoît, de 7000 l. S. Nicolas aux bois, Ordre de S. Benoît, de 18000 l. S. Nicolas sous Richemont, Ordre de S. Benoît, fondé en 1088, par Anselme, Seigneur de Richemont, vaut 8000 l. Vauclair, Ordre de Cîteaux, a été fondée par Barthélémy, Evêque de Laon, aidé des liberalitez. du Comte de Roussy son frere ; cette Maison est en regle & vaut 10000 l. Prémontré, Chef d'Ordre, en regle, de 45000 l. l'établissement de cette maison est de l'an 1120, & est dû aux liberalitez des Seigneurs de. Coucy & de Harle. Tenaille, Ordre de Prémontré, proche de Vervins, fondée en 1129, par Barthelémy de Roussy Evêque de Laon, & vaut 8000 l. Cuissy, Ordre de Prémontré, en regle, de la fondation du même Evêque en 1127, vaut 10000 l. Bueilly, autrefois Monastere de filles, fondé par Herbert Comte de Vermandòis & Gertrude sa femme, reçût des Religieux de Prémontré en 1128 ; cette maison est en regle, & vaut 10000 l. Le* Saùvoir, de filles, Ordre de Cîteaux, fondé en 1139, vaut 6000 l. Montrêuil, aussi de filles, du même Ordre, transférée près la Chapelle, en la Ville de Laon, de 10000 l. Les Prieurez les plus considérables sont Corbeny de 2000 l. uni aux Religieux de S. Remy de Rheims. Everguignecourt, administration de S. Hubert, aux Ardennes, de 15000 l. La Prévôté de Barisis, administration de l'Abbaye de S. Amand, Diocèse de Tournay,
* Ou le Sauveur
Sois SONS,
de 6000 l. La Prévôté de Chautou, administration de l'Abbaye de S. Martin de Tournay, 3000 l.
Quant aux Chapîtres, on en compte 7, outre celui de la Cathédrale, savoir S. Jean, au Bourg de Laon, d'un Doyen & 12 Chanoines de 400 l. de revenu. S. Pierre de Laon, d'un Doyen & 12 Chanoines, dei2ol. Ste. Genevieve, de q Chanoines, de 100 l. Rosay en Thiérarche d'un Doyen & 25 Chanoines de 5 à 600 l. de revenu. S. Martin de la Fere, de 9 Chanoines, de 400 l. Et S. Louïs du Château de la Fere de 8 Chanoines, de 300 l. Il y a encore 80 Chapelles simples depuis 201. jusqu'à 150 1. & 15 autres Chapelles en patronage laïque depuis 50 jusqu'à 150 l. Les Monasteres, au nombre de 5, sont les Chartreux du Val S. Pierre fondez en 1140 ; les Cordeliers, les Capucins, les Minimes de Laon & les Capucins de la Fere : le seul Couvent de filles est celui de la Congregation de Laon qui a 10000 l. de rente. Il y a aussi dans cette Election deux Commanderies de Malthe, celle de Boncourt de 18000, & celle de Puiseu dans Laon de 8000 l. L'Hôtel-Dieu de Laon desservi par des Religieuses a 5 à 6000 l. de revenu, & l'Hôpital général a 3000 l. sans les Charitez qui sont fortes : il y a encore des Hôpitaux à la Fere, à Marie, à Crecy sur Seine, à Corbeny, à Liene, à Rosoy en Thiérache ; mais ce dernier a été consumé dans l'incendie général de ce Bourg arrivé en 1698.
Il y a plus de trois fameux pélérinages dans l'Election ; Môntreuil sous Laon, où l'on voit la sainte face ; Nôtre-Dame de Liesse & Ste. Marcou de Corbeny, où nos Rois sont une neuvaine avant de toucher les malades après leur Sacre ; cette neuvaine est faite ordinairement par un Aumônier. On compte dans l'étenduë de l'Election de Laon environ 800 Ecclésiastiques, dont 600 sont Rénéficiers, & 100 Religieuses.
L'Election de Guise est de la dépendance de trois Evèchez différens : Il y a 76 Paroisses de l'Evêché de Laon, 13 de celui de Noyon, & neuf de celui de Cambray ; la Ville de Guise est de l'Evêché de Laon : Il y a dans cette Ville une Eglise Collégiale composée d'un Doyen & de 12 Chanoines qui ont chacun 300 l. & 5 Chapelles. Il y en a une autre à Origny S. Benoît, composée de 9 Chanoines, qui ont chacun 200 l.
On compte 5 Abbayes dans cette Election, savoir S. Michel en Thiérache, Ordre de S. Benoît fondée en 1259, par Petronille de Roussy, veuve de Raoul de la Vieuville, de 8000 l. Eoigny, Ordre de Cîteaux, qui rapporte sa fondation à Barthelémy de Roussy Evêque de Laon en 1121, vaut à l'Abbé Commendataire 18000 l. Boheries du même Ordre, fondée en 1141, vaut 10000 l. Fresmy, Ordre de S. Benoît, de 8000 l. Origny de filles, Ordre de S. Benoît, 2 8000 l. Il n'y a que trois Prieurez. Vesterolesaux Religieux de S. Medard, de Soissons, de 1200 l. Lesquicelles aux Religieux de S. Vincent de Laon de 1000 l. Turpigny de 1100 l. Il y a à Guise un Couvent de Minimes & un Hôtel-Dieu qui a 2500 l. de revenu, & l'on compte dans toute l'Election 123 Ecclésiastiques benesiciers, 50 Religieux & 45 Religieuses.
L'Election de Noyon a dans sa Ville principale le Siège d'un Evêché, Comté-Pairie Ecclésiastique ; il fut transferé de l'ancienne Ville de Vermand à Noyon par S. Medard dans le V. Siécle ; la Ville de Tournay étoit du Diocèse, avant qu'elle en fut separée par le Pape Eugene qui érigea l'Evêché de Tournay ; il reste à celui de Noyon 342 Paroisses dont la meilleure est de la Généralité d'Amiens ; le revenu est de 12 à 15000 l. l'Evêque est M. de Rochelonne.
La Cathedrale de Noyon a un Doyen, un Archidiacre, un Chancelier, un Trésorier, un Chantre, & c. avec 60 Chanoines qui ont chacun 850 l. de revenu, outre 39 Chapelles, de 100 l. de revenu sans assistance, & de 300 l. avec assistance. Il y a de plus une Chapelle du Roi de 800 l. de rente.
Les Abbayes de cette Election sont :
Ourefcamp, Ordre de Cîteaux, fondée en 1129, par Simon de Vermandois, Eveque de Noyon, qui vaut 3000 l. S. Eloy, de Noyon, 18000 l. Haut, Ordre de S. Augustin,
SoisSONS.
fondée par les Seigneurs de Haut, issus de la Maison de Vermandois de 15000 l. S, Barthelémy de Noyon, Ordre de S. Augustin, de la fondation de Baudouin, premier Evêque du dit lieu en 1064, de 4000 l. S. Eloy-Fontaine du même lieu, fondée en 1130, de 4000 l. S. Pion, Ordre de S. Benoît de 4000 l. Vermand, Ordre de Prémontré de 4000 l. Genlis de 1500 l. Les Prieurez les plus considerables sont : Vaudeuil de 500 l. Moulins en Aroise de 1000 l. Farqui de 1000 l. Ville-Serne de 1500 l. aux : Minimes de Chauny. Il faut aussi compter la Collegiale de Neste, composée d'un Doyen & de 24 Chanoines qui ont 4 à 500 l. & 25 Chapelles. Les Monastères font, les Chartreux de Montrenault ; les Chanoines de Ste. Croix à Chauny ; les Minimes & la Congregation du même lieu ; le Seminaire de Noyon est entre les mains des Peres de la Mission ; l'Hôtel-Dieu de cette Ville est desservi par les Religieuses à 8000 l. de revenu ; il y en a pareil à Chauny qui a 3 à 4000 l. Il peut y avoir dans l'Election 460 Ecclésiastiques & 200 Religieux ou Religieuses.
La Ville de Clermont & toute l'Election sont de l'Evêché de Beauvais, elle ne contient aucune Abbaye ; il se trouve seulement deux Eglises Collégiales, l'une dans le Château de Clermont dite abusivement de fondation Royale, de six Prébendes d'un revenu inégal depuis 100 l. jusqu'à 400 l. l'autre au Bourg de Neste de 6 Chanoines qui ont sans résidence 2501. de revenu.
Les Prieurez sont Brillevert aux Religieux de S. Vervier 900 l. Bulles de 1500 l. Montreuil sur Breche de 1500 l. S. Remy de 1100 l. Melo de 1500 l.
Les Monastères sont les Trinitaires du Fauxbourg de Clermont, & les Cordeliers de la garde proche Agnés. Les Couvens de filles sont les Religieuses de Fontevrault de Vieuville de 1500 l. Les Ursulines de Clermont & les Hôpitalieres de Melo de 1500 l ; Il y a deux Commanderies de Malthe : Nully de 900 l. Laignevillede 1500 l. L'Hôtel-Dieu de Clermont possédé environ 800 l. de rente, le Pélérinage de S. Jean Goulph est en reputation dans cette Election pendant l'Octave de la fête de ce Saint qui arrive le 11. de May ; on compte dans cette Election 150 Ecclésiastiques, dont 132 Beneficiée, 12 Religieux & 3 Religieuses.
L'Election de Crespy est partagée entre trois Evêchez ; la Ville du nom avec 20 Paroisses sont de celui de Soissons, & Nanteuil le Haudouin avec 28 Paroisses sont du Diocèse de Meaux. Les Abbayes de cette étenduë sont Longpont, Ordre de Cîteaux, fondée en 1131, par Jone Evêque de Soisson, de 1500 l. Lieu-restauré, Ordre de Prémontré, & fondée 1140. par Raoul de Vermandois, de 3000 l. de revenu. Royaulieu, Ordre de S. Augustin, transféré à S. Jean aux bois, dans la Forêt de Compiegne, de 2000 l. Claire-fontaine, Ordre de Prémontré, & fondée par le grand bâtisseur de Monastères, Barthélémy Evêque de Laon, a été transferé à Villers-Cotterets dont les Religieux desservent la Cure, vaut 10000 l. Monenval, de filles, Ordre de S. Benoît, rapporte sa fondation au Roi Dagobert, qui y avoit établi des Moines. Le Parc aux Dames, Ordre de Cîteaux, fondée en 1205, par la sameuse Alienor Comtesse de Va lois, de 10000 l. S. Remy de Villers-Cotterets, de filles, Ordre de S. Benoît, de 10000 l. ce Monastere a été transferé à la Forêt de Senlis, sous le regne * précédent. Les Prieurez font, S. Arnoult de Crespy, de Clugny, de 8000 l. Auteuil de 4000 l. Nanteuil, Ordre de Clugny, de 3000 l. S. Sulpice de Pierre-fond de 3000 l. Ste. Catherine, à Roure de 2800 l. Vernel de 1800 l. Ague de 1000 l. S. Vulger dans le Château de la Ferté-milon, aux Religieuses de Soissons, de 3000 l. S. Michel de Crespy, de filles, Ordre de S. Augustin, de 12000 l. S. Michel de la Ferté-milon, aussi de filles, Ordre de S. François de 5000 l. Il ne faut pas oublier les Prévôtez de Favieres & de Marify, S. Marc qui sont à la présentation de l'Abbé de S. Medard de Soissons ; ils valent chacun 6 à 7000 l. Les Chartreux de Bourg-fontaine ont 30000 l. l'on sçait qu'ils ont été fondez en 1325, par Charles de France, Comte de Valois, Pere du Roi Philippe VI. comme par une espece de réparation de la mort d'Enguerrand de Marigny. Il
* Savoir celui de Louis XIII.
Sois SO
y a de plus les Capucins de Crespy, les Religieux de Cîteaux, de S. Lazare, de la Fertémilon, qui ont 1200 l. les Ursulines de Crespy qui en ont 1500. Long-pré, Ordre de Fontevrault, qui en ont 12000 l. & Colinance du même Ordre, qui en a 11000.
Les Eglises Collégiales de cette Election sont, S. Thomas de Crespy, composée d'un Doyen, d'un Chantre, & de 12 Chanoines de 400 l. & 6 Chapelles de différens revenusdepuis 100 l. jusqu'à 250 1. S. Aubin en la Chapelle du Château soi-disante de fondation Royale composée d'un Doyen, d'un Chantre & de 12 Chanoines sans residence de 30 à 40 l. Il y a encore une Maison des Peres de l'Oratoire, Paroisse de Coulong, dans laquelle sont trois Peres & un Frere ; ils ont 1500 l. de revenu : II y a enfin 10 à 12 Chapelles en différens endroits depuis 30 jusqu'à 150 1. On compte dans toute l'Election 125 Ecclésiastiques, 120 Religieux & 175 Religieuses.
La Ville de Château-Thierry & toute l'Election sont du Diocèse de Soissons ; il y a 6 Abbayes, 4 d'hommes, & les autres de filles. Essoures, Ordre de S. Augustin, de 6000 l. Orbais, Ordre de S. Benoît, fondée par S. Reole, Archevêque de Rheims vers l'an 680, de 10000 l. Valsecrete, Ordre de Prémontré, fondée en 1140, de 8000 l. La Barre, de filles, Ordre de S. Augustin, par la Reine Jeanne de Champagne, de 6000 l. Nogent l'Artâult, Ordre de S. François, de 7000 l. l'Abbesse est triennale. Les Prieurez sont Conicy, Ordre de S. Benoît, de 3000 l. Verdelot de 2000 l. Villiers sur Fere, en regle, de 1000 l. Château-Thierry, Ordre de Prémontré, en regle, de 1000 l. Les Prieurez de filles font, Le Chaume, Ordre de Fontevrault, de 14000 l. & l'Hôtel-Dieu de Château-Thierry de 6000 l. Il y a trois lits pour les malades qui sont servis par les Religieuses. Les autres Monastères sont les Capucins, les Minimes & les Freres de la Charité, à Chateau-Thierry, les Piquepus à Coudé, les filles Bénédictines à Mommirel, & celles de la congregation à Chateau-Thierry : il peut y avoir dans l'étenduë de cette Election, 180 Ecclésiastiques, dont 118 Beneficiers, 72 Religieux, & 120 Religieuses,
Reduction generale.
Ainsi résumant en abrégé ce qui a été marqué de l'Etat de l'Eglise dans la Généralité, on y trouve 3 Evêchez & 3 Eglises Cathédrales, 25 Collégiales, 1000 à 1100 Cures, 6 à 700 Chapelles simples, 40 Abbayes d'hommes, 8 de filles, 88 Prieurez en regle ou en commande, 42 Monastères d'hommes, 13 Monastères de filles, 2000 Ecclésiastiques, dont 1800 Beneficiers, 6 à 700 Religieux, 8 à 900 Religieuses, trois Séminaires, lesquels tous ensemble possedent plus de 1660000 l. de revenu, sans y comprendre les Hôpitaux, les Religieux Mendians, & tout le Cafuel.
Gouvernement Militaire.
L'Auteur passe ensuite au détail du Gouvernement Militaire, surquoi il observe que ja Généralité est divisée sous trois principaux Gouvernemens : Les Elections de Soissons, de Clermont, de Crespy, parties de celle de Noyon & de Laon, sont du Gouvernement de l'Isie de France, dont la Capitale est Soissons, M. le Duc d'Estrées en est Gouverneur ; le Marquis de Pomponne, Lieutenant General ; & le Baron de Vins, Lieutenant de Roi. Monsieur le Duc de Gesvres est Gouverneur particulier du Valois. Les Villes de la Fere & Ribemont, & plusieurs Villages de l'Election de Laon, sont du Gouvernement general de Picardie.
Guise.
L'Election de Guise est partagée entre les Gouvernemens de Picardie & de Champagne, partie de celle de Noyon est aussi de Picardie, & enfin celle de Château-Thierry est entierement de la Champagne. M. le Duc d'Estrées est Gouverneur particulier de Soissons, de Noyon & de Laon ; le Maréchal d'Estrées l'est de Coucy ; le Marquis de Richelieu, de la Fere ; le Sieur de Brissac, Major des Gardes de Guise ; le Sieur de Serignan, de Ham ; les deux dernieres sont les seules places fortes de la Généralité, lasers & la Chapelle, qui étoient très-bonnes, ayant été razées.
Les Lieux qui ont des Maréchaussées font, Soissons, Laon, Coucy, Noyon, Clermont, Crespy, Château-Thierry & la Fere en Tardenoise ; elles sont toutes composées d'un Prévôt ou d'un Lieutenant Criminel de Robe-Courte, d'un Assesseur, d'un Exempt, d'un Procureur du Roi, d'un Commissaire, d'un Greffier, & de certain nombre
SOIsSONS.
d'Archers ; Soissons en a 15, Laon 12, Coucy 7, Noyon 5, Clermont 10, Crespy 20, Chateau-Thierry 12, & la Fere en Tardonois 4.
Etat de la Justice.
Quant à la Justice, toute la Généralité, qui est du ressort du Parlement de Paris, est divisée en 4 grands Baillages, ou Sièges Préstdiaux, Soissons, Laon, Crespy en Valois, & Chateau-Thierry.
Baillage & Préjidial de Soissons.
Le Baillage Provincial & Siège Présidial de Soissons n'a été érigé qu'en 1596. Il est composé d'un Bailly d'épee qui est Monsieur de Romesnil, Lieutenant des Gard du Corps, de deux Présidens, un Lieutenant général Civil, un Criminel, un particulier ; un Assesseur, un Chevalier d'honneur, 10 Conseillers honoraires, un Procureur, & deux Avocats du Roi. Le Baillage Royal de la Comté de Soissons comprend en particulier tout ce qui est dans l'étenduë de la Comté, il est composé d'un Bailly & d'un Procureur du Roi, il ressortit nuëment dans tous les cas au Parlement ; la Prévôté Royale de Soissons a été unie au baillage pour la Justice, mais la police à la Mairie de la Ville. Il y a encore dans l'Election la Chatelainie d'Auchy, la Prévôté de Tourotte, qui sont des Jurisdictions Royales, dont la premiere ressortit au Baillage de Grespy, & la seconde à celui de Compiegne ; les Justices Seigneuriales les plus considerables qui ressortissent au Baillage Provincial de Soissons, sont celles de la Duché de Coeuvres, les Abbayes de S. Medard & Nôtre-Dame de Soissons de la Comté de Braine à la Duchesse de Duras, & celle de Vailly à l'Archevêque de Rheims.
Le Baillage de Vermandois étoit l'un des 4 grands Baillages du Royaume, S. Louïs l'avoit établi à Laon, & avoit mis dans son ressort les Villes de Rheims, Soissons, Noyon, S. Quentin & autres qui n'étoient que des Prévôtez Royales de sa dépendance ; son Présidial est de la premiere création ; le Bailly d'épée est le Marquis d'Olisy l'Archer, les Officiers sont en même nombre que celui de Soissons excepté qu'il y a quinze Conseillers au lieu de dix ; outre la Prévôté Royale de la Ville de Laon qui a la jurisdiction des premieres instances dans la Ville & Banlieuë ; il y a diverses autres Justices Royales telles que le Baillage de Ribemont qui y ressortit dans les cas de l'Edit ; ce Baillage a pareillement une justice inferieure qui est la Prévôté de la Ville ; les Officiers de l'une & de l'autre sont nommez par M. le Prince & Madame la Duchesse d'Harcourt, héritiers de Mademoiselle de Guise, le Baillage de Coucy ressortit dans le cas de l'Edit au Présidial de Laon, hors la Ville même de Coucy qui ressortit à celui de Soissons : tous les Officiers de cette Jurisdiction sont à la nomination de M. le Duc d'Orleans, cette terre faisant partie de ses appanages.
Les Baillages de la Fere & de Marie ressortissent en tout cas à celle de Laon, les Officiers sont nommez par le Duc de Mazarin, Seigneur Engagiste, & enfin la Prévôté de Crespy Laonnois, qui ressortit aussi en tous cas au Baillage de Laon ; les Justices Seigneuriales de ce ressort les plus considérables sont celles de la Duché de Laon, du Marquisat de Vervins & de la Comté de Roucy. Il n'y a point de Justices Royales dans l'Election de Guise, mais la Justice y est renduë en divers Sièges indépendans les uns des autres qui ressortissent en tous cas au Parlement.
Dans l'Election de Noyon, il y a le Baillage du lieu, & celui de Chauny du ressort desquels on a parlé ; le Maire & Echevins de Chauny ont les Jurisdictions Civile & Criminelle sur les habitans, hors les privilégiez, & en tous cas ressortissent au Baillage de la même Ville. Le Baillage de Ham ressortit au Parlement : les principales Justices Seigneuriales sont celles de la Pairie de Noyon, celles de la Duché de S. Simon & du Marquisat de Nesle.
Dans l'Election de Clermont il n'y a qu'un Baillage Royal, dont les Officiers sont nommez par le Seigneur Engagiste, qui est Madame la Princesse d'Harcourt, les Justices dépendantes sont la Prévôté de Clermont & celle de Remy, Bulles, Gournay & Neuville, qui sont toutes cinq Royales ; les Justices Seigneuriales de ce Canton sont celles
SoisSONS.
de la Baronie de Mello ou Merlou, à M. le Duc de Luxembourg, du Marquisat de Liancourt, au Duc de la Rochefoucault, d'Etouy, au Sieur de Riviere ; de Nointel à M. de Bechamel.
Baillage & Présidial de Crespy.
aillage & Siege Présidial de Crespy a pour premier Officier M. le Duc de Gesvres qui e ; ft Bailly d'épée & tous les autres ordinaires ; il n'y a que 7 Conseillers ; le Présidial fut érigé en 1638 : les autres Justices Royales de ce Baillage sont la Prévôté de Crespy, le Baillage de la Ferté-milon, les Prévôtez de Pierre-fond, de Neuilly, S. Front & de Villiers-Cotterets, mais outre cela il s'étend encore sur la Châtelainie d'Auchy, Election de Soissons, & sur les Prévôtez de Bittrisy ; Verberic & l'exemption de Pierre-fond qui sont de l'Election de Compiegne : tous les Officiers sont à la nomination de M. le Duc d'Orleans à cause de l'appanage : le Baillage de Nanteuil le Haudouin est la seule Justice Seigneuriale considérable de ce ressort.
Le Baillage & Siège Présidial de Château-Thierry est du premier établissement & composé comme les précédens ; il y a sous lui la Prévôté de la Ville, & les Officiers de l'un & de l'autre sont de la nomination du Duc de Bouillon, depuis l'échange ; les principales Justices Seigneuriales de ce ressort sont le Baillage de la Fere en Tardenois qui releve en tous cas au Parlement comme Baronie-Pairie ; elle appartient à M. le Prince de Conti, & le Baillage de Mommirel autrefois Justice Royale, que M. de Louvois a acquise en ces derniers tems.
Maîtrises.
L'Auteur parle ensuite des Maîtrises des Eaux & Forets, & remarque qu'il n'y en a aucune dans l'Election de Soissons, qu'il y en a 3 dans celle de Laon, savoir Laon, Coucy & la Fere ; une Maîtrise dans celle de Guise, & 2 Grueries, l'une à Aubenton, l'autre à Irson, qui appartiennent toutes 3 aux héritiers de Mademoiselle de Guise : dans l'Election de Noyon il y a la Maîtrise de Chauny, & dans celle de Clermont une autre Maîtrise à Clermont. Dans l'Election de Crespy il y a la Maîtrise de Villers-Cotterets pour les appanages de la Grurie de Nanteuil qui est un démembrement.
Valeur des Charges.
Les Charges desBaillages, Présidiaux & autres Justices ne sont gueres considérables ; celles de Lieutenant General de Soissons peut valoir 15000 l. celle de Laon le double ; celle de Crespy le même ; ainsi que celle de Chateau-Thierry ; les inferieures valent à proportion ; celles des Conseillers à Laon 6000 l. & les autres 3000 l. 2000 l. & 1500 l. Ces deux dernieres estimations regardent Château-Thierry & Crespy dans le même Ordre.
Etat des Finances.
Quant aux Finances, l'Auteur établit d'abord que toute la Generalité est du ressort de la Lour des Aides de Paris ; que le Bureau des Finances établi à Soissons en l'année 1596, est composé de 23 Trésoriers, dont l'ancien fait la fonction de Président parce que l'Office en a été uni au Corps, les Charges en valent 30 à 35000 l. celle de Receveur General vaut 180000 l. & celle de Receveur General du Domaine 30000 l. l'Auteur s'étant d'abord attaché à la division de la Generalité par Election suit le même Ordre dans l'article des Finances.
Soissons.
Il dit, par rapport à l'Election de Soissons, qu'elle portoit en 1698, 178139 l. de Tailles, que la Jurisdiction est composée de 15 Officiers, y compris les Receveurs, le Greffier, le Procureur du Roi & les Elûs ; que le produit des aides est de 100000 l. que l'on y a recueilli en 1697, 14000 pieces devin, d'environ 216 pintes, mesure de Paris ; que les années ordinaires vont à 20000 pieces, qu'il y a deux Greniers à sel désunis de l'Election, l'un à Soissons, dont la vente, qui est volontaire, produit 90000 l. ou environ, & l'autre à Vailly de 80000 l. seulement ; il n'y a dans cetteElection ni Bureaux ni Juges de Traites foraines, il y a seulement un Bureau de Tabac, dont le produit monte à 80000 l. par an.
Histoire de la Comté de Soissons.
Le Roi est Comte de Soissons par moitié, dont le Prince de Carignan jouït comme Engagiste, étant proprietaire de l'autre moitié. Pour entendre ce partage, il faut sça-
SoisSONS.
voir que Guy de Châtillon, Comte de Soissons, ayan ; t ete fait prisonnier des Anglois à la bataille de Poitiers, se racheta par la vente qu'il fit de la Comté de Soissons au Roi d'Angleterre, lequel la donna en dot à sa fille en la mariant à Enguerrand, Sire de Coucy mais il ne vint que deux filles de ce mariage, qui le partagèrent ; l'aînée vendit sa moitié à Louïs, Duc d'Orléans, duquel elle est venue a Louis XII, qui la réünit à la Couronne ; la cadette porta sa moitié en dot au Duc de Bar son man ; Jeanne fille de Robert, Duc de Bar, la porta pareillement en dot à Louïs de Luxembourg, Comte de S. Pol, Connétable ; Marie de Luxembourg, sa petite fille, la porta dans la Maison de Bourbon Vendôme, d'où elle a passé à la Branche de Condé, & en celle des Comtés de Soissons puisnez des Condez, lesquels en ont pris le nom ; d'où par la mort du dernier Comte de Soissons tué à Sedan, elle a passé à Madame la Princesse de Carignan, épouse du Prince Thomas de Savoye, dont les puisnez ont pris aussi le nom de Comte de Soissons. Le Domaine de cette Comté peut valoir pour le tout environ 4000 l.
Laon.
L'Election de Laon composée des mêmes Officiers & de deux Receveurs portoit en 1698, 181737 l. de Tailles, le produit des Aides monte à 148000 l. on y a recueilli en 1698, 18000pieces de vin, & les années communes montent à 35000 pieces ; il y a 4 Greniers pour le sel, dont 3 seulement comptent à la Generalité de Soissons, Vervins, qui est le quatrième, compte à Amiens. Laon produit 121000 l. Marie 74000 l. & Coucy 77000 l. il y a de plus à Cormicy, Election de Rheims, Généralité de Champagne, un Grenier qui fournit à plusieurs Villages de l'Election de Laon, & qui compte à la Generalité de Soissons, lequel produit 68 à 69000 l.
Il y a dans la même Election 7 Bureaux de Traittes foraines, qui comptent à la Direction de Soissons ; Laon dont le produit est de 22000 Ì. Crecy sur Seine de 3000 l. Craonne de 600 l. la Fere de 650 l. Marle de 200 l. Pontavair de 2000 l. Berry au Bacqde 5000 l. Il y en a deux autres, Ribemont & Vervins qui comptent à la direction de S. Quentin, & 3 de l'Election de Rheims qui comptenr à la direction de Soissons, lavoir Cormicy de 1200 l. Regunies de 700 l. & Ligny le Petit der 1800 l. le total est de 37150 l.
Le Domaine du Roi dans l'Election de Laon, nommé le Domaine Vermandois, com prend les Villes de Laon, Crespy en Laonnois, & Noyon lequel fut aliéné en 1695, à M. le Comte de Longueval pour 8300 l. il vaut environ 2 à 3000 l. mais il y a beau coup de charges ; ainsi le grand nom de la Comté de Vermandois ne subsiste plus que dans l'Histoire, tout ce qui le composoit ayant changé de nature par les donations faite aux Eglises, & les aliénations foncières, il en reste plus de traces dans les Juridiction où l'on rend encore la Justice sous ce titre.
Histoire de Vermandois.
La Comté de Vermandois étoit autrefois unie au Valois, régis l'un & l'autre par la même coutume. Hugues le Grand, fils du Roi Henri I, si renomme par la conquête de Jerusalem, où il accompagna Godefroy de Bouillon, épousa Adelaïde, fille de Hebert Comte de Vermandois, dont il prit le nom ; sa fille aînée Alix ou Isabeau fut mariée à Philippe, Comte de Flandre, & par sa mort sans enfans, & au moyen des Traitez faits avec sa soeur Alienor, Philippe Auguste réunit le Vermandois & le Valois à la Couronne ; cela arriva au commencement du XIII. Siécle : le Domaine de Coucy qui occupoit encore une grande partie du Païs, fut acquis par Louïs Duc d'Orléans ; de la fille aînée du dernier, Enguerrand Sire de Coucy, ceux de Marie & dela Fere, sont entrez dans la Maison de Bourbon Vendôme, par alliance de Marie de Luxembourg, & ont été réunis à la Couronne par l'avenement de Henri le Grand, jusqu'à l'engagement fait au Cardinal de Mazarin moyennant 500000 l. Ils sont actuellement affermez 30300 l. Surquoi il y a pour 4 à 5000 l. de charges locales, le Duc de Mazarin en jouït à présent.
Guise.
L'Election de Guise, dont la Jurisdiction est pareille aux autres, porte 52580 l. de Tailles ; se produit des Aides y monte à 60000 l. parce qu'on y fabrique de la Biere,
SoisSONS,
à la place de vin qui n'y croit point ; les Greniers à sel de Guise & d'Aubenton produisent 112000 l. de 7 Bureaux des Traites foraines, il n'y en a que 2 qui comptent à la direction de Soissons, Aubenton & S. Michel, chacune de 4000 l. les autres savoir Guise, la Chapelle, Irson, Novion, comptent à la direction de S. Quentin. Le Domaine du Roi dans cette Election consiste en la Seigneurie de la Chapelle qui est partagée entre le Roi & le Sieur de Marfontaine de la Maison de Proisy, qui est Engagiste de l'autre moitié : le tout vaut environ 18 à 19000 l. & en celle de Bohain & de Beauvoir, toutes les deux engagées au Marquis de Mailly, à qui elles valent 2500 ou 3000 l.
L'Election de Noyon porte 79240 l. de Tailles, le produit des Aides y est de 60000 l. & l' on y recueille, année commune, 4 à 5000 muids de vin ; le Grenier à sel de Noyon produit 110000 l. II n'y a que 2 Bureaux des Traites, l'un à Noyon qui rend 5000 l. l'autre a Chauny de 1500 l. à l'égard du Domaine, ceux de Noyon, Laon & Crespy en Laonnois sont engagez au Comte de Longueval, comme il a été dit sur l'Election de Laon, celui de Marie est avec ceux de Ham & de la Fere engagée au Duc de Mazarin, il ne reste que la moitié de celui de Chauny, l'autre moitié étant engagée au Duc de Chaunes ; cette moitié ne vaut que 100 l.
Clermont.
L'Election de Clermont porte 89870 l. de Tailles, les Aides y montent à 35000 l. on y a recueilli en 1697, 7500 muids de vin, les années communes montent à 12000 : le Grenier à sel de Clermont compte à la direction de Paris, & par conséquent ne sera point employé dans cet article ; il n'y a dans l'Election aucun Bureau des Traites, le Domaine y consiste à la Comté de Clermont, aux Châtelainies de la Neuville, en Haye, Remy, Bulles, Gournay & Moyenne Ville, il vaut en tout 12 à 15000 l. il a été engage a Madame la Princesse de Carignan & ses heritiers en jouïssent ; on a excepté de cet engagement les forêts de la Neuville ou de Trez, dont les ventes annuelles qui sont de 23 arpens, montent à 13 ou 14000 l.
Le Comté de Clermont fut uni à la Couronne par le Roi Philippe Auguste, qui le confisqua sur le Roi d'Angleterre, ainsi que la Normandie & autres terres ; Philippe Comte de Boulogne, son fils, le posséda en appanage, mais étant mort sans enfans, il retourna au Roi S. Louïs son neveu, qui le donna en appanage à Robert de France son cinquième fils, lequel est la tige de la Maison de Bourbon ; le Roi Charles le Bel, qui etoit né en cette Ville de Clermont, la retira par affection en 1327, & donna en échange a la Maison de Bourbon, la Comté de la Marche, qui avoit été son propre appanage ; mais Philippe de Valois la rendit à la même maison ; il a été depuis réuni à la Couronne & engagé comme on l'a dit ; on observe que S. Louïs, en donnant cet appanage à son fils, l'obligea de faire hommage à l'Evêque de Beauvais des terres de sa dépendance, tant qu'il seroit séparé de la Couronne ; Louis & Jean Duc de Bourbon ont rendu cet hommage.
Crespy.
L'Election de Crespy porte 107915 l. de Tailles. Le produit des Aides y est de 46000 l. on n'y recueille point de vin : le Grenier à sel de Crespy produit 44000 l. & celui de la Ferté-milon 630000 l. Il n'y a dedans l'Election aucun Bureau de Traites foraines : le Domaine de Valois qui vaut, sans y comprendre les coupes éxtraordinaires de la Forêt de Retz, 130000 l. de revenu, a été donné en entier à M. le Duc d'Orleans pour appanage.
Chateau-Thierry.
L'Election de Chateau-Thierry porte 949201. de Tailles ; le produit des Aides y est de 100000 l. & l'on y recueille, année commune, 50000 pieces de vin. Il y a deux Greniers à sel de vente volontaire : Chateau-Thierry qui produit 138000 l. & la Ferté-milon qui en rend 35000. Il n'y a dans cette Election aucun Bureau de Traites, & le Domaine en entier appartient au Duc de Bouillon, par échange de Sedan.
SOISSONS.
Ainsi en résumant ces diverses sommes le Roi tire de la Generalité
1.
Par l'imposition de la Taille
784401
Par les Aides
549000
Par la vente du Sel
1013000
Par le Tabac & les Traites
124450
Et de son Domaine, y compris les nouveaux Droits, Controles des Exploits, Actes des Notaires & Sceaux.
26500
Il faut ajouter pour les ventes de la Forêt de Trez
14000
Partant le total monte à
2511351
L'Auteur ne parle ni de la Capitation, ni des Ustenciles & Fourrages, ni des autres impositions qui ont lieu pendant la guerre, & qui toutes ensemble ont été portées a plus de 1800000 l.
Des grands Chemins, Ponts & Chaussées.
Les grands Chemins, Ponts & Chaussées de la Généralité sont en assez bon état par rapport au peu de fonds que l'on a fait jusqu'à prefent pour l'entretien des anciens ouvrages, & la construction des nouveaux ; les fonds pour l'année 1697, ont été de 7782 l. dont 3042 l. ont été destinées pour l'entretien, & le reste aux nouveaux ouvrages.
Il y a un Pont de pierre à Soissons sur la Riviere d'Aisne, un autre sur la Veste à la Bazoche bâti à neuf par le Comte d'Avaux, Seigneur du lieu ; il y en avoit un à Pont-Avair sur l'Aisne, dans la Comté de Roussy, dont le milieu a été abbatu en 1650 : on y a suppléé par un Bacq qui appartient au Seigneur de Roussy ; il y a 3 Ponts de bois sur l'Oise à la Fere, 2 sur la Seine, un à Marie, l'autre à Coucy ; un sur l'Oise a Guise, un autre à Etreaux, Election de Guise sur la même, qui a été rompu en 1673, aussi bien qu'un autre au même lieu, sur la Riviere de Ton, pour empêcher les courses de la garnison de Cambray. Il est absolument nécessaire de les rétablir, le passage de ces Rivieres étant impratiquable. II y a un autre Pont de pierre sur l'Oise à Vadaucour, Election de Guise, dont le Péage appartient à l'Evêque de Noyon ; 5 Ponts de pierre à Chauny, & 3 à Ham de maçonnerie, avec un autre de boïs ; dans l'Election de Crespy on compte les 2 Ponts de la Ferté-milon sur la Riviere d'Ourq, dans celle de Château-Thierry il y a le Pont de la Ville sur la Marne, nommé le Pont Bernard, Monsieur le Duc d'Orléans a le péage de Jarfy, Election de Jarson, qui est affermé 400 l. l'Abbaye de S. Medarda celui de Vis sur Aine, qui vaut 350 l. tous les autres péages & travers qui sont perçus par les Seigneurs en divers endroits sur les Pancartes arrêtées au Bureau des Finances sont de très-petite conséquence.
Marchez.
Il y a des Foires & Marchez établis dans toutes les Villes & Bourgs considérables de la Generalité qui contribuent beaucoup au Commerce, & particulièrement au débit des grains : l'auteur n'en fait aucun détail.
Etapes.
Les lieux d'Etapes de la Généralité sont au nombre de 24 ; & le dépense qui s'y fait monte, année commune, à 120000 l. pendant la Paix, & pendant la Guerre à 300000 l. à l'égard des quartiers d'hiver, comme c'est une chose arbitraire du côté de la Cour, il est impossible de rien fixer sur cette matiere.
Histoire de Soissons.
L'Histoire particulière que l'Auteur donne des Villes principales de la Generalité est fort peu de chose ; il remarque sur Soissons que les enfans de Clovis ayant partagé la France, le Royaume de ce nom échut à Clotaire qui réunit les 3 autres Royaumes à celui-ci, & que Chilperic son fils puisné eut encore ce même Royaume en partage : II remarque sur l'Abbaye de S. Medard, que ce fut le lieu où l'Empereur, Louis le Dé-
SOISSONS
bonnaire fut confiné après sa déposition, & qu'il s'y est tenu 3 Conciles en 744, 852 853, enfin que la Comté de Soissons a été érigée en Pairie en l'année 1404 :
Laon.
La YiHe de Laon est située sur une Montagne ; elle n'a aucune fortification moderne, les derniers Rois de la seconde Race y ont fait leur séjour, & le Palais est le lieu où l'on rend aujourd'hui la justice, Philippe Auguste y a fait bâtir, ou du moins réparer la grosse tour de laquelle relevent tous les fiefs du Domaine de Vermandois, le Roi Louïs XI. accorda à cette Ville l'exemption des Tailles, & elle en jouït encore à présent. Elle fut assiégée & prise en 1594, par Henri IV. sur la Ligue, & elle a depuis ce tems signalé sa fidélité ; particulièrement en 1650, en contribuant à la subsistance de l'armée qui fit lever le siege de Guise à l'Archiduc Leopold.
Guise.
Guise, dont le Château est très-bon, a été long tems possedé par les Comtes de Blois, de la Maison de Chatillon, Louïs I. lors Duc d'Anjou, depuis Roi des deux Siciles, en devint Proprietaire par son mariage avec Marie de Chatillon Bretagne : Louife d Anjou, fille de Charles Comte du Maine, le porta à son mari Jacques, Duc de Nemours, décapité en 1477 ; mais le Roi Charles VIII. ayant rendu cette terre à Louïs d'Armagnac son fils, il en porta le titre jusqu'à sa mort, apres laquelle le Duc de Lorraine s'en mit en possession, comme héritier de la Miaifon d'Anjou du Chef d'Yolande, fille unique du Roi René, elle fut donnée en partage à Claude de Lorraine, premier Duc de Guise, duquel elle a passé aux différens Princes qui ont porté si haut la gloire de ce nom jusqu'a Mademoiselle de Cuise, dans laquelle il s'est éteint de nos jours.
Chateau-Thierry.
Château-Thierry a été érigé en faveur de François, Duc d Alençon, punné des ensans du Roi Henri II. Il n'appartient aujourd'hui au Duc de Bouillon en conséquence de l'échange de la Principauté de Sedan.
La Fere.
La Fere, située dans un marais où la Riviere de Seine se joint à l'Oife, étoit l'une des meilleures places du Royaume avant la ruine de toutes ses fortifications.
Vervins.
Vervins est considérable par le Traité de Paix qui y fut conclu en 1598.
Ham.
Ham a un Château très-important & fortifié.
Chauny & Noyon sont avantageusement situez pour faire l'entrepost des grains destinez à Paris ; c'est tout ce que l'Auteur a remarqué sur l'Histoire de la Generalité.
A l'égard des Seigneuries il observe que Monsieur le Duc d'Orleans y possedé la Duché de Valois & le Domaine de Coucy : les héritiers de Mademoiselle de Guise, la Duché de Guise & le Domaine de Ribemont, cedez en échange des Principautez de Château-Renard & de Linchamp, avec la Baronie de Marchais, où est le pelerinage de Liesse ; M. le Prince de Conti, la Baronie de la Fere en Tardenois ; M. le Duc de Vendôme, Fontaine & Vendeuil : M. le Prince de Carignan, ou autres Engagistes à sa place, les Comtez de Soissons & de Clermont ; le Duc de Bouillon Chateau-Thierry ; le Duc de Mazarin, les Comtez de Marie, la Fere & Ham ; le Duc de S. Simon, la Duché de son nom ; le Duc d'Estrées, celle de Coeuvres & la Comté de Nanteuil ; le Duc de Gesvres, le Marquisat de Gandelus ; le Duc de la Rochefoucault, & la Duchesse de Montbazon, Neuilly, S. Front & Auchy le Château ; le Duc de Chaulnes, la Terre de Magny ; la Duchesse de Duras, la Comté de Braine ; le Duc de la Rocheguyon, la belle Maison de Liancourt & autres terres ; les Ducs de Luxembourg & de Châtillon, les Baronies de Mello & de Cire ; le Duc d'Aumont, Tourotte ; le Comte de Roussy, la Comté de son nom & la Baronie de Pierre-pont ; le Marquis de Mailly, le Marquisat de Nesle, le Marquis de la Vieuville, Nogent, l'Artaut. & Pavan ; le Duc de Choifeul, Ostel & Origny ; la Marêchale de Clerembault, plusieurs terres ; le Marquis de Moï, Moï & Moncornet ; le Marquis de Vervins, Comminges, ou Sobole Vervins ; le Marquis de Courtenvaux, Montmirel ; la Comtesse "deMerode, la Comté deBeausigny ; le Comte de la Motte, la Seigneurie de Houdancourt ; le Marquis de Montataire, Lassé ; le Marquis de Manicamp, le Sieur de Ximenes, la terre de Proissy ; le Marquis de Joyeuse, Grandpré & la Terre de Voulpuis ; l'Archevêque d'Ambrun, le Marquisat de Genlis ; le Président de Mesmes, le
& SONS.
Neuf-Châtel ; le Comte d'Avaux, Longueval & Bazoche ; M. de Marillac, la Ferté Attichy ; le Président Larcher, Ormoy, & c.
Maisons distinguées.
Outre ces Seigneuries, l'Auteur nomme pour Noblesse distinguée dans la Generalité le Comte de Larnet, le Comte de Lagny Brigadier, le Comte de Sissonne, de l'anciennë Maison de Roucy, le Comte de Romesnil, le Marquis de la Bauve d'Auxbourg, le Comte de Vercilly de la Maison de Conflans, le Marquis de Morfontaine du nom de Proissy, le Comte de Cardaillac du nom de Chemins, le Comte d'Aumale, le Comte des Peaux, le Marquis de Près le Nicolaï, le Comte d'Arcy, le Comte de Thieux du nom d'Estournel, M. de Liambrun la Vespiere, M. deBrion, M, de Miremont Berieux, M. d'Ogny, M. de Bezaune, M. de Noroy, M. de la Nouë, M. de Vigneux Cauchon, M. d'Hërvilly, M. de la Vernade, M. d'Arzillemont, & c.
Des Huguenots.
Avant la revocation de l'Edit de Nantes il y avoit dans la Généralité 1000 familles de la Religion prétendue Reformée, la plûpart dans le Bourg de Roussy, la Fere & les Terres du Domaine de Navarre ; la plûpart sont sorties de France, ceux qui ont abjuré, sont extérieurement les devoirs de bons Catholiques. On peut compter dans la Généralité 23000, ou 24000 fiefs, tant grands que petits. Il y a environ 55000 bêtes à corne & feulement 4000 bêtes à laine.
Reduction.
Ce Mémoire, qui paroit à la premiere vûë trop sec & trop décharné, ne laisse pas de donner une idée entiere de tout son sujet, quoique privé des agrémens qui l'auroient pû faire recevoir avec une plus grande satisfaction ; ainsi l'on peut dire que l'Auteur a écrit pour la feule utilité du Prince, sans égard à son plaisir ; on lui peut toutefois reprocher une omission très-importante, savoir celle de l'état intérieur de sa Generalité, par lequel en représentant judicieusement & éxactement les sources d'où les peuples peuvent tirer de l'argent, nécessaire au payement de tant de Charges, il auroit découvert la proportion qui doit être entre les unes & les autres, ou du moins mis le Prince en état de la découvrir lui-même & de connoître les abus & les vexations ; mais le genie du Siécle & du Tems l'a emporté sur la connoissance du devoir, & cet Intendant paroit avoir banni de son ouvrage par un dessein formé, toute espece de raisonnement, duquel l'on auroit pû tirer des conséquences ; peut être aussi que le caractere de son esprit n'y étoit pas disposé, ou que son éducation dans la regie des consignations du Parlement de Paris, l'avoit accoutumé à la composition des Mémoires de cette espece.
Fin de la Generalité de SOisSONS.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA GENERALITÉ D'ORLEANS. Dressé par ordre de Monseigneur le Duc DE BOURGOGNE en 1708. Par Monsieur de BOUVILLE, Intendant.
Sa Situation.
LA Generalité d'Orléans est située entre la Bourgogne, le Nivernois, le Berry, la Touraine, le Maine, le Haut Perche & Plsle de France : sa longueur d'Orient en Occident est de 50 lieuës, depuis Chatillon sur Loin jusqu'au dernier Village de Clamecy jusqu'à ceux d'Espeignes, qui sont les derniers de l'Election de Vendôme, & sa largeur du Midi au Nord est à 40* depuis Vatan à l'éxtremité de l'Election de Romorentin du côté du Berry, jusqu'à Rembouillet où finit l'Election de Chartres vers le Nord ; dans cette étendue elle comprend l'Orleannois, qui est le centre de la Generalité, & même du Royaume, la Sologne, le Blaisois, le Vendomais, le BasPerche, Viel-Gairand, ou Perche-Goyet, la Comté de Dunois, la Beauce & : Païs Chartrain, une bonne partie du Gâtinois, un peu moins du Nivernois & du Berry, le Païs de Puissaye, après lequel elle embrasse quelques Villages de l'Auxerrois.
Qualitez du Païs.
Elle est divisée en 12 Elections dont le détail fera marqué ci-après ; en general le Climat est excellemment temperé, l'air y est pur & sain, les eaux vives, le Païs par tout éxtremement uni, mais varié de labeurs, de vignobles & de forêts ; il porte abondamment des bleds, des vins & des fruits de bonne qualité ; le poisson s'y trouve aussi en quantité suffisante, & quoi qu'il n'y ait point de montagnes, le Gibier y est abondant & parfaitement bon, il n'y a d'élevation en tout ce Païs que les bords des Rivieres, dont il est entrecoupé ; il se trouve néanmoins quelques Colines dans l'Election de Dourdan, aux environs de S. Cyr & dans celle de Clamecy, du côté de Nivernois, aussi bien que dans les environs de Monmirail, Election de Châteaudun ; on nourrit presque par tout des be-
stiaux qui sont très-bons, particulièrement dans le Blaisois, dont les laitages ont be COUP de réputation.
Ses Rivieres. La Loire.
La plus considerable des Rivieres qui arrosent la Generalité est la Loire, qui y entre un peu au dessous de la Charité & la traverse toute entiere ; il y a dans cette étenduë 5 Ponts de Pierre, à Gien, Jargeau, Orléans, Beaugency & Blois, mais ceux de Jargeau & de Beaugency sont rompus, on y a suppléé par des Bacqs ; le Pont de Meuny, qui subsistoit encore en 1429, est presque tout détruit, on y a établi un Bacq aussi bien qu'à Sully, il y a une infinité d'autres passages sur la Riviere, soit en Bacqs soit en Bateaux. Les droits de Péage dûs sur ces Ponts au dessus & au dessous appartiennent à divers particuliers dont le détail est assez inutile ; ainsi que celui des Proprietaires des Bacqs.
Etablissemens de la Navigation.
Les Marchands & habitans des Villes situées sur la Loire & les autres Rivieres qui y tombent, ayant un intérêt fort sensible à maintenir la Navigation, ont obtenu des Rois la permission de lever certains droits sur les Marchandises marquées dans un tarif, & les deniers qui en proviennent doivent être employez au balissage de la Riviere, c'est à dire, a y maintenir la sureté de la Navigation ; chaque Ville élit un Délegué pour en avoir soin dans son détroit, & tous ces Deleguez s'assemblent tous les 4 ans au 10. May devant l'Intendant où ils élisent deux Présidens & un Receveur, & sont bail de balissage & droit de boëtte qui ordinairement monte a 16000 l. Toutes les contestations qui surviennent pour les droits de Balissage, soit avec les proprietaires des Peages qui doivent tenir les Rivieres nettes dans certaine etenduè particulière, soit avec les.... sont portées directement a la Grande Chambre du Parlement de Paris. Les Rois n'ont pas pris un moindre soin d'empêcher les débordemens de ces mêmes Rivieres, ils ont à cet effet fait faire des Levées dans les endroits necessaires, & ont donne dans tous les tems une forte attention à les faire entretenir dans ces Capitulations & Charles IX. ordonna en 1560, que les Villes d'Orléans, Blois, Tours & Angers commettroient des personnes dans leur détroit pour veiller à leur conservation, on a depuis créé des Officiers en titre pour en avoir soin, lesquels avec les Intendans d'Auvergne, Moulins, Bourges, Tours & Orléans, chacun saps fort département, sont les adjudications des ouvrages qui doivent être faits tous les ans suivant les états arrêtez au Conseil pour reparer & maintenir ces levées ; le fonds ordinaire de cette dépense est de 20000 l. qui sont imposées sur la Generalité, on en employe ordinairement 60 à 70000 en la Généralité d'Orléans.
Des Pavez & Chemins.
L'Auteur auroit eu dessein, à l'occasion des Ponts de la Loire, de parler des gran Chemins qui y aboutissent, & sur tout de ceux qui se rendent à Orleans qu'il estime le plus grand passage du Royaume, mais se réservant à le faire dans une occasion plus favorable il se contente de dire que nulle Ville après Paris n'a des Chemins pavez plus étendus que celle d'Orléans, qu'on en compte plus de 25 lieuës en différens-Chemins, Outre la grande Chaussée qui conduit à Paris, laquelle est a son avis un ouvrage comparable à ceux des Romains, les Officiers du Corps de Ville d'Orléans sont chargez de l'entretien de ces Pavez dans tout ce qu'ils appellent petite Chauffée, & sur le grand Chemin de Paris jusqu'à Lorme d'Arsas près d'Arsenay, le fond de cet entretien est pris sur Peage qui est pris aux portes de la Ville, & encore a deux lieuës sur tout le pavé & .ans pssipart : des Bourgs & Villages, qui sont sur la grande Chaussée depuis d'Orléans jusqu'à Angerville, à raison de 5 deniers par cheval attelé ou chargé, ce droit est si ancienquon trouvequil en est fait mention dans les Lettres patentes de Louïs XI. & de Charles VIII. des années 1468. & 1493, qui sont conservées dans les Archives de la Ville.
L'Yonne.
Les autres Rivieres de la Generalité sont l'Yonne, dont la source est dans le Nivernois & qui avant de se jetter en Bourgogne, passe dans cette Generalité à Magny, S. Didier & Clamecy, elle y reçoit la Riviere de Berron & un autre ruisseau qui passe à Druisse, Il y a dessus trois ponts de pierre, où il y a des péages établis.
Le Loing.
Le Loing, qui a source à Linsecy, Election de Clamecy, traverse celle de Gien par S. Fargeau & Blemeau, celle de Montargis, ou les canaux d'Orleans & de Briare la vont joindre, & se pert ensuite dans la Seine à Moret, il y a dessus divers Ponts de pierre, la plus grande partie en ruine ; elle reçoit le Lauzon à Monblouy, l'Ouannes à Conflans & la Clere à Fontenay, il y a quelques ruisseaux qui se jettent dans la Loire à Briare, Bonny, Neuvy & Cosne, & par tous les passages de cette Riviere, il est dû des droits de péage aux Seigneurs, plus ou moins forts, mais qui ne passent pas 10 deniers par Charette, 5s. par Boeuf & par Vache, 4 s. par Porc & 8 s. par 100 de Moutons.
Canal de Briare.
Le Canal de Briare, qui entre dans la Loire au Village de ce nom, remonte vers le Nord par Ozoues, cottoyant le Ruisseau de Tresée, & continue parRogny, Chatifion, Montargis, & finit dans le Loing à Senoy ; il est traversé par divers Ponts de bois pour la communication des Villages où il paye ceux qui sont entretenus aux dépens des propriétaires, & quoique ce produit en soit très considérablement diminué depuis qu'on a creusé celui d'Orléans, il n'a pas laissé de monter à 100000 l. dans les dernieres années, dont le partage est 30 portions égales, suivant le nombre des intéressez. C'est aussi à Briare que le Grand Chemin de Lyon se divise, l'une de ses branches va à Paris par Montargis, l'autre à Orleans par Gien, il y a quelques péages sur l'une & l'autre route.
Canal d'Orléans.
La Forêt d'Orléans produit, plusieurs Ruisseaux qui tombent dans la Loire en disserens lieux, ils ont pour la plûpart des Ponts, mais presque tous sont en ruine. La Riviere de Seuil, qui est la plus considerable du Canton, passe à Combreux & à Vitry cottoyant le canal d'Orleans & entre dans la Loire à Combreux, c'est en cet endroit distant de la Ville d'une lieuë que commence le second Canal, il remonte au Pont aux Moines*, Paroisse de S. Mardié, d'où il passe à Fay, Vitry, Combreux, Steiny aux bois, Beauchamps, Chailly & l'Epoy où il tombe dans le Loing. Son Canal est beaucoup plus court que celui de Briare, mais il manque d'eau dans les années seches. Les Entrepreneurs ont cedé leurs droits à Monsieur le Duc d'Orleans suivant certaines conventions, & le produit a monté année commune à 500000 l. qui est un tiers plus que celui de Briare, mais l'Auteur espere que la Mer devenant libre par la Paix, il remontera moins de Marchandises par la Loire, & qu'il en descendra davantage : ce qui égalera le revenu des deux Canaux.
Autres Rivieres.
La Riviere de Thomme, qui vient de la Forêt d'Orléans, se jette dans la Seine à Corbeil, celle d'Orge qui passe à Bourgdan & à Chartres, celle d'Eure qui passe à Chartres & à Maintenon, & tous les Ruisseaux qui se rendent en ces Rivieres, ont plusieurs ponts & divers péages établis à leurs passages ; le grand détail qu'en fait l'Auteur m'a paru absolument inutile, si ce n'est pour faire connoître l'éxtrème négligence que l'on a pour le bien public ; la plûpart de ces passages étant tout à fait ruinez.
Le Loir.
Le Loir, qui court vers le Couchant, prend sa source dans l'Election de Chartres, passe à Miers, à Sauveray, Allecye, Bonneval, où il reçoit l'Ouzanne, à Marbré, Chateaudun, Marée, Vendôme les Roches, Lavardin, Railly & Montoire : il reçoit aussi divers Ruisseaux, lesquels ont aussi bien que la Loire des Ponts fort ruinez & des Peages de petite conséquence, il y a quelques autres Rivieres dans le Blaisois au Nord de la Loire, qui ne méritent guere d'être observées dans le détail.
Loiret. Le Beuvron. La Sandre.
A l'égard des Rivieres qui sont au Midi de la Loire l'Auteur observe d'abord le Loiret, qui dans le cours de deux lieuës, quoi qu'il puisse porter les plus gros Bateaux, n'a d'autre usage que d'embellir les Villages d'Olivet & de S. Mernins près d'Orleans ; le Doure, l'Istre, le Cousson sont des Ruisseaux de peu de conséquence, à l'égard desquels l'Auteur fait néanmoins un très-ennuyeux détail. La Riviere de Beuvron est beaucoup plus considerable, elle passe à Châtillon, à la Mothe dans l'Election de Gien, à la Ferté au Rain, Neury & Russy, Election de Beaugency & Brassieux, où elle reçoit la Bonneveuvre, & se jette dans la Loire 3 lieuës au dessous de Blois. La Grande Sandre a sa source
ORLEANS.
Le Cher. Le Fouzon.
source à Concressault, passe à Soesme, Salbris, la Ferté-Imbaut, Selles, Remorentin & tombe dans le Cher à Châtillon. Le Cher fort du Bourbonnois, traverse le Berry, commence à porter Bateau à Vierson, passe à Meneton, Châtillon, où il reçoit la Sandre & peu après le Naon, à Coussy, puis à S. Agnan, & va de-là par Montrichard se mêler avec la Loire. Le Fouzon qui vient de Vatan, se jette dans le Naon à Meneton sur Naon ; toutes ces Rivieres sont chargées de ponts de pierre & de bois dans le même desordre que les autres de la Generalité ; la cause s'en doit prendre, selon l'Auteur, de ce que la guerre n'a pas permis d'employer aux réparations ordinaires les mêmes sommes que pendant la Paix.
Travaux projettez.
De toutes ces Rivieres il n'y a que le Cher & la Loire qui soient navigables, l'Eure, l'Yonne & le Beuvron qui soient flottables ; on a diverses fois projetté de rendre p Loir navigable, mais sans aucune éxécution, à cause des grands frais qu'il faudroit faire pour dedommager les Riverains & les Proprietaires des moulins ; mais le travail de le joindre à la Riviere d'Eure seroit infiniment plus profitable s'il pouvoit réussir ; il fut proposé & arrêté en 1576, renouvellé en 1671, & est toûjours demeuré sans éxécution pour les mêmes raisons ; l'Auteur estime que du moins on devroit travailler à rendre l'une de ces rivieres flottables, parce que le débit des bois qui sont à vil prix dans le Païs pourroit augmenter par ce moyen, & il le prouve par l'exemple de la terre du Marquis de la Tournelle, laquelle de 6000 l. est montée à 30000 l. depuis que la Riviere qui y passe a pû flotter des bois.
Les Bois de Meiran, de Sologne & ceux de chauffage de la Duché de S. Agnan se débitent aussi fort aisément par la Riviere de Cher, au moyen des Bateaux qui portent du sel & des vins d'Anjou lesquels s'en retournent chargez de ces sortes de bois.
Commerce qui le fait par la Loire.
Ce discours touchant les Rivieres jette insensiblement l'Auteur dans l'engagement de traiter du Commerce, à l'occasion de celui qui se sait par la Riviere de Loire, qui est qu sans contredit le plus étendu du Royaume, puis qu'il comprend tout ce qui se tire des Provinces Méridionales & Occidentales de la France & celui des Nations étrangères, il consiste en bleds, avoines, vins de liqueurs, sucres, soyes, laines, chanvres, fer, acier, huile, poissons frais & salez, fruits, fromages, bois de charpente, planches, Chesnes & Sapins, Echalats, bois de chauffage, charbon de bois & de terre, potteries, fayence, ardoises, pierres, cuirs & toutes autres especes de Marchandises, dont la plupart est destinée pour Paris, de telle forte néanmoins qu'il en reste suffisamment pour l'usage de la. Generalité où elles passent, elles sont presque toutes déchargées à Orleans, d'où elles sont distribuées selon les cas ; or entre toutes ces Marchandises celles qui entrent le plus dans le Commerce sont les vins, les eaux de vie, les bleds & les épiceries.
Le Vignoble d'Orléans produit année commune plus de 100000 Tonneaux, mais par rapport au Commerce il y faut comprendre tous les vins qui s'y tirent du Languedoc & de la Guienne : Les bleds de Bretagne, de Poitou, d'Auvergne & de Haute-Beauce, qui sont amassez en Magazins par les Marchands pour les debiter à leur plus grand avantage. Les épiceries viennent de Provence par Lyon ou des isles de l'Amerique par Nantes, & ce négoce s'est trouvé assez fort depuis 20 ans pour donner lieu à l'établissement de trois sucreries dans la Ville d'Orléans qui consomment pour environ 300 millions de cassonade, le sucre qui s'y fabrique est blanc & fort bien travaillé & les Marchands de Paris l'estiment beaucoup.
Manufactures de Bas & de Bonneterie.
Il s'est fait de tout tems à Orleans grand commerce de bas au tricot & au métier, dont une partie vient de Beauce ; il s'est formé dans la Ville deux Manufactures de ces ouvrages, l'un pour le Tricot, l'autre pour le Métier : il y a plus de 120 Maîtres de chacune, quoique les bas au métier ne soient pas à beaucoup près si bons que les autres, comme ils se sont beaucoup plus vîte on s'apperçoit que cette derniere Manufacture
OR ANS.
E¬ insensiblement l'autre, & qu'il est important d'empêcher, & pour cela on pourroit fixer les métiers à un certain nombre.
Commerce de Peaux de Mouton.
Il se fait encore dans cette Ville un grand negoce de peaux de mouton passez en chamois ; il s'en debite environ 12000 douzaines par an, Paris & tout le Royaume les tirent avec empressement, soit qu'elles soient en huile, en blanc, ou en chamois,
Arbres fruitiers.
* Guillaume III. Commerce de Blois & de Beaugency.
Le débit des Arbres fruitiers par les Jardiniers d'Orléans & des environs est encore très-considerable, non seulement pour le dedans du Royaume, mais encore pour les Païs étrangers, le feu * Roi d'Angleterre en a fait enlever quantité depuis la Paix. Quoique les Villes de Gien & de Beaugency & de Blois soient situées sur la Loire, aussi bien qu'à Orleans, elles n'en tirent pas le même avantage ; le commerce des bleds qui se faisoit à Gien est tout à fait tombé depuis la revocation de l'Edit de Nântes, les Marchands qui le faisoient s'étant retirez à Paris ou dans les Païs étrangers : celui de Blois & de Beaugency consiste pour sa plus grande partie en eaux de vie & en vins, dont ces deux Elections ensemble produisent à peu près la même quantité que celle d Orleans ; on les enleve sur la Loire pour Paris, Orléans, Tours, Angers, JLaval, même pour la Hollande, & par terre pour la Normandie ; les Marchez des mêmes Villes sont aussi très-abondans en toutes sortes de grains qu'on y amene de Beauce & du Vendomois. Il y avoit autrefois un très-bon négoce de Tanneries, mais les grands Impôts dont les cuirs sont chargez l'a fait absolument tomber dans ces deux Villes : on fabrique à Blois quelques Serges & des Etamines, mais cette Manufacture n'est pas bien considerable.
Commerce de Romorantin.
Les Serges & Draps de Romorantin sont d'un débit incomparablement plus grand, parce qu'ils servent aux habillemens des soldats, & l'utilité de cette Manufacture d'autant plus sensible qu'elle aide à consommer les laines de Sologne & de Berry où il y a grand nombre de troupeaux : il se fait aussi un petit commerce de Poissons à Romorantin qu'on porte par charois à Orléans.
Commerce de Vendome.
Le Commerce de Vendôme consiste en Draperies, Ganteries & Tanneries, le tout en petite quantité, qui se tire à Paris & vers le bas de la Loire, les cuirs que l'on employe viennent du Poitou & de Xaintonge, l'Election produit dans les bonnes années bien plus de bleds & de vins qu'elle n'en peut consommer, les bleds sont transportez par terre en Touraine ou à Blois, les vins se tirent en Normandie & dans le Maine.
Cbateaudun.
L'Election de Chateaudun produit des bleds, des vins & des fruits ; les derniers se consomment dans le Païs où l'on fait aussi des cidres, mais les premiers ont le même débit que ceux du Vendômois ; il y a à Prou & à Auton une assez bonne Manufacture d'Etamines qui se portent à Paris, Tours & Orléans ; il y a aussi une forge qui est bâtie dans la Paroisse de Champront sur un Canal où les eaux d'un Ruisseau voisin & de quelques autres sont assemblées ; le bois & la mine le prennent dans la forêt de Vibray, dont le Seigneur est proprietaire, laquelle rend environ 500 millions de fer commun, qu'on transporte dans les Villes circonvoisines.
Du Chartrain.
Le Païs Chartrain est l'un de ceux du Royaume où les bleds viennent en la plus grande abondance, c'est aussi tout son commerce, on les porte dans les Marchez, ou bien on les emmene aux Magazins à Chartres ou autres lieux, quand il n'y a point de débit ; il y a quelques vignobles dans le Chartrain, dont celui de Piac a le plus de réputation.
Dourdan & Pluviers.
Les Elections de Dourdan & Pluviers sont à peu près pareilles, on y recueille des bleds & autres grains & quelque peu de vins de fort petite qualité, les bleds deourdan sont portez par charoi à Montlery, & ceux de Pluviers vont à Orleans, il y a a Dourdan une Manufacture de Bas à l'éguille & environ 30 métiers sur lesquels on n'employe que des laines.
ORLEANS,
Le Commerce de l'Election de Montargis.
Le Commerce de l'Election de Montargis est fort petit, on y fabrique quelques grosses Etoffes pour l'habillement des soldats, & l'on y tire de grosses toiles de S. Fargeau & de S. Cosne qui se débitent à Melun ; les fruits de ce Païs sont portez à Paris, les Allemands y venoient autrefois chercher du saffran dans le territoire de Bois-Commun, mais ce Commerce est entierement tombé, on ne s'en sert à présent que pour les teintures.
Clamecy.
Tout le Commerce de l'Election de Clamecy consiste en bois en serges & en fer les bleds qu'elle produit sont portez d'un Marché à l'autre & se consomment dans le Païs, aussi bien que les vins : de 7 forges & un fourneau qui étoient dans ce Canton, il y en a quelques-unes d'abandonnées, les autres travaillent par le moyen de l'eau des ruisseaux & de quelques étangs & du bois qui est à portée d'être flotté par les Rivières.
Des Bois & Forêts.
A l'égard des bois en général, l'Auteur remarque qu'il y en a suffisamment dans chaque Election ; les Buissons du Païs de Puissaye fournissent l'Election de Gien, les Forêts de Monsieur le Duc d'Orleans occupent un grand Terrain dans les Elections de Dourdan, Montargis & Orléans ; celle de S. Agnan & de la Ferté fournissent les Elections de Romorantin & de Beaugency. Dans l'Election de Blois on trouve la Forêt de Boulogne qui appartient au Roi, celle de Marchenoir, de Freteval dans la Comté du Dunois & de Montmirail, dans l'Election de Chateaudun, & dans le Vendomois, celle du Duché, tous ces bois sont convertis en chauffage & quelque petite quantité en merrains, en Echalats & en Sciage.
Etat des Peuples.
L'Auteur fait après ce détail une description de l'état des peuples qui est digne curiosité ; il dit que le Commerce étant aussi borné qu'il l'a reprefenté dans le discours precedent, il senfuit qu'il y a peu de monde qui s'en mêle, tant parce que la plupart du Païs est éloignée des lieux où on le peut faire & des Rivieres navigables, parce que la misere y est un obstacle invincible : il ne compte dans toutes les Villes de la Generalité que 6182 Marchands de toutes sortes de Marchandises, tant en gros qu'en détail, mais cequil ajoûte de l'empressement de ce même peuple d'entrer dans les Offices de Judicature ou dans les affaires est surprenant, puis qu'il dit que dans cette étendue il ne se trouve pas une feule charge vacante, quoique les besoins des derniers tems les ayent multipliées au point que l'on sçait ; il compte dans la Généralité 7747 Officiers, tant Royaux que Seigneuriaux, de Finance & des Hôtels de Ville, y compris les Avocats, Procureurs, Notaires, Huissiers & Practiciens ; les raisons de ce grand empressement sont, 1°, les exemptions atachées à ces charges ; 2, la considération & le crédit qu'elles donnent à ceux qui en sont revêtus ; 3°, l'incertitude des revenus de la plupart des Bourgeois, qui consistent ordinairement en vignes ; 4°, le manque d'occupation qui vient des pertes des biens arrivées dans les familles, dont les enfans ont néanmoins une bonne éducation, & qui par ces pertes se trouvent éloignées des routes de la fortune, mais néanmoins assez riches pour s'épargner le travail manuel ; ceux-là, dont l'Auteur compte jusqu' à 1400 dans la Generalité, sont d'autant plus à plaindre que leur oisiveté est involontaire.
Le peuple ne manque ni d'esprit ni de courage, ce qui se connoit par l'expérience quon a de la conduite de certains sujets qui remplissent dignement les grands emplois hors la Généralité ; l'Eglife & le Bareau sont remplis d'habilles gens qui ont même de la delicatesse dans les belles-lettres ; le malheur des tems est cause qu'une partie des meilleurs esprits se jettent dans la pratique des arts les plus mécaniques, y étant engagez par le besoin particulier & par le besoin public qui rend ces professions plus lucratives ; l'Auteur compte 167800 artisans, cabaretiers, hôteliers & menuisiers dans la Generalite, 7397 journailliers, compagnons, aprentifs, garçons de boutique, à quoi il joint 3374 servantes.
OR ANS.
Dans la Campagne le peuple est également laborieux & ménager, on remarque que la Beauce, quoique ce soit le meilleur Païs du monde pour le rapport du froment, le Païsan se contente de manger de l'orge avec du bled & du segle, les plus riches se passent avec quelque salaison qu'ils sont après leurs moissons, les vignerons ne boivent que du vin & de l'eau mêlée, pour avoir les uns & les autres dequoi payer les subsides, payer leurs Maîtres & acheter ce qui est absolument nécessaire pour la subsistance de leurs familles.
Il y a dans toute la Généralité, Paroisses & Bourgs de la Campagne, 23812 fermiers ou laboureurs depuis la charuë.
Meuniers
2121
Bergers
3176
Journaliers
38444
Valets
18000
Servantes
13696
Artisans rependus dans les Bourgs & Villages
12172
De sorte que le total des habitans de la Campagne, non compris les femmes & les enfans, autres que les valets & les servantes, se monte à 133260 personnes, & ceux des Villes, non compris les Ecclésiastiques, femmes & enfans, à 42880, & partant la totalité est de 176140. Les peuples en general sont diminuez d'une 5e. partie, & à l'égard. de ceux qui faisoient profession de la Religion Reformée il n'en reste que le tiers.
Il reste d'ajouter à ce détail celui de la Noblesse, que l'Auteur fait fort en abrêgé, puis qu'il se contente de dire, qu'il a trouvé par un compte éxact, tant dans les Villes qu'à la Campagne 1649, Y cornpris les veuves, & que parmi eux il y en a 59 qui ont titre de Marquis, 23 qui ont celui de Comte, & 31 celui de Vicomte, que 372 sont Seigneurs de Paroisses, & 737 possedans de simple fiefs.
Etat de l'Eglise.
Quant aux Ecclésiastiques, l'Auteur, pour répondre aux intentions du Prince, a jugé qu'il étoit nécessaire d'entrer dans un détail plus particulier ; c'est pourquoi il observe que la Generalité renferme 3 Evêchez, Orléans, Chartres, Blois ; & de plus partie des Diocèses de Sens, Auxerre, Bourges, Tours & le Mans.
Orleans.
L'Evêché d'Orléans, qui n'est pas censé riche puis qu'il ne vaut que 20000 l. de revenu, comprend dans la Sologne les Villes de Romorantin, Jargeau, S. Benoît sur l'Oife, & Sully dans le Gâcinois, Pithiviers, & dans la Beauce Jean-ville Meung, qui appartient à l'Evêque, & où fie voit son Château, ou Maison de Campagne & Beaugency. S. Albin, que l'on prétend avoir été envoyé par S. Pierre, en fut le fondateur l'an 70, si l'on en croit l'opinion jadis commune, mais à présent la moins suivie : plusieurs Saints lui ont succedé, parmi lesquels on remarque S. Euveste, S. Agnan & S. Prosper & c. ce qui rendit le Siege d'Orléans si considérable, c'est que la premiere assemblée de l'Eglise Gallicane se tint en cette Ville sous Clovis I. depuis il s'y est tenu 8 autres Conciles. Les Evêques ont le droit le jour de leur entrée de délivrer des prisons tous les Criminels qui s'y trouvent & de leur accorder des lettres de Remission : On ne sçait point l'origine d'un privilège si particulier, mais on sçait que 106 Evêques l'ont exercé depuis S. Agnan jusqu'au Cardinal de Coislin qui est celui d'à-présent ; les Barons d'Yevres, de Chastel, de Sully, le Cherray ou Serry & de Rougemont sont obligez par leur féodalité de porter l'Evêque dans sa Cathédrale le jour de cette entrée : avant l'érection de l'Archevêché de Paris qui fut faite en Novembre 1622, Orléans étoit suffragant de Sens, il l'est à présent de Paris.
ceLe
ceLe est composé de 272 Paroisses, divisées en Archidîaconnez –, du nombre des Curez de ces Paroisses il y en a 30 qui ont. le titre de Prieurs ; du reste le Diocese renferme 8 Abbayes, 31 Prieurez, ir Chapitres de Chanoines, y compris celui de la Cathédrale & plusieurs Chapelles & petits Benefices. Les Abbayes d'hommes sont, S. Benoît sur Loire, anciennement dit le Fleury, Floriacum, célébré par la veneration du Corps de S. Benoît que l'on prétend y avoir été transporté du Monastere de Moncassin pour la crainte des Barbares, au commencement du VII. Siécle ; il reconnoit pour son fondateur un Seigneur Bourguignon, nommé Leodebandus, & l'an 632, pour sa fondation : cette Maison a eu des Abbez très-distinguez par leur capacité & leur science, qui l'ont renduë la premiere du Royaume, pendant plusieurs siécles : Elle jouït encore à présent, y compris la Menfe Abbatiale & les Officiers Chantraux réunis à celle des Moines, de 45000 l. de rente. S. Nesmin, autrefois dite S. Maximin de Micy & l'une des plus anciennes Abbayes du Royaume, puis qu'elle étoit déja établie du tems du Roi Clovis ; elle est maintenant possedée par les Feuillans non reformez, & vaut en tout 8000 l. de revenu. S. Euveste dans la Ville d'Orléans, autrefois Chapitre séculier, mais à présent de l'Ordre de S. Augustin depuis l'an 1163, & de la Congregation de Ste. Genevieve de 10000 l. Nôtre-Dame de Beaugency, du même Ordre & de la fondation des Anciens Seigneuis cm lieu, en l'an 1126, de 6000 l. Les Religieux modernes y ont construit un nouveau & magnifique Bâtiment, La Cour-Dieu, Ordre de Cîteaux, & fille de la même maison, fondée en 1118, dans la premiere chaleur de la Réforme, & néanmoins de très-peu de revenu. S. Louïs proche les murailles d'Orleans, de l'Ordre de Cîteaux, & de 4000 l. de rente. Voisumes du même Ordre proche Meung, de 2000 l. Le lieu Nôtre-Dame, du même Ordre, fondée en 1222, proche de Romorantin par Isabelle, femme de Jean Comte de Chartres, de 6000 l. Les Prieurez simples sont d'un mediocre revenu, & ne fournissent aucune remarque, si ce n'est à l'égard de celui de S. Sauson, le plus considerable de tous & titré, dans le coeur de la Ville qui a été uni au College que les Jesuites y ont obtenu ; on prétend que ce Prieuré valoit 8000 l. de rente.
Le Chapitre de la Cathédrale, sous l'invocation de la Ste. Croix, l'un des plus beaux édifices Gothiques qu'il y ait dans l'Europe, est composé de 14 Dignitez, y compris les Archidiaconnez, & d'un grand nombre de Chanoines qui partagent ensemble 14 portions & demie qui sont laissées à l'Hôpital des pauvres malades ; ainsi le total des Prébendes partables est de 60, évaluées à 800 l. chacune, non compris le revenu des Dignitez : l'Evêque conféré tous les Canonicats, à l'éxception du Doyen qui est Electif & néanmoins ce Chapitre est indépendant de l'Evêque.
Le Chantre de S. Agnan avoit été pareillement indépendant jusqu'à 1674, que par arrêt contradictoire il fut remis dans le droit commun, il est composé de 8 Dignitez & 31 Canonicats ; le Doyen, qui est nommé par M. le Duc d'Orleans, jouït de 20000 l. de rente, & il confere les autres Dignitez ; mais les Chanoines sont choisis par le Chapître : il arrive assez souvent que le Doyen n'est pas Chanoine ; alors il a les honneurs du Choeur, mais il n'entre point au Chapître.
Le Chapitre de Clery est composé de 10 Chanoines dont l'un est le Doyen ; 5 de ces Prébendes ont été fondées en 1302, par Simon de Melun, Baron de la Salle, qui s'en est réservé la présentation, les autres 5 de la fondation du Roi Philippe le Bel ; Louïs XI. rétablit l'Eglise où il a choisi sa sépulture, & y fit de grands biens ; elle est devenuë célébre par les Pèlerinages de Henri III. M. le Duc d'Orléans, au Droit du Roi, & M. de Beauvilliers, Baron de la Salle, confèrent les Prébendes & partagent les honneurs.
ORL ANS.
Il y a de plus dans le Diocèse divers Couvens, savoir, 6 de S. François, 1 de Jacobins, 2 de Carmes, un de Chartreux, un de Bénédictins, 3 d'Ursulines, un de Carmelites, un de la Visitation, un du Calvaire, & un de Fontevrault.
On peut encore mettre dans ce nombre les nouvelles Catholiques d'Orléans, & le Seminaire fondé & bâti par M. le Cardinal de Coissin, on y instruit les jeunes Clercs & l'on y enseigne la Théologie, ce qui étoit d'autant plus nécessaire au Diocèse, quel'Université d'Orléans n'a qu'une feule faculté, du droit Canonique & Civil. Cette Université est composée d'un Chancelier, lequel est l'une des Dignitez du Chapître de la Cathédrale, de 6 Professeurs & de 12 Docteurs aggregez qui élisent d'entr'eux le Recteur. Les Papes Clement V. & Jean XXII. ont accordé à cette Université plusieurs Privilèges Apostoliques qui ont été confirmez par Philippe le Bel & ses Successeurs, qui même en ont ajouté de nouveaux. Les Jesuites ont aussi un College dans cette Ville pour l'instruction de la Jeunesse.
Il y a un Hôpital General établi à Orleans depuis environ 30 ans pour renfermer 800 pauvres, mais il s'y en trouve 1000 & 1200, il est régi par les Administrateurs choisis dans tous les Ordres de la Ville –, l'Hôpital des malades est deservi par des Religieuses & gouverné par des Administrateurs au nombre de 6 : les uns & les autres rendent leurs comptes tous les ans devant le Lieutenant General ; de 13 Maladreries qui sont dans l'Evêché, il y en a 6 de fondation Royale, toutes celles dans lesquelles l'Hôpitalité avoit cessé ont été unies, en conséquence de l'Edit de 1693, aux Hôpitaux voisins & celles de l'Ordre de S. Lazare ont été retablis comme auparavant l'Edit de 1672 : il yen a 4 de ce nombre qui sont des Commenderies de l'Ordre. Boigny est la principale & la maison Conventuelle de tout l'Ordre de S. Lazare qui fut établi en France par le Roi Louïs le Jeune en 1154, incontinent après son retour de la Terre Sainte, d'où il avoit emmené 162 Chevaliers pour avoir la direction des maladreries & léproseries du Royaume, il les établit à Boigny où les Chevaliers ont toûjours eu leurs assemblées generales jusqu'à M. le Marquis de Dangeau Grand-maître depuis l'an 1694, qui pour plus grande commodité les fait tenir à Paris ; l'Ordre de Malthe en a aussi une dans le Diocèse d'Orleans : la Chapelle de S. Sauveur qui en dépend étoit une Synagogue qui fut donnée aux Templiers par Philippe Auguste en 1200.
Evêché de Chartres.
Le Diocèse de Chartres contigu à celui d'Orléans du côté du Nord, s'étend dans les Generalitez de Paris, d'Alençon & de Tours, mais le Siege de l'Episcopat se rencontre dans celle d'Orleans : son antiquité n'est pas plus grande que celle d'Orleans, & cette Eglise compte S. Aventin pour son premier pasteur ; il y a eu plusieurs Saints & autres grands hommes parmi ses Successeurs, lesquels toutefois ne se sont point enrichis personnellement, puis que ce Siege ne vaut actuellement que 18000 l.
L'Antiquité de la Cathédrale seroit bien plus grande s'il étoit vray, comme le peuple en est persuadé, que c'étoit autrefois un Temple de Druides, dédié long tems avant que César vint dans les Gaules, à la Vierge qui devoit enfanter ; cette Eglise qui fut consumée par le feu en fut rétablie en l'état où on la voit immediatement après & dans le même lieu par l'Evêque Falbert, qui, soutenu de la protection des Princes de l'Europe & des Charitez & Aumônes particulières des fideles, entreprit & acheva un édifice dont les Rois de ce tems auroient peine à venir à bout, malgré toute leur puissance. En esset, il semble que toutes les Villes d'Angleterre ayent été alors épuisées pour fournir l'immense quantité de plomb employé à la couverture de ce superbe bâtiment, qui d'ailleurs est construit dans un terrain qui ne produit ni bois, ni pierres, quoique la Charpente & la Maçonnerie en soient dignes d'admiration *, de deux Clochers qui se voyent à la pointe de l'Eglise, le moins élevé qu'on dit pourtant avoir 63 Toises de hauteur est couvert de pierres en écailles de poisson, & d'une structure beaucoup plus parfaite que la plus grande ; le Chapitre de cette Eglise est composé de 17 Dignitez & de 76 Canonicats tous conferez par l'Evêque, à l'éxception du Doyen qui est Electif.
ORLEANS.
Le Diocèse qui avant l'érection de celui de Blois, êtoit l'un des plus étendus du Royaume contenoit 1700 Paroisses, la Ville de Chartres n'étant comptée que pour une, 28 Abbayes, 200 Prieurez simples & 14 Chapitres, 114 Chapelles, y compris les 32 de la Cathédrale, plusieurs Communautez, Maladreries & Hôpitaux : Voici les plus considerables des uns & des autres par rapport à la Generalité.
L'Abbaye de S. Pere ou S. Pierre, en Vallée, de l'Ordre de S. Benoît, Congrégation de S. Maur, fondée ou plutôt rétablie par Ragenfroy, Evêque de Chartres, vers l'an 954 ; en tout 1500 l. de revenu.
L'Abbaye de Tiron, du même Ordre & Congrégation de S. Maur, fondée en 1107, par Bernard Abbé de S. Cyprien de Poitiers qui se retira dans les solitudes des Confins de la Beauce & du Perche, où par le secours de Roetrou Comte du Perche & de Mortagne, il éleva & dota un monastere de plus de 100 Religieux, qui vaut encore plus de 14000 l. de revenu.
Les Benedictins modernes qui reprennent autant qu'il leur est possible la forme de leur Institut, ont établi un College en ce lieu, où ils élevent une assez nombreuse Jeunesse pensionnaire & une autre partie à leurs fraix.
L'Abbaye de Colombs, du même Ordre, bâtie à un quart de lieuë de Nogent-Ie-Roi, – sur la Riviere d'Eure, rétablie en 1028, par les soins & la libéralité de Roger, Evêque de Beauvais, vaut 24000 l. Entre les anciens Monumens qui s'y voyent, la Tombe qui couvre le corps de Jacques de Brezé, Sénéchal de Normandie & de Charlotte de France sa femme, qu'il avoit fait poignarder par jalousie, n'est pas le moins considérable ; elle est au milieu du Choeur des Religieux.
L'Abbaye de Josaphat, fondée par l'Evêque Geoffroy, à demie lieuë de Chartres, en 1120, a pris son nom de la ressemblance que les anciens Croisez trouverent entre sa situation & celle de la véritable Vallée de Josaphat près de Jerusalem ; cette maison qui est encore de l'Ordre de S. Benoît, possédé 10000 l. de revenu.
S. Jean en Vallée lès Chartres, fondée en 1099, par le célébré Yves, Evêque de Chartres, pour des Chanoines Réguliers, vaut 15000 l. S. Cheron près de Chartres, qu'on dit avoir été dottée par un Roi du nom de Clothaire sans éxprimer l'année, de Chanoines Reguliers, vaut 15000 l.
La Magdelaine de Chateaudun, du meme Ordre & Congrégation de Ste. Genevieve, qui rapporte sa fondation à Charlemagne, Vaut 8000 l. L'aumône, autrefois dite le petit Citeaux, dont elle est fille, fondée en 1121, par Thibaut, Comte de Champagne & de Blois, vaut 6000 l.
Les Abbayes de filles du même Diocèse, comprises dans la Généralité sont : S. Avril, de l'Ordre de S. Benoît, fondée par les Seigneurs du Dunois en 1131, qui vaut 6000 l. Arcesse, du même Ordre, fondée en 1226, par Isabelle Comtesse de Chartres, 5000 l. & Claire-fontaine, du même Ordre, fondée dans la Forêt de Jurelines, par Simeon Comte de Monfort, dès le premier tems de la Réforme.
A l'égard des Prieurez, quoiqu'ils soient en grand nombre & d'un revenu très-considerable, l'Auteur se contente d'indiquer les noms de quelques-uns sans spécifier leurs revenus : tels sont, le Prieuré de S. Thomas d'Epernon, celui de Chesne, celui de Morée, celui de S. Martin & de Chateaudun, ceux du grand Beaulieu & de Chartres, qui sont unis au Seminaire de la Ville, celui de S. Michel, uni au College de la même Ville, tenu par les Jésuites.
A l'égard des Chapîtres du Diocèse, il se contente pareillement d'en rapporter le nom, savoir ceux de S. André, de S. Maurice & de S. Agnan dans la Ville de Chartres & celui de S. Nicolas de Maintenon, celui de S. André de la Ste. Chapelle, de Chateaudun & celui de Monmirail, ne donnant d'ailleurs aucune remarque sur leurs revenus, ni sur leurs dignitez, ni sur leurs privileges, ni enfin sur les collations de ces dives Benefices.
ORL ANS.
Il ajoute au surplus, qu'il y a un nombre de Communautez & d'autres Monastères dans ce Diocèse, mais il n'en fait aucun détail non plus que des Hôpitaux ; il remarque seulement que l'Hôtel-Dieu de Chartres est considerable aussi bien que l'Hôpital de 120 aveugles, auxquels on a uni plusieurs Maladreries voisines.
Evêché de Blois.
L'Evêché de Blois suffragant de Paris, a été érigé en 1697, par le Pape Innocent XII qui a consenti à l'union de plusieurs Menses Abbatiales & Prieurez, pour former 30000] de rente à l'Evêque futur & celles de plusieurs Collegiales & autres Bénéfices pour former un Chapitre Cathédral ; le Diocèse renferme les Elections de Vendôme, de Blois & de Chateaudun presque entieres qui ont été distraites de l'Evêché de Chartres, il contient environ 200 Paroisses, 3 Eglises Collégiales, 5 Abbayes & 40 Prieurez.
Les Abbayes sont : la Trinité de Vendôme, de S. Benoît, Congrégation de S. Maur de 2500 l. de rente, laquelle a été fondée environ l'an 1042, par Geoffroy Martel, Comte d'Anjou, qui s'y fit Religieux, après avoir long tems fatigué la France de son humeur brouillante & de ses faits guerriers, & par Agnès sa femme, fille de Guillaume Duc & Comte de Bourgogne, veuve de Guillaume IV, Duc de Guienne & Comte de Poitou, laquelle à la complicité de son second mari désola la maison d'Aquitaine jusqu'à sa séparation, qui fut prononcée par jugement de l'Eglise, & jusqu'à ce que ses propres enfans fussent parvenus à la succession de leur pere par la mort de leurs freres aînez. S. Lomer, bâti par le Saint du même nom, environ l'an 565, sur le bord de la Riviere de Loire, au lieu où s'est depuis formée la Ville de Blois, du même Ordre de S. Benoît & de la même Congregation, de 15000 l. de revenu. Pont le Roi, du même Ordre & pareil revenu, fondée environ l'an 1035, par Gedouin, Seigneur du Païs, sur les confins du Blaisois & du Berry, les Religieux modernes ont élevé un superbe bâtiment, des gains qu'ils ont fait tant sur la nourriture d'un grand nombre de pensionaires qu'ils y tiennent, que sur la vente des hauts bois dépendans de leur Mense Monachale. Bourg-moyen, de Chanoines Réguliers de Ste Genevieve, ancienne Abbaye de laquelle on ignore la fondation précise, quoique l'on sache qu'elle a reçû la plûpart de ses biens des Comtes de Blois vaut 8000 l. Mais il faut remarquer qu'à l'égard de ces trois dernieres maisons le Titre Abbatial est éteint depuis que pour former l'Evêché de Blois, l'on en a pris les Menses Abbatiales qui demeureront unies à perpetuité à cet Evêché, en conséquence de la Bulle d'Union & d'Appr-obation, soutenue des Lettres patentes de sa Majesté enregistrées dans toutes les Cours nécessaires pour en rendre l'éxécution perpétuelle.
Pour les Abbayes de filles du même Diocese, elles se reduisent à celle de la Guiche, fondée en 1277, par Jean de Chatillon, Comte de Blois, & Alexandre de Bretagne son épouse, laquelle vaut 3000 l. de revenu.
Les Prieurez notez par l'Auteur du nombre de 40, qu'il a dit être dans le Diocèse, sont : L'Aunée, dans le Vendomois ; Coursy-Boulogne, de l'Ordre de Grammont, dans la forêt dite de Boulogne ; S. Jean de Blois, uni à l'Evêché ; Chambort & Merlan, uni à la Mense Couventuelle de Marmoutiers.
Les Chapîtres de S. Jacques de S. Sauveur de la Ville de Blois, ancienne & riche fondation des Comtes de Blois qui avoient choisi leur sépulture dans la derniere de ces Collégiales, ont été unies pour former celui de la Cathédrale établie à Ste. Soleine l'une des Paroisses de la Ville ; il consiste en 6 Dignitez & 18 Canonicats.
Le Chapitre de S. George de Vendôme est composé de 6 Dignitez, de 12 Chanoines, 10 Chapelains ; il a été fondé en 1035, par les anciens Comtes de Vendôme. Les Princes de la Maison de Vendôme conferent tous les Bénéfices sans aucune institution Ecclésiastique.
Les autres Communautez du Diocèse sont les Chanoines Réguliers de S. Lazare a Blois, les Cordeliers, Capucins, Jacobins, Minimes, Carmélites, Filles de la Visitation & Filles Véroniques, Chanoinesses de la même Ville ; les Jésuites y ont un College
ORLEANS.
* Le Frere unique de Louïs XIII.
magnifique, bâti & fondé par les liberalitez de Gaston de France Duc d'Orléans, oncle * du Roi ; les Peres de l'Oratoire un à Vendôme & les Benedictins un autre dans leur Abbaye de Pont-le-Roi.
A Vendôme il y a des Cordeliers & des Capucins, des Ursulines & des filles du Calvaire ; on y peut ajoûter les Soeurs Grises de Vendôme & les nouvelles Catholiques de Blois.
A l'égard des Hôpitaux, Celui de Vendôme a 40 lits ; on y a réüni plusieurs Maladreries ; il n'y a qu'un seul administrateur, notable Bourgeois, nommé par le Duc de Vendôme. L'Hôtel-Dieu de Blois est desservi par des Religieuses Hôpitalieres & administré par les Echevins qui y nomment un Receveur tous les 3 ans, il y a dans la même Ville un Hôpital général ou les pauvres sont renfermez. La Commanderie de Marche. noir, Ordre de S. Lazare, subsiste sans réunion.
Evêché de Mans.
La partie de l'Evêché du Mans, qui entre dans l'étenduë de la Généralité, N consiste en 39 Paroisses du Bas-Vendômois 011 se trouvent 3 Abbayes, savoit, S. George aux bois, Ordre de S. Augustin, de la Congregation de S. Genevieve, fondée en 1212, de 4000 l. L'Etoile de Prémontré de 3000 l. & la Virginité, de filles, Ordre de Cîteaux, fondée en 1208, par Pierre Comte de Vendôme & Auglantine son Epouse, de 8000 l. il y a aussi 9 Prieurez, dont les plus considérables sont Villemar, Croisval & Lavardin, une Collégiale dans le Bourg ; une maison d'Augustins & une maison de filles de la Charité, avec un Hôpital à Montoise, une Commanderie de Malthe à Artine.
Archevêché de Bourges.
La partie de l'Archevêché de Bourges, comprise dans la Generalité, renferme 12 Paroisses, 3 Abbayes de l'Ordre de Cîteaux ; Olivet, fille de la Cour-Dieu, fondée en 1144, de 4000 l. de revenu, Bastelle sur le.... fondée en 1137, de 6000 l. & le 3. de l'Ordre des Chanoines Réguliers de S. Augustin, dite de la Vernasse, fondée en 1145, & 2 Prieurez simples, Anjouï & Coulommiers ; 5 Chapitres –, S. Agnan, composé de 8 Chanoines, un Doyen & un Chantre : Grançay d'un Prieur, 10 Chanoines & 4 SemiPrébendes, il y a de plus à Vatan, un Couvent de Recolets, à S. Agnan un de Capucins avec une Communauté de filles de S. Bernard, une autre pareille à Glatigny & une de Benedictines.
L'Ordre de Malthe y possedé la Commanderie de Ville-franche.
Evêche d'Auxerre.
La partie de l'Evêché d'Auxerre depend de la Généralité, & comprend 66 Paroisses, parties des Elections de Gien & de Clamecy ; il n'y a d'autres Abbayes que Nôtre-Dame des Roches, de l'Ordre de Cîteaux, fille de Pontigny, fondée en 1136, par un Seigneur de S. Urin de 7000 l. de revenu : Il n'y a d'autre Prieuré Commandataire que celui de Bouq : Il y a 9 autres Monasteres, les Minimes & les Capucins à Gien, les Augustins à Cosne & à S. Fargeau, les Ursulines, les filles Ste. Claire & les Hôpitalieres à Gien, les Bénédictines à Cosne & à S. Fargeau, à la nomination du Seigneur.
Evêché de Bethléem.
L'Evêché de Bethléem est dans l'Electîon de Clamecy, où il n'y a d'autres revenus que celui de la Chapelle Nôtre-Dame qui vaut 4000 l. il y a encore 4 Chapîtres de peu de conséquence à Taunecy, à Verroy, à Chatel-en-soy & à Clamecy ; un Chartreux à Clamecy & un autre de filles à la Providence.
Archevêché de Sens.
Enfin la partie de l'Archevêché de Sens, comprise dans la Generalité, contient 127 Paroisses des Elections de Montargis & de Pithiviers, la derniere qu'un Prieuré à Yeusele Chatel, & les Cordeliers à Soissy Mois-lès-herbes ; mais dans l'Election de Montargis, il y a 3 Abbayes, savoir Ferrieres, autrefois dite Bethléem, Ordre de S. Benoît, Congrégation de S. Maur, maison très-celebre, & d'une fondation si ancienne qu'on la rapporte au Roi Clovis I, est de 15000 l. de revenu ; Fontaine Jean, fille de Pontigny, Ordre de Cîteaux, fondée en 1124, par les Seigneurs de Courtenay de la premiere souche, de 6000 l. de rente, & Gien du même Ordre. Parmi les simples Couvents, on compte les Recolets & les Bernabites de Montargis, où ces derniers tiennent le Collège, les Augustins à la Bussiere & les Cordeliers à Bellegarde, les Ursulines, les filles de Ste. Marie,
ORLEANS.
les Dominicaines, & les Bénédictines de Montargis, & enfin les filles du S. Sacrement établies à Chatillon sur Oing, les Prieurez de Château-Renard & du Lorris sont les plus considerables de l'Election ; il y a un petit Chapitre de Chanoines à Chatillon dont l'Archevêque de Sens confere tous les Benefices, & les habitans de Montargis ont fondé 10 Chapelles dans la Paroisse de la Ville qui sont à la présentation du Conseil de l'Eglise qui est composé de 12 principaux habitans.
Au reste, il est aisë de juger par l'insuffisance de ce détail où l'Auteur n'avoit rien dit qui pût faire connoître l'état présent des maisons, leurs revenus & le tems de leurs fondations, qu'il ne s'étoit rien moins proposé que de donner une idée exacte des revenus Ecclésiastiques de la Généralité, soit qu'il ait regardé cet article, ainsi que l'ont fait d'autres Intendans, comme un des secrets du Gouvernement qui ne doit jamais être mis au net, même dans l'esprit du Prince, soit qu'obéïssant à sa paresse naturelle, & à l'éloignement qu'il avoit pour la composition, il ne se soit proposé autre chose que de fournis l'abrêgé le plus simple & le plus court qu'il se pouvoit faire de ce qui regarde la Généralité.
Il paroit en effet dans tout le reste de ce Memoire que l'Auteur ne cherche qu'à abrêger, sans se mettre en peine d'aucune éxactitude, mêmes dans les matieres les plus communes, telles que celles de l'histoire ancienne, qui semblent ne pouvoir être ignorées, vû toutes les facilitez qu'il y a de s'en instruire. C'est pourquoi ayant jugé qu'avant d'entrer dans le détail du Gouvernement Militaire & de celui des Finances il étoit à propos, pour remplir le dessein du Prince, de donner une idée des anciens événemens arrivez dans le Païs, il les a reduits dans un si petit nombre d'articles si obscurs & si fautifs, que je n'ai pas crû les devoir laisser subsister, quoique l'histoire generale qui est à la tête de cet Ouvrage pût servir à les rectifier & à établir la vérité certaine de l'histoire d'Orléans & des autres biens de la Généralité, Je dirai donc sans m'attacher aux remarques de l'Auteur que la Ville d'Orléans est depuis long tems regardée comme une place importante par rapport à la fureté du passage de la riviere de Loire, qu'elle est l'ouvrage des Romains, & en particulier celui de l'Empereur Aurelien qui lui a communiqué son nom, parce qu'elle a commencé de son tems, car il n'y a nulle apparence de la confondre avec l'ancienne * Genabum, qui étoit particulièrement un celebre passage sur la Loire, mais que la route tenue par Jules César est rapportée dans ses Commentaires lors qu'il marcha de Sens à Gendicum pour aller secourir Gregoric, démontre ne pouvoir être autre chose que la Ville de Gien.
Le premier événement particulier à la Ville d'Orléans est le Siege qu'Attila y mit en 450, ou 451, duquel on prétend qu'elle fut miraculeusement delivrée par les prieres de l'Evêque qu'elle avoit alors, nommé S. Agnan : il y a toutefois de grandes difficultez par rapport à la vérité de ce Siége, il est certain, comme il y a grande apparence, qu'Elius livra bataille à Attila dans la Champagne, avant que ce dernier eut pénétré dans la Gaule, Chilperic, compté pour le quatrième Roi des François, étant remonté sur le Trône après une disgrace de 8 années, porta la guerre contre Egidius (Capitaine Romain, mais reconnu Roi par une petite partie des François) jusqu'aux environs d'Orléans, il y eut même une bataille proche les murs de cette Ville, après laquelle & la mort d'Egidius la guerre se porta du côté d'Angers à l'occasion des Saxons établis aux bouches de la Loire ; que pendant le cours de cette premiere Guerre, les François ne pûrent se faire recevoir dans les Villes closes, telle qu'étoit Orléans, & que le dépit qu'ils en eurent les porta à ravager la campagne avec une éxtreme barbarie. Cette conduite a été reprochée à Clovis lui-même, quoique meilleur politique que son pere, mais il changea bien-tôt, lors que la fortune l'ayant favorisé jusqu'à lui faire remettre le malhûreux Siagrius, fils d'Egidius, son competiteur au Royaume des Francs, entre les mains, il eut obtenu de lui des Ordres pour se faire remettre toutes les Villes Romaines ou Siagrius étoit reconnu. Orleans fut une des principales : on datte cette prise de possession
* Cest une erreur qui s'est glissée dans le Cesar du D. Clarke.
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de fan 487, après laquelle Clovis considérant la Gaule comme son patrimoine, ou plûtôt celui de la Nation Françoise, il y établit un Gouvernement réglé sous lequel la M narchie s'est perpétuée jusqu'à présent, quoiqu'avec différentes altérations.
Après la mort de Clovis arrivée à la fin de Novembre en 511, la France & la Gaule ayant été divisées entre ses enfans, Orléans devint la Capitale de l'un des quatre Royaumes & le partage de Clodomir, l'aîné des fils que ce Monarque avoit eu de Ste. Clotilde ; ce Clodomir fut un Prince belliqueux & féroce, lequel ayant porté la guerre en Bourgogne & pris prisonnier Sigismond avec sa famille, eut l'inhumanité de le faire massacrer de sang froid avec sa femme & ses enfans, & de les faire jetter dans un puits au lieu de S. Pierre à Viviens, Santti Pétri, comme le porte la Tradition du Païs ; cette cruauté ne tarda pas d'être vangée, Clodomir étant péri cette même année dans la bataille de Verance qu'il livra & qu'il gagna contre les Bourguignons, commandez par Gondemar, frere de Sigismond ; le Royaume de Clodomir fut partagé entre ses freres Childebert & Clotaire au préjudice des enfans qu'il avoit laissez, & depuis le Royaume de France entier ayant été réüni en la personne de Clotaire, il fut partagé entre ses ensans en l'an 562 ; de sorte que le Royaume dont Orléans étoit Capitale devint le partage de Guntran qui le laissa par testament à Childebert Roi d'Austrasie son neveu, duquel il passa à Thierry, le premier de ses fils, après la mort duquel il revint à clotaire II, seul mâle restant de la famille, qui réünit toute la Monarchie en l'an 614 ; 52 ans après son démembrement. Alors Orleans ayant perdu l'avantage d'être le Chef d'un Royaume, conserva du moins sa réputation qui fut telle que d'une Ville importante & l'une des clefs du Royaume, à cause du passage de la Loire.
On remarque aussi qu'elle a été gouvernée par le plus illustre d'entre les François ; Robert, surnommé le Fort, en fut fait Comte sous Charles le Chauve, dès l'an 861 ; s'il est vrai néanmoins qu'il ait été pourvû de cet emploi avant d'avoir été revêtu de la dignité de Duc des François ; l'Auteur ajoute qu'il lui laissa la Comté d'Orléans, héréditaire dans sa famille, au lieu de dire que par le moyen de ses alliances, il laissa ses enfans assez puissans pour forcer les Rois Successeurs de Charles le Chauve, à lui continuer les Honneurs & Bénéfices que Robert le Fort avoit possédées ; ce fut ainsi qu'Eudes & Robert freres, Hugues & Hugues Capet son fils possederent avec la Duché de France, la Comté de Paris & celle d'Orléans que le dernier réunit à la Couronne en 987, lors qu'il sen empara sur Charles, Duc de Lorraine dernier mâle de la Race de Charlemagne. L'on remarque que ce nouveau Monarque fit sa demeure presque continuelle à Orleans, qu'il regardoit comme son patrimoine & sa Ville favorite ; ce fut en cette Ville qu'il assembla le Parlement qui justifia son usurpation en élevant Robert son fils à la Royauté par une Election libre ; ce fut en l'Eglise de Ste. Croix que ce Prince fut sacré le 1. Janvier 988, après que le meme Parlement, instruit par les événemens pasiez, eut, selon le sentiment de l'Auteur, fait une Loi fixe pour reduire les puisnez des Rois à l'avenir à la possession de simples appanages au lieu des partages qu'ils avoient auparavant ; ce fut enfin dans la Grosse Tour d'Orléans que Hugues Capet renferma son illustre Prisonnier, Charles Duc de Lorraine, & qu'il le retint jusqu'à la mort.
Philippe, second fils du Roi Philippe de Valois, & frere puisné du Roi Jean, est celui e nos Princes qui a le premier possédé Orléans à titre de Duché d'appanage, à l'occasion de la donation de Humbert Dauphin de Viennois qu'il lui vouloit faire de ses Etats, à condition de prendre son nom & ses armes ; mais Philippe de Valois aima mieux pour l'avantage du Royaume que cette donation fut faite à son petit fils Charles V, dit le Sage, & pour indemniser son fils Philippe, il érigea la Duché d'Orléans en titre de Pairie & d'appanage en 1344. L'ancien Usage éxigeoit qu'une Duché-Pairie eut sous elle au moins 20 Chatelainies, c'est pourquoi l'on composa la Duché d'Orléans de celles d'Orléans ; de Beaugency, Vitry, Bois Commun, Lauris & Chateau-Renard dans l'étenduë de 30 lieuës de longueur & de 25 de largeur. Le premier Duc d'Orleans étant
ORLEANS.
mort en 1383, Charles VI. donna le même titre d'appanage en 1392, à Louïs son frere unique, auparavant Duc de Touraine, le joignant à la Vicomté de Chateaudun confisquée sous Pierre de Craon, à cause de l'attentat commis en la personne du Connêtable de Clesson le Duc : Louïs ajouta à son appanage la Comté de Blois avec les Seigneuries de Romorantin, de Millanée, de Marche-noir, & de Fredval qu'il acheta la même année de Guy de Chatillon, second du nom, Comte de Blois, des deniers dotaux de Valentine de Milan son Epouse ; outre ces grandes terres, le Roi son frere lui accorda encore les Comtez d'Angoumois, de Dreux & de Beaumont sur Oyse, mais il ne jouït guere des uns ni des autres, ayant été malhûreusement assassiné par l'Ordre de Jean, Duc de Bourgogne, en Novembre, 1407. Charles & Jean, ses enfans, partagèrent sa Succession ; l'aîné eut Orleans avec la Comté de Blois, Charles eut le malheur d'être pris prisonnier des Anglois à la bataille d'Azincourt, il resta 25 ans en Angleterre ; pendant son absence les Anglois assiégèrent Orléans en 1428, & le reduisirent à l'éxtremité, lors que Dieu parut susciter la Pucelle, Jeanne d'Ark, pour en faire lever le siege, ce qu'elle éxécuta d'une maniéré miraculeuse, secondée de Jean, Bâtard d'Orléans, Comte de Dunois, fils du Duc Louïs : le Duc Charles étant mort, Louïs son fils & seul héritier lui succeda, & depuis au Royaume de France après la mort de Charles VIII. en 1498, sous le nom de Louïs XII, au moyen dequoi la Duché d'Orléans fut une seconde fois réunie à la Couronne ; après lui François I, de la Branche d'Angoulême, parvint aussi à la Couronne, & depuis ce tems 8 Princes différens ont porté le titre de Duc d'Orleans, Henri, depuis Roi, second de ce nom, Charles son frere mort à Farmoutier, Charles Maximilien Hercule, enfant de Henri II ; on remarque que Henri III, avant d'être Roi, quitta l'appanage d'Orléans pour prendre celui d'Anjou, parce que la Reine Catherine sa mere s'étoit imaginée qu'il étoit d'un plus hûreux présage ; après la mort de Charles IX, cette Duché ayant été pour la troisième fois réunie, les besoins de l'Etat obligerent Henri III. & Henri IV. son Successeur, d'y faire différentes aliénations ; la Chatelainie d'Yenville fut engagée au Sieur de Marolles, puis à Helene Bonne, veuve du Sieur Clermont d'Entragues ; celle de Bois-Commun au Colonel Aroquier Suisse ; celle de Neufville au Sieur du Bois l'Evêque Sieur des Roches ; celle de Lorey au Sieur de l'Hôpital Choisy ; celle de Chateau-Renard à Louise de Coligny, Princesse d'Orange ; celle de Vitry fut donnée à la Dame de la Chapelle de Marival, par la Reine Catherine pour recompense des services du Prince de Melphe, son Ayeul ; celle d'Yeuse le Chatel échangée sous faculté de rachat avec le Sieur de Meniton pour la tenuë feodale ou censuelle de quelques terres des Maisons Royales de Fontainebleau & de Monceaux ; celle de Beaugency fut donnée à Henriette Batsa, Duchesse de Verneuil, d'où elle a passé à M. César, & le Duc de Mercoeur son fils la vendit au Sieur Maréchal de la Ferté ; celle de Châteauneuf plusieurs fois vendue & engagée fut enfin donnée en échange de la principauté de Château-Renard sur la Meuse, par le Roi Louis XIII, en 1629, à Mademoiselle de Guy & à Mademoiselle la Princesse de Conti ; M. de la Vrilliere, Secrétaire d'Etat, la possedé à leur droit & y a joint celle de Bois-Commun & de Vitry, il prétend de posséder la derniere en échange de 100 arpens de terre qui sont partie du Parc de Chambor ; M. le Duc de Beauvilliers possedé celle d'Yenville ; M. de. Bresne celle de Lorris, M. d'Acquin celle de Chateau-Renard, & M. de Vaudreuil celle de Neufville ; Monsieur, frere unique du Roi a retiré celle d'Yeux le Chatel & Beaugency.
Le Domaine de la Duché d'Orléans étoit donc reduit à la feule Chatelainie d'Orléans, quand le Roi Louis XIII. la donna en appanage à Gaston de France son frere unique, lequel l'a possedée jusqu'à sa mort sans hoirs mâles, après laquelle étant derechef réunie, le Roi la donna à M. son frere, & M. le Duc d'Orléans l'a possédé aujourd'hui comme héritier légitimé de son appanage.
ORLEANS-
Gouvenement Militaire.
L'Auteur reprenant ensuite son dessein de traiter du Gouvernement Militaire, dit que le Sieur Marquis de Sourdis est Gouverneur & Chesdela Ville d'Orléans, del'Or leannois, Blaisois, Chartrain, Dunois, & Vendômois, & qu'il a sous lui pour Lieute nans Generaux le Marquis de la Lande pour l'Orléannois, Vendômois & Montargis, le Marquis de Thois pour le Blaisois ; le Dunois est en contestation entr'eux ; & le
Marquis de Harville pour le Chartrain, il y faut joindre trois Lieutenans de Roi de nouvelle création, M. d'Arbouville pour l'Orléannois, M. de Buillon pour le Chartrain & M. de Sommery pour le Blaisois : la partie de Nivernois qui est dans la Generalité a M. le Duc de Nevers pour Gouverneur & M. le Marquis de Veelbourg pour Lieutenant General ; ce qui est du Perche est soûmis au Gouverneur du Maine qui est M. de Buillon. M. le Comte de Tessé y est Lieuteuant General. A l'égard des Gouvernemens des Villes, M. de l'Escouit l'est de Chartres, M. d'Effiat de Montargis, M. le Comte de Coislin de Gien, M. de Chateauneuf, de Gergeau, M. de Bouville de Pithiviers & M. Gedouin de Beaugency.
La Generalité a fourni durant la Guerre deux Regimens de Milices, qui ont été ensuite reformez, comme tous les autres du Royaume. Mess, les Marêchaux de France ont des subdeleguez à Orléans, Blois, Chartres, Montargis, & Yenville, lesquels sont de nouvelle création : il y a dans les mêmes Villes & dans le Chef-lieu de la plûpart des Elections, des Compagnies de Maréchaussée, ou des Lieutenans de Robe-courte, savoir à Orléans 3 Compagnies, une à Blois, une à Vendôme, une à Chateaudun, une à Montargis ; les Prévôts de Chartres & de Gien sont nommez Vice-baillifs ; à Dourdan & à Pithiviers, il n'y a que les Lieutenans de Robe-courte, il faut joindre à ces Compagnies celle du Guay d'Orléans.
Etat de la Justice.
Quant au Gouvernement Judiciaire de la Generalité, tout ce que l'Auteur en dit est reduit à ceci, que toute la Generalité est du ressort de Paris, ou qu'elle est divisée en 4 Baillages, ou Senêchaussées principales, qui sont Chartres, Blois, Orléans & Montargis, en chacun desquels il y a des Présidens établis, savoir les 3 premiers sous Henri II, en 1551, & le 4. sous LouïsXÎII, en 1635. Celui d'Orléans s'étend aussi loin que la Duché, dont les mouvances bornent la jurisdiction.
Baillage. d'Orleans.
Et comme on a dit qu'il est composé de 10 Chatelainies, il faut d'abord suppo qu'elles forment ensemble le Corps du Baillage, divisé en 10 Siéges, en chacun desquels un Lieutenant du Bailly connoit en premiere instance des causes de tous les privilegiez & des appellations de justices subordonnées, telles que les Prévotez, Chatelainies & Justices particulières des Seigneurs : les Prévôts étoient établis pour juger des causes populaires & de la Police des lieux de leur demeure, mais la plûpart de leurs fonctions ont été réunies aux Baillifs, & elles ne sont à présent séparées que dans les Châtelainies d'Orléans, Beaugency & Lorris, le Prévôt d'Orléans est si considérable qu'il ne cede à aucun Officier du lieu, ni par rapport à ses fonctions, ni par rapport au prix de sa Charge ; quant aux Justices Seigneuriales, elles sont plus ou moins étendues, selon la nature & la quantité des fiefs ; par éxemple, la mouvance d'Yenville s'étend sur plus de cent vassaux nobles, celle d'Yeufe-le-Châtel sur 55, & celle de Neufville sur 22 ; mais aucune de ces Chatelainies subalternes n'est plus étendue que la Châtelainie d'Orléans qui comprend du côté de la Beauce les Chatelainies de Meung, Pithiviers, Hiers, la Ville Toury, Gierval & Angerville ; du côté de la Sologne, la Ferté Senneterre, la Salle lès Clery, Thory en Sologne, la Mothe-Beuvron, Vousoy, Gergeau Chatillon. sur Loire, & enfin du côté du Gastinois, S. Benoît, Boisseaux & le Mólinet, avec leurs dépendances, la Ferté est comprise dans ce nombre, malgré son érection en Duché, faute d'avoir indemnisé les Officiers d'Orléans,
ORLE ANS.
Le Bailly d'Orléans a droit de tenir des Assises dans les siéges de sa dépendance irnmédiate, qui sont au surplus indépendans les uns des autres & ressaisissent tous au Parlement de Paris hors les cas Présidiaux, qui vont à Orleans, à l'éxception des sieges de Lorris, & de Chateau-Renard qui vont à Montargis, depuis l'érection de ce Présidial : le Baillage d'Orléans renferme aussi les appellations de Gien, celles de la justice de Seure près de Blois & celles de la Duché de Sully qui fut distrait en 1606, par l'érection de cette terre en Duché-Pairie, pour Maximilien de Bethune, qui l'avoit achetée 40 ans auparavant de Mademoiselle de la Trimouille qui la possédoit comme heritiere de Marie Dame de Sully & de Craon, femme de Guy de la Trimouille, surnommé le Vaillant, vivant sous Charles VI. Cette Marie, fille, étoit unique de Louïs de Sully & d'Isabelle heritiere de Craon.
Baillage de Chartres.
. ressort du Baillage & Présidial de Chartres est aussi très-étendu, car outre la Prévôté & les 4 Mairies de la Ville, il renferme la Prévôté Royale deBonneval & plus de 150 Justices Seigneuriales, telles que Illiers, Courville, Mestay, Vert-Gallardon, Anneau, Annet, Breval, NogentleRoi, Maintenon avant sa distraction ; mais de plus ce Présidial s'étend aux Baillages de Mortagne, Belefme, Brefolles, Senonchal, Chateauneuf en Thimerais, Dourdan, Estampes & la Mairie de Lormies ; il y a aussi par appel de la Chatelainie d'Yenville, les 5 Baronies du Perche-Goyet qui sont Alluye, Pirou, Autun, Montmirail, & la Bazoche, nonobstant les protestations des Officiers du Baillage d'Orléans, lesquels sont fondez sur un ancien arrêt qui leur avoit ajugé le ressort sur la poursuite du Duc Charles d'Orléans, pere de Louïs XII. Cette Jurisdiction, à présent si étendue, étoit, du tems des Comtes de Chartres, bornée à la Ville & à un assez petit terrain ; sur quoi il faut savoir que la Comté de Chartres, ancien Membre de la Duché de France, ayant été cedée, sous le Roi Charles le Simple, aux Normands & à Thibaut dit le Vieil, ou le Trichard, qui fut aussi Comte de Blois & de Tours, sa posterité l'a possédée de mâle en mâle jusqu'en 1218, que Thibaut VI. Comte de Champagne & X. de Chartres mourant sans hoirs mâles laissa ses deux tantes Marguerite & Elizabeth ses heritiers ; la premiere fut Comtesse de Blois & la seconde de Chartres, quelle porta à Sulpice d'Amboife, elle épousa 1. Richard, Comte de Beaumont, 2. Jean, Comte de Soissons, mais étant morte sans enfans en 1254, le Comté de Chartres revint à Jean de Chatillon, Comte de Blois, héritier de Marguerite sa mere, lequel mourut en 1280, laissant d'Alix de Bretagne sa femme, Jeanne de Chatillon mariée à Pierre de France, Comte d'Alençon, fils de S. Louïs, lequel mourut en Calabre au retour d'Afrique : cette veuve vendit la Comté de Chartres au Roi Philippe le Bel en 1284, & celui-ci la donna en appanage à Charles, Comte de Valois, son frere, qui en jouït jusquà sa mort arrivée en 1325 : celui-ci la laissa à Philippe son fils qui étant parvenu à la Couronne, y réunit la Comté de Chartres, & il y avoit 243 ans que cette union subsistoit, lorsquen 1528, François I. l'érigea en Duché-Pairie, en faveur de Renée de France Duchesse de Ferrare, sa belle-soeur ; Anne d'Est sa fille dans la Maison de Savoye Nemours, & Henri Duc de Nemours le remit au Roi Louïs XIII, qui la donna à M. de Gaston son frere, à titre d'appanage sur lequel M. le Duc d'Orleans la possede encore aujourd'hui.
A l'égard du Baillage de Blois, il en faut dire autant que de celui d'Orléans, puis que ces bornes s'étendent ausiì loin que la Comté de Blois, à l'éxception des démembremens qui en ont été faits, savoir de S. Agnan, érigé en Duché-Pairie & de Menars, érigé en Marquisat, au moyen dequoi on y a établi des Baillages particuliers, dont il sera parlé dans la fuite, les Chatelainies Royales deRomorantin & deMelancey du côté de la Beuvre ; tout le Dunois, c'est à dire, le Baillage de Chateaudun avec les Chatelainies de Marchenoir, Freteval, Morée, Courtalin, le Pleffis d'Echelle, Molitard, Potay, Chateauvieux : du côté du Midi il s'étend jusqu'à Chateauroux, & embrasse les Justices de Chiverny & de Selles, de Valency, Brusseal, Leuroux, Vatan, Meneton, Sur-
ORLEcher,
ORLEcher, la Ferté, S. Agnan & la Prévôté Royale de Chambórt, les appel lations de toutes ces Justices sont portées au Parlement, à l'exemple de ces Présidiaux ; celles des Baillages de S. Agnan & Menars n'ont point d'éxception, & vont en tous cas au Parlement ; le Baillage de Chateau-Renard a été aussi anciennement distrait de celui de Blois, quoique nouvelle Comté, par une ordonnance du Roi Charles VI, qui en établit le ressort devant le Bailly de Touraine.
L'Histoire de la Comté de Blois, a une entiere connexité avec celle de la Comté de Chartres, puis que ces Dignitez ont été possédées par les mêmes Seigneurs & les mêmes Maisons ; cependant l'Auteur en cherche l'origine au dessus de Thibault le Vieux, dans les enfans de Thiedbert Comte de Martrée qui furent, à ce qu'il dit, successivement Comtes de Blois, savoir Guillaume & Robert I, freres, Robert II, fils du dernier qui leur succéda, & qui est selon le systheme de Dubouchet, celui qui a été surnommé le sort, lequel fut élevé à la dignité de Marquis de France par Charles le Chauve en 861 ; il ajoute qu'après lui Robert III. & Hugues le Grand, Pere de Hugues Capet, furent successivement Comtes de Blois, jusqu'à ce que le même Hugues le Grand, en 923, l'inféoda avec plusieurs autres terres à Thibaut le Vieux, qui est la Tige de la Maison de Champagne dans laquelle il est demeuré jusqu'à Marguerite, fille de Thibaut V, & héritiere de son neveu, Thibaut VI, laquelle fit 3 mariages, & du dernier avec Gautier d'Avesnes n'eut qu'une fille, Marie d'Avesnes, laquelle porta la Comté de Blois à Hugues de Chatillon, Comte de S. Paul, en 1225 ; Jean de Chatillon son fils y réunit la Comté de Chartres par la mort de Mahaut d'Ambroise sa cousine en 1254 ; de sa femme, Alix de Bretagne, il eut Anne de Chatillon, qui vendit au Roi la Comté de Chartres, & qui par sa mort laissa celle de Blois à Hugues de Chatillon, second du nom ; à celusci succédèrent Guy I, Louïs II. Jean II, lequel vendit la Comté de Blois à Louïs Duc d'Orléans en 1391, duquel le petit fils Louïs XII. la réunit à la Couronne. Le même Roi Louïs XII, François I, Henri II, qui aimoient ce Canton de la France, y ont bâti non feulement le beau Château de Blois, le plus somptueux Palais de ce tems-là, mais encore celui de Chambort qui est grand, spacieux, singulier dans toute sa construction ; les Etrangers observent sur tout celle de son escalier. Le Roi * regnant y a fait quelques Bâtimens nouveaux, & yaétabliune Prévôté Royale. Le Duc d'Orléans, Gaston de France, fils de Henri IV, se trouvant confiné au Château de Blois après la fin des Guerres Civiles de la minorité du Roi, y a fait commencer l'Edifice d'un nouveau Château sous la direction du vieux Mansard & sur les sondemens de l'Ancien ; le Bâtiment est élevé & couvert, mais les planches & la distribution des dedans n'est pas faite. On louë son Architecture éxterieure, comme un des plus beaux morceaux qu'il y ait en France. Le côté du vieux Château, qui subsiste encore, renferme une Sale celebre pour la tenue des Etats du Royaume, qui y ont été assemblez par deux fois sous le regne d'Henri III ; on y voit aussi les appartemens du même Prince & de la Reine Catherine de Medicis sa mere, mais sur tout on y remarque l'endroit où le Duc de Guise fut massacré en 1588, aussi bien que le lieu où le Cardinal son frere fut renfermé & poignardé le lendemain ; mais ces magnificences des tems passez sont bien effacées par la somptuosité du Palais Episcopal pour la conservation duquel le Roi a fait une libéralité de 100000 l. & donné la permission de vendre les hauts-bois, compris dans les menses Abbatiales unies à l'Evêché, on a choisi pour cet édifice la plus avantageuse situation ; on y a élevé des terrasses d'une hauteur prodigieuse, & l'on n'a rien négligé de tout ce qui pouvoit embellir une telle maison,
A l'égard de la terre de S. Agnan démembrée, comme il a été dit, de la Comté de Blois, elle a été successivement possedée par les Maisons de Douzy, de Chatillon, de Bourgogne & de Châlons, où elle entra par le mariage d'Alix de Bourgogne Comtesse d'Auxerre avec Jean de Châlons en 1274 » Marguerite de Châlons Comtesse de Ton*
Ton* XIV.
ORL ANS.
nere la porta à Olivier Dusson, Seigneur de la Sale-lès-Claray. Louise d'Husson leu ? arriéré petite-fille épousa en 1446, Merry de Beauvilliers Seigneur de la Ferté-Imbert Bailly de Blois, d'où elle a passé à M. le Duc de S. Agnan, en faveur duquel elle fut érigée en Pairie l'an 1665. M. le Duc de Beauvilliers son fils la possédé aujourd'hui.
Menars érigée premierement en Vicomté, depuis en Marquisat, est l'une des terres les plus qualifiées du Blaisois ; on peut dire des plus belles par rapport à son Château, ses. jardins & sa situation ; elle est possedée par M. de Charron de Menars, Président à Mortier au Parlement, frere de seuë Mademoiselle Colbert.
Comté du Dunois.
11 feste à Parler du Dunois stui trouve encore aujourd'hui l'une des plus grandes terres du Royaume, à l'égard de laquelle il faut distinguer la Comté & la Vicomté, toutes deux réunies en la personne de Louïs de France, Duc d'Orléans en 1390 & 1391 : la premiere par la vente qu'en fit Guy de Châtillon, & la seconde par une confiscation sur pierre de Craon, dont il a été déja parlé ; l'Auteur remarque à ce sujet que quoique les Vicomtes, originairement les Lieutenans des Comtes, néanmoins lors de la formation des fiefs chacun d'eux prit sa portion de l'étenduë où il rendoit auparavant la justice & l'établit en fief séparé ; Geoffroy, Seigneur de Nogent le Rotrou & Rotrou, Comte de Mortagne possédoit la Vicomté de Chateaudun dans le XI. Siécle, d'où elle avoit passe à la Maison de Craon ; Charles Duc d'Orléans, fils de Louis, Acquéreur de cette grande Seigneurie, la donna dans la fuite à Jean son frere naturel, Tige de la Maison de Longueville, finie en la personne de Mademoiselle la Duchesse de Nemours, qui a institué pour ses héritiers les enfans de Monsieur le Chevalier de Soissons, en vertu dequoi le Duc de Luynes petit-fils du Duc de Chevreuse est aujourd'hui Comte du Dunois par son mariage avec Mademoiselle de Neuf-Châtel ; les appellations de la justice ressortissoient de tout tems au Baillage de Chateaudun, comme il paroit par plusieurs titres ; au surplus on voit dans cette Ville une grosse Tour qu'on tient avoir été bâtie par Thibaut le Vieux, Comte de Chartres.
Baillage de Montargis.
Le Baillage de Montargis, qui est uni au Présidial, s'étend sur la Prévôté Royale de cette Ville & sur les environs, les principales Justices de son étenduë sont, Chatillon sur Loing, Noyon, le Païs de Puissaye, S. Fargeau, Blesmau, Villiers, S. Benoît, Bonny sur l'Oise, Villemande, Amilly & Chalette.
La Duché de S. Fargeau érigée en faveur de la Maison de Bourbon Montpensier, a été donnée par feuë Mademoiselle d'Orléans à M. le Duc de Lausun qui l'a depuis venduë au Sieur Croisat riche négociant. Châtillon a été érigé en Duché en faveur du Comte de Luz, fils puisné du Maréchal de Luxembourg en 1696 : toutefois comme les Officiers de la justice de Montargis n'ont point été dédommagez pour leur distraction, les deux terres sont encore comprises dans le Baillage ordinaire, la Jurisdiction ordinaire du Présidial qui s'étend encore plus loin, renferme les Justices Royales de Chateaulandon & de Joigny du côté d'Auxerre, la Chatelainie de Chateau-Renard dans l'Election de Gien & celle de Lorris dans le Gâtinois, qui toutes ont sous elles diverses autres Justices : parmi ces dernieres, il faut remarquer Bellegarde, érigée en Duché en 1646, mais qui n'ayant point été vérifiée en Parlement, est retombée dans sa premiere qualité ; cette terre est possedée par M. le Duc d'Antin.
M. Demailles est Bailly d'Orléans, M. d'Armenonville de Chartres, M. le Marquis de Saumery de Blois, & M. le Marquis d'Effiat de Montargis. Les Corps des Officiers de chaque Baillage Présidial est composé de deux Présidens, un Lieutenant General, qui est Commissaire Examinateur ; un Lieutenant particulier, à l'Office duquel est uni celui d'Assesseur ; un Lieutenant Criminel, un Chevalier d'honneur, deux Conseillers honoraires, 22 autres Conseillers, deux Avocats, un Procureur du Roi, les Greffiers sont engagez ; il faut toutefois remarquer qu'à Chartres il n'y a que 6 Conseillers, & 14 à Blois, 12 à Montargis ; chaque Baillage a un Commissaire aux Saisies réelles, un Receveur des Consignations & divers autres Officiers, il y a 84 Procureurs à Orléans, yo Huist
ORLEANS.
fiers Notaires : le Chatelet de cette Ville a comme celui de Paris le Privilege du sceau & attribution de jurisdiction en conséquence.
Dourdan.
Il reste à parler des Baillages considérables qui sont dans la Généralité, Dourdan, Gien & Vendôme : l'Auteur ne parle point de Clamecy, qui est une dépendance de la Duché de Nevers : le Baillage de Dourdan n'est ni étendu ni considerable, il fait partie des appanages de M. le Duc d'Orléans ; on ne voit pas qu'il ait été séparé du Domaine du Roi depuis Hugues Capet ; Henri II. l'avoit engagé à M. le Duc de Guise ; le Roi Louïs XIII. le.... Le Comte de Ste. Mesme en est Bailly d'Epée.
Le Baillage de Gien est beaucoup plus étendu depuis Ozoyer sur Loire jusqu'à Ozo yer sur Tresée : il renferme diverses justices : ses appellations sont portées au Parlement ou au Présidial d'Orléans ; Gien est une petite Ville qui a titre de Comté, laquelle fut cedée par Louïs XIII, en échange des Principautez de Château-Renard & Lon'gchamps, a passé à M. le Chancelier Seguier ; de lui à Madame la Duchesse de Verneuil & d'elle à M. le Duc de Sully son héritier.
Le Baillage de Vendôme renferme le Haut & le Bas-Vendômois, il est divisé en quatre Chatelainies ou Siéges particuliers, qui sont Vendôme, Montoife sur Savigny & S. Calais, elles ont 87 Paroisses dans leur ressort, plusieurs petites & hautes justices. Les appellations de tous ces Siéges sont relevées à la justice des grands jours de Vendôme établie en 1515, en faveur de Charles de Bourgogne, premier Duc de Vendôme.
A l'égard de l'Histoire particnliere de cette terre, on prétend que Bouchard I. Comte de Vendôme, avoit part à la faveur de Hugues Capet, & qu'il étoit l'un de ses Feudataires. En qualité de Duc de France, ses Descendans ont possedé cette belle terre jusqu'à Bouchard IV, Comte de Vendôme, lequel n'ayant laissé que deux enfans de Jeanne Gonthieu son épouse, maria Catherine sa fille, laquelle devint heritiere, par la mort de son frere Bouchard VII, avec Jean de Bourbon Comte de la Marche par contract de l'an 1364. Louïs de Bourbon leur fils en a jouï après eux : il fut prisonnier des Anglois à la bataille d'Azincourt & pere de Jean, aussi Duc de Vendôme, qui le fut de François mort à Verceil en Piemont, après la bataille de Fernone, celui de Marie de Luxembourg eut Charles, en faveur duquel se fit l'Election, & qui fut pere d'Antoine, Roi de Navarre ayeul d'Henry IV, qui étant parvenu à la Couronne avec expresse déclaration qu'il n'entendoit point que les Domaines particuliers y fussent censez réunis, comme il s'étoit pratiqué à l'égard de plusieurs de ses Predecesseurs, disposa de la Duché de Vendôme en faveur de son fils naturel César, qu'il avoit eu de Gabrielle d'Estrées, Duchesse de Beaufort, pere de Louïs Cardinal de Vendôme, dernierement mort en Espagne : On voit dans l'Eglise Collégiale de S. George les Tombeaux des anciens Seignieurs de Vendôme & ceux des Princes de Bourbon tous fort negligez, mais particulièrement le cercueil ouvert & très-hideux de la Reine Jeanne d'Albret, mere du Roi Henri IV, à la honte, si on ose le dire, de leur Royale Postérité.
Les quatre grands Baillages de la Generalité ont chacun leurs coûtumes particulières, quoique dans leur étendue il se trouve quelque éxception. Le Vendomois luit la Coûtume d'Anjou à la difference de quelques articles qui concernent la proprieté des biens des puisnez nobles, la garde des mineurs & l'usufruit pour le mari & la femme survivant des biens de la Communauté, le détail de ces différens usages seroit infini.
Des Forêts.
Il reste à parler des Forêts & des jurisdictions établies pour ce qui les concerne, les plus considerables sont celles de Blois, Russy, Boulogne, & Chamhortdans leBlaifois, qui appartenoit au Roi, & celles d'Orléans & de Montargis qui sont de l'appanage : les premieres sont toutes de hauts bois, à l'éxception des reserves des coupes ordinaires, qui sont tous les ans de 30 arpens : le debit s'en fait par la Loire : on ne touchoit point autrefois à celle de Chambort, mais la Vieillesse du bois a enfin obligé à la reduire en coupes règlées. La forêt de Blois, qui est du côté de la Beauce, contient 5300 ar-
ORL ANS.
pens, celle de Russy 6300, celle de Bologne 7769, & celle de Charnbort 4 À COGO La forêt d'Orléans plus considérable par son étendue que par la qualité de ces bois qui sont tous taillis de Chesnes mêlez de Charmes & de Trembles, de l'âge de 40 ans, contient 94000 arpens en bois pleins, mais elle renferme des plaines fort étenduës & des Villages, de sorte que toute sa longueur est : de 20 lieuës sur une largeur de deux ou trois. M. le Duc d'Orleans en possédé 45000 arpens en proprieté & le droit de Gruene sur 45000, dont le fonds appartient à l'Evêque & au Chapitre d'Orléans & à plusieurs Abbayes, Prieurez, Chapitres & Couvents, qui ont chacun leur district : le droit de Gruerie, qui est de la moitié du prix de la vente de ces mêmes bois, doit être fait du consentement des Trésoriers & Propriétaires ; outre cela il y a des Proprietaires particuliers qui possedent en franchise, c'est à dire hors de Gruerie environ 3000 arpens de simples taillis, le prix de toutes ces ventes peut monter, année commune, à 100000 l. à la deduction des droits des Officiers.
La Forêt de Montargis est de 6300 arpens, plantez de Chesnes & Hestres ; le bois s'y coupe à 50 ans, & les ventes sont de 100 arpens, qui produisent, année commune, 45000 l. ce bois est transporté à Paris par la Riviere de Loing, & il est estimé. La Forêt de Dourdan n'est que de 25000 arpens plantez en Chesnes, partie Balliveaux, & 220 arpens de Taillis, dont le débit se fait à Dourdan & aux environs, il y a dans la même Election un bois de Longchamp, ceux de Ste. Mesme, de Rochefort & du Marais, mais ils sont la plûpart plantez. La Forêt de Beaugency n'est qu'un buisson de 800 arpens, plantez en taillis mêlez de Balliveaux ; les autres bois de cette Election appartiennent à des particuliers. M. le Duc d'Orleans y a droit de Gruerie, qui s'étend au cinquième denier de la vente, quand les coupes en sont venduës par les Officiers de la Maîtrise. On ne fait point de coupes dans la Forêt de Romorantin parce qu'elle est fermée par arrêt pour 150 ans, pour donner âge au bois, qui est en très-bon fonds : elle contient 3000 arpens, on y coupe néanmoins quelques Taillis malvenus. Il y a quelques autres Forêts Seigneuriales dans les Duchez de Vendôme, S. Agnan, la Ferté Senneterre & la Comté du Dunois, toutes de Taillis, excepté celles de Marchenoir, & de Freteval. La Forêt de Vendôme a trois quarts de lieuës d'étendue de tous sens. Celle de S. Agnan, dont le débit est à Tours de par le Cher, a 4000 arpens, celle de la Ferté a 37000 arpens, celle de Marchenoir a 4230 arpens, & celle de Freteval 2000 ; le quart de ces deux Forêts est en futaye ; à l'égard des Bois de S. Fargeau & de ceux de l'Election de Clamecy, ce sont des buissons séparez qui ne méritent aucune observation.
Maitrise.
ses. y a dans la Généralité 6 Maîtrises établies pour la conservation de ces Forêts à Blois, a Chambord, à Romorantin, à Dourdan, à Montargis, à Beaugency & à Orleans, du nombre desquelles il y en a trois de la grande Maîtrise de l'Isle de France, quoique l'Orleannois ait deux grands Maîtres alternatifs, chaque Maîtrise a ses Officiers au nombre de 5, sans les gardes. La foret d'Orléans est divisée en 6 jurisdictions, les unes indépendantes des autres qui ont chacune leurs Officiers ressortiffans à la Maîtrise principale établie à Orléans. Outre ces Maîtrises, il y a des Capitaineries établies à Orleans, Beaugency, Montargis, Blois & Charnbort, qui ont leur jurisdiction. M. de Saumery est Capitaine du Chateau du Parc & des Chasses & du Chambord. M. de Menars du Blaifois. Celles d'Orléans & Beaugency, séparées par la Loire depuis 40 ans, ont pour Capitaines, la premiere M. le Duc d'Antin, la seconde M. de Soupertuy, M. le Marquis d'Effiat possédé celle de Montargis, les Seigneurs qui ont des forêts ont aussi leurs Officiers pour connoître des delicts qui s'y commettent.
ORLEANS.
Juridiction.
Les Juridictions des Consuls dans les Villes d'Orléans & de Chartres établies par Edit de l'an 1663, sont exercées par des Marchands choisis entre les autres devant les Lieutenans Généraux de chacune de ces Villes, mais à l'égard des Maires perpétuels créez dans toutes les Villes de la Generalité, il faut éxcepter celle d'Orléans, dont les Maires sont élus par le Corps de Ville tous les deux ans a l'instar de ceux Lyon & de Paris.
On doit à la fin de cet article faire une remarque generale sur l'institution des Officiers dans toutes les terres d'appanages pour observer qu'elles sont pourvûës par le Roi sur la simple nomination de M. le Duc d'Orléans, si ce n'est ceux qui sont établis pour connoître des cas Royaux & privilégiez qui ne reçoivent leur autorité que du Roi, les Grands-maîtres des eaux & forets sont néanmoins pourvus sur la nomination du Duc d'Orléans, qui par une concession particuliere a obtenu la nomination avec le droit annuel & le prêt des Officiers des principaux d'Orléans de Montargis & des Officiers des Finances.
Etat des Finances.
A l'égard des Finances, voici le détail qu'en donne l'Auteur pour l'an 1695 : la Generalité portoit 10808987l. de Tailles, mais on a été obligé de la diminuer dans la fuite, à cause de la distraction qu'on a fait de 27 Villes, Bouigs & Paroisses qui sont aujourd'hui partie de l'Election de la Charité dans la Generalité de Bourges.
L'Ustencille, le fuplement de fourage, l'habillement & l'Etal major des Regimens de Milice pour lesquels on avoit imposé en 1695, la somme de 863764 l. ont monté en 1696, à 938573 l. outre cela la Capitation établie dans la même année 1695, a produit de net 470000 l. porté à la recepte generale & 78611. de remise, accordée aux Receveurs & Collecteurs chargez du recouvrement ; de sorte que depuis 1695, jusqu'en 1698, que l'Ustencille & la Capitation ont cessé, l'imposition de chaque année monte à 3225421 l. ce qui éxcede tellement les forces de la Generalite qu'en celle de 1698, a peine lui reste-t-il celle de payer la Taille fimple sur le pied de la fixaction préfente, qui est 1729604 l. 9s. divisé en 12 Elections dont elle est composée de la maniéré suivante :
Il faut remarquer que les Villes d'Orléans, Montargis, Chartres & Blois ne sont point comprises dans ce nombre, de plus la Generalité est sujette aux Aides & Gabelles, qui produisent au Roi des revenus très-considerables –, la Ferme generale des Gabelles y a 22 Greniers de vente volontaire, qui sont Orléans, Sully, Bois-commun, Gien, Bosny, Cosne, Clamecy & Fargeau, Montargis, Pithiviers, Yenville, Bonneval, Chateaudun, Chartres, Prom, Vendôme, Blois, Montoife, Chiverny, Romorantin, Mercy & Beau-
ORL ANS.
gency, dans lesquels il se distribuë jusqu'à 900 muids de sel, la vente fut portée en 1693, à 980 muids, dont le prix passe 2070000 : mais les deux années suivantes, elle diminua très-considerablement à l'occasion de ce que ceux qui étoient chargez de la conduite des sels sur la Riviere de Loire en distribuerent beaucoup pour leur profit particulier ; on a eu bien de la peine à la rétablir par des punitions & des poursuites rigoureuses contre les vendeurs & acheteurs, toutefois elle est revenuë à 900 muids, & le produit en a été 190000 l.
A l'égard des droits des Aides par rapport à la Généralité, il faut remarquer I°. que celui du papier & parchemin timbré y est compris ; 2°. que les anciens droits d'Aides dans les Elections d'Orléans, de Montargis & de Pithiviers avoient été compris dans l'évaluation des appanages de Monsieur-, 3'. qu'en Pan 1693, Monsieur a remis au Roi ceux des Elections de Montargis & de Pithiviers, a retenu ceux d'Orléans, augmenté huit nouveaux droits d'Aides, à l'éxception du papier timbré, au lieu de 100000 l. de pension annuelle que le Roi lui avoit accordée sur la recepte generale des Finances de la Généralité –, 40. qu'enfin les anciens droits d'Aides à Vendôme & à Beaugency appartiennent à M. le Duc de Vendôme, à ceux de l'Election de Romorantin, aux Dames de Verneuil & de Laval qui les afferment séparement. En cet état les Aides avec les droits, qui y sont joints pour les Elections de Blois, Chartres, Chateaudun, Pithiviers, Montargis, Dourdan, Estampes, qui est compris dans cette Ferme, quoique de la Géneralité de Paris, & ce qui appartient au Roi dans les autres Elections est affermé la somme de 478000 l. entre lesquels le Roi jouït de quelques autres Fermes particulières, telles que les droits sur le Tabac, du Contrerolle, des Exploits, des Actes, des Notaires & du Sceau, lesquelles sont régies séparement & produisent ensemble dans toute la Generalité environ 150000 l.
L'Auteur ne parle point de plusieurs autres droits, tels que celui qui est imposé sur les Métaux, les Chapeaux, les Bas, &c. parce que quoique très-onéreux au public, ils produisent si peu qu'ils ne méritent aucune considération.
Quant aux Aides de la Ville & Election d'Orléans, Son Altesse Royale en a fait un bail général, ainsi que de tous les autres droits & domaines qui lui appartiennent dans la Duché d'Orléans, à l'éxception des Bois & du Canal pour 6 années, pour les deux premieres desquelles les Fermiers ont payé à raison de 190000 l. par an & pour les quatre derniers à raison de 2080000 l. chacune.
Les Domaines compris en ce Bail sont des Péages & droits de Coûtume de la Ville d'Orléans qui peuvent monter à 200000 l. le surplus est peu de chose & consiste en quelques maisons dans la Ville, rentes, droits domaniaux, censuels & féodaux qui peuvent produire par an 8 à 10000 l. les Domaines particuliers de Chartres, Dourdan, Yese, le Châtel, Montargis & Romorantin qui ne sont point compris dans le Bail.
Officiers des Finances.
Les Officiers des Bureaux des Finances. Ceux des Elections & des Greniers à sel ont chacun dans leur détroit la direction des Fermes du Roi & de Son Altesse Royale & la jurisdiction contentieuse dans les affaires qui en dépendent ; à l'égard de la Taille, le Brevet en est envoyé au Bureau qui comme par tout ailleurs députe un Trésorier du Corps pour faire la visite de chaque Election, conférer avec les Elus, & pour dresser du tout un avis qui est envoyé au Conseil : l'Intendant envoye aussi le sien séparément, ensuite desquels les commissions pour l'imposition lui sont adressées conjointement avec les Trésoriers & les Elus, l'Intendant n'appelle que les Elus, & il n'est point d'usage d'y faire venir aucun Trésorier : le Bureau d'Orléans créé premierement par Henri II, puis supprimé, fut rétabli par Charles IX. en 1573 ; il est composé d'un premier Président de la derniere création & de 23 Trésoriers, dont les charges valent 9 à 10000 écus ; leur jurisdiction ne s'étend point sur les chemins Royaux, les Ponts, ni les Chaufsées, qui sont sous la direction particuliere de l'Intendant. Il en fait néanmoins l'adju-
ORLÊ-dication
ORLÊ-dication présence d'un Trésorier commis par arrêt du conseil ; le Bureau ne prend aussi aucune connoissance des Domaines par la raison qu'à l'éxception de la Comté de Blois, il est entierement engagé & fait partie des appanages de Monsieur, qui en donne la juridiction contentieuse aux Lieutenans Généraux de ses Baillages, lesquels reçoivent encore la foi & hommage des vasseaux, les aveux & dénombremens de leurs terres & fiefs.
Chambre des Comples de Blois.
A l'égard des Elections, elles sont composées d'un Président, un Lieutenant Criminel, un Civil & plusieurs Elûs, il y a dans chaque Election deux charges de Receveur des Tailles, l'un ancien & l'autre alternatif, & en quelques-unes un Triennal ; elles sont séparées dans l'Election de Vendôme, mais unies dans les autres Elections ; les jurisdictions des Greniers à sel qui avoient été désunies des Elections en 1694, sont à présent composées d'un Président, un Grenetier, un Receveur, un Controlleur & un Greffier.
Fin de la Generalite d'ORLÉANS.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA GENERALITÉ DES Trois Eveschez, METZ, TOUL & VERDUN, Dressé par ordre de Monseigneur le DUC DE BOURGOGNE en 1698. Par Monsieur TURGOT, Intendant.
METZ, TOU & Vf R"
LE Memoire des trois Evechez est construit d'une maniere si differente de tous ceux qui ont été presentez au Prince, par l’ordre duquel on les a dressez, que l'extrait n'en peut être ni bien clair ni bien suivi. L’Auteur dit d’abord, que le Païs Meslin est entouré de tous côtez des Etats du Duc de Lorraine, de telle sorte néanmoins qu’il confine au Luxembourg du côté de Thionville, mais qu’il a du côté de l’Alsace une grande extension, dans laquelle sont comprises les Villes de Sarrebourg & Moyenvic. Toutefois ce qu'on nomme proprement le Païs Messin ne s’étend point si loin, il se borne selon lui à quatre lieuës de long & de large, au tour de la Ville de Metz, terminées par la Lorraine propre d’un côté ; la Duché de Bar de l’autre ; & par le Luxembourg du côté du Nord, comprenant dans cette espace environ 200 Villages, dont partie appartient à l’Evêque de Metz seul, partie au Roi & les autres sont en partage de l’un & de l’autre. Les principaux de ces lieux sont Ars, Bonbourg, Chatay, S. Germain, où l’on voit les ruines d’une ancienne Ville, qui a été détruite par les Messins, Argency, Donan, Thionville, &c. Le Climat en general y est temperé, & néanmoins plus froid que chaud ; la qualité du terroir y est mediocre, il rapporte peu de froment mais beaucoup de bétail ; le Canton que l’on nomme l’Evêché est le plus grand, étant rempli de bons vignobles, de Noyers, de quantité de ceri siers, dont se fruit se porte à Pont-à-Mousson & à Nancy, où il n'en croit presque pas. Les meilleurs vins sont à Lorry, à Longueville, à Sy, à Lessy, à Ancy, & à Auquy ;
METZ, TOUT & VERon
VERon recueille aussi quelque peu dans le Village d'Ars, où le terrain est pierreux, & cette forte de vins porte le nom particulier de vin de Varennes. A propos de ce vin, l'Auteur remarque une sage précaution de la coutume du Païs, pour la conservation des vignobles, elle condamne à l'amende de 5s. toutes bêtes prises dans la vigne outre la satisfaction de l'interessé ; mais il auroit pû se passer de confirmer la justice de ce regle ment par le droit Romain d'une part, & par le Vieux & Nouveau Testament de l'autre, sur tout la raison qu'il allégué que Jésus -Christ, qui a voulu être nommé la vigne de ses élus, a marqué par là l'estime qu'il faifoit du fruit qu'elle rapporte, par préference aux Moissons, Bois, Prez & autres terres ; cette raison, dis-je, rebute les gens qui s'attendroient à entendre parler M. Turgot en homme solide & de bon jugement. Le terrain de l'Evêché de Metz contient fort peu de bois, & la petite étendue de ceux qu'on voit au territoire de Ste. Marie, Anneville, Roupigny, Camo, Goin, ne meritent aucunement que l'on en fasse le détail. II n'y a pareillement que peu de bois dans l'étenduë du Diocèse de Toul, qui appartient à la France, savoir à Fransey, à Pierre, à Baligny, à Thelod & à Dammartin proche Gondreville. Dans le Diocèse de Verdun il y a une Forêt à Chaumont proche de Bar, laquelle s'étend jusqu'à Bicilly, un autre à Druelle, & trois autres à Blansey, à Oches, & à Tilly ; ainsi ce Canton doit passer pour le plus rempli de bois & le plus couvert de la Province. A l'égard des Montagnes, il y en a dans tous les trois Evêchez, dans celui de Metz à Lucques, à Antilly, la Neufville, Bonfay, Presnoy, Vaudreville, & Plattebourg, proche la Ville de Metz de l'autre côté de la Mozelle ; dans le Diocèse de Toul, il ne s'en trouve aucune digne de remarque, mais dans celui de Verdun il y en a une chaine qui s'étend depuis Rozieres dans le Baillage de Bar-le-duc jusqu'à Emscourt près de Commercy & toutes les Montagnes qui la composent sont considérables.
Les principales Rivieres, qui arrosent les étendues des Evêchez, sont la Meuse & la Mozelle ; la premiere qui prend sa source en Champagne aux Villages, dits Meuse & Montigny-le-Roi, entre bien-tôt en Lorraine, passe à Neufchatel, Vaucouleurs, S. Michel & Verdun, où elle commence à porter bateau en toutes sortes de Saisons, car dans les Saifons.de Printems & d'Automne, où les eaux sont pleines sans être débordées, il en descend quelques-uns de S. Michel, mais la Navigation est si difficile & éxige presque tant de circonstances qu'on ne la doit presque point compter ; on a eu autrefois des vûës pour la rendre perpetuelle, mais l'extrême dépense qu'il auroit falu faire pour cela, en a fait perdre entierement l'idée, outre que le Roi n'y a plus le même intérêt. La Mozelle est une Riviere rapide & qui change souvent de lit, étant sujette à des crues d'eau par la fonte de neiges de la Vosge : elle prend sa source au Village de Bussant sur les frontières. d'Alsace & de Franche-Comté, & reçoit dans son cours quantité de ruisseaux qui descendent de la Montagne, & qui grossissent ses eaux, elle passe à Remiremont, reçoit à Chamery la Riviere de Vologne, après quoi elle coule à Espinal, Chatay, Dombal, Charmes, Bayon, Chaligny, où. le Madon augmente ses eaux à Toul, à Liverdun, au voisinage duquel elle reçoit la Meurte qui vient à Nancy, à Pont-à-Mousson, à. Gorze, à Metz, à Thionville, & à Sierques qui est le dernier lieu qu'elle arrose dans la Lorraine ; cette Riviere se divise en deux Canaux près de la Ville de Metz, l'un baigne ses murailles & l'autre entre dans la Ville par le pont de Bar, il y a une Ecluse par le moyen de laquelle ses eaux peuvent remplir les fossez de la Citadelle ; enfin elle reçoit en cet endroit la Riviere de la Seille qui lave aussi une partie des murailles de la Ville de Metz. On a souvent cherché les moyens d'augmenter la Navigation de cette Riviere pour faciliter le transport des mats de vaisseaux & planches de sapins qu'on fabrique dans la Vosge, on avoit même, dessein d'unir la Mozelle & la Meuze par un Canal entre Toûl & Cagny, mais ces Projets se sont évanouis, sur tout depuis la restitution de la Lorraine. Le Païs est d'ailleurs arrosé par une infinité de ruisseaux & de petites rivieres qui forment de grands & de petits étangs, & cette quantité d'eau nourrit de
METZ, TOUL DUN.
très-excellens poissons, L'Auteur se plaint que la pêche n'est pas assez libre, & que différens Seigneurs s'en attribuent la proprieté, quoique non hauts Justiciers, la coutume qu'il cite pour authoriser la réforme qu'il veut faire à cet égard est néanmoins contre lui, car elle porte que la pêche est un droit Seigneurial ou qui s'acquiert par préscription.
L'Auteur a voulu orner son Memoire de quantité d'observations sur l'ancienne Histoire, mais n'y trouvant rien que de très-commun, & qui ne soit sçû de tout le monde, je ne trouve pas nécessaire d'en allonger cet Extrait : il suffit d'observer son erreur au sujet des premieres conquêtes des François, qu'il dit avoir été les Villes de Treves, de Metz & les autres de la Lorraine, ce qui n'est ni vrai, ni vraisemblable, puis que les François ayant été plusieurs fois repoussez en ces quartiers, firent leurs attaques par la Flandre sous le regne de Clodion, & vinrent s'établir à Tournai & à Cambray, occupant d'ailleurs les rivages de la Mer, d'où ils s'avancerent par la Belgique jusqu'à Paris, qui fut pris par Clovis : On fçait d'ailleurs que la Franconie n'étoit point la Patrie des François, comme il le dit, mais qu'ils étoient établis en Vesphalie, au Païs dans lequel Jules César & Tacite avoient connu les Sinambres, les Cattes & les Brueteres. L'Auteur ne dit rien de particulier au sujet de la Posterité de Clovis, chacun sçait que son fils aîné Theodoric eut en partage le Royaume d'Austrafie, dont le nom, dans la langue originale, signifie le Royaume d'Orient, il comprenoit la Franconie, la Suabe, les bords du Rhin, la Lorraine & toute la Belgique ; c'étoit même le partage de préference, ainsi c'est à tort que l'Auteur la regarde comme un partage inégal à cause du défaut de naissance qu'il attribue à Theodoric par la seule raison qu'il n'étoit pas fils de Clotilde ; ce Prince étoit l'aîné des enfans de Clovis, & tellement distingué entre ses freres qu'il avait long tems commandé les armées du Roi son pere, & lui avoit même acquis de grandes Provinces au delà & au deçà de la Garonne, mais il ne les voulut pas garder pour lui, ni prendre son partage de ce côté-là à cause de la difference du langage, il aima mieux regner sur des peuples qui parloient sa langue naturelle que d'avoir à faire à des sujets avec lesquels il auroit eu besoin d'interprete. Theodebert, premier fils de Theodoric, régna après lui, il étoit petit-fils par sa mere de Sigismond Roi de Bourgogne, ce qui le rendit odieux à ses oncles Lothaire Roi de Soissons & Childebert de Paris, ils lui firent la guerre, mais si fort à leur désavantage que Childebert rechercha la Paix & ne l'obtint de lui qu'à force de présents ; dans la fuite il l'institua même son héritier, mais étant mort peu après sans enfans, sa Couronne passa à Theodobald Prince maladif & foible qui ne dura que près de deux ans ; en sorte que Clotaire de Soissons obtint en 556. le Royaume d'Austrasie, qu'il unit au reste de la France. Sigebert, quatrième ou cinquième fils de ce Clothaire, eut aussi le Royaume d'Austrafie pour son partage, il l'administra glorieusement & le laissa à son fils Childebert, qui fut dans la fuite héritier des Royaumes d'Orléans, de Bourgogne & d'Aquitaine, par la mort de son oncle Gondran Roi d'Orléans : Ce Prince porta la guerre en Italie en faveur de l'Empereur Maurice, il soumit à ses armes une partie du Milanès & toute la Ligurie, où il se trouve encore souvent des monumens du droit souverain qu'il y a éxercé ; tuais il mourut jeune, & laissa ses Etats florissans à ses deux fils Theodebert & Theodoric, Princes illustres dans l'Histoire par leur valeur, mais plus renommez encore par leurs cruelles divisions, qui les firent perir tous les deux en 612. & 613. Les enfans de Theodoric perirent aussi comme chacun le fçait, quoique plusieurs Maisons, qui se qualifient d'en descendre, soûtiennent qu'on se contenta de les dépouiller de leurs patrimoines. Ainsi Clotaire II. le trouva maître de toute la France, mais son fils Dagobert la partagea de nouveau entre ses enfans, sigebert II, qui fut Roi d'Austrasie, & qu'on prétend avoir été canonisé après sa mort ; & Clovis second Roi de Neustrie : le premier fut pere d'un, autre Dagobert que le Maire Grimouard confina en Irlande pour s'emparer de son Etat ; mais l'Usurpateur fut chassé par une revolte generale des peuples qui le livrerent au Roi de Neustrie ; Clovis II, qui le fit mourir en 655, & réunit ainsi l'Austrasie au reste de la France, que
ses enfans partagèrent après lui de nouveau, L'Austrasie à Childeric, lequel la posséda jusqu'en 674. qu'il fut assassiné par Bodile, omme l'Histoire rapporte. Peu de tems après sa mort les Austrasiens rappellerent le Roi Dagobert l'éxilé, qui les gouverna jusqu'en 679. que ce Prince perit par la faction des parens du Maire Grimoald, lesquels s'étans emparez du Gouvernement sous le titre de Ducs des François, maintinrent l'independance d'Austrasie contre toutes les forces de la Neustrie, pendant une longue guerre civile, qui ne se termina que par l'assujettissement de la Neustrie même au Gouvernement de Pepin surnommé de Herstal, & de son fils Charles Martel. Pépin le Bref, qui lui succéda, & à qui la Mairie d'Austrasie servit de degré pour monter sur le trône de la France entiere, chassa & extermina les restes du sang de Clovis qui étoient les veritables possesseurs & héritiers, si toutefois l'on peut ainsi parler par rapport à la succession d'une Couronne qui étoit réellement effective en ce tems-là.
L'Auteur ne dit rien des regnes de Pepin, ou de Charlemagne, & passe immédiatement au partage de Louïs le Débonnaire qu'il fit de ses vastes Etats entre ses enfans ; Lothaire, qui étoit l'aîné, eut sa portion avec le titre de l'Empire & le Domaine de toute l'Italie, l'Austrasie entiere & le Royaume de Bourgogne : C'est de ce Prince & de son fils que l'Austrasie prit une denomination nouvelle sous le Royaume de Lothaire, Loth Reich dont on a fait le nom de Lorraine. Cet Empereur se repentant de la conduite qu'il avoit tenue à l'égard de son pere, se fit Moine dans l'Abbaye de Pruim, & y finit ses jours le 29. Septembre, 855. Le second de ses enfans Lothaire eut l'Austrasie en partage, c'est lui qui eut de si grands demêlez avec le Pape Nicolas I. au sujet de Valdrade sa concubine, qu'il vouloit épouser malgré son mariage avec Thielberge, & ce fut lui qui le premier des Princes sentit le poids des foudres de la Cour de Rome, il ne laissa point d'enfans de sa femme, mais il eut de Valdrade sa concubine Hugues, dit l'Abbé, & plusieurs filles : il mourut en 869 en Italie, au secours de l'Empereur Louïs II. son frere aîné contre les Sarasins ; ses Etats devoient selon le droit commun revenir à ses freres, mais Charles le Chauve, plus puissant & plus voisin de l'Austrasie, se transporta d'abord à Metz & s'y fit couronner le 9. Septembre, 869, il céda pourtant une partie du Païs à Louïs de Germanie son frere, qui n'y avoit pas plus de droit que lui par un Traité qui fut signé à Mersen sur la Mozelle. Depuis ce tems-là la Lorraine a été divisée en haute & basse ; la premiere connue proprement sous le nom de Mozellanique à cause du cours de la Mozelle, qu'elle renfermoit, avec les Diocèses de Treves, de Strasbourg, de Metz, Toul & Verdun-, la seconde dite Ripuaire, comprenant le Brabant & la Flandre moderne. A Charles le Chauve succéda Louïs le Begue son fils, & à Louïs de Germanie ses enfans, Louïs II. & Charles le Gros depuis Empereur & Tuteur du Roi Charles le Simple. Chacune de ses familles conserva sa possession en Lorraine contre les entreprises de Hugues fils de Valdrade, qui reclamoit la Succession de son pere ; ce Prince finit enfin ses jours dans un Monastere, où Charles le Gros le fit enfermer après l'avoir fait aveugler. La Branche de la Maison de Charlemagne s'éteignit bien-tôt, & les Rois de la Maison de Saxe, qui lui succéderent, ne furent pas moins jaloux de la Lorraine, ils contraignirent Charles le Simple premierement en 923, & ensuite Lothaire son petit-fils en 930, de la leur céder entierement, mais l'Histoire remarque que ce fut au regret de toute la Noblesse & des Troupes qui furent mécontentes de cette cession. L'Auteur a eu besoin de ramasser les passages du Continuateur d'Aimouin, de la Chronique de Guillaume de Nangis & de celle de S. Denys, qui justifient le mécontentement general que cette cession causa parmi les Grands. Il ne faut pourtant pas laisser accabler la vérité sous le poids de ces témoignages, car il est vrai que la France étoit alors divisée en deux factions principales, celle qui soutenoit la Maison régnante & la gloire de l'Etat, à la tête de laquelle se trouvoient les descendans des Comtes & Ducs instituez par Charlemagne & son fils, parmi lesquels celui de Poitou & d'Aquitaine étoit le plus puissant sla seconde étoit celle de la Maison appuyée des Rois de l'Allemagne, Hugues
METZ, TOUL & Ver DUN.
le Blanc s'étoit allié chez les Princes de cette Maison, épousant la soeur d'otton I : cette faction tendoit manifestement à dépouiller les Rois pour lors reconnus, & à s'emparer de leur Couronne. Ce fut en effet elle qui obligea le Roi Louis d'Outremer À épouser Gerberge de Saxe soeur de la femme Hugues le Blanc, & lui-même & son fils, qui s'empara du Gouvernement âpres sa mort, obligeant le Roi Lothaire a faire la cession dout il s'agit, qui ne fut désagréable qu'au bon parti, celui de Hugues Capet au contraire en tira son avantage, de porter la division entre les Seigneurs qui a voient pû lui être opposez, & cette intrigue sut tellement menée que sept ans après Hugues Capet fut élevé sur le trône au prejudice de Charles oncle du dernier Roi seul restant du sang de Charlemagne, & conséquemment des anciens Maires ou Princes d'Australie. Quoiqu il en soit, les Rois ou Empereurs d'Allemagne furent en possession, depuis la cession de Charles le Simple, de disposer du Gouvernement des deux Lorraines. Giffebert en étoit Duc en 950, Henri Othon Conrad & Brunon Archevêque de Cologne le gouvernèrent jissqu'en 959 : on rapporte à Gistebert l'institution de la plûpart des grands fiefs qui ont partagé les deux Lorraines, tels que les Etats de Julliers, de Cleves, de Namur, de Luxembourg, de Limbourg, & c. En 977, Charles fils aîné du Roi Louïs d'Outremer reçût la Duché de Basse Lorraine de l'Empereur Otton II, mais cet établissement lui couta cher, car Payant pour ainsi dire tiré de la société des François, on ne songea presque pas à lui, lors que la mort des Rois, Lothaire son frere & Louïs V. son neveu, le rendit héritier de leur Couronne ; il voulut pourtant soutenir son droit contre Hugues, mais le fort de la guerre ne lui ayant pas été favorable, il fut pris prisonnier par son ennemi, & mourut entre ses mains à Orleans en 991 ; Othon son fils mourut en 1005. sans avoir été plus hûreux. Les Empereurs, continuans de disposer de ce Païs le donnerent à Godefroy d'Ardenne, qui le laissa à son frere Gothelon pere de Godefroi le Bossu, lequel mourut sans enfans, & de Ide Comtesse de Boulogne par son mari Eustache II, qui la rendit mere de Godefroy de Bouillon, si renomme dans l'Histoire de la Terre Sainte. Les Croisades ayant enlevé cette Famille hors de l'Europe, les Empereurs disposèrent de la Basse Lorraine en faveur de Henri de Limbourg, qui en fut presque aussi-tôt dépossédé & elle fut donnée à Godefroi de Louvain, duquel sont sortis en droite ligne les Ducs de Brabant, dont le fief a toûjours conservé en Allemagne le nom de Lothier ou Loth Reich, dont nous avons montré l'origine.
Quant à la Haute Lorraine, dont l'Histoire est plus essentielle à ce Mémoire, il est certain que le Gouvernement en fut commis du vivant même de l'Archevêque Brunon, qui conserva toute sa vie le titre d'Archiduc, à Frédéric frere d'Adalberon Evêque de Metz, lequel Frederic fut pere de Thierry & celui-ci de Frederic II, lequel ne laissa que deux filles incapables suivant les Loix Françoises de succéder aux Fiefs & Dignitez de leur pere. C'est ce qui obligea l'Empereur Conrad le Salique d'en confier le Gouvernement à Gothelon qui avoit déja celui de la Basse Lorraine, mais ce Prince étant mort sans enfans mâles, l'Empereur disposa de nouveau de la Haute Lorraine, & la donna à Albert de Namur, qui avoit épousé une des filles de Gothelon : ils moururent encore sans enfans, de sorte que l'Empereur Henri III. la donna en 1048. à Gérard d'Alsace, Tige de l'illustre Maison qui la possedé encore aujourd'hui, mais qui n'a rien de commun avec Godefroi de Bouillon & encore moins avec Charles de France Duc de Lorraine, mort sous le regne de Hugues Capet, comme nous l'avons marque. Au reste, on ne peut tenir pour certain que les Etats Ecclésiastiques & Séculiers, qui se sont formez dans l'étenduë des deux Lorraines, doivent leur établissement & leur conservation à l'indulgence & à la facilité des Empereurs Allemands, qui loin de vouloir dominer avec dureté sur les peuples, qui leur étoient soumis, donnoient eux-mêmes à tout le monde la liberte, en accordant des privileges & des exemptions aux Princes & aux Villes, à la saveur desquels chacun jouïssoit de ses biens avec tranquilité. On ne sauroit toutefois disconvenir que cette facilité trop grande n'ait dégénéré en foiblesse, & que la Majesté de l'Empire
TOUL oDUN.
n'en ait été avilie, pendant que la trop grande liberté des sujets a donné lieu aux divisions domestiques, qui ont troublé le repos des particuliers : cela fait voir qu'il n'y a rien de si bon dans le principe, dont les hommes n'abusent, & qu'ils ne tournent à leur pr pre ruine ; mais il faudroit plus de Rhétorique que n'employe l'Auteur, pour me persuader de la mauvaise intention, qu'il attribue à ces Princes Allemands ; & du malheur qui excite sa compassion pour les peuples qui ont eu à obéïr à des Princes si debonnaires. Les Evêques & les Villes de Metz, Toul & Verdun, eurent part à cette beneficence gerìerale des Empereurs, & acquirent à ce titre, les uns la liberté, les autres des Domaines assez considerables pour tenir dans la fuite le rang de Princes Ecclésiastiques, & de devenir Membres de l'Empire ; mais le détail des moyens dont ils se servirent pour parvenir à ce terme, n'est point l'objet que l'Auteur s'est proposé, il se borne à justifier le droit de Souveraineté absoluë que le Roi y éxerce à présent.
Le fondement principal qu'il lui donne, est l'ancienne possession de la Couronne de France, possession inaliénable & successible de sa nature, & contre laquelle on ne sauroit justement opposer ni le Traité du Roi Lothaire avec l'Empereur Othon, ni celui de Charles le Simple, ni l'usurpation des Empereurs, quoiqu'elle paroisse avoir acquis le droit d'une possession legitime par la longue préscription de tant de Siècles. Cependant il reconnoit qu'on pept dire en faveur des Ducs de Lorraine, que leurs droits & possessions ont été confirmez, non seulement par un consentement tacite de nos Rois durant 503 ans, mais par les alliances qu'ils ont faites avec la Maison de France, savoir celle du Duc Charles III. avec Claude de France fille du Roi Henri II ; celle de la Reine Louïse de Lorraine Vaudemont avec le Roi Henri III ; & enfin celle du Duc de Bar, & ensuite de Lorraine avec Catherine soeur du Roi Henri IV, & ce d'autant plus que les Rois de France, qui ont eu le plus d'éxactitude à se faire rendre hommage de la partie de la Duché de Bar mouvant de leur Couronne, n'ont jamais rien reclamé sur les autres biens des mêmes Princes. Les choses avoient subsisté en cet état jusqu'en l'an 1631, que le Duc Charles II. s'étant attiré l'indignation du Roi Louïs XIII. mérita que ce Monarque le dépouillat totalement de ses Etats, il s'ensuivit plusieurs differens Traitez qui n'ont point eu d'éxecution jusqu'à celui de 1660, qui est le fameux Traité de pacification des Pirénées par lequel furent stipulées, en divers articles, plusieurs clauses sous lesquelles sa Majesté consentoit que le Duc entrât en possession de ses Etats ; savoir, que les fortifications de Nancy seroient démolies ; l'Artillerie & autres munitions emportées ; que la Place de Moyenvic, appartenant à l'Empire & à l'Evêque de Metz, cedée par le Traité de Munster, demeureroit à la France, conformément au dit Traité de Munster, encore qu'elle soit enclavée au milieu des Etats de Lorraine ; que pareillement la Duché de Bar demeureroit à la même Couronne en son entier, avec la Comté de Clermont & son Domaine, les Prévôtez & Terres de Stenay, Dun & Jamets avec tous leurs revenus, Places, Villages & Territoires –, s'obligeant en outre le Duc de Lorraine à livrer passage au travers de ses Etats aux Troupes Françoises, commandées pour l'Alsace & autres lieux sous l'obéïssance du Roi, comme aussi de fournir aux sujets de trois Evêchez une certaine quantité de sel de ses salines, au prix qu'il étoit réglé en 1631. avant la guerre. Le septième article contenoit pour derniere clause, que le Roi ne seroit tenu au rétablissement du Duc qu'en fournissant par lui un Acte de ratification authentique de l'Empereur & de la Diète des conditions précédentes. Les conditions, quoique nettement éxprimées, ne purent néanmoins avoir une entiere éxécution ; il en falut venir à un second Traité qui fut signé le dernier Fevrier 1661, par lequel en éxplication du précédent il fut dit & convenu définitivement, entre le Roi & le Duc, que les articles concernant Nancy & Moyenvic seroient éxécutez selon leur forme & teneur, mais qu'à l'égard de la Duché de Bar dont le Roi s'étoit retenu la possession, il la rendroit au Duc sous les conditions suivantes, que sa Majesté a desirées & dont le Duc est demeuré d'ac-
METZ, TOUL & VERcord.
VERcord. Que îeRoi retiendra les Places de Causiman, de Salfbourg & de Phalsbourg pour en jouir propriétairement en exemption de toutes hypothèques. 2. Que le Roi retiendra à lui la Place de Sierk avec 30 Villages de sa dépendance à son choix, qui sera fait par Commissaires à ce Deputez. 3°. Que sa Majesté retiendra à elle pareillement la partie du lieu & Prévôté de Marville, qui appartenoit au Duc, comme au Duc de Bar, l'autre moitié ayant été cedée à la France par sa Majesté Catholique par le Traité des Pirénées. 4°. Que le Roi retiendra pareillement tous les droits de souveraineté sur l'Abbaye de Gorse & ses dépendances, & que le Duc y renoncera formellement, en conséquence dequoi la disposition & collation de certe Abbaye appartiendra à sa Majesté nonobstant l'union qui en avoit été faite à l'Eglise Primatiale de Nancy comme aussi en recompense & dédommagement le Roi consent que l'Abbaye de l'Isle en Barois y soit unie à la premiere ouverture de vacance, promettant à cet égard donner tous Actes & confentemens nécessaires pour poursuivre par le Duc la dite réunion en Cour de Rome. 5. Le Duc renonce à tous droits de souveraineté & propriété sur le lieu & dépendance de Malatour entre Metz & Verdun, & en fait toute cession à sa Majesté. 6. Le Duc renonce aux mêmes droits & les cede à sa Majesté sur les lieux de Marcheville, Harville, le Beuville & Mezeray situez sur la riviere de Sarre & leurs banlieuës. 7. Le Roi retient à foi la proprieté de la saline de Moyenvic, qui appartenoit au Duc, en conséquence de Péchange qu'en avoit fait le Duc Charles avec l'Evêque de Metz par Traité de l'année 1571 ; promet néanmoins de n'y faire fabriquer aucuns sels, parce que toutefois si sa Majesté changeoit de dessein à cet égard elle ne pourroit rétablir la dite fabrique qu'en déchargeant le Duc de la moitié de la fourniture de 400 muids de sel & de la moitié du payement de 45000 l. Baroifes, que le Duc est obligé de fournir aux Evêques de Metz en conséquence du Traité de 1571, & de Péchange des salines de Moyenvic & de Marsal ; bien entendu que tant que le Roi ne se servira point des dites salines, le Duc continuera la dite fourniture de 400 muids de sel, le payement de 45000 l. Baroises annuellement, sans en pouvoir prétendre aucune diminution. 8. Le Roi retient & le Duc céde en toute proprieté le chemin de la Côte de Desme, avec les lieux de la Sogne, Moucha, Grinches, Chambray & Bousticourt, en de la de Vie, Lafy, Douvelay, Doriange, Assudange, Groudrelange, & LIennegent près Laurisan & Sarrebourg, ensemble toutes les terres nécessaires pour former un chemin de demi lieuë de Lorraine de large, qui puisse servir à conduire les troupes du Roi depuis Metz jusqu'en Alsace, à commencer le dit chemin depuis le dernier Village du Païs Meslin jusqu'à Phalsbourg inclusivement, & à continuer sans interruption dans la dite étendue & largeur : pourquoi il sera planté des bornes de bonne foi, par l'autorité des Commissaires, qui feront nommez de part & d'autre ; bien entendu qu'en les Domaines & dépendances des lieux ci-éxprimez, compris dans l'étenduë du dit chemin sétendant au delà de la largeur specifiée, le Duc en aura la proprieté & souveraineté comme auparavant, & qu'à l'égard des terres & domaines qui se trouveront dans la même étendue dépendantes de quelques autres ci-dessus spécifiez, la proprieté demeurera au Duc, qui fera tenu d'en faire hommage au Roi, huit jours après la signature du Traité, parce que sa Majesté aura l'entiere & absoluë souveraineté de la dite étenduë pour devenir à l'avenir unie à la Couronne, ainsi que celle des autres lieux cedez & retenus par le présent Traité ; à l'effet dequoi le Duc reitére sa renonciation, remet le serment de fidélité qu'ils lui ont prêté, les quitte de toute obéissance, sujection & vassalage. 9°. Le Duc remet au Roi tous ses droits & prétensions pour les jouissances précedentes que sa Majesté a eu de ses Etats ; ensemble il s'oblige à maintenir le bail general de ses revenus fait par l'Intendant de justice, ci-devant établi en Lorraine, au nommé Cervisier jusqu'à l'éxpiration d'icelui, après quoi il s'oblige de fournir aux sujets des trois Evêchez la même quantité de sel de ses salines, & au même prix qu'il étoit pratiqué en 1631, parce que sil arrivoit que le nombre des peuples augmentât, de sorte que la dite
METZ, TOUT & VERquantité
VERquantité fut suffisante, le Duc promet en faire fournir telle quantité d'augmentation qu'il conviendra en payant par le Roi la dite quantité un quart au dessus du prix de l'année 1631. io0. Le Roi s'oblige à n'établir aucun péage ni droit nouveaux sur les rivieres de la Sarre & de la Nire, si ce n'est de concert & avec le consentement du Duc, à l'éxception toutefois des lieux de Sarrebourg & port de Causiman où il se reserve d'en user ainsi qu'il lui plaira. 11°. L'on tient en Surséance la restitution qui étoit à faire par le Duc du Château de Hombourg, Comté de Saverdun & Prévôté de Herbefhein, au Comte de Nassau Sarbruk, ainsi que du poste de Landstout au Baron de Sickingen, le Roi se reservant en qualité de Garant du Traité de Munster de concourir aux résolutions des Etats de l'Empire qui seront prises à cet égard & de soûtenir le jugement qui sera par eux rendu.
Droits dûs sur les 3 Evêchez.
Ce Traité, en vertu duquel le Duc de Lorraine fut remis dans ses Etats, doit être regardé d'une part, comme le sçeau de la souveraineté & indépendance du Duc, & de l'autre comme le titre particulier de ce qui appartient au Roi hors de l'étenduë des trois Evêchez, qu'il possédé à titre bien different de celui-là, & que l'Auteur entreprend ensuite de justifier de la même maniere que les précédens, La Ville de Metz, le Païs Messin & les trois Evêchez ont eu le gouvernement particulier établi par l'autorité des Empereurs, le détail s'en trouvera dans la fuite ; il suffit quant à présent d'établir que l'Evêque de Metz avoit la véritable souveraineté sur la Ville & l'Evêché. Quelques Auteurs François & étrangers ont prétendu que les habitans de cette Ville avoient achêté leur liberté de Godefroy de Bouillon, lequel, dans la nécessité où il se trouvoit d'avoir des fonds pour soutenir son entreprise d'Outremer, fut obligé d'aliéner une partie de ses Etats, mais l'Auteur soutient après les plus éclairez sur cette matiere que jamais Godefroy de Bouillon n'a eu la souveraineté de Metz, & que les Evêques la tenoient de la concession faite par l'Empereur Othon II. à l'Evêque Theodoric successeur d'Adalberon en l'an 977. L'Auteur convient néanmoins que les habitans avoient leur liberté, & qu'ils en jouïssoient à quelque titre que ce fut, mais pour établir son système, il a besoin de faire voir que c'étoit une indeuë possession, il ajoute que, malgré les entreprises des Citoyens, l'Evêque conserva toûjours dans la Ville la disposition de la justice & le droit d'y battre monoye, ce qu'il prouve par la possession où étoit l'Evêque d'établir tous les ans, au jour de la Purification, les juges nommez les Treize ; il créoit aussi le Maître Echevin le jour de S. Benoît d'hiver, & il recevoit dans une espèce de trône, que l'on élevoit dans la Place de S. Etienne, le serment de fidélité des nouveaux Echevins ; à l'égard de cette monoye, les Auteurs, qui ont le mieux traité cette matiere d'Antiquité, assirent que l'Evêque a toûjours eu ses coings, dont il confioit l'administration à tels des Bourgeois qu'il vouloit choisir. De ce principe l'Auteur conclud, que comme le droit de rendre la justice en dernier ressort, & celui de battre monoye sont inviolablement attachez à la souveraineté, il s'ensuit que les Evêques, qui les ont éxercez dans la Ville de Metz, en étoient véritablement souverains. On pourroit répondre bien des choses à un Auteur qui pose tant d'axiomes sans principes, comme si, par éxemple, il n'étoit pas évident que le droit de l'Evêque, tel qu'il le puisse feindre, étoit un droit emané de l'Empire, & qui, par conséquent, n'a aucun rapport à celui que les Rois de France y avoient en qualité de Successeurs de Clovis ou de Charlemagne : & encore, comme si le droit de justice & le droit de battre monoye avoient été toûjours en France unis aux droits supremes de la Royauté, lors qu'il y a tant d'éxemples du contraire, puis que la Justice est un droit de fief, & la monoye un droit d'usage que les Rois n'ont retiré que depuis un tems très-moderne. Ainsi il paroit que le zèle de cet Auteur n'est aucunement secouru de la science ; mais il y a plus, car de la maniere dont il s'y prend, il ne sauroit éviter de tomber en contradiction, en effet voici comment il continue.
METZ, TOUL & Ver DUN.
En 1556, le Cardinal de Lorraine Evêque de Metz, successeur du Cardinal de Lenoncours, Ht un Traité avec le Roi de France Henri II, par lequel ce Monarque reçût en sa protection l'Evêque de Metz, & ses successeurs avec l'Abbaye de Gorze, ensemble tous & chacuns leurs sujets de l'un & de l'autre. Ce Traité renferme 4 choses notables, la premiere, que l'Evêque cede au Roi la souveraineté de la Ville de Metz & Païs Messin, avec les droits qu'il avoit sur tous les deux, spécialement ceux de Justice & de Monoye, & autres qu'il y prétendoit. La seconde, que l'Evêque a éxpressément réservé sa souveraineté sur les terres qu'il possédoit en propre, & qu'on nomme encore terres de l'Evêché, dont Vic est la Capitale, ou est sa résidence & son Chateau avec le Conseil de sa Justice composé d'un Lieutenant General & d'un Chancelier, d'un Procureur aussi General & de quelques Conseillers. La troisième & quatrième sont l'acceptation que le Roi fait de la protection de l'Evêque & de son temporel & de l'Abbaye de Gorze pareillement. L'Auteur se forme ensuite des objections, & dit que les Allemands soutiennent que l'acceptation de la protection, loin de renfermer celle de la souveraineté, lui est contradictoire, que l'Evêque a pû chercher un Protecteur puissant & à sa bienséance, mais qu'il n'a pû se donner à d'autres qu'à son souverain naturel, sans son consentement.. A quoi il répond, que dans le même tems de cette acceptation de protection, le Roi a eu à défendre la Ville de Metz contre toutes les Forces de l'Empereur en personne, pourquoi il fit de nouvelles dépenses & sacrifia des sujets naturels ; d'où il conclud que cette défense étant l'effet d'une protection pareille à celle qu'il auroit pû donner à son propre Domaine, il l'a convertie dans le principe en son Domaine effectif, joignant & confondant essentiellement le titre de protection à celui de proprieté.
A dire le vrai, un semblable raisonnement merite plus d'indignation que de replique. De quel front proposer de telles Maximes à un Prince instruit & clair voyant ? Henri II, en défendant la Ville de Metz contre Charles Quint, lui accordoit-il une protection effective, ou plûtôt ne refusoit-il pas à l'Empereur & à l'Empire la possession de leur propre bien, dont il s'étoit emparé par droit de bienséance ou de conquête ? La dépense qu'il a pû faire en telle occasion, lui pouvoit-elle donner le droit de retenir injustement ce qu'il avoit pris sans droit & sans justice ? D'ailleurs le Traité fait avec l'Evêque est de l'année 1556. postérieur au siége de 4 ans. Mais il n'est pas encore tems d'éxaminer comment Henri II. s'empara des Villes Episcopales & des trois Evêchez. L'Auteur appuye auparavant son raisonnement de l'authorité de M. Dupuy, & dit que le droit de protection ne consiste point dans un acte continu, mais qu'il ne peut être employé que dans les.occasions, qu'ainsi il n'est point nécessaire que le Roi défende toûjours ces Places contre des ennemis étrangers, il suffit qu'il soit en état & en disposition de les défendre, mais cette disposition prochaine ne se trouve que dans l'éxercice de la souveraineté actuelle, dont les Rois de France ne se sont jamais départis, depuis que Henri II. eut reçû le serment de fidélité des habitans de Metz. En effet par une fuite de la protection accordée aux Evêques, ils sont demeurez en possession des droits regaliens dans les lieux éxprimez par le Traité de 1556, & non seulement l'Evêque de Metz, mais ceux de Toul & Verdun ont conservé le titre & la qualité de Princes de l'Empire n'ayant ni comparu aux Diètes, ni concouru en dépense commune, en cela fondez sur la protection de la France, tant il est vrai que l'honneur d'un tel avantage exclut toute autre dépendance. Enfin l'Auteur employé un dernier argument & à peu prés de la force des précédents ; le voici, lors que Marsal étoit encore de la dépendance de l'Evêché de Metz, il fut fortifié des deniers de sa Majesté, & ayant été jugé une Place suffisante pour assurer la protection du Roi, il y fut mis à ses dépens une grosse garnison, qui pourvoyoit toutes les autres Places de l'Evêché de Metz, il fut fortifié, & fournit les dites Places de gens de guerre, selon les besoins & les occasions, ainsi y étant arrivé en 1565. que le Cardinal de Lorraine, Evêque de Metz, fit publier un sauvegarde de l'Empereur pour toutes les terres de l'Evêché, Salcede Gouverneur pour le Roi de la
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Ville de Marsal, & le Maréchal de Vieilleville Lepeaux Gouverneur de Metz s'oppo serent à cette publication, comme injurieuse à la protection du Roi, ils firent passer des Troupes qui s'emparerent de Vic Capitale des Etats de l'Evêché, & il s'en forma une petite Guerre, qui fut nommée la Guerre Cardinale, laquelle enfin fut terminée par un ordre éxprès de la Cour, qui commanda au Maréchal d'évacuer ces Places saisies, & de les mettre en l'état qu'elles étoient auparavant. En l'an 1594, il se fit un Traité à S. Germain-en-Laye entre le Roi Henri IV. & le Duc de Lorraine Charles, dont l'article 31e. porte que la Ville de Marsal demeurera au Duc de Lorraine & à ses Successeurs, au moyen d'une recompense convenuë au profit de l'Evéque & de l'Evêché, mais le Roi, qui vouloit bien gratifier le Duc de Lorraine, à cause de leur étroite alliance, fondée sur le mariage de sa soeur avec Henri Duc de Bar fils aîné du Duc & son heritier présomptif, ayant depuis prévû les dangereuses conséquences de cette cession pour l'avenir, fit défendre au Chapitre de Metz de la ratifier. En effet, dit l'Auteur, il est évident que l'Evéque étoit éxtremement lezé par cet échange. Reflexion faite sur la maniere dont l'Auteur appuyé le droit de nos Rois, & sur l'idée qu'il en donne, on pourroit juger, vû les fastidieuses & dégoutantes raisons qu'il employé, qu'il a eu plûtôt dessein de le détruire que de l'établir ; ces sortes de justifications sont toûjours trèsdangereuses à traiter, lors que l'on sçait que dans le principe il y a moins de justice que de raison d'Etat, il convenoit donc bien mieux de rapporter le fait tel qu'il est, & de fonder le droit du Roi sur l'indemnité de la dépense où il fut engagé en 1551. par les Princes & Etats de l'Empire, puis que c'est effectivement la meilleur raison qu'on puisse donner à l'occupation des trois Evêchez, voici comme la chose se passa.
Occupation des trois Evêchez par Henri II.
Les Princes Protestans d'Allemagne, s'étans liguez par un Traité fait à Smalcade pour obtenir la liberté de Conscience, suivant leur Confession de Foi, qui fut présentée v Ausbourg, furent vivement attaquez par les forces des Catholiques, à la tête desquels étoit l'Empereur Charles Quint ; ils perdirent en 1547. la celebre bataille de Mulberg, dans laquelle l'Electeur de Saxe Jean Frédéric fut pris prisonnier comme le Landrave Philippe de Hesse le fut bien-tôt après, de sorte que leurs affaires étant à l'éxtremité & toute l'Allemagne ayant à craindre de perdre l'hûreuse liberté, dont este avoit jouï sous les Empereurs précédens, les Princes recoururent à la protection d'Henri II. en l'an 1551. Ce Monarque envoya aussi-tôt une puissante armée à leurs secours sous le commandement du Connêtable de Montmorency, lequel, chemin faisant, s'assura des Villes de Verdun & de Toul, qui étoient déja sous la protection de la Couronne, depuis environ 150 ans ; & à l'égard de la Ville de Metz, il s'empara d'icelle pareillement, après y avoir été reçu par l'entremise du Cardinal de Lenoncourt Evêque, qui gagna quelques-uns des principaux habitans, & par leur moyen fit consentir les autres à recevoir le Connêtable avec un nombre limité de Troupes. Il faut ajouter que la division qui étoit entre les familles de Gournay & de Heu, les deux principales de la Ville, au sujet de la rupture d'un mariage qui s'étoit proposé entr'elles, ne contribua pas peu à cette resolution, qui fit perdre à la Ville de Metz le nom & la liberté des Villes Impériales* qu'elle avoit eu pendant plus de 500 ans. Le Connêtable de sa part pour hâter la résolution de la Ville écrivit des lettres réiterées, tant aux partisans secrets de la France, qu'au Conseil public, par lesquelles il leur faisoit envisager l'interêt sensible qu'ils avoient à la conservation de la liberté d'Allemagne, le service signalé qu'ils rendroient aux Princes qui avoient appellé le Roi à leur secours, & enfin qu'ils obligeroient tous ensemble & personnellement un puissant Roi leur voisin, qui n'avoit que des desseins salutaires pour l'Empire en general & pour eux en particulier ; en un mot, il s'éxpliqua si bien qu'il persuada. Il fut reçu avec un certain nombre de Troupes, on se trompa au compte & il en entra le double de ce qui étoit permis ; enfin elles entrerent toutes, & les Troupes marquerent le logis du Roi qui y vint lui-même 8 jours après, accompagné d'onze à douze cens Ducs, Comtes, Vicomtes, Barons & autres Seigneurs de remarque,
METZ, & qu
tous dignes, selon l'Áu'teur, d'assister à la prise & possession, ou plutôt au recouvrement d'une des plus belles Villes de l'Europe, où la Monarchie Françoise avoit pris naissance & qui étoit consacrée aux Successeurs de ceux qui l'avoient formée, tant par la dignité de la Capitale du Royaume d'Austrasie, que parce que c'étoit le lieu destiné d'ancienneté à la cérémonie de leur Sacre. Entre les Grands qui accompagnerent le Roi à cette expedition, on remarque particulièrement Antoine Duc de Vendôme, depuis Roi de Navarre, Jean Comte d'Enghuien, Louïs Prince de Condé, Louis Comte de Montpensier, Charles Prince de la Roche sur Yon son frere, tous du nom de Bourbon ; les Ducs de Guise, de Nevers, d'Aumale, de Nemours & d'Elbeuf tous Princes étrangers ; les Comtes de Rhingrave & de la Rochefoucault ; les Seigneurs de Villars, Tendes, de la Rendau, Foix, de Chatillon & d'Andelot Coligny, les Maréchaux de S. André, de Bourdillon, & c. Ainsi on ne sauroit douter de la noblesse d'une telle Assemblée ; le malheur est qu'il semble qu'elle n'eut été formée que pour devenir spectatrice d'une étrange perfidie, car l'Auteur ajoute que dès que le Roi fut entré dans la Ville de Metz, il s'y fit reconnoître pour Seigneur souverain, qu'il se fit prêter le serment de fidélité & d'obéissance, & qu'il établit un Gouverneur, savoir le Sieur de Gonnor frere du Maréchal de Brisac avec une forte garnison. Enfin pour ne pas laisser son principal dessein inconnu il fit couper en deux l'écusson des armes de l'Empire, qui se voyoit au lieu le plus éminent du Choeur de l'Eglise Cathédrale, & à la place il fit éxposer un tableau qui s'y voit encore avec un H, premiere lettre de son nom, environnée de fleurs de lys & de croissans, accompagné de cette Inscription,
EIENRICUS SECUNDUS FRANCORUM REX, GERMANICI & SACRI IMPERII PROTECTOR.
Cette conquête établie, le Roi marcha à Sarbourg & à Saverne dont il s'empara, il s'approcha de Strasbourg, qui donna des vivres à son armée, mais elle ne se laissa point flatter par l'idée de la protection qu'il lui vouloit accorder, enfin il se saisit de Hagueneau, qui fut le terme de ses Conquêtes, parce qu'il reçût en ce lieu le remerciement des Princes Allemands, qui lui apprirent que la terreur de ses armes avoit conservé efficacément leurs libertez, puis que Charles Quint avoit acquiescé par le Traité de Passau à la meilleure partie de leurs demandes, & avoit ordonné la liberté à l'Electeur de Saxe & au Landgrave ses prisonniers ; le Traité fut conclu au mois d'Août de l'an 1552, & on n'oublie pas de dire que c'est cette Paix fatale qui a affermi l'heresie in Allemagne, comme si l'Empereur eut pû faire mieux dans cette conjoncture, où trouvant ses Etats divisez & envahis par une Puissance formidable, il n'avoit qu'à pacifier le dedans pour repousser après l'étranger.
Mais ce n'étoit pas assez, l'Empereur vouloit reprendre ce qu'il en coutoit à l'Empire, nmarcha donc a Metz avec toutes les iorces Catholiques ôz Luthériennes reùnies ; il reprit Hagueneau, Saverne & Sarbourg à son passage, il s'arrêta inutilement à Landau seize Jours, pendant lesquels le Roi, pour preparer la Ville de Metz a la défense, ruina tous ses fauxbourgs, particulièrement celui de S. Arnoul, qui étoit aussi grand que la Ville & fermé comme elle de bonnes murailles. Les Eglises & l'Abbaye où étoit la sepulture de LOUïS le Debonnaire, de Hildegarde sa mere, & de ses soeurs furent pareillement abbattuës, on transporta les reliques des Saints & les ossemens des morts, & dans la fuite le Roi fit élever un Mausolée à Louïs le Debonnaire dans l'Eglise des Jacobins, dont composa lui-même l'Epitaphe. Avec ces sages précautions & la bonne défense que rendirent 1000 hommes commandez par François Duc de Guise, & un nombre éxtraordinaire de Princes & de Seigneurs qui s'étoient enfermez avec lui, Charles Quint se morfondit devant la Place, depuis le 20. Octobre 1552. jusqu'au I. Janvier 1553 ; c'est à dire, deux mois & deux jours. Il avoit disposé sa premiere attaque du côté d'une coline nommée la belle Croix, qui étoit l'endroit leplus foible de la Ville ; pour l'induire en erreur,
METZ, Em-& VERle
VERle de Guise écrivit au Roi une lettre envoyée par un exprès, qui avoit ordre de se laisser prendre, & par cette lettre il marquoit qu'il ne craignoit rien tant que l'Empereur l'attaqueroit par le côté de la belle Croix, ajoutant qu'il seroit embarrassé s'il etoit attaqué avec la même vigueur du côté de la porte de S. Thibault & de Serpenoire. L'Empereur dônna dans le piège, il changea son attaque, & le Duc profita si bien de son erreur, qu'il fortifia dans ce moment le côté de la belle Croix d'un rampart admirable qui s'y voit encore, en sorte que quand l'Empereur voulut reprendre sa premiere attaque, il trouva le poste hors d'insulte par le moyen de cette fortification. Le méchant succès de ce siege donna occasion aux Poetes de faire des railleries piquantes de Charles Quint, & ce ne fut pas un des moindres motifs qui porterent ce Prince à faire son abdication le 25. Octobre 1555.
Le Traité du Cardinal de Lorraine avec le Roi succeda à cette défense, & mit, selon l'Auteur, le droit de la Couroune dans une évidence incontestable, de sorte que sa Majesté devint le Souverain réel & effectif de la Ville de Metz & Païs Messin, comme il en étoit déja le Protecteur & Défenseur. Le Traité de Chateau-Cambresis où l'Empereur n'eut point de part laissa cette partie de la Lorraine entre les mains du Roi, mais comme il mourut incontinent après, l'Empereur Ferdinand, pensant profiter de la faiblesse de l'âge de François II, son Successeur, envoya en France une députation solemnelle, à la tête de laquelle étoit l'Evêque de Trente, pour redemander les trois Evêchez qui appartenoient à l'Empire ; le Chancelier Olivier, qui étoit du Conseil du Roi, prévint toutes les résolutions qu'on auroit pû prendre, répondant que son avis étoit de faire couper la tête à quiconque opineroit en saveur des Prétensions de l'Empereur.
Depuis cette tentative l'Empereur n'a plus inquieté la France à ce sujet, jusqu'à l'établissement du Parlement de Metz en 1633. Le Ministre de l'Empereur se plaignant alors de ce que le Roi, qui ne pouvoit avoir d'autres qualitez que celle de Protecteur des trois Villes, de leurs Prelatures & Territoires, vouloit abolir les justices ordinaires & le droit naturel qu'avoient les peuples d'en appeller à la Cour Impériale, pour établir une souveraineté absoluë. Enfin le Traité de Munster, conclu le 24. Octobre 1648, a terminé les plaintes & les contestations reciproques par l'article 48, dont voici la substance. La souveraine puissance sur les Villes & Evêchez de Metz, Toul & Verdun & leurs droits & territoires nommément sur Moyenvic appartiendra désormais, à perpétuité & irrévocablement à la Couronne de France, en la même maniéré que jusqu'à présent elle a appartenu à l'Empire Romain, réservant le droit de Métropolitain à /'Archevêque de Freves,
L'Auteur dit d'abord qu'il est improbable que les peuples de ces Cantons, en subissant le joug des Romains & ensuite celui des François, embrassèrent successivement les loix des uns & des autres, mais que néanmoins la forme de leur Gouvernement étoit éxtrèmement barbare avant la séance de l'Evêque Bertrand ; que les procès ne s'y traitoient point par écrit ; que les moindres difficultez se vuidoient en champ de bataille & à coups de mains –, qu'il n'y avoit point d'autres supplices que la suffocation & l'épanchement du sang ; que la plupart des criminels étoient noyez dans la riviere de Mozelle, & que le pdnt aujourd'hui nommé des Morts a pris de là sa dénomination.
Pareiges ou Pairages.
Les Evêques ont petit à petit debrouillé ce cahos, Bertrand institua la Charge de Maître Echevin & la rendit respectable, il établit le Conseil des Treize, les Amans & les Arches publiques pour chaque Paroisse. Le Gouverneur & les Magistrats étoient toûjours tirez du Corps des plus nobles familles, car même du tems de l'Evêque Vala l'an 880. les Nobles gouvernoient la Cité, & pour cela même ils étoient hommes de l'Evêque & Pairs de l'Evêché. On juge que c'est de ce principe que sont venus les Pareîges ou Passages qui étoient au nombre de fix, dont cinq étoient Nobles & le sixième Commun : chaque Passage Noble étoit composé de plusieurs familles nobles, en sorte que forte que la totalité des Pairages comprenoit toute la Noblesse de la Ville partagée en cinq quartiers, qui portaient le nom de Pairage de la Mozelle, Pairage de la Jurcie, de S.
Septaines. Autres Of ¬ ficiers.
Martin, de la porte Sailly & d'outre Seille. Chacun de ces quartiers avoit ses armes particulières, outre celles communes à toute la Ville & celle de chaque famille ; le Pairage de Jurcie portoit d'or à l'aigle de fable sans membres ; le Pairage de S. Martin, de Gueules à trois pesans d'or ; le Pairage de la porte de Sailly d'or à une tour de sable crenellée ; & enfin Celui d'outre Seille portoit Chevronné d'or & d'azur ; le Pairage Commun n'avoit d'autres armes que celles de la Ville qui sont d'argent parti de sable. On voit encore une infinité de titres publics & particuliers, où sont apposez les six sceaux de Pairages, & c'étoit alors Punique maniéré d'asservir la validité des Actes. De ces Pareiges ou Pairages on choisissoit douze hommes à la pluralité des voix, deux pour chacun & tous ensemble avec le Maître Echevin qui étoit a la nomination de l'Evêque, qui composoient la Justice desTreize, qui jugeoit définitivement tant au Civil qu'au Criminel sauf l'appel à la Chambre Impériale. Le Maître Echevin portoit l'épée, & il acquérois tellement la Noblesse par l'éxercice de sa Charge, qu'il la communiquoit a la parenté de sa femme. On voit par les Chroniques de la Ville, qu'il ne commença d'être usité de choisir dans les Pairages qu'en l'an 1300, il devint triennal assez peu de tems après son établissement, & cette triennalité n'étoit pas tellement fixée qu'il ne pût être continué 1, 2, 3, 4 ou plusieurs fois, pourvû qu'il renouvellât tous les trois ans son serment : il avoit droit de faire battre monoye au coing de ses armes & de celles de la Ville, & les pieces ainsi frappées étoient nommées Echevines & par corruption Auguinez. Il avoit aussi le droit d'en faire frapper d'autres à ses armes particulieres, pour distribuer au peuple ou à ses amis dans les jours de cérémonie, tels étoient les droits & fonctions des Maîtres Echevins. On choisissoit dans les Pairages quatre Septaines, c'est à dire, quatre fois sept personnes, savoir les sept de la guerre, les sept de la monnoye, les sept des portes & les sept du pain qui avoient chaque Septaine leur intendance sur des matieres de leur ressort & de leur nomination. Les Douze avoient encore des Emplois bien difserens de leurs fonctions de Juges ; quatre d'entr'eux avoient la direction de l'Hôpital avec l'Intendance sur certains fonds & villages qui en dépendoient, le Gouverneur de l'Hôpital leur rendoit compte, & ils le rendoient au Corps de Ville assemblé. Du nombre des Douze se prenoit encore le Changeur, dont la fonction étoit de recevoir les plaintes pour torts, griefs, injures & effusions ; les amendes encourues étoient à son profit ; plus le Trésorier des Bâtimens, dont la fonction étoient d'administrer les deniers destinez aux réparations & entretiens du Palais, de la Justice, des ponts, murailles, fontaines, & ports. On prenoit enfin dans le même nombre le Maréchal des logis de la Ville, dont les fonctions étoient de distribuer le logement des soldats chez les Bourgeois, selon l'éxigence des cas. Voilà ce qu'on peut remarquer de plus précis touchant les Officiers superieurs de la Ville de Metz. Les seconds en ordre étoient les Maires, qui partageoient la Ville en trois, de forte qu'il y avoit la Mairie de la Mozelle, celle de la Porte Sailly, & celle d'outre Seille avec chacun leur étenduë & leur juridiction ressortissant au Conseil des Treize. Les Amans étoient les troisièmes, ils étoient & sont encore établis pour recevoir les Actes publics en la maniere des Notaires & Tabellions, & il y en avoit autant que de Paroisses, en sorte que l'on dit encore que l'Aman de Ste. Croix, l'Aman de S. Victor ou de S. Martin. La Chronique de Metz fait encore mention des Preud'hommes, qui furent établis en 1302, & supprimez en 13 25 –, desAadeurs ouEfuvadeurs qui étoient préposez à la garde de quelque chose qui n'est plus ; comme Desvouez, Advouez, Avocats, qui étoient les Protecteurs particuliers de certaines Eglises ou quartiers de la Ville ; d'un Legisiateur, qui avoit droit de faire des Ordonnances & les Evêques en ont pris quelquefois la qualité du Juge, que l'on confond apparemment avec le Maître Echevin, on en trouve de la premiere dénomination en 1058. & 1080. enfin des Ducs & des Comtes qui étoient des Dignitez que les Evêques remplissoient eux-mêmes, quand il leur plaisoit, & dont ils étendoient & reserroient le pouvoir à leur discretion, comme il paroit par une Charte de l'année 1058, conservée à S. Clement, par laquelle
Droits des Evêques.
Adalberon III. régla le pouvoir & les prétensions du Seigneur Oivic Voué de Metz sur l'Abbaye de S. Clement. D'ailleurs les Evêques, comme nous l'avons dit, avoient le droit d'établir le Maire, Echevin, le Conseil des Treize, les Amans, Preud'hommes, les Esuvadeurs, & en general il n'y avoit point d'áuthorité légitimé dans la Ville, qui ne fut émanée de la leur. Les choses avoient duré en cet état jusqu'à l'occupation du Roi Henri II. & même depuis, le Prince ni ses successeurs n'ayant rien voulu changer à l'ordre établi ; mais il plût au Roi Louis XIII. en 1641. de supprimer la Charge de Maître Echevin, avec le Conseil des Treize, & en leur place il créa un Baillage, dont il fit Chef le Gouverneur de la Ville, & le composa d'un Lieutenant particulier de dix Conseillers & un Avocat du Roi ; & à l'égard des affaires particulieres de la Ville, il voulut qu'elles fussent administrées par un Maire & dix Echevins, qui seroient renouveliez de deux en deux ans, parce néanmoins qu'à chaque année l'on ne changeroit que cinq Echevins.
L'ordre veut qu'après ce détail historique on traite en particulier des ; Villes principales du Département, commençant par la Ville de Metz. L'Auteur dit qu'elle a été connuë des Romains sous le nom de Divodunum Mediomatricum, & dans le moyen âge, sous celui de Metae ou Uris Metenfis, qu'elle a pris selon lui d'un Metius Suffetius, General de quelque partie des Troupes de Jules César, il en donne pour garant une pierre trouvée il y a cent ans, où les vers suivans étoient gravez :
l'empore quo Caefar sua Gallis intulit armu, l'une Mediomatricum divifit Metius Urbem, Suffetius dederat nomen cui Metius Urbi.
L'Auteur ajoute que Metz a Treves au Septentrion, & qu'elle en dépend pour le spirituel, parce qu'elle en dépendoit autrefois pour le temporel lors qu'elle étoit dans la Metropole de la Belgique ; qu'elle a Verdun à l'Occident & Toul au Midi ; que son enceinte, quoique diminuée de moitié, est si grande que l'on lui donne cent pas de tour, mais qu'autrefois & avant la démolition de ses fauxbourgs, elle avoit quatre lieuës Francoises de circuit. Elle est habitée d'un peuple très-nombreux, riche & industrieux, qu'il fait monter à 20000 familles & 90 personnes, auxquelles le voisinage de l'Allemagne donne une grande facilité pour le Commerce : Les murailles en sont belles & fortes, garnies de plattes formes, de tours & de batteries, avec de très-bons ramparts ; la Citadelle de quatre bastions est habitée, outre la garnison, de plusieurs artisans qui y débitent : des vins & eaux de vie pour l'usage des soldats. Il y a une Sinagogue de Juifs dans cette Ville, qui est la feule de la domination du Roi, où cette Nation ait le libre exercice de sa Religion ; la Cathedrale dédiée à S. Etienne est grande & de belle construction, on y voit un vase antique de porphire de dix piez de long, qui sert à présent de fonds baptimaux, On compte de plus dans cette Ville quatre Abbayes d'hommes, S. Arnoult, S. Vincent, S. Clement, S. Siphorien ; & trois de filles, S. Pierre, Ste. Marie & Ste. Glossme, il y a d'ailleurs un grand nombre des Communautez Religieuses avec un College de Jesuites. Entre les divers événemens arrivez à la Ville de Metz, il est nécessaire de faire mention du Siège qu'y mit le Roi Charles VII en l'année 1444, en faveur de René Duc d'Anjou & de Lorraine, les Bourgeois ayant vû consommer leur Païs pendant sept ou huit mois, le racheterent enfin au moyen de 300000 florins d'or, ils en donnerent 200000 au Roi, & quitterent le Duc René de 100000 autres en deduction des sermens qu'il leur devoit.
Toul.
Toul, en Latin Tullwn Leucorum, est une Ville ancienne bâtie sur la Mozelle, entre Metz & Langres à peu de distance de Nancy, on prétend qu'elle fut convertie à la Foi Catholique par S. Mansuet Disciple & Compagnon de S. Clement Apôtre de Metz ; c'est le siege d'un Evêché, Principauté de l'Empire & d'un Baillage institué par nos Rois : On y compte 2500 familles & 10000 personnes ; le Diocèse en est st étendu, qu'on lui
METZ, & VctL
Verdun. Thionville. Marsal. Moeurs comnunes.
donne communément 1600 Paroisses de Juridiction, la Ville se nommoit autrefois Toul la d°rèe a Cause d'Une ceinture dorée qui eniouroit ces murailles : il s'est tenu plu sieur Conciles à Toul ou dans sa dépendance, aussi bien qu'à Metz mais l'Auteur a remis d'en parler dans l'article qu'il prétend donner sur l'état de l'Eglise. Verdun, connu dans les Commentaires de César sous le nom de Virodunum, est situé au bord de la Meuse & au sommet d'une colline, d'où on descend sur le rivage par une pente douce & aisée ; c'est le siège d'un Evêché & d'un Baillage érigé par nos Rois. Les Evêques en étoient Seigneurs, & en la qualité de Comtes de Verdun, ils étoient Princes de l'Empire il n'est point nécessaire de dire de quelle maniere elle tomba entre les mains de Henri II, mais il importe de savoir, que près d'un Siécle auparavant, le Roi Louïs XI y avoit autant de crédit que s'il en eut été Souverain, & qu'il se defit del'Evêque, lequel pré voyant ce qui arriva dans la fuite, s'opposa de toutes ses forces à cette grande autorité. Outre la Cathedrale qui a eu un beau & grand Chapître, il y a l'Abbaye de Ste. Van nés à présent enfermée dans la Citadelle, cette Maison est le chef d'une Congrégation Reformée de l'Ordre de S. Benoît. La Ville est belle, grande & riche, habitée par 2800 familles & 10700 personnes ; on prétend que S. Vausin Disciple de S. Denys de Paris en a été le premier Apôtre, & qu'il en a fondé l'Evêché, où il se trouve seule ment 120 Paroisses. Thionville, bâtie sur la Mozelle, est une Place dépendante de la Duché de Luxembourg, mais qui en a été distraite par différentes conquêtes ; le Duc de Guise la prit la premiere fois en 1558, elle fut depuis rendue à la Maison d'Autriche ; reconquise par le feu Prince de Condé en 1643, & enfin cedée à la France par le Traité des Pirénees. Cette Ville a été le Théatre de plusieurs grandes actions, Charlemagne y tint une grande Assemblée en 806, & y fit le partage de ses Etats entre les enfans quil avoit alors. En 835. il s'y tint un Concile ou l'Archevêque de Rheims, qui avoit prononcé la sentence de déposition contre Louïs le Debonnaire, fut lui-même déposé ; enfin cest aujourd'hui une Place si bien fortifiée qu'elle peut passer pour une des meilleures de l'Europe. Longwy, Montmidy, Stenay, Samets font, & ont été des Places importantes, qui sont encore comprises dans ce Département, mais il n'a pas plû à l'Auteur den rien dire. La premiere est nouvellement fortifiée, la seconde, qui est aussi un ancien Membre de la Duché de Luxembourg, a été cédée à la France par le 41.article du Traité des Pirénées. Marfal, Moyenvic & Morhange ont été cedées à la France, quant la proprieté, par le Traité de Munster ; il n'y a plus que la premiere qui soit fortifiée, les salines de la seconde produisent un profit très-considerable. Phalsbourg est encore une Place très-bien fortifiée, aussi bien que Sarre-Louïs, dont l'Auteur ne dit pas un mot, se contentant d'ailleurs de nommer les Villes de Sarrebourg, Veselife ChatoDieuse & Nomeny, ajoutant qu'il est inutile d'en donner aucun détail.
Il passe ensuite à l'énumeration des Peuples, & comme il a marqué le nombre des habitans des trois Villes Episcopales à 25600 familles, 11700 personnes, non compris les Ecclésiastiques, Religieux, Religieuses, les Valets de livrée, & les servantes étrangères, c'est à dire, non nataires du Département, il dit que le reste de la Generalité comprend aussi 25300 familles, mais que comme elles sont plus nombreuses à la campagne, que dans les Villes, on y compte 245000 ames, ce qui fait en total 50900 familles & 350700 personnes, non compris les valets & servantes, qui ne sont pas nez dans le Païs. Les Ecclésiastiques, Prêtres, Chanoines, Curez, Clercs & autres desservans les Eglises des trois Diocèses montent à 5000 ; les Religieux à 800 ; les Religieuses à 880. Total 6680 personnes deVouées au service des Autels. Les Gentilshommes & Bourgeois de la Generalité vivent tous à la Françoise, & pour peu qu'ils soient à leur aise ils ont la coutume d'envoyer leurs enfans à Paris pour apprendre leurs éxercices, s'ils sont d'épée ; ou pour faire leurs études, tant au Latin qu'au Droit pour la Langue Françoise. A l'égard des gens de la Campagne, le peuple y tient beaucoup des moeurs Allemandes, par un effet du voisinage, & parce que plusieurs d'entr'eux sont effectivement Allemands, & qu'ils en parlent le
METZ, TOUL
langage. Ils sont en général extrêmement simples, très-laborieux, & aiment la paix & sa liberté, ils sont vaillants, &, quoique doux naturellement on remarque que, quand la proximité ou les malheurs de la guerre ont échauffé leurs esprits, ils deviennent éxtrèmement cruels ; ils aiment beaucoup la proprieté, ils sont sobres & épargnans dans leurs vivres, les femmes bien vêtues, les hommes tous adroits à monter à cheval & entendus aux chevaux, en forte qu'il n'y a point de meilleure Cavalerie, que celle qui fort de ce Païs, ils sont tous très-religieux, mais peu curieux des lettres & des sciences.
Langage. Huguenots. Juifs.
Leur langage le plus commun est un François très-corrompu, & il y a quantité de Villages où l'on ne parle pas même le François, l'ufage ancien étoit que ces Villages envoyoient leurs Processions à S. Etienne de Metz, le jour de la Fête de leurs Patrons, & ces Processions, après s'être long tems promenées dans les ruës en psalmodiant ou chantant des prières Allemandes, venoient à l'Eglise offrir des oyes à l'Autel, il y a eu des raisons qui ont fait abolir cet usage, de forte qu'il n'en reste aucune trace. Il y av à Metz & dans le Païs Messin, avant la révocation de l'Edit de Nantes, une assez grande quantité d'Huguenots, qui s'assembloient au Temple, à un quart de lieuë de la Ville, la plûpart se sont retirez, il n'en reste qu'un très-petit nombre qui ont été convertis par 1a nécessité d'obéïr aux Ordres du Roi. Les Juifs de Metz ont leur Sinagogue pour tous les éxercices de la Religion, ils ne sont pas riches quoique leur occupation continuelle soit de trafiquer de l'argent & d'emprunter : le Parlement a été obligé diverses fois de reprimer leurs usures.
Etat de l'Eglise & Evêché de Metz. Evêché de Toul. Abbayes du Diocèse. Evêché de Verdun.
L'Auteur fait un fort mauvais détail de l'état de l'Eglise dans ce Département, il se contente de dire que M. de Coessin Evêque de Metz est le nonante-quatrième Prélat qui gouverne cette Eglise depuis S. Clement, qui la fonda au tems des Apôtres ; il ajoûte que parmi ses successeurs on compte trente-deux Saints canonisez ; & que cet Evêque jouït de 45000 l. de rente monnoye de France, & qu'il a sous sa jurisdiction grand nombre de Chapitres, d'Abbayes & de Couvens de tous Ordres & de tous Sexes ; mais il ne spécifie aucune chose : à l'égard seulement de l'Abbaye de Horse, dont il rapporte la fondation à Godegrand Evêque de Metz, qui bâtit un superbe Monastere en ce qui avoit été la premiere retraite de S. Clement, lors qu'il vint annoncer la Foi Chrêtienne aux peuples de ce Canton ; il dit qu'en l'an 765. le Roi Pepin en compagnie du Pape & de Godegrand vint en cette Eglise, dont le Roi fit la dédicace, quil y donna les Domaines Royaux, & de Novian, de Varenville, de Vasson & de Montgudin avec toutes leurs dependances. Les autres Abbayes de ces Diocèses sont S. Arnoud, S. Clement & S. Syphorien, S. Nabor & Bofonville toutes de l'Ordre de S. Benoît, aussi bien que de S. Pierre, Ste. Marie, Ste. Glossine & Vergaville, qui sont Maisons de filles, Pont froid & Villers de l'Ordre de Cîteaux, S. Pierre-mont de l'Ordre de S. Augustin, & Justimont de l'Ordre des Prémontrez. Le Diocèse de Metz en entier comprend 623 Paroisses desquelles il y en a 16 dans la Ville principale, ce grand nombre de Paroisses est divisé en quatre Archidiaconnez. L'Auteur passant ensuite aux autres E chez dit, que celui de Toul vaut 25000 l. de rente, mais qu'il n'a pas l'avantage d avoir une fuite continuée de ses Prélats comme celui de Metz, parce qu'il y a un intervalle de 250 ans pendant lequel on ne trouve aucun vestige des Evêques. L'Auteur ajoute qu'il y a plusieurs Chapitres, Abbayes & Monastères dans ce Diocèse, mais il ne parle d'aucun : on peut toutefois y suppléer par le détail suivant des Abbayes, savoir S. Evre & S. Manfuel de l'Ordre de S. Benoît dans le fauxbourg de Toul, la seconde du même Ordre près de Raon, Ornessy de l'Ordre de Cîteaux, Chaumefey, S. Remy & le College noble de Renuremont de l'Ordre de S. Augustin ; Flabemont, Mireval & Stivage de l'Ordre des Prémontrez. A l'égard du Diocèse de Verdun l'Auteur dit que l'Evêché en est beaucoup moins ancien que les précédents, que M. de Bethune le possede aujourd'hui, aussi bien que l'Abbaye de Gorze, & il estime les revenus des deux
METZ, ív"r\ DUN "
Monasteres.
ensemble à 50000 l. de rente, Les Abbayes de ce Diocèse sont S. Paul & S. Vennes danS la V'lle de Verdun' Bealllieu en Argonne, S. Michel & S. Henri toutes de l'Ordre de S. Benoît, beaulieu est de la Congrégation de Cluny. L'Auteur auroit pû sans doute apres cela donner quelque détail des Monasteres du Département, mais il se c tente de dire qu'il y a des Chartreux, des Cordeliers, des Jesuites, des Capucins, & ainsi de tous les autres des deux sexes sans spécifier la moindre chose ; ilamontréplu dérudition en traitant dogmatiquement de la matiere des Conciles non seulement rapport à ceux qui se sont tenus à Metz ou autres lieux de la Généralité, qu'il ne regarde que comme des Assemblées particulières, qui méritent peu son attention ; mais par rapport aux Conciles Oecuméniques, qui sont de plus grands objets, quoique bien éloignez de son sujet, & pour s'en acquitter avec methode, il commence par la définition d'un Concile légitime rapportant les exemples anciens & modernes, il traite ensuite la question de leur autorité, & la prouve par la décision du Concile de Jerusalem tenu par les Apôtres. Ce seroit imiter son indiscrétion que le suivre dans des digressions si mal placées & si fort hors de propos, il sera plus utile, pour hâter la fin d'un Extrait il ennuyeux, de passer aux articles dans lesquels toutefois il ne s'est pas éxpliqué avec plus de convenance & de justesse.
Etat des Armes.
Le Premier est i, articie des Armes- dont après avoir donné le titre, il ne dit rien se contentant d'asseurer que le Païs est gardé & armé ; & pour le prouver, il ne dit pas qui est divise en certains Cantons sous le commandement des Capitaines choisis par la Cour, qui dependent eux-mêmes d'un Colonel General résident à Metz que le Roi nomme, mais il laisse présumer que la chose est ainsi distribuée selon l'ordre commun de toutes les milices du Royaume ; il ajoute de plus que les Communautez sont tenues de fournir a leurs propres soldats des munitions & de l'argent autant qu'il en est nécessaire ; que l'Ordre est par tout si bon qu'il se peut assembler jusqu'à 10000 hommes en deux heures de tems, au premier ordre de l'Officier General qui commande dans le Département. Le Poste q'uon garde le mieux, selon ce qu'il en dit, en parlant des passages qui conduisent à Metz, est celui de Moulins situé à une lieuë de la Ville avec un Pont sur la Mozelle, il y a un bon Château avec un Fort où l'on entretient une ou plusieurs Compagnies selon les besoins & les perils. Quant à la Ville de Metz, il y a deux garnisons, une dans la Ville, & l'autre dans la Citadelle, outre les Troupes qui y ont ordinairement leurs quartiers ; on juge bien qu'il y a des Gouverneurs & des Etats Majors en ces Postes importans ; mais l'Auteur n'en dit quoique ce soit, c'est assez, selon lui, d'assurer qu'ils sont en bon état de défense & garnis de munitions & d'artilleries suffisantes. Les autres Places où le Roi entretient des garnisons réglées avec des Gouverneurs particuliers sont le Château de Toul, le Château de 4 ? Verdun, Thionville & Marsal, Places îortes, Moyenvic dont les fortifications ont été détruites, Sarbrich, Stenay, Janjets, Clermont, toutes fortifiées, & ayant des Gouverneurs particuliers. Il est bon de remarquer qu'aucun de ces lieux, à la reserve de Thionville & de Marsal, ne sont Places de défense, mais que les plus importantes, dont l'Auteur ne dit rien, sont Phalsbourg au passage de l'Alsace, Saarlouïs & Longwy. A l'égard de la Milice, l'Auteur dit que ce Département en fournit autant & plus qu'aucun autre du Royaume, selon les ordres qu on y reçoit d'enhaut, & que cette milice va ordinairement à 4 ou 5000 hommes, tant pour a fureté des Places au défaut des Troupes réglées, que pour recruter les Troupes qui servent en Campagne ; genre de milice nouveau, & qui n'est pas moins onéreux pour la Province. L'Auteur ajoute, qu'il se trouve dans ce Païs quantité d'Officiers gens un long service, & d'un bon esprit qui se sont retirez chez eux, d'autres qui servent actuellement & qui sont dans le train de devenir gens de la premiere importance, mais i reconnoit en même tems que le climat froid & pesant de la Lorraine en produit incomparablement moins que les autres Païs plus chauds, tels que la Gascogne & le Languedoc.
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ETEZCette ayant invité l'Auteur à traiter de suite l'article de la Noblesse, il le commence par la definition du vrai Noble qu'il dit après Cicéron être l'homme issu de personnes franches, desquelles les Mlajeurs n'ont jamais fait d'actes serviles. je ne sçai s'il s'est apperçu, en rapportant cette définition, qu'elle convient peu à nos moeurs, parce que la condition de liberté semble parmi nous commune à tout le monde, & que ce que les Romains nommoient actes serviles n'a aucun rapport avec l'éxercice des Arts que nous jugeons dérogeans ; mais reformant la premiere exposition il définit le Noble homme né de nobles ancêtres & vivant noblement –, il ajoute que les annoblis sont ceux qui n'étant pas nez de parens nobles sont declarez tels par le Prince, en consideration de leur merite & de leurs services, qu'à l'égard de la Lorraine où l'on est accoûtumé de respecter une ancienne Chevalerie, il faut entendre par le terme d'ancien Chevalier celui qui du côté paternel ou maternel est issu de quelques-unes des premiere Races honnorées & connues dans la Province, en sorte que quand le pere seroit ennobli ou nouveau Gentilhomme, si la mere est sortie de ces bonnes Races, le sujet qui en est venu aura voix & séance dans les Assemblées, & pourra éxercer l'Office de Baillif. Je ne disputerai jamais d'un fait que l'Auteur qui l'écrit doit connoître par lui-même, mais il ne seroit pas aisé de persuader que les définitions qu'il prend la liberté de débiter comme des axiomes indubitables puissent ou doivent être reçus par quiconque aura l'idée de la véritable Noblesse, au fonds ce qu'il dit est trop foible pour meriter une refutation, il suffit de remarquer qu'il parle en homme lequel trouve son compte dans la definition de Ciceron ci-dessus rapportée, & encore mieux en celle de la Noblesse déclarative qui est fondée sur la connoissance que le Prince a ou doit avoir du merite particulier ou des services de celui qu'il déclaré Noble : mais allant plus loin, il ajoute que l'on tient en Lorraine pour ancienne Chevalerie, tous les descendans de ceux qui ont accompagné Godefroi de Bouillon en la Terre Sainte, je voudrois, à ce sujet, pouvoir oublier ce qu'il a dit plus haut, que jamais ce Heros de la Lorraine n'y a possedé un pouce de terre, mais quoiqu'il en soit, il persiste dans sa maxime que tous les descendans de ces Familles doivent être regardez comme sortis d'ancienne Chevalerie, & la raison est qu'aucun motif valable ne doit distinguer les mâles d'avec les femelles, s'ils sont supposez tous également sortis du même sang, il n'y auroit au plus contre cet usage qu'un autre usage qui est la distinction & la perpetuité du nom que les femelles ne communiquent point à leurs enfans, mais, selon l'Auteur, c'est une pure question de nom, qui ne peut être regardée, que comme une bagatelle, cela posé, il dit que les grandes Maisons reconnues pour ancienne Chevalerie, & source de cette sorte de distinction, que les autres familles puisent chez elles, sont au nombre de quatre ; savoir celle de Lenoncourt, de Ligneville, de Haraucourt & du Chatelet, & que de ce nombre la premiere & la derniere sont les plus illustres. Les autres Familles, dont l'Auteur fait mention, sont celles du Marquis de Sortey dans l'Evêché de Toul, duquel il a été parlé dans la Generalité de Champagne, du Marquis de Lamberti originaire de Limousin. Gournay, famille ancienne tresnombreuse, dont il ne reste dans les trois Evêchez que l'Abbé de Gournay, fils du Lieutenant General tué a Fleurus, & le Sieur de Brancheville. Figuelmont de Malatour, dont le Chef demeure à Malatour, & n'a point servi. Dourches, dont le fils est Colonel de Cavalerie –, Offlans Comte de Vitz, chef du nom, Colonel de Cavalerie, a épousé une soeur du Marquis de Praslin. Mauleon, Maison originaire de Guienne, de laquelle il y avoit deux branches dans les Evêchez dont il ne reste que deux filles. Mercy près de Longwy a passé aux ennemis. Tornielle, Maison originaire d'Italie, Beauveau Novian, dont il ne reste que le Comte de Viange, qui n'a point d'ensans. Bassompierre, originaire d'Allemagne, la principale branche de cette Famille, porte le surnom de Baudricourt, Savigny l'aîné est dans le service avec ses trois garçons. Il ne reste du nom de Bourbonne dans les trois Evêchez que la Marquise d'Araucourt fille d'un Marquis de Ville. Choiseuil, Maison illustre de Champagne, dont une branche reside dans
METZ, TOU & VERles
VERles Ragnecourt, autre Maison ancienne, est divisée en deux branches dont la L porte le surnom de Brenoncourt, l'autre branche est finie en la femme de M le Chevalier Duc Maréchal de Camp. Desannoises Commercy, qui possedé un quart de cette Seigneurie. Lutzelbourg, Maison qui se prétend sortie de celle de Luxembourg Bonnel d'Aubigny, Fontenelle & Lamezan sont les autres Familles que l'Auteur a cru devoir distinguer à leur avantage. Il ajoute qu'en général cette Noblesse n'est point riche, que les plus fortes Maisons, en très-petit nombre, peuvent avoir 10 à 12000 l. de revenu ; qu'il y a une classe de celles qui ont jusqu'à 6000 l. & la troisième, qui est aussi la plus nombreuse, de ceux qui sont au dessous de 3000L. L'Auteur, avant que de finir l'article de la Noblesse, fait une petite digression au sujet de l'ancienne Maison de Salin à présent éteinte, & dit, qu'elle tiroit son origine d'un puisné de Luxembourg, qui eut en partage le Château de Salin en Ardennes, dont il prit le nom ; mais que ses descendans, ayant acquis une étendue de terres considerables en Lorraine & en Alsace, l'un d'entr'eux fit bâtir le Château de Bardonvilliers, qui en est la Place principale, & il y transporta sa demeure & son nom.
Etat de la Justice.
L'Auteur met la justice à la suite de la Noblesse sur ce fondement, car il prétend justisier la disposition de son Mémoire, que la Justice n'est pas toûjours un droit attaché aux fiefs. Il parcourt ensuite avec une prolixité tout à fait ennuyeuse, les disserentes fortes de Gouvernement qui sont en usage dans l'Europe, & termine enfin son discours par la division de la justice en Magistrature souveraine, & en Magistrature inferieure ou de ressort.
Parlement de Metz.
La Magistrature souveraine des trois Evêchez est le Parlement de Metz, mais avant d'en donner le détail, l'Auteur recherche l'origine du nom de Parlement, qu'il decouvre heureusement de ce mot de Parlementer, parce que les Seigneurs & Députez, qui composoient les anciens Etats du Royaume, conferoient & parlementoient ensemble des affaires publiques ; je ne sçai si je devrois m'amuser à rapporter de telles puérilitez, du moins n'ai-je pas le courage de les continuer, ainsi je passe au premier établissement de Magistrature que fit le Roi Henri II. après s'être emparé de la Ville de Metz, savoir d'un Président, dont il fixa la résidence pour connoître de tous les differens qui pourroient arriver entre les Bourgeois & les soldats de la garnison ; cette Charge a subsisté jusqu'en l'an 1663. que le Roi Louïs XIII. par son Edit du premier Janvier la supprima, & créa à la place un Parlement qui fut installé le 26. Août de la même année par le Sieur de Bretagne premier Président, quatre Maîtres de Requêtes pour tenir lieu de Présidens à Mortier & six autres pour tenir place de Conseillers avec deux Commis, pour faire les fonctions de Procureurs & d'Avocats Généraux. Le premier Acte de ce Parlement fut î'enregistrement de l'Edit de création qui fut fait à la réquisition des Commis, dont il vient d'être parlé, & à l'intervention de l'Evêque de Metz, qui y prit séance par son Vicaire General au même rang que les Ducs & Pairs tiennent à Paris ; du Maître Echevin & des Magistrats ordinaires de Metz qui prirent place dans les Bas-sieges des Deputez du Chapitre de la Cathedrale de S. Arnoult & autres Ecclésiastiques distinguez avec la principale Noblesse & un concours de peuple extraordinaire. Le Parlement qui sert par semestre est à présent composé de trois Chambres, la Grande, la Tournelle & les Enquêtes, & pour les former il y a huit Présidens à Mortier, y compris le premier, dont trois servent pour les Enquêtes & trois autres pour la Tournelle, avec quinze Conseillers entre lesquels un est Garde du sceau & l'autre Clerc ou Conseiller d'Eglise. Il y en avoit autrefois six de la Religion Reformée qui ont été supprimez. Le Parquet des gens du Roi est composé de deux Avocats & de deux Procureurs Généraux avec quatre Substituts, le Gresse est éxercé par trois Greffiers Secrétaires du Roi l'un pour le Civil & deux pour le Criminel, enfin il y a quarante Procureurs postulans & quatorze Huissiers à la fuite du Parlement.
METZ, TOUL
Sa Jurisdiction.
La jurisdiction de cette Compagnie est ; éxtremement considérable, parce qu'elle a toute l'attribution des Cours des Aides, depuis la réünion de celle qui avoit été crée pour les trois Evêchez : d'ailleurs ce Parlement juge en dernier ressort les appellations de toutes les Justices inferieures qui sont le département, savoir, Du Baillage & Présidial de la Ville de Metz, qui s'étend depuis Giremont & : Soncourt jusqu'à Salins, com* prenant avec la Prévôté Royale de Metz la Justice de la Principauté de Commercy,
Prévôté de Chaligny, la Chatelainie de Sierque ou Sierke, la Prévôté de Bouquenon & plusieurs autres moins considérables. Du Baillage & Présidial de Toul qui s'étend bien plus loin dans la Lorraine Allemande, comprenant la Prévôté de Toul, la Prévôté, Office & Chatelainie de Saverdun, & c. Du Baillage & Présidial de Verdun, contenant la Prévôté de Verdun, la Chatelainie de Jametz, la Prévôté de Varennes, celle de Rembescourt aux Pots, avec les Prévôtez & Chatelainies de Frene : Enfin du Baillage de Longwy, qui commence à Vouvre dans l'Evêché de Metz, & continue jusqu'à Conti dans la Duché de Chuny. Tous les lieux soumis à ce Baillage ressortissent nuement au Parlement. L'Auteur s'étend sur la Jurisprudence suivie dans l'étenduë du Parlement, & après une digression aussi longue que ridicule sur l'autorité des coutumes locales & la necessité de les expliquer par le Droit Romain, il fait quelques observations sur ce que celle de Lorraine a de plus particulier, savoir, I°. Que parl'article 12e. de la Coûtume les bastards avouez des Gentilshommes sont de la condition des annoblis pourvû qu'ils suivent l'état de noblesse, & en conséquence ils peuvent porter tels noms & titres que leurs peres leur donnent, sous l'obligation de barrer leurs surnoms dans leur signature & leurs Armes dans leur Ecu, lesquelles barres eux & leurs descendans sont obligez de porter à jamais, sauf à obtenir la permission de les effacer des parens auxquels le nom & les pleines armes appartiennent dans le reste du Royaume ; L'ordonnance de 1600, Titre 20. de laquelle le Roi Henri IV. est l'Auteur, engage à obtenir le commandement du Roi, c'est à dire, les lettres patentes, pour que les bastards puissent jouir du benefice de l'exemption de la Taille. L'Article 13e. de la même Coûtume de Lorraine déclaré que les bastards des annoblis sont de condition roturiere, mais non taillables. 2°. Les Douaires des femmes sont de deux sortes, coutumiers ou prefix, le premier qui n'éxige aucune stipulation est acquis à la femme du jour du décès de son mari, & consiste à la moitié des propres dont il étoit saisi, mais le tout est réversible à l'héritier, arrivant la mort de la femme ; le second consistant en héritage spécifié des deniers, accordé pour tenir lieu de Douaire, appartient à la femme & à ses héritiers sans retour aux parens du mari cessant une disposition contraire de la femme ; cette espece de Douaire peut avoir lieu avec le Droit coutumier ou sans loi suivant la stipulation d'un contract de mariage. 3°. Toute Douairiere peut vendre son Douaire pour en jouïr pour l'acquereur, comme elle auroit pu faire elle-même à charge d'entretien & sauf le retrait. 4°. Les annoblis peuvent être privez de la grâce du Prince & des privileges de la Noblesse, s'ils sont des actes derogeans, mais la Chevalerie ne tombe pas dans le même cas. 5°. Si le mari ou la femme édifient, constant le mariage, sur le fonds l'un de l'autre avenant le decès de l'un des deux, toute la melioration cede au fonds, en telle sorte que celui qui a fait bâtir n'est plus le maître de pouvoir ruiner ou transporter son bâtiment qui est censé avoir pris nature. 6. Le pere peut émanciper son fils en quelque âge & minorité qu'il soit, afin d'augmenter l'heritage ou recevoir donnation, mais non pas pour détruire ou donner au mineur la liberté de vendre. En dernier lieu l'Auteur observe que le Baillage d'Espinal en son entier est du ressort de l'Intendance de Metz, & que quelques propositions qui ayent été faites aux gens de son ressort, ils n'ont jamais voulu consentir aux distraits de la souveraineté du Roi.
L'Auteur vient enfin à l'article des Finances, pour le reglement desquelles il y a deux sortes de Tribunaux, celui de l'Intendant auquel appartient toute la supériorité en cette matiere ; & celui du Bureau des Finances de Metz, composé d'un Président & desTré-
METZ, & Ver
Des fiefs. Franc-aleu.
soriers de France, ainsi que dans le reste du Royaume. Les impositions du Département sont de deux sortes, il y a des tailles fixes, d'autres qui sont muables, c'est à dire, qui pauffent & qui baissent selon les Ordres de la Cour : on y leve la capitation sur les éxempts & non exempts ; le taillon, les étapes, les crues, les entrées des Villes, les aides, le tabac, les marques de cuirs & chapeaux, les controlles des actes & des exploits, le papier timbré, & toutes autres sortes d'impositions qui ont cours dans le Royaume, les Gabelles y sont établies ainsi que les Douanes pour les entrées & sorties, & le tout ensemble, non compris la vente & le prix des Charges ou autres Offices de Judicature, produit annuellement 5051000 l. qui est, selon l'Auteur, une somme tout à fait exorbitante par rapport à la petite étendue du Païs. L'Auteur voulant ensuite traiter des fiefs & francs aleus de la Province entame, une nouvelle digression à leur sujet : pour en définir la nature & la proprieté, il dit que les fiefs sont des concessions volontaires de la part du Seigneur Suzerain de certains fonds, avec translation de proprieté & de Seigneurie utile sous la condition de fidélité, d'hommage, de services, de reconnoissances perpétuelles, & de reversion en certains cas, tel que l'infraction des conditions de l'inféodation ou le defaut des successeurs habiles ; il ajoute par rapport à cette derniere clause, qu'en Lorraine les filles sont censées capables de succéder aux fiefs, comme à tous autres biens patrimoniaux, pourvu néanmoins qu'elles n'ayent point de freres ni aucuns descendans mâles ou femelles de leur frere, le mâle ou le descendant mâle, éxcluant toûjours la fe-. melle. Les francs aleus au contraire sont terres libres non sujettes à foi & hommage, protestation de services ou reversion, & toutefois obligez à ester en justice és tribunaux où elles ressortissent pour toutes les causes communes ou particulieres, à l'éxception néanmoins du Seigneur tenant en franc aleu qui est toûjours censé éxempt des Charges ; l'Auteur ajoute que la plûpart des possesseurs de ces fiefs en franc aleu jouissent des droits regaliens, mais que le Roi sans user de tant de tolérance auroit pù les réunir à son domaine, avec d'autant plus de justice qu'autrefois un Empereur le pratiqua à l'égard des fiefs qui portoient son nom. Je ne fçai pourtant quelle est cette histoire improbable que l'Auteur cite en ce lieu ; mais je fçai bien qu'elle, ne pourroit jamais autoriser un Prince juste à dépouiller d'illustres Familles de leurs patrimoniaux par le seul principe de bienséance & d'autorité. L'Auteur passe ensuite à l'énumeration des fiefs qui ont été declarez mouvans des Evêchez par l'arrêt général du 10. Septembre 1683. emané de la Chambre Royale établie à Metz, mais comme le détail se trouvera dans le Memoire du Duché de Lorraine je n'ai pas crû devoir le rapporter ici.
L'Auteur termine son Memoire par l'article du Commerce, il fait voir d'abord que la situation du département y est très-propre, tant à cause du voisinage de l'Allemagne, que parce qu'il est coupé par deux belles rivieres qui lui procurent un transport facile de ses denrées. Il dit ensuite I°. que les vins descendent par ces rivieres en Allemagne & dans les Païs-bas ; 2°. il ajoute qu'on fabrique quantité de papier en différens moulins bâtis dans les trois Evêchez, qu'il s'en consomme un tiers dans le Païs, & que les deux autres passent dans le Duché de Luxembourg & les terres du Païs de Liege ; 30. qu'on fait, à Metz & à Verdun de très-bonnes confitures qui se transportent dans le Royaume & par toute l'Europe, & à cet égard il fait remarquer la grande réputation des anis de Verdun ; 4°. qu'on fabrique quantité de fer dans les forges qui sont entre Metz & Luxembourg, & que le débit s'en fait tant dans la Ville de Metz où il y a plusieurs ouvriers trava illans à faire des fusils, pistolets & autres armes, qu'au Païs de Liege & en Hollande ; 5°. que les bestiaux sont une partie très-confiderable du Commerce de Metz & de ses environs, le peuple les allant acheter dans les montagnes de Vosges, & les revendant aux marchands avec grand profit, particulièrement les porcs que l'on engraisse à peu de frais dans le Païs ; 6°. que les chevaux d'Allemagne passent toûjours à Metz avant que d'arriver à Paris, & que les marchands qui se contentent pour l'ordinaire de les avoir amenez jusques-là, les y vendent presque toûjours à d'autres marchands, qui les
METZ, TOUL & VER-conduisent
VER-conduisent loin en France, où s'en fait le principal trafic, qu'il y à des marchez & foires particulieres destinez à cette espèce de negoce, comme aussi d'autres pour la vente des bleds –, 7°. qu'on a trouvé depuis quelques années dans la Ville & aux environs de Pont-à-Mousson le secret de faire des eaux de vie avec le marc des raisins, & que le profit en est d'autant plus certain que la matière n'en coute rien, mais aussi avouë-t-il qu'il n'est pas fort abondant ; il ajoute que ces liqueurs se debitent aux soldats dans le Païs de Luxembourg, & qu'enfin le salpêtre est la derniere forte de produit de la Généralité, il louë la qualité de celui qui s'y trouve, & dit que ceux qui sont préposez à la recherche par sa Majesté, sont en droit de l'enlever des caves, granges, étables ; & de tous les endroits où la terre en produit artificiellement ou naturellement. Enfin la derniere observation qu'il fait sur le commerce regarde les marchandises étrangeres, qui entrent dans la Generalité, savoir de Hollande, passant par le Païs de Liege, Cologne, Aix la Chapelle, & c. des sucres, des draps, des morues, harangs, saumons saliez, toutes sortes d'épicerie & de bois de teinture pour les ouvrages qui se sont dans le Département ; & duPaïsde Liegequantité decuirstanez, qui seconsomment dans les trois Evêchez.
Conclusion.
En finissant ce Mémoire, qu'il me soit permis d'ajouter que comme il ne s'en est fait aucun de toutes les Generalitez du Royaume plus defectueux que celui-ci, il n'y en a point qui m'ait couté davantage pour en dresser un Extrait suivi & intelligible, je ne doute même aucunement que celui-ci ne se ressente de la langueur & de la secheresse de son original, sur tout ayant negligé d'y suppléer par les additions que j'ai faites à tous les autres, je me console cependant de l'insuffisance de cet Extrait par la consideration de l'idée qu'il peut donner du caractere de certains Intendans qui le trouvent employez, non par rapport à leur capacité, ni au bonheur des peuples, mais par là feule raison de leurs alliances avec les Ministres.
Fin de la Généralité des trois Rué chez METZ, A, OUl de VERDUN.
EXTRAIT DU MEMOIRE Touchant les DUCHEZ de LORRAINE & de BAR, Dressé par ordre de Monseigneur le DUC DE BOURGOGNE en 1698. Par Monsieur....... Intendant.
LORRAINE & BAR.
LES Etats de Lorraine & de Bar sont tellement mêlez avec les terres des trois Evêchez Metz, Toul & Verdun, lesquels appartiennent au Roi, qu’il est presque impossible de bien connoître les uns sans les autres, c’est pourquoi après que l’Auteur a traité de celui-ci, il entreprend de faire connoître l’état de la Lorraine en le comparant à celui où il étoit en 1670. quand le Duc Charles IV. En fut dépouillé. Il observe d’abord, que ce Duc, que les Lorrains comptent pour le quatrième de son nom, n’est que le troisième dans l’usage des Historiens François, qui éxcluënt du nombre des Ducs de Lorraine, Charles fils du Roi Louis d’outremer, & frere de Lothaire, à cause de l’hommage qu’il fit de ses Etats l’an 979. à l’Empereur Otton II. En 1670, l’Etat de la Lorraine étoit composé des Offices & Prévôtez suivantes, on donne ce nom à certains territoires soumis à une même Justice. Nancy à S. Nicolas de 72 bourgs, villages ou hameaux. S. Dicy & Raon de 38. Rozieres de 45. Amance de 51. Gondreville de 34. Lavantgarde de 3. Preny de 24. Condé & Leval des faux de 6. Luneville de 45. Einville de 19. Chaste de 28. Val de Lieure de 3. S. Hipolite de 1. Nevenre 6. Remoncour 34. Arches 36. Bruyeres 61. Neufchateau & Chatenoy 62. Dompaire 82. Charmes 17. Arnay 17. Espinal 28. Vaudevange 30. Dieuse 32. Morhange 18. Boulay 42. Frastroff 62. Sierberg 36. Schambourg 15. Zaarguemines 16. Puttellanges 18. Forpach 11. Albe 3. Hombourg & S. Arnould 12. Zariche 7. Birché-Comté 41. Fenestranges 16. Saverdun 36. Vaudemont 44. Blamont 17. Salm 23. Ces derniers sont aussi des Comtez. Hatton, Chastel & Nomeny Marquisats 25. Aspremont Baronie 13. Et Fontenay franc aleu. Le tout monte au nombre de 1236 bourgs, villages ou hameaux.
Barois en 1670.
Le Barois mouvant étoit composé de Baillages. Celui de Bar qui comprend la Prévô té de Bar le-duc, la Comté de Ligny & la Prévôté de Souilly, contient 162 bourgs, villages ou hameaux ; & celui de Bassigny quatre Prévôtez, Gondrecourt de 19 villages, Lamarche de 28, Chatillon sur Saône de 6, & Constans en Bassigny de 3. Le Barois non mouvant avoit 16 Prévôtez. La Mothe & Bourmont de 46 villages. S. Michel de 40. Rambercour aux Ports. Estaing 21. Bruy 50, Constans en Jarsy de 14. Longwy
LORRAINE
de 58. Longwion de 11. Sancy de 22. Arancy de 17. Noroy le Sec de 6. Foug de 25. Pont-à-Mousson de 44. La Chaussée de 20. Bournonville de 8. Et Mandres de 6. Le total est de 606 bourgs, villages & hameaux. L'Auteur observe que la distinction des Barois mouvans se prend de ce que le premier est tenu en hommage de la Couronne de France, & que les appellations du Baillage de Bar-le-duc & de Bassigny ressortissent au Parlement de Paris ; les Comtes de Bar avoient toûjours prétendu tenir leurs terres en franc aleu, c'est à dire, n'en devoir aucun hommage, mais Henri III, Comte de Bar, étant entré en l'année 1297. dans la ligue qu'Edouard I. Roi d'Angleterre, dont il avoit épousé la fille, avoit faite contre la France avec le Duc de Brabant, fut pris prisonnier par la Reine Jeanne de Champagne, & ayant été conduit à Paris, il ne pût obtenir sa liberté qu'à condition de se soumettre lui & sa posterité à l'hommage des Rois de France. En conséquence de ce Traité les Successeurs de Philippe le Bel ont jouï de tous les droits regaliens dans l'étenduë du Barois sans distinction, jusqu'en l'année 1571. que le Roi Charles IX. rétraignit ses droits à l'hommage du Barois mouvant : le contract qui en fut dressé entre ce Roi & Charles Duc de Lorraine son beaufrere à cause de Madame Claude de France son épouse, fut suivie de deux déclarations publiques des années 1572 & 1573, & enfin d'une derniere de Henri III. de l'année 1575. Outre ce nombre d'Offices & Seigneuries, il y avoit entre la Lorraine & la Franchecomté des terres qui étoient nommées de surséance, parce que la souveraineté en étoit contestée entre le Roi d'Espagne & le Duc de Lorraine, savoir Fougerolles, Montreuil sur Saône, Fresne, Fontenay, la Ville de Fontenay, la Côte. Par un Traité de l'année 1614, ces Princes étoient convenus de laisser la souveraineté en dépôt entre les mains des Seigneurs hauts Justiciers ; mais la Comté de Bourgogne ayant été cédée au Roi par le Traité de Nimegue le Roi a aboli la surséance, & les a réunis au Comté par arrêt de la Chambre Royale établie à Metz. Cette même Chambre, qui par ces réunions a entierement changé l'Etat de la Lorraine, a déclaré que S. Nicolas étoit fief mouvant de l'Evêché de Metz, Gondreville fief de l'Eglise de Verdun, Condé domaine de l'Evêché de Metz, l'Avantgarde fief du Comté de Bar, Vaudremont idem, Blamont & Salm fiefs de l'Eglise de Metz, Hatton Chastel de Verdun, Aspremont fiefs de Metz, Chasté fief de Bar, Nomeny de Metz, Neufchateau & Chatenoy fief du Comté de Champagne, Espinal & Dieuse de Metz, Morange terre de l'Empire, mais de la souveraineté du Roi en conséquence du Traité de Munster, Abbe, Hombourg, & S. Arnould domaines de l'Eglise de Metz : Bitche & Saverdun, idem –, la Mothe, Bourmont, Longwy, Longwion, Sancy, Arancy, Noroy le Sec, Pont-à-Mousson, fiefs du Comté de Bar, Rambericourt aux Ports fief de Verdun, Estain, la Chaussée & Bouconville domaines de la Collégiale de la Magdelaine de Verdun : Bricy & Conflans en Jarly fiefs de l'Evêché de Metz, enfin par un arrêt général 10. Septemb. 1683, fondé sur le Traité de Munster, qui a transporté au Roi tous les droits de Souverain, Domaine & Supériorité que l'Empereur & l'Empire avoient sur les trois Evêchez leur district & dependance de Nancy, Rosieres, Luneville, Einville, S. Dicy, Raon, Amant, Presny, Mirecourt, Darnay, Dompaires, Bruyeres, Charmes, Arches, Vaudrevanges, Siesperg, Schaumbourg, Forpac, Zaarguemines, Puttellanges, Boulay, & generalement toutes les terres qui sont dans les Diocèses de Metz, Toul & Verdun.
La Lorraine dans cette étendue peut avoir dans sa longueur environ 40 lieuës depuis la Franche-comté jusqu'au Luxembourg, sur 30 dans sa plus grande largeur, elle a l'Alsace & le Palatinat au Levant ; la Comté de Bourgogne au Midi ; la Champagne & la Bourgogne au Couchant ; & au Septentrion les Ardennes & le Luxembourg. Ses principales Rivieres sont la Meuse & la Mozelle, l'une & l'autre ne sont navigables en toute saison qu'à Téxtremité de l'Etat de Lorraine, savoir la Meuse à Verdun, & la Mozelle à Metz ; quelquefois néanmoins dans le tems des grandes eaux ont fait descendre des bateaux de S. Michel à Verdun, de l'embouchure de la Meurte à Metz, le Roi a quelquefois fait conduire des mats de navire sur cette riviere d'où on les transportoit par
LOR¬ da RAINE & BAR.
charrois la Marne qui les portoit à Paris il seroit difficile de rendre la Mozelle navigable, au dessus de Pont-à-Mouffon, parce qu'elle change souvent de lit., la Meuse est plus praticable, mais il faudroit de grandes dépenses à l'égard de l'une & de l'autre : on avoit proposé à l'égard de la coupe & voiture des mats de navire & des plan, ches de sapin, qui se sont dans les montagnes de Vosges, de faire un canal', pour joindre la Meuze avec la Mozelle, en se servant d'un ruisseau qui tombe dans la Mozelle à Toul, & d'un autre qui tombe dans la Meuse au dessous de Pagny, par le même dessein de faire un autre canal de la Meuse à la riviere d'Aisne, qui se jette dans l'Oise en se servant de la petite riviere d'Ars, qui tombe dans l'Aisne & d'un autre ruisseau qui entre dans la Meuse au dessus de Champigny, mais ces projets n'ont point eu d'éxecution Les autres rivieres de Lorraine sont la Sarre qui est navigable au dessous de Sarbrick terre de la Maison de Nassau, qui a été réunie, elle tombe dans la Mozelle au dessus de Treves. La Meurte qui passe à Nancy, & sert particulièrement au transport des sels de Rosieres, la riviere d'Ornay, qui ne sert qu'à flotter des bois passe à Bar-le duc, la Seille tombe dans la Mozelle à Metz, le Madour passe à Mirecourt, & se jette dans la Mozelle au dessus de Toul à Chaligny, le Mortan sert à faire flotter les bois nécessaires pour la saline de Rosieres, qui fait le principal revenu du Duc de Lorraine. Enfin il y a plusieurs autres petites rivieres, dont le detail seroit inutile, puis qu'elles ne sont d'aucune utilité generale. On peut remarquer encore que la Saône prend sa source dans la montagne de Vosgeres, & que le Roi y fait flotter des mats de vaisseau pour les arcenaux de marine du Levant comme il en a tiré par la Mozelle pour le Ponant.
La Lorraine n'est pas un Païs uni ni ouvert, il y a par tout des costeaux & des montagnes : les principales sont celles de Vosges qui s'étendent depuis l'Alsace jusqu'aux frontier es de Champagne, elles sont couvertes de bois de toutes espèces, mais particulièrement de sapins qui se débitent par la Mozelle jusques en Hollande, tant en troncs qu'en planches ; elles ont aussi beaucoup de pâturages, qui servent à la nourriture des bestiaux sept ou huit mois de l'année, le reste du Païs renferme quantité de bois, il n'est point de villages qui nait les siens de Communauté qui sont coupez en regle, & non comme les Communaux ordinaires de France. La Lorraine est abondante en bleds, froment dans la Comté de Vaudemont, dont Vezelize est le Chef-lieu, le Vernois près de Nancy, le Saumois le long de la Seille, le Vallon de Bar, & c. les autres Cantons portent trèsabondamment du bled meteil, du seigle, de l'orge, de l'avoine, & c, La Vosge n'a que du seigle, du bled Sarrazin, des orges & des avoines, en general la terre est par tout soit cultivée & produit plus de bled chaque année que les habitans n'en peuvent consommer en trois ; les Prévôtez qui confinent au Luxembourg & aux Ardennes sont assurées pour le débit de leurs bleds servans à la nourriture des peuples de ce Païs-là, qui les viennent chercher. Le Barois produit des vins de bonne qualité, les territoires de Nancy, Condé sur Mozelle, Pont-à-Mousson & de Liancourt en produisent aussi, mais de beaucoup moindre force & valeur, au surplus le Païs produit encore une grande quantite de soins qui ont servi heureusement au Roi pour la subsistance de sa Cavalerie pendant les hivers ; la necessité de consommer ces fourrages fait que les propriétaires assemblent de grands troupeaux de moutons, brebis, boeufs & vaches, qu'ils nourrissent iver & été, & en tirent le profit par la vente des laines, fromages, beurres, veaux & agneaux, & par l'engrais des boeufs ils les afferment ordinairement à des Suisses & Allemands qu'il nomment Marcars, lesquels en rendent certains tributs en especes & en argent, suivant les conditions du bail : on y recueille aussi beaucoup de chanvre, & principalement de la navette, dont on fait de l'huile, qui se debite au Païs de Liege, le revenu de ces navettes est preferé à celui des bleds, parce que la plûpart de ceux-ci restent dans le Païs sans consommation. Le climat de Lorraine est assez temperé, mais il tend plus au froid dans le voisinage de la Vosges à cause des bois & des montagnes, le Barois, & particulierement ce qu'on nomme le Vallon, est d'un climat plus doux &
onau-
même assez chaud pour les vignobles. Entre plusieurs lacs de la Lorraine on compte pour les plus considerables ceux de la Gérardmer, autrement de Géraume & de Longuemer qui sont situez parmi les plus aspres montagnes de la Vosge, il y en a d' tres moins étendus, qui forment des ruisseaux servans aux moulins & forges du Païs. La mine de fer est assez commune, & comme les bois n'y sont pas de debit, on les consomme en diverses forges & fonderies qui sont établies selon la commodité des lieux. En l'année 1670, lors de la retraite du Duc Charles IV, on travailloit encore à la mine d'argent de Ste. Marie sur la frontière d'Alsace, les Fermiers du Roi l'ont depuis abandon née, sans doute parce qu'ils ont douté la dépense au dessus du profit, cependant l'Auteur ne croit pas qu'on la dut negliger, mais il voudroit qu'on travaillât aux dépens du Païs, en quoi il paroit interpréter d'une maniéré bien sinistre, l'intention qu'a le Roi de faire valoir au profit de ses sujets les richesses naturelles de chaque Canton. Il y a près de Longwy une Mine d'alun de laquelle on ne tire aucun profit faute de savoir le calciner, les Liegeois qui en ont besoin pour leurs manufactures, & qui sont obligez de le faire venir de Lyon, le prendroient à l'avantage du Païs s'il étoit préparé. Les eaux minerales des Plombieres connues dès le Tems des Romains sont dans la Vosge du côté de la Franche-comté, il y en a de froides & de chaudes, celles-ci sont employées pour les paralisies, rhumatismes & autres douleurs que l'on attribuë au froid. II n'y a point dans la Province de mines de salpêtre, mais les bergeries, les étables & les granges en produisent une assez grande quantité, qui étoit employée par l'Entrepreneur du Roi pour les poudres : Mais la plus grande richesse de la Lorraine consiste dans les salines, parce que le Païs est de tous cotez à plus de 50 lieuës de la mer, Rozieres, Château, Salin & Dieuse sont à présent les seules en travail, mais on en pourroit rétablir d'autres à Marsal, Salonne & Sarable s'il y avoit du débit ; la fontaine de Rozieres rend cinq à six livres de sel pour cent livres d'eau, celle de Chateau Salins 14 ou 15 livres, on en fait à Rozieres environ 6000 muids sur le pied de 16 Vexelles le muid, le Vexel pésant 34 ou 35 livres, de sorte que le muid revient à 560 livres, ce qui est bien éloigné du muid de France qui en pese 4800. Cette grande quantité de sel ne peut être consommée dans le Païs, c'est pourquoi les fermiers vendent l'éxcédent aux habitans de l'Empire d'en deça du Rhin pendant le cours de leur bail qui a fini en 1697, les ventes de sel aux étrangers ont monté fort haut, & cela a enrichi les soufermiers qui ont aussi poussé la fabrique des sels beaucoup plus loin que l'on ne faisoit auparavant.
Le Commerce de la Lorraine se reduit donc aux bestiaux, particulièrement à l'égard de la Vosge, qui vend aux Allemands & aux Suisses des boeufs pour le labourage, des taureaux & des vaches ; aux huiles de navettes, aux fromages, aux cires, aux miels, aux vins de Bar & aux environs, aux planches de sapin & bois de construction pour la marine ; & enfin aux péleteries, dont les plus estimées sont les peaux d'ours. Les Villes de Strasbourg, Basie & Nancy sont de gros commerces à chacun de ces égards, mais ce seroit peu de chose en general, si les munitionaires du Roi ne tiroient les bleds, dont la Province abonde plus que tout le reste, & dont elle n'a aucun debit, hors par la consommation qu'en sont les troupes de sa Majesté ; c'est ce qui rendoit l'argent si rare avant qu'elle fut soumise à ses armes. On a trouvé depuis quelque tems à Pont-à-Mousson le moyen de faire des eaux de vie du marc de raisin, ce qui procure un assez grand profit d'une chose qu'on ne croyoit bonne qu'à brûler, ce secret s'est répandu dans tous les Païs de vignobles, mais il n'est praticable que dans ceux où le bois est aussi commun qu'en Lorfaine, ces eaux de vie se débitent dans les Ardennes & sur les frontières d'Allemagne, on en consomme aussi beaucoup pour les Troupes & les Hôpitaux. Les Verreries sont encore un autre ressource de commerce pour le Païs, il y en a plusieurs dans le voisinage de S. Michel & dans la Prévôté d'Arney du côté de la Franche-comté, il y en a une autre à Tonnoy proche de Nancy qui fournit le Canton de toute forte de verre ; quant au fer de Lorraine, il se transporte dans tous les Païs circonvoisins. La
LOR RAINE & BAR.
Lorraine n'est pas si peuplée à beaucoup près que les autres provinces du Royaume, cependant la terre y est par tout très-bien cultivée, ce qui marque combien les hommes y sont laborieux, mais aussi sont-ils très-grossiers, & cet esprit pelant, qui se fait connoître par un langage très-désagréable est repandu sur la Noblesse comme parmi le simple peuple ; il n'y a que la guerre & les voyages qui les puissent former à l'air du monde ; ce n'est pas qu'il n'y ait parmi eux d'éxcellens genies propres aux sciences & aux belles lettres, mais ils ne sont pas communs, plus on approche de l'Allemagne plus 011 trouve de lenteur dans leurs manieres ; au reste ils sont en général extrêmement attachez aux anciens usages, ils ne se peuvent pas resoudre à les changer s'ils n'y sont contraints par la force, mais la contrainte est chez eux sujette à des grands inconveniens, car ce peuple, naturellement pesant & patient, s'anime d'une férocité toute singuliere quand il est une fois irrité. Lorsque les Suedois y porterent la guerre en 1632. & le Roi Louis XIII. l'année suivante, les Païsans Lorrains se retirerent la plûpart dans les bois, abandonnèrent entierement la culture des terres, & la campagne demeura tellement depeuplée que les chevaux de labeur & les bestiaux perirent tous, il ne resta d'habitans que dans les Villes, & l'on nomma ces habitans des bois des Cravates, des Schapans, des loups de bois, parce que toute leur occupation ne fut autre jusqu'au Gouvernement du Maréchal de la Ferté que piller, voler, assassiner sur les grands chemins. Les Troupes du Roi aussi bien que les garnisons & les habitans des Villes ne subsistoient que des bleds que l'on y faisoit passer de Champagne sous de fortes escortes, toutefois après la prise de Rocroy on y établit peu à peu la sureté publique, en faisant un nombre infini d'éxécutions de ces loups de bois, mais dans la Guerre comprise entre les années 1672. & 1678. ils recommencerent de nouveau à abandonner la campagne, & se jetterent presque tous dans les bois, ils ont fait perir dans cet intervale un nombre extraordinaire de soldats, & d'Officiers ; la force premierement, & ensuite la douceur les ont rappeliez à la vie ordinaire, ceci regarde proprement les habitans de la Vosge. Les Troupes Lorraines sont en reputation de piller & de ne garder aucune discipline, mais l'Auteur prétend que cela vient moins du genie de la Nation que de l'accoutumance du desordre dans lequel ils ont vécu pendant le regne de Charles IV ; le Heros du Païs est le Duc Charles III, gendre du Roi Henri II. Il avoit été élevé en France comme un gage de la fidélité de sa mere Christine de Dannemark, nièce de Charles-Quint, laquelle étoit dans les intérêts de la Maison d'Autriche, ce Prince se rendit agréable au Roi qui le maria à sa fille aînée, & comme c'étoit la bien aimée de la Reine Catherine de Medicis, il en tira un nombre infini d'avantages dans le cours de son Regne, l'on prétend même qu'elle songea à l'élever au trône de France, ses sujets furent paisibles, heureux & abondans pendant toute sa vie, ce qui, comparé à leur état sous Charles IV, leur laisse le regret que cet heureux tems se soit passé, & qu'il n'en reste que l'idée de la mémoire. L'Auteur, ayant avancé que la Lorraine est très depeuplée, prouve son dire par le détail des habitans de toutes les Villes : il dit qu'on n'a trouvé dans Nancy que 1745 Chefs de famille & 470 veuves ou filles ; à Mirecourt 371, & 73 ; au Neufchateau 264, & 67 ; à Espinal 342, & 102 ; à Rozieres 271, & 65 ; à Charmes 64, & 11 ; à Remiremont 188, & 10 ; à Bruyères 68, & 18 ; à Luneville 225, & 48-, à Blamont 75, & 6 ; à S. Dicy 208, & 18 ; à Raon l'Estape 77, & 16 ; à Ste. Marie aux mines 224, & 54 ; à Bouquenom 61, à Saralbe 30 ; à Zaarguemines 44, & 2 –, à Chateau-Salins 154, & 16 ; à Badonuilliers 102, & 9 ; à Dieuse 255, & 15 –, àBoulayi95, & 12 ; à S. Nicolas 332, & 55-, à'Ligny 568, & 102 ; à Gondrecourt 148 ; à Thiaucourt 83, & 8-, àBourmont58, & 7 –, à Vezelize 134, & 19 ; & à Chaste 94 Chefs de familles & 9 veuves. De sorte que le total des Chefs de familles de ces 31 Villes ou Bourgs qui sont sans difficulté la principale force de la Lorraine ne montent qu'à 8548.
Pendant que le Duc Charles IV. étoit en possession de ses Etats, il y avoit à Nancy une Cour de Parlement pour juger en dernier ressort de toutes ses appellations de Lorraine,
LORBAR.
& une autre Chambre établie pour le Barois non mouvant, depuis que le Roi s'est mis en possession du Païs il a fait cesser leurs fonctions & attribuer au Parlement de Metz le ressort de tous les Baillages de Lorraine & de Barois ; mais quoique le changement ait paru dur aux Lorrains, ce n'est pas le plus considerable qui soit arrivé parmi eux dans l'administration de la Justice. La Noblesse avoit de tems immémorial le droit de s'assembler, savoir, dans les Baillages de Nancy, Mirecourt & Vaudrevanges tous les mois,
& dans celui de S. Michel tous les trois mois seulement, pour tenir ses assises & juger les procès qui étoient portez par appel devant elle, des Prévôtez & autres Juges inférieurs. En l'année 1628, le Duc Charles supprima ces assises & établit en chaque Baillage six Conseillers pour, avec les Lieutenans Généraux, juger tous les Procès à l'instar des Baillages de France ; cela fit beaucoup murmurer la Chevallerie de Lorraine, mais loin de reparer ce mécontentement quand il rentra dans ses Etats en 1661, pour ôter à la Noblesse toute esperance de se rétablir dans son droit a cet égard, il institua les deux Chambres du Parlement dont il a été parlé. Les Ducs de Lorraine ont toûjours eu deux Chambres de Comptes, l'une pour la Lorraine à Nancy, & l'autre pour le Barrois à Bar, le Roi fit cesser les fonctions de ces deux Chambres & en fit transporter tous les papiers dans la Citadelle de Metz, leur attribution étoit de connoître en dernier ressort de toutes les matieres concernant les Domaines du Prince. Le Duc Charles IV. érigea encore deux nouveaux Baillages à Luneville & à S. Dicy démembrant à cet effet les anciens Baillages qui n'étoient que trois, savoir, le Baillage François ou de Nancy, celui de Vosger ou de Mirecourt, & celui d'Allemagne ou de Vaudrevanges ; il y avoit à la tête de chaque Baillage un homme de qualité, dont le Lieutenant General jugeoit, avec un certain nombre d'Assesseurs ou Echevins, en dernier ressort les Causes Civiles entre les roturiers jusqu'à 50 l. de Lorraine, on ne se pourvoyoit contre leur jugement qu'au Conseil du Prince ; mais quand le Parlement fut formé les appellations de tous les Baillages lui furent en même tems attribuées. Outre ces grands Baillages il y en avoit un de toute ancienneté à Vezelize pour la Comté de Vaudemont, qui n'a été unie à la Couronne de Lorraine quen 1483 ; lors que René de Lorraine Comte de Vaudemont du Chef de sa bisayeule Marguerite Comtesse de Vaudemont & Dame de Joinville parvint à la succession de Lorraine après Yolant d'Anjou sa mere. Il y en avoit encore un autre à Chateau sur Mozelle pour la Seigneurie de ce nom, qui n'a été acquise qu'en 1543. par le Duc Antoine, au moyen d'un Contract d'échange qu'il fit avec le Comte d'Isambourg. Un autre à Espinal pour la Ville & 26 Villages que les Ducs de Lorraine n'ont acquis ou plûtôt usurpé sur les Evêques de Metz qu'en 1466 ; le pretexte de cette entreprise fut un acte, par lequel les Bourgeois & Communautez se sont donnez à Jean d'Anjou Duc de Calabre & de Lorraine, après que Louïs XI. les eût quitté & déchargé du serment de fidélité qu'ils avoient prêté en 1444. à Charles VII. son pere. Et finalement un autre à Neufchateau pour la Ville, & 18 Villages qui appartenoient anciennement aux Ducs de Lorraine en proprieté, mais dont la souveraineté appartenoit à la Couronne de France à cause de la Comté de Champagne ; il y a titre de l'an 1463, par lequel le Roi Louïs XI. accorde délai & souffrance à Jean Duc de Calabre & de Lorraine, pour faire hommage & faire aveu & dénombrement des Seigneuries du Neuschateau & Chatenoy en consideration de ce qu'il étoit occupé à la Guerre d'Italie, ce titre est soutenu de plusieurs autres antérieurs, & l'on ne voit pas comment la souveraineté a passé aux Ducs de Lorraine. Le Roi a donc supprimé tous ces Baillages en 1685, & a attribué à celui de Toul une très-grande partie du ressort de Nancy ; il a en même tems créé deux nouveaux Baillages, l'un à Espinal & l'autre à Sarrelouïs, qui ont pour ressort tout ce qui reste dans la Lorraine Françoile & Allemande. Quant au Barois & Bassigny mouvans, ils étoient des les premiers tems composez de deux Baillages, le plus grand & le plus étendu est celui de Bar-le-duc qui ressortit au Présidial de Châlons dans les cas de l'Edit & au Parlement de Paris pour tous les autres cas, & le Baillage qui n'avoit point de
LO RAINE & BAR.
R¬ fixe, & qui tenoit ses séances en certain tems, tantôt à Gondrecourt. tantôt à la Marche, & tantôt à Chatillon sur Saône ou à Conflans en Bassigny, quoique ce lieu soit enclavé dans la Franche-comté, les appellations de ce Baillage, qui est du ressort du Parlement de Paris, vont dans le cas de l'Edit, savoir pour Gondrecourt & son territoire au Présidial de Châlons ; & pour la Marche, Conflans, Chatillon sur Saône au Présidial de Chaumont. Le Duc Charles avoit établi son Baillage en chef à Gondrecourt ; mais le Roi par l'Edit de 1691. a fixé à Bourmont le Baillage de Bassigny, & lui a donné pour ressort, outre les Prévôtez anciennes, la Marche, Chatillon & Conflans, dont les appellations vont au Parlement de Paris, avec la Senêchaussée de la Mothe & Bourmont, & qui à présent ressortit au Parlement de Metz. Quant au reste du Barois mouvant, il n'y avoit autrefois qu'un Baillage, qui tenoit ses séances quatre fois l'an à S. Michel, où la Noblesse s'assemble, comme il a été dit, & on nommoit ces sortes d'assises les grands jours de S. Michel, mais le Duc Charles IV. leur ayant substitué son Parlement, il partagea le Baillage en trois & créa ceux de Pont-à-Mousson, le Roi les a supprimez tous trois, & en ayant créé un nouveau à Longwy, il a separé le reste entre les Baillages de Metz & de Verdun. Outre ce Baillage de S. Michel, il y avoit dans le Barois non mouvant une Senêchaussée d'une assez grande étendue dite la Mothe, & Bourmont, laquelle le Roi a jointe comme il a été dit au Baillage de Bassigny ; cette Senêchaussée ou Chatelainie étoit mouvante de la Couronne comme celle de Bar-le-duc, il s'en trouve plusieurs monumens, actes de foi & hommages passez par les Ducs & Comtes de Bar ; le dernier est de l'an 1391. rendu par Robert Duc de Bar au Roi Charles VI ; ceux de la Maison de Lorraine, qui ont possedé la Duché de Bar, en conséquence de la donnation qui en fut faite le 13. Août 1419. par Louïs Duc & Cardinal de Bar & Evêque de Verdun & René d'Anjou Duc de Lorraine son petit-neveu, ont trouvé moyen de demembrer cette étenduë de la souveraineté de la Couronne de France ; ainsi l'on voit que chaque Puissance s'est empressée, selon les tems & les occasions, d'entreprendre sur sa voisine & d'établir son autorité & son indépendance à ses dépens.
Justices Seigneuriales.
Les Justices Seigneuriales de Lorraine les plus considérables sont celles du Chapitre de Remiremont, du Chapitre de S. Dicy, des Abbayes de Senone, Estival, Moyen-moûtier, du Marquisat de Gerbevillers à la maison de Tornicle, de celui de Renoville à celle de Bassompierre, de la Baronie du Chatel à la même, du. Marquisat de Blainville à celle de Lenoncourt, de celui de Fauquemont dans la Lorraine Allemande à celle d'Haraucourt, & celui de Ville Surillon, qui étoit de la Maison de Livron, & a été vendue au Sieur Rinsard. Les Justices du Barois sont celles du Comte de Ligny au Duc de Luxembourg, de Pierrefite au Comte de l'Aumont de la Maison de Duchatelet, de la Baronie d'Anserville à M. le Duc d'Orléans héritier de Mademoiselle de Guise, & de feuë Mademoiselle, de celle de Tours au Marquis du Chatelet Colonel, du Marquis d'Haroué & Baronie d'Armes ci-devant à la Maison de Bassompierre vendue depuis au Sieur Boileuë, & à présent en contestation entre les créanciers & la Comtesse de Crussol ; de la Baronie de Beaufremont autrefois au Sieur de Lenoncourt & Fornielle, à présent venduë moitié au Sr. Président l'Abbé, Président des Comptes de Lorraine, & moitié au Sieur d Alençon Lieutenant au Baillage de Bar-le-duc, du Marquisat de Novian à la Maison de Beauveau, de la Baronie de Viviers à la Princesse de Lisbonne, du Marquisat de Moigneville acheté par le Sieur de Choisy Gouverneur de Sarrelouïs. Il n'y a dans la Lorraine & le Barois d'autres terres que celles-là dont les quatre plus considérables font, Ligny, Renouille, Anserville & Gerbevilliers. L'Auteur dit, qu'il ne parle point de la Principauté de Salin, parce que c'est un fief de l'Empire, ainsi que la Seigneurie de Morenger, non plus que la terre de Commercy dont les trois quarts appartiennent à la Princesse de Lisbonne, & l'autre quart au Sieur Sarmoise Gentilhomme Lorrain, parce quon a toûjours estimé que c'étoit une Souveraineté indépendante jusqu'à ce que par arrêt de la Chambre de Metz du 15. Avril 1680, il a été déclaré domaine de l'Evêché de
Merz. Ces terres, quoique de grande étendue, ont peu de mouvances féodales, la plûpart des fiefs relevent directement du Duc de Lorraine, ce qui fait voir le soin particulier que les Princes ses Ancêtres ont donné à leur aggrandissement depuis plusieurs S cles. Les autres terres de Lorraine les plus considerables sont Dombale, à la Maison de Bassompierre & Lenoncour à la Maison de Lenoncour ; Neuvillers au Prince de Salin ;
Bayon à Mademoiselle du Ludre Chanoinesse, Ludre & Richard Mesnil au Marquis de Ludre ; Thiecour au Duc d'Havré, Acraigne & d'Halem au Marquis d'Haraucour ; Fleville, Essey, S. Max & Dompmarchemont au Marquis de Beauveau ; Hossonville, Ligneville & Vittée à la Marquise de Caraglia, elle est fille & heritiere de François Senant, qui possedoit ces terres du Chef de sa femme ; Haraucour près Nancy, à la Maison de Livron ; Yalhey au Comte de Tornielle ; Savigny, Badricourt ; & Floremont au Marquis de Bassompierre ; Gorin & Baudricourt au Comte de Viange ; Dombrol & Tautonville vendus sur la Comtesse de Mouchat au Président Blair & au Sieur Parry, au Sieur de Fiquemont ; Fontenay ci-devant au Sieur de Gournay à présent au Sieur deViarme, Daling à M. le Marquis de Lenoncour ; Blainville Beruës au Comte de Linden de la Maison d'Aspremont ; Tamejus & Vanne au Sieur de Ligneville.
Celles de Barois sont, Loupy le Chatel à Mademoiselle de Lisbonne ; Sommelsaine au Comte d'Estaing ; Vaubecourt au Comte de ce nom ; Voretons & Guimecourt au Sieur Dessalles ; Cousames au Sieur Lemaine Président de Metz –, Legmond au Marquis de Lenoncour Blainville ; Neuville au Sieur de Nettancourt ; Couvonge à la Maison de Stainville ; Friauville au Sieur de Gournay-, S. Balmont au Sieur Desarmoises ; Jaulny à un autre du même nom ; Vinot à la Comtesse de Viange ; Bugneville au Marquis de Postey-, Sartes Bompierres & Sammecourt vendus sur la Maison de Livron au Sieur de Thiancourt ; Mortainville & Reigneville au Comte de Viange ; Stainville vendue sur la Maison de Lorraine au Sieur Morel Maître de la Chambre aux deniers ; Sorey au Marquis de Meuse du nom de Choiseuil ; Zaurx au Marquis de Mouy ; La Granville près Longwy au Marquis de Lambert ; Fains Belraines & Argeviìie au Marquis de Beauveau ; Rosnes & Vanincourt au Comte d'Estoges.
Etat Ecclesiastique
A l'égard du Gouvernement Ecclésiastique, l'Auteur observe premierement qu'il n'y a dans la Lorraine aucune Ville Episcopale, mais qu'elle est entierement partagée en les jurisdictions des Evêques de Metz, Toul & Verdun pour le spirituel : quelques Paroisses des limites se trouvent enclavées dans le Diocèse de Trêves, de Châlons, de Langres, & de Besançon, mais elles ne forment aucune étendue remarquable. Les Abbayes d'hommes de Lorraine sont de l'Ordre de S. Benoît, Senone en regle, qui vaut 100000 l. de rente ; Moyenmoustier, en regle, qui vaut 5000 l. & Boussonville qui vaut 3000 l. celles de l'Ordre de Cîteaux font, Beaupré en commande de 3000 l. Clerlieu idem ; Villers Bertheval idem ; & Stilsborn en commande qui vaut 1000 l. celles de Prémontré sont Sitival, en regle, de 3000 l. Bonfay, en regle, 1500 l. & Salival, aussi en regle, 2000 l. enfin celle des Chanoines Réguliers de S. Augustin sont Chaumosey, en regle, de 4500 l. Belchamps, en regle, de 6000 l. Dompierre, en regle, de 3000 l. Autrey en commande de 2000 l. & Luneville aussi en commande de 4000 l. Les Abbayes de filles font, Le Chapitre de Remiremont de 20000 l. d'Espinal de 5000 l. de Bouxieres de 2500 l. & de Poussais de 2000 l. Ces quatre Chapitres sont nommez Abbayes seculieres, les Dames de ces Maisons sont preuve de Noblesse de 16 quartiers ; la premiere est possedée par la Princesse Dorothée de Salin ; la deuxième par Mademoiselle de Lenoncour soeur du Marquis ; la troisième par Mademoiselle de Grammont de Franchecomté, seconde fille du Comte de ce nom, & la quatrième par Mademoiselle de Moncha Simianne. Les autres Abbayes de filles sont de l'Ordre de Benoit, Fraulautern de 2000 l. & de l'Ordre de Cîteaux Ungeville de 5000 l. & l'Estrange de 2000 l. Les Prieurez de Lorraine font, Nancy, S. Nicolas, Froville, Varengeville, le S. Mont, Romont, Drosteval, Landecour, le Pont, S. Vincent, Luy, Flavigny, Neuvillers, Chastenay, Rel-
LORRAINE & BA
Nombre Religieux. Chapitre de Chanoines.
langes, Rozieres, Bonneval, Liepare, Grivental & Mortlzich. Les Abbayes de Barois sont de l'Ordre de S. Benoît, S. Michel ou S. Michel en commande de 2000 l. De l'Odre de Cîteaux l'Isle en Barois en commande de 15000 l. les Vaux aussi en commande de 4500 l. & S. Benoît en Voivre en regle de 4000 l. enfin celles de l'Ordre des Prémontrez sont Ste. Marie du Pont-à-Mousson en regle ; Rangeval aussi en regle de 2000 l. Rieval en commande de 14 à 1500 l. Jouilliers en commande de 3000 l. celle de Flabemont en commande de 3000 l. enfin Gendeurs aussi en commande de pareil revenu. II n'y a dans le Barois qu'une feule Abbaye de filles qui est de l'Ordre de Cîteaux & vaut 3000 l, elle est nommée Ste. Hoilde. Les Prieurez de Barois sont Bar-le-duc le Breuil lès Commercy, Gondrecour, Rup aux Nonnains, Sillemont, & Dieu s'en fouvienne. On compte en Abbayes & en Prieurez de l'Ordre de S. Benoît dans l'étenduë de la Lorraine & du Barois seize Maisons, qui renferment 136 Religieux, elles sont toutes de la Reforme de S. Vannes, on y fait l'Office avec beaucoup d'édification, & l'étude tant de Theologie que de l'Histoire Ecclésiastique y fleurit autant que dans la congrégation de S. Maur ; Dom Mathieu Petit Didier l'un de ces Religieux a écrit depuis peu une critique sur l'Ouvrage du Sieur Ellies Dupin. Les Maisons de Prémontrez au nombre d'onze contiennent 83 Religieux, qui ont tous embrassé la Reforme, laquelle a commencé dans la Lorraine, & s'étend jusqu'en France. Les Maisons de Cîteaux ne renferment que 28 Religieux, parmi lesquels l'Auteur desireroit voir une reforme aussi édifiante que dans les précédentes. Il y a sept Maisons de Cordeliers qui ont en tout 81 Religieux ; on travaille à y établir l'étroite observance, mais cet ouvrage trouve de grandes contradictions. II y a vingt Augustins en trois maisons, 66 Minimes en neuf, 240 Capucins en seize, iqDominiquains en deux, 81 Carmes Déchaussez en cinq ; il y a encore deux Maisons de Religieux de S. Antoine, 7 de Jesuites, entre lesquels la plus considerable est celle de Pont-à-Mousson qui est composée de plus de 60 Religieux. L'an 1572, le Cardinal Charles de Lorraine Archevêque de Rheims & Administrateur de l'Evêché de Metz fonda l'Université de Pont-à-Mousson sous l'autorité du Pape Gregoire XIII ; cette Université est entre les mains des Jesuites, ils ont peu d'écoliers pendant la Guerre, mais en tems de Paix il leur en vient abondamment d'Allemagne. Les Chartreux n'ont qu'une feule Maison dans les Etats de Lorraine, qui a été fondée par le Duc Charles IV. Depuis sa retraite en 1670, le Roi a bien voulu leur continuer une pension ou gratification annuelle de 5000 l. pour les mettre en état d'achever leur Eglise & les batimens de leur Maison qui sera l'une des plus belles de l'Ordre. Outre les Religieux marquez ci-dessus, il y a encore des Carmes Mitigez, des Recolets & des Penitens du tiers Ordre qu'on nomme en Lorraine Tiercelin & en France Piquepus. Quant aux Maisons de filles, outre les Abbayes marquées ci-dessus il y a deux Monasteres de la Visitation de 71 filles, trois d'Annonciades bleues de 66 filles, cinq d'Annonciades rouges de 81 filles, un de Benedictines du S. Sacrement de 30 filles, un de Dominiquaines de 29 filles, deux de Claristes dites de l'Avemaria, quatre du tiers Ordre de 51 filles, cinq de Soeurs grises non cloistrées de 78 filles, enfin deux de Claristes mitigées ou Urbanistes de 64 filles. Quant aux Colleges de Chanoines, le plus ancien & le plus considerable des Etats de Lorraine est le Chapitre de S. Dicy composé d'un Prévôt & d'un Doyen, d'uti Chantre, d'un Scolastre & de 25 Chanoines. Le Chapitre de S. George de Nancy, fonde par le Duc Raoul en 1339, composé d'un Prévôt & de 14 Chanoines ; il a 4000 l. de rente. La Primitiale de Nancy fondée par le Duc Charles III. est composée d'un Primat, qui a seul 6000 l. de rente, un Scolâtre, Chantre & 13 Chanoines, ils ont ensemble sans compter le Primat 12 à 13000 l. Le Chapitre de Vaudemont est peu considérable, il peut avoir 2000 l. de revenu ; celui d'Aney, idem ; celui de Blamont est encore moindre & pareillement ceux de Neuvre & de Hassonville, de Hotton Chastel, de Thelod & de Marienhoff. Les Chapîtres de Barois étant celui de S. Max à Bar-le-duc, qui
LoRest
LoRest la Chapelle du Château, comme S. George l'est à Nancy » S, Pierre de Bar composé d'un Doyen & de 4000 l. celui de Ligny composé dun Doyen & de 10 Chanoines de 3600 l. de revenu ; celui de la Mothe transféré à Bourmont, d'un Prevot & dix Chanoines 4000 l. celui de Ste. Croix a Pont-a-Mousson d'un Prevot & de 0 Chanoines a 2000 l. Il y a à Longwy une Chapelle Castralle fondée par les Ducs de Lorraine. A l'égard des Cures dans tous les Etats de Lorraine, elles sont toutes de si petit revenu que les Curez se sont presque tous reduits, autant qu'ils ont pû, à la portion congrue, aussi cet Ordre du Clergé est-il assez mal rempli, selon que l'Auteur prétend l'avoir reconnu »
Après ce détail des biens Ecclésiastiques l'Auteur passe à l'éxplication de ce qui regarde l'ancienne Chevalerie de Lorraine, & donne le détail des autres Maisons de Noblesse les plus considerables du Païs. Il dit, que par le nom d'ancienne Chevalerie on entend la posterité de ceux qui accompagnèrent Godefroi de Bouillon en la Conquête de la Terre Sainte en qualité de Chevaliers, & il observe que cette postérité s'est conservée très-long tems sans mesaliance, parce que chaque famille regardoit comme un affront d'être rejette des Chapîtres où l'on fait preuve de Noblesse maternelle. L'Auteur prétend qu'il n'en reste plus que quatre familles, savoir, le Chastelet, Haraucour, Lenoncourt & Ligneville. Mais avant d'entrer dans le détail de ces Maisons, il est bon d'observer que dans la tenue des Etats de Lorraine, qui étoit fréquente autrefois, par la raison que les Princes consultoient souvent leur Noblesse, elle étoit distinguée en cinq degrez ; le premier étoit des Hauts hommes qui avoient séance sous le dais du Prince, quoiqu'au dessous de lui, ceux-là étoient les Princes ou Comtes de Clebange, ceux de Morhanges, & les Rheingraves ; autour du dais étoit le second rang, composé de l'ancienne Chevalerie, & au dessous la Noblesse du troisième Ordre, c'est à dire, celle de quatre races, & ensuite la simple Noblesse suivie enfin des annoblis. A l'égard des Hauts hommes, il faut savoir que la Comté de Salin est un fief de l'Empire, où les Ducs de Lorraine n'avoient par conséquent aucun droit, & que l'ancienne Maison qui la possédoit étoit cadette de celle de Luxembourg selon les meilleurs Généalogistes, mais qu'elle s'est toûjours attachée à la Cour des Ducs de Lorraine. Cette Maison s'est éteinte en filles, Jean Comte de Salin Maréchal de Lorraine n'ayant laissé que la Princesse Christine Epouse de François de Lorraine Comte de Vaudemont, frere du Duc Henri & pere du Duc Charles IV ; & Paul Comte de Salin n'ayant pareillement eu qu'une fille mariée au Rheingrave ou Comte Sauvage du Rhin, duquel descend la Maison de Salin d'à-présent. En 1598, Jean Comte de Salin & Frédéric Rheingrave partagèrent la terre de Salin ; la premiere moitié est passée dans la Maison de Lorraine par le mariage de la Princesse Christine, mais la seconde échue au Rheingrave fut érigée en Principauté par l'Empereur Ferdinand III ; de lui descend le Prince de Salin Gouverneur du Prince des Romains, qui en premieres nôees avoit épousé une Princesse Palatine, soeur de la Princesse de Condé, dont il a des enfans, l'Abbesse de Remirecourt est sa soeur. Il y a plusieurs branches de Rheingrave dans la Lorraine Allemande, savoir, celle de Dhaun, celle de Dromback, celle d'Estaing & celle de Morhange ou Kerbourg, laquelle étant finie depuis peu, il n'en reste que la veuve fille du Prince Palatin de la Petite Pierre, branche de Veldentz.
De l'ancienne Chevalerie de Chatelet. Lenoncourt.
Quant à l'ancienne Chevalerie, l'Auteur éxplique exactement ce qui regarde chaque Maison, il dit que celle du Chatelet, qui se flatte d'être cadette de celle de Lorraine à cause de la ressemblance des Armoiries, est divisée en plusieurs branches ; que le Marquis du Chatelet qui a épousé une fille du Maréchal de Belle-fond en est le chef ; que son pere nommé le Baron du Chatelet de tous étoit Maréchal de Lorraine, & qu'il avoit épousé une soeur du Duc d'Aumont ; que son bisayeul étoit Chevalier de l'Ordre du S. Esprit de la promotion de 1585 ; que le Marquis de Laumont Commandant à Dunkerque est chef d'une autre branche, & qu'il a épousé l'heritiere de Pierrefite du mêm
LoRRAINE & BAR
Haracourt.
nom, tous enfans du Chevalier de l'Ordre du S. Esprit. La Maison de Lenoncourt, que l'Áutéur met au second rang a été illustrée par deux Cardinaux, Robert & Philippe on-. neveu, dont le premier étoit Evêque de Metz, & le second Archevêque de Rheims, aussi bien qu'un autre Robert oncle du premier Cardinal. Entre les autres personnages illustres sortis de cette Tige, l'Auteur observe particulièrement un Seigneur de Lenoncourt tué au siege de Thionville en 1643, il ne restoit plus en Lorraine que deux branches de ce nom, celle du Marquis de Blainville, qui a épousé une fille de Nettancourt, niece de la mere de Remirecourt Carmélite, connuë du tems de la Reine Marie Thérese & celle du Marquis de Serre autrefois grand Ecuyer de Lorraine, dont la fille unique a épousé M. d'Heudicoúrt frere du grand Louvetier. Haraucourt, Maison très-ancienne mais inferieure aux précédentes, est reduite au Sieur Marquis d'Haraucourt demeurant à Dalem dans la Lorraine Allemande, il avoit épousé une niéce de l'Electeur de Treves Charles Gaspard de la Loyen, dont il n'a point eu d'enfans ; sa soeur mariée au Marquis de Bissy n'a laissé qu'un fils qui sera heritier de cette Maison, lepere du Marquis étoit Maréchal de Lorraine son ayeul, Gouverneur de Nancy : ainsi cette Maison a toûjours été illustrée par de grandes Charges. La branche d'Haraucourt Chambley est tombée dans la Maison de Bassompierre ; une autre en celle de Livron par le mariage de l'heritiere avec le Marquis de Ville ; il reste en Franche-comté une branche d'Haraucourt presque inconnue à cause de son peu de biens ; il y a deux Dames de ce nom Chanoinesses à Remiremont. Le Marquis d'Haraucourt possédé le Marquisat de Fauquemont & la terre de Dalem dans la Lorraine Allemande. Ligneville est une Maison très-étenduë dont les diverses branches sont toutes peu accommodées. Le Comte de Ligneville long tems General des Troupes du Duc Charles IV. en paroissoit être le Chef, la brandie qui est d'ailleurs la plus connuë est celle des Seigneurs de Tonnein & de Vannes ; la terre de Ligneville est sortie depuis long tems de la Maison, elle appartient au Marquis de Caraglia Piedmontois du Chef de sa femme fille unique du Marquis de Senante, laquelle en premieres noces avoit épousé le Comte de Châlons de la Maison de Lenoncourt, dont elle eut un fils tué dans les Troupes de Savoye à la bataille de la Marfaille, & une fille qui sera heritiere mariée au Marquis de Basertrin Génois, qui prétend être de la Maison de Carotte. Les autres Maisons éteintes d'ancienne Chevalerie sont, Florinville tombée partie en la Maison de Beauveau Fleville & partie en celle de Choiseul Meuse. Dom Martin tombée en la Maison de Bassompierre. Haussonville tombée en partie en celle de Nettancourt, pourquoi le Comte de Vaubecourt en porte le nom & les armes ; partie en celle de Saffre. Marcossey tombée partie dans la Maison d'Haraucourt, & partie en celle d'Huxelles & de Vianges. Savignynon éteinte, mais transportée de Lorraine en France, à l'occasion de l'heritage de la Maison d'Anglurre ; Estoges en Champagne, le Maréchal de Rosny, sait prisonnier par le Duc de Mayenne du tems de la Ligue, étoit de ce nombre, la terre de Savigny est dans la Maison de Bassompierre.
2eChevalerie.
Les Maisons qui descendent par filles des précédentes, & qui d'ailleurs peuvent aller du pair avec elles, sont les suivantes.
Stainville. Ludre.
Stainville, dont le Chef est le Comte de Couvonge illustre par plusieurs Ambassades près du Roi, & par le fideicommis de Mademoiselle de Guise, la terre du nom a passé dans la Maison de Salm & dans celle de Lorraine, sur laquelle elle a été venduë & adjugée au Sieur Morel, Maître de la Chambre aux deniers. Ludre Maison originaire du Comté de Bourgogne est reduite à Madame du Ludre fille d'honneur de la Reine, puis de Madame ; & au Marquis du Ludre son neveu ; cette Maison se pique de descendre de l'ancienne Maison de Bourgogne par les branches de Montaigu, Touches, Sombernon, Forniele, Maison originaire d'Italie des anciens Seigneurs de Navarre, le premier qui se soit établi en Lorraine, ayeul de celui d'à-présent, épousa l'heritiere de Châtelet de Villi, qui possédoit le Marquisat de Gebervillers & plusieurs autres grandes terres, il étoit pre-
LORTauton¬
LORTauton¬ Saffres. Dessalles. Lambertie.
mier ou grand. Maître d'Hôtel du Duc Henri & Chef de ses Finances, son fils a été grand Chambellan. Il portoit le nom de Comte de Brionne, à cause des terres qu'il possédoit encore dans le Navarrois, l'aîné de ses enfans Marquis de Gerbevillers est mort, le cadet Comte de Tornicle a été Gouverneur de Nancy & Capitaine des Gardes du Duc Charles V. Beauveau, Maison originaire d'Anjou, vint en Lorraine avec René d'Anjou l'an 1420, lorsqu'il épousa Isabelle heritiere de Lorraine ; cette Famille a une illustration considerable, en ce qu'Isabelle de Beauveau Dame de Praigny & de la Roche-sur-Yon est comptée pour la cinquième ayeule du Roi de mâle en mâle. Les branches établies en Lorraine y ont possédé & y possédent encore de très-grandes terres, aussi bien que les principales Charges de la maison des Ducs ; la branche de Novion est finie en la Comtesse de Vianges qui n'a point d'enfans ; celle de Fleville subsiste en la Parente du Marquis de Beauveau fille de celui qui a été Gouverneur du dit Duc Charles V, & depuis de l'Electeur de Baviere, il a plusieurs enfans & un frere au service de l'Electeur. Bassompierre, Maison originaire d'Allemagne établie en Lorraine dans le XVI. Siécle, y a possedé les premieres Charges de l'Etat & des terres considérables. François Marêchal de Bassompierre étoit de cette Famille, il en reste deux branches, Bassompierre Marquis de Removille & Bassompierre Savigny ou Baudricourt. Livron Bourbonne, Maison originaire de Dauphiné, a possédé les plus grandes Charges de l'Etat, & les plus considerables du Païs ; le Marquis de Bourbonne fut fait Chevalier de l'Ordre du S. Esprit en 1633 ; il n'en reste en Lorraine que la Marquise d'FIaraucourt fille du Marquis de Ville, frere aîné du Marquis de Bourbonne Chevalier dp l'Ordre. Choiseul, Maison illustre & originaire de Champagne, a deux ou trois branches établies en Lorraine ; le Marquis de Meuze est Chef de l'une ; le Sieur Diche en fait une autre, & la troisième fait sa résidence dans la Lorraine Allemande. Ragecour, Famille ancienne, consiste en deux freres tous deux mariez, l'un porte le nom simple, & le cadet celui de Branoncourt ; il y avoit une autre branche finie en une fille mariée au Chevalier Duc, Piedmontois, Marêchal de Camp dans les Troupes de France, ils sont neveux du côté maternel du fameux Comte de Fontaines mort à Rocroy. Desarmoises, Famille des plus anciennes, est divisée en deux branches, la premiere est composée de trois freres tous trois mariez, l'aîné porte le nom de Jaulny, le second celui de Commercy dont il possedé le quart de la Seigneurie, & le troisième de Balmont ; la seconde porte le nom d'Aulnoy ou Bouligny ; tous demeurent à la campagne. Lussel Bourgou, Luzel Bourg, maison très-ancienne qui se prétend cadette de celle de Luxembourg. Aspremont consiste en trois branches, la premiere est finie en la Duchesse de Lorraine, qui épousa le Duc Charles IV. en 1665, & depuis sa mort le Comte de Mansfeld ; la seconde est des Comtes de Linden dans la Lorraine Allemande, & la troisième des Seigneurs de Sillombois près S. Michel. Nettancourt, Maison originaire de Champagne, & dont la Seigneurie du nom est la derniere confinante avec le Barois, a diverses branches, celle de Vaubecourt qui a pris le nom de Haussonville à cause de l'alliance de l'héritiere de cette Maison. Elle vient de Jean de Nettancourt Baron d'Orne, qui fut Chevalier en 1633, il prit le premier nom de Haussonville Vaubecourt à raison d'une substitution, il est bisayeul du Comte de Vaubecourt d'à-présent, les autres branches répandues dans la Lorraine & Barois sont Nettancourt, Neuville, Nubercourt, & c. Tautonville est finie en la personne de Mademoiselle de Moncha Simianne veuve du Comte de Simianne Commandant des Gardes, Gens-d'armes de la Reine mere, elle étoit heritiere des terres de Tautonville, Dombrot, & c. La Maison de Saffres a pris le nom de Haussonville depuis qu'elle en possedé la terre, qui y est entrée par alliance ; le Chef de ce nom a épousé une Demoiselle du Hautoy : son ayeui étoit Maître de l'Artillerie du Duc de Lorraine. Dessalles, ancienne Famille, divisée en deux branches, celle des Comtes des Salles Seigneurs de Voton & Gaucour dans le Barois ; & celle des Marquis de Vortay dans la Prévôté de Vaucouleurs. Lambertie est une Famille originaire du Limosin, le Marquis de Lambertie, Lieutenant du
L'ORRAINE & BAR.
Gournay. Filquelmont. Dourches. Osslants. Helmstat. Marle. Mauleon. Mercy. Hunolsteim. Bannerot. La Vaux.
Roi au Gouvernement de Nancy & Gouverneur de Longwy se maria dans le PPaïs ses parens s'y sont établis. Gournay, famille ancienne & nombreuse, a crois branches principales, celle du Lieutenant General mort à Fleurus, dont le fils a été tué à Nervinde ne subsiste plus que dans un Abbé qui est Prêtre, celle d'Esneval, dont le Chef est Colonel d'Infanterie, & celle de Friaville en Lorraine, le Sieur de Marcheville Ambas fadeur à Constantinople sous Louïs étoit de cette Famille. Filquelmont, Famille ancienne divisée en deux branches Malatour & Paroy. Dourches, Famille au service de la France. Mitry, Famille ancienne & attachée au service du PPaïs consiste en trois branches toutes accommodées, la derniere des trois est tombée piar mariage dans la Famille de Champion Ciré dans la Province de Bretagne. Offlants, le Comte de Wiltz est de cette Maison, il a épousé une soeur du Marquis de Prastin. Helmstatdans la Lorraine Allemande, l'aîné de ce nom a épousé une soeur du Comte Marle, originaire de Flandres. Mauleon, originaire de Guienne, avoit deux branches, l'aînée surnommée d'Autigny est finie en filles mariées en Allemagne, la seconde porte le surnom de la Bastide. Mercy, Famille quia donné d'illustres Généraux aux Troupes de l'Empereur, a son établissement dans le voisinage de Longwy. Hunolsteim dans la Lorraine Allemande-, Bannerot Herbervillers près de Luneville a donné le General de ce nom qui sert en Allemagne. La Vaux, Yrecour, Tavagny, dont Madame de Grimaldy veuve du Prince Lixeim, Roussel, Sieur d'Aubigny, Fontelle, Salins, Lamezan, sont en abrégé les plus considérables Familles du Païs. En general la Noblesse de Lorraine n'est pas riche, les plus puissans au nombre de deux ou trois ont 12000 l. de rente, dix à douze autres en ont depuis 4 jusques à 6, & les autres sont presque generalement au dessous de 4000 l.
Magistrature Villes
La Magistrature des Villes s'étoit tellement avilie par la création des Officiers que le Roi y a établis pendant la guerre que les honnêtes gens n'y vouloient plus entrer, avant cela le Corps-de-ville de Nancy, Epinal, Bar-le-duc, étoient considérables & distinguez par leur application aux affaires publiques, à la Police & au logement des Troupes.
Manufacture.
Il n'y a en Lorraine aucune manufacture de soye ni de draperie ; le Duc Charles, avant e. sortie en 1670, avoit donné ses ordres pour en établir une à Nancy de la premiere espèce, mais cela n'a pas eu de fuite, on fabrique de grosses serges ou draps de laine du Païs à S. Nicolas & à Ste. Marie-aux-mines & quelques tapisseries de laine à Nancy ; mais l'une & l'autre sont peu de chose, la plus considerable manufacture de la Province, si on peut lui donner ce nom, est celle des dentelles de fil qui se fabriquent à Mirecour, Vizelize, Neufchâteau & dans les villages circonvoisins, dont le débit se faisoit autrefois avec profit en Espagne. Les Sieurs Diez & Salles de Neufchâteau s'y sont enrichis, & ont eu depuis des imitateurs ; le Commerce des toiles est considerable dans toute la Lorraine à cause de la grande consommation qu'en sont les Armées, particulièrement des plus grossieres, qui servent aux emballages, aux magasins, & c. Les laines du Païs, qui sont en grande quantité se tirent en Champagne & vers le Païs de Liege. Les habitans de la Vosge s'occupent pour la plupart à sier des planches ou à les conduire sur les rivieres flottables jusqu'à Nancy & à Metz ; on nomme les traines de ces planches Voiles, & ceux qui les conduisent Voileurs. II y a quelques moulins à papier en différens endroits, & quelques fabriques de chapeaux de poil de lapin, toutefois moins bons que les Caudebecs, on trouve aussi des fabriques de cordes, de clouds, de bas & de bonnets de laine au tricot repandus en différens lieux du Païs, mais elles sont peu considérables, les Lorrains, & particulièrement ceux des villages de Levescourt, Outremecour & Bretannes dans l'Office de Bourmont excellent dans la fonderie, ils se répandent dans toute l'Europe pour fondre des cloches & des canons, il y en a plusieurs employez dans les arcenaux du Roi, les Chaligny Maîtres Fondeurs de l'Arcenal de Paris étoient Lorrains.
La Situation de la Lorraine dans un grand éloignement de la merlans rivieres qui y apportent aucunes marchandises de dehors, celles qui y prennent leur source ne devenant navigables qu'à la sortie du Païs, éloigne éxtrèmement ses habitans de tout com-
LoR.
merce, aussi ne voit-on pas que les Lorrains courent les Païs étrangers pour s'y former, ils vivent chez eux de la nourriture & de l'abondance du Païs-, ìlsetoienttres-peu chargez dans le Gouvernement de leurs Princes, le Roi en a tiré plus que le double de ce qu'ils prenoient, mais aussi les grandes dépenses qu'il a faites dans le Païs y apportoient beaucoup d'argent & mettoient le peuple en état de payer les impositions ordinaires & éxtraordinaires, dont il a été chargé particulièrement pendant la guerre, quoiqu'il en soit on n'a point vû les Lorrains sortir de leur Païs pour cela, comme ils ont été obligez de le pratiquer sous Charles IV, toutefois plusieurs se sont jettez dans les Troupes, mais plûtôt par inclination que par nécessité. Le Duc Charles IV, à son retour en ses Etats en 1661, crut qu'il seroit aisé d'y attirer le commerce des soyes, parce que les Hollandois, les Flamands & même les Anglois auroient pû aussi aisément tirer leurs soyes d'Italie par la Lorraine, que par mer ou par le Rhin où les droits sont excessifs ; la commodité de la Meuse, & même de la Mozelle, rendoit ce projet três-probable ; il commença donc par établir une poste reglée de Bruxelles en Italie, mais la Cour de France fit échouer ce dessein qui auroit été nuisible au commerce de Lyon & de Marseille. Le peuple Lorrain est diminué de deux tiers depuis l'année 1632, cela paroit par les anciens Rolles & autres enseignemens, & quoiqu'il se soit un peu rétabli sous la domination du Roi, il s'en faut encore beaucoup qu'il ne soit revenu à son premier état. Les Ducs de Lorraine ont tellement éloigné les heretiques de leur Païs, qu'il ne s'y est trouvé que 5 ou 6 Huguenots sur les frontieres du Barois, lesquels s'y maintenoient avec leurs familles par la commodité des prêches qu'ils trouvoient en Champagne, mais depuis la revocation de l'Edit de Nantes ils se sont retirez.
Etenduë & denombrement des Etats de Lorraine.
L'étenduë des Etats de Lorraine étoit grande & considérable avant que la bisarre conduite de Charles IV. eût obligé les Rois Louis XIII. & XIV. à le punir & à leur ceder la Comté de Clermont, les Places de Stenay & Dun sur la Meuse, Jamets & ses dependances qui furent abandonnées à la France par le Traité du 29. Mars 1641 ; la ville de Sierk & 30 villages aux environs, la moitié de Moyenvic, la Piévôté de Marville, de Malatour, & la route de Metz à Verdun, les Villes de Strasbourg & de Phalsbourg, & la route de Metz en Alsace cedez au Roi par le Traité de Metz de 1661 ; enfin la Place de Marsal remise au Roi par le Traité du premier Septembre 1663, mais cette étendue néanmoins a toûjours été entrecoupée par les Terres des trois Evêchez, Metz, Toul & Verdun, qui relevoient nuëment de l'Empire & par les autres fiefs du même Empire, savoir, les Comtez de Salm & de Sarbrack par Morhange, Creange, moitié de Moyenvic, dans laquelle Ville il y a toûjours eu garnison Impériale jusqu'à ce que le feu Roi s'en soit emparé, par la Prévôté & Ville de Thionville qui appartenoit au Roi d'Espagne, avant que M. le Prince en fit la conquête en 1643, par des terres indépendantes, telles que le sont Commercy, Vaucouleurs, & c. & enfin par quelques enclaves d'Alsace, de Champagne & de Franche-comté.
Quant à la forme du Gouvernement observé dans la Lorraine il est certain, quavant l'année 1542. la Lorraine propre, le Marquisat du Pont-à Mousson & le Barois non mouvant, étoient censez Membres de l'Empire, les appellatious des Baillages alioient à la Chambre Impériale de Spire, & les Ducs de Lorraine étoient mandez & citez à toutes les Dietes, mêmes tenus de contribuer aux impositions communes pour la défense de l'Empire, à la vérité ils prétendoient que c'étoit feulement à raison de quelques fiefs particuliers, tels que la Comté de Blamont, mais le Corps de l'Empire prétendoit le contraire ; enfin dans cette année 1543, Antoine Duc de Lorraine fit à Nuremberg un Traité avec Ferdinand Roi des Romains au nom de l'Empereur Charles-Quint son frere, par lequel la Lorraine fut reconnuë souveraine, libre & detachée de l'Empire, & par ce moyen le Duc s'obligea pour ses autres terres, tant pour lui que pour ses Successeurs, de contribuer à l'avenir des deux tiers de la quote-part d'un Electeur à toutes les impositions
LOR& BAR.
qui seroient faites pour la paix & la fureté de la Generalité de l'Empire ; au surplus la Duché de Lorraine & ses sujets furent affranchis & éxempts de tous autres mandemens & juridictions de l'Empire, ainsi depuis ce tems les appellations des Baillages n'ont plus été relevez à la Chambre Impériale comme auparavant.
Histoire.
Au surplus la forme du Gouvernement étoit fucceffive & Monarchique, de telle forte néanmoins que les Princes ne pouvoient faire d'impositions sans le consentement des trois Etats ; & qu'ils dépendoient en quelque maniere des assises de l'ancienne Chevalerie dans chacun des trois Baillages de Nancy, Vosges & Allemagne. La succession a passé une fois dans la Maison d'Anjou du sang de France par le mariage d'Isabeau fille & heritiere de Charles II. avec René Roi de Sicile, en 1430 ; ce mariage causa une guerre entre ce Roi René & Antoine de Lorraine Comte de Vaudemont neveu de Charles, lequel prétendoit que la Lorraine étoit un fief masculin, René perdit une bataille le 2. Juillet 1431. à Bulgueville, dans laquelle il fut pris prisonnier, cependant il se maintint en la possession lui & sa postérité jusqu'en 1473. que Nicolas d'Anjou Duc de Lorraine & de Calabre étant mort sans enfans, Ferry de Lorraine, Comte de Vaudemont, qui avoic épousé Yoland fille du Roi René, lui succeda ; cet Etat est resté dans la même succession jusqu'en 1622. que Henri Duc de Lorraine n'ayant que deux filles les maria toutes deux aux enfans de François de Vaudemont son frere, savoir Nicole, avec Charles, qui a depuis été le Duc Charles IV, & Claude avec Claude François à présent Cardinal, & ensuite connu sous le" nom de Prince François. Les stipulations du mariage de la Duchesse Nicole avec Charles furent, que tous les Actes publics seroient intitulez des noms du mari & de la femme ; que la monoye porteroit conjointement leurs images, afin qu'il parût qu'ils avoient un droit égal à la Souveraineté, mais dans la fuite le Duc Charles voulant se defaire de sa femme, supposa un testament du Duc René, mort en 1508, lequel n'avoit point paru jusques-là, qui substituoit les Etats de Lorraine aux mâles à l'éxclusion des femelles, & en conséquence de cette decouverte, les Etats de Lorraine assemblez reconnurent pour Prince légitimé & véritable successeur du Duc, Henri François Comte de Vaudemont pere de Charles, celui-ci en présence des mêmes Etats fit sur le champ une entiere demission de ses droits à son fils, & par ce moyen la Princesse Nicole fut privée des stipulations de son contract de mariage. Charles étant mort sans enfans, la succession est revenuë à Charles V. fils du Prince François & de la Duchesse Claude, Généralissime des Armées de l'Empereur mort en 1690. Les Ducs de Lorraine, Henri & Charles, avoient leur Conseil d'Etat pour les affaires étrangeres & de la guerre, composé du Grand-maître d'Hôtel & des principaux Officiers qui s'assembloient selon les ordres & la volonté du Prince ; & un Conseil des parties pour les affaires de Justice, qui étoit composé d'un Chef, homme d'épée, & de plusieurs Conseillers de Robe, dont il y en a eu jusqu'à 30, & de quatre Maîtres des Requêtes qui s'assembloient tous les jours, mais le Prince y assistoit rarement. II n'y a jamais eu de Chancelier en Lorraine, le plus ancien des Conseillers d'Etat gardoit le Grand Sceau, & chaque Secrétaire d'Etat avoit un sceau particulier nommé Sceel Secret, il y en avoit quatre sans département reglé, le Prince employant celui qu'il jugeoit à propos. Les deux Chambres des Comptes de Nancy & de Bar avoient toutes deux l'administration des Finances, quoique celles-ci eussent un Chef particulier, dont l'autorité n'alloit qu'à assister aux Conseils où les levées étoient resolues, & à l'audition du compte du Trésorier General ; ce compte étoit composé des fermes des salines & des debets particuliers. Le Trésorier General payoit les Troupes & les dépenses de la Maison du Prince sur ses mandemens signez de lui & contresignez d'un Secrétaire d'Etat.
Revenus des Ducs de Lorraine.
En 1667. du tems du Duc Charles III. les salines de Lorraine rapportoient 7052851. Barrois de 8 s. 3 d. chacun évaluez monoye de France 2997461. 6d. Toute la recepte du Trésorier en 1607. à 1365854 Barrois, valant monoye de Grance 579562 l. & la dépense à la somme de 5833 791. IS. 6d. au compte de 1669. qui est l'année qui a précédé
LORRAINE & BAR.
la derniere sortie du Duc Charles, la recepte totale à 1994229 francs, valant, monoye de France 847247l. 6 s. 6 d. savoir,
Les salines
9200000
La monoye
5000
Les salpêtres
8000
Les Impôts & Douannes affermez
532336
9745336
Les rion-assermez, savoir.
Au Baillage de Nancy
25662
Au Baillage de Vosges
29160
Au Baillage d'Allemagne
4786
Vaudemont & Blamont
17622
Le Grand Sceau
1814
Les Grueries
19257
L'ottroi du Duché de Lorraine
279159
L'ottroi du Duché de Bar
114420
Recette extraordinaire
37000
528880
La dépense du même compte de 1669. est telle que s'ensuit :
Francs
La Maison du Prince
125129
Censives & rentes
22 55
Bâtimens & réparations
21049
Gages & pensions
58748
Fondations & Aumônes
20332
Cavalerie & Infanterie
452546
Voyages & Messageriers
3787
Marchandises
3387
A l'Apothicaire
500
Deniers & reprises
17048
Remises sur l'ottroi
58503
Payé par mandemens.
1165605
1928889
Valant
819776 l.
Oh voit par ce détail, que le Duc de Lorraine ne tiroit pas 850000 l. de ses Etats, & quil dépensoit presque entierement ce qu'il en retiroit ; le Roi de son côté pendant qu'il a jouï du Païs a tiré presque le double, & quoiqu'il n'y ait pas fait les mêmes dépenses, il y a suppléé par celle de ses Troupes, ce qu'un Duc de Lorraine ne sçauroit faire. A l'égard de l'autorité de ces Princes quant au spirituel, elle a toûjours été sort bornée, on a déja remarqué qu'ils n'ont aucune Ville Episcopale, toutes les Abbayes y sont en regle & Electives, ou possédées par des Cardinaux ; ils ne nomment point aux Dignitez ni aux Prebendes des Chapîtres de S. Dicy, le Pape les confere pendant 8 mois, & le Chapître pendant les autres, il ne reste à leur nomination que le Chapitre de S. George & celui de la Primatie de Nancy ; quant à ce dernier il a été observé ci-devant que sa
LORRAINE & Bar.
Hambourg.
fondation est fort moderne, n'étant que de 1602 ; l'occafion fut que'le Duc Charles III. ayant conçû le dessein de soustraire ses Etats à la Jurisdiction des Evêques François de Metz, Toul & Verdun voulut tenter de faire ériger Nancy en Archevêché, & S. Dicy pour la Vofge, & S. Michel pour le Barois en Evêchez ; il destinoit le revenu du Prévôt de S. Dicy pour l'Evêque de ce lieu, & pour celui de S. Michel celui de l'Abbaye du dit lieu, aussi bien que pour le Chapitre qu'il prétendoit y établir, il fit venir divers Prieurez & Bénéfices au Chapitre Primatial, ne voulant commencer que par l'érection de Nancy en Evêché, cette négociation se tramoit à Rome avec quelque apparence de succès, lors que le Cardinal d'Ossat qui y faisoit les affaires de la France en fut averti, il ne manqua pas d'en instruire le Roi Henri, & il reçût ordre par M. de Villeroy de s'y opposer formellement, pour l'intérêt des Eglises de Metz, Toul & Verdun, que le dessein du Duc échoua. Pour l'en consoler le Pape Clement VIII. attribua divers privileges au Chapitre de Nancy, & tous les honneurs Episcopaux au Primat, les Prebendes de la Primatie demeurant à la nomination des autres Dignitez ; au reste, les derniers Ducs de Lorraine ne fouffroient pas que les Elections des Abbez se fissent sans l'intervention d'un Commissaire de leur part, & le Primat élu alloit ordinairement leur demander sa Confirmation. La Maison des Ducs de Lorraine étoit composée de toutes sortes d'Officiers, le Grand-maître d'Hôtel y tenoit le premier rang, & ensuite le Grand Chambellan, Ecuyer, Veneur, Fauconnier, Maître de la Garde-robe, deux Gentils-hommes de la Chambre, douze Chambellans servans par quartier, quatre Maîtres d'Hôtel ordinaires, huit Gentils-hommes servans, un Aumônier, un Clerc de Chapelle, trois Marêchaux de Logis, quatre Fourriers & nombre d'autres Officiers de la bouche, de l'échansonnerie, fruiterie, écurie, fauconnerie, venerie & de la chambre, les Marêchaux de Lorraine & de Barois étoient les Généraux des Armées. Au reste on ne voit pas éxactement le nombre des Troupes que les Ducs Charles III. & Henri entretenoient, il paroit qu'ils en avoient peu, & que le Duc Charles IV. est le premier qui s'est piqué d'en avoir un grand nombre, c'est aussi ce qui lui a attiré ses malheurs, il avoit environ 3000 chevaux & 1200 hommes de pié, mais quand il se mit au service des Espagnols il augmenta sa Cavalerie jusqu'à 6000, pour lesquels il tiroit de grosses sommes de la Couronne d'Espagne outre les quartiers d'hiver qui faisoient vivre grassement ses Troupes. Les Ducs précédens avoient une Garde Lorraine & une Suisse, des gens d'armes, des chevaux legers, & quelques garnisons dans leurs places. Le Duc Charles III. avoit fait de la Ville de Nancy la plus belle Place de guerre de l'Europe, regulierement fortifiée de 17 gros bastions : le Roi les fit démolir en 1661, & depuis les a fait rétablir sur les mêmes fondemens, ajouté des dehors qui n'y étoient pas, mais lesquels, au terme du Traité fait avec le Duc Leopol en 1698, ont été entierement rasez. Outre la Place de Nancy les Ducs de Lorraine avoient celle de Marsal, de Clermont sur Meuse, & la sorte Place de la Mothe prise en 1648. par le Maréchal de Villeroy, qui la fit demanteler, de forte qu'il n'y reste que le roc sur lequel elle étoit bâtie, à un lieuë de la Meuse & 6 lieuës au dessous de sa source ; elle incommodoit beaucoup la Champagne du côté de Langres & de Chaumont ; enfin ils avoient plusieurs bons châteaux comme Bitche dans la Lorraine Allemande, Longwy du côté de Luxembourg & plusieurs autres Villes, qui sans être fortifiées regulierement, ne laissent pas d'avoir quelques ouvrages de défense, tels étoient Bar, Pont-à-Mousson, Luneville, Epinal, Chatte sur Moselle. Le Roi Louis XIII. en 1635. en fit démolir plusieurs des uns & des autres, parce qu'ils servoient de retraite au parti du Duc Charles, & entr'autres Blamont, Darney, Chatillon sur Saône, Condé sur
Mozelle, Foug, & c. Le Château de Hombourg occupé par le Duc Charles IV. n'étoit point de ses Etats ; il s'en saisit en 1644. sur la Maison de Nasiau Sarbruck & Ottreiller sous le prétexte que l'Empire lui devoit des arreragés considérables des subsides qui lui avoient été promis, quand il s'engagea dans la guerre contre la France & la
LorRAINE BAR
Suede ; on convint à Munster en 1648. que certains Princes lui payeroient 200000 écus & qu'il rendroit le Château de Hombourg au Prince de Nassau, véritablement il a touché une partie des deniers, mais il est demeure en possession jusqu'à parfait payement, de sorte qu'en étant encore saisi l'an 1670, lors de sa sortie, il mit cette Place en dépôt entre les mains de l'Electeur de Trèves, qui actuellement y tenoit garnison quand les Troupes du Roi, commandées par le Maréchal d'Humieresla prirent en 1678, dans la conjoncture que le Duc de Lorraine refusa d'acquiescer au Traité de Nimegue, & que l'Lmpire dissera de signer le Traité offert par le Roi ; il l'a retenue comme appartenante au Duc de Lorraine, & en a considérablement augmenté les fortifications.
Toutes les Maisons de Plaisance des Ducs de Lorraine ont été ruinées pendant les troubles, Charles IV. avoit bâti le Château de Luneville, & il n'étoit pas achevé à sa derniere sortie, la situation en étoit assez belle, ses Predecesseurs alloient à Blamont pour y chasser, & l'on y voit encore les vestiges d'un assez grand Château où ils logeoient, ils alloient aussi à celui de Gondreville sur la Meuse à.... lieuës deToul, & enfin ils avoient celui de Condé sur la Moselle à deux lieuës de Nancy qui est aussi dans une fort belle situation.
Fin des Duchez de LORRAINE & deBAR,
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA GENERALITÉ DE CHAMPAGNE, Dressé par ordre de Monseigneur le DUC DE BOURGOGNE en 1698, Par Monsieur LARCHER Intendant.
Ses bornes.
LA Champagne, qui est un des douze grands Gouvernemens du Royaume, comprend outre le Département de la Generalité de Châlons, une étendue considérable qui est au delà de Paris, le tout ensemble a environ 65 lieuës de longueur sur 40 de largeur dans la plûpart de son étenduë ; ses bornes sont au Nord, le Hainault & le Luxembourg ; à l'Orient, la Lorraine & le Comté de Bourgogne ; au Midi, le Duché de Bourgogne ; & à l'Occident, le Soissonnois & l'Isle de Erance.
Climat & Genie des Peuples. Nom. Rivieres de la Meuse. Seine. Marne. Aube.
Son Climat est assez doux & le Caractere des peuples qui en est ordinairement une conséquence est pareillement temperé, doux, civil, obéissant, laborieux, porté aux armes, mais sur tout tendre & fidele à son Prince, on les accuse d'être trop simples, cette simplicité a même passé en Proverbe. Il y a apparence que cette Province a tiré son nom des vastes plaines qui occupent le milieu de son étenduë, mais les bordures sont couvertes de bois & remplies de montagnes & de colines, qui produisent abondamment tout ce qui est nécessaire à la vie. Les principales rivieres de la Champagne sont la se qui prenant sa source au village de ce nomprês Langres, entre aussi-tôt en Lorraine, elle commence à porter bateau à S. Thibaut au dessus de Neufchâtel, d'où elle coule à Vaucouleur, S. Michel, Verdun, Henay, Mouzon, Sedan, Mezieres & Charivville, & passe ensuite dans le Hainault. La Seine, qui prend sa source aux frontieres de Bourgogne vers la Champagne, entre dans la Province au dessus de Massy-l'Evêque, passe ensuite à Troyes, àMery sur Seine, àConflans où elle reçoit la Riviere d'Aube, & entre à Nogent dans la Generalité de Paris. La Marne qui naît aussi proche de Langres, passe à Joinville, à S. Dizier, à Vitry, à Châlons, àEpernay, à Chatillon & à Dormans, d'où elle entre dans la Generalité de Soissons. L'Aube a son cours entier dans
CHAMAisne.
CHAMAisne. Saulmorin.
la Champagne, elle prend sa source à Auberine près de Langres : on a fort travaillé à la rendre navigable, mais inutilement ; elle porte néanmoins des trains de bois & des bateaux legers depuis Arcy Sur Aube jusqu'à la Seine. L' Aisne a deux sources, l'une à Beaulieu & l'autre à Clermont en Argone sur les frontieres du Barois, lesquelles se réunissent à Mourron, d'où elle coule à Rethel & à Château-porcien, elle entre ensuite dans la Generalité de Soissons, elle ne commence à porter bateau que dans cette derniere Place, mais on avoit formé dessein après cette derniere Paix de lui faire porter bateau dès au dessus de Ste. Menehoult : M. le Maréchal de Crequi l'avoit proposé au Conseil du Roi, les ordres avoient été envoyez à l'Intendant d'en faire dresser les plans & les devis, & d'étendre des riverains sur les oppositions qu'ils auroient voulu y former, mais la guerre a fait cesser les projets : le dessein même s'étendoit bien plus loin, puisque M. de Louvois avoit fait dresser les plans d'une jonction de la Riviere de Meuse à l'Aisne par le moyen de certains ruisseaux, & il prétendoit outre l'utilité & la commodité du Commerce, que le Roi en devoit tirer un avantage considerable pour le transport des munitions dans les Places de la Meuse, cela s'est évanouï après sa mort. Les autres Rivieres de la Champagne sont la Veste, qui passe à Rheims, la feule qui passe dans le Partois, & le Morin qui passe à Cézanne. Il y a d'ailleurs un grand nombre de ruisseaux qui sont la fertilité du Païs, cependant en general la Province manque d'eau en comparaison des Païs voisins, mais d'un autre côté, la situation avantageuse des Rivieres qui l'arrofent est d'une utilité singuliere par rapport à la division proportionnée qu'elles sont de tout le Païs, comme si on les avoit exprès tracées sur le Terrain.
Division de la Champagne.
Tous ceux qui ont traité de la Champagne l'ont diversement divisée, soit par ses Rivieres, soit à raison de ses Diocèses, soit enfin à raison de l'éxposition & qualité du terrain qui a fait nommer Haute-Champagne toute celle qui commence à Vitry, regarde l'Orient & le Nord ; & Basse Champagne, celle qui est au Midi, & à l'Occident. L'Auteur croit que la plus naturelle & la plus reguliere division qu'on en peut faire est celle des huit Païs qui sont à peu près de même étendue, savoir la Champagne propre, qui comprend Troyes, Châlons, Epernay & Vertus ; 2°. le Remois, où sont Rheims, Fisines, Rocroy & Chateauporcien –, 30. le Rhetelois, où sont Rhetel, Mezieres, Charleville & Doncherye ; 40. le Perthois, où sont Vitry le François & S. Dizier ; 5.le Valage, où sont Joinville, Bar sur Aube & Vassy –, 6\ le Bassigny, où sont Langres & Chaumont ; 7°. le Senonois, où sont Sens, Joigny, Tonnerre & Chablis sous Seine ; 8°, & enfin la Brie, où sont Meaux, Provins, Chateau-Thierry, Cezane & Coulommiers ; la septième & la plus grande partie de la huitième sont de la Generalité de Paris.
Histoire Generale.
Avant d'entrer dans le détail des Villes de la Generalité, dont l'Auteur fait l'Histoire abrêgée, il entreprend de donner une idée generale de la Province entiere, & la cornmence en disant, que du tems des Romains cette Province faifoit partie de la Gaule Belgique, ce qui n'est pas absolument vrai, puis que la Belgique étoit bornée à la Riviere de Marne, en deça de laquelle étoit la Celtique, ou Gaule Senonoife proprement determinée par le nom de seconde Lieuconie ; il ajoûte qu'on est mal instruit du Gouvernement qui fut suivi dans les mêmes Cantons, après que les François en eurent fait la conquête pendant la premiere & la seconde Race de nos Rois, mais qu'on a toutefois conservé le nom des anciens Ducs, qui vraisemblablement n'étoient que des Gouverneurs à la maniere que les Romains en avoient dans les différens Païs de leur obéïssance. Le premier a été Loup, qui vivoit environ l'an 570. du tems de Sigebert Roi de Metz ou d'Austrasie ; ce Duc s'attacha au jeune Roi Childebert, dont il défendit les intérêts contre Ursion & Bertefoi, créatures de Fredegonde, qui furent jugez & condamnez à mort par un Parlement François tenu à Soissons en 587. Quintro ou Winstrio lui succéda, fut General des Armées du Roi Childebert, & perdit contre Fredegonde la celebre bataille de Froussy sur Delete en 593. Brunehault la fit mourir, en 597. Jean fils de Loup, selon Edouard, fut Duc de Champagne après Winstrio, & jusqu'à l'an 600, il avoit un
CHA PAGNE.
frere nommé Romulphe, qui sur Evêque de Rheims, Wimard ou Aimard fut Duc de Champagne sous les Regnes de Clotaire III. de Childeric, d'Austrasie, & de Thierry, tous enfans de Clovis II. depuis l'an 660. jusqu'en 680, c'étoit une créature du Maire Ebrouin, qui le recompensa de l'Evêque de Troyes pour avoir fait arracher les yeux à S. Leger Evêque d'Autun, & l'en fit ensuite déposer avec ignominie. Dreux fils aîné de Pepin de Herstal fut Duc de Champagne en 696, & mourut en 708 ; Grimoald son frere lui succéda, & mourut en 714. tous deux avant leur pere Pepin fondateur de la Race des Princes Carliens. A ces six Ducs ont succedé des Comtes, mais l'Histoire de ce tems-là a paru si embrouillée & si peu éxacte à l'Auteur, que ne pouvant pas developper nettement leur origine, il s'est laissé entraîner selon l'idée commune à l'opinion qui suppose, que lors que Hugues Capet parvint à la Couronne, il s'accommoda par bienséance avec tous les Seigneurs François, lesquels usurperent comme lui les Domaines de la Couronne, dont ils avoient l'administration, & que ce que ce Prince fit de mieux fut de stipuler dans l'alienation de tant de Provinces, la reversion au defaut d'hoirs ou dans le cas de felonie jugée competemment. Nous avons si souvent refusé cette Fable du concordat de Hugues Capet avec les Seigneurs de son tems, par lequel, prevenant l'exemple donné depuis par le Pape Léon X. & François I ; on prétend qu'ils ne cederent réciproquement que ce qui ne leur appartenoit pas, que je ne crois pas nécessaire d'ajouter quelque chose de nouveau à ce sujet. Mais à l'égard de l'Histoire particulière de la Champagne, quelque obscure qu'elle paroisse, à l'égard de ces premiers siècles de la Monarchie, il n'en faut juger autre chose, sinon qu'elle s'est trouvée comprise dans les événemens communs, du côté de l'Etat, & qu'il n'y est arrivé durant un grand nombre d'années ni disgrâces signalées, ni avantages particuliers. On voit paréxemple qu'elle servit de retraite à Ebrouin, lors qu'il sortit de Luxeuil, & que ce fut de-là qu'il porta ses armes dans la Laonnois, pour assujettir, comme il fit, le Roi Thierry & les Neustriens : on peut toutefois inferer du changement que fit Aunard de la Champagne contre l'Evêque de Troyes, que les Eglises étoient alors très-puissantes dans cette Province, puis que le Gouvernement s'en voit postposé à l'administration d'une Eglise particulière, & encore la moins considerable de celles de cette Province, outre que c'est une preuve que le Gouverneur séculier n'avoit alors ancune jurisdiction dans les terres des Eglises, car autrement il auroit été plus puissant lui seul que tous ensemble. Sous l'administration de Charles Martel on voit que les Sarrasins étant entrez dans la France, & ayant subjugué la Bourgogne, aussi bien que la Provence, le Dauphiné & le Lyonnois vinrent échouer devant la Ville de Sens, dont l'Evêque Ebbon les repoussa avec ses feules forces, & l'Histoire n'attribua pas tellement cette victoire à la vertu & à la foi du personnage, qu'elle ne parle aussi de la force & du courage des peuples qui firent effort sous sa conduite pour défendre leur liberté & leur Religion. Sous le Regne de Charles le Chauve, les deux Eglises de Rheims & de Sens se trouvant très-puissantes & gouvernées par des Prélats habiles & ambitieux, entrerent fortement en concurrence, Hincmar de Rheims, plus hûreux que son compétiteur, quoique soutenu par le Pape & par l'Empereur, ne pût être ébranlé, & ce fut lui qui acquit à son siege en partie par autorité, en partie par les fictions qu'il faisoit monter jusqu'à Clovis I. & à S. Remy qui le baptisa, le droit de couronner & de sacrer les Rois, avantage qui mit ses Succesièurs en état de disposer du Trône. Ce fut cette grande élevation de la Prélature de Rheims qui porta les Princes de Vermahdois déja Maîtres de la Champagne feculiere à s'en emparer par adresse & par force. Hebert II. Comte de Vermandois, qui le premier conçût ce dessein ; parmi un très-grand nombre d'enfans qu'il avoit, il choisit le plus jeune, nommé Hugues, pour en faire un Archevêque de Rheims ; en esset, le Chapitre Cathedial ae Rheims s'engagea par promesse authentique à n'en point élire d'autre que lui après la mort de Sculphe qui avoit succédé à l'Archevêque Herot, mais au préjudice de cette promesse ayant élevé Arthold à cette Prélature, la guerre commença en 940 : pour l'en
CHAMPAGNE.
déposséder Arthold se relâcha d'abord & consentit de ceder son siege au moyen d'une Abbaye, où il pût faire sa retraite, mais dans la fuite soutenu par le Roi Louïs d'Outremer, il revendiqua sa Dignité, qui lui fut adjugée dans un Concile tenu à Verdun l'an 948.
Cette disgrâce n'arrêta point la Maison de Vermandois dans l'éxecution de ses desseins, Robert un des freres de l'Archevêque Hugues fit puissamment la guerre aux Evêques de Champagne, & prit Troyes en 958. malgré la resistance de l'Evêque Antheaume, il le fit reconnoître pareillement dans toute la Brie, puis en 962, irrité contre Gebuin Evêque de Châlons, qui, dans un Concile tenu cette année à Meaux, avoit opiné contre le rétablissement de son frere Hugues dans l'Archevêché de Rheims après la mort d'Artold, persuadé d'ailleurs de l'intérêt commun qu'avoient tous les Seigneurs à rétablir les Ecclésiastiques dans une juste dépendance, il porta la guerre dans l'Evêché de Châlons, prit la Ville & la ruina de fond en comble, mais il ne pût venir à bout de l'obstination de Gebuin, ni le reduire à se soumettre, comme avoit fait l'Evêque de Troyes. Enfin ce Prince, la terreur des Ecclésiastiques & le vangeur de la puissance séculière, mourut en 968. & institua son fils Herbert héritier du grand établissement qu'il avoit formé. Herbert premier Comte de Troyes & de Meaux accrut l'heritage fraternel du Territoire de la Ville de Vitry en Perthois, puis se montrant aussi favorable aux Ecclésiastiques soumis que son frere avoit été terrible envers ceux qui usurpoient la puissance séculiere, il rétablit l'Abbaye de Lagny sur Marne, & y choisit sa sépulture en 993 ; ce Prince vecut toûjours dans la disgrace des Rois de France, pour avoir épousé la Reine veuve de Charles le Simple, que Louïs d'Outremer son fils avoit éxtrèmement maltraitée, il n'en eut point d'enfans, parce qu'il l'avoit épousée âgée de plus de 45 ans en 951, ce qui le détermina à appeller à sa succession les enfans que sa soeur Leudegarde avoit eu de Thibaut le Vieux Comte de Chartres & de Blois son second mari, car elle n'en avoit point eu du premier, Guillaume Duc de Normandie mort à Pequigny. On ne peut rien dire de bien asseuré de Thibaut, surnommé le Viel, & le Trichard Comte de Chartres & de Mortagne, de Tours & de Blois, sinon qu'il étoit Normand de Nation, quelques-uns ont écrit qu'il étoit fils de Gerlon l'un des compagnons de Roll qui conquit la Normandie, & qu'il acheta des heritiers de Hasting, surnommé Côte-de-fer, les grands fiefs qu'il a possédé, & que Charles le Chauve avoit accordé à ce même Hasting, pour empêcher les courses continuelles qu'il faisoit en France ; mais il y a bien plus d'apparence que ce Thibaut, homme puissant en argent & d'un caractère adroit, s'insinua par l'un & par l'autre moyen auprès de Hugues le Grand, Duc de France, & en obtint l'inféodation des Seigneuries qu'il a possédées, en effet il étoit au commencement si peu regardé comme un féodataire de la Couronne qu'il fut rejetté d'un Parlement François selon le témoignage des Annales de Rheims, sur Pan 964. Le Mariage de Thibaut avec Leudegarde de Vermandois veuve d'un Duc de Normandie l'éleva considérablement, & l'on remarque, qu'aussi-tôt après il porta ses vûës dans la Champagne & dans la Picardie, qu'il occupa la Comté de Beauvais & la Seigneurie de Coucy, comme patrimoine de sa femme, malgré l'opposition de l'Eglise de Rheims : Ce Thibaut & Leudegarde sa femme sont morts aux environs de Pan 918. & sont inhumez à Marmoûtiers. Eudes I, fils & successeur de Thibaut son frere, & de Herbert Comte de Meaux & de Troyes son oncle, recueillit les grands heritages, mais il mourut presque aussi-tôt en 995, ayant eu plusieurs différens avec les nouveaux Rois Hugues & Robert, quiprétendoient que leur consentement étoit nécessaire pour lui procurer une legitime possession de la Champagne, mais la brieveté de sa vie empêcha les suites de cette contestation qui se renouvella contre ses enfans. Ce Prince avoit été marié deux fois, & du second mariage avoit épousé Berthe fille de Conrad le Pacifique Roi de Bourgogne, soeur de Rodolphe le Lache aussi bien que de Giselle femme de PEmpereur Conrad le Salique ; de ce mariage sortirent Thibaut II. mort sans postérité Pan 1004, Eudes II. surnommé
CHAM PAGN
le Champenois, & Roger, qui s'étant jette dans l'Eglise se contenta de la Comté de Sancerre pour son partage, laquelle il échangea depuis avec son frere Eudes contre la Cornté de Beauvais, de laquelle il fit don à l'Eglise dont il étoit devenu Evêque. A l'égard d'Eudes II, il étoit d'un naturel inquiet & remuant, il ne se donna aucun repos toute sa vie, il eut premierement guerre avec le Roi Robert au sujet de la succession de Champagne, en laquelle il eut tout l'avantage, puis qu'il demeura paisible possesseur, & qu'il augmenta son nouvel Etat de plusieurs grandes Seigneuries & Mouvances, mais non content de ce qu'il occupoit, il jetta ses vûës sur le Royaume de Bourgogne, dont il se jugeoit le légitimé héritier, étant fils de la fille aînée de Conrad le Pacifique, mais ayant crû de gouverner le Roi son oncle par la terreur, il le jetta dans la nécessité de s'aider du secours de l'Empereur Conrad son beaupere, & d'instituer pour son héritier son fils Henri qui fut Empereur III. du nom : ayant si mal réussi en Bourgogne il revint en France, s'intrigua autant qu'il pût dans les affaires de la Normandie, puis se brouilla de nouveau avec le Roi de France Henri I, contre lequel il perdit trois batailles consécutives, il retourna ensuite contre les Allemands en Franche-comté où il n'eut pas de meilleurs succès, il prit enfin une nouvelle querelle avec Golin Duc de Lorraine au sujet de quelques hommages qui lui étoient dûs, & il se fit tuer dans une derniere bataille qu'il lui livra dans le voisinage de Bar en 1037, sa tête fut envoyée en Allemagne & son corps à Marmoûtiers, où il fut inhumé près de ses peres, ses femmes furent Mahaut de Normandie fille de Richard I. de laquelle il n'eut point d'enfans, & Hermangade soeur de Constance femme du Roi Robert dont il eut trois enfans, Etienne & Thibaut qui lui succederent & Hugues Archevêque de Bourges. Etienne II. refusa d'abord l'hommage au Roi de France Henri I. sous prétexte qu'il n'avoit pas assisté son pere dans la guerre contre l'Empereur Conrad, mais il y fut contraint & ne vecut gueres –, il ne laissa qu'un fils nommé Eudere qui fut privé de la succession par son oncle Thibaut, & qui ayant épousé une soeur uterine de Guillaume Duc de Normandie, depuis dit le Conquerant, devint Comte d'Aumale par ce mariage, & laissa posterité. Thibaut II, du nom, Comte de Champagne, & troisième des Comtes de Blois, de Chartres & Tours, renouvella le titre de Palatin qui avoit été negligé, & fit hommage à l'Empereur d*Allemagne. Les Auteurs François prétendent que ce ne peut être un hommage de la terre, mais que c'en fut un de quelque charge & peut-être de quelque pension ; Du Cange au contraire est d'opinion, que comme les autres Comtes rendoient la Justice dans les Provinces, celui de Champagne avoit droit de la rendre dans le Palais du Roi, & qu'il fut pour cela nommé Palatin, cependant il est vrai que ce Thibaut refusa l'hommage au Roi de France. Il fut marié premierement à Geroande fille de Hebert, dit Eveille-chien Comte du Mans, qu'il fut obligé de quitter pour cause de parenté, & secondement à Alice de Crepy Dame de Bar sur Aube, dont il eut quatre fils, Henri dit Etienne, Eudes, Hugues & Philippe qui fut Evêque de Châlons.
Les Historiens ne sont pas d'accord sur celui de ces enfans qui succeda à son pere immédiatement, l'opinion commune veut néanmoins que ç'ait été Henri Etienne, lequel mourut en Terre Sainte le 18. Juillet 1102, il avoit épousé Adelle fille de Guillaume le Conquerant & de la Reine Mahault de Flandres, dont il laissa plusieurs enfans : ce qui est certain, c'est que l'ancienne succession revint à Hugues troisième fils, lequel ayant d'abord épousé Constance fille de Philippe I, & l'ayant ensuite quittée à cause de la proximité, fut obligé de prendre femme en Italie, mais il s'en dégoûta, de maniere qu'il préfera l'abandon de ses Etats au chagrin de vivre avec elle, il se retira donc en Terre Sainte & se rendit Chevalier du Temple, instituant son héritier Thibaut III. son neveu, fils de Henri Etienne son fils aîné, deshéritant Eudes fils de la seconde femme, à cause d'un soupçon qu'il avoit contre sa fidelité ; de cet Eudes sont sortis les Seigneurs de Champlite & de Pontalier dans la Comté de Bourgogne. Thibaut III, surnommé le Grand, n'étant que le second fils de Henri Etienne, le premier qui étoit nommé Guillaume épousa Agnès heritiere de Sully, & de lui sont descendus les Seigneurs de ce nom éteints dans la Mai-
CHAMPAGNE.
son de la Trimouille en 1381. le troisième fut Etienne Comte de Martoing, puis de Boulogne sur mer par son mariage, & enfin Roi d'Angleterre après le décès de Henri I, & enfin le quatrième fut Henri Moine à Cluny, & ensuite Evêque de Wincester en Angleterre. Mais pour revenir au Comte Thibaut, l'un des plus illustres Princes de son siècle, la principale singularité de sa vie consiste dans le nombre & les alliances de ses enfans, il avoit épousé Mahault fille d'un Comte de Carinthie, dont il eut douze enfans, & mourut le 10. Janvier 1151. à Lagny, où il est inhumé dans l'Abbaye sous un tombeau de porphire sans inscription. Du Tillet a remarqué à l'occasion du surnom dé Grand accordé à ce Comte de Champagne, que l'usage des François, même dans l'ancien tems, étoit de donner cette epithete plûtôt à ceux, dont la puissance étoit redoutable, qu'à ceux qui paroissoient la mieux mériter par les qualitez du coeur & de l'esprit. Henri le Large ou le Liberal, fils aîné, lui succéda dans la Comté de Champagne ; Thibaut dans les Comtez de Blois & de Chartres ; Jean dans la Comté de Sancerre ; Guillaume fut Cardinal & Archevêque de Rheims, Regent du Royaume de France pendant la minorité, & les voyages de Philippe Auguste ; Foulques fut Religieux, puis Abbé de Cîteaux ; Agnés femme de Renaud Comte de Bar & de Mousson ; Marie épousa Eudes II, Duc de l'une & de l'autre Sicile ; & Guillaume IV, Seigneur de Perche ; Goet Mahault épousa Geoffroy, Comte du Perche ; Marguerite fut Religieuse à Fontevrault & Alise la derniere épousa le Roi Louïs le Jeune, & devint mere de Philippe Auguste. Henri le Large Comte de Champagne & Thibault Comte de Chartres & de Blois épouserent les deux soeurs filles du Roi Louïs le Jeune & d'Alienor de Guienne, depuis Reine d'Angleterre ; Henri, qui prit l'aînée Marie, en eut les Comtes Henri II, & Thibault III. qui lui succederent, & Thibault mari d'Alise, plus malhûreuse en posterité, vit éteindre son nom dans la Maison d'Avesnes, de qui la Comté de Blois a passé à la Maison de Châtillon ; ce Comte Thibault mourut en 1181. & fut inhumé dans le choeur de l'Eglise S. Etienne de Troyes qu'il avoit fondée. Henri II. joignit à ces titres naturels celui de Roi de Jerusalem, à cause de sa seconde femme Isabeau fille d'Amaury I. & veuve de Conrad Marquis de Monferrat, il en eut trois filles, l'aînée morte sans alliance, Alise femme de Hugues I. Roi de Chypre, & Phelypotte qui porta le titre du Royaume de Jerusalem & ses droits sur la Champagne, à Erard de Brienne son mari : la premiere femme de ce Comte Henri II. étoit Hermanette de Namur, dont il n'eut point d'ensans , il mourut à Aires en Palestine en 1197, étant tombé d'une fenestre dont l'appui fondit sous lui, la douleur de la Comtesse sa mere fut si grande qu'elle en mourut sur le champ.
Mais quoique la Succession fut ouverte & parut appartenir au Comte Henri, ou du moins à ses filles, Thibault son frere puisné ne laissa pas de s'en mettre en possession ; quelques-uns prétendent que son frere l'avoit institué son héritier ; d'autres disent qu'il s'étoit emparé de ses Etats en son absence ; d'autres enfin qu'il en avoit traité par lettres avec lui. Quoiqu'il en soit (car il mourut peu après à l'âge de 26 ans) il en fut après sa mort déclaré possesseur legitime par le fameux Arrêt de Melun de l'an 1216, où sur le prétexte d'une cession verbale faite par le Comte Henri à son frere, en cas qu'il ne revint pas d'Outremer, on éxclut les filles de la succession d'un fief reconnu & jugé feminin ; il est vrai que dans la fuite le Roi S. Louïs termina cette grande question par composition d'argent, ayant même prêté pour appaiser la Reine de Chypres 40000 l. de son trésor, au moien néanmoins des furetez nécessaires pour les retirer. Ce Comte Thibaut IV. avoit épousé Blanche fille de son oncle le sage Roi de Navarre, de laquelle il eut un fils né posthume en 1201, lequel porta le nom de Thibault V, c'est lui qui s'est rendu fameux par son amour pour la Reine Blanche mere de S. Louïs, plus que par la Couronne de Navarre dont il herita par le décès de son oncle maternel Sanche le Fort. Il fut d'abord dans la ligue faite contre la Regence de cette Princesse, mais sa passion Payant bien-tôt fait repentir de cette entreprise, il eut la foiblesse de reveler la conju-
CHAMPAGNE.
ration faite pour enlever ce jeune Roi des mains de sa mere à Montlhery : envaneeai de cette action le Duc de Bretagne & les autres conjurez vinrent assièger la Ville de Troyes, mais S. Louïs la secourut en personne, & les Princes furent obligez de lever le fiege, Ce Comte Thibault vendit une partie de ses terres au Roi S. Louïs par l'entremise de la Reine Blanche, qui faisoit aisément ces marchez, l'Histoire rapporte que cette Reine méprisoit sa foiblesse, & que les Courtisans s'en mocquoient au point que le Comte d'Artois lui jetta un jour une homelette sur la tête par la fenêtre, cela l'obligea de se retirer en la Ville de Provins, où il composa des vers ou couplets sur la tendresse & sur les rigueurs de celle qu'il aimoit, & pour en faire passer la memoire à la posterité, il les fit écrire sur les murailles des galleries du Château de Provins. Il fit cependant le voyage de Terre Sainte, & mourut à son retour à Troyes en 1254. Il épousa trois femmes, la premiere Hertrude d'Ausbourg veuve de Thibault Duc de Lorraine, il en fut separé pour cause de parenté, la seconde Agnés de Beaujeu fille de Guichard, & la troisième Marguerite fille d'Archambault Sire de Bourbon, & il en laissa sept ensans , Thibault & Henri ses successeurs, Pierre & Alienor morts jeunes, Blanche femme de Jean Duc de Bretagne, Marguerite femme de Henri fils de Mathieu Duc de Lorraine, Beatrix seconde Epouse de Hugues IV, Duc de Bourgogne. Thibault IV, ditle Jeune' son fils aîné prit le titre de Roi de Navarre, Comte de Palatin, de Champagne & de Brie ; il avoit épousé Isabeau fille du Roi S. Louïs qui le cherissoit à cause de sa pieté, il mourut sans enfans sur la Côte d'Afrique au second voyage de son beaupere. Henri III, second fils de Thibault, succéda à son frere : il portoit auparavant le titre de Comte de Rosnay, & étoit Viceroi de Navarre, il ne garda guere la succession, étant mort à Pampelune le 22. Juillet 1274. II avoit épousé Blanche fille de Robert Comte d'Artois, frere du Roi Louïs, & n'eurent qu'une fille nommée Jeanne & mariée dès l'année 1284. à l'âge de 13 ans au Roi Philippe le Bel, elle porta en dot à ce Prince le grand héritage de Champagne & mourut en 1304. mere de trois Princes qui furent successivement Rois de France. Le premier d'entr'eux, qui fut Louïs Hutin, laissa une fille unique nommée Jeanne sous la tutele d'Eudes Duc de Bourgone son plus proche parent maternel, Philippe le Long parvenu a la Couronne âpres la mort de Louïs, fit declarer par arrêt de son Conseil, que la Champagne, étant un fief de la Couronne de France, nepouvoit plus en être séparée, après y avoir été unie pendant 30 années, toutefois ce même Roi fit un Traité particulier avec Eudes Duc de Bourgogne, Tuteur de Jeanne, lequel fut conclu à Laon le 27. Mars 1317, par lequel il accordoit que s'il décedoit sans hoirs mâles, la Champagne & la Brie appartiendraient à sa niece Jeanne, comme son propre heritage, parce que si cette Princesse décedoit sans hoirs, cette Comté retournerait à la Couronne, toutefois ayant depuis épousé Philippe Comte d'Evreux, à qui elle apporta la Couronne de Navarre, celui-ci par un nouveau Traité en date du 24. Mars 1335, renonça à tous les droits de sa femme sur la Comté de Champagne & de Brie, tant ceux qu'elle pouvoit avoir du Chef du Roi Louïs son pere, que ceux qui lui étoient acquis par le Traité fait entre le Roi Philippe le Long & le Duc de Bourgogne son Tuteur en 1317, au moyen de quelques extensions accordées pour la Comté d'Evreux, & de la cession particuliere des Comtez d'Angoulême & de Longueville. L'Auteur, qui ne parle point des remuëmens que Charles Roi de Navarre fit pour revendiquer les droits de sa mere, se contente de dire que le Roi Jean, par déclaration de 1361, ordonna que les Comtez de Champagne & de Brie demeureroient inséparablement unies au Domaine de la Couronne. Les Gouvernemens des Comtez héréditaires de Champagne de la Maison de Blois a duré en tout 331 ans selon l'Auteur. Al'égard de leur qualité de Pair de France, il dit seulement que leur fonction au Sacre des Rois, étoit de porter la banniere de France, qu'ils avoient eux-mêmes leurs Pairs au nombre de sept, savoir, les Comtes de Joigny, de Rhétel, de Grand Pré, de Brienne, de Roussy, de Brenne, & de Bar sur Seine, qu'ils ne paraissent pas avoir aucuns droits utiles ni sou-
CHÁMPAGNE*
verains sur les Villes de Rheims, Langres & Châlons, ni sur les terres de ces Èvêchez, qui n'étoient pas même de leur mouvance, à raison de leur antiquité qui precedoitles anciens SouverainsBde Champagne qu'à cause de la dignité de Pairie attachée à ces sieges.
Histoire particulire.
L'Auteur ayant rempli ce qu'il vouloit dire de l'Histoire generale de la Champagne passe à celle des Villes particulières qu'il considéré par rapport à la division qu'il en a faite. Troyes a toûjours été regardée comme la Capitale de la Province, tant parce qu'elle est la plus grande, que parce qu'elle a toûjours été le séjour ordinaire des Princes ; elle est située sur la Seine, au milieu des vastes prairies qui rendent ses dehors très-agréables, la Riviere y est partagée par divers canaux, tant pour l'agrément que pour la commodité ; le Commerce de cette Ville étoit autrefois très-considerable, mais il est extrêmement tombé pour les raisons que l'Auteur découvrira en traitant l'article du Commerce, il dit que le nom Latin de cette Place Tricassis fait allusion à celui de tres arces, qu'elle a pû porter raisonnablement dans les premiers tems, parce qu'on y voit encore les vestiges de trois Châteaux considérables –, le premier qui étoit le séjour des derniers Comtes de Champagne est aujourd'hui le lieu où l'on rend la justice, S. Etienne en étoit la Sainte Chapelle, comme on l'apprend de la Bulle du Pape Alexandre III. qui revoque les Privilèges ci-devant accordez à cette Eglise, l'Hôtel-Dieu qui est voisin du Palais faisoit partie du Château, & on y voit encore une terrasse élevée en façon de mole, qui avoit été élevée pour y jouïr de la belle vûë, puis que les Comtes de Champagne ne souffroient point qu'on élevat des bâtimens dans la ville qui fussent de plus grande & pareille hauteur, sans payer un certain droit, ce qui fit dire par proverbe que les Comtes vendoient l'air. Le second Château est tout à fait ruiné, il n'en reste qu'une tour & qu'un pan de muraille qui se voit derriere les Cordeliers : l'Eglife de S. Biaise, autrefois S. Jean de Chastel, lui servoit de Chapelle. Enfin le troisième qui étoit de S. Nicolas in Castro, laquelle lui servoit de Château & la porte Berthefroy, étoit si considérable que le Roi Louïs le Begue y reçût en l'année 878. le Pape Jean VIII. & l'y traita avec la magnificence convenable à la cérémonie qu'il venoit de faire, qui étoit de le couronner, ce qui fut éxecuté dans la Cathedrale de Troyes, au milieu d'un Concile, où la meilleure partie des Evêques de son Royaume se trouverent. Ce Château fut ruiné par un incendie arrivé en 1524. La Ville de Troyes a été saccagée par les Barbares en 392. Attila l'assiègea dans le Siècle suivant, & elle ne fut préservée de sa fureur que par la veneration que ce Roi eut pour S. Loup qui en étoit Evêque. Antoine Carraciole de Melphe s'étant dans le XVI. Siécle laissé surprendre à l'heresie, l'y prêcha quelque tems, mais les peuples s'étant apperçûs de ses erreurs, le chassèrent, depuis ce tems-là on n'a point souffert d'heretiques en cette Ville. Châlons Evêché & Comté-Pairie siège de la Generalité, est située sur la Riviere de Marne, son antiquité est très-grande, & l'on tient qu'elle a eu des Evêques dès les premiers siècles de l'Eglise, le plus grand ornement de cette Ville est la promenade du Jard, qui se trouve à une de ses portes, elle consiste dans un plan d'ormes & de tilleuls qui est dans une prairie environnée de la Riviere de Marne, l'on en fort par trois grandes allées d'une longueur considerable, qui conduisent à la maison de plaisance de laquelle est nommée Jard, les jardins y sont fort ornez & sont l'ouvrage de M. Thealard qui y a beaucoup depensé. Ce fut dans les plaines des environs de cette Ville qu'Attila fut défait avec toutes ses forces par Merovée Roi des François & Aetius General des Troupes Romaines en l'année 451. L'Histoire remarque le lieu de cet événement in Campo Catalaunicio, il y a véritablement des Auteurs qui l'entendent de la Sologne, d'autres d'un lieu près Toulouse, mais la tradition du Païs veut que de certains retranchemens qui se voyent encore entre les villages de la Charpe, & de Chuperly à trois lieuës de Châlons soient le reste des ouvrages dont les uns avoient fortifié leur champ, la tradition porte encore que la Veste fut enflée du sang de ces Barbares. Châlons fut la premiere Ville du Royaume qui reconnut Henri IV. après la mort de Henri III, en mémoire dequoi ce Prince fit
CHAMPAGNE,
graver sur la monoye de Champagne, lors établie en cette Ville, cette Exergue Catalaunensis fiâei monumentum, depuis ce tems cette Ville a fait sa principale gloire d'une fidelité exacte envers ses Princes. Ste. Menehoult est située dans un marais entre deux rochers, sur le plus haut desquels est un Château considérable que l'on prétend avoir été bâti sous le Regne de Childebert Roi de Metz, par Dreux Maire de son Palais & Duc de Champagne, & nommé le Chateauneuf ou le Château d'Aisne à cause de la riviere sur laquelle il est situé. En l'année 1179, Henri le Large Comte de Champagne touché de dévotion pour Ste. Menehoult mit quelques-unes de ses reliques dans le Château & fit dedier l'Eglise sous cette invocation au lieu de celle de la Sainte Vierge. Cette Place fut attaquée du tems de la Ligue en 1590. par le Duc de Lorraine, qui vouloit l'enlever au Roi, mais il fut obligé de lever le siege. L'armée Espagnole en 1652. s'en empara après un long & vigoureux siege, le Roi la reprit trois mois après, & y fit son entrée par la brêche, ayant en main un échalat. On a remarqué qu'ayant refusé le dais qui lui fut présenté par les Echevins, il mit la Croix dessous : cette Place est entierement demantelée, on pourroit cependant la rendre très-bonne sans grande dépense. Epernay situé sur la riviere de Marne à sept lieuës de Châlons, n'étoit du tems de Clovis & long tems après qu'une maison de plaisance des Archevêques de Rheims ; la commodité des eaux y ayant attiré quelques taneurs, il s'y forma quelques habitations qui s'y sont depuis augmentées jusqu'à l'étenduë d'une Ville considérable, elle étoit fortifiée selon l'usage du tems passé de tours & de bonnes murailles, avec des fossez profonds & remplis deaux, mais tout y est à présent ruiné, cette Place a été depuis long tems du Domaine des Comtes de Champagne, elle passa depuis dans celui de la Maison d'Orleans, & ne fut réunie à la Couronne que par la mort de Louïse de Savoye mere de François I. en 1531. presqu'aussi-tôt après elle fut donnée à Claude I. Duc de Guise en usufruit, puis au Maréchal de Strozzi, enfin à la Reine Marie Stuard veuve de François II. Henri III, âpres son décès, l'aliena de nouveau, & après plusieurs reventes elle a été enfin donnée en 1651, au Duc de Bouillon, & unie au Duché de Château-Thierry pour échange de la souveraineté de Sedan : il est remarquable que quoique par le Contract de cet échange, il soit porté que le Duc aura la faculté d'établir d'autres juges pour rendre la Justice en son nom, après la mort de ceux qui ont été pourvûs par le Roi, cependant cette Justice a toûjours continué d'être éxercée sous le nom du Roi, dans les Baillages & Prévôtez d'Epernay. Cette Ville ayant été occupée par une garnison Espagnole du tems de la Ligue, Henri IV. fut oblige de l'assièger en 1592. & il y perdit le fameux Maréchal de Biron pere, qui y fut tue d'un coup de canon en reconnoissant la Place. Vertus est une petite Ville à six lieuës de Châlons, sur le chemin de Paris, assise dans une plaine au pie dune montagne, ou il croit de bon vin, elle fut érigée en Comté-Pairie par le Roi Jean en 1361. en faveur du mariage de sa fille Isabelle avec Galeas Vicomte de Milan ; à une lieuë de cette Place, on voit sur une montagne les ruines d'une Forteresse qui étoit nommée le Moutaine, il n'en reste que le pan d'une tour & les enceintes, qui sont croire que c'étoit autrefois une Place forte, on juge de son antiquité parce qu'il en est parlé dans la vie de S. Alpin Evêque de Châlons, qui vivoit en 450. Cependant on ne sçait rien de positif des événemens qui y sont arrivez, sinon que les Villes & les Communautez voisines la détruisirent sous le Regne de Charles VII.
Rheims.
Rheims portoit du tems des Gaulois le nom de Durocortorujn & étoit la Capitale du Païs, dont les peuples étoient appeliez Remi, elle est située dans une plaine abondante en grains & enceinte de collines dans l'éloignement de deux ou trois lieuës, lesquelles rapportent le meilleur vin du monde, son circuit est de près d'une lieuë, & d'un côté elle est arrosée de la Riviere de Veste qui prend sa source à Somme-Veste proche Nôtre Dame de l'Epine, qui est un fameux Pélérinage à trois lieuës de Châlons. Cette Ville autrefois Comté est à présent la premiere Duché-Pairie du Royaume & la Metropole d'une Province considérable, elle a une Université célébré qui fut fondée en l'année 1547.
CHAMAGNE.
par Charles Cardinal de Lorraine, en consequence des Bulles du Pape Paul III. verifiées en Parlement en 1549 ; les Jesuites y possédent un magnifique Collège, où ils enseignent les Humanitez, la Philosophie & la Théologie, il y a trois grands Hôpitaux l'un pour les malades, l'autre pour les invalides, & le troisième pour les incurables, & deux moindres pour les orphelins & pour faire travailler les pauvres filles. L'antiquité de cette Ville est certaine, mais elle en conserve encore de beaux vestiges, dont les plus considérables sont l'Arc de Triomphe qu'on voit proche la porte de Mars, l'opinion vulgaire le rapporte au tems de Jules Cesar, mais les plus habiles n'y reconnoissent pas la délicatesse de son siècle, & le croyent du bas Empire, on y voit plusieurs figures de femmes ailées, qui representent des victoires, ce qui fait juger qu'il a été bâti pour honorer le Triomphe de quelque Empereur, il est composé de trois arcades d'Ordre Corinthien avec des colomnes cannelées & des reliefs dans les voutes, celle du milieu qui est la plus haute & la plus large a 35 piez de haut & 15 de large, une femme qui y est représentée avec une corne d'abondance pour marquer la fertilité du Païs, quatre enfans yfontconnoître les quatre saisons, & douze autres figures les douze mois : les deux autres arcades de 30 piez de haut sur huit de large, en l'une sont représentez les enfans Remus & Romulus allaitez par une louve avec le berger Faustulus & sa femme Accâ Laurentia, ce qu sert de fondement à l'idée de ceux qui croyent que ce bâtiment se doit rapporter à Jules César, à cause de la descente dont il se glorifioit ; & en la derniere arcade est représentée une Leda embrassant Jupiter revêtu de la forme d'un cygne avec un Amour qui l'éclaire de son flambeau, cet arc avoit servi de porte à la Ville jusqu'à l'année 1645. que l'on en bâtit une autre à côté, on trouve quelque peu plus loin un Fort qui étoit nommé Castrum ou Forum Coesaris & à 200 pas de la riviere les restes d'un amphitéatre qui servoit au divertissement du peuple, on voit aussi près de l'Université les restes d'un second arc de Triomphe composé de trois arcades à présent à moitié ruinées, & qui est demeuré sur pié, celle du milieu a deux grosses piles de pierre & deux colomnes cannelées entourées de feuillages : avant l'aggrandissement de la Ville en 1346 ; cet arc servoit de porte qui étoit nommée la porte bassée. Le Sepulchre de Jorin Maître de la Cavalerie sous les enfans de Constantin & Consul en 367. est aussi digne de remarque, cet Officier fit bâtir à l'honneur des Saints Martirs Vital & Agricole, l'Eglise qui porte aujourd'hui le nom de S. Nicaise depuis l'an 1230. qu'elle fut rebâtie, ce S. Sepulchre est de marbre blanc de huit piez, quatre & demi de large & trois piez & demi de hauteur. Il ne faut pas oublier que Rheims a servi de magasin d'armes sur les Romains, & particulièrement au declin de l'Empire, quand les Gaules furent attaquées par les Barbares ; le continuel passage des Troupes obligea les mêmes Romains à faire élever les chemins publics, qui de tous les lieux voisins se rendoient à cette Capitale, où il y a un de ces grands chemins, qui commence à la porte bassée & traverse la Champagne ; on la nomme la chaussée de Brunehault par une tradition populaire qui est commune à plusieurs autres Provinces,
Lors qu'après la prise du Roi Jean, Edouard son competiteur vint assièger la Ville de Rheims, pour s'y faire sacrer de la Sainte Ampoule, comme légitimé héritier de la Couronne, Gaucher de Chatillon qui en étoit Gouverneur soutenu des Bourgeois, le repoussa de maniere qu'il en abandonna l'entreprise.
Rocroy est une petite Place fortifiée dans une plaine & tellement environnée de bois qu'on ne peut y arriver que par des defilez, elle est à deux lieuës de la Meuse sur la frontiere du Hainault, cette Ville est fameuse par la bataille que le Prince de Condé alors Duc d'Enghein y gagna contre les Espagnols en 1643. Dom Francisco de Melosy étoit leur General, & ils y perdirent absolument les restes de leur célébré Infanterie. Fifmes à six lieuës de Rheims sur la Vesle n'a rien du tout de considerable non plus que Château-porcien qui porte le titre de Principauté.
Rethel étoit dès le tems des Romains un poste important pour le passage de la Riviere d'Aisne, ils y avoient bâti un Fort dont il reste encore une Tour fort élevée, de
CHAMlaquelle
CHAMlaquelle un grand nombre de fiefs que compose la Duché de Rhetelois ou Mazarin. Cette Ville a été souvent prise & reprise par & sur les Espagnols, l'Archiduc Léopold l'ayant prise en 1650. le Maréchal du Plessis Praslin la reprit la même année après avoir gagné une grande bataille contre le premier dans la plaine de Lompuys. Mezieres situé sur la riviere de Meuse, est une Place três-importante par ses fortifications, on prétend qu'elle n'a jamais été prise, il est certain qu'ayant été assiégée en 1521. par Charles-Quint, il fut obligé d'en lever le siège, le célébré Chevalier Bayard la défendit. Charles-ville n'est séparée de Mezieres que par un pont & une chaussée plantée d'arbres, qui conduit d'une plaine à l'autre. Charles de Gonzagues Duc de Nevers, & qui le devint ensuite de Mantouë fit construire cette Place en l'année 1606, la fit bâtir regulierement & la fortifia, néanmoins plûtôt pour l'ornement que pour en faire une place de défense cependant elle éxcita la jalousie. Louis XIII. qui s'en voulut mieux assurer fit bâtir le Fort du Mont Olympe dans une peninsule dépendante de la Prévôté de Château-Renaud & de la Souveraineté du Roi, de sorte que ces trois Places si voisines sembloient n'en composer qu'une seule, mais en l'année 1687. sa Majesté en fit raser toutes les fortifications, ne conservant que celles de la Ville de Mezieres. Il est à remarquer que le Duc de Mantouë a dans Charles-ville un Conseil souverain pour rendre la Justice, & quil y exerce d'ailleurs tous les droits d'un Souverain indépendant, le Siége de cette Souveraineté étoit avant la construction de Charles-ville, le village d'Arché situé à la porte de Mezieres, & elle n'avoit point d'autre nom. Donchery situé sur la Meuse est une petite Ville fermée depuis cinq ans de murs & de demi-bastions au lieu des anciennes fortifications qui avoient été démolies, elle n'a d'ailleurs rien de considerable, son pont fut abbatu en 1676. pour en ôter la commodité aux ennemis. Vitry le François, ainsi nommé parce qu'il a été bâti par François I. en l'année 1544. à la place de l'ancien Vitry en Perthois, qui fut brûlé la même année par l'Empereur Charles- Quint, est une Ville qui devient de jour en jour plus considerable, par le grand commerce qui s'y fait, elle est située sur la Marne à sept lieuës au dessus de Châlons, il ne reste de l'ancien Vitry qu'un village qu'on nomme Vitry le brûlé & les ruines d'un Château. S. Dizier située sur la même riviere à sept lieuës au dessous de Vitry, n'a rien de celebre que le siege qu'elle soutint en 1544. contre l'Empereur Charles-Quint, René de Châlons Prince d'Orange y fut tué, il se fait dans cette Ville un assez grand commerce de fer des forges voisines. Joinville, premiere ville du voisinage, est située premierement sur Marne cinq lieuës de S. Dizier au pié d'une Montagne sur laquelle est bâtie le grand & magnifique Château des Princes Lorrains de la branche de Guise, on attribuë la fondation de cette place à ce Jorin Maître de la Cavalerie Romaine, qui est enterré à Rheims ; on voit encore les restes d'une tour qu'on croit avoir été élevée par ce Capitaine en 369, mais d'autres veulent que cette fondation soit bien moins ancienne & l'attribuënt à un Jean de Troyes au commencement de l'onziéme Siécle, qui ayant bâti le Château attira des habitans dans le voisinage. On a ajoûté que Louïs le Gros la fit environner de murailles, c étoit le sentiment du Cardinal Jean de Lorraine qui étoit né en ce lieu & le nommoit en Latin Joannis Villa. Charles-Quint prit & brûla cette Ville en 1541. & François I. la fit rétablir en faveur de Claude de Lorraine Duc de Guise, Henri II. l'érigea en Principauté l'an 1552. au lieu de Baronie qu'elle étoit auparavant. M. le Duc d Orléans héritier de feuë Mademoiselle, qui le prétendoit être de la Maison de Guise, en est aujourd'hui posiefieur.
Bar sur Aube ainsi nommée de sa situation sur la riviere de ce nom, laquelle y fait un canal naturel de 500 piez de long sur 120 piez de large, est une Ville ancienne avec le titre de Comté, on en attribuë la fondation à un Bordus Roi des Gaulois ; il y a apparencequelle étoit autrefois très-considerable, puis qu'elle avoit quatre foires franches par année, dans lesquelles il venoit des Marchands de toute forte de Païs, ils y
CHAMPAGNE.
avoient leurs quartiers séparez, Hollandois, Allemands, Lorrains, & même ceux de la Principauté d'Orange : Les Juifs y avoient une synagogue. On voit proche la Ville sur une petite montagne, où est à présent l'Eglise & Prieuré S. Germain, les vestiges d'un Château que l'on dit avoir été ruiné par les Vandales, il avoit de doubles fossez, qui, quoique demi comblez, paroissoient avoir été très-profonds. Sur la pointe de cette montagne est un endroit assez escarpé, que l'on nomme encore le Châtelet qui domine sur tout le Païs, on prétend qu'il avoit été bâti pour contenir les étrangers pendant les foires, mais il y a plus de vraisemblance à dire que ce sont les ruines d'une ancienne Ville qui étoit nommée Florence, cela paroit par l'étenduë des vestiges qui sont par trop grands pour être ceux d'un simple Château, la Ville de Bar sur Aube est très-petite & n'a aucunes fortifications, le Roi Philippe le Long l'ayant vendue elle se racheta, afin de se conserver le titre de Ville Royale, & en conséquence elle fut réünie à la Couronne, sous la condition homologuée a la Chambre des Comptes, de ne pouvoir en être séparée : les vins de ce territoire sont très-bons. Vassy n'a rien de remarquable ni par sa situation ni par l'Histoire, que le massacre qui y arriva en 1561, lequel donna lieu à la premiere guerre de Religion ; à une demi-lieuë de cette Ville est le village d'Attencourt où il y a des eaux minérales. Langres siège d'un Evêché qui a titre de Pairie Ecclésiastique est située sur une montagne qu'on croit la plus élevée du Royaume, parce que sept Rivieres considerables y prennent leurs sources, ou dans ses environs, la Marne, la Mance, la Seine, l'Aube, la Vigenne, la Meuse, & la Mozelle. Les peuples de Langres étoient considerables quand Jules César fit la premiere conquête des Gaules, ils furent honorez de la Bourgeoisie Romaine par l'Empereur Othon ; les Vandales la ruinerent en 407. & firent mourir S. Dizier son Evêque, toutefois elle se rétablit en peu de tems, l'Evêque & son Chapitre en sont Seigneurs Temporels & Spirituels, les habitans y sont vifs & portez à la guerre, à fix lieuës de-là sont les eaux chaudes de Bourbon qui ont beaucoup de réputation. Chaumont bâti sur une haute Montagne, au pié de laquelle coule la rivière de Marne, n'étoit d'abord qu'un Château particulier, dont les mouvances étoient si considérables, puis qu'il en releve encore plus de 1800 fiefs, que les Comtes de Champagne s'empresserent à le posseder, ils y eurent long tems une maison de plaisance pour ies chasses, mais ils en firent à la fin une Place forte dont il reste un donjon quarré, bâti de grosses pierres : Louïs XII, François I, Henri IV, ont fait fortifier cette Place à la mode de leur tems, il en reste encore dès courtines & bastions & fossez assez larges, mais tout est éxtrêmement ruiné.
Comme le reste de la Province est de la Generalité de Paris, & que l'Auteur estime quil n'aura pas été oublié dans le Memoire que l'Intendant en aura fourni, il ne parle que de la Ville de Cézanne, la feule de Brie qui soit du Département de Champagne ; il ditquelle est située dans une plaine ouverte à l'Orient & bornée à l'Occident par des collines qui produisent d'assez bons vins, c'étoit autrefois une Comté relevante de la Tour du Louvre qui a été long tems possédée par les Princes de la Maison d'Orléans : celle des Ducs d'Angoulême derniers possesseurs étant éteinte elle fut réünie à la Couronne, mais presqu aussi-tot engagée au Maréchal Flabert, au droit duquel le Marquis de Cézanne Beuvron son petit fils la possede aujourd'hui, cette Ville fut prise & brûlée en 1423. par les Anglois conduits par le Comte de Salisbury. Outre l'étenduë des six Païs dont l'Auteur a parlé ci-devant, le Département de Champagne comprend encore la Ville & Prévôté de Vaucouleurs située entre la Lorraine & la Champagne, qui ne se rapportent à aucuns des précédens Cantons, cette étenduë avoit été possedée en Souveraineté par des Seigneurs particuliers, jusqu'au Roi Philippe, de Valois, qui l'acquit en 1335. de Jean Sire de Joinville à cause de sa commodité pour le passage dans les terres de l'Empire, il lui donna en échange les Chatelainies de Soudron & de Villeneuve dépendantes du Comté de Vertus ; le territoire de Vaucouleurs avoit donné la naissance à
CHAMPAONS.
Jeanne d'Arcq dite la Pucelle d'Orléans, native du village de Domremy, de laquelle les services ont été si considérables pour le rétablissement du Roi Charles VII que par reconnoissance, ce Prince accorda par lettres patentes, non seulement au village de Domremy mais à toute la Prévôté de Vaucouleurs une exemption perpetuelle de toutes tailles aides gabelles & autres impositions, de laquelle elle jouït encore aujourd'hui : On prétend que ce fut au lieu de Vaucouleurs que Henri II. Empereur & à présent sanctifie & Robert de France s'abouchèrent pour regler les limites de leurs Etats & qu'ils firent planter les bornes qui devoient les séparer, on les voit encore à quelque distance de Vaucouleurs, ce ne sont toutefois que de grosses pierres informes, mais on peut voir dans l'Eglise du lieu non seulement la représentation originale des deux Princes peints, presque dans ce tems-là, mais celle d'une grande partie des Seigneurs de la Cour. Les Villes de Sedan & Mouzon composent un Gouvernement particulier tout separé de celui de Champagne, mais comme elles sont de la Généralité, l'Auteur n'a pas cru les devoir omettre Sedan est situé sur la Meuse à la frontière de la Province de Luxembourg on la regarde comme une des clefs du Royaume, c'étoit ci-devant le siege d'une petite souveraineté, composée seulement de la Ville & de 17 villages qui en dependent, Frédéric Maurice de la Tour d'Auvergne la ceda au Roi Louïs XIII. par l'échange avec les Duchez d'Albret & de Château Thierry & la Comté d'Evreux. Il n'y a que deux portes a la Ville, l'une vers la Champagne & l'autre du côté de Luxembourg ; le Château qui est très-beau & important, renferme l'un des plus beaux Magasins du Royaume pour les anciennes armes, les Seigneurs du nom de la Marck, desquels cette terre a passe a la Maison de la Tour avoient amassé cet Arsenal. Mouzon aussi sur la Meuse n'estqua quatre lieuës de Sedan, c'est une petite Place autrefois considerable par sa situation & sa force ; mais elle a tant de fois été prise & reprise que le Roi n'a pas juge nécessaire d'en conserver les fortifications, elles furent demolies en 1674, les Marêchaux de Turenne la Ferté la reprirent la derniere fois en 1653. les Espagnols l'avoient prise trois mois auparavant.
ETAT DE L'EGLISE EN CHAMPAGNE.
APRES le détail de toutes les Villes de la Généralité, l'Auteur en considere le Gouvernement Ecclésiastique, & premierement il observe que la Champagne entiere contient deux Archevêchez, Rheims & Sens, & quatre Evechez, Langres, Châlons, royes & Meaux, mais il se borne à parler des quatre Diocèses renfermez ans le Département. La Province de Rheims, dont le Prélat a titre de premier Duc & Pair de France, de Legat né du S. Siege, & de Primat de la Gaule Belgique est restrainte a présent aux Diocèses de Rheims, Soissons, Laon, Amiens, Senlis & Boulogne, par-e retranchement qui en a été fait en l'année 1560. en vertu des Bulles de Paul & de Pie IV. Papes, des Evêchez de Cambray, Tournay, Therouanne, & d Arras, dont le premier a été érigé en Archevêché, & les trois autres lui ont été donnez pour Suffragans, ce demembrement de la jurisdiction de l'Archevêque de Rheims étoit demeure sans indemnité jusqu'au tems que le Roi, ayant augmenté ses Etats par la conquête de Cambray, l'Archevêque de Rheims demanda la permission de poursuivre la révocation des Bulles précédentes, qui causoient ce préjudice à son Eglise ; pour donc appaiser ce different, on a uni l'Abbaye de S. Thierry à perpetuité à l'Archevêché de Rheims, cette union ayant été agreée par le Pape, il est intervenu une autre Bulle en l'annee 1696. d'Innocent XII. qui a confirmé les précédentes créations & unions, il y a clause expresse qui attribué au Chapitre de Rheims la jouissance de la même Abbaye pendant la vacance du Siége. On
CHAMPAGNE.
observe encore que dans le tems que les Chapîtres des Eglises Episcopales avoient le droit d'élire leurs Prélats, les Archevêques de Rheims avoient celui de nommer leurs suffragans, lors que les Chanoines prolongeoient l'élection plus de trois mois après le decès de l'Evêque qu'il faloit remplacer, & quand l'Election se trouvoit partagée, le même avoit le droit de determiner celle qui devoit subsister, à l'effet dequoi les paroles verbaux d'Election lui étoient portez pour la confirmer, ou infirmer suivant les Canons de l'Eglise ; & il sacroit ensuite & relevoit le serment d'obéïssance de l'Evêque élû, mais le Concordat a fait cesser l'éxercice de tous ces droits, & il ne lui reste à présent que celui de recevoir le serment d'obéïssance & reverence que les promus aux Evêchez sont tenus de lui faire à Rheims en personne, avec cette circonstance qu'il les reçoit assis dans son fauteuil au côté du grand Autel de la Cathédrale, & couvert à la difference de l'Evêque qui est debout & découvert. Il étoit aussi en possession de visiter les Diocèses de ses suffragans, d'y accorder des indulgences, & d'y ordonner ce qu'il y trouvoit d'avantageux au bien d'un chacun ; les Chapîtres des Cathedrales de tous ces Diocèses lui sont encore actuellement soûmis, à l'éxception de celui de Laon, il a le droit de les visiter & corriger. Les jugemens de l'Official de Rheims ressortissent immédiatement au Saint Siége en conséquence de la Primatie de la Gaule Belgique qui appartient à l'Eglise de Rheims. A l'égard du droit qu'a cet Archevêque de sacrer les Rois de France, en conséquence duquel il a été honoré du titre de premier Duc & Pair Ecclésiastique, l'Auteur asseure que ce fut le Roi Philippe Auguste qui gratifia l'Eglise de Rheims de cet honneur, en consideration de son oncle Guillaume de Champagne, dit le Cardinal aux blanches, mais qui en occupoit le siège, il est vrai toutefois que les Archevêques de Rheims prétendoient dès le tems d'Hincmar que le sacre du Roi appartenoit à leur siège, en conséquence de l'instruction & du Batême de Clovis fait par S. Remy. On compte nonante-quatre Evêques de Rheims jusqu'à Charles Maurice le Tellier, auquel M. de Mailly a succedé, & de ce nombre il y en a douze reconnus pour Saints, douze Princes, deux fils de Rois, quatre Princes du Sang Royal, onze Cardinaux, six Légats, & neuf Chancelliers. L'Eglise de Rheims a donné quatre Papes au S. Siège, savoir Gerbert qui fut Archevêque de Rheims, puis de Ravenne, & enfin Pape sous le nom de Silvestre II, Urbain II, qui en avoit été Chanoine, Adrien IV, & Adrian V, qui tous en avoient été Archidiacres.
Le revenu de cet Archevêché est à présent de 55000 l. en y comprenant l'Abbaye de S. Thierry ; son étendue comprend les Villes de Rheims, Sedan & Mezieres, Charleville, Rhétel, Rocroy, Mouzon, Epernay, Fifmes, Château-porcien & Donchery & Cormicy, & en tout 477 Paroisses avec 365 Annexes divisées en 18 Doyennez, dont six sont sous la direction de Rheims & les huit autres de celui de Champagne, il peut avoir en tout 24 lieuës de longueur sur 15 de largeur. Les bornes sont au Nord l'Evêché de Laon, au Midi celui de Châlons, à l'Orient l'Archevêché de Trèves, & à l'Occident le Diocèse de Soissons ; il renferme sept Chapitres de Chanoines, 24 Abbayes, plusieurs Prieurez Conventuels, plus de 40 Prieurez simples, 2 Seminaires, une Université, trois Colléges de Jesuites, une Chartreuse, une Commanderie de Malthe, une autre de S. Antoine, huit Hôpitaux & plusieurs Couvens de Religieux Mendians. Le premier Chapître du Diocèse est celui de la Cathedrale, dont l'Eglise est superbe pour les bâtimens ; on ne sçait point l'Auteur ni le tems de ce bâtiment, elle est dediée sous le nom de Nôtre Dame. Ce Chapitre est composé premierement de neuf dignitez, savoir, le Grand Archidiacre qui a 7 à 800 l. de revenu, l'Archidiacre de Champagne qui a 400 l. le Prévôt qui a 800 l. le Doyen 500 l. le Chantre 500 l. le Vidame 300 l. le Scolastre 400 l. & le Penitencier 150]. ces dignitez composent ensemble 46501. de revenu ; 2. de 64 Chanoines qui ont chacun 1000 l. de 40 Chapelains de l'ancienne Congregation & d'un grand nombre d'autres Chapelains, des Chanoines Claustraux outre plusieurs bas Officiers qui sont tenus d'assister au Choeur, de sorte que le revenu de ce Chapitre monte jusqu'à 100000 l. de rente. Il y a trois autres Eglises Collégiales dans la Ville de Rheims ; le
CHAMPAGNE,
Chapitre de S. Symphorien, dont l'Eglise étoit un ancien Temple de Cerés qui fut dedié par l'Archevêque Sixte I.à S. Pierre, le Siege Cathédral qui y fut transporté par Berthault en 315. y resta jusqu'en 400. que S. Nicolas le fixa à Nôtre-Dame. Ebab Archevêque.... y fonda environ l'an 1030. un Chapitre de douze Chanoines sous la direction d'un Prévôt, qui a été changé en Doyen, il a 400 l. de rente, & les Chanoines 360 l. le pavé de cette Eglise est une ancienne Mosaïque très-confervée. Le Chapitre de S Timothée rapporte son institution à Eusebée l'un des premiers Evêques de Rheims, il y à eu des Clercs jusqu'en 987. que l'Archevêque Adelberon en donna l'Eglise & le revenu aux Moines de S. Remy, lesquels l'ont possédé jusqu'en 1064. que Gervais Archevêque y remit des Chanoines qui y sont encore à la collation de l'Abbé de S. Remy, les Prébendes ne valent que 120 l. Le Chapitre de Ste. Balsamine ou Ste. Nourrice parce que cette Sainte avoit nourri S. Remy, a été fondé en 1180. par Guillaume de Champagne Archevêque & Cardinal & par son Chapître, les Canonicats au nombre de 12 valent 400 l. & sont à la collation du Chapître.
Dans le reste du Diocèse on compte le Chapître de Mezieres de 12 Chanoines qui ont chacun 500 l, & les Chapîtres de Braux & de Montfaucon qui sont peu considerables le revenu total de ces six Chapîtres peut monter à 16000 l. Les Abbayes de la Ville de Rheims au nombre de cinq sont S. Remy de l'Ordre de S. Benoît, Congrégation de S Maur, Turpin Archevêque y mit des Bénédictins qu'il attira de S. Denys en France en l'année 780. à la place des Chanoines qui y étoient dès l'an 550, il en fut le premier Abbé, & ses successeurs à l'Archevêché continuèrent de l'être jusqu'en l'année 945 que les Religieux commencerent à s'élire un Abbé Régulier, ce qui a continué jusqu'en 1527 que cette Abbaye tomba en commande, le Cardinal Gualtieri l'a possedée & la possedé aujourd'hui à même tître, les Religieux au nombre de 40 ont 20000 l. de revenu & l'Abbé 30000 l. le Trésor est très- considérable, on y conserve la Sainte Ampoule qui sert au sacre des Rois, le Tombeau de S. Remy derriere l'Autel est d'une magnifique structure ceux des Rois Louïs d'Outremer & Lothaire sont dans le Choeur avec leur figure au Naturel, revêtus d'habits royaux, le pavé est une riche Mosaïque. S. Nicaise aussi de l'Ordre de S. Benoît que Gervais Archevêque fit rétablir en 1056. & y mit des Moines dix ans après, les Abbez en ont été Réguliers jusqu'en 1530. La Mense Abbatiale fut unie en 1691. à la Sainte Chapelle pour l'indemniser des revenus de la Regale, cette Mense est de 90000 l. & les Religieux au nombre de 20 ont 800 l. S, Denys de Chanoines Réguliers de S. Augustin a été bâtie & fondée par Hincmar Archevêque en l'an 1050. Gervais en augmenta la fondation en l'Eglise en 1067. & y mit des Chanoines Réguliers qui ont élû leur Abbé jusqu'au Concordat, elle vaut 9000 l. & les Religieux au nombre de 18 ont 8000 l. S. Pierre, de filles, Ordre de S. Benoît, a été fondée par S. Balderic, Sainte Boué sa soeur & Sainte Dode leur niece tous du sang de Sigebert Roi d'Austrasie, quelques-uns rapportent cette fondation à Ste. Clotilde, elle renferme aujourd'hui 55 Religieuses, & vaut en tout 20000 l. S. Etienne aussi de filles, de l'Ordre de S. Augustin dun établissement assez moderne, a passé de Soissons à Rheims en 1617. au moyen de l'échange de leur maison de Soissons avec le Prieuré du Val-des-écoliers qui étoit à Rheims, l'Abbesse a été Elective jusqu'en 1654. que le Roi y nomma Madame d'Angennes : il y a 48 Religieuses, lesquelles jouïssent de 6000 l. de revenu. Les autres Maisons Ecclésiastiques de la Ville de Rheims sont le Seminaire fondé en 1564. par Charles Cardinal de Lorraine & bâti magnifiquement en 1678. par M. le Tellier Archevêque, son revenu présent est de 9 à 1000 l. & il en vaudra 14 après la mort des titulaires, dont les Bénéfices y ont été unis, on y éleve jusqu'à 100 Clercs. Le College des Jesuites, autre ois Prieuré de l'Ordre de Cluny, est grand & magnifique N. Brislard Abbé de Valery fils du Chevalier en est reconnu pour fondateur, non qu'il eut donné à ces peres 13 à 14000 l. de rente dont ils jouissent, mais parce qu'il a contribué à élever le bâtiment ; il y a 30 ou 35 Religieux qui enseignent toutes les Classes ordinaires. La Maison de
– CHAMS.
CHAMS. reconnoit S. Remy pour son Fondateur en l'an 500, c'était d'abord un Hôpital fondé pour 13 pauvres, Guillaume de Champagne Archevêque reforma les abus qui s'y étoient glissez, & en donna la direction aux Meres & Peres de S. Antoine pour y recevoir les malades du feu S. Antoine, mais comme le cours de ce mal est tellement cessé qu'on ne le reconnoit plus, le Roi a uni les revenus en 1676. à l'Hôpital des Invalides de Paris, ne laissant que 2000 l. aux Religieux de S. Antoine. L'Eglise de la Commanderie de Malthe étoit d'abord urìe Chapelle que S. Remy avoit fondé l'an 1040. Constans Doyen de la Cathédrale la rebatit, & y fonda quelques Prébendes ; Henri de France Archevêque la donna aux Templiers l'an 473. & d'eux elle a passé aux Chevaliers de Malthe qui l'ont destinée aux Freres servans, elle a 8 à 9000 l. de rerite. Le Prieuré des filles de Fontevrault, dit Longueau, a été transporté dans la Ville de Rheims en 1630. à cause des guerres, il avoit été fondé à Longueau près Chatillon far Marne par Thibault, second Comte de Champagne, il y a 35 à 40 Religieuses qui ont 5000 l. de revenu. Enfin il y a dans la Ville de Rheims un Couvent de Religieuses de la Congregation, un autre de Carmelites, un d'Augustins, un de Carmes, un de Prêcheurs ou de Jacobins, un de Cordeliers, un de Capucins, & enfin un de Minimes, toutes ces Maisons ensemble possédent environ 172000 l. de rente, ce qui joint aux revenus des Chapîtres & de l'Archevêché monte à 340000 l. au moins. Les autres Abbayes du Diocèse sont S. Thierry, dit le Montdor, que l'on croit avoir été fondée par un Saint du même nom, Aumônier de S. Remy vers l'an 530, elle fut mise entre les mains des Benedictins par l'Archevêque d'Alberon l'an 997, elle a eu des Abbez Réguliers depuis l'an 997. jusqu'en 1550. Cette Abbaye doit à nos Rois un droit de giste quand après leur Sacre ils vont à S. Marcou de Corbigny pour toucher les malades, elle a été, comme on la dit, unie à l'Archevêché, il y a dans la Maison 12 Religieux de la Congregation de S. Maur qui ont 6 à 7000 l. pour leur Mense. S. Baab a été fondée par le Saint de ce nom l'an 576, il y avoit premierement établi des Solitaires. S. Nivart Archevêque y mit en 651. des Moines qui vivoient sous la regle de S. Colomban ; à ces Moines succéda une Congregation de Clercs, qui a subsisté jusqu'en 960. que l'Archevêque Arsolde rétablit l'ancien Monastère & le donna aux Benedictins qui la possédent à présent, elle vaut 10000 l. de rente à l'Abbé & aux Moines 5 à 6000 l. Igny de l'Ordre de Cîteaux fondée en 1126. par Regnaud Archevêque, qui y mit des Religieux de Clervaux, a eu pour son quatrième Abbé Regulier le fameux Gueric Disciple de S. Bernard elle vaut 16000 l. en tout il y a huit Religieux. Signy, Ordre de Cîteaux, fondée en 1134. par S. Bernard des liberalitez des Comtes de Champagne, de Ponthieu & de Ribemont, est fille de l'Abbaye d'Igny, elle vaut en tout 28000 l. les Religieux sont au nombre de 12. Le Valroy, Ordre de Citeaux, fondée par Hugues Comte de Roussy l'an 1143, vaut en tout 20000 l. 14000 à l'Abbé & le reste aux Religieux. Bonne Fontaine, Ordre de Cîteaux, fondée par les Seigneurs de Rumigny en 1150 vaut en tout 7000 l. dont l'Abbé en tire 4000 l. pour sa part. Elan, Ordre de Cîteaux, fondée par Wiser Comte de Rethel qui en augmenta la fondation en 1220, vaut en tout 7000 l. Belval, Ordre de Prémontré, fondée par Adalberon Evêque de Verdun l'an 1133, vaut 10000 l. Laudeves de Chanoines Reguliers, autrefois Prieuré dependant du Val des Ecoliers, a été érigé en Abbaye au commencement du Siècle, l'Abbé est Regulier, le revenu est de 8000 l. Epernay de Chanoines Reguliers, fondée par Thibault, premier Comte de Champagne, vaut 10000 l. l'Abbé en a 6000 l. Auvilliers, Ordre de S. Benoît, congrégation de S. Vanne fondée en 622. par l'Archevêque. S. Nivard vaut 21000 l. dont l'Abbé en a 14000, les Religieux orit en outre leur part 7000 l. dont... à l'Abbé. Lonquay, Ordre de Prémontré, vaut en tout 3200 l. il y a en tout 5 Religieux. Mouzon, Ordre de S. Benoît, Congrégation de S. Vanne, étoit autrefois un Monastere de Religieuses, qui ayant été obligées d'abandonner le Cloître à cause des guerres, l'Archevêque Adalberon y mit des Chanoines en 971, mais Hervé aussi Archevêque les dispersa & y mit des Religieux tirez de l'Abbaye
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de S. Remy, elle vaut en tout 18000 l. Thierry ou Chehery, Ordre de Cîteaux pro. de Sedan, fondée en 1135. par Autel & Guillaume de CayencheuxliersPicards' vaut 10000 l. de rente. Sept-fontaine, Ordre de Prémontré, fondée en 1129. par Elie Sire de Mezieres & Ode sa femme, elle vaut 4500 l. il y a cinq Religieux. Avenay de filles Ordre de S. Benoît, fondée par Ste. Berthe femme de S. Gombert Maire du Palais, est devenuë plus considerable par les grands biens que lui ont fait les Comtes de Champagne, & les Rois de France, elle vaut 20000 l. il y a quarante Religieuses.
La Chartreuse du Mont-Dieu à quatre lieuës de Sedan, a été fondée par Eudes Abbé de S. Remy de Rheims, du consentement de Renaud Archevêque qui l'aida par ses liberalitez, le premier Prieur fut Godefroi Disciple de S. Bruno célébré par sa doctrine & sa pieté, ce Monastère possédé 30000 l. de rente, & renferme 20 Religieux. Toutes ces Abbayes jouïssent donc ensemble de 248700 l. Il y a de plus dans l'Archevêché de Rheims 40 Prieurez simples & plusieurs Prévôtez, mais comme le revenu en est peu considerable en detail, l'Auteur n'a pas jugé à propos de grossir son Memoire de ce qui les regarde, on peut toutefois recueillir de ce qu'il en dit que les revenus de l'Eglise dans le Diocèse, sans y comprendre les Cures & les Tresors des Paroisses, montent au moins à 600000 l.
L'Evêché de Langres suffragant de Lyon a le Titre de Duché-Pairie, & est possedée aujourd'hui par Messire de Clermont de Tonnerre ; ce Diocèse est borné au Nord par ceux de Troyes & Châlons, au Levant par ceux de Bezançon & de Toul, & au Couchant par ceux de Sens & Auxerre, il est presque quarré, ayant environ 30 lieuës de long & de large ; il renferme plusieurs Villes qui ne sont ni du Gouvernement ni de la Generalité de Champagne, mais celles qui lui sont soumises dans le Département sont Langres, Chaumont, Bar sur Aube & Mussy l'Evéque ; il contient en tout 1800 Paroisses sous 17 Doyennez & 5 Archidiacres, mais comme cette étendue est dans le ressort des trois Parlemens, Paris, Dijon & Bezançon, l'Evêque est obligé d'avoir trois Officiaux, un à Langres pour le ressort du Parlement de Paris, un à Dijon pour celui de Bourgogne, & un dernier à Champlitte pour le ressort du Parlement de Paris, un à Dijon pour celui de Bourgogne, & un dernier à Champlitte pour le ressort du Parlement de Comté ; les appellations des Officiers de Langres & de Champlitte ressortissent à la Primatie de Lyon, mais comme le Parlement de Dijon prétend que soit l'Archevêque soit le Pape doivent avoir un Official sur les lieux pour juger par degrez les appellations, il ne manque jamais d'en commettre en leur nom sur les requêtes qui lui sont présentées. L'Eglise Cathédrale de Langres dediée à S. Mannes est grande, bien bâtie, fort sombre, son trésor est curieux, le revenu de l'Evêché est de 22000 l. de rente. Le Chapitre de la Cathedrale est composé d'un Doyen Electif par le Chapître, qui peut n'être pas Chanoine & n'a pas plus de revenu ; du Trésorier qui est nommé par l'Evêque & dont le revenu est d'environ 2000 l. de 6 Archidiacres, d'un Chantre, de 52 Chanoines, tous choisis par le Chapitre lesquels ont environ 1000 l. de revenu chacun, de huit demi-Chanoines à la collation du Doyen & de plusieurs Chapelains, de sorte que le revenu total de cette Eglise, y compris celui de l'Evêque, est d'environ 100000 l. Outre les sept Paroisses de la Ville, il y a un beau & grand Seminaire gouverné par les Peres de l'Oratoire, qui jouissent en tout d'environ 7000 l. les Jesuites y ont un Collège, les Jacobins, Capucins, & Carmes déchaussez chacun un Couvent, il y a aussi quatre Monastères de filles, les Annonciades, les Ursulines, les filles de Sainte Marie ou de la Visitation, & les Dominiquaines, on attribue à toutes ces Maisons ensemble environ 22000 l. de rente. Les Abbayes de ce Diocèse dans la partie qui est comprise sous le Département de Champagne sont celles-ci. Clairvaux à deux lieuës de Bar sur Aube 3e.fille de Cîteaux a été édifiée par S. Bernard Abbé, sur un fonds donné par Hugues Comte de Troyes en 1113. Cette fondation fut augmentée par Thibault le Grand, Comte de Champagne, mais particulierement par Philippe Comte de Flandres & Matilde son épouse, qui y choisirent
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sepulture, laquelle on voit dans une petite Eglise séparée, & couverte de plomb, qui sert aussi de tombeau aux Religieux à qui S. Bernard donnai'habit, que l'on estime tous Saints, en sorte que leurs os sont enfermez sous un cavot sous l'Autel de cette Eglise, plusieurs Princes & Princesses, plusieurs Prélats & autres personnes de grande consideration ont en divers tems choisi leur sepulture en cette Maison, & on y fit de grands biens. L'Eglise qui est un fort beau bâtiment fut édifiée l'an 1174. par les foins de Gaste Evêque de Langres, il y avoit des chaises dans la Nef pour 1000 Religieux, qu'on a détruit depuis peu par prévention pour le goût moderne, la Bibliotêque est de Manuscrits peu connus, il y a 40 Religieux de Choeur & : 20 Freres : Dom Bouchu en est Abbé Regulier depuis plusieurs années, & son administration quoiqu'édifiante n'a pas laissé de nuire à la Maison tant par la ruine de plusieurs Antiquitez, que par le rappel des Freres Convers qui faisoient valoir les metairies, sous prétexte d'une plus grande regularité, mais qui a soumis ces mêmes metairies au payement de la Taille, ce qui coûte la moitié du revenu, cette Maison jouït encore de près de 60000 l. de rente, S. Bernard en mourant y laissa 500 Religieux. Morimond, quatrième fille de Cîteaux, fondée en 1114. par Olderic d'Aigremont Seigneur de Choiseul & Adeline sa femme, & depuis fort augmentée par les dons des mêmes Seigneurs de Choiseul & de ceux de Réthel ; cette Abbaye a 700 benéfices dans sa dépendance & 5 Ordres Militaires en Espagne, il y a à présent 30 Religieux qui jouïssent de 15000 l. sous le gouvernement d'un Abbé Régulier. Auberine, Ordre de Cîteaux, fondée par un Evêque de Langres en 1134. vaut 12000 l. l'Abbé Commandadataire en tire 6000 l. les Religieux sont au nombre de 15. Beaulieu, du même Ordre, fondée en 1166. vaut 4000 l. dont l'Abbé Commandataire en a la moitié, les Religieux sont quatre. Beve, Ordre de S. Benoît, fondée en 620. par Amalgarius Maire du Palais sous le Roi Clotaire vaut 21000 l. l'Abbé en tire 14000, & les Religieux au nombre de sept tirent le reste. La Crete, Ordre de Cîteaux, de la fondation des Comtes de Champagne dans le tems de S. Bernard, & néanmoins fille de Morimont a été fort augmentée par les dons des Seigneurs de Choiseul & de Réthel, elle vaut 12000 l. dont l'Abbé Commandataire a la moitié. Molesme de S. Benoît, fondée par S. Robert Abbé de Cîteaux lan 1075. vaut 29 à 30000 l. l'Abbé en prend 14000, & laisse le reste aux Religieux qui sont au nombre de vingt. Lonquay, Ordre de Cîteaux, vaut 6000 l. l'Abbé posséde le tiers, les Religieux sont au nombre de six. Vauz la Douce, Ordre de Cîteaux, fondée paf Manassés Doyen de Langres & le Chapître, & depuis enrichie par les Seigneurs de la Ferté sur Amancé vaut 5000 l. il n'y a que deux Religieux dont l' Abbé est Rsgulier. Notre-Dame du Val-des-écoliers, de Chanoines Réguliers, ci-devant Prieuré érigée en titre d'Abbaye Chef d'Ordre 6111539, unie à la Congregation de Ste. Genevieve, l'Abbé est regulier, il y a neuf Religieux & ils ne possedent ensemble que 400 l. de revenu. Ste. Geme, Ordre de S. Augustin, vaut 7000 l. l'Abbé en tire 5000 & les Religieux au nombre de six 2000 l. Befmont de filles, Ordre de Cîteaux, fondée l'an 1148. par Godefroy Evêque de Langres, vaut 2000 l. il n'y a que quatre Religieuses. Poulangis aussi de filles, Ordre de S. Benoît, est un Monastere singulier, parce que quoique les Religieuses y fassent les trois voeux elles n'y sont ni voilées ni cloistrées, & ont leur maison & cuisine séparées l'une de l'autre, elles vivent la plûpart aux dépens de leurs familles, l'Abbesse ne leur fournit à chacune qu'environ 200 l. de denrées ; on n'y reçoit que des filles de qualité distinguée. Cette Maison se prétend soumise immédiatement du S. Siege, & jouït d'environ 4 à 5000 l. de rente, on ne sçait rien de sa fondation sinon qu'elle est faite l'an 1250. Il y a dans le même Diocèse plusieurs Prieurez, dont le plus considérable est celui de Varennes à 4 lieuës de Langres valant 6000 l. de rente, l'Auteur n'entre dans aucun détail à l'égard des autres qui sont d'un mediocre revenu. Outre le Chapître de la Cathedrale, il y a encore dans le Diocèse & sous le Département six Eglises Collegiales, celle de Chaumont, qui est composée d'un Doyen Chanoine, 4 Prébendes à la Collation mixte du Chapître & de la Ville, hors le Doyen qui est Electif par ie Cha-
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M¬ il a 800 l. de rente & les autres chacun 400h La Collégiale de Chateauviîairì, composée de douze Chanoines, qui ont chacun un peu plus de 300 l. Le Chapitre de Mussy l'Evêque de huit Chanoines à la collation de l'Evêque de Langres possédé en tout environ 2400 l. de rente. La Collegiale de Bar sur Aube d'un Doyen & de 24 Chanoines, qui ont chacun environ 350 l. Le Chapitre de Granecy, fondé en 1361. par les Seigneurs du lieu, est composé d'un Doyen, neuf Chanoines & quatre demi-Prébendes, ils ont environ 150 l. chacun. Enfin le Chapitre de Fouvain, composé d'un Doyen & de six Chanoines, lesquels n'ont pas plus de 30 l. de revenu. Il y a encore dans le Diocèse & dans ce Département deux Commanderies de l'Ordre de Malthe, celle de Corgebin qui vaut 5 à 6000 l. de rente, & celle de Monneaux destinée aux Freres Servans. En dernier lieu l'Auteur compte le College des Jesuites de Chaumont qui possede environ 3000 l. de revenu. Ainsi reduisant le calcul de l'Auteur, il se trouve que les revenus Ecclésiastiques de l'Evêché de Langres compris sous le Gouvernement de Champagne sans compter ceux des Cures, Hôpitaux & Trésors des Eglises, & tous les casuels, montent à 351380 L.
L'Evêché de Châlons, qui est honoré de la Dignité de Comté-Pairie, est fort considerable en toute maniere ; 1°. par son étendue, qui est de 25 lieuës de longueur sur 20 de large, & comprend outre la Ville de Châlons, celles de Vitry, Ste. Menehoult, S. Dizier, Joinville, Vassy & Vertus ; 2°. par son revenu qui est de 20000 l. de rente, il est à présent possedé par M. de Noailles qui a succedé à son frere, transféré à l'Archevêché de Paris, il comprend dans la totalité 304 Paroisses avec 93 Annexes. L'Eglise Cathédrale est dediée à S. Etienne, elle est grande & bien bâtie, son Chapître est composé de huit Dignitez, 4 Archidiacres, un Doyen, un Chantre, un Trésorier, un sous-Chantre, & 31 Canonicats, huit demi-Prébendes, 2 Vicaires perpétuels & environ 60 Chapelains, tous les benefices sont à pleine disposition du Chapitre excepté les Archîdiaconnez & la Trésorerie qui dépendent de l'Evêque, leur revenu est d'environ 6col. le Doyen a le double, de sorte que le Chapitre entier jouït d'environ 35000L. de rente. De cette Eglise Cathédrale dépendent deux Collegiales, dont les bénéfices sont à la nomination du Chanoine le Mainier & à la collation du Chapître, ces deux Eglises sont la Trinité & Nôtre-Dame, elles ont chacune dix Chanoines sans dignitez ; ceux de la premiere ont 200 l. chacun, ceux de la seconde en ont 400 l. Il y a de plus dans la Ville de Châlons onze Paroisses, un grand & petit Seminaire, le premier pour les Ordinans, le second pour les Ecclésiastiques & les jeunes Clercs étudians ; les Jesuites y ont un College pour les Humanitez & la Philosophie –, il y a aussi deux Hôpitaux, l'un pour les malades, l'autre pour les invalides & mendians. Les Monastères & Abbayes de Châlons sont S. Pierre, Ordre de S. Benoît de la Congregation de S. Vannes, que l'on tient avoir été un Temple de Payens, consacré par un Evêque de Châlons, Roger I. aussi Evêque y mit des Moines après l'avoir établi & avoir accru ses biens, il y avoit eu précédemment des Chanoines. Elle vaut 20000 l. de rente, l'Abbé Commandataire en tire 10000. Toussaints, Ordre de Chanoines Réguliers de la Congregation de France, a été fondée en 1062. par l'Evêque Roger II, elle vaut à l'Abbé 6000 l. de rente, & aux Religieux qui sont sept 2500 l. Les autres Monasteres de la Ville de Châlons sont quatre Couvens de Mendians ou de Jacobins, un d'Augustins, un de Recolets, un dernier de la Trinité qui est pauvre ; le même nombre de Couvens de filles, savoir un de Bénédictines nommé Vinetes du même Ordre de l'étroite observance, un de la Congregation de Nôtre-Dame fort riche & fort nombreux, & un dernier d'Ursulines établies par M. Vialard. Il y a aussi une Communauté de Regentes ou de nouvelles Catholiques de la fondation de M. Vialard qui en a aussi établi de pareilles à Vassy & Vertus où elles étoient très-nécessaires à l'instruction des nouvelles converties. En dernier lieu il y a une Commanderie de l'Ordre de Malthe nommée Neuville qui vaut 5300 l. de revenu : proche les murs de la Ville est encore une Abbaye de Chanoines
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Reguliers de Ste. Genevieve fondée sous le nom de STe Meuge qui vaut 13500 l. de revenu, l'Abbé Commandataire en a dix pour sa part, ainsi l'recueillir de ce détail que les biens Ecclésiastiques de la Ville de Châlons montelimar 118800 l. sans le revenu des Cures. Les autres Abbayes du Diocèse sont Huiron bâtie en 1078 à une lieuë de Vitry par Roger III. Evêque, lequel y mit des Prêtres pour l'instruction de la campagne. Godefroy autre Evêque la mit en regle & la donna aux Moines Bénédictins qui la possedent, elle vaut 5000 l. à l'Abbé, 3500 aux Religieux au nombre de huit. S. Jacques de Vitry de filles, Ordre de Cîteaux, fondée par Thibault le Grand, Comte de Champagne, vaut 3000 l. il y a 25 Religieuses. S. Urbain près Joinville, Ordre de S. Benoît, a été fondée par Archambault XXXIII. Evêque de Châlons vers le milieu du IX. Siécle, & depuis dottée de nouveau par l'Empereur Charles le Chauve, vaut 12000 l. Nôtre-Dame de S. Dizier de filles, Ordre de Cîteaux de la fondation des Comtes de Champagne, vaut 3000 l. il y a 18 Religieuses. Moûtiers en Dée, Ordre de S. Benoît, Congregation de S. Vannes, vaut 31000 l. dont 20000 l. à l'Abbé, cette Maison reconnoit pour Fondateur le Roi Childeric en l'année 685 ; il y avoit autrefois ce qu'on nommoit louange ferpetuelle, c'est à dire, Office continuel qui étoit ménagé entre deux Couvens d'hommes & de filles. Haute-fontaine, Ordre de Cîteaux, vaut en tout 6000 l. elle a été fondée par Isambert de Vitry en 1136. Monstrets, Ordre de Prémontrez, vaut 4000 l. en tout. Trois-fontaines, Ordre de Cîteaux, vaut 20000 l. de rente, l'Abbé en a 12000. Cheminon, du même Ordre, fondée en 1120. par Hugues Comte de Champagne, vaut 10000 l. Moirenon, Ordre de S. Benoît, vaut 12000 l. dont 7000 à l'Abbé. Chatrice, Ordre de S. Augustin, vaut 10000 l. Moûtiers, Ordre de Cîteaux, vaut 21000 l. dont l'Abbé en tire 15000. Nôtre-Dame de Vertus, Ordre de S. Augustin, sans Religieux, vaut 3000 l. S. Sauveur de Vertus, Ordre de S. Benoît, 2000 l. Nôtre Dame d'Andreci, Ordre de S. Benoît, de filles au nombre de 33, vaut 7000 l. elle a été fondée en 1131. par Simon de Broges en qualité de Seigneur de Baye, ce qui a fait un procès entre les Seigneurs de ce lieu & les Religieuses qui se prétendoient de fondation Royale, lequel a été terminé par arrêt contradictoire du Parlement de Paris, qui a maintenu le Seigneur de Baye dans sa qualité de Fondateur. La Charmoise, Ordre de Cîteaux, vaut 4000 l. l'Abbé est Régulier. L'Auteur compte encore le Chapître de Vitry qu'il avoit omis dans le nombre des Collegiales, il est composé de quatre dignitez qui ont 500 l. & de quinze Chanoines qui ont 400 l. le Roi nomme à 14 Prébendes, & le Chapitre de Châlons à la quinzième. La Commanderie de Malthe nommée Lervet près Joinville vaut 7000 l. L'Auteur ne dit rien des Prieurez qui sont en grand nombre dans ce Diocèse, non plus que des Cures, mais sans cela il se trouve que les revenus de ce Diocèse, non compris ceux de la Ville de Châlons, montent à 170500 l. lesquels joints aux précédens sont en tout 289300 l.
L'Evêché de Troyes, composé de 372 Paroisses & 98 Annexes divisées en huit Doyennez sous cinq Archidiacres, comprend une étenduë de 25 lieuës de long sur 22 de large, ayant au Nord les Diocèses de Châlons & Soissons, au Midi ceux de Langres & de Sens, à l'Orient Langres & Châlons, & au Couchant le Diocèse de Langres, il n'a de Ville dans la Generalité que celle de Troyes, Cézanne & Mery sur Seine, on compte depuis S. Amaste, qui en a été le premier Evêque en 340, 80 Evêques jusqu'à présent ; du nombre desquels il y en a huit que l'Eglise honore comme Saints, M. Bouteiller de Savigny en est aujourd'hui pourvû par la demission de son oncle : l'Evêché ne vaut que 8000 l. La Cathedrale de Troyes est dediée à S. Pierre, elle est grande & bien bâtie, son Chapître est composé de huit Dignitez, 3 7 Chanoines & quatre autres, nommez Chanoines de Nôtre-Dame, qui sont alternativement à la collation du Roi & de l'Evêque & valent environ 600 l. les quatre Chanoines de Nôtre-Dame n'ont que 250 l. Il y a dans la Ville de Troyes deux autres Eglises Collégiales, savoir S. Etienne
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ui servoit autrefois de Chapelle au Palais des Comtes de Champagne, dans la premiere fondation le Ch étoit composé de huit dignitez à l'éxception du Doyen qui est Electif, les ont 1000 l. de revenu & les Chanoines 500, toutefois les Dignitez de Chessec ae Trésorier ont plus que les autres, ce Chapitre est soûmis à l'Archevêque de Sens, mais le Doyen doit être confirmé par l'Evêque Diocésain, S. Urbain est immedìatement sujet au Saint Siege en conséquence de sa fondation par le Pape Urbain IV. qui bâtit cette Eglise sur le lieu où il étoit né. Le Chapitre est composé d'un Doyen Electif qui doit être confirmé par le Pape, d'un Trésorier & d'un Chantre oui ont chacun 400 l. & de neuf Chanoines qui n'en ont que 150 ; il y a de plus quatre Chapelains pour l'Office, les bénéfices sont alternativement à la collation du Roi & du Doyen. Les Abbayes de la Ville de Troyes sont S. Loup del'Ordrede S. Augustin, qui vaut environ 9000 l. S. Martin, du même Ordre, 3200 l. Et Nôtre-Da met Ordre de S. Benoît, de 40 filles, qui vaut 10000 l. Il y a dans la même Ville une Communauté de l'Ordre de Malthe, laquelle vaut 12000 l. Il y a un Seminaire dans l'un des fauxbourgs gouverné par des Prêtres de la Maison, laquelle a 4500 l. de rente, dont 3000 se levent par imposition sur le Clergé. Le College de Troyes est occupé par les Peres de l'Oratoire qui n'ont que 700 l. de rente, l'ancien Evêque a fait bâtir un autre petit Seminaire pour l'éducation des jeunes gens qui se destinent à l'Eglife & n'ont pas le moyen d'étudier, il s'est muni de lettres patentes pour cet établissement. Les Jacobins de Troyes ont été fondez & bâtis en 1254. par le Comte Thibault III. Les Mathurins ont 3000 l. de rente & les Religieux de S. Antoine en ont autant. Les Ursulines ont 3000 l. les Carmélites y ont deux Maisons, l'une de 1500 l. & l'autre de 2000 l. les Religieuses de la Visitation au nombre de 50 ont 3000 l. les filles de la Congregation au nombre de 50 en ont 1500. A demi-lieuë de la Ville est un Prieuré de l'Ordre de Fontevrault, fondé par Thibault IV. nommé Soissy, il y a 50 filles qui ont 8000 de revenu, un autre Couvent de Bénédictines fondé en 1622. par le Sieur Largentier de Chapelaine Bailli de Troyes sous le nom de Ste. Scholastique, il vaut 2000 l. il y a 35 filles, la superieure est choisie par le Fondateur. L'Abbaye de Moûtiers-la-Celle, de la fondation de Fraudebert sous le Regne de Clovis II, est encore dans le voisinage de la Ville de Troyes, elle est de l'Ordre de S. Benoît & vaut 22000 l. de rente. Il y a pareillement une Chartreuse, où il n'y a que six Religieux qui jouissent de 6000 l. de rente. A l'égard des Hôpitaux dont il y avoit nombre dans la Ville, ils ont été réünis à un seul par une Ordonnance du Roi de 1630. Les autres Abbayes du Diocèse sont Moûtiers-Ramecy, Ordre de S. Benoît, qui vaut 12500 l. c'est un Monastere de la premiere antiquité connu sous le nom de Coenobium Armarense. La Rivoux, Ordre de Cîteaux de la fondation de Hutton Evêque de Troyes en 1140, qui vaut 6000 l. de rente. La Pieté des Rameries, du même Ordre en 1160. pour des filles par Erard de Brienne & Philippe de Champagne son épouse donnée à des Religieux en 1440. vaut 4500 l. en tout. Chantemerle, Ordre de S. Augustin, fondée par Henri, premier Comte de Champagne, en 1165. sans Religieux, qui ont été transportez à S. Loup de Troyes, vaut à l'Abbé Commandataire 2000 l. Neste, Nigella abscondita, Ordre de S. Benoît, transféré à la Villeneuve, vaut 350 l. en tout. La Chapelle aux planches, du même Ordre, de la fondation de Simon Seigneur de Beaufort en 1147. vaut en tout 5000 l. Boulancourt, Ordre de Cîteaux, vaut en tout 8000 l. Nôtre-Dame des Prez, de filles, Ordre de Cîte aux, vaut 2000 l. il y a 25 filles. Nôtre-Dame de Cézanne de filles, Ordre de S. Benoît, vaut 6000 l. il y a 28 Religieuses. Le Chapitre du même lieu de Cezanne, de la fondation des Comtes de Champagne, vaut environ 3000 l. pour douze Chanoines dont il est composé. L'Auteur ne fait suivant sa coûtume aucune mention des Cures ni des Prieurez dont il dit néanmoins qu'il y a bon nombre. A l'égard des bénéfices qu'il a éxprimez, on trouve que leurs revenus montent en total pour la partie de l'Evêchéde Troyes qui
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est comprise sous le Département, à 207750 l. Partant la somme totale des revenus Ecclésiastiques dans l'étenduë de la Généralité sous les exceptions précédentes se tr vent monter a 1441430 l.
GOUVERNEMENT MILITAIRE DE LA CHAMPAGNE.
LE Gouvernement Militaire de cette Province se reduit à peu de chose, M. le Prince de Soubize est Gouverneur en chef des Provinces de Champagne & de Brie, M. le Prince de Rohan son fils est reçu en survivance : la contestation qui avoit duré long tems avec les Gouverneurs de l'Isle de France & de la Champagne touchant les Villes de Brie comprises dans la Generalité de Paris fut décidée en 1695. en faveur de M. de Soubize, il a sous lui quatre Lieutenans Généraux ; le Marquis de Choiseul Praslin pour le Département de Châlons, Langres & Troyes ; M. le Comte de Grandpré du nom de Joyeuse pour le Département de Rheims, Rhétel, Fismes ; M. le Comte de Choiseul Beaupré pour le Département de Chaumont & Vitry ; & M. le Marquis d'Escotes pour le Département de Brie. Sous les Lieutenans Généraux il a été creé par Edit de 1692. 4 Charges de Lieutenans de Roi héréditaires, qui ont été levées par M. de Cuissotte Comte de Grancourt pour Troyes, Châlons & Langres ; & parM.de Guerrapin Marquis de Montréal pour Chaumont & Vitry ; & par M. Castille Marquis de Chenoise pour la Brie. Par autre Edit de l'année 1693. il fut encore creé quatre Charges de Subdéléguez des Marêchaux pour connoître sous leurs Ordres des differens de la Noblesse, il est peu nécessaire de savoir qui les a levez. De toutes les Places fortifiées qui étoient autrefois en Champagne, il ne reste que celles de Mezieres, Rocroi & Sedan. La Ville de Mezieres a pour Gouverneur M. de Gassion Lieutenant General des Armées du Roi, M. de Bresse est Lieutenant de Roi, & M. de Formont Major. Celle de Rocroy a pour Gouverneur M. de Bartillat Lieutenant General, pour Lieutenant de Roi M. de la Grange, & pour Major M. de Falbert. Celle de Sedan a pour Gouverneur M. dela Bourlie Comte de Guiscart, M. d'Hautorine pour Lieutenant de Roi & pour Major du Fort, M. de la Gastiere est Lieutenant de Roi du Château. Les autres Gouverneurs de la Province sont M. de Meussolles Lieutenant des Gardes du Corps qui l'est de Ste. Menehoult, M. Bourdin Marquis de Villaine qui l'est de Vitry, M. le Comte de Vaubecourt qui l'est de Châlons, M. le Maréchal de Choiseul & M. de Pezeux son neveu, reçu en survivance, l'est de Langres, M. le Marquis de Puisieux Gouverneur d'Huningue l'est aussi d'Epernay, M. le Marquis de Pleurs de Cezanne, M. le Comte de Vaux de Fismes, M. de Longaut de Vassy, M. de Salles Marquis de Rotoy de Vaucouleurs, Enfin par Edit de l'année 1696. il a été creé des Gouverneurs dans toutes les Villes, où il n'y en avoit point, qui avoient des appointemens couchez sur l'état du Royaume, mais aucune de ces Charges n'a été levée. Les Regimens de Milice de la Province de Champagne qui furent levez en 1689. en vertu d'une Ordonnance de la même année & qui ont été reformez à la paix, étoient commandez le premier par Monsieur le Comte de Grandpré & le second par Monsieur de Brezeau Baron de Molins. L'Auteur fait entrer les Marêchaussées & Compagnie de Lieutenans Criminels de Robe Courte dans le Gouvernement Militaire, & il dit qu'il y a dans la Province une Maréchaussée Generale qui reside à Châlons, composée d'un Prévôt, un Assesseur, un Commissaire, un Conseiller, un Procureur du Roi & trente Archers. Une Maréchaussée Provinciale aussi residente
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à Châlons composée d'un Prévôt, un Lieutenant, deux Assesseurs, autres Officiers & trente Archers. Les Marêchaussées particulieres sont Troyes de 19 Archers, Vitry de neuf, Rethel de douze, Langres de sept, S. Dizier de neuf, il y a de plus neuf Compagnies de Lieutenans de Robe Courte, celle de Troyes de 17 Archers, de Rheims de dix, de Châlons de six, de Ste. Menehoult de quatorze, d'Epernay de neuf, de Chaumont de quinze, de Langres de six, de Bar sur Aube de quatre ; de Chatillon de cinq, toutes ces Compagnies ont leurs Officiers, Lieutenans, Prévôts, Procureurs du Roi & Greffier.
ETAT DE LA JUSTICE.
QUANT au Gouvernement de la Justice dans l'étenduë de cette Généralité, il faut savoir I°. qu'elle est toute entiere de ressort du Parlement, de la Chambre des Comptes, & de la Cour des Aides de Paris ; 2°. qu'elle est divisée en six Baillages Présidiaux, qui sont Troyes, Rheims, Châlons, Langres, Chaumont, Vitry, auquel il faut ajoûter le petit Baillage de Sedan, quoique du ressort du Parlement de Metz. Le BailLige de Troyes étoit si ancien avant son union avec le Présidial qu'on en trouve des titres dès-avant le tems des Comtes souverains du Païs, l'érection de son Présidial se rapporte comme de celle de presque tous les autres à l'Edit d'Henri II. de l'année 1551, il est composé d'un Bailli d'Epée qui est M. Largentier Marquis de Chapelaine, & de 37 autres Officiers, dont deux Présidens, deux Lieutenans l'un Criminel, un Chevalier d'honneur & vingt Conseillers. Le Baillage de Rheims a pour Officier un Bailli d'Epée qui est Mr. Larcher Marquis d'Olify, qui est aussi Bailli General de Vermandois, on trouve des monumens de cette Charge de l'an 1200, le Bailli résidoit premierement à S. Quentin, & fut transferé à Laon en 1315, & l'on remarque qu'il jugea en 1272, un different de l'Archevêque de Rheims avec les habitans de la Ville au sujet desfraix de son Sacre. En 1317. il confirma l'Archevêque dans la possession d'établir des Changeurs dans la Ville de Rheims, en le demembrant de celui de Laon ; outre le Bailli d'Epée le Siege est composé de 29 Officiers qui sont les Conservateurs des privilèges de l'Université. Le Présidial de Châlons n'a été créé qu'en 1637, outre le Bailli d'Epée qui est le Sieur Parchape de Vinay, il est composé de 37 Officiers. Le Présidial de Langres creé en 1640. & uni au Baillage Royal qui avoit été établi par Edit de Charles IX. en 1561. a un Bailli d'Epée qui est M. le Maréchal de Choiseul & M. le Marquis de Pezeux son neveu en survivance & 21 autres Officiers, il s'étend sur les Prévôtez de Montigny-le-Roi, Passavant & Bourbonne. Le Baillage Présidial de Chaumont l'un des plus étendus du Royaume a M. le Marquis de Rethel pour Bailli d'Epée, & 24 autres Officiers. Le Présidial de Vitry est composé d'un Bailli d'Epée qui est le Sieur de Longuaut de Vignecourt, & 27 Officiers. Le Présidial de Sedan qui est reduit à 17 Paroisses, depuis que pour l'érection du Parlement deTournay, le Roi en a demembré les Villes d'Avesne, Philippe-ville, Mariembourg, Landrecis, & le Quesnoy, a M. le Comte de Guiscart pour Bailli d'Epée, il n'y a que six Officiers titulaires dans ce siege. Outre les sept Présidiaux, il y a plusieurs Baillages, Prévôtez & Justices Royales qui ressortissent au Parlement hors des cas Présidiaux dans l'étenduë du Présidial de Troyes, il y a la Prévôté de la Ville qui est composée d'un Président. La Justice des quatre Portes dont le Mayeux est chef avec cinq autres Officiers. Le Baillage de Merry sur Seine composé de cinq Officiers qui sont nommez par les Chanoines de la Ste. Chapelle de Paris & pourvus par le Roi sur leur nomination. Dans le ressort du Présidial de Rheims se trouve le Baillage de Fismes, composé de cinq Officiers, il ne s'étend que sur 17
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Villages ; le Baillage & Prévôté d'Epernay, qui sont deux Juridictions composées, la premiere de cinq Officiers & la seconde de trois. Dans le ressort de Châlons, il y a le Baillage de Ste. Menehoult séparé de celui de Vitry en. 1400, il est composé de 14 Officiers parce que son étendue est très-grande allant jusqu'à la Tierarche & Rocroy ; la Prévôté du même lieu qui ressortoit au Baillage a sept Officiers. Dans le ressort du Présidial de Langres sont la Prévôté de Coissy & de Passavant, qui ont chacune trois ou quatre Officiers & sont fort petites. Dans le ressort de Chaumont est la Prévôté du lieu, à laquelle est jointe la Justice Consulaire par Edit de 1582, il est composé de neuf Officiers ; la Prévôté de Vassy fort ancienne est très-étenduë, elle a pareillement neuf Officiers ; celle de Vaucouleurs en a quatre ; celle de Bar sur Aube six ; celle d'Andelot autant ; celle de Grand quatre ; les Mairies de Villeneuve-le-Roi & de Bourbonne sont dans le Senonois. Dans le ressort de Vitry sont la Prévôté du lieu, de dix Officiers ; le Baillage du S. Dizier, qui a un Bailli d'Epée qui est le Sieur Cerf, & autres Officiers ; l'Echevinage de la même Ville est composé du Maire à présent perpetuel & quatre Echevins, qui connoissent de toutes affaires criminelles dans la Ville & les fauxbourgs, des dégats en matiere civile concurrement avec le Baillage des Eaux & Forêts & des droits communaux, ils ont même droit de passer toute forte d'actes, de contracts entre les habitans de la Ville comme s'ils étoient Notaires ; ces attributions leur ont été données en 1228. par Guillaume de Dampierre & Marguerite Comtesse de Flandres sa femme qui étoient Seigneurs souverains de S. Dizier.
Maîtises des Eaux & Forêts.
Il y a encore le Baillage de Cezannes, mais il est du ressort du Présidial de Provins, il y a donc dans sa dépendance trois Chatelainies ou Prevotez Royales, qui sont Cezannes, Chantemerlej Trefol ; ses Officiers sont un Bailli d'Epée qui est le Marquis de Pleurs, & deux autres Officiers. Le Baillage de Mouzon érigé en 1633. est composé d'un Bailli d'Epée qui est M. de Guiscart, & cinq autres Officiers ; Mouzon & Beaumont en Argonne appartenoient autrefois à l'Archevêque de Rheims qui les possedoit en louveiaineté ; mais en 1379. le Roi Charles V. les retira par le moyen d'un échange de la terre de Vefly sur Aisne dans la Comté de Soissons ; cet échange fut approuvé par Clement VII. & vérifié au Parlement dans la même année, nonobstant quoi les Archevêques avoient conserve une Chambre souveraine dans Mouzon qui a été supprimée en 1633. pour l'érection du Baillage. Outre ces justices Royales, il y a dans la Province plusieurs Justices de Pairies, celle de Rheims qui est fort considerable, celle de Langres qui a la Justice de la Ville conjointement avec quatre habitans, celle de Châlons qui est jointe a l'Echevinage, & connoit du criminel police & voirie dans l'étenduë du ban & temporel de l'Evêché, l'Evêque pourvoit le Prévôt, le Procureur Fiscal & le Greffier, mais les sept Echevins sont perpétuels, en sorte que quand l'un vient à mourir les six autres en choisissent un que l'Evêque est tenu de recevoir. Le Baillage de la Comté & Pairie de Vertus, celui de la Duché de Montmorency autrefois Beaufort, celui de la Principauté de Joinville, le Siege Ducal du Duché de Rhetelois ou Mazarin, qui est composé d'un Bailli d'Epée & de cinq autres Officiers a trois Prévôtez dans sa dépendance, Mezieres, Donchery & Wary lesquels y ressortissent. Les autres Justices de la Province sont les Maîtrises des Eaux & Forêts, Grueries, Consulat Hôtel de monoyes, Mairies & Echevinages des Villes, tout ce que l'Auteur dit à leur égard se reduit à observer que le Roi créa en 1690. un Grand-maître des Eaux & Forêts de Champagne, que le Sieur Jacques distingué par la Seigneurie de Mont S. Pere en est pourvu, les Maîtrises particulières sont Troyes de cinq Officiers, Rheims de six, Chaumont de six, Vitry de six, S. Dizier de sept, Vassy de quatre ; cette Justice est fort étendue, les Grueries de Montigny-le-Roi, de Grand & de Viller, le Pautely ressortissent de Ste. Menehoult de six Officiers, Cezanne douze, mais ils dépendent du Grand-maître de l'Isle de France & Sedan de quatre. Les Jurssdictions Consulaires sont celles de Troyes établies
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CHAMen de Rheims & de Châlons en 1587. Les Hôtels des monoyes sont celui de Troyes établi en 1429. & confirmées en 1431. & celui de Rheims établi en 1681. Le Corps de la Ville de Langres a une Jurisdiction militaire qu'il éxerce par les Capitaines au nombre de sept tant au civil qu'au criminel, ces Capitaines changent tous les ans.
ETAT DES FINANCES.
SUR le Chapitre des Finances, l'Auteur observe que quoiqu'une grande partie de la Province soit tres-stenle ne produisant que des segles, avoines ou blé noir, & que le principal Commerce de tout le Païs ne consiste qu'en grains qui y sont le plus souvent à vil prix, & sans débit ; ou en vins qui sont à la vérité les meilleurs du monde après ceux de Bourgogne, mais qui réussissant si rarement sont souvent plus à charge qu'ils ne rapportent de profit, à cause des grosses dépenses qu'ils demandent chaque année pour leur culture, cependant cette Generalité a fourni des sommes si considerables au Roi qu'on a peine à en concevoir la possibilité.
Les Tailles ont monte jusqu'à 2160000b il est vraiquelles sont reduites en l'année 1697. à 1362420 l. mais voici les raisons de cette diminution generale de tout le Royaume, la premiere la sterilité ; le peu de commerce de la Champagne est la seconde ; la troisième est le passage continuel des gens de guerre où sa situation l'a rendu nécessairement sujette, & qui se sont tellement accrus qu'il s'y trouve présentement près de 80 lieuës d'étape, de sorte que leur consommation a duré pendant la guerre, & a monté à 150 & 160000 l. & la quatrième que les tailles n'ont pas été le seul secours que le Roi a tiré de la Generalité, car outre qu'en 1689. les principales Villes, voulant signaler leur zèle, firent un présent à Rheims & Troyes chacune de 50000 l. Châlons de 30000 l. avances très-considerables veu leur état & leurs forces, il s'est fait pendant les neuf années de la guerre de très-grosses impositions sur le Païs, savoir de 452443 l. pour l'ustencile des Troupes de Cavalerie, & de 195000 sur les Villes & gros Bourgs pour l'ustencile des Troupes d'Infanterie restées sur la frontiere ; de 191989 l. 9 s. pour l'entretien de huit Compagnies destinées à la garde de la Riviere de Meuse ; de 65232 l. pour les appointerions d ?s Officiers, Sergens, habillemens, chaussures, armemens des soldats de Milice, sans y comprendre les cinq fols par jour qui étoient payez par les Paroisses à chacun de ces soldats pour leur subsistance pendant le quartier d'hyver, au lieu de deux sols qui leur étoient attribuez par l'Edit de l'établissement des Milices, parce que dans la cherté des vivres ces deux fols ne pouvoient leur suffire, sans parler non plus des sommes que ces soldats ont exigées de leurs Paroisses pour continuer leurs services, il se trouvera que les impositions ordinaires & annuelles durant la guerre ont monté à 2267184 l. 9s. qui est plus que la premiere taille de 107184l. 9 s. Il s'est fait de plus une taxe extraordinaire dans les années 1692, 94, 95, 96, & 97, sur tous les lieux de hr Generalite, a l'exception * de ceux chargez de l'ustencille de l'Infanterie, pour le fourrage des Troupes de Cavalerie & Dragons qui auroient été dans le plat Païs, qui fut converti en argent pour la plus grande commodité des peuples, qui a produit année commune pendant les cinq années 329000 l. ainsi les impositions ordinaires ont excedé l'ancienne taille de 436184 l. 9s. Plus on a imposé en 1693. 175000 l. pour la décharge du franc aleu ; en 1694. 35000 pour la décharge des deux autres Edits concernans les droits Seigneuriaux en 1695. 12000 l. pour la décharge des eaux & fontaines ; en 1697. 8 8000 l. pour la décharge des directes des Seigneurs. Enfin la Capitation établie par Edit du 18. Janvier 1695. sur toutes les personnes laïques, laquelle a monté dans les trois années & demie à 600000 l. chacune. On ne peut douter que des impositions si violentes n'ayent infiniment a cette
CHAMPAGNE,
cette Province, sur tout dans l'occurrence où la création d'une quantité de nouvelles Charges avoit multiplié les exemptions ou fixé les impositions, ainsi la Paix concluë avec tant de gloire a doublement merite les acclamations des peuples, & leurs ardentes prieres pour la personne de sa Majesté, qui a si glorieusement terminé cette guerre, dans le seul dessein de soulager ses fideles sujets. La Province de Champagne s'en est ressentie puis que le Roi ayant été informé de la méchante récolte de 1697. lui a fait une remise de 50000 l. sur l'année 1698, & a reduit la taille generale à 1330775 l. payables par les douze Elections qui composent la Generalité en la maniere suivante.
Outre ces Elections il y a dans l'Intendance de Champagne la Ville & Baillage de Sedan qui comprend 17 Villages. La Ville & Baillage de Mouzon, qui en renferme dix. Et la Prévôté de Château-Renard de 14 Paroisses lesquelles sont sujettes à la subvention de Verdun, & payent en l'année 1692. la somme de 385291. dont l'imposition est faite par l'Intendant de la Generalité de Metz, quoique pourtant le reste de ces Baillages & Prévôtez soient du Departement de Champagne suivant l'Ordonnance du Roi du I. Août 1692, les autres revenus du Royaume consistent en ses Domaines, les Gabelles, les Traites foraines, les autres droits des cinq grosses Fermes & les Aides. A l'égard du Domaine, celui que le Roi possede dans la Generalité de Champagne consiste en six Chatelainies principales, qui sont Vitry, S. Dizier, Ste. Menehoult, Troyes, Chaumont en Bassigny & Mouzon, desquelles dépendent 140 Terres & Seigneuries & plusieurs droits & revenus les uns & les autres sont affermez aux Fermiers du Domaine. Outre ces Chatelainies le Roi possede dans les Villes & Paroisses de Rheims, Langres & Chalons, plusieurs revenus qui dépendent du Domaine, quoique la Seigneurie foncière de ces Villes appartient aux Evêques qui en sont Seigneurs, de plus par divers Edits de 1667, 1668 & 1669. le Roi renvoya à son Domaine les droits domaniaux, censes, rentes & autres revenus des Villes de Vitry, Ste. Menehoult, Bar sur Aube & Châtelainie de Mouzon, lesquelles avec les controles des exploits & greffes des affirmations qui y ont été joints, ont été affermez par un seul & même bail du mois de Novembre 1697. pour six années la somme de 85000 l. Les Chatelainies & Domaines de S. Dizier & Chaumont avec 50 autres terres qui en dépendent & celles de Vitry, Ste. Menehoult & Troyes ont été engagées en divers tems. Les premiers engagemens ont été faits par François I. en vertu de ses Edits en 1526, & en 1543. Charles IX. donna à la Reine d'Ecosse Stuart veuve de son frere François II. pour le payement de son Douaire, le Domaine non engagé de la Province de Champagne. Immédiatement après sa mort le Roi Henri III. en ordonna
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la vente & revente par Edit de 1585. & 1587. continua par d'autres Edits 1591, 1592 & 1594, & enfin Louïs XIII. par Edit de 1629. Lors de ces alienations il en a voit été réservé quelques-uns pour l'acquit des Charges locales, mais par déclaration du mois de Decembre 1643. ils ont été alienez comme les autres, dans les années 1652. & 1657, comme il avoit paru qu'une partie de ces Domaines avoient été alienez à trop bon marché la revente en fut ordonnée & executée. Enfin le 8\ Avril 1672. le Roi ordonna par nouvelle déclaration la vente de tout ce que l'on appele petit Domaine, n'excédant pas le revenu de 400 l. ou de ceux sujets à reparation tels que les fours, pressoirs, moulins, maisons, boutiques, étaux ou échopes ; bacs, halles, ponts & passages ; finalement par dernier Edit de Mars 1695, le Roi a ordonné la vente de tous ces Domaines de quelque espece ou nature qu'ils soient, & la revente de tous ceux qui ont été ci-devant aliénez, à la charge de rembourser, mais cet Edit n'a eu que très-peu ou point d'éxécution dans la Champagne où il n'y a guere de Domaines réunis, & aucun des engagez n'a été revendu, parce qu'ils étoient engagez à leur valeur, & au de-là : c'est ce qui a rendu les ordres si peu considerables que le Conseil n'y a fait aucune attention. Ce seroit un détail trop long & trop ennuyeux que de rapporter tous les Domaines engagez, leur valeur, & le prix de leur engagement, il sufit de dire que les revenus en general de tous ces Domaines engagez avant 1695. montent à 526621 10s. I d. & que les Finances des engagemens montent à 691476l. 4s. I d. L'Auteur n'y comprend point les Greffes alienez dans la Generalité autres que ceux des Bureaux des Finances, des Elections & des Greniers-à-sel qui ont été déclarez casuels & sujets au droit annuel par l'Edit de Decembre 1682, mais il est très-difficile d'estimer le revenu de ces Greffes qui dépendent des affaires casuelles de toutes les Jurisdictions, ni pareillement de faire estime des Finances qui ont été fournies au Roi à cause du nombre des taxes qu'ils ont payé pour la conservation ou augmentation de leurs droits ou des gages qui leur ont été attribuez. Les Forêts & bois appartenant au Roi dans la Province y sont la derniere partie de son Domaine, leur totalité monte à 3061 arpens & les coupes ordinaires à 760 arpens qui produisent 386401. on comprend dans ce nombre le bois de Mouzon & dans leurs revenus les droits de la Gruerie d'Epernay, sur quoi deduction faite des fraix & gages d'Officiers, de chauffage & autres attributions sur les bois qui montent à 16 ou 17000 l. il ne vient au Roi net que 21 à 22000 l.
Les droits de Gabelles & Fraites foraines doivent être mis ensemble, parce qu'ils sont compris sous une même forme, il y a trois directions dans le Département de Châlons qui comprend les Elections de Châlons, de Rheims, Vitry, Epernay, Ste. Menehoult, Joinvihe & Cézanne, Troyes, composé des Elections de Troyes, Bar sur Aube, Chaumont, Langres & Sedan, qui s'étend jusqu'à Verdun, embrasse les Païs de Luxembourg, & qui dans la Champagne est composé de Greniers-à-sel de Rocroy, Rhetel, Mezieres & Donchery & de tous les bureaux des mêmes Villes avec ceux de Sedan, Charleville & de la franchise de la Champagne, c'est à dire, des Païs au de-là de Laune. La direction de Châlons a neuf Greniers-à-fel dont cinq d'Impôts, Vitry, Ste. Menehoult, S. Dizier, Joinville, Chateau-Porcein & quatre ventes volontaires, Châlons, Rheims, Epernay & Cezanne, l'Impot des cinq premiers est de 228 muids, un sestier, un minot & demi, le débit des quatre autres est de 272 muids, ce qui fait en tout la quantité de 556 muids de sel, dont le produit en argent monte à 1230000 l. on ne comprend point dans le produit les sels qui se debitent à Vaucouleurs au nombre de neuf muids & à Beaumont en Argonne au nombre de trois, parce qu'on les y vend à moitié du prix ordinaire. Il y a dans la même direction 38 bureaux pour les Traites foraines qui produisent 260000 l. & deux bureaux avec neuf entrepôts pour le débit du tabac, qui rendent environ 70000 l. les droits de Marque des chapeaux y produit 7000 l. & partant le produit entier de la direction est de 1567000 l. Dans la direction de Troyes il y a neuf Greniers & deux Chambres à sel, lavoir, trois Greniers d'Impôts, Langres, Mousaujeu & Chaumont ; les six
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autres, Troyes, Bar, Arcy sur Aube, Montmaraut, Mussy & Nogent sur Seine ; les deux Chambres sont Yillemor & Yillacers, l'impôt des trois premiers est de 138 muids les debits des seconds de 246 muids, le produit en argent 811180 l. celui des Traites foraines monte à 50000 l. le st abac 20000, & partant le produit total de cette direction est de 881180 l.
Dans la direction de Sedan il y a quatre Greniers, Rhétel, Mezieres, Donchery & Rocroy, mais le sel ne s'y vend qu'à la livre, à raison de 2 s. 6 d. aux trois premiers, & IS. 6d. au dernier, toutefois au de-là de trois livres on est obligé d'en prendre un minot, le bon marché du sel dans les Greniers fait que pour éviter qu'il ne soit transporté plus avant dans le Païs, on n'y debite que du sel blanc excepté à Rocroy dont les sels se tirent de Picardie, le débit de Rhetel produit 41000 l. Rocroy 3400, Mezieres 12000, Donchery 26427, partant la totalité est de 84000 l. les Bureaux des Traites foraines de cette frontière sont au nombre de 55 ; 30 pour les foraines entrées & sorties du Royaume 17 de conserve & 8 dans la Comté de Chiny pour la perception des droits établis depuis 1687, & des anciens droits locaux, le produit de tous ces bureaux monte à 195000 l. déduction faite de 82000 l. pour les huit bureaux de la Comté de Chiny rendue par la Paix au Roi d'Espagne. Ainsi le produit total des cinq grosses Fermes & Gabelles dans la Generalité de Champagne se trouve monter à 2727180 l. A l'égard du produit des Aides il est difficile de le connoître autrement que par les sousbeaux, ceux du bail de templier commencé au 1. Octobre 1697. & passé pour six années montent, y compris le papier timbré, savoir, pour les Electios de Rheims, Châlons & Ste. Menehoult jointes ensemble à 4855000 l. pour l'Election de Troyes 185000 l. pour Vitry, Joinville, & Bar sur Aube 155000 l. Langres & Chaumont 98000 l. Rhetel 58000 l. Total 1123000 l. Ainsi tous les revenus du Roi dans la Generalité doivent être estimez à la deduction des fraix de regie, sans y comprendre les ustencilles, capitations & autre affaires éxtraordinaires 51294841.
L'Auteur ayant rapporté ce qui regarde les revenus du Roi, traite des Jurisdictions établies pour en faciliter la perception ; la premiere est celle des Trésoriers de si rance établie à Châlons par Edit de 1571 ; ils n'étoient d'abord que quatre, mais le nombre en ayant été augmenté par differens Edits, ils sont à présent 25, deux Avocats, deux Procureurs du Roi & trois Greffiers, leurs attributions sont éxpliquées plus amplement dans le Memoire de la Generalité de Paris. A l'égard des Elections, celle de Troyes est composée de douze Officiers, celle de Rheims de treize, celle de Châlons d'autant, celle de Langres de douze, Chaumont de treize, Vitry de quatorze, Rhetel de huit, Bar-surAube de dix, Epernay de neuf, Cézanne de neuf, Ste. Menehoult Direction nouvelle en 1696. aussi bien que Joinville sont composez de huit, & la seconde de neuf Officiers. Avant l'année 1685. la Jurisdiction des Gabelles étoit séparée des Elections & éxercée dans tous les Greniers-à-fel par des Officiers particuliers, mais en cette année il plut au Roi de les supprimer, ou plûtôt de les unir aux Elections dans tous les lieux où il y en avoit, ainsi il n'étoit resté dans la Province que huit Greniers désunis en ces termes ; il a plû de nouveau à sa Majesté de desunir ces Jurisdictions & de créer de nouveaux Officiers pour les Greniers qui avoient été unis ; un Président, un Grenetier, un Controleur, un Procureur du Roi & un Greffier ; mais ces Charges n'ont été entierement levées qu'à Vitry, & dans tous les autres lieux la Jurisdiction est éxercée par le petit nombre d'Officiers qui en ont levé quelques-unes ou par Commission en attendant vente parfaite. En 1691. le Roi créa une autre Jurisdiction pour les Traites foraines, composée de divers bureaux, de quatre Officiers chacun, & par le même Edit il en établit encore une derniere pour connoître des matieres concernant le dépôt des sels en pareil nombre de quatre Officiers : L'Auteur ayant embrassé dans les détails précédens tout ce qu'il a pu dire des droits & revenus du Roi & des Jurisdictions qui les maintiennent vient à l'éxplication du Commerce, qui est la source generale de l'argent, & il le traite par Election pour en
faciliter l'intelligence.
COMMERCE.
LES terres de l'Election de Troyes sont en labeurs, ou vignes, ou prairies ; les labeurs ne rapportent que de l'avoine ou du blé noir, ou du moins il n'y a que la huitième partie des terres qui rapportent du froment ; le peuple y est extrêmement laborieux & si ménager qu'il vit toute l'année de son blé noir, sans rien acheter du marché, se contentant d'y débiter ses denrées pour payer les impositions, les grains se tirent à Paris par Nogent & Arcy & par Vitry sur Marne. Les vignobles y produisent communément d'assez bons vins, mais ils se consomment presque tous dans le Païs, ce que l'on attribue à la difficulté de les vendre, à caisse de l'inégalité des futailles les vins se transportent à Paris par la Riviere : il croit dans cette Election beaucoup de vins, de lins & de chanvres dont la plus grande partie s'y consomme en la manufacture des toiles, l'autre se transporte jusqu'au Havre pour les vaisseaux du Roi. Les terres de l'Election sont très-propres à la nourriture du bétail blanc, mais le Païs en manque, la difficulté des tems ayant été cause que le Païsan a vendu ce qu'il en avoit, les bêtes à corne s'élevent dans les prairies, le plus grand avantage qu'elles rapportent est l'engrais des terres, qui se sait de leur fumier d'hyver. La Ville de Troyes, autrefois la plus marchande de France, est tellement tombée qu'il n'y reste pas 20000 ames au lieu de 50 ou 60000 qui y étoient autrefois, on y tenoit deux foires franches par an qui duroient chacune quinze jours, & le debit y étoit tel aux Marchands Lorrains, Allemands, Hollandois & Anglois que la Ville étoit florissante & sa réputation très-étenduë ; on prétend que de ces foires est venu le Proverbe des foires de Champagne : l'établissement des foires de Lyon, fait malgré tant d'oppositions des Etats du Royaume, a diminué celle de Troyes & les guerres civiles des derniers Siécles les ont entierement fait cesser, le Roi les a rétablies par lettres patentes de l'année 1697, mais il les a reduites à quinze jours, quoique le peuple désirat ardemment la grâce entiere. Les manufactures de la Ville sont celles des toiles & de leurs blanchissages, qui occupent une grande quantité de filles & de femmes, celle de la cire, celle des serges drappées, qui est fort diminuée à cause de la cherté des laines & de leur rareté, celle de Satin & Satinades aussi fort diminuée à cause de la cherté des foyes & le manqe de debit, celle des épingles qui se debitent assez bien, & enfin celle des cuirs & des taneries, qui est reduite à rien, n'y restant que cinq taneurs qui doivent plus de 7000 l. de rente, de debtes de Communautez, on peut dire que nulle Ville du Royaume nest mieux située que celle-là, pour faciliter le commerce du Païs & celui de Paris avec les étrangers ; on espere que le travail qui s'y fait pour rendre la Seine navigable, lui sera d'une grande utilité ainsi qu'à tout le Païs.
Les trois quarts de l'Election de Rheims sont en terres labourables, & l'autre quart pour la meilleure partie en vignobles, il y a peu ou point de prairies ; mais quelquefois sur la frontiere de la Tierarche, & vers Rocroy la moitié de ces labeurs produit du froment, & l'autre moitié des seigles & avoines qui se consomment dans le Païs, où se vendent sur les frontieres de la Meuse. Quoique les vins y soient éxcellens dans les bonnes années comme les façons en sont fort cheres, & que les bonnes recoltes y sont fort rares, il est certain qu'ils apportent peu de profit au Païs, bien qu'ils soient vendus très-chers pour Paris ou par la Flandre, où la proximité des armées l'attire & lésait beaucoup hausfer de prix. il n'y a presque point de bestiaux dans le Païs, ce qui fait que la viande y est fort chere, les moutons y sont éxcellens, mais il y en a très-peu, le vin est presque le seul commerce de la Ville de Rheims ; il n'y a point d'Officier ni de bon Bourgeois qui n'ayent des vignes, il s'y fabrique quantité de ces petites étoffes de laines qu'on nomme
CHAMPAGNE.
rases cordelieres, camelots, étamines, flanelles, crespons, beluteaux, sergettes ou ras de Pologne, & d'autres mêlées de laines & de soye, comme les Dauphines à grandes rayes, les rats de maroc ; cette fabrique étoit si considérable en 1686. qu'il y avoit dans la Ville 1812 métiers, mais ils sont reduits à présent à 950, la mortalité de 1693, ayant enlevé la moitié des Ouvriers, & la cherté des laines ayant mis un obstacle à ce travail : le debit des étoffes qu'on nomme écorce d'arbre, qui viennent de Nantes, & de toutes les étoffes des Indes en général, nuit infiniment à la fabrique de Rheims.
L'Election de Châlons est toute de plaines fort sêches, qui rapportent peu de bons grains, les seigles se consomment dans le Païs, les avoines sont amassées en magasins à Châlons & à Vitry, d'où on les transporte à Paris. Il y a d'assez bons vignobles à Vertus & au Mesnil Dogen, néanmoins il se transporte peu de vins : les foins des prairies de la Marne se consomment presque tous pour le passage des Troupes à Châlons, & outre cette Ville & celle de Rheims aux Villages dit le grand & le petit Mannelon. La Ville de Châlons diminuë de jour en jour, les familles les plus riches vont s'établir à Paris, & les pauvres sont tellement accablez de passage des gens de guerre qu'ils ont peine à y resister, le commerce de vins qui se fait â Châlons s'est tout à fait transporté à Rheims, & celui des blez passé depuis vingt ans à Vitry ; il reste peu de bons Marchands dans la Ville, & encore la plûpart ne sont que Facteurs de ceux de Paris. Le commerce des étoffes qu'on nomme Raz de Châlons est aussi fort diminué pour le peu de force des Marchands, & l'Auteur ne croit pas qu'on en puisse esperer le rétablissement dans la Ville de Châlons à cause d'une manufacture d'Espagne, de Capucines & pinchinats & autres étoffes par les freres d'Arras, & ces étoffes sont d'un grand débit & dedans & dehors le Royaume, l'Auteur juge que cette manufacture doit être précieusement conservée, parce qu'elle fait subsister un grand nombre de personnes, elle étoit composée de cent métiers en 1697.
L'Election de Vitry, & en general le Pertois, est le plus fertile Canton de la Champagne, on y recueille quantité de froment dont les Marchands de Vitry sont de gros magasins y joignant encore ce qu'ils en tirent de la Lorraine, & le commerce est si profitable qu'il n'y a personne à Vitry, qui ne s'en mêle directement ou indirectement : la Ville de Paris tire un grand secours de ces magasins, ils lui fournirent en 1693. plus de 80000 feptiers de blez, qui repandirent beaucoup d'argent à Vitry, le commerce qui ne fait qu'augmenter l'a rendue en peu de tems la Ville la plus riche de la Province. L'Election de Langres rapporte quantité de grains de toutes espèces, & des vins qui y tiennent de la qualité de ceux de Bourgogne ; les blez passent en Suisse par la Comté ou Duché de Bourgogne, mais la plûpart des vins se consomment dans le Païs, qui en general manque ordinairement de debit. On y nourrit d'éxcellens moutons qui sont conduits à Paris, il y a à Langres dix Maîtres, une manufacture de dix Maîtres qui fabriquent de gros draps & serges drapées d'une aulne, des droguets de laines & fil, lesquels se debitent en Lorraine, ou en Comté, ou se consomment dans le Païs. L'Election de Chaumont est pareille à la précedente pour le transport des grains, mais les vins n'y sont pas si bons, il y a à Chaumont deux manufactures l'une de serges, qui est reduite à dix maîtres de trente qu'ils étoient, & une de droguet de fil & de laine de quinze maîtres, laquelle augmente tous les jours, il y a aussi quantité de bonnetiers qui fabriquent des bas, lesquels quoique grossiers ont beaucoup de débit. L'Election de Bar sur Aube rapporte plus de vin que de blé, ils sont assez bons & se transportent dans tout le voisinage & même à Paris ; le commerce du bois flotté s'y est fort augmenté depuis quelques années, il y avoit une manufacture de serges drapées qui est tout à fait tombée, puis qu'il n'en reste plus que deux maîtres. L'Election de Rhetel est partagée en trois Cantons, celui de Champagne ne rapporte que des seigles & des avoines, qui se consomment dans le Païs, ou se debitent sur la Meuse, le Canton du village sur la riviere d'Aisne est
CHAM PAGNE.
excellent, il rapporte quantité de fromens, des vins quoique de petite qualité, il y a beaucoup de prairies, où l'on fait quantité de nourritures de bestiaux. L'Auteur estime qu'on pourroit y établir d'excellens haras : le troisième Canton, qui se nomme la frontiere, est remplie de bois, il y a des mines de fer & des fourneaux, où l'on fabrique quantité de boulets & autres munitions de guerre, il y a à Rhetel une manufacture d'étoffés pareille à celle que l'on fabrique à Rheims, mais moins parfaite par la negligence des Ouvriers qui mêlent la laine commune avec la fine, il n'y a plus que 38 metiers, la cherté de la laine ayant fait abandonner les autres ; les manufactures de Mezieres & de Douchery sont tout à fait tombées par la même raison, on y fabrique à la façon de Londres & de Berry. La tannerie de Mezieres se soutient davantage. L'Election d'Epernay rapporte peu de grains pour la nourriture des habitans, qui les tirent des Contrées voisines, mais elle rapporte des vins en quantité, qui sont excellens, les bons crus sont à Auvillé, la Villée, Pierry, Creumieres, Ay & Mareuil ; les Connoisseurs préferent ces vins à ceux de Rheims à cause de la délicatesse, l'éxperience des années 1690. & 1695. a fait connoître qu'ils en ont assez pour se conserver deux ou trois ans, le prix ordinaire étoit de 2 à 300 l. la queuë jusqu'à 950 l. qui est un prix outré auquel il ne se peut soutenir. L'Election de Cézanne a deux Cantons de different rapport, celui de Champagne est des terres seches & legeres, qui ne produisent que des avoines ; & celui de Brie qui rapporte du froment, le débit s'en Lait au marché voisin, il y a des bois qui vont à Paris par la Seine, & il y a aussi quelques Cantons où l'on fait le cidre pour la boisson du Païs ; la manufacture des serges drapées de Cézanne est tellement tombée qu'il n'y reste que deux Maîtres, & personne n'est en état de les relever ; on y fabrique quelques toiles ou treillis qui se consomment, il y a une manufacture de gros draps au bourg de S. Just, & deux autres de sergettes, au village des grandes & petites Chapelles, quifontdebon débit & propres à faire des culotes de soldats. L'Election de Ste. Menehoult est l'un des meilleurs Cantons de la Generalité, il rapporte des fromens, seigles & avoines qui se débitent à Rheims, Châlons, Vitry, & sur les frontieres de la Meuse ; les pâturages sont abondants, mais le Païs manque de bestiaux, la pauvreté ayant obligé le Païsan de vendre ce qu'il en a voit ; & il y a beaucoup d'étangs dont le poisson est de bon debit, ainsi que le bois de la Forêt d'Argonne, que l'on voiture à Rheims & a Châlons, on en tire quantité de mairains pour les tonneaux, mais comme les grands vignobles de la Province en consomment plus que les forêts du Païs n'en peuvent fournir, on en fait aussi venir de Lorraine ; il y a dans les mêmes bois plusieurs Verreries, & des forges où l'on fabrique des bombes & des boulets de canon : il y a dans la Ville de Ste. Menehoult une petite manufacture de cinq Maîtres seulement qui fabriquent des serges drapées pour le Païs & pour Rheims, mais c'est peu de chose. L'Election de Joinville manque absolument de commerce à cause de la difficulté des charrois, le seul moyen de lui en procurer setoit de rendre la Marne navigable jusqu'à S. Dizier, on recueille dans cette Election des grains & des vins en abondance, il y a à Joinville & Wassy deux manufactures de droguets, & l'on fabrique à Sommevoir des huiles qui se debitent dans toute la Province. La manufacture de Sedan est sans contredit la plus considerable du Royaume, elle est de 260 metiers pour les draps fins, dont la beauté & la perfection approchent tellement des draps d'Angleterre & de Hollande qu'on a peine à les distinguer, & de 30 metiers pour les serges drapées, dont le débit le fait sur les lieux, celle des points & dentelles de Sedan est fort diminuée, parce qu'ils sont à présent de peu d'usage dans le Royaume, & que le débit qui s'en faisoit dehors est cessé par la guerre.
Après le détail du Commerce & du produit des divers Cantons de la Province, l'Auteur parle des grandes terres qu'elle renferme, & par occasion des familles distinguées. Le Duché de Rhetel dite à présent Mazarin fut érigée en Comté-Pairie en faveur de Marguerite de France, l'une des trois filles du Roi Philippe le Long, qui avoit épousé Louïs II.
CHAMComte
CHAMComte Flandre, & confirmé en faveur de Louïs III. son fils, confirmé par lettres de 1347. & depuis par autres lettres de Louis XI. du 30. Juillet 1464. en faveur de Charles de Bourgogne fils aîné de Philippe Comte de Nevers, d'ou ayant passé dans les Maisons de Cleves & de Gonzagues, il fut érigé en Duché par Henri III. en 1587. en faveur de Louis de Gonzagues Duc de Nevers, mais Charles son petit-fils étant passé en Italie pour y recueillir la succession de Mantouë, le Cardinal Mazarin acheta sa Duché du Rhetelois qu'il a laissé à Armand de la Porte fils du Maréchal de la Meilleraye, lequel avoit épousé Hortense de Manciny la plus jeune de ses nieces, à condition de porter le nom & les armes de Mazarin –, l'érection de ce Duché a été de nouveau confirmée en faveur de ce Duc Mazarin par lettres du mois de Decembre 1663, il est composé de sept. Prévôtez, Rhetel, Mezieres & Donchery qui sont des Villes, le Chastelet, Aumong,
Varg, & Brienville qui sont des Bourgs, & de la Baronie de Rosay, son revenu est de 60000 l. La terre de Château-Porcien fut unie à la Couronne par le mariage de l'heritiere de Champagne avec Philippe le Bel, le Roi l'érigea en Comté, & le donna à Gaucher de Chatillon Connétable, dont l'un des heritiers la vendit à Louïs de France Duc d'Orléans frere de Charles VI. son fils : Charles prisonnier des Anglois fut obligé, pour payer sa rançon, de revendre cette terre & plusieurs autres ; Antoine, premier Ministre de Bourgogne, acheta celle-ci qui fut érigée en Principauté par Charles IX. en 1561, & a demeuré dans la Maison de Croy jusqu'en 1668 ; qu'elle a été venduë au Duc de Mazarin qui la possédé. Piney, ancienne Baronie Election de Troyes, fut érigée en Duché par lettres de 1576. en faveur de François de Luxembourg & de ses descendans mâles & femelles, Charlotte sa petite fille porta cette terre dans la Maison de Clermont Tonnerre, d'où elle a passé en celle de Montmorency, par le mariage de l'heritiere en 1661. avec le Comte de Bouteville, connu depuis sous le nom du Maréchal de Luxembourg l'un des plus grands 64 hureux Généraux du Siécle, il est mort au mois de Janvier 1695 ; il a obtenu des lettres patentes confirmatives en sa faveur de la Duché-Pairie, & en conséquence a prétendu la préséance sur les Ducs dont la préséance & l'érection est posterieure à celle de Piney, cela a fait naître un grand procès, qui vient d'être terminé par une declaration du Roi qui porte un reglement universel pour les Pairies. Aumont Duché-Pairie, érigée en 1665, est située sur le Marquisat de l'Isle à deux lieuës de Troyes, que le Duc d'Aumont avoit acheté du Duc de Nevers Charles de Gonzagues, lors qu'il passa en Italie, cette terre de l'Isle n'est point bâtie, il y a des ruines d'un ancien Château peut-être du tems des Romains. Choiseul, Duché-Pairie composé des Chatelainies de Polissy & de Poliso érigée en Novembre 1665. en faveur du Maréchal du Plessis-Praslin ; le nom de Choiseul n'est pas propre à cette terre, mais il lui a été imposé par l'érection. La maison de Choiseul descend d'un Regnier de Choiseul vivant dans le XI. Siécle, & il y a titre qui fait voir qu'il aumôna à l'Abbaye de Molesme l'Eglise de S. Gongoux, Gengulfthus, qui est un Prieuré dédié sous linvocation d'un Saint auquel il rapportoit l'origine de sa maison. Beaufort, Election de Troyes à présent de Montmorency, érigé en Duché par lettres du Roi Henri IV. de l'année 1597. en faveur de Gabrielle d'Etrées & de César son fils, fut vendue en 1688. par M. le Duc de Vendôme à M. le Duc de Luxembourg qui a obtenu lettres en 1689. pour lui imposer le nom de Montmorency. Chappe, Marquisat, à M. le Duc d'Humieres de la Maison d'Aumont, Bormecourt à M. de Bologne qui se prétend originaire de Florence de la Maison de Capizuchi, laquelle a donné plusieurs Cardinaux, son pere & son ayeul ont été successivement Mâutres d'Hôtel de Louis XIII. & Gouverneurs de Nogent sur Seine, ces deux terres sont de l'Election de Langres. Eternay au Comte deQuailus héritier du Maréchal Fabert Election de Sedan. Inteville, Election de Bar sur Aube, à M. le Goux de la Bouchere Maître des Requêtes. Louvois érigé en Marquisat en faveur de la Maison de Confians. Armentieres à présent aux héritiers deM.de Louvois
CHAMle
CHAMle est situé en l'Election d'Epernay & vaut 28000 l. il y a un magnifique Château. Plancy de Troyes au Sieur de Plancy Gunegaud. Pleurs, Election de Cézanne, au Marquis de ce nom ci-devant Capitaine aux gardes & petit-fils d'un Maître des Comtes, qui acheta cette terre sur la Maison de Pontalier, qui l'a très-long tems possédée, il étoit lui-même fils d'un Marchand de fer nommé le Pleureux qui devint fort riche par son commerce dans les forges du Barois mais après son acquisition il obtint des lettres patentes, tant pour sa Noblesse que pour son changement de nom en celui de Pleurs Remel Election de Chaumont, possédé anciennement par une Maison du même nom, qui fondoit en celle de Joinville & passant en celle d'Amboise, par le mariage de Marguerite de Joinville avec Hugues d Amboife, porta cette terre dans la Maison de Clermont d'Anjou qui parvint aux premiers honneurs sous le Ministere du Cardinal d'Amboise, elle la possede encore à présent, & a joint les deux noms de Clermont & d'Amboise. S. Pahl, Election de Troyes, appartient à une branche cadette de la famille Dauvet Desmaretz, Thuissy, Election de Rheims, à M. de Thuissy Goujou Maître des Requêtes. Vaudeuvre Election de Bar sur Aube à M. de Megrigny, cette terre a été achetée de la Maison de Luxembourg. Villacerf, Election de Troyes, à la Famille de Colbert. Amboville Election de Bar sur Aube & Comté, à la Maison de Choiseul. Autry, Election de Ste. Menehoult à un fils de M. de Thuissy Goujon Maître des Requêtes qui porte le titre de Comte d'Autry. Belval, Election de Châlons, à M. Guirapin de Vaurel ci-devant Capitaine aux Gardes l'un des lieutenans de Roi de la Province. Bourlement à la Maison d'Anglure qui portoit autrefois le nom de S. Cheron, comme il paroit par un accord de l'année 1195 entre Marie Comtesse de Champagne, l'Abbé de Pontigny & Engerbrand Seigneur de S. Cheron, cette Maison a pris le nom d'Anglures de la terre qui le porte, située sur l'Aube, le premier qui s'en est servi est Oger I. vivant du tems de S. Louïs, qui prit aussi le nom de Saladin ; l'on prétend qu'ayant été pris en bataille par les Sarrazins, le Soudan informe de sa valeur & de sa qualité, le relacha sur parole de payer rançon, mais etant revenu en France & n'ayant pu faire la somme qu'il avoit promis il retourna volontairement dans la prison du Soudan, qui satisfait de cette fidélité lui remit sa rançon & le chargea seulement de porter le nom de Saladin ; il manque à cette histoire la convenance du tems, car Saladin vivoit du tems de Philippe Auguste & de Richard Coeur de Lyon, & au tems de S. Louïs le Royaume changea souvent en Egypte de
Monarque, outre qu'on y avoit oublié le nom de Saladin. Il y a en Champagne deux branches du nom d'Anglures, celle du Duc d'Atry Marquis de Syes, celle des Marquis dé Cobiens. Brienne, Election de Bar sur Aube, Comté autrefois très-étenduë, mais à présent demembree de plusieurs mouvances, appartient à la famille de Laumenie. Château- villain, Election de Chaumont, a passé des Seigneurs de ce nom, dont l'un fit le voyage de Terre Sainte avec S. Louïs & y perdit la vûë, en celle de la Beaume, puis en celle de Couste Alain & en celle de l'Hôpital de la branche de Vitry, sur laquelle les créanciers l'ont venduë au Comte de Morstein, ci-devant Trésorier de Pologne, 900000 l. son fils Comte de Château-villain fut tué au Siege de Namur en 1695, & M. le Comte de Toulouse l'a depuis acquise. Clermont en Argonne a long tems appartenu au Duc de Lorraine qui faisoit passer cette terre pour membre du Duché de Bar contre l'autorite des Rois titrez, elle a été plusieurs fois prise & rendue, jusqu'au Traité des Pyrennées qu'elle fut rendue au Roi par le Duc, avec les droits qu'il prétendoit sur les Villes de Dun, Jamets & Stenay : LeRoi, qui l'avoit donnée à M. le Prince de Condé par lettres patentes des mois de Mars 1643, rétablit ce même Prince dans la dite terre par le même Traité des Pyrenées & lui transporta & à les Successeurs tous les droits cedez par le Duc de Lorraine, à l'éxception de la souveraineté, droits Régaliens & jurisdiction es cas Royaux. Dampierre, Election de Ste. Menehoult, appartient au Comte de Dampierre du nom du Val corrompu de celui du Wal, il est originaire d'Ecosse, & descend
CHAMd'Etienne
CHAMd'Etienne Walk, Seigneur de Demouville, Maître d'Hôtel des Rois Charles IX. & Henri III ; leur premier établissement fut en Normandie, où cet Etienne épousa Louïse Malherbe de S. Agnan ; leur fils Jacques, de la Reine Mere Catherine de Medecis dévint Comte de Dampierre par ses alliances avec Anne de Bossut fille de Mre. Baron de Bazoches & de Jeanne d'Anglures, il est aussi Baron de Hun, où il fait sa résidence près de Ste. Menehoult. Etage, ancienne Vicomté de Vertus de l'Election de Châlons, a été possedée par la Maison de Conflans, honorée de la Dignité de Maréchal héréditaire de Champagne par celle d'Anglures à cause du mariage de la fille heritiere d'Eustache de Conflans avec Oger du nom d'Anglures, Antoinette d'Anglures heritiere épousa l'an 1572. Chrétien de Savigny Lieutenant General de Champagne, & lui apporta la terre d'Etages avec le nom d'Anglures, la Maison de Savigny est de l'ancienne Chevalerie de Lorraine & très-illustre. Grandpré, Election de Ste. Menehoult, à la Maison de Joyeuse, c'est une des anciennes Pairies de Champagne, il y a 28 fiefs qui en dépendent. Rosnay,
Election de Bar sur Aube, ancienne Pairie de Champagne & appanage des puissiez des Comtes souverains, a été long tems possedée par la Maison de Luxembourg, sur laquelle elle fut vendue en 1640. & achetée par le Maréchal de l'Hópital, les créanciers l'ont derechef vendue à la Princesse de Lislebonne qui la posséde. Cézanne, Comté & Domaine engagé à M. le Maréchal Fabert d'où il a passé à la Maison d'Harcourt Beuvron. Vignori, Election de Chaumont, a appartenu premierement à des Seigneurs de même nom, puis a passé dans la Maison de Clermont d'Amboise, branche de Quinquempoix cadette de Resnel, elle est en decret sur Pierre-Renaud Sieur Deflandes, Gouverneur de Treves qui en a été le dernier Seigneur. Aigremont, dépendance du Duché de Langres, à M. de Luxembourg. Anglure, Election de Cézanne, l'une des quatre Baronies dépendantes de l'Election de Troyes, ces Barons sont obligez de porter l'Evêque depuis l'Abbaye jusqu'à la Cathedrale en procession le jour de son entrée. Arfiliere, Election de Vitry, à M. le Marquis de la Vieuville, il y a 30 fiefs dans sa mouvance. Baye, Election de Chalons, Baronie mouvante de la Comté-Pairie de Châlons, à M. Bertelot de Pleneuf qui l'a acquise du Sieur Président Larcher. Bouvets, Election de Chaumont, à la Maison du Chatelet de Lorraine. Biaise à la Maison de Clermont Resnel. Bourbon au Prince Carpegne, à cause de la Dame Colbert du Teron sa femme. Ceray, Election de Chaumont, au Comte de Chaumont du Chatelet. L'Auteur fait ici une digression pour dire que la Maison du Chatelet fils de Mathieu II, Duc de Lorraine & frere de Fery aussi Duc, lequel eut guerre contre son frere, laquelle fut terminée par l'entremise de l'Empereur & du Roi de France, lequel permit au Prince Henri de changer les allevions dont la bande de Lorraine est chargée, en trois fleurs-de-lys d'argent, sans toucher aux émaux ni autres ornemens de l'ancien écu de Lorraine. Chaumont en Porcien près Rhetel à M. Pevial héritier du nom des Ayeuls. Choiseul, Election de Langres, autrefois à la Maison de ce nom, à présent aux Comtes de Vaubecourt du nom de Nettancourt & Hassenville à cause de l'heritiere dans la Maison de Nettencourt. Ecots, Election de Clermont, au Marquis du même nom, Lieutenant General pour le Roi en Brie. Touvant, Election de Langres, Baronie mouvante du Duché-Pairie de la Maison de Choiseul. Granecy, Election de Langres, au Comte de Medavy Rouxel. La Tauche, Election de Chaumont, au Marquis de Mouy, du nom de Ligues. Mezieres grande Paroisse, Election de Troyes, au Marquis de Poussé du nom de Raguier, Famille autrefois puissante dans les Finances. Rhortay, Election de Chaumont, au Marquis de Rhortay du nom des Salles, Originaire de Bearn. Surfont, Election de Chaumont, à la Maison de Choiseul qui l'a acquise de Clermont d'Amboise, laquelle la possedoit par le mariage de Jean d'Amboise avec Catherine de S. Blin, est très-considerable dans le Bassigny. S. Just, Election de Cézanne l'une des Baronies mouvantes de l'Evêché de Troyes, à la famille de Gunegaud, & depuis vendue. FilleChatel, Election de Langres, à Madame de Housset veuve du Chancellier de feu
CHAM PAGNE,
Monsieur. Tours, Election de Rheims, à la Maison de Coligny que l'Auteur fait descendre de Manassés Duc & Comte de Bourgogne en 888, dont il dit qu'on justifie la filiation, mais il semble être le seul qui l'ait dit, quelque grande que soit réellement la Maison de Coligny. Sompuis, Election de Vitry, au Comte de Brienne Laumenie. Froissy, Election d'Epernay, au Marquis de Chenoise du nom de Jeannin de Castille. VezilJy, Election de Rheims, à la Maison de Conflans. Ville sur Aube, Election de Ste. Menehoult, au Maréchal de Joyeuse. La Chatelainie de Dormans, Election d'Epernay mouvante de Château-Thierry, au Comte de Broglio, il y a un très-beau Château. S. Martin Dalbois, Election d'Epernay mouvante de la tour du Louvre au Marquis de la Vieuville.
Fin de la Generalìtê de CHAMPAGNE.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA Duché de BOURGOGNE, des Pays de BRESSE, GEX, & BUGET. Dressé par ordre de Monseigneur le DUC DE BOURGOGNE en 1698. Par Monsieur FERRAND, Intendant
GOGNE.
Situation & Etenduë de la Bourgogne. Ses productions en grains.
LA Duché de Bourgogne, dont l'étendue estaujourdhui la même qu'elle a toûjours été, depuis que le titre de Royaume en est éteint, se trouve avoir 50 lieuës de longueur du Midy au Septentrion, sur 30 de largeur de l'Orient à l'Occident : elle est bornée de l'Orient par la Comté de Bourgogne & par la Bresse ; au Septentrion par le Nivernois & le Bourbonnois & au Midy parle Beaujolois.
Cette grande Province produit abondamment toutes les choses nécessaires à la vie, blez, vins, fourages, bois de futaye & taillis, Mines de fer & en general tout ce qui peut servir à rendre ses habitans hûreux : cependant le terrain n'est pas également fertile en toutes ses parties ; les baillages de Châlons, Beaune, Dijon, Auxone, S. Jean de Laune & generalement tout le plat pays jusqu'à la Saone, est un païs gras, où le froment croit admirablement, sans même qu'il soit besoin de fumer les terres, qui sont si bonnes, qu'elles rapportent 3 recoltes en 2 ans, quand les proprietaires y sement de l'orge, de l'avoine, ou de la navette avant le blé, dans la premiere année : dans les autres baillages d'Autun, d'Auxois, de Brionnois, de Chatillon sur Seine, qu'on appelle païs de Montagnes ; le Charolois est une partie du Mâconnois ; les terres sont d'un fond leger qui ne rapporte que du Seigle, mais en assez grande quantité.
Vins.
La Bourgogne produit aussi des Vins, dont il n'est pas besoin de relever l'écellence & la qualité, vû leur éxtraordinaire réputation & leur débit. Il en fort tous les ans une très-grande quantité, tant pour la Ville de Paris & les autres lieux du Royaume que pour les pays étrangers. Ceux de Beaune sont ordinairement voiturez au pays de Liége & de là en Allemagne & en Flandres ; il en passe même beaucoup en Angleterre.
BouR GOGNEd l
Fourages.
Comme la plus grande partie de la Province est d'un terroir gras & humide, elle produit aussi une fort grande quantité de foins, particulièrement dans les prairies des bords de a Saone dans toute l'étenduë de son cours, & toutefois avec cette différence que celles qui sont au dessous de Châlons en rapportent bien davantage que les autres, soit parce qu'elles sont plus basses & plus humides, soit parce que le sol en est meilleur,
Mauvais état des chemins.
C'est cette qualité generale de terroir qui rend les chemins mauvais & difficiles, en telle rte que les voitures n'y pourroient marcher en plusieurs endroits, si depuis quelques an-nées on n'y avoit fait plusieurs étenduës de pavé dans les lieux jugez les plus nécessaires. Voilà ce que l'Auteur dit en general de la Nature des terres & de leur produit, mais il en promet un plus ample détail en traitant de chaque baillage en particulier. Cette méthode est sans doute la plus éxacte, mais il faut reconnoître qu'elle est aussi la plus longue, comme l'éxtrème prolixité de ce Mémoire le témoigne assez.
Rivieres.
A l'égard des Rivières de Bourgone, il n'y en a que deux bien connues, la Seine & la Saone. La 1e n'est point navigable dans toute l'étenduë qu'elle parcourt en cette province où elle prend sa source. La 2de. est partout navigable & c'est la feule commodité naturelle dont la Bourgogne soit avantagée pour le Commerce ; mais les débordemens où elle est sujette, sont payer cherement son voisinage à ceux qui ont des biens sur ses bords ; la lenteur de son cours & le peu de profondeur de son Canal en sont les causes les plus apparentes. Il est impossible de changer le premier, mais il seroit aisé de corriger le second, en employant, pour nettoyer le fond de cette riviere, des machines pareilles à celles qui sont en usage pour nettoyer & curer les ports de Mer. L'Auteur voudroit même que l'on travaillât à extirper de petites Isles qui se forment dans son cours & qui retiennent encore les eaux ; & pour la perfection de la Navigation, il voudroit que l'on coupat en longueur de certaines isles & que l'on creuzât de nouveaux canaux par tout où la riviere fait de trop grands circuits. Cependant quoique l'Auteur propose ces moyens comme bons, il ne voudroit pas que l'on en fit l'entreprise sans avoir bien éxaminé la dépense & nivelé la pente des eaux ; il prétend d'ailleurs que la dépense n'en seroit pas aussi considerable que l'on pourroit croire à la simple exposition du projet.
Histoire generale de Bourgogne.
Le détail de l'histoire particulière que l'Auteur donne au commencement de son ouvrage est fort imparfait & l'on peut meme dire qu il est tout a fait inutile, puisque ne sappliquant qu'aux regnes des Rois Bourguignons & de ceux de la posterité immédiate de Clovis, il a supprimé celle qui pouvoit faire connoître le gouvernement de la Province sous l'autorité des Ducs, l'origine & la succession des Familles, depuis l'usage des noms propres, & enfin le principe de quantité d'usages particuliers à la Bourgogne : choses que je tâcherai de suppléer le plus sommairement qu'il sera possible.
La Bourgogne fut soumise & partagée entre les Rois François, Childebert, Clotaire & Theodebert, enfans du grandClovis, l'an 534 ; mais soit que dans la fuite ce partage, contraire à l'intérêt des peuples, n'ait pû se soutenir ; soit que la disposition des affaires l'éxigeât ; le titre du Royaume de Bourgogne ne tarda pas a se relever & il parut de nouveau sons l'administration de Guntchram, ainé des Enfans du Roi Cloitaire I, formant un Etat separé du reste de la France, gouverné par des Magistrats & par des loix particulières. Childebert, Roi d'Austrasie, succéda au Royaume de Bourgogne après la mort de Guntchram ; ses Etats ayant aussi été partagez entre ses enfans après sa mort, la Bourgogne fut laissée à Théodoric en titre de Royame distinct & separé. Ce fut alors qu'elle devint le théatre des crimes de Brunehaut, ayeule de Theodoric, qui se terminerent à l'extinction totale de la famille Royale & à la réunion de tous les Etats qu'elle avoir possedez, au Royaume de Neustrie occupé par Clotaire II.
Entre les Maires qui gouvernoient la Bourgogne sons l'autorité de Théodoric, on remarque Varnachaire, Bourgignon de Naissance, mort en 603 ; Bertoalde, François déx traction, qui périt comme l'histoire le rapporte par la haine de Brunehaud en 604 ; Protade & Claude, Romains de naissance, auxquels succéda Varnachaire 2, qui étoit Marie
Bou GOGNE.
au tems de la mort de Theodoric & qui livra la Bourgogne à Clotaire II. Détail qui fait connoître qu'à la différence des terres Françoises les Loix de Bourgogne admettoient au Gouvernement toutes les nations dont elle étoit peuplée, sans distinction de la naissance Romaine, Bourguignone & Françoise. Le Maire Varnachaire étoit mort dès l'an 626, puisque son Fils Godin épousa sa Veuve en cette même année & que le parlement de Bourgogne ayant été assemblé a Troyes pour lui élire un Successeur, le Roi ménagea si bien les esprits, qu'il y fut résolu, vû l'affabilité du Prince & la facilité qu'il donnoit à tout le Monde de l'aborder pour traiter de ses affaires particulières, que l'on se passeroit de Maire à l'avenir. En esser, il est certain que cette dignité faisoit outrage aux Rois plus jaloux de leur autorité dans le détail que ménagers de l'intérêt des peuples ; mais la mort du Roi Dagobert fils de Clotaire, étant survenue en 638, avant que les Enfans fussent en âge de gouverner, la Mere de Clovis II, à qui la Bourgogne & la Neustrie étoient échues, fit élire Flachat pour Maire du Palais de Bourgogne & elle le maria avec une de ses Niéces pour se mieux assurer de sa fidélité. En reconnoissance celui-ci entra dans les intérêts de la Reine Mere & Regente avec tant de chaleur, qu'il lui sacrifia le Patrice Villebaud (1), Duc de la Transjurane ; qu'il fit massacrer sous les murailles d'Autun, où il s'étoit rendu pour assister à un Parlement, convoqué par le Roi même : mais Flachat ne survécut pas à une action si noire : il mourut par un effet de la Vengeance divine peu de jours après.
La question principale qui divisoit alors les Grands de la Nation Françoise, étoit le partage ou la réunion des 3 Royaumes, Austrafie, Bourgogne & Neustrie, pour tous lesquels les uns ne vouloient qu'un même Prince, & les autres vouloient que chacun eut le sien : l'intérêt particulier de Clovis II. étoit d'empêcher que la Neustrie & la Bourgogne ne fussent réunies à l'Austrafie, sous l'obéïssance de son frere Ainé ; ce qu'il obtint par la mort de Villebaud, chef principal de la faction qui lui étoit contraire. La suite de l'histoire fait remarquer la grande supériorité que les forces & le Conseil de Bourgogne prirent alors dans le Gouvernement de tout le Royaume ; mais soit que dans la fuite les Austrasiens ayent regardé cette superiorité comme une entreprise contraire à leur droit, soit par inimitié personelle de Charles Martel, il est certain qu'il n'y a point eu de partie de la Domination Françoise si maltraitée que le fut la Bourgogne sous le gouvernement de ce dernier. Non seulement il la traita comme un pays de Conquête, en enlevant toutes les richesses, mais il dépouilla les proprietaires de leurs possessions & en fit un nouveau partage entre ses créatures. Il ne souffrit point que les Naturels en occupassent les Magistratures, mais il les distribua à des Etrangers, qui sous prétexte de nouvelles loix que le Prince vouloit être suivies dans le pays, changerent toutes les ancienes dispositions & donnerent une face nouvelle à toutes les affaires. On peut observer néanmoins que la Ville de Lyon, le Dauphiné & la Provence furent les principales victimes de la colere de Charles Martel & que le reste de la Bourgogne auroit été assez paisible, si les courses & pillages des Sarrazins, lesquels pénétrèrent jusqu'à Sens, n'y eussentporté la derniere désolation.
Pepin, puisné des Enfans de Charles Martel, eut la Bourgogne en partage, s'y fit reconnoître à main forte, même avant le décès de son pere ; toutefois il la traita plus doucement dans la fuite, & sous les régnes de sa postérité il paroit que les Bourguignons avoient tellement oublié leur ancien avantage, qu'il n'y eut point de Province plus soumise que celle-ci. Louis le Debonnaire aima le séjour de la Bourgogne & particulièrement celui de Châlons sur Saône où il a convoqué quelques parlemens. Son fils Lotaire mina la même Ville en 834, pendant la guerre qu'il faisoit à son Pere & laissa depuis la Bourgogne à Charles, le dernier de ses Enfans qui mourut en 858, sans postérité, desorte que suivant un traité passé entre Charles le Chauve, le Roi de France & Lotaire, Roi d'Australie, le premier s'empara d'une partie de la Bourgogne, & soumit le reste a Lotaire ; mais il s'en ampara pareillement après sa mort en 870. C'est à ce tems qu'il faut rapporter les longues guerres que Gerard de Roussillon, l'un des plus grands Seigneurs du Roussillon, eut à soutenir contre Charles le Chauve. Il avoit épousé Berthe, fille de Pépin, Roi d'A(1)
d'A(1) Gilbaut.
B ou R. COGN v – '
quitaine & soutenoit le parti de Louis, fils ainé de Lotaire, lequel avoit le droit certain sur la succession de Charles, Roi de Bourgogne. Cependant il succomba dans cette guerre, dont l'éxploit le plus renommé est le siége de Vienne, qui fut soutenu par cette Comtesse, Berthe, avec un courage fort au dessus de son sexe. Gerard de Roussillon est reconnu fondateur des Abbayes de Poultieres & de Vezelay, & il avoit un château considérable sur le Mont Lassois dans le baillage de Châtillon ; la Comtesse sa femme y mourut en 864, & fut inhumée à Poultieres, selon la chronique de Vezelay. Il lui survécut 3 ans, étant mort dans la Ville d'Avignon en 869, suivant la même Chronique.
L'Auteur du présent Mémoire a tellement confondu les faits, contre l'éxpression la plus claire des titres, qu'il a fait vivre Gerard de Roussillon sous la gouvernement de Charles Martel & qu'il lui attribuë toute la résistance que le dernier trouva à soumettre la Bourgogne. Mais si l'histoire précédente est sujette à quelques difficultez, on peut dire que celle qui doit suivre & qui nous fait connoître l'origine & la succession des premiers Ducs de Bourgogne, la surpasse infiniment en obscurité & en difficultez. Voici cependant ce qui s'en peut dire de plus éxact. Charles le Chauve, prévenu d'une passion extraordinaire pour Richilde, fille de Beuvin, Comte d' Ardenne & d'une soeur de la Reine Thiberge, en fit d'abord sa Maîtresse, ensuite sa seconde femme, avec un tel avantage pour sa famille, qu'il éleva tous ses parens aux premieres dignitez de l'Etat. Bozon frere de Richilde fut d'abord investi des Comtez de Vienne & de Provence, ensuite du Duché de Lombardie –, dignitez qui l'éleverent jusqu'à la Royauté de Bourgogne. S'étant fait couronner peu après la mort de Louis le Bègue & dans un Concile assemblé à Montalte au mois d'Octobre, 878. Il est difficile d' éxpliquer la nature du droit que ce même Bozon pouvoit prétendre sur le pays que nous nommons à présent la Bourgogne : Mais l'on voit que Louïs le Bègue ayant voulu disposer de la Comté d'Autun & autres bénéfices de cette étendue, confisquez sur Bernard, Duc de Gothie, accusé de la mort de Charles le Chauve, en faveur de Thierry son Chambrier, ce même Bozon s'y opposa & en demeura possesseur au moyende quelques Abbayes qu'il céda au même Thierry. Mais on voit aussitôt après que Bozon ne possédoit plus les mêmes terres & qu'elles étoient passées aux mains de Richard son frere, qui ayant pris d'abord la qualité de Comte d'Autun, prit en fuite celle de Duc de Bourgogne & porta le surnom de Justicier, parce qu'en effet ce fut un homme plein de justice & qui sans égard aux intérêts de sa famille, commanda les armées de Louis & Carloman, Rois de France, contre son frere Bozon & força la Ville de Vienne, après un long siége, Ce seigneur paroit donc avoir été élevé à la dignité de Duc de Bourgogne par les enfans de Louis le Bègue, auxquels il demeura fidelle toute sa vie, jusqu'à se déclarer ennemi des enfans du Marquis Robert le fort, ses proches parens, parce qu'ils attentoient manifestement à leur couronne. Il mourut l'an 921, au grand malheur de Charles le Simple qui regnoit alors en France. Il avoit épousé Adelaïs, soeur de Ròdolphe I. Roi de Bourgogne Transjurane, fille de Gonrad, Comte de Paris, dont il eut Rodolphe ; lequel moins scrupuleux que lui, usurpa la couronne de France & mourut le 5. de Janv. en 936 ; Bozon Hugues, dit le Noir, & une Fille, épouse de Manassez seigneur de Vergy, lequel prit le titre de Duc de Bourgogne après la mort de ses beaux-freres. Il se trouve parmi les Chartes de Clugny un beau titre de cette Duchesse Adelaïs, par lequel toute sa parenté est expliquée. Hugues l'Abbé Duc de France, successeur de Robert le Fort y est designé son Oncle, & l'on y apprend que le Roi Raoul de France, fils de cette Duchesse, avoit un fils nommé Louïs. L'acte qui est une Remise de l'Abbaye de Romans en Valois, faite à Ozon Abbé de Clugny, porte date du 23. Juin, l'an 5e du Roi Raoul, c'est à dire, 928. de l'Ere Chrétienne.
Huges le Noir succéda à son frere le Roi Raoul dans la possession de la Duché de Bourgogne & imitant la conduite de son Pere, s'attacha à la légitime succession de la Couronne : mais Hugues le Blanc, Duc de France, quoi que ion parent le plus proche, lui fit une rude guerre, dans laquelle se trouvant le plus foible, il se vit obligé de partager
la Bourgogne. Il vivoit encore selon quelques titres en 957. Gistebert, fils de Manassez de Vergy ne manqua pas d'occuper la succession. L'adresse & les ruses de Hugues Capet qui n'étoit pas encore Roi de France, ne l'en pûrent déposséder –, mais comme Gistebert n'avoit point d'enfans mâles, on l'engagea à assurer sa succession à Othon frere de Capet, auquel on fit épouser Leudegarde sa fille ainée, cependant la Cadette ayant épouse Robert de Vermandois, Comte de Tròyes, celui-ci prétendit devoir partager la succession de Gistebert, & s'empara de Dijon-lartghon –, il salut, pour l'en chasser, appeler les secours de l'Allemagne, parce que le Roi Lotaire de France & Hugues Capet, étoient enfans de Gerberge & Haviele de Saxe, soeurs de l'Empereur Othon le grand & de Brunon, Archevêque de Cologne, & ce fut celui-ci qui entreprit & vint à bout de faire remettre la ville de Dijon à son neveu Othon, frere de Capet, qui toutefois n'en jouït pas long tems, etant mort'en 965. On donne communément un Duc Eudes pour successeur immédiat d'Othon, mais on convient qu'il régna très-peu, & que Henry quatre, frere de Hugues Capet, en fut investi presqu'aussi toit apres par le Roi Lothaire. Ce Henry fut un Prince pieux & tranquile, qui même ne paroist pas avoir pris beaucoup de part aux efforts ambitieux de son ainé, il repara l'abbaye de Vezelay, par le moyen de Guillaume Abbé de S. Benigue, & celle de S. Germain d'Auxerre, par S. Mayeu Abbé de Clugni, & mourut l'an 100 l, sans laisser d'enfans de sa femme Gerberge, Comtesse de Bourgogne, veuve d'Adelbert, Marquis d'Yvrée ; l'on prétend qu'il adopta un fils, qu'elle avoit de son premier mari, qui est le célébré Othon Guillaume, surnommé l'Etranger, Duc & Comte de Bourgogne, inhumé à S. Benigne de Dijon, le 21. Septembre 1027, sous une Epitaphe qui marque qu'il a conserve jusqu'à la mort le titre & les droits de Duc de Bourgogne ; il y a toutefois bien de l'apparence, que la force majeure du Roi Robert de France, le contraignit a le contenter de l'usufruit de la Duché, & peut être seulement de la Comte de Dijon ; en effet, nous voyons que le même Roi, s'en mit paisiblement en possessio après sa mort, & qu'il la transmit a ses enfans.
Robert, Roi de France, fils & successeur de Hugues Capet, premier Monarque de la lignée regnante, fut un Prirtce très-pieux & débonnaire, qui fut affligé par les divisions domestiques de sa famille, causées par l'humeur impérieuse & intraitable de la Reine sa femme, il perdit de bonne heure son fils ainé, l'esperance des François, qu'il avoit fait sacrer & couronner en sa présence, par une précaution jugée très importante en ces commencemens d'une possession fort équivoque de la couronne ; Henry, qui avoit porté le titre deDuc deBourgogne, fut par la mort de son frere appellé à la succession du Royaume, non sans une violente contradiction de la part de la Reine sa mere, qui vouloit lui faire préférer son puisné Robert, dont le naturel violent & emporté avoit plus de convenance avec le sien. On remarque en ésset que ce caractere fin & cauteleux de Hugues Capet, étoit degeneré en pusillanimité dans ses enfans, & la Chronique Angevine, que le Pere Labbé a donnée sur le Ms. de Vendôme, s'en explique sur l'an 956, d'une maniéré fort singuliere ; en voici les termes, Obiit Hugo Dux & Abbas Sancti Martini filius Roberti Pseudo-Regis pater, alterius Hugonis qui & ipfe fiaÁus eji pfeudo-rex cum Roberto filio fu'oi quem yidemus ipfi incertifsimè fegnantem, a cujus ignavia neque prefens Henricus regulus filius ejus dégénérât. II est fâcheux d'être obligé d'accuser la mémoire des Princes, dont les notres tirent leur naissance, cependant il importe non seulement à la vérité de l'histoire de les faire connoître tels qu'ils ont été, mais ayant à rendre raison des usages de chaque pays, je suis obligé de raporter les faits qui y ont donné occasion, & d'ailleurs nos Princes ont tant d'illustres Ancestres, que peu de méchans n'apportent aucun préjudice à leur gloire ; Entre les tristes conséquences qu'eut le défaut de courage & d'élevation des premiers Capitaines, on a remarqué que leur avidité & leur infidélité indignèrent tellement les peuples des divers Cantons de la France, qu'ils prirent chacun, de leur part, toutes les mesures nécessaires pour se garantir des efforts de l'un & de l'autre, & quoi que les Provinces y ayent également concouru, il paroist que la Bourgogne en donna le premier exemple, comme il
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est arrivé en d'autres occasions posterieures de plusieurs siécles, je veux dire la fin du regne de Philipe le Bel, & celle de Henry III. On ne reproche point à ces premiers Princes d'avoir vexé les sujets par des imposts excessifs, comme l'ont fait ceux que je viens de nommer, car ils n'avoient point encore l'autorité d'établir, veu que toute la France étant divisée en Seigneuries particulières* les Rois ne pouvoient exiger que l'obeissance féodale, & le service à la guerre dans les occasions publiques, mais ils signaloient leur violence & leur mauvaise foi, par d'autres endroits, pillant les peuples de leurs domaines particuliers, detroussant les Marchands étrangers qui fréquentoient leurs foires, & pour tout dire volant coutumierement sur les grands chemins. Hugues, fils ainé du Roi Robert, Prince que l'on dit pourtant avoir été d'un hûreux naturel, eut le malheur de s'oublier jusqu'à un éxcez si indigne, qu'il pensa lui couter la vie, ayant été arrêté prisonnier, par Guillaume Comte de Perche, sur les rerres duquel il avoit commis le crime ; néanmoins le Roi Philippe I. s'exposa par la même habitude à des dangers encore plus grands ; s'il est vrai que l'honneur interesse plus que la vie. Le Pape Grégoire VII. lui en écrivit des lettres pleines de reproches & de menaces si outrées, quelles ont fait dire à un Religieux, lequel a depuis peu écrit nôtre histoire, que Rome le desavoûeroit aujourdhui, sans faire attention que l'énorme conduite du Prince, preste à causer une défection generale, n'exigeoit pas moins de son zele. A' la fin Louïs VI, ayant conçu des sentimens plus dignes de sa naissance & de sa fortune, s'appliqua à relever la dignité de la couronne, toutefois comme l' a dit un ancien, le caractère d'avidité propre à sa famille, ne s'éteignit pas pour cela dans sa posterité, mais il changea d'organe, il n'a pas été moins funeste en s'apuyant de l'autorité & des loix. Pendant ce tems la Bourgogne, qui avoit été cedée à Robert, frere puisné du Roi Henry, souffrit beaucoup sous son administration longue, infidelle, & violente, il fatigua ses sujets par des guerres continuelles, pour arracher la Comté d'Auxerre à son legitime possesseur, il y perdit Hugues son fils ainé l'an 1057, & l'histoire remarque que ses troupes ayant un jour surpris le Château d'Auxerre, y furent frappez d'une terreur panique imputée à la Religion, & les obligea de se retirer & de perdre leur avantage. Mais le plus horrible excez de ce Duc Robert premier, fut l'assassinat de son Beaupere Dalinatius, Seigneur de Semur, dont il avoit épousé la fille qui étoit aussi son heritiere, il le tua de sa main dans l'Eglise, pour jouir plustot de sa succession ; soit toutefois qu'il eut dans la fuite quelque regret d'une si mauvaise action, soit qu'il connut assez peu la Religion, pour croire qu'une fondation pieuse l'en disculperoit devant Dieu, il bâtit & dota une Eglise collégiale, dans le lieu de ce meurtre, & y choisit sa propre sepulture ; il mourut par un accident tragique & honteux, que l'histoire n'explique pas, dans l'Eglise de Fleury sur Ousche, le 21e d'Avril 1076, après un regne de 45 ans. Il eut 4 fils de sa femme Elise de Semur, soeur de S. Hugues, abbé de Clugni, le second desquels nommé Henry ayant épousé Sibile, fille de Regnaud, comte de Bourgogne, en eut deux fils & mourut avant son pere, l'an 1066. La Loi du Pays leur assuroit la succession de l'Ayeul, mais celui-ci qui ne connoissoit de Loi que sa volonté, obligea les Etats à reconnoître Robert & Simon ses puisnez, & leur promettre fidelité, ce qui auroit jetté la province en de grands troubles, si l'autorité des premiers voisins, Regnaud comte de Bourgogne, Guillaume comte de Nevers & d'Auxerre, & Hugues comte de Châlons n'eussent soutenu les héritiers légitimes ; de sorte que Hugues, ainé des enfans de Henry, fut reconnu Duc de Bourgogne d'un consentement général, malgré la disposition de son Ayeul, & que les Oncles Robert & Simon, qui s'appuyoient déja du principe que la représentation n'a point de lieu dans le droit François, furent réduits à aller chercher fortune en Italie.
Hugues L gouverna la Bourgogne avec autant de sagesse & de douceur que son Ayeul avoit employé de violence, Il se maria d'abord avec Yolande, fille du Comte de Nevers, passa peu après en Espagne contre les Infidelles, où il acquit autant de gloire militaire qu'il s'étoit déja fait de réputation par sa vertu ; mais au retour de ce voyage, ayant été affligé de la perte de sa femme, qui ne lui laissa point de posterité, il prit la résolution d'a-
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bandonner ses Etats à son frere, & de se retirer à Clugny sous la discipline de son Oncle. On voit encore une lettre de Gregoire VII. à Hugues de Clugny, où ce Pape le blâme fortement d'avoir reçu à la profession Religieuse un Prince qui devoit être l'éxemple de tous les autres, qu'un million de Chrétiens redemandoient comme leur protecteur, qui étoit le Pere des orphelins & des pauvres & le soutien de toute l'Eglise. Son règne ne dura pourtant que 3 ans, & sa retraite, qui a été de 15 années, se termina par la perte de la vue, qui précéda sa mort de quelque tems. Or entre les sages dispositions de ce Prince, l'histoire n'a pas manqué de célébrer celle qu'il fit pour prévenir l'abus de l'autorité dans ses successeurs. En effet, l'éxperience du gouvernement de son Ayeul, faisoit connoître que quoiqu'il fut a la disposition de la Noblesse & du Clergé assemblez en forme d'Etats, d'accorder ou de refuser les aydes que les Souverains demaridoient & qu'il fut d'un usage reçu que les Princes ne pouvoient établir aucun droit nouveau, même de leur consentement, sans en relâcher un ancien, cependant l'autorité prévaloit toûjours sur la cause publique ; outre que dans la discussion ils étoient si difficiles à satisfaire, que les Assemblées ne se séparoient guerres sans des mécontentemens réciproques, d'où suivait selon l'usage du tems des guerres intestines qui desoloient la Province, & où la violation de la foi des sermens étoient les moindres crimes reprochez de part & d'autre. Hugues dispensa donc par une Loi solemnelle six d'entre les hauts Barons de Bourgogne de l'obéïssance du Duc qui fairoit violence à la liberté des Assemblées ou qui enfraindroit les usages com muns, se soumettant lui & ses successeurs à leur correction, même par la voye des armes, & à cet effet il les autoriza à convoquer la Noblesse & à faire marcher les Communes pour maintenir le droit public, sans encourir, pour raison de ce qu'ils pourroient entreprendre, ni le crime, ni la punition de félonie. Surquoi Julien, ancien Historien de Bourgogne, ajoute cette reflexion naïve, tant étoient en ce tems-la toutes voys ouvertes pour obvier, se ? étouffer la Tyrannie, & desir de retenir les Princes en leur devoir, observance de sermens, promesse, foi se ? preud' hommie.
On ne sçait pas précisément quels furent les six Barons auxquels on attribuë une autorité si extraordinaire. Il y a même beaucoup d'apparence qu'ils ne furent pas nommément désignez, de peur de restraindre la liberté de s'opposer aux innovations que l'on en craignoit mais il faut ajouter que quoiqu'un tel privilège nous paroisse aujourdhui plus propre à brouiller une province qu'à la calmer, il n'y en a point cependant qui nous présente une fuite de gouvernement plus tranquile que la Bourgogne ; tant il est vrai que les peuples se portent plus naturellement à jouïr du repos qu'à tout autre objet & que les revoltes obstinées sont plustot l'effet d'une oppression trop violente que d'une trop grande liberté.
Le noms propres n'étoient pas encore d'un usage commun sous les regnes dont je viens de parler : cependant comme ce fut alors qu'ils commencerent à s'introduire, on peut remarquer, parmi la Noblesse du tems, Aimard de Dijon, Hugues & Foulques de Beaumont, Hugues de Montsajon, Aymond de Tilchatel, Guy de Ruche, Othon de Bessay, Giraud de Fouvens, Regnier de Nozant, Humbert de Verzay, Jean de Marjey, & Guy de Chaumont, qui portoit titre de Comte, aussi bien que les seigneurs de Beaumont.
Eudes I. frere puisné du Duc Hugues, lui succéda sans aucunes traverses & fut surnommé Borrel par un sobriquet que la plus part des Modernes n'ont point entendu, mais qui doit être rendu par le terme de cautionnement, apparemment par allusion à quelques traits de sa vie qui nous sont aujourdhui inconnus. Il contribua à la fondation de Citeaux en 1098, & peu après se croiza pour le voyage de la Terre sainte, où la nouvelle conquête de Jérusalem appeloit alors grand nombre de Pelerins. Il y mourut de maladie l'an 1101, mais son corps en fut rapporté & inhumé à Cîteaux. Sa Veuve Mahault, fille de Guillaume Tête hardie, se fit Religieuse à Fontevrault. Hugues 2. surnommé le Pacifique, succéda à son Pere & se signala par ses bienfaits à divers Monasteres ; il épousa Mahault, fille de Bozon premier, Vicomte de Turenne & mourut en 1142, sans aucun événement remar-
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quable : parmi la Noblesse de son tems & de celui de son Pere, on compte Reinard Viomte de Beaune, véritable Fondateur de Cîteaux ; Hugues de Mont S. Jean –, Hugues de Grancey ; Mites de Frelois ; Arnould de Varennes & Renaud de Giscey, qui ont tous signé Pacte de fondation, laquelle les Moines, pour se faire honneur, ont mieux aimé rapporter à un Duc de Bourgogne qu'à un simple particulier ; Hugues de Monsaujon ; Regnîer & Girard de Chatillon sur Seine –, Ibert Roux ; Regnaud de Glaunes ; Walon de Sornaix, Regnard & Hugues de Grancey ; Savaric de Versay ; Gauthier de Thil ; Hugues de Ponilly ; Agannon & Regnier de Roche ; Guillaume de Tillechatel ; Guy Roux, Sire de Monestel ; Galleran de Montréal ; Aimond de Porte.
Eudes 2, succéda à Hugues 2, épousa Marie de Champagne, fille de Thibaut le Grand, & mourut en 1162 : son règne n'a rien de plus considérable que l'hommage qu'il se fit rendre par le même Thibaut le Grand en 1143, des villes & comtez de Toyes, de S. Florentin & de la Grande Abbaye de S. Germain d'Auxerre au lieu d'Augustine, qui fut déterminé pour rendre les devoirs dûs aux fiefs. Sa veuve se rendit Religieuse à Fontevrault. Hugues 3, qui lui succéda, fut bien different de ses Peres. Le Sire de Joinville rapporte, qu'il ne fut onques tenu à sageb ne à Dieu, ne au Monde ; desorte que le Roi Philippe Auguste disoit de Lui, qu'il pouvoit bien être appelé preux-homme, par ce qu'il étoit bien hardi de son corps, mais non pas preud' homme, par ce qu'il n'aimoit Dieu aucunement, ne les hommes & ne craignoit point à m'esprendfe envers eux. II épousa prémiérement Alix de Lorraine, fille du Duc Matthieu, dont il eut plusieurs enfans ; mais comme il étoit sans règle & sans attachement, il s'en separa dans la fuite. Il se croiza en 1171, & fit le voyage de la Terre Sainte par Mer, où la tempête le mit en si grand peril, que la peur l'obligea de faire un voeu qu'il acquitta depuis par la fondation de la S. Chapelle à Dijon en 1172. Il donna l'an 1179, la Comté de Langres à l'Eglise du lieu, en faveur de Gauthier de Bourgogne son Oncle qui en étoit Evêque, l'ayant retirée de Guy de Saux par échange d'autres terres de Henry de Bar qui en occupoit une partie. Remarquons ici en passant qu'il ne faut pas confondre cette ancienne Maison de Saux avec la Moderne de même nom, la quelle outre les grands hommes qu'elle a donnez à la France, a produit le Maréchal de Tavannes, cet implacable ennemi des Huguenots : Car celle-ci n'a point de titre plus ancien que l'an 1409, & n'a commencé son illustration que par une alliance avec Marguerite de Tavannes heritiere de son frere, qui étoit un Chevalier Allemand aventurier, naturalizé en 1518.
Mais le plus considérable événement du règne de Hugues 3, fut la guerre avec les hauts Barons, qui selon le privilège de Bourgogne prirent les armes pour l'obliger à garder les Loix du Pays ; le Seigneur de Vergy en fut le chef, y étant d'ailleurs engagé par un interest personnel, le Duc le voulant assujetir à l'hommage, dont ses ancestres, issus des premiere Ducs de Bourgogne, s'étoient toûjours tenus exempts ; cependant la fortune qui favorise moins ordinairement la justice que les grandes forces, donna l'avantage au Duc, & il auroit accablé le seigneur de Vergy, si le Roi Philippe Auguste, tout jeune qu'il étoit, ne fut entré dans sa querelle ; il vint en Bourgogne, avec une armée, en 1184, attaqua d'abord Chatillon sur Seine, qu'il emporta & y prit prisonnier Eudes, fils ainé du Duc, ce qui le réduisit à la nécessité de reçevoir la loi, d'abandonner le siege, & de faire justice aux Eglises, & aux Barons qu'il opprimoit –, Hugues de Broyez qui avoit commandé l'armée du Roi, se ressentit dans la fuite de la vangeance du Duc. En la même année 1184, Hugues, las de sa femme, ou plustôt dans le dessein d'accroître sa puissance par un autre Mariage avec quelque grande heritiere, s'en fit separer pour cause de parenté, & épousa Beatrix, Comtesse de Albon & de Vienne, fille unique de Guigues Dauphin, veuve du comte S. Gilles ; il en eut aussi deux enfans, qui du chef de leur mere succederent au Dauphine, mais d'ailleurs il la traita mal, & lui empêcha le retour dans ses propres Etats, craignant qu'elle n'en voulut jouir independemment de lui. En 1187, il accorda pour de l'argent, le droit de communes de la ville de Dijon, c'est à dire qu'il donna la liberté à les habitans, avec le droit de posseder leurs biens proprietairement, avantage qui n'appartient
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Qu'aux Nobles, & aux Eglises avant la manumission, le tout à charge de suivre & de se conformer à la coutume de Soissons, qui étoit une ville affranchie depuis quelques années auparavant ; enfin il passa pour la seconde fois en Terre Sainte, en la compagnie des Rois, Philippe Auguste de France, & Richard coeur de Lyon d'Angleterre, & quand le même Philippe Auguste en partit, il lui laissa le commandement de l'armée Françoise, dont il s'acquita si mal, qu'il fut soupçonné d'intelligence avec les Infidelles, ou du moins d'une indigne jalousie contre la gloire des autres Croisez ; il n'en porta pas loin la peine, étant mort à Tyr au commencement de l'année 1193. Il laissa plusieurs enfans, savoir, de sa premiere femme, Eudes qui lui succéda, & Alexandre, Tige des Seigneurs deMontagu, de Conches & de Saubernon, & de la seconde, André Dauphin, Tige des Comités d'Albon & de Vienne, du nom de Bourgogne ; on trouve parmi la haute Noblesse de son tems, Guy de Vignory Regnier de Chatillon, Hugues de Grancey Seneschal, Regnaud Comte de Joigni, Geoffroy de Donzy, Robert de Rougemont, Dalmale de Lusy, Anseric de Montreal, qui avoit épousé Sibille de Bourgogne, nièce du Duc Eudes II, Guy & Eudes de Vergy, le dernier desquels soutint la guerre dont il a été parlé ; Odon de Thil, Hugues de Mont S. Jean, Robert Vicomte de S. Jean de Dijon, Aimon de Roux, Odon de Longuil, Estienne de Sancerre, oncle du Duc Eudes III, Guyard de Favernay, Imbert de Guyard d'Orgut –, les Seigneurs qui ont souscrit à l'affranchissement de la ville de Dijon sont, Anseric de Montréal, Raymond de Marigny, Guy de Tilchatel, Guillaume fils d'Eudes de Champagne, Tiges des maisons de Champlette, de Pontalier, Hugues de Roche, Simon de Brancou, Dumont de Montel, Kalon de S. Julliers, Gautier de Sembrenon, Eudes & Yves de Sailly, Guillaume de Saverney, Estienne Villain, Othon de Sassres & Amedée d'Axelles. II est remarquable que tous les dénommez en cette Charte prennent la qualité de Seigneurs des lieux dont ils portent les noms, usage commun & usité en Bourgogne, different de celui de France, où les noms sont presque toûjours employés simplement
Eudes III, fils ainé & successeur d'Hugues IÏI, étoit Regent de Bourgogne, lors que la nouvelle de la mort de son pere le mit dans une possession réelle de la Souveraineté ; il donna ses premiers soins à reparer les griefs de ses principaux vassaux, & voulut particulierement assurer la liberté des habitans de Dijon, à l'effet dequoi il se fit cautionner envers eux par Hugues de Vergy, Estienne du Mont S. Jean, Ponce de Grancey Connétable, Estienne, Seigneur de Grancey, Hugues de Tilchatel, Gui deSaux, Gauthier de Saubefnon, Mailly & Guy du Thil, tous qualifiez Seigneurs ; il avoit déja épousé Mahaut de Portugal, veuve de Philipe d'Alsace, Comte de Flandre, mort au siège d'Aire, Alliance qui paroît avoir donné occasion à la venue d'une branche de la maison de Mailly en Bourgogne, & au passage de celle de Villain en Flandre, à Gaudevelle, qui a donné origine à Mrs. d'Isanghien, il étoit déja séparé de cette Princesse en 1198, puisqu'il donna lors un acte au Roi Philippe Auguste, par lequel il s'engagea de ne se point marier dans l'alliance du Roi d'Angleterre, ni par son conseil ; les témoins de cet acte, qui est passé à Vienne, sont de la part du Roi, la Reine Alix de Champagne, sa mere, frere Bernard, autrement dit l'Hermite de Vincennes, à qui il avoit laissé la nomination des Bénéfices du Royaume pendant son voyage d'outremer ; Gauthier de Nemours, Chambellan, Guillaume de Garlande, Barthélémy de Roi, Philippe de Levis, & Henry de S. Denis ; & de la part du Duc, Gui de Til, Josselin d'Avalon, Ponce de Grancey, & Estienne Villain. Cependant la querelle de la maison de Vergy recommença, le Duc pratiqua des alliances pour la soumettre, & il nous reste un acte d'Estienne du Mont S. Jean, lors Seneschal de Bourgogne, par lequel celui-ci s'engagea à servir le Duc malgré son étroite alliance avec le Seigneur de Vergy, mais dans la fuite il devint le médiateur d'un accomodement par lequel Hugues Seigneur de Vergy donna sa fille en mariage au Duc Eudes, & pour sa dot, le Château même de Vergy, avec toutes les terres qu'il possedoit en deça de la Riviere de Til ; comme en échange, le Duc lui ceda tout ce qu'il possedoit au delà, avec la Seigneurie
BouRGOGNE.
de Mirebeau, & il l'investit de la charge de Séneschal de Bourgogne, pour la posseder héréditairment, le même Duc acquit dans la fuite une grande réputation de sagesse & de valeur dans la guerre des Albigeois, & à la bataille de Bouvine, où il conduisoit l'avantgarde, il mourut à Lyon Ban 1218, prêt à passer en Orient, & ne laissa qu'un fils unique, en bas âge, sous la tutele de sa mere Alix de Vergy.
Ce jeune Prince fut le Duc Hugues, sous le gouvernement du quel la Bourgogne fut fort tranquile, parce qu'il tourna toute son application à l'économie & à l'arrangement de ses affaires ; il épousa, prémierement Yolande de Dreux fille de Robert III, & de Leonore de S. Vallery, de laquelle il eut 3 fils, Eudes, Jean & Robert, & secondement Beatrix de Champagne, dite de Navarre, fille de Thibaut V, & de Marguerite de Bourbon ancien, dont il eut encore un fils nommé Hugues, lequel fut Seigneur de Montréal. Eudes, fils aîné, épousa Mahaut de Bourbon, la plus riche héritiere de ce tems-là, Comtesse de Nevers, d'Auxerre, de Tonnerre &c : de laquelle il n'eut que des filles, & mourut en Palestine avant son pere en 1269 : l'aînée de ses filles, dite Yolande, épousa I°. Jean de France dit Tristan, fils de S. Louïs, & en secondes noces, en 1273, Robert, dit de Bethune Comte de Flandres, qui la tua convaincue d'avoir empoisonné son fils aîné, qu'il avoit eu de Blanche fille de Charles, Comte d'Anjou, Roi de Naples, frere de S. Louïs. La seconde fut Marguerite, seconde femme du même Charles, Comte d'Anjou. Et la troisieme, fut Alix, Comtesse de Tonnerre & Dame de S. Agnan en Berry, femme de Jean de Châlons Seigneur de Rochefort. Jean de Bourgogne, second fils de Hugues IV. épousa Agnès de Bourbon, soeur puisnée de la Comtesse Mahaut, femme de Eudes son frere aîné, & n'en eut qu'une fille, heritiere de la Seigneurie de Bourbon, laquelle fut mariée comme chacun le sçait à Robert Comte de Clermont dernier des enfans, de S. Louïs, qui est le chef de la maison regnante. Ce mariage est pourtant accusé par les anciens Auteurs, & S. Julien raporte qu'assistant un jour au dîner de François I. qui étoit la meilleure Ecole de science qui fut en ce tems-là, il entendit Lazare de Baïf raconter au Roi, que l'on avoit trouvé parmi les papiers du Duc Pierre de Bourbon, auparavant dit le Seigneur de Beaujeu, une histoire de sa Maison, où il étoit rapporté que S. Louis avoit donné sa malediction à ce mariage, & prononcé par un espece de jugement, que la posterité qui en. sortiroit, ne parviendroit jamais à la Couronne deFrance, & qu'elle luicauferoit de grands maux, & il ajoute que le fait lui avoit été confirmé par deux autres personnes, élevées dans la maison de Bourbon & bien instruites de ses affaires ; remarque qui doit faire comprendre combien sont trompeurs les pronostics fondés sur la feule opinion des hommes, resultante du mérite ou démerite de quelques actions dont ils jugent à discrétion, puisque la posterité du même Roi François, qui étoit alors si florissante, s'est étiente sans reste 41 ans après sa mort, pour faire place à la même maison de Bourbon, dans la plus petite & la plus méprisée de ses branches, laquelle a néanmoins porté, depuis cent ans, la gloire & le droit de la Monarchie bien au delà de ce que François I. & S. Louis lui-même l'auroient pû imaginer. La mort des deux Princes aînez de la maison de Bourgogne, avant leur pere, devoit naturellement apporter quelque traverse à l'ordre de sa succession, & c'est ce qui porta le Duc Hugues IV. à la regler par un testament, dans lequel il institua son heritier, en la Duché, le Prince Robert, dernier de ses enfans du premier lit ; le testament qui est datté de Vilaines en Duesmois le lundy avant la S. Michel 1272, est remarquable, en ce qu'il l'autorise, dans cette disposition, tant par le droit, que par le consentement de ses enfans, qui étoient morts long tems devant, potefiate mihi data tam a jure quàm voluntate-propria liberorum meorurn : Cependant le livre de Lignage de Dreux, dit nettement en parlant du Duc Robert II, II fut Duc de Bourgone, après son pere, contre la coutume du pays, quoique les enfans de son aîné le dujfent être. Dans le fait, on ne fauroit accuser le Duc Hugues IV. d'avoir mal fait, en conservant une des plus belles provinces & la premiere Pairie de France dans sa maison ; mais aussi s'ensuivit-il delà, que l'on ne pensoit pas encore que la Bourgogne fut une terre d'appanage réversible à la Couronne, à defaut de Mâles ; il est même
Bour'as- g-évident
g-évident Robert douta de son droit & craignit justement les suites que pourroit faire contre lui Robert Comte de Flandres au droit de sa femme ; c'est pourquoi il s fura au plutôt de la protection du Roi de France, par son mariage avec sa soeur Agnés ; il s'ensuivit une compromission entre les prétendans, pour s'en rapporter au jugement du Roi, lequel ne manqua pas de décider le principal en faveur de son nouveau Beaufrere, mais il l'engagea à donner un partage plus considerable au Comte de Flandre que celui qui avoit été reglé par le testament d'Hugues IV ; il eut la même attention en faveur du Comte de Clermont son frere, mari de l'héritiere de Bourbon, & lui fit ceder le Charolois, la Comté de Châlons & quantité d'autres terres très-considerables, pour le dédomager d'un droit qu'il n'avoit pas, & qu'il ne pouvoit avoir qu'à l'éxclusion des soeurs de la Comtesse de Flandre, auxquelles cependant il ne fit rien donner de plus. Ce jugement du Roi Philippe le hardi est d'autant plus remarquable qu'il condamne absolument ceux qui ont été rendus sous les regnes suivans, tant en faveur de Mahaut d'Artois, que de Jeanne la Boiteuse pour la Bretagne, justifiant d'ailleurs une maxime bien constante dans la pratique, savoir que les Princes ne connoissent pas de droit plus certain que leur interêt, pour le soutien duquel les raisons & les prétextes ne manquent jamais, & c'est la cause nécessaire des contradictions qui regnent dans toute la fuite de l'histoire du droit François.
Robert II. passa en Italie en 1282, pour la querelle de la Maison d'Anjou contre celle d'Arragon ; deux ans après, il transigea avec les Seigneurs Ecclésiastiques & séculiers de la Duché, sur le sujet des altérations qu'il faisoit à la monnoye, au préjudice general de la Province, il promet de la rétablir sans changement, & ceux-là s'obligent de lui fournir le 10e. de leurs revenus pendant les deux années suivantes : le terrible fleau du changement de la monnoye, que les Princes faisoient racheter à leurs Vassaux, sans être plus fìdelles qu'auparavant à leur nouvelle promesse, tiroit son origine de France, où Philippe le Bel commit des excez encore plus criants en cette matiere. Robert mourut à Vernon en 1305. & sa veuve Agnès de France lui survêcut 22 ans. Les plus considérables Seigneurs de son tems furent, Jean de Vergy Seigneur de Fouvans, Sénéchal héréditaire, Guillaume de Montagu, puisné de la maison de Bourgogne, Liebaut de Beaufremont Maréchal, ces 3 sont qualifiez de chers consins du Duc, en son codicile, Jean de Choiseuil Connétable, Miles de Noyers, J. de Courcelles, Hugues de Chastel, Regnaud de Grancey, Martel de Mailly, J. de Beaujeu, Robert de Broisse, Hugues de la Saulée, Odet de Marnacaux, Aymond d'Ostun, Jean de Longwy, Odart de Montagu, Mathieu de Montmartin, Hugues de Meublaut, Seigneur de Courtenay, Jean de Nautin, Guy de Thoire, Pierre Dublé, Seigneur d'Uxelles, Chevalier, & c.
Le Duc Robert II. laissa une nombreuse famille, mais elle s'éteignit en si peu de tems, & par des accidens si étranges, que l'on en attribua la ruine à une malediction particuliere, quoique ces enfans fussent aussi ceux de S. Louïs, Jean aîné mourut avant son pere, Hugues qui fut Duc, 5e. du nom, mourut en 1315. Eudes continua la lignée, Louïs & Robert moururent aussi sans enfans ; Blanche, fille aînée, Comtesse de Savoye, n'eut qu'une fille, morte sans hoirs, de Jean III. Duc de Bretagne ; Marguerite, épouse de Louïs, dit Hutin, fils ainé de Philippe le Bel, fut étranglée, convaincue d'Adultere ; la plus hûreuse fut Jeanne, épouse de Philippe, Comte de Valois, laquelle devint Reine de France, & ne laissa pas d'avoir d'extrêmes déplaisirs, la derniere fut Marie, épouse d'Edouard, Comte de Bar, mais pour entendre la fuite de cette histoire, il faut savoir que Louïs Hutin, malgré la rigueur exercée contre sa femme, en avoit une fille nommée Jeanne qui se trouva par sa mort heritiere du Royaume de Navarre, avec des droits apparents sur la Comté de Champagne, qui étoit censée fief féminin, puis que la Reine Jeanne son Ayeule l'avoit apportée à Philippe le Bel, quoique le contraire eut été jugé dans le fameux Parlement de Melun, de l'an 1216, où les filles du Comte Henry II. avoient été éxcluës en faveur de Thibaut IV. le bas âge de cette Princesse,
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la défaveur de sa mere, & la puissance de ses oncles, successivement Rois de France mirent de grands obstacles à la justice qui lui étoit duë ; toutefois la vieille Duchesse de Bourgogne, Agnes fille de S. Louïs, son Ayeule, s'étant pourvûë pour obtenir la garde & l'éducation de cet enfant, il se fit un Traité à Vincennes, le 17e. Juillet 1316, peu de jours après la mort de Louïs Hutin, entre Philippe Comte de Poitiers, prenant le titre des Royaumes de France & de Navarre, & Eudes Duc de Bourgogne, tant en son nom qu'en celui de la Duchesse Agnès sa mere, par lequel il fut stipulé I°. que la dite Jeanne de France, fille du Roi defunt & la fille dont la Reine Clemente sa veuve étoit enceinte, supposé que ce fut une fille, auroient en heritage le Royaume de Navarre, avec les Comtez de Champagne & de Brie, pour telles portions qui leur pourroient appartenir de droit ou de coutume, excepté ce que le dit Philippe Regent & son frere Charles, Comte de la Marche, en doivent avoir, pour part & portion, en la succession de la feue Reine Jeanne leur mere, & ce, au moyen de la quittance qui par la dite Jeanne, fera donnée du ramenement du Royaume de France & de toute autre part en la succession de son Pere Louïs, dernierement decedé. 20. Que la dite Jeanne seroit remise entre les mains de la Duchesse Agnès son Ayeule, pour être par elle nourrie & élevée, en donnant toutefois caution, qu'elle ne sera mariée sans le consentement de ses oncles, le Regent &c ; ou en cas qu'ils vinssent tous à deceder, des plus prochains du Lignage de France ; & finalement, que le dit Regent auroit le Bail & gouvernement des Royaumes de France & de Navarre & des Comtez de Champagne & de Brie. Ce Traité qui se voit en original en la chambre des Comtes de Bourgogne, en la layette des accords & conventions, cotte 38, fut fait en présence de Charles, Comte de Valois & de Louïs d'Evreux, oncle de Charles, Comte de la Marche, frere du Regent ; de Mahàut Comtesse d'Artois ; de Louïs & Jean de Clermont enfans de Robert ; du jeune Comte de Valois ; de Guy Comte de S. Pol ; de Jean Dauphin de Vienne ; de Dave Comte de Savoye ; de Gauthier de Chatillon Connétable de France ; de Miles Sire de Noyers ; de Henry Sire de Sully ; de Guillaume Comte d'Arcourt ; de Daniel de Joinville, Seigneur de Vinel, & de Hutin d'Argrain, c'est à dire, qu'il fut aussi folemnel qu'il le pouvoit être, sans qu'il ait néanmoins été éxecuté. Car les choses n'en demeurèrent pas long tems en ces termes, Philippe devenu Roi, songea à s'attacher le Duc de Bourgogne par cette Alliance si étroite, qu'il pût oublier en sa faveur les intérêts de sa nièce, & en effet il lui donne en mariage sa fille aînée avec 100000 l. de dot, & l'assurance de sa succession en cas de mort sans hoirs Mâles, cette alliance changea veritablement les dispositions du Duc de Bourgogne, mais Philippe étant venu lui-même à mourir au mois de Janvier 13 21, il ne fut pas long tems à s'appercevoir du préjudice qu'il s'étoit fait à lui-même, en laissant passer la Couronne à son beaupere, parce que Charles, Comte de Marche, frere du dernier Roi, s'en mit en possession, au même droit qu'il avoit fait, sans que Eudes lui put rien opposer, puis que c'étoit son ouvrage propre ; il se contente donc de revendiquer la Comté de Poitiers & autres biens dont Philippe avoit jouï proprietairement avant la Royauté ; toutefois la même autorité qui lui enlevoit la Couronne, lui ferma pareillement la bouche sur cet article, & il ne trouva point de parti plus convenable que de se retirer en ses Etats, sans se mêler davantage des affaires de la Cour ; on ne voit point en effet qu'il y soit revenu pendant le règne de Charles le Bel ; mais ce Prince étant mort le premier Fevrier, 1328, ses intérêts se trouverent encore une fois changés ; Philippe de Valois, qui étoit appellé à la Couronne, se trouvant son beaufrere, comme mari de Jeanne de Bourgogne, la 3e. de ses soeurs, il paroît par toute la fuite de sa vie, qu'il demeure fort attaché a ce Prince, & son fils Jean Duc de Normandie les ayant aidez & secourus dans leurs guerres avec tout le zele possible.
Eudes n'eut qu'un seul fils, qu'il nomma Philippe à l'honneur du Roi son Ayeul, il le maria de bonne heure, à Jeanne heritiere des Comtez d'Auvergne & de Boulogne, de laquelle il sortit un fils, de même nom que son pere, & une fille appellée Jeanne qui n'eut
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point de posterité ; le Prince Philippe mourut d'une chute de cheval, au siège d'Aiguillon le 22. Septembre 1346. Eudes, qui en fut mortellement affligé, fit testament le 12e Octobre suivant, par lequel il institua son héritier universel Philippe son petit fils, lui substituant aussi Jeanne sa petite fille, & à celle-ci Blanche Comtesse de Savoye, sa soeur aînée ; & à leur defaut, Jeanne, aussi sa soeur, Reine de France ; les témoins de ce testament furent Jean, Sire de Chateau Vilain ; Jean Seigneur de Thil, Connétable de Bourgogne ; Guillaume de Vergy, Seigneur de Mirebeau, & J. de Fresloy Seigneur de Molinet.
Philippe, dit de Rouvre, succéda à son ayeul en 1349, il donna d'abord de grandes esperances & épousa au mois de Juillet 1361. Marguerite, fille unique de Louïs de Maie, Comte de Flandres, mais il mourut presqu'aussi-tôt après, le 21e. Novembre de la même année, & en lui s'éteignit la premiere tige de Ducs de Bourgogne, après avoir duré 330 ans ; il restoit encore de mâles descendans de Robert I. sçavoir les Seigneurs de Montagu, de Saubernon & de Conches, mais on connoissoit alors si peu la proprieté des appanages, qu'il ne fut pas seulement question de leur droit ; le Roi Jean qui regnoit alors en France, déclara que les lettres patentes de Novembre de la même année, c'est à dire, si tôt qu'il reçût la nouvelle de cette mort, que la Bourgogne lui étoit. devoluë, non pas au droit de la Couronne, mais à celui de proximité, non ratione coronae : Néanmoins puis qu'en suivant l'ordre de la succession, la Bourgogne devoit appartenir à la Reine Jeanne de Navarre, fille de Louïs Hutin, ou à son fils, le Roi Charles, surnommé le Mauvais, parce qu'elle étoit morte dès l'année 1349 ; or ce qui flattoit le Roi Jean, & qui le porta à décider en saveur de la proximité, c'est qu'il se trouvoit véritablement plus proche d'un degré, que le Roi de Navarre, & qu'il ne comptoit pas que la représentation dût avoir lieu ; au fond son meilleur titre étoit l'institution testamentaire du Duc Eudes IV, quoi que non moins contraire à la coutume du Païs, que l'avoit été celle de Hugues IV. en faveur de ROBERT II.
Je ne suivrai pas plus loin l'histoire de Bourgogne, de peur d'allonger par trop cet Extrait, veu d'ailleurs, que celle des Duc de la seconde famille n'est ignorée de personne, & n'est embarassée d'aucune difficulté sur la succession ; non pas même au droit que Marie de Bourgogne heritiere a porté dans la maison d'Autriche, malgré lequel Louis XI. s'en empara. Mais pour suivre mon projet de faire connoître autant qu'il sera possible les familles nobles & illustres dans les divers tems, je rapporterai la liste de ceux qui signerent au mois de Novembre 1314,l'Association generale des Etats des Bourgogne contre les entreprises de Philippe le Bel. Voici ceux de la Duché : Jean de Châlons Comte d'Auxerre ; Jean Sire de Sarfay ; Gérard de Châtillon ; Hugues de Montperoux ; Jean de Bourlemont –, Richard d'Autigny de la Maison de Vienne ; Eudes de Montagu, de la maison de Bourgogne ; Guillaume d'Espoisses ; Jean de Thil ; Jean de Courcelles ; Jean de Bury ; Jean de Flefloy, Sire de Molinez, & Gauches son frere, Sire de Rochefort ; Eudes, Sire de Grancey –, Henry de Vergy, Senêchal ; Jean de Longvic, Sire de Raon ; Mahé de Montmartin ; Guillaume de Pesmes ; Jean, Comte de la Roche ; Hugues de Châlons ; Etienne du Mont S. Jean ; la Dame Davé en Barois –, Lenfant de Chateau Vilain ; le Sire de Traisgnel ; Jean Sire de Choiseul ; Guillaume de Verdun ; Etienne de Lembernon ; Guillaume deChanteney ; Alix, Dame deFroloy ; le Sire de Chateauneuf, ou Chauneauf ; Henry de Borg ; Edme du Roy ; Guillaume de Talina, ou Talma ; Jean de Changey ; Isabeau du Mont S. Jean, Dame de Dampierre, son frere & ses enfans ; Hais de Mailly ; les enfans de Simon de Mally, ou Mailly ; le Sire de Sancey –, le Sire de Marmeaux ; le Sire de Barieres ; le Sire de Bursey ; le Sire d'Aumay ; Guillaume de Chandenay ; Gui de Villers ; Gui de Biro ; le Sire de Vianges ; le Sire de Mouilly ; Jean de Froans ; Aymard de Sassres ; Alexandre de Blezy ; Philippe de Chanviray ; Hugues d'Arc sur Thil ; Etienne de Moissey ; Erard de Mesay ; Simon de Grenant –, Jean de S. Benigne sur Vigenne, Gérard de Ville-Francon ; Miles de Chateauneus, Sire de Villaines ; Pierre & Guillaume de Maumont ; Gui de Chatelet ; Gui de Baisence ; Gui
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Villarnoud ; Gui d'Ostun, Sire d'Arencey ; Eudes de Semur ; Guion d'Ostun Sire de Drecy ; Jean de Marcilly ; le Sire d'Oigney en Auxois ; la Dame de Gournay ;'la Dame de Chalay en Auxois ; Huguenin de Menetoy ; Jean de Suillay ; Jean d'Ausulley ; Jean de Dressay ; Guillaume de la Grange ; Jean de la Mothe S. Jean ; Godin de Saudon ; Eudes de Saubernon, Sire de Marigny ; Jean de Bestards, Sire de Nantou ; Guion de Poilly ; Guiot de Trecey ; le Sire Dolvy ; Guiot de Fallastres ; Guillaume, Sire du Saucey, ou Sauley ; Eudes, Sire de Montez ; Gui Sire Plelapes ; Humbert deRougemontJean de Monetrel ; Gérard de Marsy ; Jean & Renaud de Langler ; Guiot de Parigni ; Alix d'Astrabonne ; Jean de Gaucey ; Jean de Montigni sur Aube ; Prius de Chaude ney ; George de Vianges ; Jean de Tourtuiron –, Guillaume de Villecomté, Aimouin Dumex ; les Ecclésiastiques & les Communes des villes sont ensuite énoncées en leur rang, & l'acte porte onze seaux.
Dans les Comtez de Tonnerre & d'Auxerre, on trouve dans une pareille association Erard Sire de Dessines ; Mahé de Mallo, Sire de S. Brix ; Jean de Saltenay ; Erard d'Arcies, Gaucher de Frostoy ; Robert de Rochefort, Sire de Braguelogne ; Jean de Marmaux ; Hugues d'Argenteuil ; Jean Aliquant, Sire de Mallevesin ; Guillaume d'Archi ; Gilles de Corton ; Richard de Savoist ; Guillaume de Tauley, Sire de Vinemer ; Jaques, Sire de Passy ; Etienne de Lusy ; Jean de Digoint, Sire d'Aisy ; Jean de Vincelles ; Régnier de Villiers ; l'acte est scellé de 12 seaux & de la même année'1314, au mois de Novembre.
Il seroit aussi utile pour la justification des droits de la Noblesse, qu'important pour la connoissance du gouvernement, de faire voir quelles furent les suites des associations qui se firent alors dans toutes les Provinces de France, & de quelle maniere les trois enfans de Philippe le Bel, ses Successeurs à la Couroune, confirmèrent par des actes autentiques les droits naturels & ordinaires dont chaque membre de l'Etat devoit jouïr ; mais parce que ce seroit en quelque façon sortir de mon sujet, je crois me devoir reduire à donner quelque extrait des montres & assemblées de la Noblesse, tenues sous le gouvernement des premiers Ducs de la primiere race, parce que dans la fuite, l'union de tant d'Etats qui accrurent la puissance des mêmes Ducs, confondit tellement la Noblesse ordinaire de Bourgogne avec celle des autres Païs, soit par le mêlange des Alliances, soit "par la possession des grandes charges qui ont fait passer les plus nobles Seigneuries dans des familles étrangeres, ou qui ont appellé les maisons de Bourgogne en d'autres Païs que dès le tems de Charles le temeraire, c'est à dire, en 1468, on se plaignoit que la Bourgogne ne se reconnoissoit plus elle-même ; une infinité d'annoblis, ou°de familles Bourgeoises s'étant déja élevées par la Finance, ou par les emplois de Judicature jusqu'à posseder les fiefs & Seigneuries qui n'appartenoient originairement qu'à la vraye Noblesse ; ce fut alors que se forma la diction vulgaire qui distinguoit les grandes maisons Bourguignonnes par des sobriquets affectez, les autres qui n'étoient plus assez riches pour être à la Cour des Princes, demeurant oubliez & confondus dans la foule de ceux qui cherchoient fortune par la voye de la faveur, & non par celle du droit d'une illustre naissance, soutenue de qualitez convenables. On ne sauroit nier que ce ne fut premierement par la faute de cette même Noblesse, qui s'entêtant de luxe & de dépense à l'exemple de Philippe le Hardy, premier Duc de Bourgogne de la premiere race, mit comme lui ses héritiers dans la necessité de renoncer à sa succession ; mais ce fut aussi la faute des Princes, & la conduite de Charles, dernier Duc de Bourgogne, en fait une preuve signalée, lors qu'abandonnant sa confiance entiere à des étrangers, au mépris de cette ridelle & véritable Noblesse, il périt malhureusement devant Nancy par la trahison de Lambobasse.
L'Ancien Dicton sur la Noblesse qui a été conservé par les mémoires de S. Julien porte, Riche de Chalons ; Noble de Vienne ; Fier de Neufchatel, Preux de Vergy, de la Maison de Beaufremont d'où sont sortis les bons Barons ; d'où l'on doit conclurre,
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que le mêlange des maisons étrangères etoît déja tellement formé que l'on prenoît celle de Neuschatel, pour une famille Bourguignonne, quoiqu'elle fut Suisse d'Origine, & que ses biens les plus considerables fussent en Alsace & en Comté.
Mais je reviens aux assemblées de Noblesse, & à la distribution des Chargés ; Robert de Lugny & Thomas de Voudenay, étoient Gouverneurs ou Regens de Bourgogne quand Philippe de Rouvre mourut, & furent continuez en leur emploi sous le Roi Jean, qui néanmoins leur donna pour Collegues le Doyen de Troyes, & Nicolas de Bragne nouvel Annobli, & commit de plus Jean Comte de Tancarville, pour être son Lieutenant General en Bourgogne. Ce même Prince fit assembler le Parlement de Bourgogne à Beaune, au mois de Janvier, 1361, dans lequel ou trouve que les grands Officiers étoient Robert de Lugny, Chancelier ; Guillaume de Clugny, Bailly de Dijon ; Henry de Bar frere du Duc Robert gendre du Roi, gouverneur ; & le Comte de Tancarville Lieutenant du Roi. Le Roi ayant ensuite pris le dessein d'avantager Philippe, surnommé le Hardy, son 4e. fils, par la donation de la Duché & Pairie de Bourgogne, & du Doyenné des Pairs de France, lui en conféra d'abord le. gouvernement, comme un membre de celui du Lyonnois &, Mâconnois, puis lui fit en secret la celebre donation dattée de Germiny sur Marne le 6e. Septembre 1363, qu'il mit en dépôt entre les mains de Philbert Paillard, nouveau Chancelier de Bourgogne, laissant a son fils un ordre pour retirer la dite donation quand il en seroit tems. Philippe ne prit pas toutefois possession de cette belle Seigneurie du vivant du Roi son Pere, il attendit la Confirmation de son successeur qui lui fut accordée avec une extreme générosité par Charles V, suivant ses Lettres du 2. Juin, 1364.
Philippe s'étant rendu à Dijon y prêta les sermens ordinaires, qui furent reçûs par Jean Desculigny, notaire Apostolique, & reçût en conséquence les hommages de ses nouveaux Vassaux. Ce Prince qui, avec ses grandes qualitez de hardiesse & de courage, avoit une extreme avidité pour l'argent & une espece de fureur pour les dépenses, changea bientôt l'état de la Province, y ayant introduit quantité d'impôts au préjudice de son serment. Il établit la vente du sel à son profit & obligea le Public à le prendre dans ses greniers. Il assembla très-souvent des Etats pour leur faire des demandes exorbitantes, & il obtint ordinairement tout ce qu'ils pouvoient donner par deux motifs, l'un la sûreté des peuples qui vivoient sous son gouvernement, pendant que le reste du Royaume étoit en feu de toutes parts, l'autre sa libéralité envers la Noblesse, à laquelle non seulement il payoit éxactement les services, mais faisoit de riches & continuels presens ; outre que l'accroissement de ses Etats par les riches successions qui échurent à sa femme Marguerite de Flandres, faisoit envisager à cette même Noblesse les grandes recompenses qu'il pouvoit lui donner & qu'il lui donnoit en effet quand elle l'avoit mérité par son obéissance & par son attachement. Il paroit toutefois que dans le commencement de sa Domination, il témoigna plus de consideration pour la Noblesse Bourguignonne que dans la fuite de sa vie, où la faveur qu'il donna a la Maison de la Trimouille, & ses occupations dans le Royaume pendant la demeure du Roi Charles VI, semblerent l'avoir enlevé à ses anciens Ennemis.
Voici les noms des principaux Seigneurs qui ont vécu de son tems, Jean de Saubernon, Capitaine General de la Duché aux gages de 3 liv. par jour ; jaques de Vienne, Seigneur de Longwi ; Jean de Vergy ; Philippe de Jaucourt, Commandant les Troupes de Campagne en 1364 ; Jean de Farsy ; Gui de Pontallier, Maréchal ; Guillaume de Quincey –, Geoffroy du Maix ; Jean de Chamat ; Etienne de Flavigny ; Etienne de Bremur ; Richard de Dompierre ; Huguenin de Sully, & Jean de Villers, Commandant dans les places en la même année.
En la montre faite en Novemb. 1367, devant Gui de Montallier, Maréchal de Bourgogne & Jean de Marnay Commis par le Duc, seroient au nombre de Bannerets, Eudes de Grancey, Seigneur de Villers, Hugues de Châlons Sire d'Harlay ; Henry de Vienne, Seigneur de Mirebel ; Jaques de Vienne, Seigneur de Longwi ; Jean de Vergy, Seigneur
BOURCOGNE. S
de Fovens : parmi les Chevaliers Bacheliers, Bouchard de Montigny ; Thibaut de Mello, eigneur d'Espoisses –, Girardede la Tour, Sire de Montbelot, Guillaume d'Aigremont ; Guillaume Bastard de Poitiers, qui devint dans la fuite un Seigneur très-considérable Baudry de Baleure –, S. Julien ; Gui de Tremblay ; Hugues de Grançon, ou Grancon ; Hugues Damas, Sire de Marcilly ; Jean de Montagu, Sire de Saubernon, depuis Capitaine General ; Jean de Vienne, Sire de Roland ; Jean lá Peronne, Sire d'Auvoy –, Josserand de Lugny ; Louis Guignard ; Pierre de Saubernon, Sire de Malain ; Philippe de Jaucourt ; Pierre, Sire de Clavigny ; Thomas de Voudenay ; Hugues de Vienne, Sire de Pagny ; Jean, Sire de Rey ; Jean de Crux ; Jean de Blazey-, Miles de Noyers : Parmi les Ecuyers bannerets, Jean de Bourgogne, Sire de Montagu, au nombre des simples Ecuyers ; Guillaume de Germolle ; Guillaume de Soubatier ; Jean de Rusfy ; Poinfard, Sire de Chateauneuf ; Pierre de S. Brury ; Pierre de Tranley ; Bertrand de Savigny ; Huart de Roncevaux, Bailly du Comté de Bourgogne –, Hugues de Vienne Sire de Tire-chatel –, Henry Petit Jean –, Hervé de Molins ; Jean de Rougement ; Jean de Pleuvet –, Jean de Chanceney ; Renaud de Dondry ; Tristan de Manevrai.
A la cérémonie du mariage du Duc avec l'héritiere de Flandre se trouverent le Comte de Joigny, Jaques de Vienne Sire de Longwi ; Les Sires d'Espoisses, de Noyers, de Saubernon, Jean de Bourgogne Seigneur d'Afé en Barrois, Jean de Vienne, Guillaume d'Aigremont, Thomas de Voudenaye, Gui de Garenesere, dit le Baveux ; Bertrand de S. Pastour, Olivier de Jussey, Eudes Sire de Grancey, Gui de Pontallier, Maréchal de Bourgogne, Humbert de Rougemont, Guillaume Dampilly, Phillippe d'Arc, Louïs de Vendoux.
Les Montres suivantes sont tellement mêlées de Noblesses étrangères, qu'il feroit inutile d'en rapporter aucun extrait : il est plus nécessaire de remarquer que le Duc Philippe changeant de conduite avec l'âge, se mit à avancer des gens de petit état, les honorant de la charge de ses Conseillers & leur donnant la disposition de ses Finances & autres affaires. On prétend, & il y a beaucoup d'apparence que ce fut un effet de la faveur du Sire de la Trimouille, qui n'étant point originaire de Bourgogne & n'y ayant ni alliance, ni parenté, y voulut faire occuper les postes importans par ses Créatures. Quoiqu'il en soit, c'est à ce tems qu'il faut rapporter l'origine des plus anciennes familles de Robe qui soient à present en Bourgogne, comme aussi de quelques-unes des familles d'Epée, qui sont néanmoins un grand secret de leur origine : telle, par exemple, la Maison de Sacex, [ou Salex] qui descend vraisemblablement d'un Secrétaire du Duc Philippe le Hardy.
Enfin la Bourgogne fut réunie à la France en l'an 1475, après la mort du dernier Duc Charles, tué à Nancy, & depuis ce tems elle n'en a plus été separée jusqu'à l'heureuse naissance du fils aîné de Monseigneur le Dauphin, qui a fait revivre les idées de toutes les prérogatives de la Duché de Bourgogne & qui en a porté si glorieusement le titre, comme de la premiere & plus ancienne Pairie du Royaume. En effet, les Princes qui ont possedé la Bourgogne, ont toûjours joui d'une prééminence réelle & des premiers honneurs dans la Monarchie. Philippe le Hardy précéda ses freres aînez, Louis Duc d'Anjou & Jean Duc de Berry, au Sacre de leur Neveu commun, le Roi Charles VI, quoique le premier, fut reconnu Regent du Royaume, sans que la qualité de Pair & Doyen des Pairs donnât alors l'avantage au dessus des Dignitez d'une Institution postérieure : ce qui a engagé l'Auteur à faire une reflexion plus convenable à sa qualité d'Intendant aux maximes du tems présent, savoir que la dignité de la Pairie élevoit ceux qui en étoient revétus tellement au dessus des autres, même par dessus l'éxtraction Royale, que Henry III. se trouva obligé d'accorder aux Princes de son sang un rang qui avoit été inconnu jusqu'à lui, au dessus de toutes les Dignitez de l'Etat. Je ne prétend pas contester la vérité de cette observation ; mais il est vrai qu'un pareil trait d'histoire convient peu à
BOURGOGNE.
Sa plume d'un Intendant, par laquelle toutes les institutions du pouvoir arbitraire doivent plutôt être consacrées qu'examinées. Cependanr il résulte de sa remarque que ceux qui sont aujourd'hui nos Princes, ne le sont que depuis un peu plus de 100 ans, du moins à l'égard de l'énorme distance qui se trouve aujourd'hui entr'eux & l'ancienne Noblesse.
L'Auteur ajoute ensuite que le Concile de Constance accorda à Philippe III, Duc de Bourgogne en 1414, la séance immédiate apres les Rois de la Chrêtienté & au dessus de tous les autres Potentats de l'Europe ; ce qui lui fut accordé sur les vives remontrances de son Ambassadeur Jean Germain, Evêque de Nevers & de Chalons sur Saône. En conséquence de ce premier rang de Prince, la Noblesse de Bourgogne a toûjours affecté la préséance sur celle des autres Provinces du Royaume, soit dans les Assemblées d'Etats Generaux, soit dans les Convocations d'arriere-bans, comme il parut à la bataille de Bouvines, où elle obtint la garde de l'Oriflane, & combatit à la premiere avantgarde, ayant a sa tête le Duc Eudes III, cette prérogative a été soutenue par une conduite également ferme & genereuse, en différentes occasions, entre lesquelles l'Auteur remarque particulièrement celles où le Roi François I. s'étant vu contraint de céder la Bourgogne par le traité de Madrid à l'Empereur Charles-quint, il assembla les Etats du Royaume à Coignac, à son retour d'Espagne, pour faire confirmer les stipulations différentes de ce traité, car ce fut alors que la Noblesse Bourguignonne sollicitée par le Roi (du moins en apparence) de reconnoître un nouveau Souverain, lui répondit, qu'elle ne se departiroit jamais volontairement de l'obéïssance qu'elle avoit vouée a la Couronne de France, mais que si sa Majesté l'abandonnoit, elle étoit résolue à défendre elle-même sa liberté & à s'affranchir de toute domination.
A l'égard du rang affecté à la Province de Bourgogne, dans la convocation des Etats generaux du Royaume, il est certain que ses députez, même ceux de la Chambre du tiers état, ont toûjours précédé les deputez des autres Provinces sans aucune contestation, & qu'ils n'ont cédé qu'à la feule ville de Paris, ayant soutenu tous les efforts que la Province de l'Isie de France a fait pour usurper ce même rang à la faveur de la capitale dont les députez paroissoient à la tête.
L'Auteur traite ensuite fort en abrégé de l'Etat Ecclésiastique, Militaire & Civil de la Province, il dit simplement à l'égard du premier qu'elle renferme 4 Evêchez, AUtun, Chalons, Maçon, & Auxerre, & trois Abbayes chess-cl'otdre, Clugny, Cîteaux, & le Val des Choux. Sur le second il dit, que le Prince de Condé est Gouverneur de la Province, & le Duc d'Enguien reçû en survivance, qui sera le 4e. de son nom, que sous ce gouvernement, il y a 6 Lieutenances Generales, & 6 Lieutenances de Roi. La premiere, qui comprend le Baillage de Dijon & de Chatillon, les Comtez D'Auxonne & de Bar sur Seine, est remplie parle Comte d'Armause, ou par le Marquis de Chateau-gai, qui lui a succedé, & la Lieutenance du Roi, par le Comte de la Riviere. La seconde qui comprend l'Autunois, l'Auxois, & l'Auxerrois est remplie par le Comte de Tavannes, la Lieutenance de Roi par le Sieur de Canniveau de Creancé. La troisième, qui s'étend sur le Chalonnois, est remplie par le Maréchal d'Uxelles, & la Lieutenance de Roi par le Sieur de Feuillonde. La quatrième, qui comprend le Mâconnois, est vacante par la mort du Marquis d'Entragues Cremeaux, sa veuve jouït des apointemens ; le Sieur de Rambuleau est Lieutenant dë Roi. La cinquième est celle du Châlonnois remplie par le Maréchal de Montrevel ; la Lieutenance de Roi n'a pas été levée. Et la sixième comprend la Bresse, Bugey, Valromey & Gex, qui est rempile par le Marquis de Lassaye, Montaterre, la Lieutenance de Roi n'a pas été levée.
A l'égard des gouvernemens particuliers, la Marquis de Chamilly est Gouverneur de Dijon, il y a sous lui un Lieutenant & un Major, la garnison doit être de 58 mortes-payes, 12 Hallebardiers, un Capitaine, un Chapelain, un garde-Magazin, & un Canonnier qui sont payez par la Province : le Roi y entretient de plus une compagnie d'Infanterie. Le Maréchal d'Uxelles est Gouverneur da la Ville & Citadelle de Châlons, sa garnison est
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areille à celle de Dijon. Le Comte de Bussy est Gouverneur d'Auxonne, dont la garnison est pareille. La Veuve du Marquis d'Entrague jouït du gouvernement de Mâcon, il n'y a point de mortes-payes. Le Comte d'Aligny, Brigadier des armées, est Gouverneur d'Autun. Le Comte de Varax Perrachon, fils d'un riche marchand de Lyon, est Gouverneur de Beaune & le Marquis de Chateau-gay, héritier du Comte d'Amauze, Gouverneur de Bourbon-Lancy, le Sieur de Carty Gouverneur d'Avalon ; le Comte de la Feuillée, Gouverneur de Chatillon sur Seine ; le Marquis de Laumont de Semur, le Marquis de la Tournelle de Cravaut ; le Sieur Commeau de Creancé de Nuits, le Baron de Choisy de Bourg en Bresse, le Chevalier de Lause du Pas de l'Ecluse, le Chevalier de Blanche-fort de Gex. Sur la nomination du Prince de Condé engagiste, le Comte d'Aligny pourvu du gouvernement de Pierre Chastel, est payé de 1500 l. par les Chartreux du lieu qui y entretiennent une garnison de 12 Soldats, un Capitaine, un Lieutenant, un Enseigne & un Sergent ; le Marquis de Rougemont est Gouverneur de Bellay ; le Sieur Barret, de Leyssel, le Sieur de Bellecombe du Pont de Velle, le Sieur de la Faye nommé par le Prince de Condé, comme engagiste, est Gouverneur de Montrevel ; le Sieur de Chapitre de Chatillon lès Dombes.
Le Gouvernement Civil.
Far le ment & Chambres des Comptes. Préjïdîaux & Baillages.
Le Gouvernement Civil de la Province considéré par raport à l'administration publique, est entierement entre les mains des trois Etats du Païs, desquels il fera parlé dans la suite ; par rapport à l'administration de la justice, il est soumis à deux tribunaux souverains, tous deux établis à Dijon, qui sont le Parlement & la Chambre des Comptes, sur quoil il faut remarquer, que le Gouvernement de Bourgogne comprend outre les Baillages qui composent la Duché & les Comtez qui en dependent, la Bresse, le Bugey, le Valromey &
it Païs de Gex, & que des deux trîbunaux dont on vient de parler il n'y a que la Chambre des Comptes, dont jurisdiction remplisse cette étendue en son entier, les appellations du Mâconnois, de l'Auxerrois & de Bar sur Seine ressortissans nuè'ment au Parlement de Paris.
Dan£ cette étendue totale on compte 8 Présidiaux pour la Bourgogne & pour la Bresse : le Présidial de Dijon a dans son ressort, les baillages de Beaune, Nuitz, S. Jean de Lorne & Auxerre, celui d'Autun, ceux de Bourbon-Lancy, Montunis & Semur en Brionnois : celui de Châlons n'a aucun ressort ; celui de Semur en Auxois s'étend sur les baillages d'Avalon, Ancy le Duc, Saulien & Noyers ; celui de Chatillon sur Seine n'a point de ressort ; celui de Charolois n'en a d'autre que baillage Royal de Charolles ; celui de Mâconnois pareillement ressortit hors les cas de l'Edit au Parlement de Paris : enfin celui de Bar sur Seine est entiérement pareil à celui de Mâcon pour la jurisdiction & le ressort. Le Présidial de Bresse a sous lui 3 baillages dont il fera parlé dans la description particuliere de cette Province.
Maîtrise des Eaux & Forêts. Marêchaussée.
Quant aux autres Tribunaux de la Justice ordinaire, il y a en Bourgogne un Grand-maître des Eaux & Forêts, lequel a pareille fonction dans la Bresse & les Païs en dépendans, & sous lui 5 Maîtrises particulières, Dijon, Autun, Châlons, Chatillon sur Seine & Avalon, avec la gruerie de Bourbon-Lancy. Le Grand-Prévôt de Bourgogne a sous lui 7 Lieutenans distribuez dans la Province, sous le nom de Prévôts provinciaux des Maréchaux, avec un certain nombre d'Archers qui composent leurs différentes Compagnies. La Bresse a pareillement un Grand-Prévôt qui en a 2 Provinciaux sous lui.
Coutume de Bourgogne.
tume la Bourgogne est soumise au droit Coutumier, à la réserve de quelques Chatelaines du Baillage de Châlons, Aussery & Sagy, avec leurs dépendances, lesquelles suivent ja disposition du Droit Ecrit, aussi bien que certaines terres appelées d'Outre-Saone, situées dans le voisinage de la Comté de Bourgogne & de la Bresse Savoyarde qui sont du ressort de S. Laurens. La raison en est que ces terres faisoient autrefois partie de la Bresse, qu'elles étoient du Domaine du Sire de Beaugé, & qu'elles furent portées au Duc de Savoye par le mariage de Sibille, héritière de Beaugé avec Amé IV, dit le grand, Comte de Morienne. Ce Prince changea depuis ces Seigneuries avec Robert II, Duc de Bourgogne l'an 128g, lequel lui céda en contr'échange les Seigneuries de Coligny & de
umGOGNE.
Reversmont qui lui appartenoient, au moyen de la cession que lui en avoient faite H bert Dauphin de Viennois, Othon Comte de Bourgogne & Simon de Montbeliard, & comme le Droit Écrit étoit en usage dans ces Chatelainies, avant l'échange, il y a été conservé dans les siécles suivans.
Des mains-mortes.
L'Esclavage formel étoit anciennement en usage dans toute la Bourgogne & il semble qu'on le pourroit à cet égard considérer comme un effet de la Conquête du Païs par la Nation qui lui a communiqué son nom, si l'on ne savoit qu'elle usa de son droit avec tant de modération, que pouvant s'approprier & les terres & les hommes, elle aima mieux s'y faire recevoir à titre d'hospitalité. Ainsi il vaut mieux rapporter l'origine de la servitude dans cette Province à la domination Françoise & peutêtre aux changemens que fit Charles Martel dans tout le Païs avec beaucoup de violence. L'Auteur assure que dans la fuite la Religion a adouci cette servitude des Vassaux, & que de toutes les espèces qui sont en usage dans plusieurs Provinces où le droit Ecrit est suivi, la Coûtume de Bourgogne n'a retenu que la servitude raisonnable, déclarant expressément que nul n'est serf de Corps dans toute l'étenduë de la Duché. Cette servitude conventionnelle assujétit les hommes demeurans par an & jour dans les endroits où la main-morte a lieu, mais non si absolument que le Vassal n'y puisse renoncer par un acte dont la Coûtume prescrit la forme, laquelle à faute d'être suivie, laisseroit l'homme dans sa condition mortable en quelque lieu qu'il puisse aller, sans toutefois que les Enfans nez en un Domicile libre fussent assujetis a la main morte. La Coûtume veut aussi que la femme veuve d'un homme de main morte, puisse devenir libre en épousant un homme qui le seroit. Ces dispositions sont fort contraires à celles du droit Romain & sont les principales remarques dans la Coûtume de Bourgogne.
Tribunaux pour les droits du Roi. Vents du Sel. Traites Foraines. Acquittement des Debtes.
Quant aux Tribunaux de Justice, établis pour la conservation des droits du Roi, ils se reduisent à la Chambre des Comptes & aux bureaux des Finances, tous deux fixez à Dijon & desquels le détail sera donné en l'article de cette Ville, ainsi que du Parlement qui y réside. Il y a aussi quatre Elections seulement : Mâcon, Bourg en Bresse, Bellay & Bar sur Seine, & les Commissaires des Aides d'Auxerre, qui connoissent des affaires de la Taille, mais par tout ailleurs les procès de cette espèce sont portez devant les Juges ordinaires. Il y a de plus dans le Département de Bourgogne 50 Bureaux de Gabelle, tant sous la direction de Dijon que sous celle de Lyon, & dans ces bureaux il se débite, savoir dans les 34 dépendantes de Dijon 651 muids de sel, & dans les 16 de la Direction de Lyonnois 18550 Minots. Sous les mêmes Directions Il y a 57 bureaux des Traites Foraines pour les payemens des droits d'entrée & de sortie & pour le service de tous ces bureaux de l'une & de l'autre Direction, il y a 42 Brigades de gardes, tant à pié qu'à cheval. Enfin il y a une derniere Jurisdiction pour la vérification & l'acquittement des debtes des Communautez de Bourgogne, laquelle n'est composée que de 2 Commissaires nommez par le Roi pour y travailler, qui sont le Prince de Condé, comme Gouverneur de la Province & l'Intendant, lesquels ont sous eux un Greffier. Ce sont ces Commissaires qui règlent tous les differens qui naissent pour les affaires de ces Communautez & pour les ottroys de la Saone.
Etablissemens de Haras.
Mais il ne faut pas omettre d'observer que le Roi, veillant continuellement à l'avan tage de ces Provinces, a établi des Haras dans la Bourgogne & dans la Bresse sous l'inspection de deux Commissaires visiteurs qui sont payez par les Etats, & par dessus les gages qu'ils leur donnoient ; il y a dans la Bourgogne 368 étalons, fournis des fonds de la Province, dont il va être parlé, & approuvez du Commissaire ; les Etats imposent tous les trois ans 20000 l. pour cette dépense, & 3000 l. pour les appointemens du Commissaire, qui touche encore 1200 l. du Roi : le Païs de Bresse a 60 étalons, & s'impose 6000 l. tous les 3 ans pour cette dépense, le Commissaire a pareillement 1200 l. du Roi.
BOURGOGNE.
À l'égard des poids & mesures usitées dans la Bourgogne, il seroit difficil de dire quelque chose de certain touchant celle des grains, puis que chaque ville a la sienne de grandeurs differentes ; toutefois le nom de Mine y est presque general : la livre y est partout de 16 onces, & à l'égard des vins, ce qu'on appelle queuë est composé de deux tonneaux qui contiennent chacun 32 quarts ou 81 pintes de Paris ce " revint à 1512 pintes pour la queuë entiere, & 256 pour le Tonneau.
Etats Generaux de Bourgogne.
Les Etats de Bourgogne, qui par un privilege particulier, au dire de l'Auteur, ont la direction de la plûpart des affaires de Finance dans la Province, s'assemblent par permission du Roi, tous les 3 ans, ou environ au mois de May, en présence du Gouverneur General, ou de l'un des Lieutenans Généraux en son absence, & des Comissaires du Roi la Convocation en est faite par celui qui doit y présider, soit le Gouverneur, ou autre à cri public, & les 3 Etats ne manquent point de s'y trouver aux jours & aux lieux marquez pour lkssemblée, FEglisc, la Noblesse & le tiers Etat, sont les trois corps dont elle est composée, le detail de tous ces membres sera long, mais il est nécessaire pour l'intelligence parfaite de la matiere.
Clergé.
Le Clergé est composé de 4 Evêques de la Province, celui d'Autrui prétend être le Président-né des Etats fondé sur la possession & sur un arrêt du conseil de 1658 celui de Châlons, celui d'Auxerre dont la seance est reglée par rapport à l'Evêque de Châlons par l'arrêt d'union de la Comité d'Auxerre à la Duché de Bourgogne, & celui de Mâcon qui prétend que l'Evêque d'Autun a usurpé la séance par la negligence de ses predecesseurs, en sorte que leur rang n'est déterminé par aucun jugement definitif ; les Evêques ont tous le Fauteuil, & sont vêtus en Camail & en Rochet ; après les Evêques, siegent les Abbez en l'ordre suivant ; C'îteaux ; S. Benigne –, S. Etienne ; laFerté Fontenay ; Flavigni la Bousiere ; S. Pierre de Châlons ; S. Martin d'Autun ; S. Lenele Moutier ; S. Jean Mêsierés ; Oigni ; S. Marguerite ; Germain d'Auxerre ; S. Pair de la même ville ; Kigny, Chatillon sur Seine, & S. Martin d'Auxerre ; les Abbez sont assis sur des chaises à bras, ou dans des formes, vêtus à l'ordinaire. Après les Abbez les Doyens ont leurs Seances, celui de la Ste. Chapelle de Dijon précéde tous les autres & quoique le droit lui soit contesté par les Doyens des Cathedrales, il est néanmoins en possession. Après lui, les Doyens d'Autun, de Châlons, & d'Auxerre, ceux des Collegiales de Beaune, de S. George de Galon & d'Avalon ; puis les Deputez des Cathédrales dans le même ordre, à la fuite desquelles est le Deputé de la Ste. Chapelle ; puis les Députez des Eglises particulières de Nôtre Dame de Beaune, de S. Denys, de Vergy, de Nôtre Dame d'Autun, de S. Lazare d'Avalon, de S. Andoche d'Auxerre, de S. George de Châlons, de la Chapelle aux Riches de Dijon, de Nôtre Dame de Montréal, du Clergé de Charolois & du Clergé de Bar sur Aube.
Ensuite viennent les Prieurez dans l'ordre suivant : celui de Bourbon-Lancy, celui de S. Jean de Semur, du Val Croissant, du Quartier de Bonnavin de Beaune, la Roche, de Ste. Marie lès Châlons, de Serry, de Choley, de S. Severin, du Bois d'Espoisses ; les Prieurs reguliers de S. Benigne de Dijon, S. Seine de Flavigny, de S. Siphorien d'Autun, de S. Pierre de Châlons, de Ste. Marie de Châlons, Le Prieur Clostral de S. Vincent, Le Député de l'Abbaye de Fontenay, celui d'Orgny, celui de la Bussiere, celui de Châtillon, celui de Moutiers S. Jean, celui de S. Germain d'Auxerre & le Deputé du Val des Choux. Tous ces Membres Ecclésiastiques sont le nombre de 70.
La Noblesse a sa place à la main gauche, & vis-à-vis du Clergé, l'Elu de ce Corps actuellement en charge y tient le premier rang dans un fauteuil & les autres Gentils-hommes, sans garder aucun rang entr'eux y sont assis sur des Siéges à dos. Il faut dire en cet endroit que tous les Gentils-hommes, reconnus tels par les Commissaires des Etats, & ayant Seigneurie ou fiefs dans l'étenduë de la Duché de Bourgogne ou des Comtez qui en dépendent, ont droit d'assister aux Etats & de séance en la Chambre de la Noblesse. A cet effet, le Corps commet éxpressement deux Gentils-hommes pour éxaminer les titres de ceux qui s'y présentent nouvellement,
BOú RGOGNE.
Tiers Etat.
Le Tiers Etat est composé de Deputez des Villes, qui ont droit d'assister aux Etats. Le Maire de Dijon occupe entr'eux la premiere place, ayant à sa droite le Maitre de la Ville d'Autun & à sa gauche 2 Echevins de Dijon, suivis des Deputez des Comtez, comme à la droite ; les Deputez des autres Villes suivent le Maire d'Autum Voici l'Ordre de la séance de la droite :
Le Maire de Dijon, le Maire & le Député d'Autun, 2 Députez de Beaune, 2 de Châlons, 2 de Nuits, 2 de S. Jean de Lausne, 2 de S. Semur en Auxois, 2 de Montbar, 2 d'Avalon, 2 de Chatillon, 2 de Seurre ou Bellegarde, 2 d'Auxerre, 2 d'Arnay le Duc, 2 de Noyers, 2 de Saulieu, 2 de Flavigny ; I de Montreal, 2 de Thalandes, 2 de Merebeau, un de Massigny, un de Bourbon-Lancy, un de Semur, un de Brionnois, un de Viteaux, 2 de Montamis, & un dernier alternativement pour les Villes de Cuseaux, S. Laurens lès Châlons, Souhans & Cuifery, en commençant par celle de Cuseaux.
En la séance de la gauche, après les Echevins de Dijon, suivent 2 Deputez de Verdun, un de Mailly la Ville au Comté d'Auxerre, un de Seignelay, un de Cravan, un de Vermarston, un de S. Brix, 2 de Charolles, un de Paray, un du Mont S. Vincent, un de Perrey, un de Toulon sur Arroux, 2 de Mâcon, un de Tourun, un de Cluny, un de S. Gengoux, & enfin 3 pour la Comté de Bar sur Seine.
Séance du Gouverneur.
La séance de la droite est de 48 Deputez & celle de la gauche de 23. Tous ces Députez sont élus dans une Assemblée generale des habitans de chaque endroit & pris or nairement dans la Magistrature du lieu. La séance du Gouverneur est sous un Daix & sur une Estrade entre le Corps de l'Eglise & de la Noblesse, en place du Tiers Etat. Les Commissaires du Roi, qui sont ordinairement le premier Président du Parlement & l'Intendant, ont leur place en des Fauteuils entre le Gouverneur & les Evêques ; Les Lieuîenans Généraux ont la leur aussi dans des Fauteuils, entre le Gouverneur & le Corps de la Noblesse, 2 Trésoriers de France, entre les mains desquels sont les Lettres Patentes pour la Convocation des Etats, sont assis sur des Sieges sans bras derriere les Lieutenans Generaux ; au bas de l'estrade du Gouverneur est un bureau pour les officiers des Etats & derriere la Chaize sont les Officiers de la Maison.
L'Assemblée étant formée dans l'ordre qui vient d'être expliqué, le plus ancien des Trésoriers de France fait l'ouverture des Etats, par un discours qu'il termine en presentant les lettres patentes de la Convocation, après cela le Gouverneur éxpliquoit autrefois les intentions du Roi pour le bon ordre, il faisoit connoître sa bonne volonté particuliere, & son affection pour la Province ; & il se contente aujourd'hui de dire qu'il assurera le Roi de leur zèle & tachera de leur procurer toûjours l'honneur de sa bienveuillance, ce discours est suivi de celui du premier Président, & l'Intendant en fait une autre immédiatement après qui se reduit ordinairement à deux choses, à présenter la Commission du Roi, & à faire les requisitions conformes à ses ordres ; le Président Ecclésiastique des Etats y répond par un autre discours, où parmi les assurances du reste de la Province pour la gloire & le service du Roi, il n'oublie pas de la plaindre des malheurs communs & de representer son impuissance. Les corps se separent ensuite pour deliberer chacun dans sa Chambre particulière, sur les propositions de l'Intendant, & ils y prennent séance dans les mêmes rangs qu'ils ont été ci-dessus marquez, les deux Secretaires des Etats rédigent les deliberations de la Chambre du Clergé & de la Noblesse, & un Commis du Greffier des Etats celles du Tiers Etat. Chaque chambre deputé respectivement aux autres, pour leur communiquer les propositions qui s'y font, & les délibérations qu'elles ont formées, les differentes requêtes qui leur sont présentées sont rapportées en chacune par des Commissaires choisis d'entre les Membres de la Chambre par chaque Président, & quand les affaires y sont résoluës les trois Corps prennent un Jour de Conference avant la clôture des Etats –, cette conference se tient dans une chambre déstinée à cet usage où l'on rapor-
BouR GOGNE
des Elus.
te en public les délibérations particulières, & quand il se rencontre que deux Corps sont du même avis, on en dresse aussi-tôt le decret, dont l'éxecution est commise aux élus, mais quand les avis sont dissérens, l'Auteur ne dit point ce que l'on pratique, il y a toutefois apparence que les Corps sont convenus avant la conference. Dans la chambre du Clergé, l'on choisit alternativement pour Elu de l'Ordre, un Evêque, un Abbé, & un Doyen ; dans la Chambre de la Noblesse, l'Election se fait à la pluralité des voix mais l'experience fait connoître à l'égard des uns & des autres que le Gouverneur dis pose arbitrairement de ces Postes d'honneur, & qu'il en revêt ceux qui lui sont les plus agréables, ou qu'il veut favorizer dans le Tiers Etat ; l'Elu est choisi alternativement dans les Villes d'Autun, Beaune, Châlons, Nuitz, S. Jean de Laune, Semur en Auxois, Monbar, Avalon, Chatillon, Auxonne, Seurre dite Bellegarde & Auxerre, dans le rang où elles sont ainsi nommées, les autres Villes ne pouvant jamais pretendre à l'Election.
des Alcades. Chambre de l'Election. Fonction des Elus.
Ces Elus entrent en possession de leur fonction aux jours de la Conférence generale, & après la clôture des Etats, ils forment avec les autres Membres dont il vient d'être parlé la Chambre de l'Election qui tient ces séances dans la maison du Roi, à Dijon, pendant toute la triennalité,c'est à dire,l'Intervalle des Etats. Chaque Chambre nomme encore des Alcades ou des Commissaires de son ordre pour examiner la gestion des Elus à la fin de leur triennalité, & en rendre compte aux Etats ; il y en a deux pour le Clergé autant pour la Noblesse, & 3 pour le Tiers Etat, ils s'assemblent ordinairement dans le mois de Decembre, qui précédé l'Assemblée des Etats ; les Elus sont tenus de leur representer leurs comptes, & ils y sont leurs observations rédigées en forme de mémoire qui sont portées aux Etats. Quant à la Chambre de l'Election, elle est composée de 3 Elus des Ordres, d'un Elu du Roi, pourvu par provision speciale de deux Deputez de la Chambre des Comptes & du Maire de Dijon, mais les Deputez de la Chambre n'ont qu'une voix, l'Elu du Tiers Etat & le Maire une autre, pendant que les trois autres Deputez ont chacun la leur, ce qui fait en tout cinq voix, les deux Greffiers des Etats servent alternativement année par année dans cette Chambre avec un Receveur des Etats. La Fonction la plus honorable des Elus est celle de presenter au Roi le Cahier des Etats, le voyage se fait immédiatement après leur clôture, mais la plus importante est celle de regler & faire la repartition de toutes les impositions ordonnées par les Etats ; il est d'usage que le Mâconnois en paye la onziéme partie, le Charolois la 24e. & la Comté de Bar sur Seine la 60e. Les Elus sont aussi la liquidation des Etapes, celle des otrois de la Riviere de Saône & des crues de sel quand les Baux sont expirez, ces differentes affaires leur donnent occasion de travailler à différentes reprises, environ trois mois de l'année. Le Tresorier general reçoit les deniers de recette des mains des receveurs particuliers, établis en chaque Baillage au nombre de 16 y compris ceux des Comtez, tous ces receveurs éxercent par commission des Elus, & rendent compte ainsi que le Trésorier général à la chambre des comptes de la Province. Les sommes que les Elus imposent ordinairement sont de deux natures, les unes sont comprises dans les Commissions du Roi, & ne changent point, les autres sont ordonnez par decret des Etats, ou sont d'un usage établi, comme les journées, fraix & taxations. Les commissions du Roi comprennent les sommes suivantes.
I. s. d.
Le Taillon qui est de
71550
Les appointemens des Gouverneurs & Lieutenans Généraux de la Province, & le payement des garnisons de Dijon, Auxonne & Chalons, qui ont pris naissance dans les guer res civiles
86000
La subsistance des troupes
300000
L'Exemption du quartier d'hyver
200000
Le don gratuit ordinaire
17666 13 4
BOURGOGNE.
Le don gratuit extraordinaire dont d'Intendant fait la de mande aux Etats, a été moderé dans les dernieres années à 900000 l. qui sont en trois ans celle de 300000 l. par an
l. s. d.
300000
toutes les dites sommes particulieres reviennent à celle de
97521613 4
dont le Trésorier général des Etats en paye 800000 l. au trésor Royal & le reste au Receveur des Finances & du Taillon.
Outre le don gratuit les Etats ont encore accordé au Roi pendant la derniere guerre un secours éxtraordinaire de 450000 l. par triennalité, qui revient par an à
150000
De plus on impose pour les gages de la Marêchaussée
21398
Pour les gages des Maîtres de postes & Couriers
11440
Pour l'avance & Fraix du port des deniers au tresor Royal
9000
Pour les Reparations des Chemins de
30000
Pour le remboursement des Etapes
300000
521838
Outre ces sommes on en leve un grand nombre d'autres.
Pour les Gages des Officiers dont la finance a été emplopée aux affaires de la Province.
Pour les dépenses imprévues à l'économie des affaires du Païs.
Pour le payement des arrerages des rentes contractées pour subvenir aux demandes du Roi, & aux emprunts que les Etats ont été obligez de faire.
Pour les dons particuliers que les Etats sont dans leur assemblée.
Pour les fraix de recette en deniers imposez pour les Epices & frais des comptes tant des recettes particulieres que de la generale.
Pour les droits des Elus & Ordres, & de tous les officiers des Etats aux quels on fait des Taxations qui se prennent sur les deniers provenans des crues du sel, ou des otroys de la Saone,
Enfin pour les non-valeurs de quelques unes des impositions.
L'Auteur ne fait ancune mention de la Capitation dont certainement la Province n'est point exempte, ainsi il est nécessaire de supleer à cette omission, en la fixant au moins à 450000 l. par an, ainsi il semble que tout ce qui se leve en Bourgogne, se peut reduire environ à 2400000 l. sans compter les secours extraordinaires que le Roi en a tiré par des suppressions, & creations de charges & d'offices, par des taxes particulieres de toute nature pour les dons gratuits & decimes du Clergé & par une infinité d'autres moyens sans compter le revenu ordinaire des Gabelles qui monte au moins à 1200000 l. L'Auteur ne parle point non plus des domaines que le Roi possede dans la Province, ni des fermes particulieres, du Tabac, du Papier marqué, du Controlle des Exploits, de la marque des Métaux, des Chapeaux, & en general de tous les droits qui lui sont attribuez par les déclarations nouvelles ; il ne parle pas même de ses forêts. Mais pour en revenir aux sommes qui sont ordonnées par les Etats, on a reconnu que l'imposition qui s'en pourroit faire sur les Paroisses seroit extremement onereuse aux peuples à cause du nombre des privilégiez *, c'est pourquoi on a eu recours aux crues du Sel, c'est à dire, à des augmentations sur le prix courant des Gabelles, & aux otrois de la Riviere de Saone, qui sont payez également par tout le monde ; le bail courant des otrois est de 212000 l. Les cruës de sel accordées à la Province peuvent monter année
Bour GO GNE.
commune à 280000 l. L'Auteur avoit omis en parlant des différens Officiers de la Province qu'il y a deux Receveurs généraux des finances pourvûs par le Roi, qui reçoivent ce qui est imposé en vertu des commissions de sa Majesté, & particulièrement le produit de la Bresse qui leur est remis par deux Receveurs des Tailles créez en titre d'office pour ce Païs-là. Une derniere observation à faire par rapport aux Etats de Bourgogne, est que connoissant de quelle conséquence la reparation des chemins est à la Province, à cause des degrademens subits qui y arrivent, qui rendroient inutiles les grandes dépenses faites pour les rétablir, s'ils étoient négligez, ils entretiennent un inspecteur commun à 1500 l. de gages, dont l'Emploi est de les parcourir incessamment, & d'en dresser un Etat certain pour connoître ce qu'il est besoin d'y faire en chaque saison.
Détail particulier de la Provice.
Après ce détail, qui est fort long & bien moins instructif qu'il auroit pû l'être, l'Auteur passe à la description de chaque baillage & commence par celui de Dijon. L'ordre qu'il fuit dans les uns & dans les autres, est de donner une idée de leur étendue & de leurs bornes, de la nature de leur terroir, des Rivieres, Ponts & chemins qui s'y trouvent, des Gentils-hommes qui y sont leur demeure & il finit par la description des Villes, dans laquelle il fait entrer les Eglises, les Monasteres & les Tribunaux, sans garder aucun ordre que celui que l'occasion lui présente.
Baillage de Dijon. Nature, & produit.
Le Baillage de Dijon, qui est au centre du Païs, contient environ 17 lieuës de longueur sur 10 à 12 de large ; mais en plusieurs endroits il n'en a que 6 ou 7. Ses bornes sont à l'Orient, le baillage d'Auxonne & la Franche-Comté –, au Midy, ceux de S. Jean de Laune, de Seurre & de Nuitz ; à l'Occident, le baillage d'Arnay-le-Duc, & partie de celui de Chatillon ; au Nord, l'autre partie du même baillage & la Champagne. Le terrain consiste presque tout entier en plaines, si ce n'est du côté d'Arnay & de Chatillon OÙ il y a quelques Montagnes. Les Plaines sont abondantes en toutes sortes de grains ; mais le canton, qui est arrosé par la Vigenne, est celui qui a le plus de réputation pour les blez. Le Baillage produit aussi beaucoup de vin dans un vignoble qui commence à demi-lieuë de Dijon, le long d'une colline éxposée a l'Orient & au Midy, laquelle continué depuis-là jusqu'en Provence. Les prairies qui sont le long des rivieres produisent quantité de soins ; mais aucuns ne sont d'une si bonne qualité que ceux de la riviere d'Ouche. Celle de Tille forme un grand marais entre les villages de Beire & de Genlis, qu'il feroit utile de dessêcher, & on le pourroit faire, ou en débouchant les canaux des rivieres qui sont sujettes a des débordemens, ou en creusant un autre lit à la Tille pour éviter les terres mouvantes où elle se perd. D'autres ont projetté d'ouvrir un canal de Dijon jusqu'à la Saône en passant à S. Jean de Laune, lequel consommeroit les eaux des rivieres d'Ouche, de Luzon & de la Tille. On a examiné la pente du terrain & l'on y en a trouvé autant qu'il seroit necessaire. La dépense couteroit 400000 l. mais le profit en seroit considérable pour donner du commerce a Dijon & dans tout son baillage, où il y a beaucoup plus de produit que de consommation.
Lois & Forges. Chemins,
Le Baillage de Dijon continent 207 Villages, non compris Fay, ^ Billot, Meuny, Marey & Bassencour qui sont enclavez dans la Champagne & éloignés de 20 lieuës : dans cette étendue il se trouve quantité de bois tant sutaye que taillis, mais ils ne sont propres qu'à brûler ; ce qui a donné occasion à rétablissement d'une quantité de forges pour en procurer la consommation. On en voiture aussi quelque peu par la Saone jusqu'à Lyon & furies bords du Rhône où il est rare. Il y a de plus un Moulin à Poudres & deux Papeteries ; mais le principal Commerce qui se fasse dans le baillage, roule sur les grains, les vins, le fer & le bois, dont les uns remontent vers le Nord & jusqu'à Paris, & les autres descendent à Lyon par la Saone, & sur les bestiaux qui sont achetez par les Francomtois & les Allemands. II y a 4 grands & principaux chemins dans ce baillage qui aboutissent aux 4 portes de Dijon. Celui de Paris est assez bien entretenu ; ce ui de Lyon n'est mauvais que dans l'espace d'une lieuë auprès de Nuys ; mais celui de an
Bou RGOGNE. – J
gres est très-fâcheux & a d'autant plus besoin d'être reparé que c'est par-là que se fait le principal débit du vin ; le chemin de Franche-comté passant par Auxonne est fort mauvais, Du reste, la plûpart des Ponts sont assez en bon état ; mais l'Auteur juge qu'il seroit très-nécessaire d'en construire un nouveau sur l'Ouches pour la communication de S. Jean de Laune avec Auxonne.
Benefices.
La plûpart des Bénéfices sont renfermez dans la Ville de Dijon. L'Auteur ne compté au dehors que les Minimes de Nôtre Dame qui ont 1500 l. de revenu ; les Feuillans de Fontaine qui en ont 2000 ; les Capucins d'Is sur Tille sur le chemin de Langres ; Le Prieur d'Espoisses de l'ordre de Grammont, & les Religieux de S. Antoine à Noyers qui ont 2000 l.
Noblesse du Pays.
Quant à la Noblesse de ce Baillage, l'Auteur y employe 1°. les Sieurs de Juligny de Saudaucour de la maison de Damas, qui a pris le nom de Juligny pour distinction du nom de Damas, distinguez par les Seigneuries de Saudaucour, Mozande, & Gormaillon, n'avoient point originairement les mêmes Emaux d'armes, que celles des Seigneurs de Marcilly & de Thianges, quoiqu'ils soient communement estimez d'une Noblesse également ancienne, & pourtant moins illustrée, mais sans aucune juste raison, qu'on leur impose le surnom de Damas Caffart, pour les rendre suspects de bâtardise ; 2°. Le Marquis de Thianges de la même maison a été élu de la Noblesse de Bourgogne, & a d'étroites liaisons d'alliance avec les Princes de la Maison Royale. Le Sieur de Cleron de Saffres s'attribua le nom d'une ancienne famille connue dès les premiers tems des Ducs, & de laquelle l'on prétend que S. Bernard est sorti ; son véritable nom est celui de Moisy. Le Sieur de Monman, du nom de Tevaré d'ancienne Noblesse, ils ont des soeurs à Remiremont. Le Comte du Colombier, du nom de Clugny, maison très-ancienne dont il y a des titres de l'an 1083. elle est divisée en trois branches. Le Sieur de Brebis de Longecour & son Cousin, Chevalier d'honneur de la Chambre des Comptes, sont de la premiere antiquité dans la Robe. Les Sieurs Valon Marquis de Minoures, Cirey de Magny, & Cirey de Jesland, Commeau de Créance, Lieutenant de Roi de Lautunois Bassin, Morelay de Couchey, Morot de Gressigny, des Barres, fils de la Dame de S. Min & de Cussy, sont tous sortis d'Officiers du Parlement, ou de la Chambre des Comptes. Les Sieurs du Marche Colin, sont aussi de bonne famille de Robe. Les Sieurs Pellissis de Tournan de bonne Noblesse. Les Sieurs Millolet, de Villy, & de Theseu Ragy, sont aussi sortis de la Robe. Les Sieurs Barbier, d'entre deux Monts, & du Mouchel de la Beluze, sont maintenus en leur Noblesse par arrêt. Les Sieurs de Fresaus sont de bonne Noblesse originaires de Comtes. Le Sieur de Curalles d'ancienne Noblesse connue du tems des premiers Ducs. Les Sieurs d'Escutigny, sont fils d'un Greffier en chef du Parlement. Les Sieurs Marissot, de la Mare, & Palluan annoblis en 1585. Les Sieurs Tabourot, de Veronne, descendans d'un Secrétaire du Roi vivant en 1553, & reputez nobles, quoique les Offices de Chancellerie ne donnassent aucun privilege en ce tems-là. Les Sieurs Millore, d'Aiseray, Fevres, de Verray, Petit, Massol, de Serville & de la Barre, sont sortis de la Chambre des Comptes. Le Sieur le Goust Morin, de même famille qu'un Président-à-mortier du Parlement.
Inscription de Dijon.
Dijon capitale de la Province & du Baillage est ancienne, si elle doit, comme ¥ Auteur l'avance, son premier établissement aux Romains, mais il dit que ce n'étoit qu'un Château, bâti pour assurer la communication d'Autun, avec la ville de Langres ; la beauté & la fertilité de son territoire a fait multiplier les habitans, de sorte que son enceinte s'étant accrue insensiblement, elle se trouve à présent d'une heure entiere de chemin ; sa situation est dans une belle plaine, sur les Rivieres d'Ouches & de Suson, & ses abords ont été rendus parfaitement agréables par quantité de plants d'Arbres, & l'on y voit un cours très-spacieux sur le chemin d'Auxonne, ses murs sont beaux & accompagnez de douze gros bastions, avec un fossé à fonds de Cuve couvert au Midi par un Fer à che-
BOU GOGNE
val qui défend l'entrée de la ville de ce côté-là ; le Château, de figure quarrée, flanque . grosses Tours, & deux ouvrages en fer à cheval, l'un au dehors, & l'autre plus petit du côté de la ville, est situé au Nord & augmente les fortifications de cette partie.
Son Histoire.
Dijon a toûjours été du Diocèse de Langres, mais les Evêques en avoient de plus la Seigneurie temporelle à juste titre, s'il est vrai, comme le dit Grégoire de Tours, qu'ils en soient les fondateurs, toutefois il paroît que dans le 10e. Siecle, il y avoit des Comptes particuliers de Dijon, & qu'entrautres le celebre Othe Guillaume en a porté le titre, cependantl'onne fauroit dire qu'ils en eussent du tems des Evêques de Langres, puis que Robert Duc de Bourgogne chef de la premiere race n'acquit la proprieté de la Ville ou Château de Dijon, que par un traité qu'il fit avec l'Evêque Lambert depuis cette acquisition ; on n'a plus connu d'autres Seigneurs particuliers dans cette Ville, que les Vicomtes qui ont continué jusqu'au Regne de Robert II, lequel acquit la Vicomté de Guillaume de Pontalier, & la remit aux Maire & Echevins de cette Ville en 1284. c'est en conséquence de cette remise que le corps de ville a droit de Justice & de Police dans son ressort.
Ses Eglises. S. Etienne. S. Benigne.
L'on compte 33 Eglises dans la Ville, dont il y a 4 Abbayes, deux d'hommes & deux. de filles, celle de S. Etienne, qui étoit premièrement une Collegiale, reçût des Religieux en l'an 1116 à l'occasion de quelques-uns de ces Chanoines qui embrasserent la Regularité, au lieu de Pasigny, & qui furent rapelez à S. Etienne, mais en 1611. le Pape Paul V. la rendit de nouveau Seculiere en conservant le titre d'Abbé, & y établit 3 dignitez, 12 Chanoines, 6 Chapelains, un Sacristin, & quatre Enfans ; l'Abbé est Collecteur de tous les bénéfices dependans de cette Eglise, & entr'autres de 5 Cures de la Ville ; il a aussi droit de Justice dans l'enclos de l'Abbaye, l'Abbé Fiot y a établi depuis peu un Séminaire* S. Benigne, Ordre de S. Benoît, congrégation de S. Maur, est l'une des anciennes Abbayes du Royaume, & fait remonter sa fondation en 425. mais il est plus probable de la placer en 514. puis que ce fut l'ouvrage de S. Grégoire Evêque de Langres, l'Abbé en tire 10 à 12000 l. & les Religieux, au nombre de 20, en ont au moins 20000. à cause des Offices claustraux, qu'ils ont réuni ; l'on voit dans le Cloître de cette maison le tombeau d'Othe Guillaume, qualifié Duc de Bourgogne, avec lequel le Roi Robert transigea l'an 1001, & dans l'Eglise, celui de Ladislas, Roi de Pologne, qui mourut à Strasbourg & voulut être inhumé à S. Benigne, où il avoit été Religieux.
S. Chapele. Chatelainies. Chapelle au Riche. S. Jean.
Les Chapîtres de la Ville sont au nombre de trois, outre celui de S. Etienne, celui de la S. Chapelle, fondée en 1172. par Hugues III. Duc de Bourgogne, est composé de trois dignitez, & 24 Châtelainies, qui jouissent de 15 à 16000 l. de rente, il n'y a rien de singulier dans cette Eglise, que les armes des Chevaliers de la Toison d'or, qui y tinrent leur Chapitre en 1436. à l'occasion de la naissance de Charles depuis Duc de Bourgogne ; on y conserve une Hostie miraculeuse, que l'on prétend avoir versé du Sang, c'est un présent du Duc Philippe le Bon, qui est à présent enfermé dans un Coffre d'or, qui fut donné par le Duc d'Epernon, Gouverneur de la Province, & vaut 10000 l. le Vase dans lequel on l'éxpose à la veneration du Peuple, est aussi d'or & pese 51 Marcs, il est couronné de la Couronne que Louïs XI. porta le jour de son Sacre. Le second Chapitre est celui de la Chapelle au Riche ainsi nommé de son fondateur Dominique le Riche, qui la fit bâtir en 1195. au voisinage d'un Hôpital qu'il avoit aussi fondé, il y établit un Doyen & 6 Chanoines, qui ont 1400 l. de revenu. Enfin le dernier Chapitre est celui de S. Jean composé d'un Doyen & 11 Chanoines.
Eglises, Hôpitaux & Couvents.
Les autres Eglises de la Ville, sont les Pairies au nombre de sept, y compris celle de S. Jean, îa commanderie de Malthe, qui a 2700 l. de revenu ; l'Hôpital du S. Esprit fondé par le Duc Eudes III. pour les Enfans exposez qui y sont en grand nombre ; l'Hôpital de la Charité, fondé en 1502, où l'on retire plus de 500 Pauvres, qui sont servis par une communauté de 20 Filles, cette maison peut avoir 17000 l. de revenu, & en depense ordinairement 40000 l. des fonds de charité, & des legs pieux qui lui sont donnez. La
BOURGONE.
Chartreuse, fondée par le Duc Philippe Hardy pour 24 Religieux & 5 Lais, on y voit le tombeau du Fondateur, du Duc Jean son Fils, & de Marguerite de Barrière sa Femme, ils sont d'un goût tout à fait Gotique, & toutefois l'ouvrage en est beau &, delicat, les Statues quoique peu correctement dessignées, ont un air vivant dificile à attraper aux ouvriers de ce tems. L'Eglise des Jacobins & le Monastere ont été fondez en 1237. par Alix de Vergy, Duchesse regente de Bourgogne pendant la minorité de son fils Hugues IV. pour 21 Religieux, & 4 Freres ; ils n'ont que 3000 l. de revenu ; c'est en cette maison que les habitans s'assemblent pour l'Election du Maire, le Convent des Cordeliers a été bâti en 1243. par Hugues IV. pour 28 Religieux ils n'ont que 25701. de rente ; c'est dans leur Refectoire que s'assembloient autrefois les Etats de la Province, & les 3 corps qui la composent y avoient aussi leurs Chambres particulières ; les Carmes, au nombre de 25, ont 2000 l. de revenu.
Jésuites.
Les Jesuites doivent leur établissement à Dijon, à Odivet Gaudran Président du Parlement, qui les institua ses Heritiers, & fonda un College pour toutes les Classes jusqu'à la Philosophie inclusivement. Pierre Odebert, autre Président, y a ajouté en 1648. la fondation de 4 Chaires de Théologie, de forte qu'ils ont à présent 13 à 14000 l. de rente, pour un Recteur, 30 Peres, & 6 Freres ; Les Minimes établis en 1559. ont 3000 l. pour 15 Religieux, & 4 freres. Les Capucins, qui ont été bâtis en 1602. sont au nombre de 46. Les Peres de l'Oratoire au nombre de 12 ont 25561. de revenu ; l'Evêque de Langres leur a confié la conduite du Séminaire qu'il a établi à Dijon, dans une maison voisine de la leur. Les Peres de la Mission reçus à Dijon depuis 15 à 16 ans, sont au nombre de 3, ils sont des Missions très-utiles à la Champagne.
Abbaye de Filles. Abbaye da Tard.
Al'égard des Monasteres de filles, l'Auteur les raporte confusément en la maniere fuivante ; les Carmélites établis à Dijon l'an 1605. par l'une des principales Compagnes de S. Therese nommée Anne de Jesus, de la maison de Lobere, sont au nombre de 33, & ont 3000 l. de rente. Les Ursulines, dont l'Etablissement a commencé à Dijon par l'Union de 3 Filles devotes qui se devouërent à l'instruction des Jeunes Filles, sont à present au nombre de 56, & l'on juge qu'elles ont au moins 40000 l. de rente, mais elles observent soigneusement de garder un profond secret sur cet article. Les Jacobines, au nombre de 47, ont 7000 l. Les Filles de Ste. Marie établies en 1622. doivent les commencemens à Madame de Chantal, si connue par ses liaisons avec S. François de Sales, elles sont à présent au nombre de 58, & ont 5000 l. de revenu, la fondation en a été faite par une famille de Dijon, du nom de Fremiot, qui étoit celui de Madame de Chantal. Les Bernardines se sont etablies à Dijon en 1613. & elles y sont venues de l'Abbaye du Tard qui fut transférée en cette ville par les soins de l'Evêque de Langres ; Sebastien Zamet est de l'Abbé de Cîteaux sur les Abbayes d'hommes, l'on y tenoit des Chapitres généraux des Abbesses, mais cette Jurisdiction est éteinte depuis long tems, les Religieuses au nombre de 30 ont 6000 l. de rente. Les Dames de S. Julien, de l'ordre de S. Benoît, n'étoient autrefois qu'un simple Prieuré établi dans le Charolois, qui fut transféré à Autun par le consentement de son Evêque, mais ayant dans la fuite observé l'union de l'Abbaye de Rougemont à leur Monastere, qui étoit du Dioceze de Langres elles se sont trouvées obligées de venir demeurer dans le Diocèse & se sont établies à Dijon ; l'Abbesse est à la nomination du Roi, & la Maison de 4000 l. de revenu, la communauté du Refuge est de 68 personnes dont il y en a 6 Penitentes, & le reste Religieuses. Celles du bon Pasteur, est destinée à renfermer les filles debauchées, & condamnées à cette peine par l'autorité des juges. L'Hôpital de S. Anne avoit été fondé & établi par le Président Odebert, dans celui de la Charité pour l'Education des filles orphelines, mais ses heritiers qui sont aussi les administrateurs de cet Hôpital, l'ont transferé dans la ville, on y éléve jusqu'à 200 filles, il y a 40000 l. de revenu. Enfin
& en dernier lieu, il y a une communauté sous le nom de S. Marthe, dont l'institut est de servir de retraite aux Veuves, elles enseignent les jeunes filles, selon la methode des Urselines.
Lieux Publics. Palais de la Justice.
Après ce detail des Maisons Religieuses l'Auteur traite des lieux Publics, & premiérement de la maison du Roi qui étoit autrefois celle des Ducs, & qu'il dit avoir été depuis peu un peu augmentée de 3 Sales magnifiques lesquelles répondent à une ancienne qui est fort grande, celle-ci a son entrée dans la place par un grand Escalier à 2 Rampes, & le logement est destiné à l'assemblée des Etats, la place Royale qui y répond est fort spacieuse & Percée de plusieurs ruës, dont l'une conduit au Palais, où se tient le Parlement ; Louïs XII. y fit bâtir la Sale de l'Audience & Charles IX. la grand' Sale avec le vestibule ; on trouve dans le fonds des appartemens destinez à la Chancellerie. Le Parlement de Bourgogne fut creé parle Roi LouïsXI. en 1478. pour tenir lieu des jours generaux établis à Baune, & à S. Laurent près Chalons par les derniers Ducs pour rendre la justice à leurs sujets, ce même Roi leur avoit attribué, dès qu'il fut en possession de la Bourgogne, le droit de juger souverainement, car avant lui les appellations en étoient portées au Parlement de Paris. Celui de Dijon dans l'état présent est composé de 4 Chambres ; la grand' Chambre ; la Tournelle ; les Enquêtes ; & les Requêtes, & le Corps entier de dix Présidons-à-Mortier, deux Chevaliers d'honneur, 70 Conseillers, 2 Avocats généraux, un Procureur général, 2 Greffiers en chef, 8 Secrétaires, 8 Substituts, 5 Commis Greffiers, un Receveur des Epices, un des Consignations, un autre des Amendes, un Commissaire aux Saisies réelles, un Commis garde Sacs & aux affirmations ; 4 Commis au Connêtable & Clercs du Greffe ; deux Greffiers en chef des requêtes ; trois payeurs des gages, 90 Procureurs, 15 Huissiers du Parlement & 6 des requêtes.
Chancellerie.
La Chancellerie a un Garde des Seaux, Conseiller au Parlement, 12 Secrétaires du Roi, 2 Chauffecire, 3 Referandaires & 8 Huissiers. Les Presidens-à-Mortier, sont distribuez suivant l'ordre de leur reception, savoir, 4 en grand Chambre, y compris le premier ; 4 en Tournelle, qui est tenue par le plus ancien du Parlement ; & deux aux Enquêtes, tous les Conseillers roulent dans toutes les Chambres, il n'y a que leur Doyen qui soit fixe en la premiere, les Evêques d'Autun & de Châlons, les Abbez de S. Benigne, & de S. Etienne, ont entrée au Parlement, comme Conseillers d'honneur, mais l'Abbé de Cisteaux prend la qualité de premier Conseiller, & dans le rang il a Seance au dessus du Doyen. Quant à la Chambre des Comptes, il paroit par les titres que les Ducs de Bourgogne en ont eu, dans tous les tems, & que leur Chancelier en étoit le chef, on voit aussi que les Prélats & grands Officiers y assistoient avec les Maires & les Auditeurs ; le corps est à présent composé de 8 Présidens, compris le premier, 3 Chevaliers d'honneur, 28 Maîtres, 9 Correcteurs, 12 Auditeurs, un Procureur, & deux Avocats généraux, deux Greffiers en chef, 6 Substituts, un Receveur des Epices, un garde des Livres, un Concierge, 12 Huissiers & six Procureurs ; les Comptables de cette Chambre, sont les Receveurs & Controlleurs du Taillon ; Les Receveurs & Conseillers du Domaine des Rois, les Trésoriers & Conseillers des Réparations & Fortifications.
Bureau des Finances.
Le Bureau des finances est composé de 24 Trésoriers de France dont les deux plus anciens ont la qualité de Président, un Avocat & un Procureur du Roi, un substitut, 3 Greffiers en chef, un Receveur des Epices, deux payeurs des gages, un Concierge & six Huissiers. Sa jurisdiction s'étend sur la Bourgogne & sur la Bresse, & dans les Cérémonies publiques, les Trésoriers sont corps avec la Chambre des Comptes ; mais dans les Etats Généraux, ils ont seuls le droit d'en faire l'ouverture.
Baillage & Présidial.
lage de Dijon a été erigé en Présidial par édit du mois de Janv. 1696, & se trouve à présent composé d'un Baillage d'Epée, de deux Présidens, un Lieutenant Généra lj Civil & Criminel, 2 Lieutenans particuliers, un du Baillage, l'autre de la Cha-
cellerie, i.o Conseillers, 22 Procureurs, 6 Huissiers Audianciers, 30 Sergens Royaux & 28 Notaires. Les autres Jurisdictions de cette Ville, sont la Marechaussée composée d'un grand Prévôt, de son Lieutenant, Greffier, Conseiller & Commissaire aux revenus. La Table de Marbre, composée d'un grand Maître des Eaux & Forets, d'un Lieutenant General & 4 Conseillers, un Avocat & un Procureur du Roi, un Greffier & un Receveur des Amendes, deux Arpenteurs & 13 Huissiers. La Maîtrise est composée du Maître particulier, de son Lieutenant, d'un Procureur du Roi, 2 Essayeurs, un Changeur, un Réformateur, un Conseiller & plusieurs Ouvriers pour travailler au change des Espèces. Le Grenier à Sel a un Président, 2 Grenetiers* 2 Conseillers, un Procureur du Roi, un Receveur en titre, un Greffier & 3 Huissiers. La Jurisdiction des Marques des Cuirs... est composée d'un Juge, d'un Procureur du Roi & 2 Greffiers.
Officilialité.
Outre ce nombre prodigieux d'Officiers Royaux, qui remplissent la Ville de Dijon, il y a encore de différentes Justices, qui ont les leurs particulieres. Celles de S. Benigne & de S. Etienne ont un Procureur d'Office, un Bailly, un Substitut, un Greffier Sergent ; celles de la Ste. Chapelle, un Bailly, un Procureur d'Office & un Greffier. Il y a de plus deux Justices Ecclésiastiques, l'Officilialité du Diocèse de Langres & celle de la Ste. Chapelle, toutes deux composées d'un Grand Vicaire Officinal, d'un Promoteur, un Greffier & un Appariteur.
Consulats, Corps de Ville.
Quant aux Juridictions particulières de la Ville, elles se réduisent au Consulat d'une part, qui n'est point différent de celui des autres places du Royaume, & de l'autre au Corps de Ville, composé d'un Maire, fix Echevins, un Procureur Syndic, un Receve un Greffier, deux Prud'hommes, un Capitaine des Murailles, six Avocats Conseillers de Ville, fix Lieutenans du Maire, un Voyer, un Juré Egaudilleur, Marqueur des poids & mesures, un Collecteur des Tailles & 18 Sergens. Le Maire prend le titre de Vicomte Mayeur. II est Juge Civil & Criminel & de toutes matieres de police en premiere instance. Il est Capitaine des Armes & comme tel commande les cinq quartiers de la Ville & les Compagnons de chacun d'eux. Les Deniers patrimoniaux de la Ville de Dijon furent évaluez en 1678, par arrêt du Conseil, à 51451. de revenu, & la fixation des Charges a été jugée pareille. Depuis cela le Roi lui a accordé quelques deniers doctroi pour l'acquis de plusieurs charges & taxes reglées par divers arrêts du Conseil, lesquelles ont été ajugées pour en commencer la jouissance au premier de l'an 1698, à 97500 l. savoir 33500 pour l'octroi des farines & 54000 pour les autres octrois, par autre arrêt du 21 Janv. 1698. Le Roi en a encore accordé de nouveaux pour l'établissiment de 600 Lanternes dans la Ville.
Mais par dessus tout cela il y a encore dans la Ville des Officiers pourvûs du Roi, savoir trois Banquiers expéditionnaires en Cour de Rome, deux Receveurs des- Impositions du Baillage, trois Receveurs des Decimes, un Medicin du Roi, neuf experts Priseurs & Arpenteurs jurez, & deux Greffiers de l'écritoire : tous ces differens Officiers sont au nombre de 726 personnes, parmi lesquelles il y en a plusieurs qui possedent plusieurs charges ensemble ; on compte dans tout le Baillage 218 nouveaux convertis.
Le Baillage de Beaune confine à l'Orient & au Nord à celui de Puis, au Midi à celui de Châlons, & à l'Occident à ceux d'Autun & de Montcenis, il n'est pas fort étendu, mais son terrain consiste, partie en plaine & partie en costeaux ; il y a des Vignobles de grande reputation, la plaine renferme d'assez grands bois, & il n'y a point de Village dans toute l'étenduë, qui n'ait des terres de communautez, pour le pasturage des bestiaux, avantage qu'ils ont cherement payé dans les derniers tems, il s'y trouve de la Mine de Fer en deux endroits, mais le plus grand commerce qui s'y fasse est celui des vins particulièrement de ceux que l'on nomme de l'arriere Coste, parce qu'il y a deux filets de costeaux exposez au Sud-Est ; le premier Costeau est composé de 15 Paroisses, dont
B ouRGOGN
le vin est plus estimé, l'Auteur prétend avec raison, que comme le principal commerce E. ce Baillage roule sur le débit des vins, on n'y sauroit avoir trop d'attention à la réparation des chemins ; dans cette vûë il indique les endroits les plus facheux où il seroit necessaire de faire quelques depenses actuelles, soit pour paver, soit pour construire de nouveaux Ponts, il dit aussi qu'il passe à Beaune une Riviere nommée la Bourgeoise, dont la source n'en est éloignée que d'un quart de lieuë, laquelle il seroit facile de rendre navigable pour peu d'argent, ce qui seroit d'une grande utilité au Baillage, parce qu'elle se decharge dans la Saone, sinon pour le commerce des vins qui ne prennent gueres cette route, du moins pour celui de toutes les autres denrées.
Ses Benefices.
Il n'y a d'autres Abbaye ? dans ce Canton que celle de Ste. Marguerite où il ne reste plus de Religieux, elle vaut 2400 l. & l'Abbé qui la fait desservir par un Prêtre gagé ; on y compte 77 Cures qui sont toutes du Dioceze d'Autun, & deux Hôpitaux, l'un, à Ponnuard & l'autre à Meurevant.
Noblesse.
Quant à la Noblesse l'Auteur y compte 15 Gentils-hommes, sçavoir, les Sieurs de Rouvray & de Chardenay, d'ancienne Noblesse, le Sieur Bataille de Mandelon, dont la famille est de la premiere institution du Parlement & le seul qui en reste ; le Sieur de Riolet de Morteuil ; le Sieur de Sommaise ; le Sieur de Sommaise de Bousé de la même famille ; le Sieur Richard Vicomte de Neuf blanc, & un autre de même nom son Parent ; le Sieur Royer de Lusigny fils du feu Sieur de Micaud connu par ses longs services ; le Sieur de Lesval S. Martin Originaire de Guyenne ; le Sieur Blondeau de Bussy, & le Sieur de la Mare, tous deux de famille de Robbe ; le Sieur de S. Martin d'Agemours originaire du Comté ; les Sieurs Montessus, de Cullestre & de Revilly, de Noblesse ancienne, & le Sieur Barbet de Mailly, de la famille duquel il a été parlé en l'article de la Noblesse du Baillage de Dijon ; on compte dans ce Baillage, une Chastelainie, & une Prévôté Royale, deux Marquisats, une Baronie, 74 Seigneuries & seulement 22 fiefs, il est à observer que ces fiefs n'ont point de justice.
Description de la ville de Beaune.
– Quant à la Ville de Beaune, que rien ne rend plus recommendable que ses bons vins, elle est assise dans une plaine, enclose d'un bon Mur avec de très-beaux fossez, & fortifiée de quatre grands Bastions, deux revetus, & six redouttes revêtues ; son Circuit est de 780 Toises sans comprendre les fauxbourgs, au bout de l'un desquels il y a une Chartreuse bien moins accommodée que celle de Dijon, mais aussi qui n'a été sondée que pour 12 Religieux par le Duc Eudes III. La Commanderie de Malthe qui est en cette Ville est bien plus considerable, puis qu'elle vaut 7000 l. de rente, il y a aussi une Collegiale composée de trois dignitez & 26 Canonicats, & deux Hôpitaux, dont l'un qui est destiné pour les malades a été fondé en 1443. par Nicolas Raulin Chancelier du Duc Philippe le Bon au droit duquel la famille de Pernes Espinasse en a l'administration en qualité d'heritiers ou representans de ce Chancelier, & neuf Couvents, desquels il y en a cinq de filles. Le Corps de Ville est considérable, & a l'attribution de toute la Justice civile & criminelle par titre de l'an 1203 ; les Octrois de la Ville montent à 5120 l. & ont été accordez assez nouvellement pour le payement des taxes & pour les rachapts des Offices créez pendant la guerre.
Le Baillage de Nuits est d'une étenduë considérable ayant neuf lieuës de long sur 4 de large, l'Auteur n'en donne point les bornes, mais l'on sçait qu'il confine au Baillage de Dijon vers le Nord, & à celui de Beaune au Midi ; le principal commerce qui sy fait est celui des vins, que l'on transporte à Paris, en Flandres & en Lorraine, celui des bleds qui se portent du côté de Lyon est bien moins important. La Saône arrose une des Extremitez de ce Baillage sans lui procurer aucune utilité réelle, parce que le commerce des vins se fait directement du côté opposé à son Cours ; il y a d'ailleurs quantité de mauvais Chemins, & de Ponts sur des Ruisseaux ou petites Rivieres, qu'il est absolu-
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ment nécessaire de reparer, non seulement pour l'avantage du Commerce, mais pouf faciliter la route des Troupes, il se trouve quantité de bois & forêts dans ce Baillage, qui appartiennent la plûpart au Roi & à l'Abbaye de Cîteaux, il y a aussi 5 mines de Fer. L'Auteur ayant compris la Noblesse de ce Baillage dans celui de Dijon, passe d'abord au detail des Benefices, & il y compte deux Abbayes, Cîteaux chef d'ordre à 4 lieuës de Dijon à deux de S. Jean de Laune, de laquelle l'Abbé est Electif & régulier, il y a ordinarement 36 Religieux de Choeur & 6 freres Convers, dans cette maison le revenu est de 53000 l. mais les charges en sont fort grandes, sur tout par l'abord des Etrangers, elle fut fondée en l'an 1098. par Robert Abbé de Molesme, en partie des liberalitez d'Eudes premier Duc de Bourgogne ; S. Bernard IV. Pape, & plusieurs Cardinaux en sont sortis, on y voit sous le Porche de l'Eglise les Tombeaux des Ducs de la premiere race* & entPautres celui d'Alix de Vergy veuve du Duc Eudes III. L'autre Abbaye de ce Baillage est celle de Molese de filles, du même Ordre, où il y a 26 Religieuses qui n'ont que 2000 l. de revenu. Les autres Bénéfices sont, le Prieuré de S. Vincent de l'Ordre de Cluny, dont le Prieur qui prend la qualité de grand Doyen de Cluny a 4000 l. de revenu, c'est un Benefice à simple Tonsure, qui nourrit aussi 4 anciens Religieux, lesquels ont leur revenu particulier. Le Prieuré de Palluau, qui vaut 3000 l. & 41 Cures desquelles il y en a 29 du Dioceze d'Auturi, 11 de celui de Chalons, & une de celui de Langres. On ne compte que neuf on dix fiefs dans ce Baillage, une Chastelainie Royale à Argilly ; une Prévôté k *l'Abergement, & 39 Seigneuries.
Description de la Ville de Nuits.
Quant à la Ville de Nuits, c'est un très-petit lieu* qui ne comprend que 130 Maisons dans un circuit fort ferré, elle est située au pied d'une Montagne stérile, sur le grand chemin de Dijon à Beaune, & rien ne la rend si recommandable que ses vins, le Domaine en appartient aux Princes de Conti engagiste* & en cette qualité il y nomme un Gouverneur ; la principale Eglise est la Collégiale de S. Denis, c'étoit autrefois une Paroisse qui fut cedée aux Chanoines fondez dans le Château de Vergy, lors qu'il fut demoli par les ordres de Henry IV, après qu'il eut éteint les derniers restes de la ligne* les Habitans de Nuits leur accorderent non seulement cette Eglise, mais six maisons dans sa proximité & 2000 l. pour en acheter d'autres ou les louer ; le Chapître est composé d'un Doyen & de 16 Chanoines qui ont chacun 300 l. de revenu, le Doyen en a le double, il n'y a presque point de gros, & tout leur revenu consiste en distributions, ce qui est une singularité remarquable ; les Ursulines y ont un Convent de 4000 l. de revenu, les Capucins un hospice ; l'Hôpital des Malades à 6000 l. Cette Ville est le Siége d'un Baillage Royal, il y a aussi Prévôté Royale & un Grenier-à-Sel, le Corps de Ville connoit de la Justice & Police dans la Banlieuë & dans le Village de Charmois, dont il s'est réputé Seigneur ; ses Charges ont été liquidées à 1404 l. & comme ses revenus ne suffisoient pas pour les acquitter, ni pour payer les nouvelles Taxes, & les Charges de nouvelle création imposées sur la communauté, il leur a été accordé des droits sur le vin, le blé & la viande qui produisent 1800 l, L'Auteur dit que les Habitans de ce lieu ne manquent pas d'industrie & qu'ils combattent leur pauvreté par beaucoup d'action.
Baillage de S. Jean de Laune.
Le Baillage de S. Jean de Laune se termine à la Franche-Comté à l'Orient, à ceux de Nuiz & de Dijon à l'Occident, à celui d'Auxonne au Nord & à celui de Châlons au M dy. Tout son terroir, qui est gras & fertile, n'est employé qu'au rapport des grains. On n'y voit presque point de bois & très-peu de Vignes, mais les Prairies qui règnent le long de la Saône sont très-belles & d'un extrrème rapport. Toutefois cet avantage de la fertilité est combattu de l'incommodité du Terrain, lequel se trouvant par tout extrêmement bas, rend les chemins tout à fait impraticables dans la mauvaise saison. L'Auteur croit que comme les réparations en seroient trop considérables, il seroit à propos de changer les grandes routes suivant un plan qu'il propose dans la feule vûë d'épargner de
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grands fraix à la Province. La Saône est la feule riviere navigable qui passe dans ce baillage, L'Ousche qui vient de Dijon & la Vouge qui vient de Cîteaux y coulent aussi remplissant le Terrain d'une humidité très-profitable aux Semences, mais très-incommode pour le Commerce.
II n'y a d'autres Bénéfices en ce Canton que le Prieuré de Latine uni à celui de S. Vin. cent près Nuiz, dans lequel résident 3 Religieux de l'ancienne règle de Cluny, qui jouïssent de 800 l. de revenu. Le Prieur a un Official pour un assez grand nombre de Paroisses qui dépendent de sa conduite dans la Duché & la Comté. On y comte aussi 9 Cures, dont 8 dépendent de Châlons & la 9e. de Bezançon. A l'égard de la Noblesse elle a été confonduë par l'Auteur dans le Baillage de Dijon, où elle comparoit pour la convocation de l'Arriere-ban. Il dit seulement par rapport aux Terres que l'on y compte, deux Baronies, une Chatelainie RoyalF, 9 Seigneuries & 5 ou 6 Fiefs ; mais selon sa mauvaise méthode il ne nomme ni les uns ni les autres.
La Ville de S. Jean de Laune est située sur la Saône, 3 lieuës au dessous d'Auxonne & pareillement 3 lieuës au dessus de Seurre, dite Bellegarde, & à 5 lieuës de Dijon dans un terrain fort bas. Comme elle étoit frontière avant la Conquête de la Franche-Comté, on-a eu dessein de la fortifier, mais jamais les travaux n'en ont été portez à la perfection. Elle a 1700 pas de circuit & contient une Paroisse : des Religieux Carmes, qui tiennent le Collège, ont 15000 l. des Ursulines qui ont 3000 l. & un Hôpital du même institut que celui de Beaune. Le Corps de Ville y a jurisdiction civile & criminelle qui ressortit au Baillage. Cette place soutint en 1636, un siège très-mémorable contre l'armée de l'Empereur commandée par le General... La fidelité & le courage des Habitans furent récompensez par le Roi Louis XIII. d'une éxemption perpétuelle de la Taille & la permission d'acquérir des fiefs à l'instar de la Noblesse. Les Deniers patrimoniaux sont de 2500 l. de revenu, mais comme ils ont peine à suffire aux charges, lors que la Ville a été taxée au payment de certaines sommes ou à l'achapt de quelques offices, on lui a accordé l'augmentation des droits qu'elle levoit sur la navigation de la Saone & sur les denrées. On ne fait en ce baillage d'autre commerce que celui des blez.
Le Baillage d'Auxonne. Description de la ville d'Auxonne.
Le Baillage d'Auxonne à quatre lieuës de large & de long, il confine à la FrancheComté du côté d'Orient & du Septentrion, au Baillage de Dijon ; à l'Occident & au Midi, au Baillage Seigneurial du Marquisat de Ferriere, il contient 20 Paroisses, dont tout le terrain est extremement bas & humide, les bois y viennent parfaitement ; la Forêt de Liane, qui appartient au Roi est singuliere pour la beauté de ses Armes, qui sont d'une grande utilité pour les trains d'Artillerie ; il n'y a point de bon vin, & les foins n'y sont pas non plus de bonne qualité, parce qu'ils se sentent trop du Marécage ; tout le commerce y roule sur les grains, soit ceux qu'on y voiture de Bassigny, pour faire transporter à Lyon. Les Bénéfices de ce Baillage se reduisent à deux Prieurez, Pontallier qui vaut 900 l. au Prieur, & 600. à deux Religieux ; & S. Sauveur qui en vaut 1400. on y compte 28 Cures, 13 du Dioceze de Besançon, 7 de Langres & 8 de Chalons. La Noblesse de ce Canton consiste au Sieur de Parade Seigneur de Balaisseau, Lieutenant de Roi & Commandant d'Auxonne ; au Sieur Marquis de Pluvault, Maître de la garderobe du Duc d'Orléans, du nom de Boyer Champleux, originaire de Dijon ; le Marquis de Tavannes du nom de Saux, petit-fils d'un Maréchal de France ; Lessier de Montessut Bellevesure d'ancienne Noblesse ; on compte de plus les Sieurs de Moutel & Pignet. Le Baillage contient deux Marquisats, deux Baronies, une Chatelainie Royale, 43 Seigneuries & 4 ou 5 fiefs. La Ville d'Auxonne est située sur la Riviere de Saone, entre les deux Bourgognes, dans une plaine fort égale & accompagnée de plusieurs fortifications, le Pont qu'elle a sur la Riviere & qui donne entrée dans la Comté, est suivie d'une chaussée d'une lieuë, que Marguerite de Bavière Duchesse de Bourgogne fit revêtir de Parapets des deux côtez ; il y a lieu de juger que cette ville est fort ancienne ; elle a eu
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ses Seigneurs particuliers, Souverains & independans des deux Bourgognes, quoi que LA Comté en ait toûjours prétendu l'homage, il paroit par divers Monumens qu'ils ont donne naissance a la maison de Vienne, les derniers Comtes d'Auxonne furent Jean & Etienne dits de Châlons, qui la vendirent, ou plûtôt changerent avec la Duchesse de Bourgogne Alix de Vergy regente, contre differentes terres qu'elle avoit en Franche-Comté ; les Couvents de la Ville au nombre de trois sont les Capucins, & les filles de Ste. Claire bâties en 1412. par Ste. Collette des liberalitez de Guillaume de Vienne & de S. George ; & les Ursulines ; on y voit aussi un Hôpital qui est pauvre & d'une vilaine construction, le Château d'Auxonne flanqué de six grosses tours est l'ouvrage des Rois Louis XI, Charles VIII. & Louis XII la ville étoit fermée d'une double muraille jointe par une couverture de tuiles & d'un large fossé ; on y construisit en 1673. huit Bastions révêtus, quelques demi-lunes & une contre-garde avec un chemin couvert ; les juridictions sont, le Baillage, la Mairie établie en 1363. par le Roi Jean, le Grenier à Sel & le Consulat ; les charges ordinaires de la ville, sont reglées à 3366 l. pour l'aquit desquelles il y a des deniers patrimoniaux, qui ont été augmentez de divers droits pour le payement des taxes & des offices de nouvelle creation.
Le Baillage d Autun est fort étendu, contenant 14 ou 15 lieuës de longueur sur 7 à 8 de largeur, il confine à l'Orient à celui de Beaune, à l'Occident au Charolois, au Midi au Baillage de Montcenis, & au Nord à celui de Saulieu ; le terroir est presque par tout extremement stérile & aride ; les bois qui en occupent les deux tiers n'y sont d'aucune valeur n'ayant point de Debit ; les Montagnes y sont rudes & incultes sans aucuns vignobles, ainsi le Païs seroit fort miserable comme il l'est en effet, si les peuples n'avoient quelques ressources dans leurs bestiaux qu'ils élèvent & engraissent en quantité, l'on n'y receuille des bleds qu'autant qu'il en faut pour nourrir les habitans, & cependant ils y sont à si vil prix que ceux dont le revenu ne consiste qu'en grains sont obligez de les garder long tems n'en trouvant aucun débit ; la raison sensible est l'éloignement des Rivieres, qui prive le Païs de tout commerce au dehors : Il s'y trouve deux Mines de Fer & une autre de Plomb, que l'on prétend être mêlée d'Argent, laquelle est à la porte d'Autun, on a travaillé aux unes & aux autres, & enfin on les a abandonnées, parce que la dépense qu'elles éxigoient furpassoit le profit. Il ne s'y trouve point de terres considerables pour les mouvances, si ce n'est Conches & Gennes, mais ce sont des Châtelainies Royales ; les autres, comme Montjeu, Issy, l'Evêque & Roussillo^, ont à peine 5 ou 6 fiefs dans leurs dependances, cependant on compte 60 Seigneuries & 59 fiefs.
Noblesse.
L'Auteur reduit le nombre des gentils-hommes à 39 de toutes espèces, scavoir, L Marquis de Tavannes, du nom de Saux assez connu. Le Comte de Toulonjon de maison illustre, dont il y en eut plusieurs Chevaliers de la Toison d'or : il est Seigneur de Monteleon & a disposé de sa Succession en faveur du Comte de Coligny Langeac. Quelques Critiques ont accusé ses Ancêtres d'avoir usurpé le nom de Toulonjon. Le Comte d'Albigny, Gouverneur d'Autun, Bailly de Charolois du nom de Quarré, dont les Aînez ont toûjours porté les armes, quoique les Cadets ayent pris le parti de la Robe. Il y a eu 4 Avocats Généraux au Parlement de Bourgogne de cette famille. Le Marquis de Ragny de la maison de Magdelaine, alliée à celle de Lesdiguieres & qui a donné un Chevalier du S. Esprit. Le Comte de Roussillon de la Maison de Chaugy, très-ancienne. Le Comte d'Espinal, du nom de Permes. Le Comte de Bielles du nom de S. Belin, très-ancienne Maison, connue dès le tems des Croisades. Le Sieur de Vauteau de la Maison de Traves Choifeul. Le Sieur de Montmorillon, d'ancienne & illustre Maison. Le Comte de Dracy, de la famille de Berbis originaire de Dijon & très-ancienne, il est Bailly de l'Autunois. Le Marquis de Langeac, originaire d'Auvergne & de très-ancienne & illustre Maison, a hérité des biens & du nom de Coligny. Les Sieurs de Gancey, qui ont
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eu un Chancelier de France de leur famille. Les Sieurs de Harlay, au nombre de 4, Origin aires de Franche-Comté & établis en Bourgogne depuis 200 ans, quoiqu'ils soient issus de simples Bourgeois de la Ville d'Autun, où l'Aîné de la famille, Sieur de S. Marcoux, est Lieutenant-General du Baillage. Le Marquis de Digoine du nom de Loriol originaire de Bresse. Le Sieur de Fargetes d'ancienne famille, ainsi que le Sieur de Firy Sirandé & le Sieur de Chevigny. Les autres Gentils-hommes sont les Sieurs de Chariancy, Gens d'armes du Roi ; Le Sieur Maignien ; Le Sieur de Jodrillat deMontandé, ennoblis pour Services ; Le Sieur Truchis, Originaire de Savoye ; Le Sieur de Mauroy d'Aucheman, Marnay, Guyot de Provencheres Beaulard, Humbles du Bouchet, Mre de Vannerie, Bufflot, Nuguet, de Roquelaine, Cartier, de la Bouture, ennobli, dont il y a un Maître des Requêtes, homme de mérite, de Morey & Pilot de Fougerette.
Autun. Son Evêché. Sa Cathedrale. Ses Abbayes & Monasteres.
La Ville d'Autun, l'une des plus anciennes du Royaume, est bâtie sur la riviere d'Arroux, au pié de 3 grandes Montagnes, dont celle qui est au Midy a les plus belles sources du Monde, qui fournissent l'eau à la Ville par 6 principales fontaines. L'auteur paroit ne pas douter qu'elle ne soit l'ancienne Bïbraiïe ; mais puis qu'il nous apprend comme une nouveauté finguliere que les peuples de ces environs étoient appelez les Eduens, Aedui, il y a lieu de penser qu'il n'a pas pris toute la peine nécessaire pour s'instruire de la véritable situation de Bibracte, & pour lever les difficultez critiques des Géographes à son sujet, il n'est pas plus sûr de l'en croire sur ce qu'il ajoute que l'Empereur Auguste ayant donné son nom à cette place, Augustodunum, l'on en a formé celui d'Antun ; car quoique l'Etymologie soit véritable, on sçait que ce fut Constantin & ses Enfans qui donnerent le nom de.... & d'Augustodunum à l'ancienne Ville des Eduens ; les anciens, Murs de la Ville subsistent encore, ils sont d'une maçonnerie si solide que rien ne se... depuis un si grand nombre de siécles, ils ont près de mille pas de circuit. Cette Ville est le siege d'un Evêché qui a 22000 l. de revenu, & dont le Dioceze est l'un des plus étendus du Royaume ; les prérogatives particulières de ses Prelats sont de porter le Pallium, d'être le premier suffragant de l'Archevêché de » Lyon & d'en avoir l'administrationpour le spirituel & le temporel pendant la vacance, comme réciproquement l'Archevêque de Lyon a l'administration de celui d'Autun, & enfin d'être président né des Etats de Bouro°gne- L'Eglise Cathédrale étoit autrefois celle de S. Nazaire, sous l'Autel de laquelle reposent les Corps des saints Celce & Nazaire, Martyrs célébrés de cette Ville ; mais on fait à présent le service dans celle de S. Lazare duquel on prétend que le Chef y repose, cette Eglise a donné son nom à la grande place, qui étoit autrefois le Champ de Mars ; le Chapitre de cette Cathedrale est composé de dix'Dignitez, 50 Prebendes, & 12 ou 15 Chapelles, & remplit lui-même les unes & les autres par Election aussi bien que 48 Cures du Dioceze qu'il conféré ; il y a dans la même Ville un autre Chapître dit de Nôtre Dame composé d'un Prévost, 12 Chanoines & 4 Chapelains, lequel a été fondé par le Chancelier Raulin & Evigenne de Salins sa femme, au droit desquels le Comte d'Epinac de Pernes qui en descend directement en a la nomination. On compte 8 Paroisses dans la Ville d'Autun, deux seminaires ; le grand, auquel sont unis les Prieurez de S. Denis en Vaux & du Val, S. Benoit de 3000 l. de rente, & le petit pour les Enfans. Les Abbayes sont S. Andoche, de filles de l'Ordre S. Benoit, de la fondation de la Reine Brunehault, & de l'Evêque Siagrius en l'an 600, qui a 10000 l. de revenu, cette Abbaye a sousfert quelques desordres dans les derniers tems qui l'ont affoiblie. S. Jean, du même ordre & de la même fondation, a 30 Religieuses & 7000 l. de revenu. S. Martin, hors des Murs d'Autun, est du même ordre & de la même fondation, mais elle a été bâtie pour des hommes, elle vaut 9 à 10000 l. l'on y voit le tombeau de la Fondatrice avec une Epitaphe apologique, que les Moines ont eu soin de lui dresser par un effet de leur reconnoissance. Le Prieuré de S. Simphorien, de Chanoines réguliers est aussi hors la Ville, le Prieuré est simple & vaut 5000 l. de rente toutes Charges déduites, les Cordeliers, Ja-
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bins, & Capucins, ont des maisons dans cette Ville ainsi que les Jesuites qui ont 5000 l. de revenu ; les filles de la Visitation 4000 l. les jacobins 1300 l. Il y a deux Hôpitaux, l'un pour les malades* l'autre pour les valides. Autun est le siégé d'un Baillage presidial où ressortissent ceux de Montcenis, de Bourbon-Lancy, & de Sémur en Brionnois, il y a aussi une Maîtrise des Eaux & Forêts une Justice Consulaire, une Marêchaussée, un Grenier-à-sel ; le premier Magistrat du Corps de Ville est nomme Vierge par abréviation de l'ancien nom Gaulois Vergebert, qu'il portoit au tems de Jules César, il exerce la Justice & la Police dans la Ville de sa Banlieuë, & dans l'assemblée des Etats, il a rang immédiatement après le Maire de Dijon ; les Octrois de la Ville ont été reglez à 4975 l. 10 s. y compris les augmentations accordées pour le rachat des charges & le paymentdes taxes.
Baillage de Bourdon. Sens benefices. Sa Noblesse.
Le Baillage de Bourbon-Lancy a 6 lieuës de long sur 5 de large & renferme plusieurs Paroisses, je dis 16 Paroisses outre le lieu principal ; la Loire le separé du Bourbonnois, & l'arrose dans sa longueur, le terrain n'y produit que des Grains ; il n'y a ni Vignes ni Pasturages, mais des bois en quantité, & des Etangs, on a trouvé au, village de Gilly une espece de Carriere de Marbre, qui est la seule Mine du Canton, on n'y compte que 4 petits Prieurez pour tous benefices, hors les Cures qui sont toutes du Dioçeze » d'Autun : à l'égard des Gentils-hommes l'Auteur en nomme 13, sçavoir, Le Marquis de Montbrun, du nom du Puy de Perdir, maison très-anciennë, il est Seigneur de S. Fiacre de Brion & de la Node où il reside. Le Sieur deRamilly de bonne maison. Le Sieur de Cussigny Montperoux. Le Sieur de Gevaudan, ci-devant Colonel de Dragons & Maréchal de Camp, du nom des Haires. Le Sieur de Faubert Montpetss. Le Sieur de Caumeau de Barnaux. Le Sieur Gevalois de Guinotte ; Les Sieurs Prud'hommes de Granval de Chalais, de Landreville Airaud ; & les enfans mineurs du Sieur d'e Fonteste, de bonne & ancienne maison. La Ville de Bourbon-Lancy est bâtie à demi lieuë de la Loire, sur un Côteau : il y a un Château qui ne pût être forcé durant les troubles de la Regence, & qui fut defendu par le Comte d'Amanze –, ce qui se voit de plus considerable en ce lieu sont les bains chauds, à cent pas de la Ville, les Eaux sortent d'un Rocher par pl sieurs ouvertures, & sont distribuées dans six Canaux ou Acqueducs qui les portent aux bains à 80 pas de la source, le pavé est de pierre noire, & la structure du tout est si magnifique qu'on ne peut l'attribuer qu'aux Romains, ils étoient ensevelis sous leurs ruines, & ne furent découverts sous le regne d'Henry III. en 1580. que par hazard, car on nen avoit aucune notion ; l'Eau n'a point de saveur, elle est claire & chaude, & plus legere d'une douzième partie que celle de Bourbon les bains. Il y a en cette Ville une Collegiale de deux dio-nitez & 6 Chanoines, 3 Paroisses, un Couvent de Capucins, des Ursulines, deux petits Hôpitaux & un autre Chapitre nommé de la ...... dans l'Eglise duquel on ne fait le service que 4 sois l'année ; outre le Baillage Royal, il y a un Grenier-à-sel, & un corps de Ville qui a 1200 l. de revenu patrimonial y compris les augmentations. Le Baillage de Montcenis a huit lieuës de long sur 3 de large, il confine à l'Orient au Baillage de Châlons, à l'Occident à celui d'Autun, au Midi à ceux de Charolois & de Bourbon, au Nord à ceux de Beaune & d'Autun ; le terroir est sablonneux, partie en Plaines & partie en Montagnes, on ny recueille que peu de Bleds & de Vins, le seul commerce qui s'y fasse est celui de bestiaux ; il y a des bois en quantité, peu de Rivieres, ce qui fait que les chemins sont assez bons, & nulle autre mine que celle de Charbon de terre à demi lieuë de Montcenis, mais l'Auteur la croit épuisée ; le Baillage renferme 15 Cures, 2 Marquisats, dont celui de la Boul laye appartient au Marquis de Bellefond & a 6 à 7000 l. de revenu ; la Comté de Toul jon, & 21 autres Seigneuries avec 10 fiefs. On y compte quelques Prieurez S. Servin du Bois de 2000 l. S. Julien de filles tranferées à Toulon en Charolois, & une Collegiale à Conches, d'un Prévôt & deux Chanoines qui ont en tout 7 à 800 h Les Gentils-hommes sont, le Marquis de Ragny qui a épousé l'heritiere de la branche aînée de Damas qu
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reside à Moniot. Le Sieur Palatin de Dio Seigneur de Montmor frere du Marquis de Montpeyroux, à l'occasion duquel on peut remarquer que les anciens actes de cette maison, ne sont point mention de ce titre de Palatin. Le Comte de Toulonjon, dont il a été déja parlé, Le Sieur de Brun, Comte de Breuil, originaire de Paris marié dans ce Baillage, où il possedé trois terres érigées en Marquisat, sa maison n'est pas connuë de l'Auteur à ce qu'il dit. Les Sieurs de la Menuë freres. Le Sieur Dupuy sorti pour la religion. Le Sieur de Gresolles de bonne maison, & le Sieur Descoraìlles originaire d'Auvergne de grande maison, mais pauvre. Quant à la Ville de Montcenis, qui n'est proprement qu'un assez mauvais Bourg, il n'y a rien de remarquable que les ruines d'un Château qui avoit 800 pas de circuit, ses murailles ont encore 40 pieds de hauteur sur 20 d'épaisseur, l'Auteur ne dit rien de l'antiquité de ce bâtiment extraordinaire ni de ceux à qui on en attribuë la construction, quoiqu'il y ait beaucoup d'apparence que ce soient les veritables ruines de l'ancienne Bibracté que d'autres ont voulu chercher au lieu de Beuvray dans le Baillage d'Autun sur les frontieres du Nivernois, tant à cause de la ressemblance du nom, qu'à raison des monumens anciens & des Médailles Romaines, qu'on y a découvertes, mais ils n'ont pas pris garde que Bibacté étoit une Ville Gauloise qui a été sinon'détruite du moins abandonnée quand les Romains en sont devenus maîtres ; la situation de cette place est au milieu des grosses & hautes Montagnes, sur l'une desquelles est le Château ; à l'Orient du Bourg il n'y a qu'une Paroisse & un petit Couvent de Religieuses Ursulines, qui prêtent leur Eglise pour le service depuis que la sienne est tombée ; on compte 800 habitans qui ont 700 l. deniers patrimoniaux de nouvelle attribution pour le payement des taxes.
Le Baillage de Semur en Brionnois est tellement resserré par ses voisins qu'il n'a aucune Paroisse entiefe, il confine par l'Orient au Mâconnois ; par le Midi, au Beaujolois & Lyonnois ; & par l'occident, au Charolois & Bourbonnois ; le terrain en est assez uni & rapporte fort bien en bled, dont il se fait un commerce considérable, ainsi que des Boeufs gras, qui sont la principale richesse du Païs, lequel d'ailleurs n'a point de bois ni de mines, les vins qui y croissent sont bons quand ils sont gardez ; l'Auteur ajoute que l'on trouve en divers endroits de son étenduë des Eaux mortes, dont il attribue l'origine aux fréquentes inondations & changémens de lit que fait la Riviere de Loire, mais il n'a pas bien examiné si l'on pourroit parvenir à les desseicher, & si après l'avoir fait il seroit possible d'en garentir le Païs pour l'avenir. Outre la Riviere de Loire, qui est navigable, on trouve encore dans le Baillage celle d'Arroux, de Bourbinie & de Recousse qu'on pourroit rendre telles sans grande dépense, mais aussi sans utilité, telles qu'elles sont elles suffisent au flottage des bois qui est tout l'usage qu'on en pourroit tirer : il n'y a dans ce Canton d'autres benefices que le Prieuré d'Ansy le Duc, qui vaut 2500 l. au Prieur & Religieux, 20 Cures. A l'égard de la Noblesse qui possedé du bien dans ce Baillage, aucun n'y fait sa residence à l'exception du Sieur de S. Christophle, du nom de Tenay, maison bonne & ancienne, qui a donné plusieurs Comtes & Chanoines aux Eglises de Lyon & de Mâcon ; le Sieur Dupuy de S. Martin qui s'est fait rehabiliter &. a acheté la Baronie de Semur du Comte de Coligny ; Quant à la Ville de Semur, qui est située dans un Vignoble à demi lieuë de la Loire, il n'y a rien qui merite observation que le Chapître composé de trois dignitez & 9 Chanoines ; outre les Officiers de la justice ordinaire, il y a un grenier-à-sel qui a les siens.
Le Baillage de Châlons est l'un des plus considerables de Bourgogne, tant par son étenduë qui est de 15 lieuës sur 10, que pour la fertilité de son tervoir, qui ne peut être plus grande en grains, vins, foins, pastures, fruits, chanvres & generalement en tout ce qu'un bon pays peut apporter ; il confine vers l'Orient à la Franche-Comté ; au Charalois à l'Occident ; au Mâconnois, au Midi ; & aux Baillages de Beaune & de S. Jean de La une vers le Nord. Le pays n'est en général qu'une belle plaine divisée en deux parties, presqu'égales par la Riviere de Saone, la partie qui est à droite de la Riviere s'appelle la
BOURGOGNE.
Ses Benèfices. Evêché.
Montagne à cause de la continuation du Costeau de Beaune qui s'étend jusqu'à Mâcoft & par delà, la partie qui est a gauche s'apelle Bresse Chalonnoise pour la distinguer de la véritable Breste, qui étoit nommée Savoyarde ; il y a des bois en grande quantité dans l'une & l'autre, mais on en defriche journellement beaucoup, & l'on a reduit depuis 20 ans la plûpart des futayes en taillis, les grandes forêts sont celles de Perigny de 12000 arpens, celle de Bellefond, celle de Grosne à l'Abbaye de la Ferté, celle de Ste. Croix au Comte d'Artagnan, celle de Bellevesuve de 2500 arpens, celle de S. Germain au Duc de Foix, de Brauge au Sieur de Barillon Maître des Requêtes, de Beauregard de Charnay, deGirmole, de Briamon, d'Uxelles, 8Cc. II se trouve des Carrieres de Piastre dans la terre de Chamilly, & une espece de pierre noire qui a le luisant du Marbre quand elle est polie y on compte dans cette étenduë deux Marquisats, Lencey 8c Uxelles, & six Comtez, Verdun, Gruzille, Lavigny en Revermont, Boisjouai, Briançon & Chamilly 5 13 Baronies, Clugny, Tennarre, S. Germain, S. Vincent, Ruilly, Brauge, Montcenis* Sienne, Longepierre, Bellevefuve, Portlans, La Salle & Montpont ; nqFiefs, dont 18 ou 20 relevent de Jenfey & 15 a 16 d'Uxelles. Comme ce Païs est fort uni, il est aussi fort coupe de Rivieres, les deux plus importantes au commerce sont la Saone & le Doux toutes deux navigables, & qui apportent à Châlons toutes les Marchandises dont les deux Bourgognes se veulent defaire, il y en a 15 autres dont on seroit grand cas dans un Païs moins abondant que celui-ci, & entr'elles, il y en a plusieurs que l'on rendroit navigables en dressant feulement leur cours ; de ce nombre il y en a 5 ou 6 qui viennent de la Comté. A l'égard de l'Etat Ecclésiastique de ce Baillage, l'auteur en fait le detail en la maniere suivante. L'Evêché de Chalons, qu'il dit avoir été établi par S. Donatien, en l'année 346. est le troisième suffragant de l'Archevêché de Lyon, & a 186 Paroisses dans sonv Diocese, il ne vaut que 8000 l. de revenu ; l'Eglise Cathédrale dediée à S. Vincent a un Chapitre de 23 Prébendes, & de 7 Dignitez occupées par autant de Chanoines ; le bas Choeur n'est pas considerable, le revenu des Chanoines est inégal à cause des Dignitez, mais s'il étoit mieux partagé, il pourroit aller à 600 l. pour chacun. S. George de Châlons, est une Collégiale, 12 Chanoines qui ont chacun 300 l.
Quant aux Abbayes, celle de la Ferté occupe le premier rang, c'est la premiere fille de Cîteaux bâtie des liberalitez des Comtes de Savary 8c Etienne de Châlons de l'an 1113. l'Abbé y est électif, la communauté est de 20 Religieux & jouït de 25000 l. de revenu, la maison est bâtie à la moderne & a une Bibliotheque. S. Pierre de Châlons, ordre de S. Benoit, congrégation de S. Maur, est une maison très-ancienne, qui fut rétablie & de nouveau fondée par l'Evêque Roger l'an 1006. Mezieres, Ordre de Cîteaux fondée en 1132. par Foulques de Raon & autres Seigneurs du Païs a 13000 l. Molaize de filles du même ordre a 6000 l. & Lanshavre, aussi de filles de l'Ordre de S. Benoît, transféré de Briançon à Châlons & a 3500 l. de revenu. On compte outre cela dix Prieurez, mais l'Auteur ne fait aucune mention que de celui de S. Marcel de Châlons Ordre de Cluny dont le Prieur a 8000 l. & les Religieux 6000 ; on voit dans l'Eglise de ce Prieuré, la Sepulture du Roi Gonthran, qui faisoit sa residence à Châlons après qu'il eut herité du Royaume de Bourgogne. L'Ordre de Malthe a deux Commanderies dans le Baillage, celle de belle Croix près Clugny de 3000 l. & celle de Châlons de 6000 l. L'Ordre de S. Antoine en a une autre à Châlons de 1500 l. Ce Baillage comprend 201 Cures dont 138 sont du Diocese de Châlons, 35 de celui de Besançon, 19 de Lyon, 7 de Mâcon, une d'Autun & l' autre dependante de l'Ordre de Malthe. Quant à la Noblesse, il compte 45 Gentilshommes residens, ou originaires de ce Baillage. Le Maréchal d'Uxelles, du nom de Bler, connu dès l'an 1230. auquel tems ses ancêtres possedoient déja la terre de Cormain, celle d'Uxelles étant entrée par après dans la famille par le mariage d'une heritiere de Briançon. Le Marêchal & le Comte de Chamilly du nom de Bouson, famille originaire de Flandres, établie depuis 300 ans en ce Baillage, il y en a 150 qu'elle y possedé la terre de Chamil-
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ly. Le Sieur de Damas Lassangy, frere du Comte de Marcilly à présent aîné de la mai. dont le Marquis de Thianges, & de S. Rican, les Comtes d'Aulezy & de Crux, sont Cadets ; il justifie son aînesse par la possession de la terre de Marcilly, de la Vicomté de Châlons, & d'une rente de 60 francs d'Or, sur les Salines du Comté, qui ont toûjours été la partage des aînez ; il ne lui reste de ce partage que les 60 francs donnez à l'un de ses Ancêtres, par Jean de Châlon, Sire de Salins son oncle ; la Vicomté a été venduë par son ayeul Jean de Damas, il compte entre ses Ancêtres, George de Damas, que l'on prétend avoir été grand Chambellan sous François I, ce qui est une véritable chimere. Le Sieur de Briançon, Seigneur de Visargent, de maison bien ancienne, alliée depuis plusieurs siécles à celle de Lorraine & à diverses maisons souveraines, mais l'Auteur trouve sa principale illustration en ce qu'il y avoit en 1431. un gouverneur de Châlons du nom de Briançon. Le Comte de Montbarrey du nom de S. Maurice, est originaire de Valay. Son ayeul s'établit en France par son mariage avec une héritiere de la Chambre, Dame de Lavigny en Châlonnois le 9 Juillet, 1621. L'Empereur Ferdinand II. accorda une patente très-honorable à sa maison pour reconnoître le service d'un Chevalier de Malthe du même nom, qui est dit lui avoir sauvé la vie à la bataille de Prague. Le Baron de Rassilly & le Chevalier de Bellefond, du nom de Montrissut dont les aînez portent celui de Bellevesure, sont de maison bonne & ancienne. Le Baron de S. Vincent du nom de Chatenay possédé cette terre depuis 200 ans, son ayeul étoit gouverneur de Châlons pour le parti de la Ligue, il est cadet des Seigneurs de Chatenay, Briçon & Lanty établis dans les Baillages de Chaumont en Bassigny, & de Chatillon sur Seine. Le Sieur de la Barre Saubertier & son fils, Seigneur de Bouchans, Colonel de Dragons, sont du nom d'Escoraille originaires d'Auvergne & établis par mariage en ce Canton depuis 1658, les Seigneurs de Revol en sont cadets. Le Sieur de Villargeau, du nom de Montet famille originaire de Quercy & établi en Bourgogne depuis 120 ans par un gouverneur de Beaune du tems des troubles. Le Comte d'Artagnan Seigneur de S. Croix par donation de sa Mere, & fils du célébré Comte d'Artagnan Capitaine de la premiere compagnie des Mousquetaires tué à Mastrick en 1673. leur famille du nom de Bastide Castelmore est originaire de Gascogne, qui s'est élevée par sa valeur. Le Sieur de Baleuvre, né de fort bonne & ancienne maison, plus connuë sous le nom de S. Julien. Le Sieur de Beaurepaire. Les Sieurs de la Rode, Seigneurs de Charnaye, originaires d'Auvergne ; il y en a un qui est gouverneur d'Abbeville en Picardie. Les Sieurs de S. André du nom & maison de Clugny, l'une des plus anciennes de Bourgogne. Le Sieur Delaye du nom de Truchis, originaire de Salusse que son ayeul abandonna lors de l'échange que Henry IV. en fit avec la Bresse. Le Sieur de Crusille Vidal gouverneur de Beaune. Le Sieur Juilien. Le Baron de Villeneuve, du nom des Champs, originaire de Champagne. Le Baron de Migny, du nom de Foudras dont le Comte de Châteautiers est l'aîné. Le Sieur Layer Chapon. Le Sieur de S. Marceau de Grain, qui porte un nom connu. Le Sieur de la Chapelle de Beugre, de petite noblesse & même indecise. Les Sieurs de Sezningue, originaires de Beaujolois. Le Sieur de Sermaise. Le Sieur Lautin de Montjouet de bonne famille de Robbe. Le Sieur d'Essac de bonne Noblesse, originaire d'Auvergne. Les Sieurs de Marlon de Thomassin, de la Villette, la Fitte, d'Arbuans, de Lyon, de Verisey, Venot, annoblis pour le service en 1673. Beuveraud fils de Secrétaire du Roi, Masson, Calamard, & Chiquet de même origine, & enfin le Sieur de Murat, de Bellemajour, originaire de Gascogne de bonne noblesse.
La ville de Châlons est bâtie sur Saone dans la plus belle situation du monde, le commerce y est très-abondant par la commodité delaRiviere & la fertilité de ses environs, son enceinte qui étoit autrefois fort petite a été accruë de deux fauxbourgs qui y sont à présent renfermez, on y a bâti une citadelle en 1563. qui a été augmentée en 1671, & 1672. de quelques ouvrages. Les maisons religieuses de cette ville sont les Peresde l'Oratoire qui n'ont
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que 800 l. les Jesuites qui en ont 3000 l. les Cordeliers 600, les Capucins, lesCarmcs qui en ont 2000. les Minimes 4000 l. Carmélites autant, les Jacobines 2000 l. les Ursulines 8000 l. les filles de S. Marie 6000 l. l'Hopital des Malades de même institut que celui de Beaune 11000 l. & l'Hopital général, 3000 l. les tribunaux de cette ville, sont le Baillage érigé en Presidial, la Chancellerie, la Chatelainie de S. Laurent, reste de la jurisdiction souveraine que le Roi Jean y avoit établie, la maîtrise des eaux & forêts & des ports, le grenier à Sel, les Consuls, le Baillage de l'Evêque & le corps de ville, dont les deniers patrimoniaux, montent à 7650 l. à cause des augmentations faites pour le rachat des offices nouveaux. Les autres villes de ce Baillage, sont Seurre, à présent Bellegarde, dont la Seigneurie, qui appartient aujourd'hui au Prince de Condé, avoit été érigée en Duché & Pairie, en faveur de Roger de S. Lary Duc de Bellegarde ; sa situation est au milieu des belles prairies où le Roi Louis XIV. a fait former des camps de Cavallerie & de Dragons, pendant plusieurs années ; les Couvens de cette ville sont les Augustins, fondez au lieu de S. Georges, en 1443. par Guillaume de Vienne, Seigneur de S. Georges ; les Capucins ; les Religieuses de S. Claire ; les Urfulines* l'Hopital & un Collège : II y a Justice Seigneuriale, Grenier à Sel, Bureau de Justices, des traites, & Hôtel de ville : les Foires de ce lieu étoient considérables, mais les droits d'entrée dans la Duché nouvellement établis les ruinent tous les jours de plus en plus.
Verdun est une petite ville située au confluant de la Saone & du Doux à 3 lieuës de Châlons, son terrain est de grand rapport, mais si bas qu'il est éxtrèmement sujet aux inondations, parce que les levées de Rivieres ne sont pas en l'état qu'elles devroient être pour l'avantage public. Celle de Louhans, est dans une Isle formée par la Riviere de Seille & faisoit partie de la Bresse, avant l'acquisition qu'en fit ROBERT II. Duc de Bourgogne en 1289. ainsi que du Païs de Revermont, elle a été depuis, membre des Etats d'Auxonne, jusqu'à leur réunion à ceux de Bourgogne en 1639 ; la Seigneurie & la Justice appartiennent à Madame la Duchesse de Nemours, la manufacture d'Etoffe de ce lieu est considerable, mais son principal avantage vient de ce qu'elle se rencontre sur la route de Lyon en Suisse, & qu'elle sert de dépôt commun des Marchandises, il y a un grenier à Sel.
Le Baillage d'Auxonne, ou de Semur qui est fort reserré depuis l'érection de celui de Saulieu, est situé au Nord de Dijon, & contient les villes de Semur, Flavigny, Montbard & Viteaux ; le terrain est mêlé de Plaines & de Montagnes & est par tout dassez bon rapport en Grains, Vins, & Fourages, mais il y a très-peu de bois ; le principal commerce qui s'y fait du côte de Paris, est celui des Draps que l'on y fabrique, & des bestiaux que l'on conduit aux marchez de Sceaux & de Poissy. II s'y trouve plusieurs Seigneuries dont les principales sont Montbard, Viteaux, Moutier S. Jean, Montigny sur Armamon & le Marquisat d'Espoisses-, les Rivieres de ce Baillage, sont l'Armamon, la Braine & le Lorain, sur lesquelles il y a quantité de Ponts en fort mauvais état, les Chemins y sont d'ailleurs assez bons, par la nature du Terrain, hors celui qui conduit d'Auxonne à Dijon, qui est dangereux au bois de Bligny. Les Abbayes & Bénéfices de ce Canton, sont le Moutier S. Jean, ordre de S. Benoît, de 2000 l. de revenu, le monastere est des plus anciens du Royaume fondé par Hilarius & Quieta, pere & mere de S. Jean qui en fut le premier Abbé en 446. on prétend que Clovis en confirma l'établissement, par une charte l'an 500, sur les instances de Patientius Evêque deLangres, mais ce titre est fort suspect ; ce monastere porte chez Grégoire de Tours, & dans les Annales Ecclésiastiques de Maxence, le nom de Reomus ou de Reomaenfe Monajìerium *, la regle de S. Benoît ne sy est introduite que long tems après son établissement. Fontenay de l'1ordre de Cîteaux fondée en 1113, & dediée par le Pape Eugene III. en presence de S. Bernard vaut 12000 l. Et Flavigny, de l'ordre de S. Benoît, fondée par Viderard Abbé, fils de Corban qualifie Homme illustre l'an premier du regne deTheodoric, Roi de Bouigogne, que lon rapporte
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à l'année de Jésus Christ 596. eette maison a 11600 l. de revenu ; ou compte de plus dans cette étendue 9 Prieurez & deux Collégiales, sçavoir, celle d'Espoisses de 6 Chanoines qui ont chacun 200 l. & celle de Thil, dont le Doyen à simple tonsure a 500 l. & cinq Chanoines qui en ont 250. L'Ordre de Malthe y possede la commanderie de Mormier dependant de Pontaubert, qui vaut 1000 l. & les Religieux de S. Antoine une autre commanderie de 150 l. il y a 98 cures en ce Baillage, toutes du Dioceze d'Autun. Il est bon de remarquer que les anciens Auteurs parlant du Monastere de Reome, ou Moutier S Jean, disent qu'il est situé in axe ligonensi, & que c'est de ce mot axis que s'est formé l'appellation du Païs de l'Auxois. Quant à la Noblesse, l'on y trouve le Comte de Lomont gouverneur de Semur de la maison du Châtelet, des illustres de Lorraine établis en ce Baillage par la succession de son frere le Marquis de Trichasteaux. Le Marquis de Guitaud ou d'Epoisses du nom de Peiche Peron, Comminges établi en ce Baillage par le mariage de l'heritiere d'Espoisses. Le Comte de Montal du nom de Mont-Saurin, petit fils du brave gouverneur dé Charles-Roi. Le Sieur de Choiseuil Chevigny Eleu de la Noblesse de Bourgogne, de maison connue & distinguée tant par les honneurs présens que par son ancienneté. Le Sieur de Pantilly du nom de Chaugy, Cadet de Roussillon. Le Sieur de Courcelles du nom de Peron, qui s'honore de l'Alliance du fameux Cardinal du Perron ignorant qu'il s'appelloit Jaques Davy, & qu'il étoit originaire de Normandie. Le Sieur de Courmaillon, du nom de Dumas, mais de l'une des branches non reconnues, par la tige de Marsilly. Le Sieur de Fromager de Grandpré, annobli pour services de distinction. Les Sieurs Despense, qui se disent de la famille du Docteur du même nom, qui assista au Concile de Trente, & au Colloque de Poissi. Le Sieur d'Haranguier de Quingeron. Le Sieur de Seigny, du nom de Vichi originaire de Bourbonnois, cadet de la Branche des Marquis de Champrond, Le Sieur de la Beaune Seigneur d'Essage. Le Comte de Biel, du nom de S. Belin, maison très-ancienne & riche, de laquelle il a deja été parlé. Le Sieur de la Chasse Regnier. Le Sieur de Senevry de la Bale ; le Sieur de Clairon, de Posange, de même maison que Clairon de Sassre. Le Sieur Coustier, Marquis de Souhé descendu du célébré Médecin de Louïs XI. Le Sieur Dufaur de Pibrac, Seigneur de Marigny. Les Sieurs de Jarry Cezé, qui se disent originaires de Poitou & établis en Bourgogne depuis 70 ans. Les Sieurs Bernard, Seigneurs destÉfré issus d'Etienne Bernard Avocat à Dijon, Deputé aux Etats de Blois, en 1588, & le grand Sieur de S. Colombe. Trois branches des Sieurs de Fresne Seigneurs de Versigni. Le Sieur de Jaccourt, Seigneur de Choselle originaire de Nivernois & de bonne maison. Le Sieur de Seve, Seigneur de Thil connu sous le nom de Comte de la Motte. Le Sieur Dravant de Romicourt, d'Anstroude, de Vassi Etienne, Le Comte de Teuille du nom de Brulard Genlis. Le Sieur Pasneau de Maré, Georges de Romanet, du Boulet, de Milly, Boucher, originaire du Comté de Tonnerre, de la Pierre de Fraigne, Henry, laBoge, Espiard, Languel & Drouas, dont la plupart sont issus de Secretaires du Roi. Il y a dans le Baillage six Justices Royales, 126 Seigneuries & 63 Fiefs.
Desciriptiion de Semur
La Ville de Semur est située sur un Rocher élevé au dessus de la Riviere d'Armanion, c'est un composé de 3 Enceintes, qui ont ensemble 2400 pas de circuit sans compter les Fauxbourgs, il y a deux Prieurez, celui de l'Eglise Paroissiale, autrefois possedé par Gentbrard, Archevêque d'Aix, qui y est enterré, & celui du Château qui est de Chanoines reguliers, le Prieur porte le Rochet & la Mozelle rouge, son Eglise est honorée des reliques de S. Sigismond Roi de Bourgogne, & de S. Maurice ; on y voit aussi le tombeau de Robert de Bauce Duc de Bourgogne, chef de la premiere race, les autres Couvens de la ville sont les Carmes, qui ont 500 l. de revenu ; les Minimes très-pauvres ; Capucins ; Jacobins qui ont 3000 l. les Ursulines 12000 l. la Visitation 7000 l. le College 800 l. & l' Hôpital. Les Tribunaux, sont le Baillage Presidial, la Chancellerie, la Marêchaussée, le Grenier-à-sel & l'Hôtel de ville. La fidélité de cette ville pour ses Souve-
rains a été de tout tems remarquée ; les Ducs de Bourgogne lui ont accordé de grands privileges en cette considération, & Henry IV. convoqua les Etats de la Province pour la reduction, en reconnoissance de ce qu'elle avoit été la feule Ville de Bourgogne, qu eut fermé ses portes au Duc de Mayenne. Il n'y a rien à dire des autres villes de ce Baillage, Montbard, Flavigny, Noyers & Viteaux, sinon qu'elles sont fort pauvres, & n'ayant presque point de commerce, & que les peuples s'en retirent pour eviter les taxes & les logemens qui les accablent.
Baillage d'Avalon. Ses Seieiaies'' Ses Benefices. Sa Noblesse. Description de la Ville d'Avalons.
Le Baillage d'Avalon a huit lieuës de long, sur une de large, de 5 ou 6 .... en y comprenant la Seigneurie de l'Isle, sous Montréal avec ses dépendances, qui sont du ressort de Troyes en Champagne & du Parlement de Paris, le quartier du Nord produit du Froment, des vins & des fourages, mais celui d'Orient n'a que des bois, & des Montagnes, quelques terres à Seigle, & des Paccages ; le Roi y possedé de grandes forêts, & tout le commerce qui s'y fait, se reduit aux grains, aux vins, & au bois que l'on fait flotter sur la Riviere de Cousin & de Cure, les bestiaux y sont aussi d'assez bon débit. Les terres considérables de cette étendue sont la Baronie de Reigny à la Duchesse de htiá\-gn guieres, & les engagemens qu'elle tient du Roi, Avalon, Montréal, Gailony la Comté de Chatelus & les terres de Vaugecourt, Vellarmont & Ruere. Les Bénéfices sont S Repos & Marcilly, Abbayes, de l'Ordre de Cîteaux en regle, 4 Prieures & la Collegiale de Montréal de dix Chanoines. Quant à la Noblesse, l'on y trouve le Comte de Chatelus, d'illustre Maison, dont le nom propre est Beauvoir, connue depuis 1352. elle a donné un Maréchal de France & un Amiral. Les Sieurs de Jaucourt, l'un Seigneur de Vaux & de Lagny, & l'autre Seigneur d'Andhuis, tous deux de la même maison dont il a été parlé. Les Sieurs Guillaume Seigneur d'Orbigny, le Sieur Champion, le Sieur Guyon, le Sieur Thomas Seigneur d'Ifland, de bonne maison de Robe, le Sieur de Mont Gressigny, & un autre de la même famille, les Sieurs de Fresne, Prey & de Suilly Chalons, le Sieur Damoiseau de Menemis, les Sieurs de Verenne, de Veson, d'Avaur, de Blanchefort, de Sery, & de Vassy-Estienne. *On y comte 70 Seigneuries & 22 Fiefs » La Ville d'Avalon est fort petite, il y a une Collegiale assez considérable de 12 Chanoines, 2 Paroisses, 2 Couvens d'Urfulines, un de la Visitation, un de Minimesly un autre de Capucins, un Collège, un Hôpital de la fondation du Président Odebert de D jon, & plusieurs Jurisdictions, Le Baillage Chancellerie, la Prévôté, la Maîtrise, la Grenier à Sel, & le Corps de Ville, elle est bâtie en bon Païs, mais sur les Confins du Morvant, & hors de commerce.
Baillage d'Arnay le Duc.
Le Baillage d'Arnay le Duc a huit lieuës de long sur deux de largeur, il confine à l'Orent à ceux de Dijon de Beaune ; au Nord à celui de Semur en Auxois ; au Midi à celui d'Autun ; & en Occident à celui de Saulieu LLe Terrain mêlé de Plaines & de Montagnes, est par tout assez bon, il produit des grains, des fruits & nourrit du menu bestail, dont la laine fait une partie de son commerce, il n'y a point de terres bien considerables, si ce ne sont les Mouvances du Marquisat d'Antigny, situé au Baillage de Beaune, qui s'étend en celui-ci sur 4 ou 5 Fiefs ; la plûpart des Rivieres de Bourgogne, prenant leurs sources en ce Canton, l'Ouche, l'Arroux, l'Armançon, & la Braine ; il n'y a de Bénéfices considérables que l'Abbaye de Praslou, de filles, Ordre de S. Benoît, qui n'a que peu de revenu en fond. Les Gentils-hommes font, le Comte de Blet du nom de S. Quentin, originaire de Berry ; les Comtes de Commarin, de l'illustre maison de Vienne selon l'opinion la plus commune, quoi que quelques-uns les fassent descendre de celle de Toulonjon, entée sur Vienne ; le Sieur de Commeau de Creancey, l'un des Lieutenans de Roi de Bourgogne ; le Sieur de Sandaucourt Tuligni, dont l'Auteur a déja parlé dans le Baillage de Dijon, qui est de la maison de Damas ; le Marquis de Sombernon, du nom de Bruslard ; le Comte de Gissey, du nom de Colombet ; le Comte d'Esquilli, du nom de Choiseuil ; le Comte d'Arcouney, du nom de Jersey ; c'est celui d'une maison trés-ancienne, & dont on a des titres de l'an 1094. & 1202, elle étoit originaire de
Description de la Ville.
Bourgogne, mais on la croit éteinte depuis long tems ; le Sieur de la Rochette du nom de Gand ; les Sieurs de Damas, du Breuïl, puisné de la branche d'Antigny, laquelle en a plusieurs autres ; du Rousset, Vertpré, Barnay fcfr. qui portoient toutes d'ans leurs Armes, la Croix verte qu'ils ont depuis quittée pour prendre les Emaux de Marcilly. Le Sieur de Chasson du nom de Croisé ; & les Sieurs de Riolet. On compte dans le Baillage, deux Baronies, Sombernon & Maillain, 72 Seigneuries & seulement 9 Fiefs La Ville d'Arny le Duc est dans un Valon sur l'Arroux au Centre de la Province ; le circuit en est de 1400 pas ; on y voit les restes d'un ancien Château, dont il n'est demeuré qu'une Tour, qui sert d'Hôtel de Ville ; il y a un Prieuré de 6 a 700 l. de revenu qui a droit de Justice sur toute la Ville, deux fois l'an seulement ; des Capucins ; des Ursulines ; un College à la charge des Jesuites d'Autun ; un Hôpital ; une Justice Seigneuriale qui appartient au Comte d'Armagnac, un Grenier à sel & un Corps deVille.
Baillage de Saulieu.
Le Baillage de Saulieu n'a été érigé qu'en 1694. & formé des demembremens de L'Auxois, de l'Autunois, & du Morvant ; il a sept lieuës de long sur cinq de large, renferme 26 Paroisses, & confine au Nivernois à l'Occident, au Baillage d'Arnay le Duc à l'Orient, à celui d'Autun vers le Midi, & à celui de Semur vers le Nord ; la partie détachée de l'Auxois est une Plaine fertile en grains de toutes especes ; celle detachée du Morvant, est de Montagnes couvertes de bois & remplies de paccage, il ne s'y trouve toutefois ni bois considerables ni rivieres ; on n'y compte de Bénéfices que le Chapitre du Thil, fondé par les Seigneurs du lieu, qui est composé d'un Doyen qui a 400 l. & de 5Chanoines qui ont chacun 200 l. Les Gentils-hommes de ce Baillage sont, le Sieur de Villers la Faye de très-bonne maison ; le Sieur de Cussigny des Barres, dont il a été parlé dans le Baillage de Dijon ; le Comte du Thil, du nom de Serres, issus d'un premier President de la Chambre des Comptes, dont la femme & la fille ont été calomniées, dans la legende de Dom Claude de Guise Abbé de Clugny ; les Sieurs de Jaucourt, S. Andeux de maison déja connue, ; le Sieur de Tremont de bonne & ancienne famille mais pauvre ; le Sieur de Fussey aussi de bonne maison ; le Sieur Batatier de Hautage, de bonne maison ; le Sieur d'Arcenay Coningam originaire d'Ecosse ; le Sieur de Quarré d'Antigny dont il a été parlé ; le Sieur Dubois fils du Gouverneur de Presbourg, originaire de Nivernois ; le Sieur de Croisier d'ancienne famille d'Epée ; -le Sieur de Courroy ; le Sieur Perreau du Buisson ; le Sieur de Chargere ; le Sieur Buatier ; le Sieur de Villeneuve, qui se prétend Cadet de Villeneuve en Provence ; les Sieurs de la Loye, & Badier, venus de Secretaires du Roi. La Ville de Saulieu, est bâtie sur une eminence, & toutefois ses fossez sont remplis d'eau ; elle se trouve sur la route de Paris à Lyon à 7 lieuës d'Autun dont elle depend pour le Dioceze de la Seigneurie ; il y a un Chapître composé d'un Doyen, & 12 Chanoines ; des Capucins, des Ursulines ; un College & un Hôpital ; & l'on y a établi un presidial en 1694 ; il y avoit déja un Grenier à Sel, & un Corps de Ville, l'un de ses fauxbourgs porte le nom de Morvant, comme étant sur le territoire.
Baillage de Chatillon.
Le Baillage de Chatillon sur Seine, autrement de la Montagne, confine à la Champagne a l'Orient, & au Nord au Baillage de Dijon, vers le Midi encore à la Champagne, & au Baillage de Semur à l'Occident ; sa longueur est de 12 à 13 lieuës, sur 8 à 9 de largeur ; le Païs est entierement coupé de Montagnes & de Valons, & fort convert, on y compte 15000 arpens de bois taillis, car il n'y a plus de haute futaye ; il y a beaucoup de forges à trois ou quatre lieuës à la ronde de Chatillon, & le fer s'en debite à Troyes, Dijon & Lyon ; il y avoit aussi une Manufacture de Draps & de Serges, mais a pauvreté des Maîtres ne leur permettant pas d'acheter des laines, elle est entierement tombée ; les Prairies de ce Canton, qui n'ont pas une trop grande quantité d'eau, sont assez bonnes, mais la negligence de nettoyer les Rivieres, est cause que l'eau regorge trop en plusieurs endroits, ce qui fait qu'il y en a plusieurs qui ne produisent que du Glayeux ou de gros Foin, qui sont sans débit & sans consommation. Les Rivieres de ce Baillage
Ses Benefices. Sa Noblesse.
sont la Saône & l'Ource, dont la premiere prend sa source à Beligni, entre Chanceau & S. Seine ; l'Auteur a jugé, par l'inspection des Eaux, a l'estimation de la quantité de ses Eaux, qu'il ne seroit pas impossibile de la rendre navigable jusqu'à Chatillon, & à l'égard de la seconde, qui est aussi grosse que la Seine, dans le Baillage, il dit qu'elle pourroit aisément servir au flottage du bois, si l'usage ne s'en étoit perdu ; il reste en ce Canton les vestiges d'un grand Chemin des Romains, qui conduisoit d'Auxerre à Langres, mais on a été contraint de l'abandonner, parce qu'il est absolument rompu, les autres chemins du Païs sont en tres-mechant état, aussi bien que la plupart des Ponts, par un effet de la misere generale & du peu d'interêt que les particuliers prennent à la commodité publique. Quant aux Benefices, on y trouve l'Abbaye de Chatillon de Chanoines réguliers de Ste. Genevieve, qui vaut 8000 l. de revenu pour les deux Menses ; celle d'Oigny aussi de Chanoines réguliers de la même reforme de 6500 l. celle de S. Seine de l'Ordre de S.f Benoît, congregation de S. Maur dite autrefois Segertrense MonafleHum fondée en 534. du tems de l'Evêque Patientius, laquelle vaut 1500 l. celle Dupuy d'Orbe de filles de la reforme du Val de Grâce transférée a Chatillon de 4000 l. On y compte de plus 13 Prieurez, dont celui du Val des Choux, chef d'Ordre uni à la Congregation de S. Maur, est le plus considerable, il vaut 7000 l. de revenu ; l'Ordre de Malthe y a deux commanderies, celle de Volaine, unie au grand Prieuré de Champagne de 18000 l. & ceile de Montmoret de 1500 l. Les Villages, au nombre de 156, ne formenPque ni Cures, dont 77 sont du Dioceze de Langres & 34 de celui d'Autun. Les Gentils-homme de ce Baillage sont, les Sieurs de Chatenet, divisez en 4 Branches ; Bncon, JL/antyfort, & S. Vincent Echalot, de fort bonne maison, originaires d'Alsace. Le Sieur de Ligneville d'Autricourt, originaire de Lorraine, pareillement de grande maison ; le Comte d'Epinai du nom de Pernes dont il a été parlé ; les Sieurs d'Arcey & du Colombier, du nom de Clugny de l'une des meilleures maisons de la Province ; le Sieur de Sernobon du nom de Gastelier, originaire de Brie de bonne famille ; le Sieur de S. Phal, du nom de Cudon, de bonne & ancienne Noblesse ; les Sieurs d'Arcelot du nom de Lacause originaires de Perigord ; le Sieur de S. Belin, de maison déja connue ; le Comte d'Ampilly du nom de Sommieure, maison ancienne & distinguée de Champagne dés le tems de S. Louis ; le Sieur de Seveury Balo, d'ancienne famille, qui porte une Thiare dans ses Armes, de la Concession du Pape Caliste II. Les Sieurs Dorsan, originaires de Suisse ; le Sieur de Viliers, du nom de Medard ; le Marquis de Souché ; le Sieur Duret, le Sieur de Parson de Fluselot ; le Sieur de Villotte, du nom de Capitaine ; les Sieurs le Grand, originaires de Chatillon ; le Sieur de Marrilly du nom de Messey ; les Sieurs de Ramond du même lieu ; les Sieurs Viard, originaires de Comté ; le Sieur Poulain de la Caumanciere, venu de Nantes, où son frere a été ennobli par la Mairie ; les Sieurs Vaillans & Marietez, qui sont issus de Secretaires du Roi. Il y a dans l'étenduë de ce Baillage deux autres petits Baillages Royaux, Salmaise & Duerme, 6 Chatelainies, 80 Seigneuries & seulement 12 Fiefs. La Ville de Chatillon est separée en deux parties par la Riviere de Seine, l'une desquelles est nommée Chaumont, & l'on y voit une ancienne maison assez considérable, que l'on croit avoir apartenu au Chevalier Raulin ; dans l'autre partie, qui est nommé le Bourg, sont les ruines de l'ancien Château, dans une si belle situation qu'elle engagea quelques-uns des premiers Ducs de Bourgogne à y faire leur séjour ; la Paroisse est dediée à S. Voele fameux dans l'histoire du Roi Gontran : Les Cou vens de cette Ville, outre les Abbayes, sont les Cordeliers, les Feuillans, les Capucins ; les Ursulines, les Carmelites, deux Hôpitaux & le Collège : Les Jurisdictions du lieu, sont le Baillage Ducal ou Justice de l'Evêque de Langres, la Maîtrise, la Marêchaussée, le Grenier à Sel & lé Corps de Ville, les anciens Mémoires parlent avantageusement de cette Ville, mais le malheur des tems l'a tellement appauvrie qu'on ne la reconnoit point, même depuis 20 ans.
Compte d' Auxerre. Son Histoire. Ses Rivieres. Sa Noblesse.
La Comté d'Auxerre autrefois unie à la Bourgogne, puis separée, & ensuite réünie, renferme une étendue de 8 lieuës de longueur sur 6 de largeur, entre la Champagne & la Bourgogne, le Gatinois & le Nivernois. On prétend que le Roi Robert l'alUenaV] couronne, en mariant sa soeur Alix avec le Comte Renaud de Nevers ; leur posterité l'a possedée jusqu'à l'année 1182. qu'elle passa en la maison du Courtenay par le mariage d'Agnès de Nevers avec Pierre de Courtenay, lequel devint Empereur de Constantinople par son second mariage ; Mahaut de Courtenay, fille unique du premier lis, épousa Hervé Seigneur de Dousy par la volonté de Philippe Auguste, qui tira de Hervé la Seigneurs de Gien sur Loire, pour faciliter son mariage ; ceux-ci ne laisserent aussi qu'une fille Agnès laquelle épousa Guy de Chatillon fils de Gaucher Comte de S. Pol, & d'eux vin Yolande, épouse d'Archambaud le Jeune, Sire de Bourbon, laquelle herita du Comté de Nevers & d'Auxerre, & ne laissa pareillement que deux filles, Mahaut & Agnès de Bourbon toutes deux mariées à Eudes & Jean enfans de Henry IV. Duc de Bourgogne, Eudes ne laissa que trois filles, dont la derniere fut declarée par les partages de 1273 Comtesse d'Auxerre & Dame de S. Aignan en Berry, elle épousa Jean de Châlons Seigneur de Rochefort, dans la maison duquel la Comté d'Auxerre a demeuré jusqu'à l'année 1370 que le Roi Charles V. l'achetajie Jean II. du nom pour la somme de 31000 francs d'or Le Païs est decouvert & tout coupé de Vignobles, en sorte que l'on n'y recueillepas assez de grains pour la nourriture de ses habitans, qui tirent la plûpart de leur bleds d'Avalon & du reste de la Bourgogne ; les prairies sont aussi fort rares n'y en ayant qu'une de la longueur de 3 lieuës sur 500 pas de largeur, qu'on nomme la Prairie de Bauche, qui nourrir tout le Bêtail de ce Païs-là, ou par le produit de ses foins, ou par la pasture après la récolte on ne compte que 39 Paroisses dans toute cette étenduë. Les Rivieres qui y passent sont l'Yonne & la Cure qui viennent toutes deux du Morvant, la premiere commence à porter bateau à Mailly, la ville, & la seconde à Vermenton, mais au dessus elles ne servent l'une & l'autre qu'au flottage des bois, la Cure se jette dans l'Yonne à Cravant le Ruisseau de Bauche ne doit pas être oublié puis que c'est lui qui fertilise la prairie dont on a parlé. Il est sujet à de grands ravages par les pluyes & les inondanons. L'Auteur voudroit quon reparât les chemins & les ponts & qu'on en fit de nouveaux pour facititer le commerce ou la marche des troupes, mais il montre en même tems la difficulté de le faire, dans l'état d'épuisement général qu'il a bien osé representer avec les couleurs les plus vives, & il ajoûte que l'état des chemins répond aux Ponts & Chaussées pour faire connoître qu'il y en a peu de pratiquables. Se reservant ensuite de traiter en particulier des Bénéfices de la Ville d'Auxerre, il ne compte à la Campagne que l'Abbaye de Rigny, ordre de Cîteaux, & le Prieuré du Bois d'Urcey qui vaut 400 l. Rigny a été sondée en 1128. & vaut 8000 l. de revenu pour les deux menses. Les Gentils-hommes de la Comté d'Auxerre sont, le Comte de Courçon, du nom de Thuillerie originaire de Paris, son ayeul a été employé à diverses Ambassades, Maître des Requêtes & Bailly de la Comté d'Auxerre ; le Marquis de la Tournelle, d'ancienne maison ; la Marquise de Lambert veuve du Lieutenant des Armées du Roi, gouverneur de Luxembourg qui étoit originaire de Perigord, y possedé la terre de S. Brix, cette famille s'est distinguée de pere en fils par ses services Militaires ; les Sieurs de la Coudre, de Vincelles, de la Villette & le Chevalier de Ris ; le Sieur Aubert de la Ferriere ; le Sieur de Peron Seigneur de Chatenay de maison ancienne ; les Sieurs de Painforma ou Penforma ; le Sieur de la Motte Tirnancys & lejSreur Colar deSizy ; les Sieurs d'Estalin, de S. Palaïs originaires d'Ecosse ; le Sieur de Vilhoam ; le Sieur Gaudais du Pont, Provençal d'origine ; leSièur de Louze ; le Sieur Drovart, de Çurly, Officier de Mousquetaires ; le Sieur de Beauvaris de Chery ; le Sieur de Tameigne seigneur de Perteau ; S. Muet de la Haye, la Sieur Davignçaux, du nom de Lamarts & le Sieur Boucher de la Ruppelle reabilité en Noblesse : On compte-danjsice Baillage 25 Seigneuri'es, & 98 arriere-fiefs, relevans de la Comté d'Auxerre, 200 relevans de S. Vezain, 70 de Douzy, 90 de Thouey ; mais comme la Comté d'Auxerre est trop petite pour en refermer un si grand nombre, il faut sousentendre que ces Mouvances s'étendent dans les Païs circonvoisins.
irSes
irSes Abbayes.
La Ville d'Auxerre est assise sur un Côteau au bord de la riviere d'Yonne, son circuit est d'une heure de chemin, & sa figure presque ronde, l'Air y est pur, & les vûës en sont belles, & même agréables ; c'est le Siege d'un Evêché de 30000 l. de revenu, le Chapitre de la Cathedrale est de 60 Chanoines, parmi lesquels, il y a 6 dignitez, mais ils n'ont gueres que 250 l. chacun, il y a encore une Collégiale dediée à Nôtre Dame, maïs les 18 Chanoines dont elle est composée n'ont que 30 l. chacun : la Ville a 8 Paroisses, & les Fauxbourgs 4, il ne faut pas omettre de dire, que la Comté d'Auxerre, les Baronies de Donsy, de S. Verain, & Thouay, sont Fiefs de l'Evêché, dont les possesseurs sont tenus, outre l'hommage, de porter le Dais de l'Evêque, au jour de son entrée. Les Abbayes de cette Ville au nombre de 5 sont, S. Germain de l'Ordre de S. Benoit fondée en 560 de 1700 l. de revenu, S. Marian, de l'Ordre de Prémontrez, qui y a été introduit long tems après sa fondation de 4000 l. S. Pere, de Chanoines réguliers, fondée en 749 de 200 l. Nôtre Dame des Istes, de filles, Ordre de Cîteaux de 5000 l. & S. Julien, aussi de filles, de l'Ordre de S. Benoît, ruinée par les Hugenots, & non encore rétablie, cette Abbaye a Mille ans d'Antiquité. Outres ces Abbayes il y a encore les Monastères fuivans, les Jacobins de 1200 l. de revenu, les Cordeliers de 600 l. les Jesuites, qui tiennent le Collège, de 4000 l. les Capucins, les Augustins déchaussez, les Ursulines de 10000 l. les filles de S. Marie de 5000 l. le Seminaire de 5000 l. l'Hôtel-Dieu de 6000 l. l'Hôpital general de 5000 l. Les Jurisdictons de cette Ville, sont le Baillage ou Presidial, la Prévôté, les Commissaires des Aides & Tailles, créez après la Suppression de l'Election, en conséquence de l'Union de la Comté d'Auxerre, aux Etats de Bourgogne, les Consuls, le Grenier à Sel, la Maîtrise des Eaux & Forêts, la Marêchaussée & le Corps de Ville : les Octrois ou deniers Patrimoniaux sont fort considerables étant de près de 50000 l. par an, mais les charges & taxes absorbent entierement ; cette Ville, favorablement située pour le Commerce, n'en tire presqu'aucun avantage, les habitans ne s'apliquent uniquement qu'à la Culture de leurs Vignes.
Le Commerce.
Le Charolois a pour Confins à l'Orient la Riviere de Guie qui le sépare du Chalonnois, à l'Occident le Bourbonnois, au Midi le Maconnois, & au Nord les Baillages d'Autun, & de Montcenis ; le Païs est tout rempli de Montagnes, & il ne s'y trouve aucune Plaine qui ait une lieuë d'étenduë, les Montagnes de S. Vincent, de Savigné & de Doudin, sont plus hautes que les autres, & entr'autres il y en a plusieurs qui étoient autrefois environnées de Chateaux, dont il ne reste que les ruines, en cela pareilles aux Montagnes de l'Alsace ; on ignore à présent quels ont pû être les fondateurs de ces Châteaux ; le Païs dans sa totalité a 12 lieuës de longueur de l'Orient à l'Occident, & 7 lieuës de largeur. Une moitié entiere de cette étenduë étoit il n'y a pas long tems couverte de hautes futayes, mais on en a degradé la plus grande partie, particulièrement dans" les lieux qui se sont trouvez à portée des Rivieres, & ce ne sont plus à présent que des Bois taillis, où l'on n'a même presque point laissé de Ballivaux, ce qui fait dire à l'Auteur qu'il ne reste aucune forêt considerable en Charolois, si ce n'est celle qui apartient au Prince de Guimené & de Montauban ; le principal Commerce de ce Canton est celui des Bestiaux que l'on y nourrit la plûpart de l'année dans les Taillis de defense, il y a aussi quantité d'autres Paccages de petites Prairies, qui fournissent une quantité suffisante de fourage pour la consommation du Païs, les Boeufs gras qui sont conduits à Lyon & Paris, & le menu Bestail se vendent dans les Foires du Charolois, qui sont assez fréquentées, le Seigle & le Poisson, d'une assez grande quantité, qui se trouvent dans presque tous les endroits, ou l'on en a pû pratiquer avec des Moulins au pied des Chaussées, entre encore pour une part considerable dans le Commerce de cette petite Province. Le Prince de Condé est Seigneur dominant du Charolois, au droit du Roi d'Espagne, qui le tenoit de la Succession de Bourgogne, comme ayant été acquis par Philippe le Hardi Duc de Bourgogne, le 11e. May 1390. de la Maison d'Armagnac pour 60000. francs d'Or, & toutefois il la
BouR COGN
Paroisses. Rivieres.
possede sans exercice des droits Souverains, toutefois les Seigneuries de ce Canton relevent du fief dominant, & leurs Justices ressortissent devant le Bailly du Charolois en conséquence d'un arrêt du Conseil qui l'a maintenu contre les Officiers Royaux' dont il sera parlé ci-après. Le Païs est regi par ses Etats particuliers qui sont composez de 3 Eleus ordinaires du Clergé, de la Noblesse & du tiers Etat, du Lieutenant General & du Procureur du Roi, du Baillage Royal, d'un Député de chaque Ville & Bourg, qui ont droit d'assistance, d'un Sindic, d'un Conseiller, de deux receveurs des Impositions, choisis parmi le nombre des députez des Alcades, au rang de chaque Ville & Bourg, ces Alcades sont comme en Bourgogne les Examinateurs de la gestion des Elûs. Le Charolois contient 58 Paroisses, dont 4 sont du Dioceze de Mâcon, six de celui de Chalons, & 61 de celui d'Autun, de ces 71 Paroisses ou Cures il y en a 40 à portion congrë. A l'égard des Rivieres qui arrosent le Païs il n'y a que la Loire à son éxtremité, qui soit navigable, mais pour en étendre davantage la commodité, & même pour lier le Commerce des Villes de Lyon & de Paris, sans le secours des voitures de terre on a formé en disserens tems le projet de joindre la Loire à la Saone, par le moyen de 3 autres petites Rivieres du Charolois, quoique dans le fond cette petite Province n'en puisse jamais esperer une grande utilité, ce n'est pas toutefois ce qui en a rendu le projet inutile jusqu'à présent, il semble plûtôt que la depense & la difficulté du reglement qu'il y auroit à faire pour la contribution, en ait sait differ er l'execution, l'Auteur ajoute qu'il y auroit bien des réparations nécessaires aux grands chemins, & aux Ponts du Païs, mais que le détail en seroit ennuyeux & inutile.
Ses Benefices. Sa Noblesse.
A l'égard de l'Etat Ecclésiastique de ce Canton, il n'y compte de Benefices importans que le Prieuré de Perrecy, qui étant possedé en commande par l'Abbé Berrier, a souffert depuis peu un changement considerable par la régularité de la réforme qu'il y a établie, sur le modèle de celle de la Trape, quoique dans l'ordre different, puis que le Prieuré est de l'ordre de S. Benoît, on conserve en ce Monastere un Cartulaire très-an » ciens dans laquel on croit trouver des preuves de l'origine de la race des Rois regnans dans celle de la seconde race ; il y a 4 autres Prieurez dans le Charolois dont l'Auteur ne parle point. Il y a une Societé de Prêtres établie dans la Ville de Pasey, où l'on n'en reçoit point d'autres que de ceux qui sont nez & batizez dans le lieu, cependant les Curez des Paroisses voisines y prennent des Vicaires quand ils en ont besoin, & l'Auteur remarque à ce sujet que la plûpart des Cures considérables de la Bourgogne ont de pareilles Societez de Prêtres qui assistent les Curez dans les fonctions, partagent avec eux les revenus des Eglises, & pour cela sont apellez Mipartistes ; mais comme les Curez ne manquent guere d'en prendre la plus grosse part, ces associations portent peu de préjudice à leur intérêt, & d'ailleurs le service Divin s'en fait avec plus de decence & de dignité, ce qui contribuë à la pieté des peuples, d'où suit une plus grande facilité pour leur subsistance ; en cette même ville de Pasay qui est surnommée le Monial, il y a deux gros Convens, l'un de la Visitation, & l'autre d'Ursulines, & une maison de Jesuites, à Digoine un Convent de Picquepus, & à Toulon un autre de Benedictines, qui ont été transferées de Champanoux dont il a été déja parlé. Les Gentils-hommes de ce Canton sont, Le Marquis de Digoine du nom de Buis, originaire du Lyonnois, qui y possede les terres de Digoine & de Montet. Le Comte de Busseuil originaire du Mâconnois, qui possede Busseuil & Moulin. Le Comte de la Salle, de la Maison de Buglioni, autrefois souveraine de Perouse établie en France sous François I, où elle na pas dédaigné d'exercer la charge de Prévôt des Marchands de Lyon, il possedé la terre de Saillant en Charolois ; le Sieur d'Essertine du nom de Mathieu & d'ancienne samille, y possédé Champigny Plomb ; le Sieur de Fautriere, originaire de Mâconnois, le Sieur de Bois, originaire de Bourgogne ; le Sieur de Gavay de bonne maison de Robe & d'Epée, originaire de Charolois ; le Sieur du Moulin la Cour ;
le Sieur de Pressi, du nom de Chalonge ; les Sieurs de Serigny & de Flemois du nom de Thomassin, originaire de la Comté de Bourgogne ; le Sieur de la Motte Carbonnet, d'ancienne famille du Charolois ; le Sieur Desregards, originaire d'Auvergne ; le Sieur de Fossé, du nom de Ragueti, originaire d'Italie établi en France sous François I ; les Sieurs Gonthier, de Pouilly, Besse, Mochet, de Beaumont Gul leret, du Verger, Defcrotre de Martenay, Lambert de Milleray & de Cret ; le' Sieur de Thefu de bonne famille de Robe originaire de Dijon ; les Sieurs de Montmurger de Cipierre, Boifveau, de Volefure aussi Boisveau de Villairvaux de Lurcy, Durier Bernard, d'Agonneau de Charoles, de Fremoles, de grand Champ & de Blages. Il y a dans la Comté de Charolois, 32 seigneuries & 71 fiefs.
Charoles.
A l'égard de la ville de Charoles, elle est située à 4 lieuës de la Loire, & est fort petite, quoique l'anc.en Chateau des Comtes de Charolois soit dans son enciente & que ses ruines en occupent une grande partie, il y a une Eglise Paroissiale & Collégiale composée du premier, qui est d'un Curé & 12 Chanoines, & de plus un Couvent de Claristes, un autre de filles de Ste. Marie, un Hôpital de l'ancienne fondation des Comtes & pour la justice, 2 Baillages, l'un Royal & l'autre Comtal, un Grenier à Sel, un tel de Ville ; si jamais on ouvroit une communication de la Loire à la Saône ce lieu dont les habitans ne s'occupent qu'à la Culture de la terre, pourroit devenir un entrepôt de Commerce, & cette commodité les engageroit au négoce qu'ils ne pratiquent point a présent quoi que leur terroir soit excellent.
Maconnois. Son Histoire. Ses Bornes. Ses Terres.
Le Païs du Maconnois a eu ses Comtes particuliers jusqu'en l'année 1239. leur Géneagie est assez difficile a demêler, on la fait commencer au tems de Louïs le Debonnaire ; Gui Comte de Mâcon, fils de Guillaume, sa Femme, ses Fils, & 30 Gentil hommes de ses Vassaux se donnerent à Dieu tout à la fois, dans le Monastere de Clugny ; son Epitaphe qui y est conservée fait une mention fort ample dé cet évenement singulier, û parait par l'histoire, que sa succession fut réünie aux Comtes de Bourgogne, dont les Cadets eurent en partage la Comté la Mâcon avec celle de Vienne, jusqua Alix de Vienne heritiére de tous les deux, qui conjointement avec son mari Jean de Dreux, vendit les Comtez de Vienne & de Mâcon au Roi S. Louïs, Charles, Regent en France pendant la Prison du Ro, Jean son pere, céda la Mâconnois à son frere Duc de Berry & Comte de Poictiers, par augmentation d'Apannage, mais le Roi revenu Angleterre refusa de ratifier cette allienation aussi bien que l'Erection du Mâconnois en Pairie, ainsi soit par la raison de ce refus, soit par la mort d'hoirs masles du Duc de Berry, le Mâconnois fut réüni a la Couronne jusqu'à la Cession qu'en fit le Roi Charles VII. au Duc Philippe de Bourgogne par le Traité d'Arras de l'an 1435. Ce Païs confine vers l'Orient a la Bresse de laquelle il est séparé par la Saône, il est borné au Midi par le Beaujolois & partie du Forêt a l'Occident par le Bourbonnois, Charolois & Briennois, & au Nord par le Basilage de Montcenis, sa longueur est de 13 lieuës, vers l'Ouest, & la largeur de 9. sans toutefois y comprendre les Paroisses de Romanay, Bressy & la Cret qui en dependent a tous égards, quoiqu'enclavez de 3 côtez dans la Bresse, la Seigneurie de la premiere apartient à l'Evêque de Mâcon, par donnation du Roi Gonthrand, les deux autres ont été long tems possédées par la maison de Vienne jusqu'al'acquisition qu'en ont fait les derniers Comtes de Mâcon. Cette étenduë de Païs n'est S pas également fertile ; les bords de la Saone & le Côteau qui règne au Nord & Sud depuis Dijon jusqu'au delà des limites de ce Païs, sont d'un raport excellent, mais le reste est un terrain rude, montagneux, & presque par tout froid & ingrat, qui répond fort mal a la réputation du Mâconnois ; le vin du terroir de S. Jeangout ne le cede guere au plus sor de la Bourgogne, quoiqu'il ne croisse point dans les 40 Paroisses, qui pour être plus sur la Saone, ou sur le Côteau passent pour la fleur du Mâconnois ; on y compte en tout 202 Vommages tant grande qu petits. Il y a dans le Mâconnois un Evêché dont le siege de l'Eglise est le quatrième ; je dis, le siege établi à Mâcon dès les premiers siécles
Ses Abbayes. Clugny. Prieurez. Couvens. Cures. Noblesse.
de l'Eglise, c'est le quatrième suffragant de l'Archevêché de Lyon, dont le Dioceze s'étend sur environ 200 Paroisses, parties desquelles sont dans le Mâconnois & le reste dans le Lyonnois & le Beaujolois : son revenu, toutes Charges déduites, n'excede pas 12000 l. celui de la Cathédrale dédié à S. Vincent est beaucoup plus considérable & en vaut 36000 ; le Chapitre est composé de 6 dignitez, 20 Canonicats, & 13 Chapelainies principales, les 4 Archidiacres sont nommez par l'Evêque, mais tout le reste des Bénéfices de cette Eglise sont à la nomination du Chapître. La Collegiale de S. Pierre de Mâcon est une Eglise fort considerable, en ce que tous les sujets qui y sont receus, sont les mêmes preuves de Noblesse qu'en l'Eglise de S. Jean de Lyon, elle est composée de 11 Chanoines, un Prieur, & un Trésorier, ils ont tous ensemble 22000 l. Le Mâconnois renferme outre cela 3 Abbayes célébrés, S. Rignut, Tournus & Clugny, toutes trois de l'Ordre de S. Benoît, la premiere fondée 1171. par un nommé Eustosge dans la forêt d'Anise près Charlieu est trés foible, ne valant en tout que 36000 l. de rente. La seconde qui est celle de Tournus est à présent secularisée par une bulle de l'année 1627. & convertie en un Chapitre de 12 Chanoines sous l'autorité d'un Abbé qui a 12000 l. de revenu, les Chanoines en ont environ 400, & sont nommez par l'Abbé ; l'Antiquité de cette maison est fort grande, on y voit une Eglise sousterraine, qui servit de retraite aux premiers fideles de la Ville de Lyon dans la persecution du règne de Marc Aurele, & l'on y trouve encore le tombeau de S. Valerien, que l'on regarde comme l'Apôtre du Païs ; S. Philibert y bâtit un Monastere qui étoit en réputation sous le règne de Louïs le debonnaire. La troisieme, qui est chef d'Ordre, ou plûtôt de congregation, est celle de Clugny fondée en 910, par Guillaume Duc d'Aquitaine & bâtie par Saint Bernon premierement Comte, & ensuite Abbé de Grigny en Franche-comté –, les Moines qui y furent établis, également pris dans les Monasteres de Gigny & de Beaune ; les Moines & anciennement la maison de Clugny reconnoissoit son origine par une certaine redevance qu'elle leur payoit ; la grande réputation de ses premiers Abbez, Pierre le venerable, S. Odile, S. Mayeal & c.-firent qu'une grande quantité de maisons se soumirent à leur discipline, & à leur conduite ; Hildebrand Prieur de Clugny ayant été élevé au Papat sous le nom de Grégoire VII. employa fortement son autorité en faveur de cette maison, & ce sont les fondemems de la grandeur où elle est parvenuë ; toutefois le relâchement s'y étant introduit, le Roi, ou plûtôt le Cardinal Mazarin, en entreprit la réformation qui est à présent parfaite par la mort de tous les Anciens ; il y a ordinairement 50 ou 55 Religieux qui jouissent d'environ 60000 l. de revenu, l'Abbé qui est Electif en a 40000. A l'égard des Prieurez du Maconnois, l'Auteur n'en fait aucun detail qu'en disant qu'il y en a 7 de Religieux, & un de filles de l'Ordre de Clugny à Marcilly ; cette maison est en grande réputation de régularité, on n'y reçoit que des filles nobles, & la Prieure est niece du Pere de la Chaize, le revenu est d'environ 6000 l. II y a trois Religieux Prebendés de 300 l. chacun pour le Service de la maison. Les Couvens du Mâconnois, autres que ceux-ci & ceux dont il sera parlé dans la description des Villes, sont les Augustins réformez de Burnan qui ont 1200 l. & les Minimes de la Clayette & de la Guiche, les premiers ont 800 l. & les deux derniers 900. Le Mâconnois a 182 Paroisses, dont 130 sont du Dioceze de Mâcon, 34 de celui d'Autun & 18 de Châlons, du nombre de ces Paroisses il y en a 175 dont les Cu-re sont à portion congrue. La Noblesse du Mâconnois, dont l'Auteur donne la liste, voit à sa tête le Sieur Dubois grand Bailly qui est fils de secretare du Roi, & très-noble par conséquent : les autres Gentils-hommes sont, le Sieur Chasselade du nom de belle Combe originaire de Dauphiné ; le Marquis de S. Martin aisné de la maison de la Beaume Montrevel, qui s'est établi en Mâconnois par son mariage avec l'heritiere de Lugny, l'Auteur avance au sujet de cette maison de la Beaume qu'il y en a peu dans le Royaume, qui ait autant d'avantage, & aucune qui la surpasse ; le Marquis de Chateau gay du nom de Longueville, héritier par sa femme de la maison d'Amauzé ; le Comte de Chauffaille, puisné d'Amauze, il y a eu 11 Comtes de S. Jean de Lyon de cette branche ;
BOURGOGNE. rile
rile de Savignon de*îa maison de la Guiche, fort ancienne mais plus illustrée depuis le regne de Henry III. la Terre de Savignon a été donnée à cette branche par un Prieur de S. Pierre de la maison d'Espinasse ; le Comte de Briod d'ancienne maison originaire de Bugey, possédé en Mâconnois de très-belles terres par son mariage avec la fille du Sieur Peràchon de Lenozan, riche Bourgeois de Lyon, le Comte de la Clayette du nom de Damas ; le Comte de Chateaution vulgairement dit Chateautiers du nom de Foudras, de bonne & ancienne maison ; le Comte de la Garde, du nom, de Montchànin –, -le Comte de S. Maurice du nom de Chevrieres ; le Sieur de S. Paing du nom de Rochefort a passé en Languedoc ; le Marquis du Palais, du nom de Digoine ; le Comte de S. George, dont l'Archevêque de Lyon ; le Comte de Gigi du nom de Champier originaire de Beaujolois établi en ce Païs par l'alliance de l'heritiere de Gigi, de la maison de l'Aubepin ; le Marquis de Barnay du nom de Damas ; le Comte de Leonin du nom de Bussevel à présent mort, n'a laissé qu'une fille ; le Sieur Desprez du nom de Thibaut ; le Sieur Davayé du nom de Malez, originaire de Bresse ; le Sieur de l'Aube, originaire de Dauphiné ; le Sieur de Champerni, de l'ancienne maison de Salornay ; le Sieur de Bessac originaire de Païsou ; le Sieur de la Souche, & de la Faye ; le Sieur de la Sarrée du nom de Drée originaire de l'Auxois ; le-Sieur de la Buffiere, du nom de Laurencien ; le Sieur du Peage, du nom de Palphy, originaire de Beaujolois ; le Sieur de Dampierre Damas ; le Sieur de Maisonneuve, du nom de la Crete ; le Sieur de la Salle de Chaffigneux &' de Belleperche ; le Sieur de Gorze, du nom de Barthet ; les Sieurs de Sermaize, de Marfontaine Rovozet ; le Sieur de Givry, du nom de Champ de maison illustre en Touraine, dont elle est originaire ; les Sieurs Berthelot de la Moussiere, Rimont, de la Tour, Prisques, de Frane, d'Anglure, de Franc Genest, de la Martine, de la Valtine, Cursil, Milly, de Fougeret, l'Estoile, Davailly, & de Pierrella, ce dernier s'appelle Michon & est originaire de Lyon.
Balliage de Mâcon.
Après l'acquisition du Mâconnois faite, comme il a été dit, par le Roi S. Louïs, ce Prince établit dans la Capitale de sa nouvelle Seigneurie un Baillage Royal pour... des Cas Royaux, qui commencerent alors d'être tout à fait reservez & distinguez d'avec les Cas ordinaires, qui sont de la Compdetence des Juges Seigneuriaux, & il lui attribua pour sa jurisdiction le Mâconnois, partie de la Bourgogne, le Lyonnois, le Forêt & le Beaujolois, mais il ne lui reste à présent que 13 Chatelainies ou Prévôtez Royales. Le Païs entier est regi par des Etats particuliers qui partagent les Impositions reglées pour le contingent du Mâconnois par les Etats généraux de Bourgogne, sur tous les contribuables ; ce contingent n'étoit autrefois que du 14e. au total, mais par transaction nouvelle il a été fixé à l'onzième, outre les charges particulieres dont il sera cy-après parlé ; les Etats, où l'Evêque de Mâçon preside toûjours, sont composez de deux Deputez des Chapîtres de S. Vincent Cathédrale, de S. Pierre, des Abbez de Clugny, Tournus & S. Rigaud, quand ils s'y trouvent en personne, auquel cas ils precedent les deputez du Chapître, & des deputez de ces mêmes Abbayes ; les Elûs du Clergé sont choisis alternativement dans les Chapîtres, le Corps de la Noblesse choisit son Elu à la pluralité des voix, & le tiers Etat qui est composé des deputez de 4 Villes du Mâconnois, Mâcon, Clugny & S. Jeangoux choisit le sien alternativement dans les unes & les autres ; ce dernier Eleu est accompagné d'un officier de l'Election de Mâcon, choisi & nommé par l'Evêque ; tous ces Eleus prêtent serment entre les mains du Lieutenant général au Baillage, & se transportent ensuite au lieu où les Etats generaux de Bourgogne sont assemblez, leur Voyage est payé par le Païs, a raison de 45 l. par jour pour l'Elû de la Noblesse, & de22l. 10 s. à chacun des Elûs du tiers Etat, & à l'Officier de l'Election ; à leur retour ils rendent compte de ce qui s'est passé dans les Etats généraux de la Province, & quand les Commissions des Impositions sont arrivées ils travaillent à la repartition, & : sont toûjours payez de leurs journées,
Election du Mâconnois. Ville de Mâcon.
tant sur ce qu'on appelle le departement qui est une imposition annuelle de 4000 l. permises par un arrêt du Conseil pour être employée en gratification, que sur les fonds de la Province ; l'usage est de joindre avec le Taillon tous les menus frais des Voyages, Taxations, & autres dépenses, & d'en faire l'imposition de telle maniere qu'il y en ait toûjours du revenant bon, sur les affaires imprévues ; le Maire de Mâcon a droit de présence à l'assemblée, mais n'y a point de voix, le Sindic y propose les affaires, & la délibération s'en fait à la pluralité des voix ; le Maire & le Sindic ont chacun leur taxe par jour a raison de moitié de ce qui est accordé aux Elûs du tiers Etat, la recette des impositions se fait par des receveurs établis par les Etats qui exercent alternativement : Au surplus la convocation des Etats du Mâconnois se fait tous les trois ans en consequence des ordres du Roi addressez au Bailly de Mâcon, & l'on prend pour cela un tems suffisant avant la tenue des Etats de Bourgogne, que ceux-ci doivent toûjours preceder. A l'égard de l'élection du Mâconnois dont l'établissement paroît singulier dans un Païs d'états, il faut savoir que sous le Regne du Roi Jean les Etats du Royaume établirent un Impôt sur les boisions qui fut qualifié du nom d'Aide qu'il a retenu, & que comme le Mâconnois êtoit alors uni à la Couronne cet impôt y fut receu comme dans tous les autres Païs de son obéïssance, de sorte que par la même raison, on y institua des Juges sous le nom d'Elûs, pour connoitre des disserens, resultans de cette imposition ; mais parce que dans tous les autres Païs du Royaume, les Elûs avoient l'attribution de connoître du fait des tailles, les Elûs de Mâcon ont insensiblement gagné le pié de concourir avec l'Elû du tiers Etat dans la matiere des impositions. Mais d'ailleurs comme les Aides étoit un impôt presque infuportable à la Province, dont tout le produit ne consiste qu'en vins, les Etats du Païs ont fait en tout tems des efforts incroyables pour s'en délivrer, & ils les ont faits inutilement jusqu'en l'année 1689, que les besoins pressans firent trouver les Ministres plus accessibles, en effet on compose avec les Etats du Mâconnois pour le rachat du droit des aides dans toute l'étenduë de la Province au moyen de 55000 l. qui furent payez comptant, au moyen de l'emprunt de la même somme que les Etats firent sous la faculté d'imposer deux Crues du sel de chacun 50 s. de continuer les droits sur le vin, vendu en detail à leur profit & de faire encore sur le Païs une imposition de 25000 l. par an, parce que du tout il pourroit être fait un ou plusieurs Baux consécutifs jusqu'au remboursement des intérêts & Capital des sommes empruntées ; mais comme le Roi n'étoit pas le seul interessé dans le rachat, & que le Comte d'Armagnac engagiste des droits anciens & du péage de Mâcon, y avoit les siens, les Etats se sont rendus, les Fermiers en entrant en la place de ceux qui éxerçoient les droits, payant le passé & s'obligeant de lui continuer le même revenu à l'avenir : Par ce moyen l'état du Mâconnois se trouve déchargé d'un impôt très onereux, & quoiqu'il ne soit pas absolument libre à cet égard, comme les intérêts de l'Emprunt sont acquittez fidellement & que le principal en diminue tous les ans, on attend le moment d'une libération parfaite & chacun contribue avec joie au payement qu'il en faut faire dans cette esperance. La Ville de est située sur le penchant d'un Côteau à la droite de la Saône qui la sépare de la Bresse, avec laquelle elle a communication par un Pont de 13 Arches long de 300 pas ; le circuit total de la Ville est d'environ 3000. mais les rues en sont étroites, mal pavées, & il n'y a point de places publiques ; en 1636, lors que l'irruption du général Gallas fit trembler toutes les frontieres on y commença quelques fortifications qui sont demeurées imparfaites, à la reserve de deux Bastons, dont celui de la Saône n'est point terrassé, mais les maisons Religieuses qui y sont renfermées sont les Cordeliers qui ont 1000 l. de revenu ; les Jacobins qui en ont 1500 ; les Minimes 2000 ; les Capucins, les Peres de l'Oratoire qui en ont 1800 ; & les Jesuites tant soit peu moins riches : Les Monastères de filles sont la Visitation de 2000 l. les Ursulines de 4000 l. les Carmelites de 2000 l. & les Hôpitalieres qui ont 800. écus de revenu.
Jurisditions. Ville de Tournus. Ville de Clugny. Ville de S. Gengoux. Ville de Marcigni. Considerations generales.
Il y a de plus un Hôpital général, sous le nom de maison de Charité, où l'on nourrit au moins 700 Pauvres, sans autre secours que celui des Aumônes à environ 1500 l. de revenu ; l' on a aussi établi une maison dite du bon Pasteur, pour renfermer les filles de mauvaise vie, mais comme il n'y a pas eu de lettres patentes pour cette institution & quelle ne subsiste que des Charitez du Peuple, son état est fort incertain, Les Juridictions de cette Ville, sont le Presidial, composé de deux Président un Lieutenant General, un Lieutenant Criminel, un Lieutenant particulier, un Assesseur, 10 Conseillers & c. La Maréchaussée, l'Election, le Grenier à Sel, le Bureau des traites & l'Hôtel de Ville, dont les revenus & les Charges sont liquidées par arrêt du Conseil à 6000 l. Les Moeurs des habitans communes de cette Ville, ont plus de solidité que d'agrément, le Peuple y est dur, caché & mal poli, défaut que l'Auteur attribue au peu de soin que l'on y donne à l'éducation de la Jeunesse : par une consequence de ce principe, on s'aperçoit que les Arts & les Lettres y sont éxtrèmement negligez, & on auroit peine à citer aucune personne de cette Ville qui se fut distinguée dans les unes ou les autres ; on y compte environ 6000 habitans, & il n'y a pas long tems qu' il y en avoit un quart davantage. Tournus aussi sur la Saône a même distance que de Châlons & de Mâcon, est une petite Ville dont le terroir raporte abon damment des grains, du Vin, des Fourages, des Fruits & des Légumes, son circuit est de 28000 pas, l'Abbé en est Seigneur, & fait exercer la Justice ; on y voit encore la Tour où il faisoit autrefois battre sa Monnoye, il y a deux Paroisses, un Couvent de Recolets, un autre de Benedictines, un Hôpital auquel le Roi a réuni sept Maladreries du Voisinage & un petit College ou Seminaire érigé par l'Evêque de Châlons ; le Corps de Ville a 1200 l. de revenu & 1010 l. de Charges, outre les nouvelles subventions ; il y a peu de commerce en ce lieu, & l'on reproche aux habitans d'être fort paresseux. Clugny est située dans un Vallon entre deux Montagnes, son enceinte est fort grande à cause des vastes espaces que renferme l'Abbaye qui a tout droit de Seigneurie & de Justice dans la Ville, elle n'est censée d'aucun Dioceze, le grand Archidiacre faisant toutes les fonctions Episcopales à la reserve de l'Ordination : Les Appellations du Juge Mage de Clugny ressortissent au Parlement de Paris ; D'ailleurs il y a un Grenier à Sel & un Corps de Ville qui a 7 à 800 l. de charges & de revenus Patrimoniaux, les Tanneries de ce lieu étoient autrefois considérables, mais à présent ce commerce est presque cessé aussi bien que celui des blanchisseries auxquelles les eaux de ce lieu sont tout à fait propres. La Ville de S. Gengoux est bâtie entre des Montagnes qui en rendent le terrain fort inégal, elle n'est pas éloignée de la riviere de Grosne, on a des preuves qu'elle fut cedée au Roi Louïs le Jeune l'an 1166, par Etienne Abbé de Clugny avec la Justice & la moitié des droits utiles ; la Marquise de la Boullaye jouït de la part de l'Abbé de Clugny par droit d'acquisition, & de celle du Roi par engagement, il n'y a qu'une Paroisse, un Couvent d'Urfulines de 2000 l. de revenu & un fort petit Hôpital, cette ville est fort pauvre parce qu'elle est privée de tout commerce, le Païs en étant rude & difcile, & se trouvant trop loin de Rivieres navigables, c'est un Siege de Chatelainies Royales, & il y a aussi un Corps de Ville. Celle de Marcigny doit son origine au Prieuré de filles qui y est établi depuis plusieurs siécles, elle est éxtrèmement petite & dans le voisinage de la Loire qui lui procure la commodité du commerce, les habitans y sont ingénieux & polis & reüssissent même assez hûreusement dans toutes les Sciences & les Arts auxquels ils s'apliquent ; outre le Prieuré qui a droit de Seigneurie & de Justice en ce lieu, il y a un Couvent de Recolets & un autre d'Ursulines, qui a déja 4000 l. de revenu ; & un Hôtel de Ville ; la famille de Dupuy qui a donné un General aux Chartreux est originaire de Marcigny. L'Auteur termine son Mémoire sur le Mâconnois par quelques considérations generales, la premiere regarde les rivieres, qui y sont en assez grand nombre, mais entre lesquelles il y en a une plus considerable que les autres nommée se Gróne, sur laquelle
Nombre du Peuple.
pouroit utilement établir des Moulins à papier ; la seconde regarde les Bois que l'Auteur fait monter à la quantité de 25000 arpens malgré tous les dégrademens qui y ont été faits ; la troisième regarde les Chemins qu'il y dit être presque par tout fort mauvais, & en particulier la nouvelle route de Paris à Lyon, qui s'éloignant de Dijon & de Rouanne, & évitant la Montagne de Trentage, abrégé la traite de dix lieuës, on la fait aboutir à Mâcon, ce qui ne fauroit manquer de procurer un avantage à cette Ville ; la quatrième regarde le détail des Seigneuries qui s'y trouvent au nombre de 3 Comtez, I Vicomté, 1 Palatinat, 11 Baronies, 64 Seigneuries & 62 Fiefs, l'Eglife y possede 64 des unes ou des autres ; la cinquième concerne les mesures, lesquelles à Mâcon sont nommées, coupes, dont les vingt en sont une Asnée, ou charge d'un Asne ; à Tournus, on les nomme coupe-tierfe, & il n'en faut que 12 pour une Asnée ; la Coupe de Mâcon pese environ 20 l ; à l'égard de la mesure de Boissons, deux tonneaux y sont une Botte moindre d'un seizième que la queuë de Bourgone ; la sixième concerne le Commerce du Païs que l'Auteur fait rouler presque tout entier sur le débit des vins dont le Mâconnois produit abondamment, n'étant point sujet aux gelées qui desolent les autres Vignobles, le Vin s'y vend avec les Tonneaux qui le renferment, ce qui fait une grand consommation de Mérain à l'avantage de la Bourgogne, d'où on le tire & où il est fort rencheri à cause de la grande quantité qu'en ont enlevé les Provenceaux pour épargner les grosses feutailles & les frais de liqueurs qu'ils sont transporter à Paris, le Mérain étant de moitié de plus leger que le leur : On fabrique quelques tiretaines à Clugny pour le vêtement des gens du Païs, & dans toutes les Forêts beaucoup de Sabots, que la pauvreté à rendu beaucoup plus communs qu'ils n'étoient du tems de nos Peres. La vente & nourriture du Bêtail, est la derniere espece de Commerce qui s'y pratique avec profit, & c'est la resource unique des lieux qui n'ont point de Vignobles. Enfin & en dernier lieu, l'Auteur traite du nombre du Peuple Maconnois, & le fait monter suivant les denombremens qui en ont été faits, à 90000 personnes, entre lesquelles il compte 94 Notaires & 40 Sergens Royaux ; il divise ce grand peuple en deux especes, les Habitans du Vignoble, qu'il dit être fort durs au travail, hardis, mais peu sociables & fort emportez, & les habitans des Montagnes, qui sont foibles, languissans & d'un genie encore plus rude, ce qu'il raporte à leur méchante nourriture, qui ne consiste qu'en quelques laitages, au Pain &. Eau, encore dit il, que leur pain est de très-méchante qualité.
Terres Seigneuriales. Rivieres. Abbayes. La Noblesse.
La Comté de Bar sur Seine, qui est située à l'autre éxtremité de la Bourgogne, confine à la Champagne & au Baillage du côté du Nord, & des autres cotez est enfermée par la Bourgogne, son étenduë est de 3 lieuës de long sur deux & demi de large presque toutes occupées de Montagnes couvertes de Vignobles ; il s'y trouve néanmoins quelques Prairies dans cinq Paroisses, mais les autres ne receuillent aucuns fourrages ; les Bois y sont en quantité suffisante pour le chaufage des habitans & l'entretien d'une forge au terroir de Champigni prèsRicle. Toutes les Seigneuries de ce Canton relevent de la Comté de Bar sur Seine, dont elles sont des demembremens, les plus considérables sont la Baronie de Polizi qui avoit été érigé en Duché sous le nom de Choiseuil, & celle de Ricey qui n'en relevent qu'en partie, l'autre dependant de l'Evêche de Châlons. Il ne s'y trouve point de Rivieres navigables, car bien que l'on ait travaillé à celle d'Arcé pour la rendre telle, & que l'Entrepenneur eut parfaitement réussi, on a laissé perir son ouvrage faute d'entretien, & la depense a été totalement perduë. Les Chemins sont par tout en assez bon état, quoi qu'il y ait encore quelques réparations necessaires aux Ponts & Chaussées de cette Province. On s. compte qu'une Abbaye qui est celle des Mores, ordre de Cîteaux, qui vaut 4000 l. pour les deux Menses & 4 Prieurez. Les Gentils-hommes sont, le Sieur de Vienne Planchy Gouverneur de la Ville & Comté, le Sieur de Vienne Fonteste Lieutenant-General, au Baillage ; les Sieurs de Conjugnaut Seigneurs en partie d'Aucrey &
de Lingey ; le Sieur Butord de Montigny & Seigneur des mêmes lieux ; le Sieur de Chantereau & le Sieur de Chambre ; le Sieur Butord de Champigny ; le Sieur de Vienne Gezuroles ; le Sieur Deschiens ; le Sieur de Bulot de l'Etang ; le Sieur de Longueville ; le Sieur de Lieure de Chas ; le Sieur de Gorraud Dumont, Escuyer de Monseigneur le Dauphin ; le Sieur Deschiens, maison rouge ; le Sieur de Tilloul ; le Sieur de Vienne Busserolles ; un autre Sieur Deschiens, un autre Sieur de Longueville ; un autre Sieur de Lieure de Fosset ; le Sieur Aubert.
Ville de ar. Les Jurisdictions.
Bar est bâtie sur la Seine au pied d'une Montagne stérile, c'est une Ville de 3000 pas de circuit où il y avoit un Chateau qui a été ruiné, & un Chapitre de Chanoines, qui après cette demolition se sont retirez de l'Eglise Paroissiale où ils occupent une Chapelle ; ils ne sont que trois & un demi Prebendé, tous à la nomination du Roi ; ils ont quatre cens livres chacun au total. Les Mathurins y ont une maison d'ancienne fondation, qui a mille livres de revenu, & les Ursulines une autre considérable : La Ville a depuis peu établi un Hôpital de 12 lits, & un petit Collège. Les Jurisdictions de ce lieu sont le Baillage, la Prévôté, la Maîtrise, l'Election, le Grenier à Sel & l'Hôtel de Ville. Il y a un bois près de la Ville, qui est nommé la Garenne au Comte, dans laquelle il y a un vieux Chêne, où s'étant trouvé assez nouvellement une image de la Sainte Vierge il s'y est établi un Pelerinage aujourd'hui très-fréquenté, & depuis 30 ans on y a bâti une Chapelle des Aumosnes publiques.
De la Bresse. Ses Divisions. Haute & basse Bresse ou Revermont.
La Bresse contient trois Païs diferens tous trois unis sous une même .... d'usage, mais qui ont leurs appellations propres, la Bresse, le Bugey & le Païs de Gex, ils ont seulement leurs noms séparez, mais leurs Etats, leur Police & leur Gouvernement sont unis : il est inutile de dire qu'ils faisoient autrefois partie de la Province d'Autun, puis de la premiere Lyonnoife, & enfin du Royaume de Bourgogne ; il convient mieux passer d'abord au tems où leurs Seigneurs se conserverent dans leur territoire, & dire que c'est par raport à ces Cantonnemens, que la Bresse entiere se trouva partagée en petites souverainetez, dont les principales furent Beaugé, Colligny, Thoiré, Villars & c. Celle de Beaugé passa dans la maison de Savoye par le mariage d'Amée IV. avec Sibelle fille & heritiere de Gui Sire de Beaugé. Tandis que la Bresse a été sous la domination des Ducs de Savoye elle a porté le titre de Comté, & les fils aînez de ces Princes, s'en sont toûjours honorez, parce que c'étoit une terre independante, depuis l'extinction du Royaume de Bourgogne, mais quand les François ont porté la guerre en Italie, & qu'ils ont commencé à avoir des intérêts de politique à demêler avec les Ducs de Savoye, la Bresse étoit la partie de leurs Etats qui en souffroit toûjours la premiere ; François I. s'en empara, Henry II. la conserva quelque tems, mais enfin Henry IV. l'aquit foncièrement & pour toûjours, par le traité de Lyon en échange du Marquisat de Saluces, dont les Ducs de Savoye s'étoient emparez durant les guerres de la Religion. Ce Païs, tel qu'il est à présent, eu égard à l'étenduë, Jurisdiction & Gouvernement du Baillage, a 15 lieuës de long du Nord au Sud, sur 8, 10 & 12 de large, ses Confins à l'Orient, sont le Bugey, dont il est separé par la Riviere d'Ain, & une petite partie du Comté de Bourgogne ; à l'Occident la Riviere de Saone ; au Midi le Rhône & la Principauté de Dombes ; au Nord le Charolois & le territoire de Romaney dont il à été parlé qui depend de Mâcon : Cette étenduë est néanmoins retranchée par une pointe de la Dombe, qui s'avance à une lieuë de la Ville de Bourg, mais elle a si peu de largeur qu'elle ne la diminue pas considérablement. On divise la Bresse en haute & basse, la haute ou Païs de Revermont est à l'Orient de la Basse, & confiste en une Chaine de Côteaux ou de Montagnes, couvertes de Vignobles qui s'étend au Nord & Sud ; le vin qui croit en ce quartier, est dur & de mauvaise qualité, c'est cependant ce qu'il produit de meilleur ; la plûpart, des autres fonds étant de mauvais raport ; les bois de futaye n'y sont pas mêmes considerables par leur qualité, mais il y a de beaux Taillis à Château vieux, où l'on pourroit laisser monter des futayes qui de-
Singularitez du Pays de Bresse. Terres Seigneuriales.
viendroîent peut-être les plus belles du Royaume. La basse Bresse est un Païs plat humide & même Marecageux, y ayant quantité d'Etangs particulièrement dans le mandement de Vilars, il y croit peu de froment parce que le terroir est sablonneux mais il raporte si bien en seigle qu'on y receuille ordinairement vingt pour un, veritablement cette fertilité n'est pas égale par tout, mais à tout le moins elle est assurée dans tout le Païs qui règne le long de la Saone, les Bois de Fulaye & de Taillis sont, parfaitement beaux dans toute cette étenduë, & le seroient encore davantage s'ils avoient été mieux ménagez, l'Auteur y compte 20 forêts particulieres, dont la plûpart se joignent l'une à l'autre, & couvrent une étenduë de 6 lieuës au Nord & au Midi de la Ville de Bourg. Le Canton qui s'étend le long de la Riviere d'Ain, & qui forme la Plaine de Valbonne, porte beaucoup de Noyers ; celui d'entre Bourg & Maçon, est peu couvert & raporte ses grains, il y a une grande prairie à 2 lieuës de Lyons dans la Paroisse de M. Mionney, laquelle appartient aux Jésuites de cette Ville qui n'étoit autrefois qu'un marais, qui fut desseché par les ordres des Ducs de Savoye & par le moyen d'un grand fossé qui fut escuré au milieu & dont le cours traverse le territoire de Roche-taillé, cette Prairie est fort considérable, par rapport aux fourages qu'elle fournit à plusieurs Paroisses voisines, & aux Haras qu'on y éleve, il est absolument nécessaire de vuider le fossé, qui lui sert d'égoût sans quoi elle court risque de redevenir un marais inutile, comme elle étoit autrefois. Les Singularitez les plus remarquables du Païs de Bresse sont deux Les souterrains dans les Paroisses de Drou & Certines, au pied de Revermond, ces lacs se remplissent par des voyes inconnuës & souvent de telle façon qu'ils inondent le terrain voisin dans une étenduë considérable même au milieu des plus grandes secheresses, celui de Drou a une ouverture assez large par laquelle si l'on descend avec un flambeau allumé on découvre sous terre une assez grande étenduë d'Eau, mais celui de Certines n'a point d'ouverture, l'Eau pénétre la terre qui est au dessus quand il degorge, & quand elle est retirée on n'y voit aucune apparence de source ni de fentes par où elle ait passé. La Bresse nourrit une grande quantité de Bestail de toute espece, mais la qualité en est fort diferente selon la nature des fourages que l'on y employe, celui des bords de la Saône vaut le double de l'autre, les Boeufs & Moutons gras sont achetez par les Bouchers de Lyon, le reste se debite dans les foires & marchez du Païs, ainsi que les Bleds, Pois & Feves, que l'on y enleve pour la Marine. Le Chanvre fait encore une grande partie du commerce de la Bresse, sur tout de celui qui est arrosé par la Saône, l'Auteur assure que l'on en enleve une quantité prodigieuse tous les ans pour le service de la Marine, du Ponant & Hallage des bâtimens chargez de Sel, ou autres Marchandises, qui remontent la Saone, & que néanmoins il en reste suffisamment dans le Païs pour entretenir un assez gros commerce de fil & de toile. Comme le Revermond ne produit que du Vin & que son terroir n'est pas propre à autre chose, il a falu soutenir le commerce qui s'en peut faire malgré le deffaut de sa qualité, & pour cela les Ducs de Savoye avoient défendu le debit d'aucun autre vin dans la Ville de Bourg & ses dépendances, cet ordre a été maintenu par la France, & dernierement il a été rendu un arrêt du Conseil à ce sujet contradictoirement entre les Sindics de Bresse & du Mâconnois. Les Chevaux de ce Païs sont assez bons, quoique le pié de ceux de la basse Bresse soit un peu delicat, mais en general il faut les attendre, & ils ne sont bons qu'à 7 ans, les meilleurs soins croissent sur les rivieres de Veille & de Rossousse & sur la Saone, mais ils n'y viennent point si hautes qu'en Bourgogne, le terroir y étant plus sec & plus fort. On compte en cette étenduë 248 Paroisses divisées en 28 mandemens qui comprennent 95 Seigneuries entre lesquelles il y a une Duché, qui est celle de Pont de Veaux érigée en 1623. dont le ressort s'étend sur les 5 grandes Paroisses des plus fertiles du Païs, 8 Marquisats & Corntez & 31 Baronies avec 68 autres Fiefs. Les plus considerables de ces Seigneuries sont le Marquisat de Beaugé qui a dans sa mouvance 25 Paroisses, & plus de 80 Vil-
lages ou Hameaux, la Ville qui en est le Chef, est située à une lieuë de Mâcon sur une émmence, & a été autrefois Capitale de tout le Païs. Le Marquisat de Treffort de Varambon, situe dans la basse Bresse duquel il releve plus de 20 Seigneuries co derables depuis son union avec le Comté de Veaux faite par le Duc Emmanuel Phiibert en 1576. Le Marquisat de Villars peu eloigné de Lyon, autrefois Souveraineté particulière apartenante à la maison de Thoiré, contenoit tout ce qui est entre la Riviere d'Ain à l'orient de la Dombe, à l'occident Montrevel, & Mirebel au Midi, & la basse Bresse au Nord ; mais les derniers possesseurs l'ont tellement demembré depuis 24 ans qu'il n'y reste que 3 ou 4 Paroisses avec les Bourgs de Villars & de Montriblod. Le Marquisat de Mirebel très-considerable par le voisinage de Lyon, aux portes de laquelle il setend, n'a que 4 ou 5 fiefs dans sa dependance. La Comté de Montrevel est une terre très-considerable de laquelle relevent 12 grandes Paroisses & plus de 20 Fiefs, Celle de Chatillon sur les Confins de la Dombe de laquelle dependent six belles Paroisses. Celle du Pont de Veille qui a 9 Paroisses & 12 Fiefs dans sa Mouvance, Celle de S. Trivier qui a 8 Paroisses. Celle de Coligny sur les Confins de la Comté de Bourgogne dont les Seigneurs étoient autrefois souverains de Revermond. Celle de Chateau-vieux dans la Montagne ; & enfin la Baronie de Montdidier qui s'étend sur 8 Paroisses. L'Auteur auroit rendu son Ouvrage plus parfait s'il avoit voulu indiquer les possesseurs de ses grandes terres.
Rivieres. Chemins. Moeurs Communes.
Les Rivieres de la Bresse sont le Rhône qui la borde au Midi, & la Saone à l'Occident, les autres sont l'Ain, qui la sépare du Bugey & se jette dans le Rhône à Loyelle, à 5 lieuës de Lyon, c'est une Riviere rapide & sujette aux inondations, la Veille qui vient de Dombes, séparé la Bresse du Chalonnois & se perd dans la Saone, à Pont de Veille ; la Reissousse qui passe à Bourg, Montrevel & Pont de Veaux, se jette dans la Saone, & les batteaux y remontent jusqu'à Pont de Vaux dans les grandes eaux, ce qui a fait juger à l'Auteur, que pour la rendre navigable, il n'y auroit qu'à augmenter celles qui lui sont naturelles, par la jonction de quelque Ruisseaux & pratiquer des Ecluses pour les retenir à la hauteur necessaire, & enfin la Charonne qui vient du grand Etang de Dombes. Les grands Chemins se sont tellement rompus & rendus impratiquables dans toute la basse Bresse qu'on les a presque par tout abandonnez pour former de nouvelles routes au travers des heritages voisins, de sorte que les Sindics des ordres de la Province touchez du grand préjudice que le Commerce en general reçoit de cette degradation des grands chemins, & les particuliers des entreprises que l'on fait sur leurs fonds, travaillent actuellement à trouver des remedes a l'un & a l'autre mal ; il ne fera pas si difficile a travailler à la réparation des Ponts puis que l'Auteur n'en marquequun a rétablir, & un autre à construire. A l'égard du Caractere des Peuples de la Brefie, l'Auteur dit que ceux de la basse sont tous pareffeux, pefans au travail & fort patiens, qu'ils sont timides, & de moeurs douces, mais que leur bonnefoi a peu de réputation, que ceux de la Montagne sont plus vifs & plus laborieux, mais qu'ils ont moins de docilité que les autres : La Religion Calviniste ne sest introduite dans la Bresse, que depuis l'acquisition que la France en a faite ; un Chanoine de la Vaux qui se faifoit appeller Maître Olimpe l'y vint enseigner, sous la faveur du Lieutenant du Roi de la Ville de Bourg, & y bâtit un temple, mais comme c'étoit une entreprise insoutenable à cause des Edits, les Huguenots de Bourg furent obligez de changer leur établissement, & ils se retirerent partie au Pont de Veille, terre apartenante au Connétable de Lédiguieres, & partie à Gorrevod, Paroisse dependante de Vaux, ils y ont eu des Temples durant 80 ans, qui ont été detruits en consequence de la revocation de l'Edit de Nantes, il s'en est retiré environ 100 familles & il en reste deux cens nouveaux convertis. La Bresse avoit toûjours dependu du Siege Archiépiscopal de Lyon lors que le Pape Léon X. l'en sépara par l'érection du nouvel Evêché, auquel il l'a soumit & qu'il établit dans la Ville de Bourg, le Cardinal de
Abbaye. Cures.
Gorrevod en fut le premier titulaire, mais son successeur du nom de l'Oriol fut le dernier, cet Evêché ayant été suprimé par Paul III. à la solicitation de François I. & l'Eglise de Lyon rétablie dans sa premiere Jurisdiction. On ne compte qu'une seule Abbaye dans la Bresse, qui est celle de Chasagne de l'ordre de Cîteaux qui fut fondée en 1145, par Etienne II, Seigneur de Villars, elle a nà 12000 l. de revenu, dont l'Abbé en a 4500 l. mais en revanche il y a 15 prieurés la plûpart unis aux Abbayes de Bugey, & du Dauphiné, 3 Doyennez en regle & deux Bureaux, 6 Chapitres de Chanoines à Bourg, Montuel, Pont de Vaux, Chatillon, Varembon & Miximieux, deux Commanderies de Malthe, qui furent autrefois aux Templiers, celle de la Masse vulgairement nommée de l'Aumasse, qui vaut 7 à 8000 l. & celle de Feuillées prés de Chalamour, qui en vaut 5 à 6000, une Commanderie de S. Lazare à Baugé, qui vaut 450 l. une de S. Antoine à Bourg, 3 maisons de Chartreux, reste de 4, qui y étoient autrefois, savoir celle de Seillou bâtie à mille pas de la Ville de Bourg de 9 à 10000 l. de revenu, Humbert de Beaugé, Archevêque de Lyon s'y retira & en a été le 2e. Prieur, son tombeau s'y voit dans le grand cloître, la Chartreuse de Montmerle a 14 ou 15000 l. de revenu, & celle de Selignac, qui n'en a que 7000 : la 4e. Chartreuse, à présent unie à celle de Lyon, étoit celle de Polistins qui fut fondée pour des filles par Marguerite de Beaugé, Dame de Mirebel, cette maison a été célébré ; l'on y voit encore les tombeaux de la Fondatrice, & de Jeanne Beaugé sa fille, qui fut la premiere Prieure ; la Chartreuse de Lyon en tire 4000 l. Les Augustins reformez ont une maison à Monteraissaut près Villars qui a 35000 l. de revenu, Neuville est un Prieuré de filles de l'ordre de S Benoît, dépendant de S. Claude ; les Religieuses vivent séparées les unes des autres, & jouissent chacune d'une Prébende de 200 l. de revenu, & d'une maison avec les meubles necessaires à leurs commoditez, elles sortent avec la permission de la superieure quand il leur plait, on ne reçoit entr'elles que des filles nobles, sur le brevet du grand Prieur de S. Claude, & le consentement de toutes les Dames, il y a 20 Prebendes & la Prieure en occupe deux. On compte dans la Bresse 176 Cures, toutes indépendantes de Lyon, de ce nombre il y en a 156 à portion congrue, on compte aussi 192 Chapelles dont les revenus montent ensemble à 14230, l'Archevêque de Lyon gouverne le Clergé, tant par lui-même que par ses Vicaires, mais pour la Jurisdiction contentieuse & criminelle, il est obligé d'avoir dans le Païs à cause de la difference du ressort des Parlemens 3 Officialitez, celle de l'Archevêché qui reside à Bourg, celle de Metropolitain qui reside à Pont de Vaux & celle de la Primatie, dont le juge étoit toûjours un Conseiller Clerc du Parlement de Dijon, mais 1*Archevêque d'à-présent a été déchargé d'établir ces 3 degrez de Jurisdiction. Toutes les Cures de Bresse sont divisées en 5 Archiprêtrés, dont les Deputez à raison de deux pour chacun joint à ceux des hauts Beneficiers & des Chapîtres, composent le Corps du Clergé dans l'assemblée des Etats du Païs, mais à l'égard des decimes & dons gratuits qui se payent au Roi, le Clergé de Bresse & de Bugey ne depend en rien de celui de France, & fait un Corps séparé composé seulement de 4 Deputez de l'un pour les hauts Benefices, le 2e. pour l'ordre des Chartreux à cause du nombre des maisons qu'ils possedent, tant dans la Bresse que dans le Bugey, l'Archevêque de Lyon leur a depuis peu accordé ce droit de députation : les assemblées, qui sont convoquées par l'Archevêque de Lyon, ou par lui permises, reglent la repartition des decimes, qui sont fixées à 3000 l. celle du don gratuit, & celle des autres taxes qu'il plait au Roi d'imposer, comme les amortissemens, les Communs Sceaux, la Subvention & Auditeur, l'assemblée generale remet ordinairement la decision de toutes les affaires à ces Deputez, ce sont eux qui prennent les resolutions, qui les sont savoir aux particuliers pour payer les sommes reglées entre les mains des Receveurs, qui choisissent ces mêmes Députez, l'assemblée avec ceux de la Noblesse & du tiers Etat, pour la resolution des affaires communes,
comme l'ont été la taxe des eaux & fontaines, le rachat des charges de Commissaires, aux saisies réelles.
Le Corps de la Noblesse de Bresse est composé selon l'Auteur d'environ 110 Gentilshommes ; trois Freres du nom de Joly dont l'un est le 4e. Bailli de Bresse de sa famille ; les autres deux Freres portent le surnom de Choin, près d'une terre qui n'est plus à eux, mais l'un est Gouverneur.de Bourg, emploi dans lequel il a succedé à son Pere & à son Ayeul ; le Comte de Bereius, du nom de Garnier, originaire du Beaujolois ; quatre Freres du nom de Seillens ancienne famille de Bresse ; du trois nom de Sciturier, Lionnieres & Terudet sont les Seigneuries ; le Sieur de Bisse Seigneur de Comaton du nom de Loyse ; le Sieur de Macet de Saussaye ; dont le Frere porte le nom d'Avayé en Mâconnois ; le Sieur de Quiney du nom de Marmont ; trois du nom de Besserel ancienne famille de Bresse, Malaval & Malétroit sont les Seigneuries ; le Sieur de Bachod originaire de Bugey ; le Sieur Berthod ; le Sieur de Boissard originaire de Bugey ; le Sieur de Porial de Bussiere Seigneur d'Assieres où il y avoit un beau Château à deux lieuës de Mâcon, d'ancienne maison de Bresse, dont un Evêque de Bourg ; trois du nom de Digoine originaire de Forêt, le Bourg & Maoul sont leurs Seigneuries ; le Sieur de Saillaut, Seigneur de Brafenod, originaire de Dauphine ; deux du Mont de Liatord ; le Sieur de Chamburey originaire de Lyon, le Sieur de Champieux, originaire de Bugey ; le Sieur Mathieu Dessertines ; le Sieur de Chavanes du nom de Goland, originaire de Mâconnois en son Château de Franges, à 3 lieuës de Bourg ; trois du nom de Crues, Chiloup & Stf. Croix sont leurs Seigneuries ; le Sieur Morel de Carlaison ; deux du nom de la Coliere ; le Sieur Dandelin, originaire de Lorraine ; le Sieur Drunis Seigneur de Fravelien ; le Sieur Dissimieux, de maison ancienne en Dauphiné ; le Sieur de S. Priest, Seigneur de Festans de bonne maison de Forêt ; le Sieur Gallien ; deux du nom de Creusieux, Seigneurs de Chemillat & de Genol ; le Sieur de Belouse, Grand-Champ ; le Sieur d'Humieres originaire de Mormandes ; deux du nom de Chatillon, Salemonde & Leal sont leurs Seigneuries ; le Sieur de Franc, originaire du Mâconnois ; le Sieur Cardon originaire de Lyon depuis peu Baron de Saudrans ; le Sieur de la Tapie, Lieutenant du Roi ; de Bourg originaire de Languedoc ; deux du nom de la Teissonniere, maisons anciennes de plus de 4 Siécles ; le Sieur de S. Julien, Seigneur de Tiret, originaire du Mâconnois, de maison ancienne, dite autrefois de Baleuvre ; deux du nom de Marêchal, d'ancienne famille, l'aîné est Seigneur du Tremblay ; deux du nom de Molivert Vaugrigneux ; le Sieur de Bellecombe Seigneur de Veilleur, originaire de Dauphiné & de bonne maison ; le Sieur de la Vesvée du nom de Severt originaire du Mâconnois ; le Sieur de Parachon originaire de Lyon à présent comte de Varax, Marquis de Treffort & de Varambon, résidé en son Château de Pont d'Ain ; le Sieur de Serre, Seigneur de Villette, originaire de Dauphiné ; le Sieur de Liobard Seigneur de Romande, Baron de Brion en Bugey ; le Sieur de la Roche du Villars, originaire du Comté de Chiny, au Païs de Luxembourg ; deux du nom de Pugey, Seigneur de Chavay ; 4 du nom de Pellapussin originaire du Comté de Bourgogne où est la terre du nom qu'ils ne possedent plus ; le Sieur de Geres de Lusinge, Seigneur de la Motte, de la maison ancienne & illustre dont il y a une Branche en Savoye ; le Sieur de Gerbais, Seigneur de la Grange, originaire de Bugey ;-le Sieur de la Tour, de Meuville sur Aix, du nom de Moland, originaire de Tourraine ; 4 Freres du nom de Monjovant ; 2 du nom de Montespin ; le Sieur de Chossagne, du nom de Guilier de Montjustin, originaire de Provence ; le Sieur Coquet du nom de Maximieux, originaire de Bugey, a aussi une belle terre en Comté, qui se nomme Montgefond, où il reside quelquefois ; le Baron de Bacheux du nom de Loubat, originaire de Lyon ; 5 du nom de Bachet, famille de Robe, dont 3 surnommez de la Garde, & deux de Mezeria. l'un desquels est premier Président au Présidial de Bresse ; le Baron de Cargevon Sindic
de la Noblesse s'appelle Chaprates est originaire de Lyon ; 2 du nom de Port, dont l'un est Secretaire de la Noblesse, & l'autre surnommée le Sieur de Mont-plaisant en a été Sindic ; le Sieur de Villars du Tour, Seigneur de S. Nizier Lieutenant-general à Bourg est originaire de Dombes ; le Sieur Charbonnier, dont le pere & l'ayeul possedoient la même Charge de Lieutenant-general, il y en a 3 autres du même nom ; 2 du nom de Garron Chatenay ; le Sieur des Hugonniens, Lieutenant-criminel à Bourg ; le Sieur Peret, Secrétaire du Roi à Besançon ; le Sieur Tardif de la Bellicon, Conseiller du Roi, au Présidial de Bourg ; 4 du nom de Choffat enfans d'un Secrétaire du Roi ; & enfin le Sieur Legat, noble rehabilité.
Assemblée de la Noblesse.
Les affaires communes de la Noblesse sont réglées par les Sindics au nombre de 3, & les Sindics sont élûs tous les 3 ans, dans un assemblée generale qui se tient par la permission du Gouverneur de la Province, qu'il accorde sur la requête des Sindics en charge, & en conséquence d'une convocation que le Lieutenant-general fait à certain jour, cette assemblée chez les Sindics à la pluralité des voix, admet & rejette de même la requête de ceux qui veulent y être reçus sur l'examen de leurs titres, & ses delibérations sont écrites & conservées dans un regître, par le Gentil-homme Secrétaire : à l'égard des Sindics, ils reglent toutes les affaires de la Noblesse pendant leur Triennnalité & choisissent un Gentil-homme pour faire la recette des sacs, dont la Noblesse est chargée, lequel rend ses comptes à l'Assemblée generale.
Tiers Etat & ses Assemblées. Reglement entre les 3 Corps.
Le tiers Etat de Bresse est représenté par les trois Sindics de son ordre, les 6 Conseillers de la Province & les Deputez de 25 Commandemens, qui comprennent tout le Païs, la convocation s'en fait tous les 3 ans par les Sindics, en conséquence des ordres du Gouverneur & toûjours immediatement avant la tenuë des Etats de Bourgogne, l'assemblée se fait dans le Palais de Bourg, mais la veille du jour qu'elle doit commencer on en tient une particuliere chez le Bailly pour examiner & arrêter les propositions ; qui seront faites le lendemain ; ce jour venu, le Bailli & tous les Deputez ayant leurs places, celui-là dans la Chaire Présidiale, & les autres aux bancs des Advocats, le Secretaire, qui occupe la place du Greffier fait d'abord la lecture des Cahiers ou resolutions de la veille, & ensuite de la lettre du Gouverneur, dans laquelle il exprime les personnes qu'il juge les plus propres à remplir les places de Sindics, Conseillers & Secretaires de la Province, on procede ensuite à l'Election, qui n'est jamais differente, les Cahiers sont ensuite portez à Dijon au Gouverneur & à l'Intendant, & de-là à la Cour, pour solliciter les lettres d'assiette pour l'imposition des sommes arrêtées dans les Etats, lesquelles ayant été accordées, on les raporte à l'Intendant pour avoir son ordre, qu'il adresse aux Officiers de l'Election, comme pour la taille ordinaire. Il paroit assez par le détail combien il reste peu de liberté à ce d'Etats, s'il est permis de les apeller ainsi, mais l'Auteur ne s'éxplique point du tout sur ce que paye la Province en conséquence de ces deliberations imaginaires, il suffit peut-être en effet de supposer que l'on en tire tout ce qu'elle peut fournir & au de-là. Il y a des Receveurs particuliers de ces impositions qui rendent leurs Comptes en la Chambre de Dijon, mais comme pour la poursuite des affaires différentes, les Sindics touchent quelques derniers negociaux, ils en rendent aussi compte à Dijon, aprês qu'ils ont néanmoins été éxaminez dans une assemblée particuliere de la Province, ces assemblées particulières sont de deux sortes, il y en a de 3 Sindics seulement, pour conférer entr'eux sur les affaires qui se présentent, & d'autres de tous les Officiers des Etats qui sont convoquez par les Sindics pour les matieres les plus importantes & pour l'examen de leurs Comptes : Sur quelques difficultez qui survinrent en 1696. touchant l'imposition des deniers ordonnez être faits sur la Province par l'Amirauté, il intervint arrêt du Conseil le 23. Avril 1697, qui ordonna que les Sindics des 3 ordres pourroient s'assembler pour conferer à l'amiable, sur le partage qui en devoit être fait entre les 3 Etats, mais que la décision n'y seroit
point faite à la pluralité des voix, à cause de l'inconvenient qu'il y en auroît deux contre une, & que ou ils ne pourroient convenir, l'Intendant regleroit seul le Contingent des 3 ordres, il faut encore observer que sur la somme qui est aportée par le tiers Etat, lIntendant preleve telle partie qu'il lui plait, pour être repartie sur les exempts & priviligiez, en cas qu'ils y soient sujets : le tout est payé par les 3 ordres à un Receveur des tailles qui rend compte à la Chambre de Dijon.
Ville de Bourg. Commerce. Eglise de Brou.
La Ville de Bourg est située au centre de la Bresse, sur un petit Côteau qui regarde l'Orient, la Ville est divisée en sept quartiers qui ont autant de Présidens sous les ordres des Gouverneurs, Lieutenants du Roi & Major de la place, le premier touche 600 l. du Roi, & les maisons Religieuses de Bourg outre la Collégiale Nôtre Dame, qui a 16 Chanoines & 3 Dignitez dont tout le revenu ne va pas à 4000 l. les Capucins, les filles de Ste. Claire, celles de la Visitation qui en ont 3000 l. les Ursulines 8000 l. les Hôpitalieres 2000 l. & l'Hôtel Dieu 6000 l. On a commencé un Hôpital général, où il y a déja 20 pauvres filles ; la Commanderie de S. Antoine a été unie à celle de Châlons & les bâtimens détruits. Après l'échange ou plutôt l'acquisition de la Bresse, le Roi par son Edit de 1601, supprima tous les Officiers établis par les Ducs de Savoye & créa un Présidial avec un Baillage dont il établit le Siege à Bourg, cette Compagnie & les Présidens & Lieutenans ordinaires, 12 Conseillers, avec les gens du Roi ; il y a aussi en cette Ville une Chancellerie & une Election composée d'un Président, dun Lieutenant & 8 Elus, la Marêchaussée est d'une Compagnie de 12 Archers sous un grand Prévôt, il y a de plus une Maîtrise des Eaux & Forêts, une Jurisdiction des traites, & une Jurisdiction des Gabelles ; le Corps de Ville a ses Officiers partie perpetuels & partie électifs. Il y a de plus un Officier singulier dans cette Province qui s'appelle le Châtelain & son greffier le Curial, il a toute connoissance de la Police informe, de toutes les Contraventions, & préside à toutes les ventes, qui se sont à cry public, ils sont tous deux pourvus par le Roi, le seul commerce de cette Ville qui est éloignée des Rivieres, consiste dans l'aprêt des peaux, que l'on passe en blanc paifaitement bien, le debit s'en fait a Grenoble & a Lyon ; il y a deux belles foires, le 25. Avril & le 15. Juin pour les chevaux, le Peuple y est paresseux, mol & sans action ni ambition, mais il est bon & doux. On voit dans son voisinage une Eglise magnifique nommée Nôtre-Dame de Brou avec un Monastere possédé à présent depuis 25 par les Augustins reformez, qui y sont au nombre de vingt, & jouïssent de 4000 l. de revenu, Marguerite d'Autriche fille de l'Empereur Maximilien, grande tante de Charles les V. & veuve de Philippe le Beau Duc de Savoye, a fait faire cet édifice, qui fut commence en 1415, fini en 1528, outre l'Architecture en général, qui est parfaitement belle, on y voit 3 Mausolées, celui du Duc Philipe, dont La réputation est un Chef-d'oeuvre de l'Art ; au milieu ses Officiers y sont representez autour d'un lit de parade, & leurs Statues sont estimees d'un excellent goût, les deux autres tombeaux, qui sont de la fondation de Marguerite de Bourbon, ayeule de François I, sont moins parfaits, mais toutefois sont fort beaux, on y remarque encore le pié d'Estal d'une Image de S. André, & les Chiffres de la Fondatrice & de son Mari travaillez l'un & l'autre avec une delicatesse surprenante, les Chaises du Choeur sont aussi parfaitement belles, & séparées l'une de l'autre par des Statues que l'on estime beaucoup. On voit de plus en cette Eglise, le tombeau de Laurent Gorrevod, grand Maître de la maison de Charles V. & de Peronne de la Baume sa fernme, c'est domage que la fondation du Couvent répond si peu à la beauté de l'Edifice, puis que l'on peut juger que tôt ou tard les reparations y seront négligées, il ne faut pas omettre de dire que les vitres sont admirables par les peintures & la vivacité des Couleurs.
Pont de Vaux.
La Ville de Pont de Vaux est dans le meilleur & le plus beau Canton de la Bresse, l'Auteur exalte le bonheur de sa situation, pour la fertilité des fonds & la commodité
du commerce, il y a un Chapitre de 8 Chanoines, dont 3 sont eh dignité, qui ont environ 300 l. chacun, ils sont nommez par l'Archevêque de Lyon, depuis l'éxtinction ne la maison de Gorrevod ; un Couvent de Cordeliers, de la fondation de Philippe Comte de Bresse depuis Duc de Savoye, un Collège, une maison d'Ursulines, un Hôtel-Dieu, toute la Seigneurie réfidoit autrefois dans le lieu de Gorrevod qui n'en est pas éloigné ; mais les avantages de Pont de Vaux l'ont emporté ; la Duché est éteinte avec la maison en faveur de laquelle elle avoit été érigée, toute la justice appartient au Seigneur, il y a un Grenier à Sel, dont celui de Pont de Ville est une dépendance & un Corps de Ville qui a 1500 l. de charges & de revenu, il s'y tient une belle foire le jour de S. François particulièrement pour le débit des Chevaux, le reste du commerce s'y fait en bleds & ex charvre, le peuple y est actif & ingénieux, & il s'y trouve des particuliers assez riches.
Pont de Ville.
Pont de Ville, est assez bien située près de la Principauté de Dombes, c'est un lieu de 1800 Communians, où il y a un Gouverneur qui a 1800 l. d'appointemens, le commerce s'y fait de grains, de chanvres, de fil & de toile, mais il est fort diminué depuis la retraite des Huguenots. Montuel est située au pié de la Coline nommée la Côtiere qui sépare la Plaine de Valbonne du coté de la Bresse, cette Ville & la Plaine étoient du domaine des Dauphins de Viennois & furent compris dans la donation generale, qu'en fit Humbert II. au Roi Philippe de Valois, ils étoient demeuhez depuis ce tems unis à la Couronne, mais le Roi Louïs XIII. les ceda au Baillage de Gex à Henry II. Prince de Condé en échange de la Seigneurie de Châtel-Chinon, il y a un beau Chapitre en cette Ville érigé par le Pape Clement VII. en 1530. il est composé des dignitez & 13 Chanoines, dont l'un est Theologal & a 120 l. plus que les autres ; le Doyenné est ....... par le Pape & a 1500 l. de revenu, les autres n'ont que 300 l. également, & sont nommez par le Chapître, les Augustins y ont un Couvent ainsi que les filles de Ste. Marie, l'Hôpital 600 l. de revenu & le College est entretenu par la Ville, la Justice est exercée par un Châtelain à la nomination du Seigneur : l'Hôtel de Ville a 500 l. de rente, il y a aussi un Grenier à Sel, & une Justice des-traites, le commerce y consiste en grains & chanvres & en pain, que l'on porte 3 fois la Semaine à Lyon, l'on y compte 400 feux, les habitans qui ne s'appliquent pas au Negoce, y sont plaideurs & obstinez.
Chatillon. Beaugé.
La Ville de Chatillon est fort petite, les Prairies sont la meilleure partie de son terrain, & quoi qu'il n'y croisse point de vin, il s'y en fait un assez grand commerce étant le lieu de depôt d'une partie de celui qui est en Beaujolois & Mâconnois, il y a un Chapître érigé en... dont le Doyen qui est aussi Curé à 800 l. de revenu, & les Chanoines au nombre de 6 chacun 300 l. des Capucins, des Ursulines, un Hôtel-Dieu, & un petit College tenu par des Prêtres du Seminaire de Lyon & payé par la Ville : à l'égard de la Justice elle est exercée par le Juge ordinaire, & le Châtelain, l'Hôtel de Ville a 1500 l. de revenu d'un droit qui est levé sur le vin, ses habitans y sont paresseux & chicanneurs. S. Trevier est située dans un terrain très-couvert & marécageux & néanmoins sur une hauteur presque inaccessible de tous côtez, c'est la route du Bourg à Dijon, le Duc de Savoye Emmanuel Philibert l'infeoda à titre de Comté à Marie de Gondi, de qui elle passa en la maison de Grilles & en celle de Creineaux d'Eutraga qui la possédé aujourd'hui : on y compte 130 feux & 900 Amesi Beaugé autrefois capitale de tout le Païs est reduite à 800 Communians, la situation est dans le Canton de la Basse Bresse la plus fertile, mais les Chemins y sont éxtraordinairement mauvais c'est un Marquisat érigé en 1576, la Justice y appartient au Seigneur, & les Officiers qui prétendent avoir des droits de Prairie ont des contestations continuelles avec les Ossiciers du Présidial pour leur Jurisdiction. Il ne faut pas terminer l'Article de la Bresse sans observer que l'on y suit le droit écrit dans toute son étenduë aussi bien
que dans tout le Bugey & Païs de Gex, ayant été maintenu en cet usage par divers arrêts.
Du Bugey.
Le Païs de Bugey confine à la Savoye par l'Orient, au Dauphiné par le Midi, étant séparé de l'un & de l'autre par le cours du Rhône, à la Bresse par l'Occident dont il est séparé par l'Ain, & aux comtez de Bourgogne & Baillage de Gex par le Septentrion, sa longueur est d'environ 16 lieuës à prendre depuis le Pont d'Ain jusqu'à Seissel sur le Rhône, & sa largeur de 10 depuis Dortans jusqu'à Loyette, qui est l'embouchure de l'Ain dans le Rhône à 5 lieuës de Lyon ; le Bas Bugey, c'est à dire, l'espace compris entre le Pont d'Ain & Groslée en tirant vers le Rhône, est une Plaine assez fertile ; le Haut Bugey a aussi quelques Plaines ; mais la principale partie consiste en Montagnes fort hautes couvertes de bois & de sapins, qui renferment aussi d'excellens Pâturages, où l'on élève des bestiaux de toutes especes, & où il se fait quantité de fromages, le commerce que le Bugey a avec la Franche-Comté & la Suisse roule sur les brebis & moutons, celui du Dauphiné, sur les chanvres, celui de Lyon sur les bois & les noix, mais pour les bleds & les vins du Païs ils suffisent à peine à la nourriture des habitans. Le Rhône, qui arrose deux cotez de cette Province est navigable en tout tems, depuis Seissel, où il commence à porter batteaux : l'Ain, qui vient de la Franche-Comté, est une Riviere fort rapide & sujette aux crues d'Eau, où l'Eau sert à faire descendre des radeaux de bois de sapin pour les conduire à Lyon, mais il n'est point praticable d'y faire remonter des bâtimens ; l'Albarine n'est proprement qu'un torrent que les eaux des Montagnes enflent fort souvent, son cours est tout interrompu de rochers, elle passe à S. Rambert, outre ces trois Rivieres il y a quantité de Ruisseaux, dont quelques-uns formeroient d'excellens Pâturages s'ils étoient desseichez –, la feule réparation qu'il convient aux chemins de ce Païs est de travailler tous les ans à remplir les trous que les ruines y font, car d'ailleurs l'inégalité du terrain & les rochers ne permettent guere d'y faire aucun changement, il seroit nécessaire de bâtir un Pont sur l'Ain au dessous de Chassey, & deux chaussées pour contenir les eaux du côté de la Bresse & du Bugey, on avoit ci-devant entrepris de faire l'un & l'autre, mais le dessein en a été interrompu.
Etat de l'Eglise. Evêché de Bellay. Chapîtres.
A l'égard de l'Etat de l'Eglise dans ce Païs il y a un Siège Episcopal à Bellay, qui est fort ancien, & qui fut transféré l'an 413. de Muyon dans le Valois, où étoit son premier établissement, l'Evêque peut avoir 6000 l. de revenu, mais tout le Païs n'est pas de son Dioceze, Lyon & Geneve y ont de grandes extensions ce qui fait qu'il y a 4 Officialitez, celle de Bellay pour l'Evêque du lieu, celle de Lagnieu pour Lyon, laquelle est Métropolitaine pour les Diocezes d'Autun & de Châlons, celle de Seissel pour l'Evêque de Geneve résident à Annecy, & par lequel cet Evêché est suffragant de Vienne, il y en a une derniere Métropolitaine pour l'Archevêché de Vienne établie à Champagne en Bugey. L'Evêque du Bellay est suffragant de Besançon, Seigneur de la Ville Episcopale, & prend la qualité de Prince du S. Empire ; entre les Evêques de ce lieu on revere particulièrement S. Authelme Religieux de la Chartreuse des Portes, qui en fut tiré l'an 1163. pour remplir ce Siége par le Pape Alexandre III. il étoit de l'ancienne famille de Migain en Savoye, son Corps repose dans une Chapelle de son Eglise. La Cathedrale de Bellay, dediée à S. Jean Baptiste, a un Chapitrede 18 Chanoines, dont 4 sont en dignité. Le Doyen jouit de 1200 l. de revenu & les Chanoines chacun de 300 l. au moyen de l'Union du Prieuré de la Motte en Savoye. Le Doyen est élû par le Chapître, qui l'instituë pleno jure, & les Prébendes sont remplies par le même Chapitre, conjointement avec l'Evêque qui n'a que sa voix. Les autres Chapîtres du Bugey sont à Languien, de 6 Chanoines & le Doyen qui ont 1800 l. Ponteis de 3 Chanoines qui en ont 1000 l. & Cerdan de 7 Chanoines & le Doyen, qui en ont 1800 l. On y compte de plus 2 Doyennez Ruraux, Chutëau CTaillaid oc S. Jerome. j1 y a 4
Abbayes. Sa Noblesse. Terres Seigneuriales.
Abbayes, Ambonnay ou Ambronay de l'Ordre de S. Benoît congrégation de S. Maur, a une lieuë de la Riviere d'Ain Diocèze de Lyon fondée l'an 860 l. par le fameux Bernard Archevêque de Vienne, elle vaut 16000 l. dont l'Abbé en a la moitié, S. Rambert du même ordre congregation de Clugny non reformé de 3600 l. en tout, & S. Sulpice de l'ordre de Cîteaux fondé en 1135. parAmedée I, Comte de Savoye dans le Dioceze de Bellay, Sc Bens de filles du même ordre qui n'a que 1200 l. cette maison s'est établie dans la Ville de Bellay & est prête à tomber. 17 Prieurez dont le plus considerable est celui de Nantua de l'ordre de Clugny non reformé qui vaut en tout 9000 l. de rente, dont le Prieur prend les deux tiers –, 4 Chartreuses, celle des Portes, que l'on estime entre la seconde de l'ordre de 6000 l. de Maurice de 6000. celle d'Arnieres, de 3000 l. & celle de Pierre-Châtel de 15000 l. On y compte de plus 54 Cures dont 50 à portion congrue, 21 du Dioceze de Geneve, 14 de celui de Lyon, & 19 de celui de Bellay, cela fait 3 differens Ciergez qui étoient autrefois unis sous un même gouvernement mais celui de Lyon ayant commencé à se separer pour s'unir à celui de Bresse, les autres l'ont imité, ils élisent des Sindics tous les 3 ans & sont tous en possession de n'être point compris dans le Clergé de France, & de ne payer aucunes decimes, mais feulement un don gratuit de 3000 l. L'Auteur compte dans le Bugey 90 Gentils-hommes de toutes especes, voici les principaux ; 3 du nom de Dangeville dont l'aîné Vicomte de Lanpuis a été Bailli du Païs, un autre est Seigneur de Monneraud, ils sont d'ancienne Noblesse ; le Sieur d'Arlet de la Servette ; 4 freres du nom de Benveus Chatillon, dont l'un est Seigneur de Mussinens ; 3 du nom de Sacconnay du Brevil d'ancienne Noblesse ; 3 du nom de Bolomier de Couzier ; le Sieur de Bellay de Grelens, de bonne Noblesse ; le Sieur Ducros, Comte de Groslée originaire de Dauphiné, d'ancienne maison ; le Sieur Cordou de Neyrin ; le Sieur de Groiselet, de la maison de Foulant ; le Sieur d'Ortant d'ancienne Noblesse ; le Sieur de Grenaud Marquis de Rougemont, Bailli de Bugey, son pere étoit Conseiller à Dijon ; le Sieur Gerbais de Mussel ; le Sieur de Longecombe Seigneur de Thoy, Lieutenant-General des Armées du Roi & Colonel d'un Regiment d'Infanterie étrangère ; 4 freres du nom de Lourac de Champrolon ; 4 du nom de Moiria dont l'un Baron de Chatillon de Corveille, l'autre Colonel de Cavalerie, l'autre Comte de Meillac, & le dernier Seigneur de Valagnac ; 4 freres du nom de Monferrand d'ancienne Noblesse ; le Sieur Desmarets Rochefort, 2 du nom de Maillans ; le Sieur de Mechaud de Courcelles ; le Sieur de Migieux d'I zelles ; le Sieur de Mornien de Grammont ; le Sieur de Pinjou Prangin ; 2 du nom de Plâtre Seigneur d'Ambfeon & de Vauxget ; 2 du nom de Papillon de Chapelle Carty ; le Sieur de Ruincort, Seigneur de Vercheres Lieutenant-General des Armées du Roi, 2 du nom de Rogles ; 5 du nom de Seissel d'ancienne Noblesse, ils sont distinguez par les Seigneurs de Cressieux, d'Artemare, de Chavornay, de Chatillonnet & de Pothonod, ceux d'Artemare se disent venus de Savoye ; & enfin ceux du nom de Vignod, Sieur d'Orches & de Boilex. Les Annoblis sont Bugna, Rougery de Billias, Barret Gouverneur de Seissel, Bavette, Bozon, Balme Lieutenant-General au Baillage, Coleix du Richemont, Calamard, Cotin, du Port, de la Balme, Doucin, Duglas, des Maux, de Millers, Defchallonferas, de Courtines, Fabri Lieutenant-Criminel au Baillage, son frere dit le Clessieu, ci-devant Officier des Mousquetaires, à présent Major au Pont S. Esprit, Desgranges, de Croison, Fabien, d'Hautepierre, Melleret, Mont » grillet, Michon de Cheneval, Mourillet de Chatelard Conseiller à Dombes, Passerat, de Boquet & du Parc, Reydelet, de la Veillere des Roiez, Rolec, Subduiveau Avocat-General à Dombes, Tricaud, Trocud. On compte dans le Bugey 4 Marquisats, 4 Comtez, n Baronies, une Chatelainie & 52 Fiefs, les principales de ces terres sont les Marquisats de S. Sorlin & S. Rambert, les Baronies de Pontain & de Cerdan qui appartiennent aux Ducs de Savoye héritier de la maison de Nemours, le Marquisat de Valromey, & les Comtez de Montreal & de Groste,
Etats du Pays.
Les assemblées de la Noblesse se tiennent tous les 3 ans en la même maniere que celle de Bresse pour l'Election de trois Sindics qui règlent toutes les affaires du Corps pendant leur triennalite, partagent les impositions & établissent un Receveur Gentil-h qui rend les comptes à l'assemblée, toutefois les rolles de ces impositions, aussi bien que ceux du Clerge, ne peuvent être exécutées qu'ils n'ayent été visez de l'Intendant. A l'égard des affaires du tiers Etat, elle s'y traitent peu près comme dans la Bresse, assemblée s'y tient devant le Bailli & les gens du Roi, & il y a 30 voix dont les Villes de Be ay, S. Rambert, Seissel & Nantua en ont chacun deux, on y élit des Sindics, 5oneillers & un Secrétaire, l'on fait en ces assemblées des deliberations pour dresser des Cahiers qui contiennent l'état des sommes à imposer, tant pour le payement des charges de k Tnennalite qui doit suivre, que l'acquit des debtes contractées dans la précedente en principal & interêt, comme aussi pour les dépenses publiques, réparations des Ponts & Chemins, gages des Officiers, gratifications au Gouverneur, Lieutenant de Roi, Ministre, l'Intendant, leurs Secretaires, au Bailly, au Lieutenant-general & aux Gens du Roi & 6000 l. de deniers negotiaux qui sont délivrez aux Sindics, lesquels en comptent à la Chambre de Dijon.
Les Lettres d'Assietes sont obtenues sur les délibérations & addressées à l'Intendant, qui y ajoute les sommes nécessaires pour acquitter la Province envers les précédens Sindics, sil leur est dû pour le reliquat de leur compte, les fraix du Sceau, còntrolle, expéditions, solicitation des dites lettres & des Epices de leur vérification tant au bureau des financesquen l'Election. L'Imposition s'en fait ensuite par les élûs & les rolles particuliers de chaque part sont verifiez en l'Election ou payant 5 d. par cotte pour le droit de collecte, tout cela est compris dans les sommes ajoutées par l'Intendant, aussi bien que la dépense du compte de la recette dont les Epices sont payées à raison de 90 l. pour 1000 l. & comme ces lettres sont sujettes à l'acceptation des Sindics & contiennent la validation de tout ce qui a été fait dans la triennalité précédente, il est nécessaire de les enregistrer à la Chambre, pourquoi l'on paye encore 6 l. pour 1000 l. ce qui fait voir qu'elle tire de ce qui est levé sur la Province. Les Sindics ont 4000 l. de gages pour toute leur triennalité, & on leur passe encore 10 l. par jour pouf leurs voyages hors le ressort, & 6 l. feulement pour ceux qui sont dans le Païs, on leur passe aussi quelques sommes modiques pour les fraix extraordinaires dont ils ne peuvent aisément tirer des quittances, les Conseillers ont 144 l. de gages & 4 l. 10 s. par jour pour les fraix de bouche, pendant les assemblées le Secretaire a 200 l. de gages, un Ecu par jour pendant les assemblées pour leur assistance, & 6 l. en cas de voyage. On passe encore aux Sindics 20 l. pour les fraix de la Convocation de l'assemblée generale & 3 l. pour ceux des assemblées particulieres. Après l'assemblée qui se fait au commencement de chaque triennalité, le Lieutenant-general reçoit les sermens des nouveaux Officiers de l'Etat dont l'acte est inséré à la fuite du procez verbal de l'Election, & le lendemain, on tient une autre assemblée pour élire des Conseillers à l'effet & debattre les comptes des précédens Sindics qui sont tenus de les leur représenter en la forme qu'ils doivent être rendus en la Chambre, & ils écrivent en Marge leur contredits, & les signent sans faire aucun calcul, on en tire un double qui reste dans les Archives de l'Etat. Ensuite l'un des Sindics généraux est député extraordinairement pour aller en Cour soliciter les lettres d'Assiétes lesquelles étant dressez sont visées du Conseiller general ainsi que les deliberations qui y sont attachées, puis signées du Secretaire d'Etat, qui a le departement de Bourgogne, & ensuite sellées, Mons, le Chancellier remplissant de sa main la taxe de l'Expedition, Sceau & Controlle, après quoi le Député le joint à celui de Bresse, & tous les deux aux élûs des Etats de Bourgogne pour présenter les Cahiers au Roi, ces deux Deputez sont à genoux pendant le discours que l'Elu de l'Eglise fait à sa Majesté, & s'aprochant ensuite de son fauteuil lui présentent
les Cahiers, après cette Cérémonie l'on examine en particulier les Cahiers, tant des Etats généraux que des Provinces de Bresse & du Bugey, en une conference qui se tient chez le Prince de Condé ; depuis qu'il est Gouverneur des unes & des autres, le Controlleur-general s'y trouve avec l'Intendant de la Province, & ils sont ensuite repandus au Conseil, de sorte qu'il ne reste qu'à solliciter les declarations du Roi, les arrêts ou lettres de cachet qui doivent être délivrez en conséquence de la reponse, ce detail doit servir de Supplément à ce que l'Auteur a omis dans l'Article des Etats de Bresse, comme reciproquement ce qui manque à celui-ci en doit être suppléé par ce qui est dit dans le précédent, le Gouvernement de l'une & de l'autre Province étant entierement pareil.
Ville de Bellay.
Quant aux Villes de cette étendue celle de Bellay à une lieuë du Rhône, est située entre deux Collines chargées de vignes au bas desquelles au Nord & au 'Midi, s'étendent de vastes Prairies, son circuit est 2100 pas, outre l'Eglise Cathédrale & une Paroissiale, il y a un Couvent de Cordeliers de 400 l. de revenu, un autre de Capucins, un de filles Ste. Marie fort pauvre, un d'Ursulines de 4500 l. l'Abbaye de Bons dont il a été parlé est un hôpital. Le Baillage composé d'un Bailli d'Epée, lieutenant, & Conseillers est une jurisdiction Royale qui ressortit nuëment au Parlement de la Province, le Juge de l'Evêque est Châtelain, l'Election est composée d'un Président & 10 Elûs, la Maréchaussée d'un Lieutenant, un Assesseur, un Greffier & 12 Archers, le Grenier a ses officiers ordinaires, & le Corps de Ville n'en a que de perpetuels de nouvelle creation, son revenu consiste au droit de 13e. pinte de tout le vin vendu en detail qui a été accordé pour le payement des officiers de nouvelle creation, le terroir des environs est bien cultivé, mais il ne s'y fait aucun Commerce particulier, on accuse les habitans de paresse & d'envie les uns contre les autres.
Nantua est une petite Ville qui ne consiste qu'en une longue rue d'environ 1000 pas assez bien bâtie, elle est située entre deux hautes Montagnes, & à l'extremité d'un petit lac très-poisonneux, sur tout en truites lequel est à l'Occident, celui-ci n'est considérable que par le Prieuré dont il a déja été parlé, les Religieuses ayant eu contestation avec le Prieur, il fut ordonné par arrêt du grand Conseil de l'année 1688. qu'ils vivroient en commun, & qu'ils ne recevroient parmi eux que des Gentils-hommes. La Seigneurie du lieu apartient au Prieur avec 4 Chatelainies dans la dependance de Nantua, S. Germain, Montagne & Echallon, dont 9 grandes Paroisses divisées en 27 villages dependent toutes entieres. La terre a 4 grandes lieuës de. longueur en toute justice & est contiguë à de belles Forêts de Sapin qui en sont encore partie, le Cens & autres droits Seigneuriaux sont dûs solidairement par tous les habitans & s'éxigent sur les rolles que les Sindics des Paroisses sont obligez de faire tous les 3 ans & de les remettre au Seigneur à leurs fraix avec un état des Ventes & autres Alienations : il y a dans cette ville grand nombre d'artisans qui sont des Epingles, de la Tapisserie, imitée sur de la Bergame, des Taneurs, Blanchisseuses, & des Moulins à papier ; en general le peuple y est laborieux & actif ; les Octrois qui lui ont été accordez, pour donner moyen de racheter les offices du receveur & controlleur des deniers patrimoniaux & de substitut consistent aux droits de 13. sur la vente du Vin qui raporte 7161. 14 s.
Seissel.
La Ville de Seissel est agréablement située, & partagée en deux par le Rhosne, il ne s'y fait aucun Commerce si ce n'est celui des voitures de Lyon pour la Riviere.
S. RAMbert.
Celle de S. Rambert n'est proprement qu'un Bourg assez mauvais, l'Abbaye qui y est bâtie a donné l'occasion de former cette habitation, qui est entre deux hautes Montagnes fort ferré. On y voit les restes d'un gros Château, qui fut détruit par le Marêchal de Biron, lors qu'il s'émpara du Païs, les habitans y sont laborieux, & toutefois si tellement ruinez, qu'une grande partie abandonnent journellement le lieu pour s'établir ailleurs.
Du Pays de Gex. Mont Jura.
L'Auteur finit le long détail de son Mémoire, par la description du Païs de Gex, qui confine au Mont Jura & à la Franche-comté vers l'Occident, au lac de Genève vers l'Orient, au Rhône & Genevois Savoyard vers le Midi, à une partie du Mont Jura & au Païs de Vaux dependant du Canton de Berne vers le Nord ; sa longueur de 7 lieuës d'Allemagne d'Orient à l'Occident, & sa largeur de trois depuis Gex jusqu'à Geneve, ce Païs est entierement fermé à l'Occident par le Mont Jura, lequel tout sterile qu'il y paroit ne laisse pas d'avoir sur son sommet des Pâturages excellens dont on profite par le moyen des Pastres qui y sont leur demeure, lesquels en descendent tous les ans au 10. May, on leur confie 2000 Vaches & plus, qu'ils y menent paître en ces lieux, & les ramenent le 10. Decembre suivant & payent 10 l. par chaque vache, outre 10 l. qu'ils payent au proprietaire de la Montagne, les Pastres ont à leur profit tout ce que les vaches rendent de lait en ce tems-là dont ils sont les fromages de Gex si estimez ; le reste du Commerce de ce Païs se fait avec Geneve & consiste en Fromages, peu de Bled, de Vin & de Charbon ; il n'y a pas de grands bois dans toute cette étenduë, le peuple y vit de Chataignes 4 mois de l'année ; il y avoit près de 900 familles Huguenotes avant la revocation des Edits, il n'en reste que 485 nouveaux convertis. Le Rhosne, qui cotoye toute la longueur du Païs de Gex, n'y est navigable dans aucun endroit, car outre le nombre des Rochers qui remplissent son Canal, depuis Geneve jusqu'au fort de l'Ecluse, il se perd sous terre au dessous de ce fort, & n'en fort que fort loin, il y a dans ce Païs une autre riviere nommée la Versoye qui coule dans le Lac de Geneve, & deux torrens qui se jettent dans le Rhosne, l'Auteur n'indique rien de particulier sur les Ponts & les Chemins. On compte dans cette étendue 4 Prieurez scavoir celui d'Asseroit uni à celui de Nantua, de Divonne uni à S. Claude de 2000 l. celui de Prevosin en commande à la nomination du Prince de Coudé engagiste du Païs de Gex de 1800 l. & celui de S. Jean hors les Murs de Geneve dependant de l'Abbaye d'Aisnay de 2000 l. aussi en commande, il y a aussi un membre de l'Abbaye de Beauretour tenue par Mess. de Berne, qui est uni au Chapitre de S. Pierre de Geneve de 700 l. il n'y a aucuns autres benefices en ce Canton que les Curez au nombre de 26 tous du Diocèze de Geneve, & dont il y en a à portion congrue.
Noblesse.
La Noblesse du Païs de Gex se reduit à 19 Gentils-hommes, sçavoir, le Comte de Diconne, du nom de la Forêt, maison illustrée en Savoye & en Bugey ; le Sieur de Vernay du nom de Sauvage ; le Sieur de Balthazard Seigneur de Prangin Capitaine au Regiment Suisse de Chezberg ; le Sieur de Verdun Sieur de Chalaise ; le Baron de la Bastie du nom de Guilliers originaire de Dauphiné ; le Sieur de Gracy du nom de Pray de bonne maison de Savoye ; le Sieur de Livron Seigneur d'Allemagne originaire du Païs de Vaux, le Sieur de Commery originaire de Savoye ; le Sieur de Mouton Losnay de même ; le Sieur de Saconnay de très-ancienne maison & connue ; le Sieur de Pretigny Poncet *, le Sieur de Bons ; le Sieur de Machard ; le Sieur du Rollet Seigneur de Pongui, il a été Brigadier des Mousquetaires ; deux freres du nom de Gribaldy originaires de Piemont ; le Sieur Colony & le Sieur Michaelle. L'Auteur compte dans toute cette étendue un Marquisat, 3 Baronies & 18 Seigneuries.
Quant à la Ville de Gex, elle est située au pied du Mont Jura qu'elle a a l'Occident, elle est partagée en 3 parties, ayant aussi 2 ou 3 fauxbourgs, son circuit est de 180 pas ou environ, il n'y a qu'une Paroisse dont le Curé a 1000 l. de revenu ; les Carmes y ont une maison d'ancienne fondation laquelle fut réunie par les troupes de Berne aux tems des guerres de Geneve avec la Savoye & depuis rétablie. Les Capucins, les Ursulines, les nouvelles Catholiques, & les filles de la Charité y ont chacun un Couvent, il y a aussi un Hôpital, & un petit Collège. Le Siége du Baillage est en cette Ville, il est composé d'un Bailli d'Epée, de ses Lieutenans, civil & criminel, & autres Officiers, qui y sont pourvus par le Roi sur la nomination du Prince de Conde engagiste ;
les appellations reisortissent à Dijon & à Bourg, en Bresse, dans les cas de l’Edit des Presidiaux ; il y a aussi un Chatelainie, qui ne connoit que des causes, que jusqu’à la concurrence de 60 s. l’Hôtel de Ville n’a plus que deux Sindics électifs, les autres Officiers sont pourvûs en titre ; à l’égard du commerce, il n’y en a presque point en cette Ville à cause de la Proximité de Geneve, mais seulement quelques artisans, tanneurs, cordonniers &c.
C’est ainsi que l’Auteur termine son Mémoire sans parler du Gouvernement particulier de ce petit Canton, ni rien exprimer des sommes qu’il paye au Roi. On peut dire au sujet de cet Ouvrage, qu’il est aussi dissus en paroles inutiles qu’il est peut abondant en matieres & instructions, j’ai taché de la racourcir autant que j’ai pû, mais l’ordre qui y est suivi n’a pas permis de faire des abréviations, qui auroient été aisées dans un autre arrangement, j’ai suppléé à ce qui manquoit à l’Histoire, & à la fondation des Abbayes, le plus brièvement, qu’il m’a été possible ; & après tout il faut avouër que ce Mémoire ne donne aucune idée précise de l’Etat de la Province ; qu’il laisse les principales matieres sans decision, & sur tout qu’il affecte de ne s’éxpliquer que très-imparfaitement sur les sommes que le Roi en tire, ainsi je ne puis m’empêcher de les regarder comme un ouvrage si non fort mauvais, à tout le moins très-defectueux.
Fin de la Duché de BOURGOGNE, BRESSE, BUGET & Païs de Gex.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA PROVINCE DE FRANCHE-COMTÉ.
FRAN. COMT.
Ses bornes & son etendue. Division.
LE Comté de Bourgogne, ou Franche-Comté, a le Duché de même nom à l'Occident, l'Alsace au Levant, la Lorraine au Nord, la Suisse & le comté de Montbeliard au Midy. Sa longueur du Nord au sud est de 3 journées & demi de cheval, ou 3o.boniìes lieuës du pays. Sa largeur en la prenant de biais du Nordest, est de 20 lieuës dans sa plus grande étenduë & de 15 dans sa plus étroite. Ainsi l'on estime que la Province entiere a 180 lieuës de circuit ou environ. Elle est naturellement divisée en païs uni & pais de Montagnes. Le premier comprend les Baillages de Vezoul, de Dole, Gray, Lions, le Saunier & Poligny. Il abonde en blez, vins & fourages, aussi bien qu'en chanvres & en noix. Le 2. se subdivise en païs de franche mantagne, qui comprend les Baillages de Pontalier & Dorgelet, partie de ceux de Salins, d'Ornans, & de Beaune avec la terre de S. Claude & en païs mêlez, où sont situez les Baillages de Bezancon, Quingey, Arbois, & l'autre partie de ceux de Salins, d'Ornans, Beaune : II croit beaucoup de vin en ce dernier & quelque grains ; mais quoique l'autre ne produise que de l'orge & de l'avoine, il est pourrant plus riche & le meilleur de la Province, à cause des bestiaux qu'on y nourrit & qui s'y engraissent.
Temperature.
Toute la Province est comprise sous le 47 degré de Latitude, comme une grande partie du reste de la France. Cependant les hyvers y sont plus rigoureux & durent plus long tems, à cause des neiges dont les Montagnes sont couvertes jusqu'au Mois d'Avril & des vens & pluyes froides qui viennent apres, lesquelles sont cause que l'on ne s'y apperçoit presque pas du Printems. En revanche les Automnes y sont toûjours belles & dédommagent du grand chaud de l'Eté. Au leste les hyvers s'y passent beaucoup plus commodément qu'ailleurs, a cause de la grande quantité de bois qui s'y trouvent, n'y ayant point de païs plus couvert que celui-ci, quoiqu on ait défriché plusieurs Cantons, depuis qu'il est sous la domination de Fiance. Ces bois sont ordinaire-
ment composez de Hêtres, Chênes & Sapins. Cependant les dégradations qui se commettent dans les exploitations & les abus éxtraordinaires qui s'y pratiquent, sont craindre avec raison que la Province n'en vienne à manquer, n'y ayant déja plus de bois propres à bâtir dans le Voisinage des grandes Villes.
Rivieres. La Saone. Lougnon. Le Doux.
°n comPte en Franche-Comté cinq Rivieres principales, dont la Saone feule porte batteau. Elle naît dans la Lorraine, dans la Montagne de Vosge, entre en Comté au lieu de Jouvelle, cottoye le Bassigny & le Duché de Bourgogne & va se rendre dans le Rhône à Lyon. Les batteaux remontent jusqu'à Cendrecourt dans les fortes eaux, mais ordinairement ils ne passent point Port sur Saône, & de là en baissant la rîviere porte aisément 60 ou 4 vingt milliers jusqu'à Gray, où elle devient assez forte jusqu'à 150 : Mais cette navigation a toûjours de grandes incommoditez, parce qu'en Eté les eaux sont très-basses & qu'en hyver le cours de cette Riviere érant très-lent, elle gèle très-aisément ; outre qu'elle est sujette à des crues d'eaux & à des débordemens qui la rendent impraticable durant 3 mois. On compte 6 forges & 16 moulins sur le cours de cette Riviere, qui nuisent beaucoup à la Navigation, parce que les Ecluses en sont mal faites. Il seroit pourtant aisé d'y remedier avec une legere déPense. Les autres rivieres de la Comté sont le Lougnon, qui vient de la Vosge, passe à Luze, Montbaron, Marnay & Pesme & se jette dans la Saone à Talnay. Celle-ci sert à flotter des bois pour la Marine, mais ne peut pas être rendue navigable. Le Doux qui prend sa source dans le Prieuré de Moshe au Mont Jura, passe à Pontarlier, fait ensuite un grand tour le long de la Suisse, du Porentruy & de Montbeliard, & revient traverser la Province par Cerval, Beaune, Bezançon & Dole, d'où il se rend dans la Saone à Verdun, ville de la Duché. Tout le Monde convient qu'il pourroit être rendu Navigable dès Monbeliard. Le Roi l'a fait visiter & former un devis de la dépense qu'il y auroit a faire pour cela ; mais le dissein en a été abandonné dans la fuite & l'Auteur fait voir que ça été fort justement, parce que le Roi, ni la Province n'en auroient pas tiré une utilité proportionnée à la dépense. En effet comme jusqu'à Dole il ne traverse qu'un mauvais pays qui ne produit rien dont le débit soit nécessaire, son usage se réduiroit à servir de voiture à des Marchandises qui se tirent de Lyon pour l'Allemange. Mais c'est cela même qui découvre l'utilité de ce travail pour la Province : Attendu que le Commerce des rivieres n'est avantageux que pour le débit des Marchandises qu'on prend chez soi, & que les retours ne sont comptez que pour les fraix des voitures. D'alleurs, Les Marchandises de Lyon pour l'Allemagne ont une autre route, remontant à Gray par la Saone, d'où elles passent en voiture à Montbeliard, & le chemin de Bezançon ne seroit plus court que celui-là que de 3 ou 4 lieuës.
La Louve & le Dain.
La Louve & le Dain sont deux autres rivieres, dont la 1. se jette dans la Saone & m. la 2. dans le Rhosne, après avoir traversé le Bugey. L'une & l'autre ne peut servir qu'à faire flotter des bois pour la Marine & encore très-difficilement. Il y a d'ailleurs un nombre infini de ruisseaux dans la Province, qui sans être d'aucune utilité au Commerce, forment d'éxcellentes prairies qui produisent des fourages très-abondans.
Etat de l'Eglise.
L'Auteur passe d'abord, après cette description générale, à l'explication des 3 fortes de Gouvernements de cette Province, l'Ecclésiastique, le Militaire & le Civil. Par rapport au premier, il dit que l'étenduë de la Comté de Bourgogne se trouve soumise à 5 Diocèses disserens, Bezançon, Lyon, Bourg, Lausanne & Toul.
Archev. de Bezancon.
é Bezançon est un siège Archiépiscopal Métropolitain, dont les Evêchez de Lausanne, je Bafle & ge Bellay sont sussragans. Il y en avoit autrefois un quatrième, qui étoit celui de Windisch en Suisse, mais il a été supprimé depuis plusieurs siécles & uni à celui de Constance en Allemagne, l'Archevêque de Bezançon est électif par son Chapitre, suivant le Concordat Germanique qui est reçu dans cette Eglise pour tous les bénéfices qui en dependent ; mais comme son Diocese est fort étendu, il se choisit entre ses suffragans ordinaires, un suffragant particulier qui est revétu du titre in partibus, pour
laider dans les fonctions de l'Episcopat. Le Pape Tinstituë Sur le choix de l'Archevêque par le consentement du Chapitre, d'autant qu'il s'àgit d'autorizer la pension que l'Arche. vêque lui créé sur la Menfe Archiépiscopale. L'Archevêché ne vaut que 18000 l. de revenu : Celui qui le possède aujourdhui est de la Maison de Grammont ; son Neveu, Evêque de Philadelphie, est son suffragant.
Le Chapitre de la Cathédrale, indépendant de l'Archevêque, est composé de 43 Chanoines prébendez, du nombre desquels sont le haut Doyen, le grand Archidiacre, le Chantre & le Trésorier, avec les 4 petits Archidiacres de Salins, de Faverney, de Gray & de Luxeuil ; toutes ces dignitez sont remplies par élection, mais les simples prébendes sont alternatives entre le Pape & le Chapitre, ensorte que le Pape pourvoit immédiate aux Canonicats qui viennent à vacquer dans les mois de janvier, Mars, May, juillet, Septembre & Novembre, & que le Chapitre remplit par élection ceux qui vacquent dans les autres mois de l'année, à l'éxception de la prébende Théologale, qui est au Concours des Docteurs, lesquels disputent publiquement pour l'obtenir. Tout le bas-choeur de cette Eglise est fort nombreux & à la disposition du Chapitre, dont tous les suppôts ont droit, suivant un privilèges du Pape Paul V. d'officier avec les Ornemens Pontificaux, qu'ils portent même [en] Sépulture, & d'être vêtus de soutannes violettes. Cet état du chapitre de Bezançon est bien différent de ce qu'il étoit autrefois, puisqu'il avoit 2 Eglises Cathédrales, S. Etienne, bâtie sur la Colline où est à présent la Citadelle, & S. Jean l'Evangeliste, qui jouit encore de cette dignité. Ces 2 Eglises avoient chacune 32 Chanoines, leurs dignitez, leurs personnats & autres bénéfices, & disputoient entr'elles de l'honneur de Métropole ; différent qui fut terminé par l'union qui en fut faite en 1235, avec réduction de la totalité des Chanoines à 45 seulement, dont 19 furent attachez à S. Etienne & le reste à S. Jean ; cet ordre, qui avoit toûjours été depuis son établissement, fut renversé en 1668, par le bâtiment de la Citadelle, que la Roi d'Espagne fit élever & pour la quelle on fut obligé de détruire, tant l'Eglise de S. Etienne, que les Maisons des Chanoines qui la deffervoient, De forte qui tout le Chapitre se trouve depuis ce tems là réuni à S. Jean. l'Auteur remarque que depuis que l'on a supprimé deux de czs 45 Prébendes, on en a appliqué le revenu à l'entretien de 10 Enfans de choeur.
Abbayes. S. Paul. Mont S. Benoist.
L'Archevêché de Bezançon est divisé en 15 Doyennez ruraux, qui sont ceux de Sexte, de Salins, de la Montagne, Lyons le Saunier, Neublanc, Dole, Gray, Traves, Faverney, Luxeuil, Dajoye, Granges, Rougemont, de Beaune, de Varonis, lesquels sont partagez aux 5 Archidiacres dont il a été parlé ; mais comme le Diocèse de Bezançon s'étend bien loin au delà des limites de la Comté, l'Auteur en traitant des Abbayes & autres benefices qui se trouvent dans son étenduë, se renferme à ceux qui sont de la dépendance de la Generalité de Bezançon & omet tous les autres. Toutes les Abbayes de la Comté sont à la nomination du Roi en conséquence de l'Indult qui lui fut accordé par le Pape Innocent XI, le 20 Mai, 1686. Elles sont toutes des ordres connus dans le Royaume : Savoir, celle de S. Paul de Bezançon, de Chanoines Réguliers, fondée au commencement du XII. siécle par S. Donat Archevêque de Bezançon, pour des Moines tirez de Luxeuil qui vivoient sous la règle de S. Colomban dans l'XL siécle. Hugues I. aussi Archevêque y établit des Chanoines séculiers sous la direction d'un Doyen ; mais dans le siécle suivant, l'Archevêque Anseric leur donna une régie & un Prieur, & Guillaume 2, en 1250, y établit un Abbé, qui a continué jusqu'en 1466, que ce Monastère passà de regle en Commande. Il a toûjours eu le droit & est encore en possession de concourir avec le Chapitre de la Cathedrale à l'élection de T Archevêque ; l'Abbé, Prieur claustral & l'un des Religieux y assistent & donnent leurs suffrages. Au reste le revenu n'est pas considérable, puis qu'il ne monte qu'à 4000 l. L'Abbaye du Mont-Benoist, aussi de Chanoines Réguliers, dans la Montagne, a commencé par un Hermitage bâti par un nommé Benoist, du quel le lieu a pris le nom. Les Chanoines réguliers s'y établirent au commencement du XII. Siécle, sous le gouvernement du nommé Har-
Goille. Cornaul. Beauchamps. Luxeuil. Lure. Beaume les Moines. S. Vincent de Bezancon. Faverney.
douin en qualité de Prieur, & peu après il fut érigé par l'Archevêque en Abbaye, qui passa en commande dès l'an 1501. Elle vaut 8000 l. Goille, autre Abbaye du même ordre, à un quart de lieuë de Salins, tire son origine de l'Abbaye d'Abondance en Savoye. Gaucher de Bourgogne, sire de Salins, en fut le fondateur en 1199. & la fit ériger en titre. Elle est en commande depuis 200 ans & ne vaut que 2000 l. L'Ordre^de Prémontré qui est une reforme des Chanoines réguliers, ne possedé plus en Comté qu'une feule Abbaye, qui est Corneul proche de Gray, fondée au XII. siécle. Elle est encore en règle & vaut 6000 l. Beauchamps, autre Abbaye du même ordre, a été supprimé, depuis que les Comtes de Montbeliard, Luthériens, se sont amparez de ses biens & en ont chassé les Religieux. Les Abbayes de l'ordre de S. Benoist, sont pour les Hommes, Luxeuil, fondée par S. Colomban qui y vint d'Irlande en 1590, Ce Saint établit une Regle que les Religieux ont changée depuis en celle de S. Benoist. La réforme de S. Vannes y fut introduite au commencement du XVII. Siécle & y subsiste encore avec une éxacte régularité. Elle vaut 8000 l. Lure, fondée en 614, par S. Diecole, nommée vulgairement S. Dille, Disciple de S. Colomban, a été unie au milieu du VI. Siécle, à l'Abbaye de Morback. Desorte que l'Abbé de Morback l'est aussi de Lure. Celle-ci est occupée par des Moines Allemands tous nobles, qui vivent néanmoins très-réguliérement. Ils ont 9000 l. de revenu. Beaume les Moines n'étoit encore qu'une petite cellule sur la fin du IX. Siécle. Le Comte Bernon fondateur de Gigny en fit un Monastère considérable & lui donna son premier Abbé en 926 ; mais en 1147, le Pape Eugene III. supprima le titre d'Abbaye & soumit cette maison à celle de Clugny, en y établissant un simple Prieur par année ; après PEmpereur Frideric I. obtint du Pape le rétablissement de cette Abbaye que l'on regarde comme la Mere de Clugny, puisque le Comte Bernon en tira, l'an 910, les Religieux qui servirent à la fondation de ce chef d'Ordre. Elle est en commande depuis 120 ans & vaut 9000 l. S. Vincent de Bezançon fut fondée par l'Archevêque de Bezançon, Hugues de Montfaucon ; mais ayant été prévenu par la Mort, son Successeur, Hugues de Bourgogne éxécuta sa fondation & y mit le premier Abbé l'an 1092. L'Abbé Régulier de ce Monastere étoit vicaire & suffragant de l'Archevêque, ayant droit d'officier pontificalement à sa place, dans la Cathedrale à certains jours, & de donner sa voix dans l'Election ; mais depuis 200 ans que cette Abbaye est en Commande, ses droits sont contestez. Ce Monastere n'a que 3500 l. de rente. Faverney, Abbaye célèbre depuis le Miracle arrivé en 1608, où une hostie fut conservée au milieu d'un incendie & soutenue en l'air sans appuy durant 2 jours, à la vuë d'une infinité de peuple ; fut prémierement fondée pour des filles. Anferic, Archevêque, mit des Moines à leur place l'an 1132, & y établit un Abbé régulier enforme de Gouvernement, qui a subsisté jusqu'en 1582, que le Roi d'Espagne y nomma un Commendataire en vertu d'un Indult de Grégoire XIII. Cette Maison possédé 4000 l. de revenu. La Reforme de S. Vannes y est établie & le Sr. Duclos qui en étoit Abbé Commendataire s'y est fait Religieux.
Abbayes de filles.
Les Abbayes de Filles de l'Ordre de S. Benoist au nombre de deux, sont Beaume les Nonnes, fondée dès le 4 ou 5. Siécle, par S. Germain Archevêque de Bezançon. C'étoit un Monastere de très-grande réputation du tems de Charlemage & ses successeurs, du quel il est souvent parlé dans les Capitulaires. St. Odille, premiere Abbesse de Hombourg, y avoit été élevée. On n'y reçoit que des filles nobles par ancien usage. La Maison a 3000 l. de Revenu. Chatel-châlon, autre Abbaye très-ancienne, où l'on ne reçoit aussi que des filles nobles, souffrit beaucoup au declin de la race de Charlemagne ; un Gouverneur, de la partie du Comté que l'on nomme Laval, s'étant emparé de ses biens, Arduic, Archevêque s'employa auprès de Lotaire II, Roi de Bourgogne & d'Austrasie, pour les faire restituer & y rétablit les Religieuses en 869, les soumettant à la direction des Moines de Beaume, qui n'en sont éloignez que de demi-lieuë. Cette maison n'a que 3000 l. de Revenu.
Abbayes de Citeaux.
Les Abbayes de l'Ordre de Citeaux au nombre de 12 pour les Hommes & de deux seulement pour les filles sont les suivantes : Bellevaux, fille de Marimont, fondée le 23 Mars, 1119, vaut 4000 l. Cherlieu, fille de Clairvaux, fondée le 21 Mars, 1130, vaut 6000 l. Rosiers, fille de Bellevaux, fondée le 29 Novemb. 1132, vaut 3000 l. Bilanies fille de Morimont, fondée le 29 Avril, 1133, vaut 1600 l. Clairefontaine, fille de Morimont, fondée le 5 Juin, 1133, vaut 800 l. La Charité, fille de Bellevaux, fondée le 7 Decemb. 1133, vaut 10000 l. Lieucroissant, fille de Luzelle en Alsace, fondée le 29 Novemb. 1134. Acey, fille de Cherlieu, fondée le 24 Avril, 1136. Balesrhe, fondée en 1114, par deux Religieux Bénédictins, se donna à S. Bernard le 31 May, 1136. Elle vaut 6000 l, La grâce de Dieu, fille de la Charité, fondée le 25 Mars 1139, en règle. Buillon, fille de Clairvaux, fondée le 7 Mars, 1147. Mont Ste. Marie, fondée le 26 Janv. 1197. Elle est aussi, fille de Clairvaux.
Les Abbayes de filles du même ordre font, Donnans, transféré à Dole, dont les Abbesses sont électives & triennales ; & Ballant fondée en 1226, par l'Archevêque Jean, transférée à Bezançon. Il y en avoit autrefois 2 autres ; Corcelles, dont les biens ont été unis à l'Abbaye de Donnans ; & Martelot, vulgairement nommée Montarlot qui subsistoit encore en 1296, mais dont on ne trouve plus rien depuis ce tems là. Ces 2 Maisons étoient les 7 & 8 filles de l'Abbaye de Tard, que Ton confideroit alors comme la Mere de toutes les Maisons de filles, de l'ordre de Cîteaux, & en cette qualité les Abbesses étoient obligées de se trouver tous les ans au Chapitre général qui se tenoit à Tard, comme les Hommes tenoient le leur à Cisteaux. L'Ordre de S. François posséde aussi trois Maisons dont les Superieures ont titre d'Abbesse & sont perpétuelles. On y fuit la mitigation du Pape Urbain IV, & pour cela elles sont nommées Urbanistes. La 1. de ces Maisons est Migette de la fondation des Seigneurs d'Arlay, Cadets de Bourgogne, de la branche de Châlons. On n'y reçoit que des filles Nobles. Les deux autres qui avoient un pareil usage & qui l'ont perdu, sont Lions le Saunier & Montigny.
Prieurez.
Les Prieurez de ce Diocese, qui sont pour la pluspart des Membres, ou des dépendances des Abbayes, sont comme partout ailleurs, ou simples ; on Conventuels : La nomination des derniers appartient au Roi par Indult & le Pape s'est réservé celle des autres qu'on nomme vulgairement ruraux. Les premiers dans l'ordre Alphabétique, sont. Arbis, dépendant de S. Claude, de 4000 l. Bellefontaine, dépendant de S. Paul, de 8000 l. Chamillette, dépendant de Beze, de 1500 l. Choux, dependant de Clugny, de 1000 l. Courte-Fontaine dépendant de S. Paul : Eboucheux, dépendant de S. Claude, de 2000 l. Fontaine, dépendant de Luxeuil. Laval dépendant de Mont-Benoist, de 1200 l. Lions le Saunier, dépendant de Clugny, de 2000 l. S. Marcey lez Jussey, dépendant de S. Benigne de Dijon, de 2400 l. Mortau, dépendant de Clugny, de 8000 l. Moutier haute-pierre, dépendant de Clugny, de 2000 l. Vaucluse, dépendant de Clugny ; de 2000 l. Vaux sur Poligny dépendant, aussi de Clugny, de 3000 l.
Les Prieurez ruraux à la nomination du Pape font, Anneguy dépendant de Luxeuil ; Bonnevins dépendant de S. Vicent de Bezançon ; Chambonnay lez pin, dépendant du Prieuré de Gigny. Chateaunay Clairvaux lez Vaudins, dépendant du même ; Colonne dépendant de S. Jean le Grand d'Autun ; Couroy dépendant des Seigneurs du lieu qui en sont Patrons ; Luzance, dépendant de Luxeuil ; Dannemarie, dépendant du Prieuré de Lantenans ; La Faye, de l'ordre de Grammont, uni au Prieuré conventuel d'Epoisses près Cisteaux dans le Duché ; Fontenay dépendant de Clugny ; S. Germain en Montagne, qui dépend de la Prévôté de Neufchatel en Suisse ; Grammont dépendant de l'Abbaye de Montjoye dans les Alpes ; Jussans dans Bezançon dependant de l'Abbaye de Beaume –, Jussey dépendant de Luxeuil ; S. Laurent de la Roche, dépendant d'Artigny, L'Etoile dépendant de l'Abbaye de Tournus ; L'Illay dépendant de Gigny ; Le-Dieu, dépendant de Clugny ; S. Lantin dépendant de Beaume ; S. Lupin dépendant de S. Claude ;
La Loye dépendant de S. Benigne de Dijon ; Monterat lez Inlandes, dépendant de Beaume ; Monterat lez Travers, dépendant du Prieuré de S. Marcel de Châlons ; Pesnil, dépendant de S. Germain d'Auxerre ; S. Pons à Pontarlier, S. Renobert de Quingey, & Seicy, dépendant de Beaume les Moines ; S. Jean de Rosieres, dépendant de l'Abbaye de Moutiers S. Jean dans la Duché ; Ruffey dépendant de S. Marcel de Châlons ; Ste. Magdelaine de Salins, dépendant de S. Benigne ; Seveux dépendant de l'Abbaye de Beze dans la Duché : Siros, dépendant de... Valorbe, dépendant du Montbenoist, & Vorsey, dépendant du Prieuré de S. Vitaux sous Vergy. Tous ces Priverez en général Conventuels & ruraux sont tous possedez en Commande. L'Auteur a omis le reste, dont la pluspart sont ou supprimez ou unis à d'autres bénéfices.
Eglises Collegiates.
S. Anacole de Salins à été fondée par Hugues de Salins, Archevêque de Bezançon. Il est composé d'un Prévôt à la nomination du Pape & de 12 Chanoines Electifs de 6 Mois de l'année & nommez par le Pape dans les 6 autres. Ste. Magdelaine de Bezançon, de la fondation du même Archevêque en l'année 1064. Le Trésorier de la Cathédrale est Doyen de ce Chapitre, qui est au reste composé de 12 Chanoines à la collation du Pape durant 8 mois & qui sont élus par le Chapitre dans les 4 mois restans de l'année. Colmuatier, transférée à Vezoul, étoit déja fondée en 1092. Le Doyenné est à la collation du Roi & les 8 Chanoines sont élus & nommez alternativement par le Roi & le Chapitre. S. Michel de Salins fondée au XII. Siécle, composé d'un Doyen & 8 Chanoines à la collation du Pape & du Chapitre dans leurs mois. S. Maurice de Salins fondée en 1204, par les Chanoines de la Métropolitaine de S. Jean, ensuite d'une permission du Pape Innocent III. de l'an 1198, est composée de 3 Dignitez, Prévôt, Chantre & Trésorier & 20 Chanoines tous à la Collation du Roi en conséquence du droit qui en fut accordé l'an 1472, au dernier Duc de Bourgogne, lequel obtint du Pape Sixte IV, l'éxemption pour ce Chapitre de la Jurisdiction ordinaire. Le Chapitre de Dole, fondé par Otton 4, Comte de Bourgogne. Il avoit ordonné par son Testament de l'an 1245, qu'il feroit établi à Poligny ; mais la Comtesse Alix sa fille changea cette disposition par le sien de l'an 1277, qui fut éxécuté en 1303, par Mahault d'Artois, Veuve d'Otton 5. II est composé d'un Doyen & de 12 Chanoines, tous à la collation du Roi & éxempts de la Jurisdiction ordinaire. S. Hyppolite sur le Doux a été fondé en 1303, par Jean Comte de la Roche. Il y a un Doyen & 7 Chanoines, tous à la collation du Seigneur du lieu.
Hugues 5, Archevêque de Bezançon fonda l'an 1406. un Chapitre de 4 Chanoines avec le Doyen au lieu de Beaupré. Thibaut Rougemont, l'un de les Successeurs, y mit des Chanoines Réguliers qu'il tira de l'Abbaye de S. Jean des Vignes de Soissons ; mais cet établissement n'a pas subsisté, de forte qu'il n'y reste qu'un titulaire en commande qui est nommé par le Pape Doyen & Prieur de Beaupré. Le Chapitre du Château de Gray est composé du Prévôt & 8 Chanoines. Il a été fondé en 1319, par Philippe le bon & Jeanne de Bourgogne sa femme. Ces bénéfices sont à la Collation de Roi. Le Chapitre de Ray, composé d'un Doyen & 5 Chanoines à été fondé en 1341 par Gautier, Seigneur du lieu & ses Successeurs en ont conservé le Patronage. Le Chapitre d'Arbois, composé de 12 Chanoines avec un Doyen à la collation du Roi est de la fondation de Philippe le Hardy, Duc de Bourgogne & de Marguerite de Flandres sa femme en 1385. Celui de Noseroy, d'un Doyen & de 6 Chanoines, fut fondé en 1411, par Châlons sire d'Arley, Prince d'Orange. Il est à la collation de ses Successeurs, Seigneurs d'Arley 8c de Noferoy. Celui de Poligny, de 12 Chanoines avec le Doyen, à la Collation du Roi, Comte de Bourgogne, fut fondée en 1420, par Jean Chouzat, Conseiller du Duc Philippe le bon & par sa permission. Et enfin celui de Villers-exel, fondé par Humbert de la Palud Comte de la Roche, par son Testament du 13 Janv. 1457, n'est que de 4 Chanoines, dont le Curé
est pourvu par le Pape, en conformité du jugement du concours, terme qui sera éxpliqué ci-après, durant 6 mois de l'année, & choisi par le Chapitre de Bezançon durant les 4 autres : Les 3 autres prébendes sont conférées par le Seigneur à des Prêtres ou Clercs, qui doivent être originaires du lieu. Outre ce grand nombre de bénéfices, l'usage a établi dans cette Province de certaines associations de prêtres pour le soulagement des Pasteurs & l'acquit des fondations des Paroisses ; on les nomme Familiarisez, Ce sont en effet des Prestimoines, ou Revenus qui se distribuent aux Prêtres seulement, aussi long tems qu'ils servent à l'Eglise, & l'administration en dépend des Curez & des Habitans des lieux. On en comptoit 39 dans le Diocefe avant les guerres qui en ont ruiné la plus grande partie.
L'Ordre de Malthe y possédé 4 Commanderies, Arbois, Dole, Ville-Dieu & Salle. Elles ont toutes plusieurs membres situez en differens lieux de la Province. Elles appartenoient aux Templiers avant leur suppression. L'Ordre de S. Antoine a une Commanderie à Bezançon. Celui du S. Esprit en a 4, Bezançon, Gray, Poligny & Dole. Elles ont aussi leurs Membres & dépendances qui sont peu considérables. On comptoit jusqu'à 40. Hôpitaux, ou Maladreries dans la Province, qui ont presque toutes été supprimées & unies à l'Ordre de S. Lazare jusqu'à la derniere déclaration des Roi, qui les a affectées aux Hôpitaux des villes les plus voisines ; le détail en a été jugé inutile par l'Auteur.
Maisons Religieuses.
A l'égard des Maisons simplement Religieuses, il y en a un grand nombre. Les Augustins en ont une à Pontarlier. Les Bénédictins 3, outre les Abbayes & les Prieurez dont il a été parlé : Le Collége de S. Jérome à Dole, Montroland près de la même ville & Morey. Les Caimes déchaussez, deux, a Bezançon & a Clairvaux lez Vaudans. Les Carmes chaussez, 7, à Bezançon, Dole, Salins, Gray, S. Claude, Blatterans & Marnay. Les Cordeliers anciens & Conventuels, 3, à Bezançon, Salins & Gray. Ceux de l'Observance, 7, à Dole, Rougement, Sellieres, Nozeroy, Lyons le Saunier, Provenchez & Claricy. Les Recolets, une à Conflans ; les Picpus ou Tiercelins, deux, à Chemilly & Château-lambert. Les Capucins 21, dont il y en a 17 dans le Diocèze de Bezançon. Les Jésuites ont 4 Collèges, à Bezançon, Dole, Gray & Vezoul, avec deux Hospices, à Salins & à Pontarlier. Les Minimes 7, Bezançon, Arbois, Dole, Mortau, Rupt, Ornans & N.D. de Consolation. Enfin les PP. de l'Oratoire en ont 3, Bezançon, Salins & Poligny.
Maisons de filles.
A l'égard des filles Religieuses, elles ont aussi un grand nombre de Maisons. Les Annonciades en ont 7 dans le Diocèse de Bezançon & 2 dans celui de Langres & de Lyon. Les Bénédictines une à Bezançon. Les Bernardines deux, à Orgelet & à Pontarlier. Les Carmelites 5. Les filles de St. Croix 3. Les Tiercelines 5. Les filles de la Visitation 6. Les Ursulines congrégees, c'est à dire, sens voeux & sens cloture, 7. Les Ursulines Cloitrées 4.
Cures.
A l'égard de Cures de la Province, le Diocèse de Bezançon en contient 876, qu'on nomme autrement Meres Eglises, lesquelles en ont plusieurs autres sous leur dépendance, en titre de Succursales, que les Curez Supérieurs afferment à des Prêtres obligez à les déservir. Il le trouve de ces Curez Supérieurs qui ont jusqu'à 7 de ces Succursales, affermées à leur profit : Usage que l'Auteur ne peut s'émpêcher de condamner ; mais du nombre de ces 876 Eglises, il en faut diminuer 38, qui ont été usurpées par les Luthériens de Montbeliard il y a plus d'un Siécle, & 43, qui quoique du Diocèse sont hors des limites de la Comté de Bourgogne ; ce qui réduit le véritable nombre de ces Eglises à 795.
L'Auteur passe ensuite à un pareil détail des éxtensions que les autres Dioceses peuvent avoir dans la Comté de Bourgogne. II considéré prémiérement celle du Diocèse de Lyon, dans lequel il compte l'Abbaye de S. Oyans de Joux, autrement dite de S. Claude fondée en 420, à present & depuis plusieurs Siécles de l'ordre de S. Benoist. Les Re-
ligieux y sont une preuve exacte de Noblesse. L'Abbé les nomme & les reçoit comme il est lui-même nommé, en conséquence d'un Indult par le Roi. On y comprend aussi 6 Prieurez, savoir Esboucheux dont il a été parlé. Guigny, autrefois Abbaye fondée en 926, par le Comte Bernon, qui en fut le 1. Abbé, & passa ensuite à Cluny ; les Religieux y sont aussi preuve de Noblesse : Et Coligny, tous 3 à la Nomination du Roy. Les 3 autres sont ruraux & par conséquent à la nomination du Pape.
Cette étenduë renferme encore 2 Chapitres, Chauvanne & S. Amour, un Hôpital du S. Esprit & 46 Cures partagées en 3 Doyennez, Trefort, Aubournay & Coligny. Le Diocèse de Langres y comprend les bénéfices suivans : L'Abbaye de Theulay, ordre de Citeaux : Le Prieuré d'Avenay secularizé en 1613, il dépend de S. Etienne de Dijon : Celui de Beaumont sur Vingennes, dépendant du Pape, & ceux de Champlitte & d'Orville qui sont à la nomination du Roi : L'Hopital d'Aumonieres dépendant de S. Antoine, ainsi que celui d'Orville : Enfin le Chapitre de Champlitte avec 38 Eglises parroissiales. Le Diocese de Lausanne ne s'étend que sur 3 Paroisses. Celui de Toul sur une seulement. Ainsi toutes les Eglises de la Comté se réduisent à une Cathédrale, 30 Abbayes, 4 Prieurez, 17 Chapitres, 39 Familiarisez, 11 Commanderies dont sept sont hospitalières ; 883 Cures, sans les Chapelles.
Gouvernement Militaire.
Quant au Gouvernement Militaire de la Province, le Maréchal de Duras en étoit Gouverneur au tems que l'Auteur a fait son Mémoire. Le Maréchal de Tallard lui a succédé. Le Marquis de Renty en etoit pareillement Lieutenant General. L'Auteur réduit les places fortes de la Province à la Ville & Citadelle de Bezançon avec le fort Gryson, qui n'est proprement qu'un bastion retranché contre la ville : Celle de Salins avec les forts de S. André & le fort Blin sur la même ville & le Château de Jouy proche Montarlier.
Baillages generaux. Marechaussee. Parlement.
La Province étoit autrefois divisée en 3 grands Baillages qui en prenoient toute l'etendue : JDepuis lannee 1674. que le Roi a soumis le pays, il en a ajoute un 4e. qui est celui de Bezançon, pour lequel on a démembré 100 Communautez des Baillages voisins. Le Baillage d'Aumont est composé de ceux de Vezoul, Gray & Beauvée. Le Sr. Desniere premier Valet de Chambre du Roi en est pourvu. Le Baillage d'Estral est composé de ceux de Lyons le Saunier, Salins, Pontarlier, Orgelet ; le Baillage de Dole est composé de ceux de Poligny, Arbois, Quingey & Ornans. Le Marquis de Chiverny en est pourvu. Enfin le Baillage de Bezançon fut donné au Sr. d'Augé qui l'a vendu au Sr. de Montagu. Avant la vénalité des Charges, qui a été introduite dans la Province en 1689, les Grand-baillys dispofoient des charges de Lieutenant General & particulier de leurs Baillages à chaque Mutation & ils en tiroient des sommes considérables. Dupuis que ces charges ont été rendues héréditaires, S.M. pour les indemniser leur donna à chacun 2000 l. d'appointemens réglez.
La Maréchaussée de la Comté est à présent composée d'un Prévôt général qui a financé 24000 l. pour sa charge & de 3 Prévôts Provinciaux qui ont financé chacun 8000 l. Ils résident à Lyons le Saunier, à Vezoul & à Dole. Leurs Lieutenans ont financé 4000 l. Ils ont sous eux 46 Archers, dont les charges étoient fixées à 1000 l. Mais elles n'ont point été levées. Avant la vénalité, il n'y avoit qu'un Prévôt & 3 Lieutenans dans toute la Province qui exerçoient par commission. La Justice est rendue souverainement dans la Comté de Bourgogne par un Parlement qui est l'ancien Tribunal de la Province, mais il étoit ambulatoire, suivant le Prince, avant que Philippe le bon le fixat en la ville de Dole, avec pouvoir de juger en dernier ressort des affaires des particuliers, de faire des Edits, d'avoir la garde des Sceaux de la Chancellerie & de partager le gouvernement avec le Gouverneur de la Province. Il étoit alors composé d'un Président, deux Chevaliers, deux Maîtres des Requêtes, onze Conseillers, deux Avocats généraux, un Procureur général, un Substitut, un Greffier & 4 Huissiers. En l'année 1668, après que par le traité d'Aix la Chapelle, le Roi eut rendu la Comté dont il s'etoit emparé peu auparavant, le Roi d'Espagne suspendit le Parlement & établit une Chambre de Justice
à Bezançon avec la même autorité qu’il avoit eue. Elle étoit encore dans ses fonctions lorsqu’en 1674, le Roi s’étant encore emparé de la Franche-Comté, il rétablit le Parlement de Dole, mais il le transporta à Bezançon en 1676, au moyen de 100000 Ecus, qui furent donnez par la ville pour les fortifications. En 1679 le Roi augmenta le Parlement de deux Présidens & de 3 Conseillers ; mais en 1692, lorsque la Vénalité y fut introduite, on y ajouta deux Présidens, un Chevalier d’honneur, 15 Conseillers, un Substitut, un Greffier au Plumitif & 6 Secrétaires notaires, de sorte que le Parlement est maintenant composé d’un Président premier, 5 Présidens à mortier, 3 Chevaliers, 4 Maîtres des Requêtes, 45 Conseillers, 2 Avocats generaux, un Procureur général, 2 Substituts, un Greffier en chef, & 3 Greffiers au Plumitif. Avant la Vénalité quand une des places du Parlement venoit à vacquer, la Compagnie présentoit 3 sujets au Roi & sa M. en retenoit un pour la remplir ; mais alors les arrêts de ce Tribunal n’étoient pas souverains dans le premier jugement au delà de 33331. os. 4d. Il étoit permis de se pourvoir devant les Juges du même Parlement qui n’avoient point connu de l’affaire, & dans le 2. jugement, lorsque la somme excédoit 66661. la partie perdante avoit le droit de poursuivre la révision de la cause dans un Parlement étranger. Il n’y a de pourvoi contre ses arrêts que par requête civile conformément à l’usage établie en France.
Présidiaux.
Toute la Province est du ressort du Parlement. Les Justices des baillages y ressortissoient nuëment avant l’année 1696, mais alors il plût au Roi d’y établir 5 Présidiaux dans la Province, où les appellations des baillages sont portées. Ces Présidiaux sont éta blis à Bezançon,Vezoul,Gray, Salins & Lyons le Saunier & sont chacun composez de deux Présidens, un Lieutenant particulier, 8 Conseillers, deux Avocats du Roi, un Procureur du Roi,un Greffier Civil, un Greffier Criminel,& un Greffier des Présentations & Affirma tions, un Receveur des Amendes & Epices, un Receveur des Consignations, & un Commissaire aux Saisies réelles, dix Procureurs,un Huissier audiencier, & 6 autres Huissiers. Outre ces Présidiaux, les Justices des Abbayes de St. Claude, Luxeuil & S. Paul de Bezançon, celle des terres de Luze, Auvilliers & S. Loup ressortissent directement au Parlement.
Chambre des Comptes.
La Chambre des Comptes fut établie en 1494 à Dole, où elle est encore à présent. Avant la Venalité des charges, elle n’étoit composée que de 3 Maîtres, 3 Auditeurs, 1 Procureur général, 1 Greffier, & 1 Huissier i il y a aujourd’hui 1 premier Président, 4 autres Présidens, 3 Chevaliers d’honneur, 20 Maîtres, 2 Avocats généraux, 1 Procureur géneral, 4 Correcteurs, 6 Auditeurs, 1 Greffier en chef, & 2 Substituts. L’on a établi en 1696, une Jurisdiction de la Monnoye de Bezançon, composée d’un Directeur, 2 Juges Gardes, 1 Procureur du Roi & 1 Greffier.
Finances.
L’Auteur termine ici ses Observations sur les différens tribunaux de la Province, d’où il paroit qu’il n’y en a aucun pour les Eaux & Forêts, à quoi il semble que l’on peut attribuer le desordre dont on a ci-devant parlé & qu’il dit y être general dans la coupe des bois. Cependant il y a une Maîtrise, ou Table de Marbre à Bezançon. Avant l’année 1668, la Franche-Comté ne payoit au Roi d’Espagne son Souverain aucune taille, ni contribution ordinaire. Elle lui accordoit seulement tous les ans un don gratuit de 100000 l. à 100000 Ecus ; & cette somme étoit toûjours employée dans la Province en choses utiles, comme payement des Garnisons, entretien des fortifications, & même elle servoit à acquitter les debtes des Communautez: Le Roi en ayant fait la Conquête & l’ayant rendue par le traité d’Aix la Chappelle, après en avoir démoli toutes les places, & fait enlever toute l’Artillerie & munitions de guerre, le Roi d’Espagne demanda à la Province par forme de prêt une ayde extraordinaire pour le rétablissement des fortifications, & pour le payement des troupes étrangères qu'il fit venir pour la Garde ; elle accorda avec bien de la peine une ayde de 800000 l. Cependant soit que les peuples ne fussent pas en état de s’en défendre, foit que l’Espagne n’eut plus pour Eux son ancienne consideration, l’imposition de la même somme a continuüé tous les ans jusqu’en 1674, que le Roy en ayant une seconde fois fait la Conquête, & l’ayant trouvée chargée de cette somme, elle est passée en imposition ordinaire avec l’augmentation de 20000 l.
qui fut faite en 1683 ; mais la Province n'en a pas souffert, à cause de la réunion de Montbeliard & de ses dépendances. Comme il n'y a point d'Election dans cette Province, l'imposition de ces 820000 l. est repartie par baillages en la maniere suivante.
Bezançon – 41918
Vezouls – 182921
Gray 79592
Beaume 79331
Dole 71749
Lyons le Saunier 28794
Orgelet 51639
S. Claude 39397
Poligny 58866
Salins – 39824
Arbois 12500
Pontarlier 69456
Ornant 48286
Quingey – – 15727
Domaine. Octrois. Ustencile. Milices. Quartier d'Hyver. Capitation.
Les autres revenus du Roi dans la Province sont ses Domaines, dont la ferme, avant qu'elle fut jointe à celle des Salines, montoit annuellement à 50000 l. mais cet article doit souffrir une diminution pour la grande vente qui en à été faite en conséquence de la Déclaration du Roi de l'année 1695, qui ordonne l'alienation de ses Domaines. La Ferme des Salines est estimée par l'Auteur 60000 l. mais il ne donne point cette somme pour une fixation certaine, attendu que cette ferme étoit jointe alors a celle de Lorraine & des Domaines
Domaines Les Octrois de la ville de Bezancon sont affermez au profit du Roi à la somme de 24000 l. La Province a payé annuellement pendant la guerre commencée en 1689, 180000 l. pour l'Ustencile. En la même année, la Province fournit un Regiment de 16 Compagnies de 50 hommes chacune ; un autre Regiment pareil en 1692, avec une augmentation de 10 hommes par Compagnie, ce qui faisoit 3660, non compris les Officiers. En 1695 on leva 15 Compagnies semblables pour incorporer dans les mêmes Régimens, & pour l'armement, habillement des soldats & payement des Officiers, il a été levé annuellement sur la Province, pendant que les Milices ont été sur pié, 223773 l. sans parler des 2 fols par jour que les Communautez étoient obligées de fournir aux Soldats pendant les quartiers d'Hyver, lesquels n'étant pas suffisans pour leur nourriture, ont monté jusqu'à 5 fols. L'Auteur assure que cette Milice à été la plus forte charge qui ait été imposée à la Province, tant par l'épuisement des hommes, puisqu'il n'en a pas falu moins de 600, tous les ans, tant pour recrues que pour le manége des Officiers, qui sous le prétexte de décharger les Communautez du chagrin de tirer au fort, se chargeoient de faire des hommes pour lesquels ils étoient remboursez de 50 ou 60 Ecus par homme ; abus qu'il a été impossible d'empêcher, & qui a été infiniment à charge au peuple. De plus il y a toûjours eû pendant la guerre 8 ou 9 Regimens de Cavalerie & Dragons en quartier d'hyver dans la Province, payez à raison de 8 sols par place des fourages, dont le Roi n'a compté que 5 fols ; ce qui à couté chaque année environ 300000 l. à la Province. A l'égard de la Capitation, elle a monté pendant la guerre, toute non-valeur déduite à 615000 l. Surquoi on peut observer qu'étant augmentée d'un quart en sus, elle peut monter à près de 800000 l. Ainsi il paroit qu'on a tiré de la Comté de Bourgogne environ 3300000 l. tous les ans pendant la guerre.
Commerce de la Province.
L'Auteur passé ensuite au détail du Commerce de la Province, qu'il considéré par rapport au pays de Plaine, & par rapport à la Montagne. Outre les blez que la Plaine fournit au reste de la Province, il s'en tire beaucoup par Lyon pour l'Italie, les Marchands qui y sont négoce les conduisent sur la Saone ; ils en enlevent aussi pour la Lorraine & pour le Bassigny ; mais les Magazins d'Allemagne en tirent une bien plus grande quantité, ce sont ces deux ressources qui ont fait subsister la Province pendant la guerre, le sac de blé y ayant valu jusqu'à 9 ou 10 l. qui n'en vaut que 5 pendant la paix. L'Avoine y a pareillement valu 6 l. le septier, c'est à dire, le double de son prix commun. Il est certain que l'un des plus grands inconveniens, où les peuples de la Comté sont sujets, est la non-valeur des blez, qui ne vient que du manque de debit & de consommation. Les Suisses & les Genevois sont les seuls qui puissent faire ce commerce en tant de paix pour le blé. Ils ne le sont toutefois qu'avec permission de la Cour, ce qui engage de toute nécessité les Vendeurs & les Acheteurs à une contrainte d'autant plus pré-
Fourages. Vins.
judiciable à la Province, qu'elle n'est fondée sur aucune juste raison. Les soins & sou-rages sont très-abondans dans toutes les plaines de la Comté, surtout aux bords des Rivieres de Saone, du Doux & de L'Ougnon. Cependant on n'y éléve que très-peu de bestiaux. L'experience fait même connoître que les Vaches qui sont grandes & graffes dans la Montagne où elles ne paissent que des herbes courtes, dépérissent insensiblement quand elles sont reduites aux fourages de la plaine. Ainsi le meilleur usage qu'on en puisse faire, est de les faire consommer par les troupes de Cavalerie qui y viennent en quartier d'hy-ver, lesquels y apportent de l'argent, non seulement par cette espéce de conformation, mais par celles de toutes les autres denrées du pays. A l'égard des Vins, ceux du bail-lage de Vezoul, Gray & Dole, sont enlevez ordinairement par les Lorrains, mais ceux de Poligny, Arbois & Ornans vont dans la Montagne où il n'en croit pas. La confom-mation des Vins est fort grande dans la Ville de Besançon, puisque le vignoble des en-virons n'y suffit pas & qu'elle en tire quantité des baillages voisins. Il faut observer en general que ces vins deviennent beaucoup meilleurs quand ils sont gardez 5 ou 6 ans. Les Marchands qui ont la force & la commodité de les laisser meurir avant de les mettre en vente, y sont de grands profits, & l'Auteur assure que les plus riches familles de Be-zançon se sont élevées par le commerce qu'elles en ont fait. Il ajoute que les Lorrains ont pris l'habitude depuis quelques années de se fournir de vins dans le Mâconnois, au préjudice de la Comté d'où ils n'en tirent presque plus.
Forges. Bois.
Ils y a dans la Province, sur les Rivieres de la Saone, du Doux, de la Loire, & de l'Ougnon, environ 30 forges, ou fourneaux, où l'on fabrique une très-grande quantité le fer & de très-bonne qualité. L'on en tire beaucoup de la Marine, aussi bien que des bombes & des boulets pour l'Artillerie. La Marine tire aussi de la Comté des bois pour la contruction des Vaisseaux, des mats & quantité de merrins pour les tonneaux. On fait flotter les uns & les autres sur la Louve jusqu'à son embouchure dans la Saone qui les porte ensuite à Lyon.
Fromages & bestiaux. Haras.
A l'égard des pays de Montagne, il y a peu d'endroits pour ne pas dire point, où les paturages soient meilleurs. Cest aussi la seule ressource qu'ayent les habitans qui sont commerce de bestiaux gras & maigres, de beurre & de fromages. Les derniers en fabri-quent en des lieux qu'on nomme Gruyeres, qui se débitent par tout le Royaume sous le nom de fromages de Gruëres. Les Paysans ont gagné très-considérablement pendant la guerre à les porter eux-mêmes dans les armées d'Italie & d'Allemagne. A l'égard des Vaches, quand elles deviennent vieilles, ou qu'elles cessent de donner une certaine quantité de laict, on les engraisse, & les Marchands de Suisse, de Lorraine & d'Alsace viennent les acheter. Ceux qui étoient chargez de la fourniture des viandes pour les armées, en ont enlevé une grande quantité pendant la guerre. Les Veaux qui se consomment à Bezançon & dans toute la plaine, se tirent aussi de la Montagne. Les Cochons entrent aussi dans ce commerce, parce que les paysans y en enlevent & en engraissent de grandes quantitez & débitent leur lard avantageusement dans les armées. Mais ce qui enrichit bien davantage le canton est le grand commerce qui s'y fait des chevaux. Il y a 272 Etalons fournis par le Roi & entretenus par des particuliers, à qui l'on en confie la garde à certaines conditions & priviléges. On y compté 9165 Cavales portieres & approuvées par le Directeur des Haras. L'Auteur assure que dans le 3 dernieres années qui ont précédé son memoire, l'une portant l'autre, il est sorti de ces Cavales environ 5000 poulains qui ont été enlevez à l'âge de 6 mois par les Marchands de Brie, de Champagne & de Berry. De plus les Rouliers de ces Provinces y ont pris annuellement 500 Chevaux entiers pour les charrois, les troupes de Cavalerie & de Dragons qui étoient en quartier dans la Comté aussi bien qu'une partie de celle de Lorraine & de Dauphiné y sont annuellement leur remonte, & l'on en peut estimer la consommation à 2000 Chevaux par an. De plus on y a levé tous les ans 12 à 1500 Cavales pour les Vivres & l'Artillerie, & dans la seule année 1696, on en tira 4000 pour la Campagne, lesquelles coutoient au Roi de prix fait 226 l. dont les Entrepreneurs en payoient 215. A la vérité tous les Chevaux de remonte & de charroi n'ont pas
tous été pris dans la Comté. Les Marchands du pays en tiroient quantité de Suisse ; mais outre le gain qu'ils faisoient dans la revente, le Paysan a profité de l'occasion pour se défaire de ses Vieilles Cavales & en reprendre de plus jeunes a leur place. Il est aisé de juger par ce détail que la Montagne l'emporte de beaucoup sur le plat païs de la Comté & que le Peuple est plus en état de porter les charges que la nécessité des affaires y fait imposer. Au reste, il doit cet avantage, non seulement à la nature du pays, mais encore à sa grande sobriété, car les paysans ne vivent par tout que de pain d'Orge ou d'Avoine, de laictage ou de lard.
Manufactures.
Il n'y a d'ailleurs aucune Manufacture de Drapperie dans la Province, & la raison essentielle qui les interdit, c'est qu'outre le petit nombre de Moutons qu'on y nourrit, le Climat n'est point propre aux Laines. Le seul établissement qu'il conviendroit y faire, seroit d'une manufacture d'Armes à feu, à cause de la bonté du fer qui sy fabrique. Il y a déja nombre d'Armuriers à Bezançon & à Pontarlier, lesquels travaillent fort bien. Les Canons qu'ils sont ont déja une réputation laquelle s'augmenteroit bientôt si les Ouvriers étoient dirigez, & on pourroit en soutenant ce qui est commencé établir à Bezançon un Magazin d'Armes, qui se trouveroit à portée de l'Allemagne, de l'Italie & de la Catalogne. L'Auteur ajoute qu'on a tiré du Pays 12 milliers de salpétre par an ; & qu'on en pourroit tirer plus.
Détail de la Province.
L'Auteur donne ensuite le détail des Villes & des lieux de la Province ; il dit qu'elle renferme 2134 Villes, Bourgs, Paroisses, Villages ou Communautez & que les lieux principaux sont, Bezançon, Dole, Salins, Gray, Vezoul, Montbeliard, Beaume, Pontarlier, Ornans, Quingey, Arbois, Poligny, Lyons le Saunier, Orgelet, S. Claude.
Bezançon.
Bezançon, Capitale de la Province, est située sur Doux, qui partage au deux parties lesquelles se communiquent par un Pont de pierre. Elle est bien fortifiée & accompagnée d'une Citadelle très-importante. A l'égard de son antiquité, on prétend qu'elle surpasse celle de Rome. Elle avoit conservé sa liberté pendant plusieurs siécles & s'étoit toûjours gouvernée en République indépendante jusqu'à la paix de Munster que l'Empereur & l'Empire la cederent au Roi d'Espagne en échange de Frankendal qui fut vendu à l'Electeur Palatin. Toutefois S. M. Catholique lui laissa son ancien Gouvernement. Son Magistrat étoit composé de 14 Gouverneurs, & de 28 Notables, qui étoient élus par les Peuples, selon les voix des Peres de famille. Ces Gouverneurs qui presidoient tour à tour s'assembloient toutes les semaines pour régler la Police, mais les Notables ne le faisoient que lorsqu'ils étoient mandez par les Gouverneurs, quand il s'agissoit d'Affaires éxtraordinaires ou de quelque jugement criminel & capital, qui ne pouvoit être décidées sans leur intervention. Ce Magistrat avoit droit de donner Grace ou d'imposer silence au Fisc : mais toute leur autorité & tous leurs priviléges s'evanouirent en 1674, quand le Roi en fit la Conquête. Ils furent même tout à fait supprimez en 1677, par l'érection du baillage qui fut créé à l'instar de celui de Dole pour connoître de toutes les affaires de Police. Le Maire y préside & toutes ses appellations resiortiffentau Présidial. La Ville de Bezançon est le siége d'un grand Archevêché, d'un Parlement, d'une Université, d'un Présidial ; elle a un Corps de Ville, une Table de Marbre, 7 Paroisses, une Monnoye & 11500 habitans.
Dole.
Dole est aussi située sur le Doux : elle étoit réguliérement fortifiée, quand le Roi. s'en empara en 1668, mais il la fit démolir la même année : surquoi l'ayant rendüe au Roi d'Espagne, celui-ci y fit travailler de nouveau & les fortifications étoient fort avancées lorsque le Roi la reprit en 1674. Il en fit continuer les travaux qui firent mis en leur perfection. D'autres raisons les ont fait détruire au commencement de la guerre du Prince d'Orange & les habitans se sont fermez d'une simpme muraille. Cette Ville étoit considérable avant que le Roi en eut retire le Parlement. Il y reste la Cham-bre des Comptes, un Présidial, un baillage, un Magistrats & 4115 habitans.
Salins. Gray.
La Ville de Salin est très-considerable, quand ce ne feroit que par rapport aux 600000 l. qu'elle produit au Roi par ses Salines. Elle est fortifiée de tours à l'antique & commandée par deux forts qui en assurent la possession au Prince. Il y a un Présidial, un Magistrat & 5663 habitants. Gray est la Ville de la Province où se fait le plus de Commerce, à cause de la Commodité que donne la rivière de Saone de trafiquer avec Lyon.
Lyon. Cest là qu'on embarque les grains & le sel qu'on y transporte. Le Roi l'a fait démolir en 1668, & depuis les fortifications n'ont point été rétablies. Il y a un Présidial un Magistrat & 3982 habitans. Vezoul est sitüé dans un païs fort abondant. Il y a un Magistrat & 2220 habitans.
Montbeliard appartient à un Prince qui en porte le nom, lequel est de la maison de Wirtemberg, le Parlement de Bezançon ayant déclaré par un arrêt de l'année 1681, que cette Ville & ses dépendances, qui portent titre de Comté, dépendoient de la Comté de Bourgogne, ce Prince fut sommé d'en prêter la foi & hommage au Roi, & sur son refus, on s'en empara par droit de Confiscation ; mais elle a été rendue par le traité de Ryswick. Cette Ville est Luthérienne, & le nombre de ses habitans est de 2540.
Beaume, Pontarlier, &c.
Beaume est une petite Ville accablée de logemens de gens de guerre. On n'y compte que 990 habitans. Pontarlier sitüé sur le Doux dans la Montagne, & le voisinage de Suisse, est une des meilleures Villes de la Comté, il y a 2654 habitans. Ornans sur la Louve n'en a que 1632. Quingey, encore plus petite, n'en a que 460. Arbois, lieu des plus considerables de la Province ; Il y a baillage & Magistrat & 3540 habitans. Orgelet, petite Ville, 532 habitans. S. Claude, terre d'Eglise, appartenante à l'Abbé, qui est à présent le Cardinal d'Etrées. Par le dénombrement de la Province on trouve, en ce compris les Enfans & les Domestiques, 336720 habitans, outre 4000 Prêtres, Curez Religieux ou Religieuses.
Foires & Marchez.
L'Auteur donne à présent le détail des Marchez & des Foires de la Province, surquoi il nous suffit de remarquer que celles de Bezançon qui se tiennent pendant plusieurs jours des mois de Fevrier, Août & Septembre de chaque année, sont les plus considérables pour le débit des Chevaux & Bestiaux, & que celles de Lyons le Saunier & d'Arbois sont aussi très-fréquentées de toutes sortes de Marchands.
Ponts & Chemins.
L'Auteur donne après cela le détail des Ponts & des grand Chemins, qu'il dit être, par tout fort mauvais, quoique les repartitions en soient aisées par rapport aux bois & aux pierres, qu on trouve abandamment par tout & d'ailleurs absolument necessaires au Commerce. A l'égard des Ponts, il en compte 4 sur la Saone, à Montreux, à Jouvelle, à Jecy & à Gray, & juge qu'il est absolument nécessaire de rétablir celui de Port sur Saone parce quil est sur le grand Chemin de Champagne & d'Alsace. Il en compte 8 autres sur l'Ougnon, dont deux de bois fort ruinez à l'Isle ; les autres sont à Pontarlier, Arçon, Mortau, Roidevougeancourt, Clerval, Beaume, Bezançon & Dole.
A l'égard des lieux d'Etappe de la route ordinaire des troupes, l'Auteur dit que celles d'Alsace à Lyon, pour se rendre de là en Italie, Languedoc & Catalogne, passe de Besort à Ornans, Beaume, Bezançon, Quingey, Salins, Poligny, Lyons le Saunier & S. Amour, dernier lieu de la Comté, & que l'autre route qui va de Befort à Châlons sur Saône, passe de Bezançon à S. Wist & de là à Dole. La Route de Lorraine à Bezançon, passe a Remiremont, à Taverney, à Luxeuil, à Vezoul, à Rios & Bezançon, au lieu de Remiremont, à Champagney, à Lure, a Montbazon & à Bezançon. La Route de Vezoul à Auxonne passe à Vellexou, Membré ou Fedry & à Gray. Celle de Champagne à Bezançon passe à Champlitte, à Gray, à Marnay, ou au Pin ; la même à Dole passe de Gray à Pismes. Celle de Gray à Salins passe de Dole à... La Route de Champagne en Alsace passe à Combaufontaine, Vezoul, Port sur Saone, ou Colombatte, Lure, Melizay. Celle de Bezançon en Suisse à Lyon, passe de Pontarlier à Lenier, Nozeray, Pont de Navoy, Rosenoy & Coligny.
Maisons Nobles. Poitiers.
L'Auteur traite ensuite de la Noblesse & déclare qu'il prétend le faire dans l'ordre de son antiquité, de laquelle il paroit néanmoins très-médiocrement instruit. Il commence par la maison de Poictiers, qu'il fait descendre d'un Puisné des Ducs d'Aquitaine, & qu'il dit être établie en Comté depuis environ 200 ans. Il est vrai en effet que la maison de Poictiers, issue des Comtes de Valentinois étoit connue en Comté sous les derniers Ducs de Bourgogne. Le P. Chifflet, du Chesne & Bessy, ont amplement illustré cette
généalogie. Mais les Critiques du Païs rapportent contre leur autorité plusieurs actes anciens, deterrez en la Comté de Bourgogne, où leur nom Latin est exprimé de Potteriis & non pas de Pictavia, & entre ces titres, il y en a qui précedent le tems des derniers Ducs de Bourgogne. Elle est divisée en deux freres ; Le Comte de Poitiers qui possedé les terres de Chateau-vieux, Moron, Balençon, Cicon, Neufchatel, (non pas celui de Suisse) Thoraize, Amancé & le Magny, lesquelles peuvent avoir la Valeur de 30000 l. de rente ; mais ces grands biens ne sont point libres, ayant été substituez dans la maison qui les possedé par l'Archevêque de Bezançon, Messire Ferdinand de Ris, qui vivoit en 1586. Cet inconvenient, qui paroit fâcheux à l'Auteur, est à mon avis un très-grand avantage, puisque ces sortes de substitutions, si elles pouvoient être perpétuelles, seroient un appuy solide, depuis que le privilege, ou plustôt le droit des fiefs est aboli. Le Marquis de Poitiers, puisné du Comte est Colonel & Brigadier d'armées & possédé la Baronie de Vadans, laquelle vaut 3000 l. de rente, qui est l'ancien patrimoine de leur maison.
Beaufremont. La Beaume. Vaudrey.
La maison de Beaufremont, dont le Marquis de Listenois est le Chef, est illustre par son antiquité, soutenue d'Alliances & par les honneurs & dignitez qui y sont entrez. On trouve un Pierre de Beaufremont, qui dans un Tournois tua un Comte de Bar en Combat singulier, peu après la mort de S. Louïs. Il y a eu dans cette maison 3 Chevaliers de la Toison, des Senéchaux ou Gouverneurs de Bourgogne, plusieurs baillys d'Aval. Le Marquis posséde les terres de Chateauneuf, Orné, Clairvaux, Travers & Rans, qui sont substituées à l'Ainé. L'Abbé de Beaufremont, outre les Abbayes de S. Paul & de Luxeuil, posséde la Baronie de Secy sur Saône. La maison de la Beaume est aussi très-ancienne & très-illustre. Le Marquis de la Beaume, fils du Marquis de S. Martin, Gouverneur de Dole en 1668, y posséde les terres de Rougemont, Pennes, Vaudray, Granderesie, Chaumarconne, Touanne, Mesiandans, Montmartin & Romain. Le Comte de S. Amour de la même maison, les terres de S. Amour, Vaux la Chaux, Cretenay, Oyselay, Fresne le Chastel, Fretignes, Maiches, Sauvignes, Grandvelles, Mesieres, & c. & le palais de Grandvelles à Bezançon par substitution. La Comtesse de Viscomti sa Soeur, les terres de Beaujeu, Chantonnay, Aunay & S. Vallier, qui lui ont été cédees par le Comte d'Yennes son Oncle. La Marquise de Cruzy de Clermont Tonnerre, posséde la terre de Vauvilliers ; le Marquis du Châtel celles de Senoncourt, Pain & Lomont. La maison de Vaudrey aussi très-ancienne, est divisée en 3 branches. Celle de S. Remi possédé la baronnie de S. Remi, Cazeille & S. Bretaire. Le Comte de Vaudrey, les terres de Tromarey, Loges & Escuelles. Le Chevalier de Vaudrey, Cadet, est fort avancé dans le service. La branche de Vaudrey Valleroy posséde la terre dont le nom lui donne sa distinction, & celle de Vaudrey Beveringes, celles de Beveringe & Dampierre.
Vatteville. Grammont.
La maison de Vatteville, originaire de Suisse, (où elle subsiste encore dans le Canton de Berne) a donné le Marquis de Constans, ci-devant Viceroi de Navarre, le Comte d'Usiez, Gouverneur de Courtray, & le Chevalier de Constans, Colonel de Cavalerie ses enfans. Le Sieur de Thoraize du nom d'Achay, posséde la terre de Maillot ; sa maison est fort ancienne & grande, quoique mésalliée. La maison de Grammont qui a changé son nom & ses armes au tems d'Otton 4, Comte de Bourgone environ Pan 1240, portoit un Sautoir d'Or en champ d'Azur, & le nom des Granges. Elle est divisée en 3 branches ; celle de Chatillon est l'ainée & posséde les terres de Châtillonvelle, Faux & Chamberia : celle de Fallon posséde Constandry, Fallon, Frotey, Grammont & Courchaton. Celle de Melizai dont est l'Archevêque de Bezançon & l'Evêque de Philadelphie son Neveu & Suffragant, a pour chef le Comte de Grammont, Maréchal de Camp, qui posséde les terres de Melizey & du Sauley. Le Marquis de Grammont son frere, est aussi Maréchal de Camp. La branche de Grammont la Roche posséde les terres de la Roche, Rigney, Goesnan & Vellechevaux. Les Armes présentes de cette maison sont d'azur à 3 têtes de Reines, & l'on dit que l'origine en vient d'un Combat entrepris enngleterre
par un Seigneur de cette famille pour 3 Princesses accusées & qui furent délivrées par sa valeur. Le Sr. de Vaugrenand de Villers la Faye, posséde la terre de Vaugrenand & celle de Port de Lesné ; son frere étoit Colonel de l'un des Regimens de milices, fournis par la Province. Le nom de sa famille est celui de Vangrenand. Le Sr. de Monteley dont le nom de famille est Blisterwick & qui étoit Colonel d'Infanterie, n'a laissé qu'une fille heritiere des terres de Monteley & de Vergille. La famille de S. Maurice a plusieurs branches, dont celle du Maréchal de Camp est l'une : mais il n'est point vrai, comme l'Auteur l'avance que les Seigneurs de Choye & de Villefaucon en soient l'une, non plus que les Seigneurs de Chatenay, Saute & Villeneuve. Le Marquis de l'Aupespin du nom de Mouchet de Battefort est Chevalier d'honneur du Parlement & possede les terres de l'Aubespin & Arinthoy. Le Marquis de Montaigu Boittavant du nom de Bernard, enté sur celui de Montaigu, est bailly de Bezançon & possédé les terres de Montaigu & de Quingey, ancien héritage des Puisnez de Bourgogne Duché. Le Marquis de Sorans, du nom de Rosieres, a fait ériger les terres de Sorans de They, Avouay & Breverey. Le Marquis de Brun descendu d'Antoine Brun, Plénipotentiaire d'Espagne a Munster & Procureur général à l'ancien Parlement de Dole, a aussi nouvellement fait ériger Brun, la Roche, Arc & Sevances. Le Marquis de Broissia du nom de Froissard, ancienne famille de Robe, a fait ériger depuis peu d'années ses terres de Broissia, Pleintrenoires, Anoire, Bretignieres & Chavannes. Le Sr. de Beaujeu, Colonel de Dragons, possédé la terre de Montot : Le Sr. de Goussant du nom de Jouffroy, celles d'Uxelles & de Joye. L'illustration de cette famille vient du Cardinal Jouffroy l'un des favoris de Louis XI. dont il a mal à propos changé les armes. Le Sr. d'Uxelles Jouffroy, la terre de Monillard. Le Sr. de Falletans, d'ancienne noblesse, celle de Bussy Tierfranc & de Dampierre. Le Sr. de Jusseau du Pin, la Baronnie de Jusseau & de Bettencourt. Le Sr. des Moutiers ci-devant Capitaine de Dragons, la Terre de Cubry. Le Sr. de Perigny du nom de Griselles, ancienne famille de Robe ; les terres de Perigny & d'Augerans. Le Sr. de Marnix, originaire de Savoye, celles de Crillat Piedmorin & Vincelles. Le Sr. de Fallerans Vizemal de très-ancienne noblesse, sa terre de Frontenoy. Son Fils, Colonel de Dragons, celle de Torpes. Le Sr. de Melincourt la Terre de son nom. Le Sr. de Reculot, la terre de Rochefort en partie. Le Comte de Scey Baron de Chevrot. Le Sr, de Poligny Seigneur d'Anjat. Les Srs. de Lezai, Seigneurs de Marnessia, ennoblis au XIII. Siécle par les Abbez de S. Claude Le Sr. de Chassroy, Seigneur de Munans. Les Srs. de Chavircy, Seigneurs de Recologne, de Crofay & de Marmur. Le Sr. de Monfuron de bonne maison, mais qui a été domestique en celle de Poitiers. Le Marquis de Pezeux du nom de Pra, aussi ennoblie de S. Claude au XIII. siécle.
Autres terres Etrange¬ res.
Outre cette Noblesse qui est toute censée de la Province, il y a des Seigneurs du Royaume Etrangers à son égard, qui possédent de grandes terres. La Princesse d'Is hien, comme héritiere du Roi d'Angleterre, a été mise en possession par arrêt du Pa ment de Besançon, des terres de Vallampoulier, Arlay, Bletterans, Lyons le Saunier, Chatillon, Orgelet, Noircevaux, Chavanne, Montfleury, Jouques, Montron, Selleriere Arquelle, Montfaucon & Noseroy. Le Prince d'Aremberg y posséde la Baronnie de Faucogney, Villers, Serey, Ceintrey, Morsy, Orcamp, Chatel neuf, Champlitte en partie & S. Hyppolite. La Princesse d'Islebonne, les terres de Villette, l'Abergement, le Gros sollieres, Molay, Port Aubert, Rahon, Tavaux, Bellevoy, S. Julien, Chatillon, Fougerolles & Champlitte en partie. Le Duc d'Aumont, Avannes, Courchapon, Estrabonne, Lantennes, Mercey & le Paon. La succession du Duc de Pontevaux, prétenduë par la maison de Beaufremont, les terres de Mercey, S. Germain Bougnon, Benuses & Courselles. Les Marquis de Bissy & de Thianges contestent le droit de Beaufremont. Le Prince de Montbéliard, les terres de Mandeure, Clairval le Châtel, Haricourt, Blamont & Clermont. Le Comte de Tavannes, Dampierre sur Salon. Le Comte de Thiverny, ses terres de Rupt & de Lain. Le Marquis de Merode, la Baronnie de Rai & la Seigneurie de Ternuay, Les Créanciers de la Maison de Coligny, celles de Coligny
& de Dandelot. Le Comte de Renel, partie de la Seigneurie de Champlitte. Le Marquis de la Vieuville, celles de Vauvillard en partie, Brenans & Oumans. Le Maréchal de Montrevel, Presilly, S. Julien & Courlaon. Le Comte de Taxis la Terre de Fondreman. Le Comte de Stambrix celle de l'Etoille. Le Marquis de Conflans, celle de S. Loup. Le S. Fabry de Moncaut, Lieutenant General des Armées du Roi, celle de Flagny. L'Auteur finit le détail de cette Generalité par une reconnoissance qu'il fait des favorables dispositions de la Noblesse pour le service du Roi, assurant qu'il n'y a aucun gentil-homme en Comté qui se soit trouvé en état de servir, qui n'ait pris parti dans la derniere guerre. Il en dit presque autant du commun peuple qui ne refuse point de servir, si ce n'est dans l'Infanterie.
Il est certain que ce Memoire auroit pû s'étendre davantage & renfermer un détail plus essentiel par rapport au Peuple, à la Noblesse & à l'Histoire. Ces articles auroient même d'autant plus d'utilité que l'on peut dire qu'ils ont été fort négligez jusqu'à prélent, & qu'il n'est point d'Histoire de Province, ni de noblesse plus ignorée que celle de la Comté de Bourgogne. C'est ce qui m'a porté à joindre quelques remarques sur l'une & sur l'autre à l'éxtrait précédent.
Histoire generale du Comté de Bourgogne Sequanoise.
La Franche Comté partie de l'ancìenne Gaule, dont les bornes s'étendoient jusqu'au Rhin ; mais quoi que les Peuples qui l'habitoient portassent le nom de Sequani qu'on leur donne encore, Il ne faut pas juger que cette appellation fut renfermée en des limités si étroites, puisque non seulement les Sequanois occupoient, d'un côte, les bords du Rhin & de l'autre ceux de la Saone, qui les séparoient des Eduens ; mais qu'ils s'étendoient encore entre la Seine & la Loire & que la ville de Sens leur appartenoit. Sur quoi l'on peut remarquer que les appellations de Sequani & de Senones, étoient Synonimes. C'est à ces peuples qu'il faut rapporter les plus glorieuses entreprises des Gaulois, telles que les Conquêtes d'Italie & de la Grece & la peuplade dune belle Province de l'Asie Mineure ; mais quelque belliqueux qu'ils fussent, ils se laisserent surprendre un peu avant l'arrivée de Jules-César dans la Gaule par un Roi Allemand, qui sous le prétexte de les aider dans une guerre qu'ils avoient contre les Eduens, les soumit à ses loix. César, sollicité de les venger, y consentit & très-volontiers, prévoyant que cette guerre lui donneroit occasion de s'assujétier les Sequanois & peutêtre toute la Gaule, ce qui ne manqua pas d'arriver, s'etant saisi de Bezançon & ayant défait l'Usurpateur.
Depuis que les Sequanois furent soumis aux Romains, il ne se passa chez Eux aucun évenement digne de remarqué particulière jusqu'à l'an 408, que l'on dit être celle de l'invasion des Bourguignons, ou de leur arrivée sur les bords du Rhin. L'Empire Romain étoit alors si vivement attaqué de toutes parts par les différens Barbares qui avoient entrepris de les diviser, que, soit par saute de troupes, soit par toute autre raison, on ne fit d'abord aucune resistance aux Bourguignons. L'on sçait au contraire que le Patrice Constance fit avec eux un Traité vers l'an 412, ou plustôt en 414, par lequel il leur abandonna la Rhétie, la Sequanoise, le pays des Eduens & plusieurs autres, avec le droit de s'approprier les 2 tiers des terres & des hommes de cette étendue ; comme eux de leur part s'engagerent à l'assister dans les guerres qu'il avoit à soutenir contre les autres Usurpateurs de la Gaule. On ne sçait pas précisement quel étoit le nom de ce Chef, ou du Roi qui conduisoit ces peuples dans cette entreprise. La Chronique de Prosper l'a nommé Gondicaire, vraisemblablement par erreur, puisque la Loi des Bourguignons, autrement dite la Loi Gombette, marque expressément Gibica, pour le premier Prince de cette Nation qui ait regné dans la Gaule.
Il y a grande apparence que les Bourguignons embrasserent la Religion Chrétienne dans le tems même, ou à peu près qu'ils eurant passé le Rhin. Les Auteurs s'accordent tous à donner l'honneur de leur Conversion aux Evêques de Geneve, de Lasaunne, & de Sion, s'étant montrez les plus dociles des Barbares. Orose dit positivement que sous le regne d'Honorius, ils vivoient dans les terres de la Gaule qui leur avoient été cédées, avec une douceur extreme, traitant les habitans naturels, non commees sujets & des Esclaves, mais comme leurs freres.
A l'égard de la Succession de leurs Rois, le témoignage des Historiens est plus propre à la confondre qu'à l'éclaircir, tant il s'y trouve de diversité & de variations. La Loi que nous avons citée la fixe d'une maniere très-nette & très-précise. Voici comme elle s'en éxplique au Tit. 3. dans lequel le Roi Gundebaut a voulu assurer la liberté de ceux qui en avoient jouï sous ses prédécesseurs : Si apud Reges piae memoriae antecessores, i. e. Gibicam, Gondamarum, Gondarium, patrem quoque nostrum & pairuum, liberim aut liberam suisse constiterit, in eadem lïbertate maneat. Sur quoi l'on peut non seulement fixer l'ordre de la Succession, mais assurer que tous ces Princes ont été Chrétiens, en conséquence de ces mots, de pieuse Mémoire, qui leur sont donnez par un Roi qui lui-même étoit Chrétien.
Quant à la Chronologie de l'Histoire Bourguignonne, elle est encore moins connuë que la Succession. On sçait néanmoins que le Roi Gondaire ou Gondicaire fut tué en bataille par Attila vers la fin de l'an 450. mais on ignore quel a été celui qui s'est emparé de la Province & de tout le Païs des Alpes Grayennes & Cottiennes. On ne sçait point non plus quel fut celui qui fut repoussé avec une grande partie de ses troupes devant la Ville de Narbone, par Aetius General Romain en 436. L'Histoire s'éclaircit mieux dans la suite : On sçait que Gundioch succéda à Gundicaire & qu'étant mort assez jeune il laissa 4 Fils en minorité, dont leur Oncle Glodoûé pris la tutele & occupa le Royaume jusqu'en 476. C'est à ce dernier qu'on attribuë la conquête de Lyon & de Vienne, qui furent depuis les Villes Royales des Bourguignons & qu'ils ne possedoient pas auparavant. Les 4 Fils de Gundioch furent Chilperic, Gundebaut, Godegifile & Gothemar, lesquels ayant partagé la domination Bourguignonne, ne pûrent long tems vivre en paix. Gundebaut supplanta son aîné & le fit mourir, après l'avoir surpris dans la Ville de Vienne. Les deux puissiez le tourmenterent à leur tour, mais la principale vengeance qui fut tirée de cette mort appartient à Clotilde, fille de Chelperic, laquelle ayant été mariée à Clovis Roi des François eut assez de pouvoir sur son esprit pour le faire Chrétien & pour l'enflamer de haine & de vengeance jusqu'à la destruction du Royaume de Bourgogne. Gundebaut, de son côté, le plus habile des Princes qui eussent regné chez cette nation, eut assez de bonheur & de conduite pour conserver tous ses Etats malgré la trahison de les freres & la prosperité continuelle de Clovis. Il ne mourut qu'en 517, après un règne long & traversé, mais qu'il signala par quantité de grandes actions & de pieux établissemens. A Gundebaut succéda Sigismond, dont la vie trop molle & trop dévote fut terminée par une sanglante guerre que lui fit Clodomir, Roi d'Orléans, aîné du Roi Clovis & de Clotilde. Il fut fait prisonnier après la perte d'une bataille, & le Vainqueur usant barbarement de sa fortune, le fit accabler de pierres avec sa femme & ses enfans, après les avoir fait jetter dans un puits. Les Moines en ont fait un Saint, tant par compassion de se mort, qu'à cause de la fondation d'Agaune, à présent dit S. Maurice en Valois, l'un des plus riches & des plus nombreux qui ayent été. Gondemar frere & Successeur de Sigismond, eut la gloire de faire périr Clodomir, mais dix ans après, les François acheverent avec facilité de soumettre la Burgogne, épuisée par la continuité de la Guerre, & depuis ce tems le Païs que nous appelons le Comté de Bourgogne, a été membre de quelqu'un des Royaumes François jusqu'au declin de la race de Charlemagne, que Bozon ayant été declaré Roi de Provence, le reste de la Bourgogne reconnut des Princes particuliers qu'elle aima mieux choisir que de les tenir du hazard.
Richard, Marquis d'Autun & ensuite Duc de Bourgogne, frere de Bozon & de l'Impératrice Richilde, femme de Charles le Chauve, fut le premier proprietaire de la Bourgogne, telle que nous la distinguons par son titre de Duché, autrefois separée
de la Comté par le cours de la Saone. Il la laissa à son fils Raoul, qui parvint après lui à une haute fortune, s'étant emparé de la Couronne de France sur le Roi Charles le Simple, mais il ne laisse point de posterité. La Comté se donna dès lors à un antre Prince & ne s'est réunie que long tems aprés avec la Duché, ainsi qu'on verra dans la suite. Ce Prince fut Raoul surnommé D'Estralingen, du nom d'un Château d'Alsace où il avoit pris naissance. Il étoit fils de Conrad dit le Jeune, Comte de Paris, frere de Hugues, Duc de France, successeur & beau-frere de Robert le Fort, tige de la maison régnante. Ainsi il sortoit au 3e, ou 4e. degré de Twelff, Comte d'Altorf, si renommé dans notre Histoire, pour avoir été le pere de l'Impératrice Judith, seconde femme de Louïs le Debonnaire. Raoul se trouvant Gouverneur de la Transjurane dans le tems que le sang de Charlemagne s'éteignit en Allemagne & en Austrasie, ne se jugea pas indigne de posséder une partie de cette grande succession, & se fondant sur une adoption de l'Empereur Charles le Gros, il se fit couronner Roi de la Bourgogne Ultérieure ou Transjurane en l'année 895. Ce fut en cette qualité qu'il posséda la Comté de Bourgogne, laquelle il laissa à son fils avec ses autres Etats après un regne de 16 ans, étant mort le 22. Octob. de l'an 911. Ce fut sous son règne que le Comte Burnon, Seigneur d'une partie de la Comté, donna un si grand exemple de détachement du Monde, en se sasant Religieux dans l'Abbaye de Gigny qu'il avoit fondée & il y vécut depuis avec tant d'édification, que Guillaume, Duc d'Aquitaine, ayant entrepris la fondation de Clugny, de choisit pour premier Abbé de ce Monastere en Septemb. 910. II paroit toutefois que Burnon, ou plutôt la Comtesse Yves sa Mere contribua autant que le Duc à cette célébré fondation. Burnon prit avec lui 6 Religieux de Gigny & autant de Beaume pour former cette nouvelle Maison, & c'étoit en reconnoissance de cette espece de filiation que l'Abbaye de Clugny payoit autrefois une maille d'or à chacune de ces Abbayes. Raoul II. succéda à Raoul I. son Pere & eut presque aussi-tôt la guerre avec Burchard, Duc de Sueve, contre lequel il perdit la bataille de Rusy ; mais ils pacifierent leurs différens par un mariage, Raoul ayant été appelé en Italie par des Seigneurs mécontens de l'Administration de Berenger II, il soumit en peu de tems toute la Lombardie, mais il ne la garda que 3 ans, les Italiens toûjours inquiets & mécontens de leurs Souverains ayant rappelé Berenger inutilement, puis qu'il fut encore vaincu par Raoul. Celui-ci néanmoins par une moderation, ou peut être par dégoût se résolut à quitter l'Italie & à laisser aux naturels du Païs la disposition de leurs propres affaires. Ce fut alors que denuez de secours étranger ils devinrent la proye des Hongrois, nouveaux Barbares qui desoloient l'Europe avec une horrible cruauté. Pavie alors, la Capitale de la Lombardie fut forcée & brûlée, ainsi qu'une infinité d'autres places & la ruine fut si generale que pour en sauver les restes Raoul fut obligé d'y retourner par simple motif de compassion. Cependant ces Italiens qui avoient moins de confiance qu'ils n'en devoient à sa generosité, avoient appelé au secours d'au delà des Alpes, Hugues de Provence, de sorte que la jalouzie ou le point d'honneur fit bien-tôt naître une autre guerre entre ces Princes, laquelle se termina néanmoins par la cession que Hugues fit à Raoul de tout ce qu'il possédoit au delà des Alpes, comme en revanche celui-ci lui céda tout ce qu'il possédoit en Italie.
En ce tems-là, il y avoit un Manassez, Seigneur de Vergy, qui prenoit le titre de Comte de Bourgogne, lequel fonda 2 Prieurez, dediez à S. Guy, en Latin nommé Vido, d'ou s'est formé le nom corrompu de S. Vitault ; l'un prés de Dole & l'autre sous l'ancien chateau de Vergy. Ce Seigneur laissa 2 fils, Gislebert & Waton, dont le premier prit titre de Duc de Bourgone & maria sa fille unique à Othon, frere de Hugues Capet. Raoul II. mourut en 937, & laissa son Royaume, beaucoup plus
Etats du Pays.
étendu dans la Gaule qu'il ne l'avoit reçû, à son fils Conrad, surnommé le Pacifique parce qu'il regna 52 ans sans aucune guerre, ni trouble : rare Exemple de ce que pourroient les Princes, si se connoissans eux-mêmes ils vouloient faire justice aux autres ! Conrad accrut son Domaine du Lyonnois & du Viennois, si l'on en croit l'Opinion commune, en épousant la soeur de Lothaire, Roi de France, dont il eut un Fils, dit Raoul, auquel il laissa ses Etats en 990. Au tems de ce Roi Conrad, la Comté de Bourgogne étoit gouvernée par un Seigneur nommé Hugues, lequel y fit plusieurs pieuses fondations qui furent confirmées par le Roi de Bourgogne, l'ordre des Fiefs étant déja tellement établi que le Vassal ne pouvoit disposer des fonds sans le confentement du Seigneur dominant. Hugues laissa un fils qui porta le titre de Comte de Bourgogne & se nomma Conrad.
Raoul III, plus connu par les odieux surnoms de Lâche & de Fainéant, avoit 2 soeurs, Berthe, mariée au Comte de Champagne, & Gisele, femme de l'Empereur Conrad II. mere d'Henry III, aussi Empereur. Ce Champenois, qui connoissoit la foiblesse du Roi son Oncle, crut pouvoir obtenir en lui faisant peur, qu'il le déclarât son Successeur, mais il y fut trompé. Car Raoul fit cette declaration en 1029, au profit de son Neveu le Roi Henry ; ce qui fit passer la Bourgogne sous l'Obéïssance des Princes de la maison de Suabe. En ce tems Othon Guillaume, fils d'Adelbert, Marquis de Lombardie, étoit Comte de Bourgogne par sa Mere Gerberge, fille & héritiere de Conrad, fils de Hugues, desquels nous avons parlé sous les regnes précedens. Cette Gerberge devenuë veuve d'Adelbert, épousa Henry Duc de Bourgogne, frere de Hugues Capet alliance qui fut un sujet de guerre entre Robert Roi de France, fils de Capet & et neveu de Henry, & le Comte Othon Guillaume, qui se contenta dans la suite de l'usufruit de la Comté de Dijon. Celui-ci mourut en 1027, laissant la Comté de Bourgogne à Renaud son fils aîné & celle d'Auxonne à Othon son Cadet. Renaud Comte de Bourgogne épousa Alix de Normandie, fille du Duc Richard II. & en consequence de cette Alliance, il se prétendit héritier de Robert, aussi second du nom, par préference a son bâtard Guillaume, mais la fortune de ce dernier l'emporta sur sa justice des prétensions de Renaud, qui se contenta par dédommagement des Comtez de Brionne & de Verneuil en Perche, qui devinrent ensuite le partage de Gui de Bourgogne, puisné de ses infans.
Guillaume, surnommé le Grand, Comte de Bourgogne, succéda à son Pere Renaud l'an 1057 & regna 30 ans. Il eut nombre d'enfans de Guertrude de Mâcon sa femme, laquelle outre la Comté de Mâcon, lui apporta ses droits sur celle de Vienne, comme étant issuë de celle de Constantin, Comte de Vienne, fils de l'Empereur Louïs l'Aveugle. Leurs enfans furent Etienne, Comte de Bourgogne & de Vienne, Renaud Comte de Mâcon Guy Archevêque de Vienne & depuis Pape sous le nom de Calixte II. Hugues Archevêque de Bezançon & Giselle femme de Humbert II. Comte de Maurienne, qui devint Mere de la Reine Alix de Maurienne, femme de Louïs le Gros. Le Comte Etienne, emporté par le dEsir de se signaler dans la guerre Sainte, vendit, ou plûtot engagea à son frere Archevêque de Vienne, le Domaine & les droits régaliens qui lui appartenoient dans la Ville & Comté de Vienne pour 8000 sols d'or, avec lesquels il fit la dépense du grand voyage en 1096, mais il n'en revint point, étant mort en an 1101. Ce Prince ne laissa qu'un fils fort jeune surnommé par cette raison Guillaume l'enfant, qui mourut sans posterite l'an 1116. Ainsi la Succession revint à Renaud Comte de Mâcon son Oncle, qui la garda jusqu'en 1116.
Il laissa 2 enfans, Renaud Comte de Bourgogne & Guillaume dit de Vienne, Comte d'Auxonne, qui tous deux eurent de grandes affaires à demêler : le premier avec l'Empereur Lothaire de Saxe, auquel il refusa l'hommage de la Comté, sous prétexte
que le titre de Royaume de Bourgogne appartenoit à la maison de Suabe & non pas à l'Empire. Lothaire l'en punit par la proscription & la confiscation de la Comté de Bourgogne dont il investit Berthold Duc de Schwerin, & il s'ensuivit une longue guerre dans laquelle Renaud eut le principal avantage ; s'étant maintenu dans sa possession il mourut en 1144, ne laissant qu'une fille Beatrix sous la tutele de son frere Guillaume. Celui-ci est premier qui paroit avoir rendu le nom de Vienne propre à sa maison ; ce qui arriva sans doute à l'égard de l'opposition que les Archevêques de Vienne formerent de la laisser jouïr du domaine & des droits qui leur avoient été engagez par le Comte Etienne. Car quoique l'engagement n'eut été fait que pour 6 ans, ils prétendirent le remboursement de cette somme principale & ne comptoient à rien les jouïssances qu'ils avoient euës, & ne pouvant se dire Comte de Vienne, de peur d'offenser l'Eglise & de s'attirer les foudres de l'éxcommunication alors si redoutées, il se contenta, de prendre le nom appellatif de sa maison pour la conservation de ses droits. Beatrix, Comtesse de Bourgogne, épousa, l'an 1156, l'Empereur Frédéric I, plus connu dans l'histoire sous le nom de Barberousse & ayant eu de lui une nombreuse famille, laissa la Franche-Comté à Othon, 4e. de ses Enfans. Celui-ci est le premier, qui par une distinction jusqu'alors peu usitée, prit le titre de Comte Palatin. Il mourut en 1200, & ne laissa que 2 filles de sa femme Marguerite de Blois, fille de Thibaut, Comte de Blois & de Chartres, duquel il a été parlé dans les mémoires d'Orléans & de Champagne.
Beatrix aînée épousa le Duc de Meranie, Comte d'Andac, qui devint Comte Palatin de Bourgogne par cette alliance, & Jeanne épousa Gerard de Vienne Comte d'Auxonne, fils ou petit-fils de Guillaume de Vienne, dont il a été parlé ; mais ses beauxfreres s'accorderent mal pour le partage de la succession. II s'ensuivit une longue guerre qui ne fut terminée que par l'extremité des Legats du Pape le 23 Juin, 1227. l'accord fut avantageux à la Comtesse Jeanne, déja veuve de Gerard de Vienne, par rapport aux biens & revenus qui lui furent ajugez, mais la Souveraineté fut conservée en entier à sa soeur aînée. Jean n'en eut qu'une fille nommée Beatrix, comme l'Impératrice son ayeule, qu'elle maria de bonne heure à Etienne de Vienne, Comte de Mâcon son parent au 3e. degré & d'elle sont sorties, entre les Comtes de Bourgogne de la derniere souche, les branches particulieres de Châlons de Vignory & d'Oizelay, comme d'autre côté la maison qui a perpetué le nom de Vienne jusqu'à nos jours, est sortie du moins par femmes de Guillaume de Vienne, Comte de Mâcon, second du nom, frere & non petit-fils de Gerard, dont il vient d'être parlé, malgré l'autorité de Du Chesne.
Mais pour revenir à la tige principale, le Comte de Meranie étant mort en 1230, ses Etats passerent à son fils Othon III. alors âgé de 19 ans, qui mourut sans postérité l'an 1298. Sa succession fut recueillie par ses soeurs, dont l'aînée, qui s'appeloit Alix, épousa Hugues de Vienne, fils de Jean Comte de Châlons, petit-fils de Guillaume Comte d'Auxonne. Cette alliance sembloit devoir procurer le repos de la Comté de Bourgogne par le retour de la Souveraineté dans la maison qui en avoit le titre primordial. Cependant elle fit un effet tout contraire. Les Etats du Païs, choquez de n'avoir pas été consultez dans une affaire où ils avoient le principal intérêt, & animez d'ailleurs par le Comte Jean, Pere de Hugues & son principal ennemi, voulurent procéder par voye de Soustraction d'obéïssance à la Comtesse Alix. Il s'ensuivit une rude guerre qui ne fut terminée que par la médiation du Roi S. Louïs. Ce Comte Hugues fut un Prince sage & de grande oeconomie. Car on voit qu'il acquit des soeurs puisnées de sa femme, les droits qu'elles prétendoient à la Comté de Bourgogne, par des sommes considérables qu'il leur paya. Il traita avec Elizabeth femme de Frederic, Bourgrave de Nuremberg pour 1050 marcs d'argent en 1257. avec Marguerite femme du
du Comte Tridigert pour 400 marcs au mois de Fevrier 1261, mais il ne pût venir à bout de Beatrix, femme d'Othon, Comte d'Orlemonde, laquelle aima mieux vendre ses droits à Hugues IV, Duc de Bourgogne, comme elle fit par traité du mois de Septembre jour de S. Maurice, 1265. Le Comte, sensible plus qu'il ne devoit à cette disposition, d'autant plus qu'il n'ignoroit pas à quel dessein le Duc de Bourgogne s'étoit acquis un titre contre sa Souveraineté, mourut presque aussi-tôt en 1266. Sa Veuve Alix, Comtesse de Bourgogne, sans égard pour ses enfans qui étoient en bas âge, se remaria avec Philippe, Comte de Savoye, de Maurienne & de Chablois, qui fut aussi Comte de Bourgogne, jusqu'à la mort de la Comtesse Alix qui arriva en Decembre, 1278. Mais soit que cette Comtesse eut fait quelque disposition en faveur de son second Mary, ce dernier prétendit conserver la Souveraineté de la Bourgogne au préjudice des enfans du premier lit, qu'il traversa tant qu'il vécut. Othon IV, qui plus communement est nommé Othelin pour éxprimer sa jeunesse, s'appuya de la protection de la France, & ce fut apparemment par ce moyen qu'il retira du Duc de Bourgogne les droits vendus par sa tante Beatrix pour le prix de 11000 l. Viennoises. Il épousa l'an 1270, Philipotte de Bar, dont il n'eut point d'enfans, & en 1287, Mahault, fille de Robert II, Comte d'Artois, Princesse aussi habile que fiere & intéressée, laquelle le rendit Pere de plusieurs enfans ; mais par une singularité éxtraordinaire, elle l'engagea à déshériter les mâles en faveur des filles, ou plûtôt en faveur de Philippe & de Charles de France, enfans du Roi Philippe le Bel, qui les avoient épousées. Othelin mourut à Melun en 1302, après avoir fait cession & transport de la Comté de Bourgogne à Philippe, fils de France, Comte de Poitiers, second fils du Roi, au préjudice de Robert son fils unique, lequel ne survécut pas long tems à sa disgrace, étant mort sans avoir été marié en 1315. Othelin avoit plusieurs freres qui eurent disserens établissemens, entre lesquels Henry, Seigneur deThoraize & de Jussé, & Jean, Seigneur de Montagu ont fait des branches particulieres. On remarque parmi les soeurs, Guiette, femme de Thomas de Savoye en 1274 : Agnès, prémierement femme de Philippe de Vienne, Seigneur de Montmoraut, fils aîné de Hugues IV, Seigneur de Pagny ; & depuis de l'Empereur Rodolphe I. Comte Hapsbdurg, selon du Chesne, & Polite femme d'Aymar de Poitiers, Comte de Valentinois, auquel elle apporta la Seigneurie de S. Vallier. Ce mariage a donné lieu dans la suite à l'établissement d'une branche de la Maison de Poictiers dans la Comté de Bourgogne : mais pour revenir à la posterité du Comte Othelin, Jeanne de Bourgogne, Reine de France fut son héritiere. Son autre fille la Reine Blanche, ayant été sépararée de son Mary pour cause d'Adultere & reduite aprés 12 ans de prison à prendre le Voile de Religieuse à Maubuisson, Philippe le Long ne laissa que deux filles de son mariage avec Jeanne de Bourgogne : l'ainée, qui portoit le nom de la mere, fut mariée à Eudes IV, Duc de Bourgogne & lui apporta les Comtez de Bourgogne & d'Artois : d'elle sortit Philippe Comte de Bourgogne mort avant son Pere d'une blessure reçue au siege d'Aiguillon en 1346, lequel ne laissa qu'un fils de même nom, qui fut surnommé de Rovoye à cause du lieu de sa Naissance, lequel a été le dernier des Ducs de Bourgogne, de la premiere Souche.
Cette mort prématurée qui arriva en 1361. réunit la Duché de Bourgogne au domaine de la Couronne de France pour les raisons qui furent expliquées par un ordonnance du Roi Jean, du mois de Novembre de la même année ; mais à l'égard des Comtez de Bourgogne & d'Artois, comme le Roi n'avoit aucun prétexte pour les retenir, elles retournerent à Marguerite de France, 2e. fille du Roi Philippe le Long, laquelle ayant épousé Louïs dit de Croisi, Comte de Flandre, fut Mere de Louïs dit le Mâle aussi Comte de Flandre, duquel la fille unique Marguerite porta la Comté de Bourgogne & toute la succession de son Pere & de son Ayeule à Philippe de France quatrième fils du Roi Jean Duc de Bourgogne, & ce fut par cette alliance que les Duché
& Comté de Bourgogne, separez depuis le tems du celebre Othon Guillaume, furent réunis sous une même domination. La 4e. race des Ducs de Bourgogne s'est éteinte comme chacun sçait en la personne de Charles, tué en la bataille de Nancy l'an 1476. ce Prince ne laissa qu'une fille heritiere, Epouse de Maximilien Archiduc d'Autriche, dont elle eut Philippe & Marguerite : celle-ci mariée à Charles VIII. Roi de France lui apporta en dot les Comtez de Bourgogne & d'Artois, mais la providence ayant permis dans la suite pour la punition de toute l'Europe que cette Princesse fut répudiée & qu'on lui preferat l'heritiere de Bretagne, la Franche-Comté fut restituée à la Maison d'Autriche entre les mains de laquelle elle a demeuré jusqu'à la Conquête que le Roi en a fait l'an 1674. & la cession juridique portée par le Traité de Nimegue de 1678,
A l'égard de la Noblesse de la Franche-Comté, l'histoire du Pays fournit un moy en certain d'en connoître l'antiquité & le merite par l'exacte énumération qu'elle fait des Seigneurs distinguez, qui ont vécu sous les Regnes de chacun des Souverains depuis que les noms propres ont été en usage & qu'ils ont servi à la distinction des familles. C'est ainsi que l'on trouve sous les Regnes de Renaud II. & III depuis 1116. jusqu'en 1144. les personnes suivantes toûjours employées au nombre des principaux Seigneurs de la Province ; Guillaume & Gerard, pere & fils Comtes d'Auxonne, Henri de Vergy, Thibaut de Rougencourt, Thibaut de Neuchatel, Richard de Montfaucon, Aimard de Boncogney, Richard de Roche, Guillaume de Rolles, Jeremie de Ruffey, Estienne de Traves, Pierre de Secy, Geoffroi de l'Aubespin, Etienne de Charency, Guillaume de Chenois, Ogier de Chatillon, Thierry de Cecy Comte de Montbelliard.
Sous l'Empereur Frédéric Barberousse & son fils Othon I. depuis 1156. jusqu'en 1200 ou trouve Huon de Vergy, Theodofe Comte de Montbeliard, Thibaut de Rougemont, Amedée de Montfaucon, Othon Comte de la Rocheguy, & Guillaume de Granges, du second desquels est sortie la maison de Gramont ; Nardin de Grandvillars, Girard de Saunoi, Maurian Gros, Renaud de Montois, Amedée fils de Theodose Comte de Montbelliard. Othon de Champagne, Pontallier, Gilbert Vicomte de Vezoul, Pierre de Secy, Guillaume Girard & Etienne de Vienne portans titre de Comtes de Bourgogne. Sous le Palatin Othon, Duc de Maranie, Jean Comte de Chalons, & Etienne d'Oizelay de la maison de Vienne-Bourgogne, Guillaume & Jean de Vergy, & Renaud leur frere Evêque de Mâcon, Richard de Secy Comte de Montbelliard, Thierry & Etienne ses Enfans, Thibaut de Rougemont, Thibaut de Neuchatel, Henry de Cautenne, Etienne de Montmartin, Gautier de Vaugerive, Guy Posnel, Huon Roset, Etienne de S. Cire, Geoffroi de S. Prie, Guillaume d'Aspremont, Pierre Renaud de Secy, Guillaume de la Roche Seigneur de Lusance, Henry de Villars, Thibaut de Bellevoir, Guillaume Darquet, Robert de Canise, Renaud de Choiseul, Etienne de l'Hôpital Vicomte de Dole, Guy de Rans, Seigneur de la Roche, Renaud de Trameley, Jean de Faucogney, Antoine Seigneur de Touze, Othon de la Tour, Jean de Neuchatel, Hugues de Malecher Seigneur de Gy, Hugues de Saint-Quentin, Thierry de Secy, Renaud de Montbouzon, Gerard de Durne, Amé de Penet, Hugues de Choix, Jaques de Betines, Richard de Chevres, Etienne de Salens, Humbert de Beaujeu, Renaud de S. Pierre Aymont, de Calmoutier, Guy de Flegy, Etienne de Fresnés, Jean de Montferrand, Girard de Virry, Simon de Saxe-fontaine Seigneur de Jouvelle. Sous Othon IV. Richard de Montbelliard Seigneur de Maillot & de Montfort, Henry de Tongi, Senechal de Bourgogne, Marguerite de Vergy Comtesse de Valentinois, Guillaume & Gautier de Sabran dits de Forcalquier, Hugues & Guillaume de Vienne, dont le I. prenoit titre de Comte Girard d'Arquel, Etienne Doiselay de la Maison de Bourgogne, Jean Sire de Raymond, Guillaume Sire de Pesmes, Pierre Sire de Frasnée, Guillaume Poujet, Hugues Plantevigne, Guy de Soux, Guillaume-l'Aubespin
Sire d'Amours, Pierre de Montmartin, Pierre & Richard de Secy, Guillaume de Vaudry, Etienne de Cicou, Etierine Riets ; & Guillaume des Granges, Guy de Grammont, Henry de Cantenne, Etienne de S. Cire, Huon de Roset, Godefroi de S. Prié, Guy de Posuel, Gautier de Vaugerive. Sous la Comtesse Alix & ses deux maris, Henry de Vergy Fouvant Senechal, Pierre Sire de Montmartin, Jean de Vergy, aussi Sénechal, Guillaume son frere, & Hugues, prenant titre de Comte de Vienne, Trois Etienne d'Oiseley, Guillaume de la Beaume Ainé, & Jean de Neuchatel, Jean de Secy Sire de Maillot & de Montfort, Gautier de Commercy, Thibaut, Sire Beaufremont, Gautier & Guy de Molpré, Jean de Binaut, Josserand Groy, Sire de Brancion, Huguenin de Douder, Guillaume Vauthier de Vienne, Gerard d'Arguel, Baudouin de Salens, Othon Sire de Ray, Guillaume de Montluel Vicomte de Salens pour moitié, Jean de Rans, qui vendit la Senechaussée de Bourgogne à Foulques de Rigney, Huguenin, & Guyon de Dole, Pierre de Frânes, Guillaume de l'Aubespin aîné de Montfaucon, Guillaume de Vaudrey, Etienne Richard, & Jean des Granges, Jean de Champagne Sautallier, Etienne de Cicou, Aimond de Poligny, Guiot de Dampierre, portant pour armes deux barres adossées, comme le Comte de Guy de Flandres, Bernard Dandelot.
En là guerre de Sicile, qui se fit aprés les Vêpres Siciliennes, les Seigneurs suivsans accompagnerent le Comte Othon IV. Richard de Vaucaire, Connétable de Bourgogne ; Henry de Vergy Sénéchal ; Jean deVienne Seigneur de Mirabeau & Jean Seigneur d'Autrey ; Thibaut de Neufchatel ; Mahé de Chaussin ; Renaudin & Rolin de Versel ; Humbert de la tour Du Pin, depuis Dauphin de Viennois ; Humbert de Sailly ; Jaques de Souffroy ; Hugues de Vienne, Seigneur de Cagny ; Jean & Hugues de Raux ; Pierre de Beaufremont, qui avoit tué le Comte de Bar dans un Tournois ; Guillaume de Saux, Seigneur de Savigny, Grand veneur ou Gruyer de Bourgogne & enfin les Seigneurs d'Augeran, de Pontallier, de Cussigny & Molpré, de Montbassé, de Montferrand. Outre lesquels on remarque parmi ceux qui ont vécu de son tems Jean de Montfaucon, Thibaut de Neuschatel, Jean de Chalons, Guiot de Rie, Amé de Ray, Jean Perrin de la Beaume, Gauthier de Montbelliard, Sire de Montfaucon ; Guillaume de Vienne Seigneur de S. George ; Gauthier de Commercy ; Etienne, Guillaume & Jean de Dampierre, dont l'un Seigneur de S. Disier maria sa fille unique dans la maison de Vergy, Henry Sire d'Andelot, Ruffin de Salens, Etienne de Charny, Jean de Thoraise, Jean de Ciele, Hugues de Cormary, Etienne Dasnans, Guion & Huguenin de Dole, dits du Châtel, Jaques de Dole dit la Chaux, Arnaud de Noseroy, Othevin & Guillaume de Salens, Humbert de Villausans, Huguenin de Luciabel, Etienne & Michel de Montmartin, Estevon D'Oiselay, Amaury de Joux, Guillaume de la Beaume Seigneur de Baslin, Henry de Secy, Jean de Vaudry, Gauthier de Vignory de la Maison de Bourgogne, Etienne de Tilchâtel & Jean de Pontathier Champagne.
Sous la Reine Jeanne de Bourgogne Pierre Bertrand fut Chancelier, Guillaume de la Roche Landry & Hugues de Barbazan successivement Grands-Maîtres ; Henry & Jean de Vergy Fouvans, Jean de Vienne, Seigneur de Celians, Estevon Oiselay, Girard d'Infance, Girard de Bourbonne, Jean Jouffroy, Guillaume de Cicou, Girard de Vaugerive, Etienne de S. Dizier, Jean de Ray, Etienne Dandelot, fils de Huguenin, Henry de Faucogney, Boissard de Thoraise, Gilles de Sornay, Huguenin de Germiny, Humbert de Villofans, Hugues de Quingey, Eudes & Jean de Vaudrey, Henry de Longuin Seigneur de Raon, Simon de Champagne-Champlitte, Guillaume Mouchet ; Hugues, Jean, Nicolas & Renaud de Coligny.
Sous Eudes de Bourgogne & ses enfans on trouve, Henry & Jean de Bourgogne, ensans des freres du Comte OthonV ; Guillaume de Vergy Seigneur de Vienne, Henry de Montfaucon, Comte de Montbelliard par Agnés de Bourgogne sa femme, héritiere de la maison de Secy, J. de Montmartin, Thibaut de Neufchatel, J. de Châlons Sire d'Arlay, de la maison de Bourgogne, Berard d'Andeloft Eustache de Riaumont, N. de Grammont surnommé les Os-Saints, Georg. & Guill. de Pontallier, Huc de Bellevoir, Aimar & Louïs de Poitiers ; & c'est la premiere fois que leur nom se voit parmi les Grands de la Comté ; Girard & René de Malin, J. de Rie, N. de Beaufremont, J. de Fourcogney, mary d'Isabelle de France, 3e. fille de Philippe le Long & de la Reine Jeanne de Bourgogne, à laquelle on donna pour partage 5000 l. de rente en terres dans la Comté, y compris mille livres sur les Salines & 5000 l. de rente en Artois.
Voilà en abrêgé la Noblesse le plus illustre qui ait fleuri dans la Comté de Bourgogne pendant qu'elle a eu ses Princes particuliers, mais depuis que cette belle Province s'est trouvée successivement unie aux Monarchies d'Espagne & de France, sa Noblesse l'a presque toute abandonnée pour courir après une fortune plus brillante que celle dont elle jouïssoit chez elle dans la paix & le repos. On remarque néanmoins comme un témoignage de l'inclination de cette Noblesse pour la Couronne de France, que non seulement les Francs-comtois se sont dans tous les tems fort peu empressez de rechercher les dignitez Espagnoles, mais que quand ils ont eu quelque occasion de s'attacher à la France, ils s'y sont livrez avec tout le zèle qu'auroient pû avoir des sujets naturels. Ainsi quand le Roi Charles VIII. fut mis en possession de la Comté par son traité de mariage avec l'Archiduchesse Marguerite, il en passa une infinité de familles à son service, desquelles véritablement quelques unes se détacherent dans la suite dégoûtées & indignées du traitement fait à leur Princesse, mais il en est demeuré plusieurs autres, & tels furent le Prince d'Orange de la maison de Châlons, Simon de Quincy qui fut Bailly de Troyes, Jean Dandelot Grand Ecuyer, Jaques de Coligny, Prevôt de Paris en 1509, tué à Ravenne en 1512, Pere de Gaspard Marêchal de France, Ayeul de l'Amiral ; Gui de Rochefort Seigneur de Pluvans qui devint Chancelier du Royaume & son frere après lui. Il avoit épousé Catherine de Vrey, fille de Gerard qui avoit redigé la coûtume de Franche-Comté ; Claude de Saligny se signala à la journée de Fornouë ; Jean d'Achey, Seigneur de Veran, Bailly d'Auchoix & Capitaine de Dijon ; les Seigneurs de Vaudrey qui ont fait quantité de branches ; Mouy sur terrain, S. Phal, Argentiney, Ville-Dieu, &c ; toutes établies en France ; la famille de Grammont tige des Seigneurs de Saules & de Grenaud au baillage de Sens ; les Sieurs de la Plattiere, Bourdelon, dont est sorti un Maréchal ; & plusieurs autres.
Fin de la Comté de BOURGOGNE, ou FRANCHE-COMTÉ.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA PROVINCE D'ALSACE. Dressé par ordre de Monseigneur le DUC DE BOURGOGNE en 1698. Par Monsieur de la HOUSSAYE, Intendant.
ALSACE.
Ses bornes. Ses Rivieres.
L'ALSACE est située le long du Rhin qu'elle a à l'Orient, & qui la separe du Brisgau ; elle confine à la Suisse par les Cantons de Basle & de Soleurre ; au Montbeillard & à la Comté de Bourgogne vers le Midi ; à la Lorraine par l'Occident, & à l'Evêché de Spire au Palatinat du Rhin du côté du Septentrion. La longueur de cette belle Province depuis Beffort jusqu'à Landau, ou depuis Huningue jusqu'à Gomersheim est de 46 lieuës, mais la largeur n'est que de 12 de Huningue à Beffort, ou bien du Fort Louïs à Lichtemberg, elle n'en a dans le reste que quatre ou cinq. Les Rivieres qui coulent dans cette étenduë sont le Rhin, l'un des plus beaux fleuves de l'Europe, qui la separé du Brisgau & du Lortenac depuis Rhinfeldt & les Villes frontières jusqu'à Phortzeim & les montagnes qui sont entre le Duché de Wirtemberg & le Marquisat de Bade. Le Roi ne possede rien au de-là du Rhin que les Villes de Fribourg, de Brissac & de Philisbourg, qui est beaucoup plus bas que les autres ; ce que dit là l'Auteur marque assez qu'il a écrit avant la Paix, puis que ces Places ont été cedées par le Traité de Riswik, & que le Roi ne possede à présent Brissac qu'au droit d'une nouvelle conquête. Le Rhin sert de barrière au Païs pendant la guerre, il est navigable & le seroit plus commodement s'il étoit moins sujet à des cruës d'eau, qui le sont enfler de 7 à 8 piez en 24 heures, & rendent toûjours alors la navigation perilleuse, il est d'ailleurs si rapide, que les bateaux ont beaucoup de peine à remonter, mais cette rapidité se ralentit à mesure qu'il s'éloigne de la source ; d'ailleurs ses cruës sont très-incommodes à la haute Alsace, parce qu'elles portent avec elles un sablon qui rend les terres infertiles, outre qu'elles dégradent les fortifications des Places & obligent à de grandes dépenses : son cours jusqu'à Philisbourg est rempli d'Isles couvertes de bois, lesquelles ne sont habitées que de pauvres gens qui subsistent de l'or qu'ils trouvent dans le sable après les inondations. On peut bien juger qu'ils n'en trouvent
gueres, mais aussi est-il si fin que les Orphevres s'en servent pour dorer le vermeil, ils s'adonnent aussi à la pêche, aussi bien que les habitans des rivages & celle-ci leur est bien plus avantageuse, car il n'y a point de riviere si poissoneuse que le Rhin, le droit de pêche & de chercher l'or est affermé par les Seigneurs à qui il appartient.
L'Ill. Autres Rivieres. Canal de Molsheim. Canal de Landau.
La plus considerable des rivieres après le Rhin c'est l'Ill, de laquelle l'on prétend que l'Alsace a pris son nom Isaltia, elle vient du côté de Feurete aux confins de la Suisse, passe à Alkirk, Mulhausen, Ensishein, Colmar, où elle commence à être navigable à Scelestat, Rinseld, Ersihein & Strasbourg, & se jette dans le Rhin deux lieuës au dessous, elle reçoit dans sa course une quantité de rivieres & de ruisseaux qui descendent des montagnes qui regnent tout au long & à l'Occident de l'Alsace, & est éxtrêmement utile au commerce des vins, eaux de vie, & vinaigre qui se voiturent par son moyen depuis Colmar jusques en Hollande, elle est aussi fort poissoneuse. La Large se jette dans l'Ill près d'Altkirk. Le Tollon qui passe à Moiseraux & à Mamunster y entre à une lieuë de Mulhausen. La Thur qui coule dans la Vallée de S. Amarin passe à Tannes & Sernay, & se jette aussi dans l'Ill. La Lauch passe à Russac & se perd de même dans l'Ill. La Fleche passe dans la Vallée & Ville de Munster, en Gregorienthal, puis à Turcheim, d'où un canal la conduit en partie à Colmar, pendant que l'autre moitié va se jetter un peu plus bas dans la même riviere d'Ill. La Burche, qui passe à Molsheim a été augmentée d'un bon canal que le Roi a fait creuser pour servir au transport des materiaux nécessaires aux fortifications de Strasbourg, il y a 24 piez de large & huit de profondeur, sa pente est de 84 piez dans l'espace de quatre lieuës, il est soutenu par des écluses qui rendent la navigation très-commode. La Sarre, qui passe à Saverne & à Brumpte, se jette dans le Rhin à Drusenheim. La Mothe passe à Phassenhoffen & à Haguenau, & se perd aussi dans le Rhin à Benheim, les Hollandois qui tirent une partie de leur bois de leur Païs, le sont flotter par cette riviere. La Saur entre dans le Rhin à Buheim. La Selsback est peu connuë. La Louter dont les bords fortifiez de retranchemens sont souvent la seureté de l'Alsace, passe à Weissembourg & Lauterbourg. Enfin le Queick, qui est Ia derniere, passe à Answeiller & à Landau, & se jette dans le Rhin a Geniersheim, toutes ces rivieres en général prennent leurs sources dans la Vosge & coulent ou dans l'Ill ou dans le Rhin, elles arrosent quantité de prairies dont les bestiaux sont nourris. Le Roi a fait faire un Canal sur la Quieck qui a cinq quarts de lieuë depuis Answeillers, il est de même construction que celui de la Bruche & sert comme lui au transport des materiaux.
Division de l'Alsace. Montagne de Vosge.
L'Alsace est communement divisée en Haute & Basse ; la premiere s'étend depuis Geromagni frontiere de Montbeillard jusqu'au ruisseau d'Ergemback qui fait la séparation des Evêchez de Basle & de Strasbourg une lieuë au dessus de Schlestat, mais en approchant des cette Ville on trouve un grand fossé, qui regne depuis la montagne jusqu'à la riviere d'Ill, que l'on nomme encore Landgrave, qui faisoit autrefois la séparation des deux Landgraviats de Haute & Basse Alsace, le premier est renfermé entre les Montagnes de Wosges & le Rhin, depuis la riviere de Briche qui se jette dans le Rhin une lieuë au dessus de Basle jusqu'au terme ci-dessus marqué. La Basse Alsace qui succede à l'autre commence au même fossé, & s'étend jusqu'à Queich & aux Villes de Landau & de Girmersheim. Les Auteurs Allemands ne prétendent pas que Landau soit du district de l'Alsace, mais ils ont contr'eux la cession de Landau, avec celle de toute la Province faite par le Traité de Munster & les lettres de l'Empereur adressées aux Bourguemaîtres & Conseillers de la même Ville en tems non suspect, qui éxpriment toute sa situation en Basse Alsace, elle est aussi séparée de la Lorraine & du Duché des Deuxponts par la Montagne de Wosges, comme elle l'est par le Rhin du reste de l'Allemagne. La Vosge est une chaine continuë de Montagnes couvertes de bois, laquelle cotoye L'ALsace depuis Geromagny jusqu'à Landau dans une espace de 50 lieuës d'Allemagne : ces montagnes sont de differente hauteur & la plupart d'entr'elles couronnées de Châteaux
Passages d'Alsace.
autrefois très-considerables, mais dont il ne reste à présent que les ruines. Les Montagnes qui séparent l'Alsace de la Suisse & des terres de Porentruy sont moins élevées, mais aussi couvertes de bois. La Haute Alsace a deux parties, celle qui retient appellativement son nom propre s'étend depuis la séparation des deux principales parties jusqu'à Tannes, Ensisheim & la Forêt de Har ; & l'autre qui commence où celle-là finit s'étend jusques à l'extremité de la Province, & se nomme le Suntgau, l'une & l'autre sont mêlées de côteaux & de plaines qui forment un très-beau Païs. Les passages pour arriver en France & Lorraine en Alsace sont differens selon les routes qu'on veut tenir, mais les principaux & les plus commodes sont ceux de Bessort par Luxeuil, de S. Amarin par Tannes de Ste. Marie-aux-mines par Schlestat, de Saverne près Phaltzbourg & de Bitche près Jugwiller & Haguenau, il y en a plusieurs autres, mais ils ne peuvent servir qu'aux gens de pié & presque point aux gens de cheval.
Forêts d'Alsace.
Les Forêts d'Alsace sont celles de Har qui appartient proprietairement au Roi, & s'étend sur huit lieuës de long & trois de large entre Ensisheim & le Rhin, on y com-pte trente mille arpens de bois plain, mais il ne s'y en trouve point de propre à la Marine, ou même aux bâtimens ordinaires, le fond en étant trop sec ; il n'est propre qu'au chauffage ; celle d'Haguenau qui appartient moitié au Roi, moitié à la Ville a cinq lieuës de long, vers l'Ouest, sur quatre de large, elle contient 31000 arpens pleins de bois, dont les arbres sont de qualité différente, ceux qui croissent dans le voisinage du Rhin deviennent éxtrèmement hauts, mais se pourrissent aisément, ceux du côté de la Montagne sont fort bons, & il s'y en trouve de très-beaux. La Forêt de Beuvald ou Lauterbourg appartient à l'Evêque de Spire, de pareille grandeur. Les Isles du Rhin produisent des ormes d'une grande utilité pour les affuts & autres équipages d'Artillerie, mais les Montagnes qui séparent l'Alsace de la Lorraine, sont couvertes d'une infinité d'arbres, chesnes & sapins, qui seroient d'une utilité sans pareille pour la Marine, si l'on peut jamais découvrir une route pour les conduire à l'Ocean, car celle du Rhin n'est gueres pratiquable au travers des Etats des ennemis de la France, quand il n'y auroit que les péages qu'il faudroit necessairement acquitter.
Son terroir. Vins d'Alsace.
Toute l'Alsace en general est un très-beau Païs, très-abondant en grains, vins, fourages & en toutes les necessitez de la vie, toutefois ces divers Cantons souffrent quelque inégalité. L'espace contenu entre l'Ill & le Rhin ne rapporte que des orges, de l'avoine & autres menus grains, peu de vins & de fourages à cause des debordemens du Rhin qui rendent la terre infertile. Entre l'Ill & la Montagne, depuis Soultz jusqu'à deux lieuës de Haguenau, il ne se peut trouver en aucun endroit du monde un Païs plus abondant, mais depuis le même lieu de Soultz en tirant vers Beffort, la terre est de très-difficile culture, ce qui fait que les habitans s'adonnent plus volontiers à la nourriture des bestiaux, parce que d'ailleurs ce Païs est abondant en pâturage, le Canton d'Altkirck & de Mulhausen est meilleur & plus cultivé. La plaine de Haguenau est une terre sabloneuse qui ne rapporte que du bled de Turquie, mais celle de Strasbourg est sans contredit la plus abondante de l'Alsace, en toute sorte de grains, tabac, légumes, graines d'oignons, fleurs de saffran, &c. ce qui fait que ceux qui arrivent en Alsace par Saverne ne manquent jamais d'être surpris du spectacle que présente ce beau Païs ; d'autre part depuis Landau jusqu'à Haguenau, il ne contient que des Landes, des bois & des pascages. La plaine de Landau rapporte des grains nommez Epiottes, qui sont un mêlange de froment, seigle & avoine ; le pié de la montagne produit aussi des vins, dont le debit est assez grand. En general tous les vins d'Alsace sont très-bons, mais les rouges y sont fort rares, ils ont toute la propriété d'augmenter de qualité, en vieillissant 12 ou 15 années : ceux qui croissent auprès de Landau sont un peu plus délicats, mais on en recueille bien moins. Quant à ceux qui ne sont pas bons, on les convertit en eaux de vie & en vinaigre, & le debit s'en fait parfaitement bien en Hollande & autres lieux étrangers le long du Rhin. Il est à propos de joindre ici un dé-
tail de la recolte fait en l'année 1700, qui a été d'un rapport mediocre afin de donner une idée juste de sa force, mais il seroit à desirer que ce détail comprit aussi bien le produit en vins & autres denrées que les grains propres à boulanger.
Muids
De froment
14800
Epiotes autre espece de froment de moindre qualité
15400
Seigle
1240
Metail
1850
Orge
13300
Avoine
11160
Total
57750
L'Auteur a pris foin de reduire les mesures d'Alsace à celle de Paris.
Son Climat.
La Capitale de la Haute Alsace sous la Regence de la Maison d'Autriche étoit Ensisheim, mais comme le Conseil supérieur a été depuis transporté à Brissac, il sembla que le titre capital y étoit passé avec lui, toutefois la paix l'ayant établi à Colmar, il faut dire que cette Ville est à présent revêtuë du même titre. Strasbourg est sans difficulté la Capitale de la Basse Alsace, & le pourroit être d'un Royaume, comme on le verra en traitant son article en particulier. A l'égard de la temperature de l'air, les hyvers y sont longs & froids, à cause de la proximité des montagnes, qui bordent le Rhin des deux côtez ; les primtems y sont courts par la raison des mêmes montagnes, dont les neiges ne fondent qu'au mois de May ; on y passe tout d'un coup au chaud de l'Eté qui est assez inconstant à cause des playes, mais l'automne y est toûjours agréable & procure par sa chaleur temperée une parfaite maturité de tous les fruits.
Histoire generale.
L'Auteur projettant ensuite de traiter son sujet suivant la division prescrite à tous les Intendans par la construction de leurs Mémoires, entreprend de donner une idée generale du Païs & de son Histoire, mais il passe tout ce qui regarde la Domination des Romains & des Bourguignons, en quoi sans doute il fait tort à sa matiere, puis que ces tems sont remplis de divers événemens honorables à la Ville de Strasbourg, quand il ne s'agiroit que de la preuve de son antiquité, mais pour le suivre, nous dirons que sa premiere remarque concerne le pouvoir souverain que Dagobert I, Roi de France, a éxercé dans l'Alsace, d'où il insere qu'elle est revenuë en son centre naturel, quand elle a passé sous l'obéïssance de Louïs XIV. par le Traité de Munster : avec un tel argument on prouveroit des choses encore plus éxtraordinaires que celles-là, mais il auroit pû remarquer, que les Rois François d'Austrasie ont éxercé le même droit dans l'Alsace & dans la plus grande partie de l'Allemagne, & que cela n'est point particulier à Dagobert, dont le fils aîné aussi Roi d'Austrasie nommé Sigebert naquit & fut baptisé dans l'Alsace au Château d'Issembourg près Rastat. Munsterus prétend que ce Roi Dagobert voyant la partie Orientale de son Etat accablée des courses des Barbares, prétendit interesser plusieurs Capitaines à sa conservation en partageant la Duché d'Allemagne en divers Gouvernemens, & que c'est à ce tems-là qu'il faut rapporter l'origine de la Comté d'Alsace. Ce qui est certain, c'est qu'environ l'an 666. Etsiher autrement Atticus fils de Landregesil, Maire du Palais, étoit Duc ou Comte d'Alsace : quelques-uns le sont descendre de la race des Rois, mais cela n'est pas prouvé & d'ailleurs indifferent ; il choisit sa résidence dans le Château de Honhembourg, qu'il fit bâtir & perfectionner dans le voisinage d'Obernheim, à quelque distance de Bar & dans Law & vis-à-vis de Benfeld sur une montagne ; il laissa plusieurs enfans de sa femme Bermunde, qu'on dit être issuë des Rois de Bourgogne, Adelbert qui lui succeda dans le titre & la
la souveraineté. Eltant qui eut le Brisgau en partage, Hugues qui eut le sien dans la Basse Alsace, Batacent qui eut le Païs d'Etgau à présent le Canton de Lucerne en Suisse & quelque partie de la Haute Alsace, Odille & Rosimonde. Odille ou Otille fut Dame de Hohembourg qu'elle changea en un Monastere dont elle fut la premiere Abbesse & où sa soeur se sit Religieuse. Adelbert fut pere d'Eberhard Duc de Suabe fondateur de l'Abbaye de Monback en Haute Alsace, & de Mazon que porta le titre de Roi & fonda une Abbaye de Mazmunster aussi en Haute Alsace, qui a conservé le nom de Monastere de Mazon, le tombeau de son fils se voit encore dans l'Eglise de ce lieu avec cette Epitaphe,
Hic jacet sepultus filius Regis Mazonis Fundatoris hujus Monasterii.
Ste. Athalie fut aussi fille du même Mazon premiere Abbesse des Dames Chanoinesses Nobles de S. Etienne de Strasbourg, ou plûtôt des Religieuses qui y étoient avant elles, s'il est vrai que les Chanoinesses doivent leur institution à l'Archevêque de Cologne Brunon, qui n'a vécu que dans le X. Siécle. Etto frere d'Aldebert fut pere d'Alberic & celui-ci d'Allobert, de qui l'on fait descendre la maison d'Hapsbourg. La Chronique du Païs passe cette generation des Ducs d'Alsace jusqu'à quatre têtes, & au tems de Pepin & de Charlemagne qui reserverent leur autorité & les reduisirent au titre de Comte, peu après les Gouvernemens étans devenus héréditaires & partables entre coheritiers, ce Païs se trouva divisé en trois portions sous trois Comtes dissérens ; Ferrette, Hapsbourg & Heguishim tous sortis d'une même tige, ceux d'Hapsbourg, dont le territoire occupoit une partie de la Suisse sont parvenus à l'Empire, premierement en la personne de Rodolphe I, & ensuite en celle de la plûpart de ses Successeurs qui le possedent encore aujourd'hui ; ceux de Ferrette plus voisins de Basle & de la Franche-Comté se sont éteints en la Comtesse Jeanne fille unique du Comte Ulrick, laquelle épousa Albert II. fils de l'Empereur Albert I. & petit-fils de Rodolphe, & lui porta tous les biens de sa branche, toutefois l'Evêque de Basle conserve une pretension sur le Comté de Ferrette pour quelques deniers prêtez au dit Ulrick, lequel reprit sa Comté en fief de l'Evêché, mais cette hypotheque telle qu'elle puisse être ne fait aucun tort au droit du Roi à qui la Souveraineté en a été cedée par l'Empire. Quant à la branche de Heguishim, on prétend que ses possessions furent érigées en Landgraviat par l'Empereur Othon III. en faveur de Thierry, & que ses Successeurs la partagerent en deux. La Haute Alsace ayant passé aux Comtes d'Hapsbourg, & la Basse aux Comtes d'Heguishim, de la famille desquels fut le Pape Leon IX, auparavant Evêque de Toul, Henri dernier Comte d'Heguishim & Landgrave d'Alsace ne laissa qu'une fille unique qui porta sa succession environ l'an 1200. à Conrard Comte d'Ollengen, les successeurs en conserverent la possession jusqu'à l'an 1358. que Jean Comte d'Ollengen vendit ses droits sur le Landgraviat à Jean de Litchtemberg Evêque de Strasbourg son proche parent, c'est aussi le premier Evêque qui ait pris le titre de Landgrave, & qui a joint les armes de Landgraviat à celles de son Eglise, ses armes sont de gueules à la barre dentelée d'or & celles du Landgraviat à la Haute Alsace sont d'Azur à la barre d'or à côté de six Couronnes de même. A mesure que la Maison d'Autriche s'est accruë en Dignitez & en Puissances, il paroit que le Landgraviat des Evêques s'est resserré, de sorte que les Princes d'Autriche possédoient l'un & l'autre presque tout entier lors que la cession en a été faite à la France, tant en leur nom qu'en celui de l'Empire. La Souveraineté qu'ils y éxerçoient laissoit aux Villes Impériales une entiere liberté d'administrer leurs propres affaires, d'élire leurs Magistrats & de se gouverner par elles-mêmes ; & à l'égard des Seigneuries de leurs mouvances, ils se contentoient de droits assez legers, tels que d'être logez & defrayez eux & leur Cour dans leur voyage, de connoître des matieres criminelles & de faire grace à qui il leur plaisoit de leur part, ils étoient soumis à l'Em-
pire, ainsi on ne peut aucunement douter de ce que l'Auteur avance au sujet de la possession présente que le Roi en a, qu'il dit être plus pleine & plus parfaite que jamais le Landgrave ni l'Empire même ne l'ont euë : il ne resteroit qu'à sçavoir si l'Empire en cedant la Souveraineté qu'il avoit, & les Princes d'Autriche leur possession immediate ont cedé le droit d'éxercer un pouvoir arbitraire, auquel ni l'un ni l'autre n'ont jamais prétendu, mais ce seroit examiner stricto jure une question de fait qui ne roule effectivement que sur l'usage.
Etat de l'Eglise d'Alsace. Diocese de Basle. Collegiales Abbayes. Mourback.
L'Alsace est partagée quoique fort inégalement entre quatre Dioceses, celui de Bezançon pour les dépendances de Beffort & d'Ell, celui de Basle pour tout le reste de la Haute Alsace & ceux de Strasbourg & de Spire pour la Basse. Les Villes de Brisac & de Fribourg que le Roi possedoit au de-là du Rhin avoient encore sept Paroisses du Diocèse de Constance ; ainsi comme il y a 24 Paroisses soumises à Bezançon, 237 à Basle, 347 à Strasbourg & 115 à Spire, l'Alsace en contient en tout 730, sur lesquelles il n'y en a ue sept à rabattre pour ce que le Roi a relaché par le Traité de Ryswik. Dans le Diocèse de Bezançon, il n'y a pour tous benefices qu'un Chapître rural à Beffort composé d'un Prévôt & six Chanoines à la collation du Duc de Mazarin Seigneur du lieu. Les Chanoines ont chacun 600 l. de revenu, il y a au même lieu un Couvent de Capucins, & à Giromagny une Maison de Piquepus. L'Archevêque de Bezançon a une Officialité dans ce district où ressortissent les appellations de l'Official de Basle comme au Metropolitain, mais les appellations comme d'abus vont au Conseil souverain d'Alsace. Quoique l'Evêque de Basle ne soit point sujet à la France, étant Prince de l'Empire & faisant sa résidence en un lieu où il est Souverain, l'Auteur fait une petite digression a son sujet à cause de la grande extension de son Diocèse en Alsace, il dit que le changement de Religion arrivé en la Ville de Basle a obligé les Evêques & le Chapître de se retirer, ceux-là à Porentrui Capitale de leur petit Etat & les Chanoines à Fribourg en Brisgau, quoique du Diocèse de Constance, mais que cette Ville ayant été cedée à la France par le Traité de Nimegue, ils s'en sont retirez avec la permission du Roi, & ont fait bâtir une Cathédrale au village d'Harlesheim à deux lieuës de Basle dans le Temporel de l'Evêché, où ils sont le Service Divin jusqu'à ce que quelque changement favorable leur procure un autre établissement ; les Chanoines sont de deux Ordres, les Nobles au nombre de 12, & les Graduez de 6, qui sont ordinairement nommez par le Pape, & ne peuvent parvenir à l'Episcopat, ils ont environ 2000 l. de revenu chacun. L'Evêque d'à-présent, qui est de la maison de Rincek de Baldesteim en Brisgau a ses Officiaux à Altkirk pour les sujets de France & à Harlesheim pour ceux de l'Empire. Il y a trois Collegiales dans l'étenduë de ce Diocèse ; le Chapître de S. Martin de Colmar, autrefois très-considerable, à présent ruiné par la perte des biens & des titres, est reduit à quatre Chanoines, qui ont 5 à 600 l. chacun : leur Prévôt occupe la seconde dignité de l'Evêché de Basle ; celui de Tannes à S. Thibault, dont l'Eglise est belle & le clocher bâti sur le modèle de celui de Strasbourg, les Prébendes n'y valent pas plus qu'à Colmar ; le troisième, qui est celui de Lautembac, dépendoit autrefois immédiatement du S. Siege, il s'est soumis à l'Evêque de Strasbourg volontairement, il y a trois Dignitez, Prévôt, Doyen & Chantre, & douze Chanoines qui ont chacun 1200 l. Le Chapître est Seigneur du lieu de sa résidence & de quelques villages adjacens. On y compte aussi cinq Abbayes d'hommes & trois de filles. Mourback est la premiere de toutes celles d'Alsace en antiquité & en dignité : l'Abbé étoit Prince de l'Empire, & avoit séance en cette qualité aux Diettes entre les principaux de l'Allemagne. Ses Domaines étoient si étendus que la Ville de Lucerne en Suisse lui appartenoit, elle a depuis été changée contre d'autres terres en Alsace. Les Evêques de Strasbourg & les Archiducs ont toûjours affecté de se faire élire Abbez, à cause de la bienséance des Etats qui pouvoient leur appartenir en cette qualité : à l'égard de l'antiquité, la fondation est de l'année 723. & se rapporte à Alberhard Duc de Maube, fils d'Adelbert & frere du
Lutzel. Munster. Peris. Abbayes de filles. Mamunster Ottomarsheim.
Roi Nazon, desquels il a été parlé. Cette maison est aujourd'hui comprise dans les terres cedées au Roi, ainsi elle n'a plus aucun rapport avec l'Empire, on y suit ou doit suivre la règle de S. Benoît, & l'usage est de n'y recevoir que des Nobles de 16 Générations paternelles & maternelles. L'Abbé est Seigneur des Villes de Gebreiller, Watwiller, S. Amasin & de Savallée entiere, ainsi que de plusieurs autres terres : il habitoit jadis dans le Château de Gebreiller, qui a été détruit par les Suédois ; c'est à présent le Comte de Levestein Doyen de Strasbourg qui en est Abbé postulé. Les revenus de cette Maison consistent en grains, vins & pâtures, qui dans les dernieres années ont été affermées à 36000 l. On voit par les Registres anciens du Landgraviat qu'il n'étoit pas permis aux Religieux de proceder à l'Election d'un Abbé, sans requérir les Commissaires de la Regence établis à Ensisheim pour les Archiducs, c'est à présent le Roi qui nomme les Commissaires qui y assistent de sa part. L'Abbaye de Lure au Comté de Bourgogne est à présent unie à celle de Mourback quoiqu'elle en fut autrefois séparée. La seconde Abbaye de la Haute Alsace est celle de Lutzel, de laquelle on dit que S. Bernard a jet-té la premiere pierre, elle est située sur un ruisseau du même nom dans un lieu fort desert, les Comtes de Ferrette en ont été les Fondateurs & leur famille y a donné plusieurs Abbez, on y suit la regle de Cîteaux, l'Abbé d'à-présent est natif de Colmar, & a été élu en presence des Commissaires du Roi, surquoi il faut sçavoir que la regle pour les Abbayes d'Alsace, est qu'avenant vacance, les Religieux doivent addresser un supplique au Roi pour leur donner un Abbé, sur laquelle il permet d'élire en présence des Commissaires designez qui sont le Gouverneur, l'Intendant & un Abbé qualifié du même Ordre. Ceux-ci dressent un procez verbal à la pluralité des voix sur les trois sujets qui en ont eu davantage, & sur ce procès verbal le Roi choisit celui des trois qu'il juge à propos par un Brevet qui est expedié. Cette Abbaye est reduite à 25000 l. de revenu depuis la guerre de Suède, avant laquelle elle avoit plus de 60000 l. encore elle est endetée. La troisième est celle de Munster dans la Vallée de S. Gregoire, elle est de l'Ordre de S. Benoît de la congregation de S. Vannes de Verdun, depuis 18 ans qu'elle a reçu la Reforme qui a anéanti la coûtume de n'y recevoir que des Nobles, elle rapporte sa fondation à Childeric II. Roi de France, & l'augmentation de ses biens à Charlemagne & à Louïs le Debonnaire. M. de la Grange Chevalier d'Eglise au Conseil souverain en est Abbé, il est aussi Recteur magnifique de l'Université de Fribourg, il a réédifié les bâtimens de cette maison & l'a rendue un des plus beaux Monasteres de l'Allemagne, il y a trente Religieux & un Noviciat, elle vaut 15000 l. de revenu. La quatrième est celle de Peris de l'Ordre de Cîteaux dans le Val Dorbé, elle est fille de Lutzel & de la même fondation, l'Abbé qui avoit été postulé Coadjuteur est M. de Beauquemar de Normandie, cette Maison vaut 8000 l. de rente. La cinquième est celle de Marback de Chanoines Reguliers fondée par les Comtes d'Eguisheim, elle vaut environ 5000 l. Les Abbayes de filles sont Mamunster anciennement de l'Ordre de S. Benoît, dont les Religieuses, au nombre de douze, sont à présent des Chanoinesses engagées par des voeux & reçuës par Ordre du Roi, ou sur les preuves de leur Noblesse paternelle & maternelle : L'Abbesse en est élective, celle d'à-présent est Zuerhim de nom, qui a donné des Evêques à l'Eglise de Basle, & est originaire d'Alsace, la maison a 10000 l. de revenu en grains, vins & prairies. Ottomarsheim, de la même institution que la précédente, étoit autrefois éxtrèmement puissante, mais elle est devenuë fort pauvre. Le Roi lui a fait plusieurs petites gratifications, son revenu monte à 4000 l. elle est située dans le territoire de Landser, je ne dis rien de la fausse étymologie de son nom que l'on rapporte à un Temple dedié au Dieu Mars par l'Empereur Othon. La derniere est celle d'As-pach à l'entrée de la Vallée d'Orbé, elle est de l'Ordre de Ste. Claire, la superieure es amovible, elles y sont 20 filles qui ont 3 ou 4000 l. de rente & prennent des pensionaires pour subsister.
Monasteres. Commanderiet.
Il y a peu de Prieurez en Alsace qui ne soient unis à des Abbayes ou à des Maisons Religieuses ; celui de S. Pierre de Colmar, autrefois considerable, dépendoit de l'Abbaye de Peterlingue dans le Diocèse de Lausanne, dont le Canton de Berne s'est emparé, & en conséquence a vendu à la Ville de Colmar le Prieuré dont il s'agit, il y a néanmoins un Titulaire, entre lequel & les habitans il y a un procès au Conseil. L'Abbaye de Lutzel a quelques petits Prieurez à la campagne, qui sont desservis par des Religieux de l'Ordre de Clugni, uni à celui de Dieremback près de Soultz, & celui de S. Moran près d'Altkirck, uni par la portion Priorale aux Jesuites de Fribourg par l'Archiduc Leopold, le corps de S. Morant, Patron de Sumgau, repose & est honoré en ce lieu, il est assez particulier que l'Auteur ose dire que quelques-uns en sont descendre le Sieur Moran Maître des Requêtes, puis que ceux qui l'ont dit, s'il y en a d'autres que lui, n'ont pû se fonder que sur un rapport de hazard entre les noms propres & appellatifs d'un Saint fort ancien qui n'a point laissé de postérité, & d'une famille moderne : le Prieuré d'Olembourg près Tannes a eu le même fort. Les Jesuites ont un College à Ensisheim établi par l'Archiduc & l'Archiduchesse Leopold & Claudia en faveur de la Regence & de la Cour résidens en cette Ville, le Duc de Mazarin a augmenté magnifiquement cette fondation qu'il a étendue à la Philosophie & à la Théologie, elle monte à 12000 l. de revenu par l'union de cinq à six Prieurez. Les Religieux de S. Antoine ont une Maison ou Commanderie à Insisheim près Soultz assez considerable. La Peinture de leur grand Autel qui représente la vie de leur Patron est parfaitement belle, ils en ont encore une petite à Hoenlamberg. Les Jacobins ont deux Maisons, l'une à Colmar & l'autre à Gebviller. Les Recolets trois à Ruffac, à Loupach près Ferrette & le Neuf-Brissac. Les Cordeliers une à Tannes, les Capucins cinq & les filles de S. Dominique un pareil nombre, deux à Colmar, une à Gebviller, une près d'Ensisheim & une à Tannes. Les filles du tiers Ordre une à Ensisheim. L'Ordre de Malthe y possede la Commanderie de Soultz de 12000 l. de revenu. L'Ordre Teutonique celle de Mulhausen de 6000 l. & celle de Ruffac de 4300, ces dernieres sont confisquées durant la guerre ; enfin le Diocèse de Basle en Alsace est divisé en six Doyennez ou Chapîtres ruraux.
Paroisses
Auger de
39
Altkirck
38
Mamuster
39
Gebwiller appellé citra Ottonis
42
Ribauviller appellé ultra Ottonis
41
Enfin Ste. Croix qui est du nombre ultra Rhenum.
Diocese de Constance. Brissac.
L'Auteur touche ensuite en passant la partie du Diocèse de Constance qui se trouvoit des conquêtes du Roi, il dit que l'Eglise Paroissiale de la Ville de Brissac est fort ancienne, qu'elle est dédiée aux Saints Martyrs Gervais & Protaire, & que la Tradition porte qu'ils y furent arrêtez en descendant le Rhin pour aller à Cologne, on ne sçait s'il parle d'eux ou de leurs reliques, il y a plus d'apparence que c'est des dernieres, car il dit qu'il y eut des miracles. Les Couvens de cette Ville sont les Cordeliers, les Augustins déchaussez & les Capucins, il y a des Recolets au Neuf-Brissac dont on a parlé. Quant à la Ville de Fribourg, il y a une belle Eglise dont la tour ne cede gueres à celle de Strasbourg. La Ville & l'Eglise ont été bâtis en 1220 & dans les années suivantes par les Ducs de Zeringue, mais l'Université n'est point si ancienne, n'ayant été fondée qu'en 1460. par Albert Duc d'Autriche : les Jesuites y tiennent un College pour les basses Classes & dans l'Université les Chaires de Philosophie & de Théologie, il y a des Professeurs séculiers pour le Droit & la Medecine. La plûpart des revenus de cette Université sont en Suabe & sujets à confiscation pendant la guerre, mais cela n'est plus en cet état, puis que Fribourg appartient à l'Empereur. Les Couvens de cette Ville sont la Char-
ALSACE.
Diocese de Strasbourg Sa Cathedrale.
treuse qui est fort riche, les Jacobins, les Augustins dechaussez, les Recolets, les Dominicaines, les Claristes & Ursulines. Le Grand Prieur de Malthe dans l'Allemagne avoit une Maison à Fribourg qui a été comprise dans les fortifications de la Place, le remboursement d'une partie de sa valeur a été faite entre les mains du Magistrat qui le doit garder jusques à l'emploi. L'Ordre Teutonique a aussi une Commanderie de 3000 l. de revenu. Quant à l'Evêché de Strasbourg, l'Auteur le regarde comme l'un des plus anciens sieges de l'Allemagne, & dit qu'il y avoit un Evêque dès le tems de Constantin, & que sous le Regne de Constance, S. Amand qui l'occupoit alors assista au Concile de Cologne, il prétend aussi qu'il est nommé dans l'Apologie de S. Athanase entre les Evêques qui furent l'année suivante au Concile de Sardique ; ainsi quand l'Histoire rapporte que Clovis I. commença à édifier cette Eglise, il faut entendre, que les guerres l'ayant détruite précédemment, il la releva de ses ruines & la fit dedier à Nôtre Dame, mais il ne la bâtit que de bois & de legere maçonnerie suivant l'usage du tems ; elle demeura en cet état jusqu'en 769. que Pepin enterprit le bâtiment du Choeur qui fut achevé sous Charlemagne dans l'état où il subsiste encore : le reste de l'Eglise a souffert différens changemens, il a été deux fois attaqué de la foudre, & enfin ruiné & brûlé en 1003. par Herman Duc de Suabe, lors qu'étant mécontent de l'élection de l'Empereur Henri II. il attaqua la Ville de Strasbourg, car l'ayant prise d'assaut, & ayant encore trouvé une grande résistance dans l'Eglise, il la sacrifia à son ressentiment. Vernerus de la famille des Comtes d'Hapsbourg qui fut fait Evêque en 1006, en entreprit le rétablissement, il en jetta les fondemens l'an 1015. & y travailla dix ans, ses Successeurs continuèrent la réédification de la Nef & terminerent là leur travail. En 1276, sous le Pontificat de Conrard de Lichtemberg, la Ville fit la dépense d'élever la belle tour qui s'y voit, l'Architecte fut Etkim de Heimback qui y employa 28 ans de travail, mais la perfection de ce bâtiment n'est comptée que de l'an 1439, elle a 574 piez de hauteur perpendiculaire, ce qui surpasse celle des Pyramides d'Egypte de 106 piez, il n'y avoit rien à ajoûter à la perfection de cette Eglise, si la tour voisine, qui est élevée jusqu'à la platte forme, étoit selon le premier dessein portée à la même élEvation. L'Auteur reprenant la discussion des Evêques de Strasbourg, tombe dans une contradiction manifeste, puis qu'il abandonne son premiere système, & fait vivre S. Amand premier Evêque sous le Regne de Dagobert, asseurant qu'on n'a aucune connoissance des Evêques précédens. Ce Prince, qui fut long tems Roi d'Austrasie du vivant de son pere Clotaire II, fit de grands biens à l'Eglise de Strasbourg, il lui donna entr'autres le Mandat de Russac & les principales terres dont elle jouït encore. S. Arbogast qui succeda à S. Amand en reçût d'autres par la libéralité du Roi Sigebert. Ce second Evêque fut gratifié de nouveau par l'Empereur S. Henri, & enfin cette Eglise devint si puissante que les Comtes d'Esguisheim prenoient l'investiture du Landgraviat des mains de l'Evêque & cela est bien vrai, puis que Jean de Lichtemberg l'ayant acquise des Comtes d'Oettinguen, comme il a été dit, prit le premier la qualité & le titre de Landraviat, ce qu'il n'auroit pas dû faire s'il n'eut fait qu'une simple réunion d'un fief mouvant de son Evêché. Le changement qui arriva en Allemagne dans la Religion au milieu du XVI. siécle fit expulser l'Evêque Erasmus & Limpurk s'y rétablit, toutefois feulement jusqu'en 1559. que les Luthériens l'en chassèrent de nouveau. Les guerres continuerent sous son successeur Jean Manderscheid par la division du Chapître, dont une partie avoit embrassé la nouvelle Religion, ce qui donna lieu après sa mort arrivée en 1586. à une double élection ; Jean George de Brandebourg par les Lutheriens ; & du Cardinal de Lorraine par les Catholiques. Les Contendans s'accorderent néanmoins en 1604, Jean George céda son droit au Cardinal au moyen d'une grosse somme qu'il lui devoit payer, mais n'ayant pas eu le moyen de le faire, il aliena pour trouver de l'argent à la Ville de Strasbourg, une partie de ses droits avec le Baillage de Marsheim. Cette vente a diminué très-considerablement l'Evêché, mais au moyen de la paix qu'elle procura, le Cardinal rétablit le Ser-
ALSACE,
vice Divin qui avoit été long tems discontinué par son Chapitre, & fixa son sejour à Mol-stein. Il eut pour successeur l'Archiduc Leopold qui s'étant dégoûté de l'Etat Ecclésiastique résigna l'Evêché à son cousin Leopold Guillaume, qui le gouverna pendant troubles d'Allemagne jusqu'en 1663, qu'on élût Egonde Furstemberg, pour lui succeder : celui-ci a eu l'avantage de rentrer dans son Eglise le 19 Octobre 1681 après la redu-ction de Strasbourg à l'obéissance du Roi, il mourut l'année suivante & fit place au Car-dinal son frere auquel l'Abbé de Soubize l'un des Chanoines Capitulasses, dont il vient d'être parlé, a succedé apres avoir été quelque tems Coadjuteur postulé.
Le Chapître.
Le Chapître de Strasbourg l'un des plus nobles de la Chrétienté étoit fondé originai-rement en faveur de la Noblesse du Païs, & il est certain qu'elle y a été seule reçûë pendant plusieurs siécles, jusques à ce que les Princes & les Comtes ayant trouvé moyen d'y entrer & de s'y rendre les plus forts, ils lui ont donné l'éxclusion, en sorte que l'on ny reçoit plus que des sujets de familles principales & comtables de l'Empire. Tou-tefois depuis que cette Eglise est soumise à la France, on y a fait entrer deux ou trois sujets des familles des plus distinguées du Royaume & cela par ordre du Roi. Ce Cha-pître est composé de 24 Chanoines, 12 Capitulaires, qui pour être reçûs doivent, ou-tre la naissance, au moins avoir l'Ordre de Sous-diaconat, ceux-là ont voix active & passive pour l'Election d'un Evêque, & toutes les Dignitez du Chapître sont partagées entr'eux ; & douze Domiciliaires, qui par ancienneté succedent aux places des Capitulaires recevant en attendant la quatrième partie de la competence, un d'entr'eux portant au Choeur le même habit, qui est de velours rouge doublé d'hermines avec des boutonnieres d'or. La premiere Dignité de ce Chapitre est celle du grand Prévôt, qui seIon la disposition du Concordat Germanique passé l'an 1447. entre le Pape Nicolas V. & l'Empereur Frédéric III. est à la nomination du Saint Siege, elle est remplie par le Prince Henri Abbé d'Auvergne, & vaut 3 à 4000 l. de revenu ; le droit de présenter à quelques Cures, entr'autres à celle de Schelestat & aux sept Prébandes de S. Leonard y est attache avec la disposition de douze fiefs nobles, dont le Grand Prévôt est Collateur à vie. La seconde est celle du grand Doyen, qui a la juridiction sur tout le Choeur & la correction des moeurs des Ecclésiastiques, il a seul le pouvoir de convoquer le Chapître. Le Comte Philippe de Levestein Abbé de Mourback en est revêtu & a 3000 l. de revenu en cette qualité. La troisième est celle de Custos, dont le Comte de Mandersheed Falkenstheim est pourvû, elle lui vaut 1500 l. c'étoit autrefois le Benefice de la Cathédrale, qui disposoit du plus grand nombre des Cures & des Fiefs, mais l'hérésie lui a presque tout enlevé. La quatrième est celle d'Ecolatre possédée par le Comte le Levestein, elle ne vaut que 8 à 900 l. La cinquième & derniere est celle de Camerier possédée par un Comte de Manderscheed, laquelle ne vaut que 500 l. au plus ; il y avoit encore une Dignité de Portier & 6 Archidiacres, mais la premiere est unie à la mense du Chapître & les secondes aux Dignitez précédentes, qui partagent entr'elles la visite de treize Doyennez du Diocèse. Le Grand Prévôt étendoit sa jurisdiction sur quatre de ces Doyennez & les autres à proportion, jusqu'à ce que par une transaction de l'annee 1686. ils ont renoncé à ce droit de visite & remis à l'Evêque toute la jurisdiction qui leur appartenoit en conséquence de l'union des Archidiaconnez : les autres Capitulaires sont le Comte de Salm, le Comte de Hohenzollerne, deux Comtes de Reckeim d'Apremont & l'Abbe de Soubize à présent Evêque, & deux Comtes de Manderschied. Il y avoit deux Canonicats Lutheriens attachez à la maison de Brunswik que l'on a réünis au Chapître après la mort des derniers Possesseurs. Quant aux Domiciliaires ce sont le Prince Clement de Baviere & l'Electeur de Cologne, le Comte de Koningseck, deux Princes Landgraves de Hesse, dont l'un est Chanoine de Cologne, le Comte de Furstemberg, Merskirck, le Prince Frederic d'Auvergne frere du Prévôt, le Comte de Manderscheid frere des Capitulaires, le Cardinal de Bouillon, un Comte de Hohenzollerne,
ALSACE,
le Comte de Truckses, l'Abbé d'Olez & un Comte de Salins. Les Capituiaires sont obligez pour gagner leur compétence de resider trois mois de l'année sur le territoire de l'Evêché & d'assister 60 fois à l'Eglise, ils vivoient Autrefois en Communauté, & ont conservé cette regle plus long tems que les autres Cathedrales, les Maisons communes & les Cloîtres où ils demeuroient sont encore en leur entier & occupez par les Jesuites, on les nomme à Strasbourg le Bruder-hoff bu la maison des Freres, on a encore l'ancien regître du Refectoire, où la maniere dont ils devoient être servis & le rang qu'ils tenoient sont prescrites, l'Empereur Henri II, qui les visita, fut si édifié de leur conduite qu'il forma le dessein d'abdiquer l'Empire & de passer sa vie avec eux, mais ayant été rappellé par tous ces Princes, il fonda ce que l'on appelle la Prébende Royale, au sujet de laquelle il y a procès au Conseil pour sçavoir à qui appartient le droit d'y pourvoir, du Roi ou du Prévôt : il est certain que les anciens Empereurs avoient le droit de Présentation, mais quelque negligence de leur part ayant mis le Prévôt dans la possession de la conferer, Charles-Quint y voulut rentrer, & sur l'opposition du Prévôt & du Chapître, le procès porté à Rome, le Chapitre obtint jugement à la Rote à son profit par défaut, les Empereurs ont de leur part obtenu des arrêts de la Chambre Imperiale, de sorte que pour soutenir ce droit qui a été abandonné par l'Empire au Roi, Sa Majesté y a pourvu de sa part, mais dans le Brevet on y a inseré que le pourvu auroit voix active & passive dans les Elections, ce qui a fait à présent deux matieres de contestation au lieu d'une, l'instance est pendante au Conseil, sur quoi l'Auteur ouvrant librement son avis, croit que comme on ne peut disputer le Benefice au pourvû du Roi, au contraire on ne peut lui accorder la voix passive sur le simple énoncé des titres, si ce n'est par induction & par des conséquences qui lui paroissent bien éloignées.
Le bas Clergé.
Le bas Clergé de cette Eglise étoit en très-grand nombre autrefois, il y avoit 72 Vicaires & 40 Chapelains, mais les malheurs de la guerre & de l'hérésie les ont tellement diminuez, outre qu'on a uni plusieurs Vicaires & Chapelles à de nouvelles Communautez, tels que les Jesuites de Malsheim & c. que l'on avoit reduit les Vicaires à 12 seulement. Ton a augmenté jusqu'à 20 depuis le retour du Chapitre dans la Cathédrale, & ce sont eux qui y sont l'office accompagnez de 5 ou 6 Chapelains qui y restent, ceux-ci ont 500 l. les autres 400 l. en argent, 60 sacs de grain & un foudre de vin. Le Corps des Vicaires est gouverné par un Senior & deux Deputez électifs chaque année qui rendent compte au Corps de la Communauté, voilà tout ce que l'Auteur donne sur l'état présent de la Cathedrale. A l'égard des revenus, il ajoute que l'Evêque jouït encore de 250000 l. & qu'il pouvoit être porté jusqu'à 300000 l. le Chapitre de 100000 l. & le bas Choeur de 40000 l. ce qui revient à 390000 l. en total, non compris 40000 l. pour l'entretien & fabrique perpetuelle de la Cathedrale. Comme ce dernier revenu a été ôté à l'Abbaye des Chanoines de S. Etienne pour l'unir à la Cathedrale qui l'a ensuite cedé à la Ville, l'Auteur juge qu'il faudrait remettre les choses dans leur ancien état, rendre à la Maison de S. Etienne ce qui lui appartenoit, décharger la Ville des reparations & augmenter le nombre des Vicaires jusqu'à 60, c'est à dire, sans s'éxpliquer, qu'il trouve l'Evêque assez riche pour satisfaire à ces nouvelles dépenses.
Abbayes. Dandelau.
La plus considérable Abbaye du Diocèse de Strasbourg est celle d'Andelau fondée Tan 880. par l'Imperatrice Richarde femme de l'Empereur Charles le Gros, laquelle on reconnoit pour Sainte. Cette Princesse ayant été mal à propos accusée d'adultere, par son mari, & justifiée pleinement de ce crime, se sépara d'avec lui, & elle employa sa dot à la fondation de ce Monastere, où elle acheva ses jours, cette Maison suivoit premierement la règle de S. Benoît, à présent elle est possedée par 12 Dames Chanoinesses qui vivent sans voeux & sans clôture, tous le Gouvernement d'une Abbesse, laquelle est reconnue Princesse de l'Empire, & en cette qualité a voix dans l'Assemblée des Diettes, avec la singularité de ne jamais rien payer des taxes qui y sont imposées, celle qui Test à présent est de la Maison de Beroldungon élûë dès l'année 1666 ; les Chanoinesses
Waldebonrg.
Ebermunster.
Maursmunter.
y sont fort bien nourries, mais elles n'ont qu'environ 20 écus chacune pour leur entretien ; l'Abbesse jouït encore de l'Abbaye de Hueschaffen dans le Val de Villier qui lui a été cedée & à sa Maison par les jesuites d'Emlesheim, auxquels l'Archiduc Leopold l'avoit fait unir pour servir de fondation à leur College, cela leur procure une grande étendue de Seigneuries & leur donne le patronage de leurs Cures, le tout vaut environ 18000 l. de revenu. Valdebourg dans la forêt de Haguenau à deux lieuës de la Ville a été sondée en 1131. par un Comte de Montbeillard, lequel bâtit dans la même forêt au lieu de Bibelstein une autre Maison pour des filles sous la même regle de S. Benoît, sa fille nommée Glatilde, & par corruption Ste. Gasteden, fut la premiere Abbesse & y est enterrée au milieu de l'Eglise : on prétend que ce fut à Valdbourg qu'arriva l'avanture d'un Religieux qui passa 300 ans dans le bois, ravi en contemplation & occupé du chant des oiseaux, on voit son portrait gravé sur une pierre dans le Choeur de Valdbourg. Au reste, les Religieux de ce lieu l'ayant uni il y a 100 ans, le Prieur de Weisembourg se mit en possession de leur Maison & de tous leurs revenus, dont il a jouï jusqu'à ce que ses titres ayant été examinez au Conseil souverain, il en a été debouté, sur le fondement que l'Evêque de Strasbourg qui en est Diocesain n'avoit pas donné son consentement à cette union, & le Roi a fait don du revenu aux Jesuites de Strasbourg sous diverses conditions, dont la premiere est d'élever & entretenir pendant leurs études huit Séminaristes François, toutefois comme l'Electeur de Treves est revêtu de la Prévôté de Weissembourg, la considération qu'on a pour lui a fait qu'il a été surcis à l'éxécution de l'Arrêt du Conseil souverain, sur ce qu'il a representé que, sous le prétexte de prendre les biens de Walsbourg, on usurpoit ceux de la Prévôté ; l'éxamen du fait a été remis après la paix, & l'on peut dire que si tout ce que l'Electeur de Treves demande en qualité de Prévôt de Weissembourg lui est adjugé, il en coutera 8 à 9000 l. de revenu aux Jesuites, celui de Valdbourg ne pouvant valoir en ce cas plus de 2000 l. Quant au Couvent de Bibleshein, il n'y reste que deux Religieuses natives de Suisse, qui ne subsiste que de leur grand ménagé, n'ayant que 1000 l. de revenu. Il y avoit autrefois dans cette forêt d'Haguenau sept Monasteres, & pour cela elle étoit nommée Sainte, à cause de l'édification que donnoit à toute l'Allemagne la pureté & l'innocence de la vie qu'on y menoit. Il y a dans le Diocèse de Strasbourg sept Abbayes de l'Ordre de S. Benoît. Gegemback, dont l'Abbé est Prince de l'Empire, Eremunster, Schutten & Schavalsack, toutes quatre au de-là du Rhin, & par conséquent hors des limites de l'Alsace. Les trois autres sont en deça & sont Ebermunster, Maursmunter, Altoss. Ebermunster sur l'Ill à une lieuë de Schelestat, en latin Apamonasterium rapporte sa fondation au Roi Sigebert II. & à S. Arbogast Evêque de Strasbourg. La Tradition veut que ce Prince étant à la chasse du sanglier, y fit une chute de cheval, & que son pié s'étant engagé malhûreusement dans l'étrier, il fut trainé dans le bois, de forte qu'il en mourut, mais S. Arbogast le ressuscita, ce qui fut l'occasion de la fondation de ce Monastere, dans le lieu même où l'accident étoit arrivé. La maison qui avoit été ruinée pendant les guerres commence à se rétablir par les soins de l'Abbé, il y a 15 Religieuses de 1600 l. de revenu, on conserve dans cette Maison de fort beaux monumens & titres anciens des Rois de France & des Empereurs, le Prieuré de Sigelheim Haute Alsace en dépend. Maursmunter est une autre Abbaye très-ancienne, qui rapporte sa fondation à l'an 725. & aux Rois Theodoric & Dagobert, ce qui ne convient point tout à fait à cette datte. Tritheme l'attribuë à Perminius. Quoiqu'il en soit, elle est en décadence depuis long tems, l'Abbé de Hirtzhausen en Suabe, qui en avoit la superiorité, ayant été invité par l'Evêque de Strasbourg de travailler à son rétablissement au commencement du XVI. Siécle, la trouva si délabrée qu'il l'abandonna, & depuis les Religieux s'étans unis à la Congregation de Brunsfeld, ont si hûreusement travaillé par eux-mêmes à remettre cette Maison, qu'elle commence à se rétablir, on a tenté à les mettre en commande, mais ils s'en sont jusqu'à présent préservez. L'Abbé est le seul de la Province qui ait rang
Altoff. Neubourg. Koesuigsburck. S. Jean des Choux. La Toussaints. Baumgarten. Ittenviller. Artim. Monastere de S. Abrogast. De Ste. Odille.
parmi la Noblesse à cause de quelques Seigneuries qui lui en donnent le droit, la Mai- A son jouït de 14 à 15000 l. le Prieuré de S. Guerin en dépend, c'est un pélérinage celebre dans le Vosge. Altoff est aussi une ancienne Maison de Religieux, dont le revenu ne passe pas 6 à 7000 l. on y vit avec beaucoup de ménagé & d'oecónomie, mais la principale distinction de ce lieu se doit prendre de ce qu'il a été, pour ainsi dire, le berceau de la Maison régnante en France issue de Robert le Fort, lequel avoit pour ayeul Welff Comte d'Altoff pere de l'Imperatrice Judith seconde fille de Louïs le Débonnaire. Au reste, toutes ces Maisons tant deça que delà du Rhin le sont emparez de la congrégation de Brunsfeld & en sont une particulière dite Congregatio Argentinensis, sous la direction de l'Evêque de Strasbourg qui a droit de présider par ses Commissaires à l'élection des Abbez & de recevoir leur serment d'obéïssance, cela n'empêche pas la présence des Commissaires du Roi dans les Elections pour les lieux situez en Alsace, à l'égard desquels il y a une regle generale ci-devant rapportée. Le Diocèse de Strasbourg ne renferme que deux Abbayes de l'Ordre de Citeaux. Neubourg sur la Motter, fondée en 1128. par les Comtes de Lutzebourg, dont la Seigneurie n'est plus qu'un village près Phalsbourg, lesquels appellerent 12 Religieux de Lutzel sous la conduite du même Walderick qui en fut le premier Abbé, il étoit de la Maison des Comtes de Bourgogne. Ce Monastère possédé 10000 l. de revenu, l'Abbé ne prend point de Bulles à Rome, mais reçoit sa provision de l'Abbé de Lutzel sur le brevet du Roi qui lui est accordé après l'Election en la maniere ordinaire, & il reçoit ensuite la bénediction comme un autre Abbé. Koesuingsburck dans la forêt d'Haguenau Abbaye de filles dépendante de Lutzel, dont l'Abbé de Periz prétend la jurisdiction, vaut environ 5000 l. de revenu. L'Abbaye de S. Jean des Choux aussi de filles, mais de l'Ordre de S. Benoît, est encore de la fondation des Comtes de Lutzelbourg, elle dépend de l'Evêque pour la jurisdiction, mais la direction particuliere en appartient à l'Abbé de S. George dans la Forêt Noire, cette Maison ne vaut que 1500 l. De l'autre côté du Rhin auprès d'Oberkirck, il y a une Abbaye de Prémontrez nommée la Toussaints, de laquelle dépend la Prévôté d'Haguenau occupée par les mêmes Religieux qui va 1500 l. L'Abbaye de Baumgarten, de l'Ordre de Cîteaux, ayant été totalement ruinée, ses revenus ont été attribuez à l'Evêché & les pierres du bâtiment employées aux forti-fications de Rinfeld. L'Abbaye d'Yttenviller de Chanoines Réguliers & celle d'Artim du même Ordre, ont eu le même sort, sur quoi il faut sçavoir que l'Evêque ne jouït de leurs biens que pour leur conservation & jusqu'à ce qu'il y ait lieu à leur rétablissement, à raison dequoi l'Evêque Egond de Furstemberg ayant eu quelque scrupule, parut vouloir les rétablir en effet, mais Cette bonne volonté est demeurée sans éxecution. A l'égard du Monastere de S. Argobast, qui fut bâti au lieu patibulaire de Strasbourg où ce Prélat eut la dévotion de se faire enterrer, le Magistrat de la Ville jouït de tous ces revenus. Il reste à parler de celui de Ste. Odille ou Ottille bâti sur la place du Château de Hohemboutg, & l'une des plus hautes Montagnes de la Vosge, d'où l'on découvre pleinement la Haute & Basse Alsace, le Païs d'au delà du Rhin, même la Suisse & les Alpes ; il y a dispute entre les Sçavans pour sçavoir quelle regle de Religion on y pratiquoit, Trithème soûtient que c'étoit celle de S. Benoît, le prouve par l'autorité d'une Chronique qui dit, qu'une Reine de Sicile y fut éxilée, & marque positivement que c'étoit une Abbaye de l'Ordre de S. Benoît. On dit au contraire, que dans le XII. Siécle, l'Abbesse de Hohembourg, voulant y rétablir la régularité, démanda à l'Abbé d'Estival, qui est de l'Ordre de Prémontrez, des Religieux pour la conduite de sa Maison qui lui furent envoyez, elle assigna un temporel considérable pourleur entretien & pour leur subsistance, & leurs successeurs en jouissent encore aujourd'hui d'une partie, ce qui. fait une preuve qu'on suivoit la règle de S. Augustin. Au reste, il y a eu dans ce Monastère jusqu'à 600 Religieux divisez en deux Couvens, celui d'enhaut, & celui qui est nommé Nidermunster, parce qu'il est bâti dans le bas, à mi-côte,
tous deux sous la conduite de la même Abbesse. Cette Abbaye s'étoit soutenue pendant près de 1000 ans, lors que la derniere Abbesse, ayant embrassé le Lutheranisme se maria à un Prévôt de Rochwillier, qui est un village dans le territoire de Strasbourg, cela entraina la ruine des deux Monastères, l'Evêque & le Chapitre en ont partagé les revenus entr'eux. Les Prémontrez accablez des guerres qui ont désolé l'Alsace pendant un Siécle s'en retirerent aussi, mais ils y sont revenus depuis 30 ou 40 ans, & y subsistent tant de charitez que les pélérinages au tombeau de Ste. Odille leur procurent, que des biens où ils sont rentrez, on invoque cette Sainte pour les yeux, son tombeau est au Monastère d'en bas, où les Prémontrez ont rétabli une petite Eglise & leur logement. Au pié de la même Montagne il y avoit un Prieuré de Chanoines Réguliers nommé Frudenhausen, dont les Nobles de Landsperg se sont emparez dans le tems des troubles de la Religion, & quoiqu'ils soient à présent Catholiques, ils s'y maintiennent en conséquence du Traité de Munster, quoiqu'il ne semble pas se devoir entendre de Catholiques à Catholiques, cependant on les laisse jouïr à cause des conséquences. Ce Prieuré pouvoit valoir 6000 l. de revenu, il avoit été fondé par les Abbesses de Ste. Odille au XII. Siécle. Il y avoit encore des Chanoinesses à Ersheim, Eshau & Biblesheim qu'on a expulsées sous le prétexte de leur mauvaise vie, l'Evêque & le Chapitre ont partagez leurs revenus.
Eglises Collegiales S. Thomas. S. Pierre le Jeune. S. Pierre le Vieil. Neuviller. Asback.
A l'égard des Eglises Collégiales du Diocèse de Strasbourg on en compte 10 ou 11, savoir, S. Thomas de Strasbourg la plus ancienne & la plus illustre de toutes, fondée par l'Evêque Erasme de Limpurg en 1550. & le Magistrat de la Ville pour la fondation de l'Université dont les Professeurs prennent qualité de Prévôt, Doyen & Chanoines de S. Thomas, le revenu de ce Chapitre vaut encore 20000 l. de rente. S. Pierre le Jeune Collegiale, fondée & bâtie en 1131. par l'Evêque Guillaume, & en 1147. par son successeur, fut dédiée & consacrée en 1150. par le Pape Léon IX. de la Maison d'Eguisheim, qui y accorda de grandes indulgences & y fit présent de la Chappe Pontificale, dont il s'étoit servi à la cérémonie, il y a à présent 15 Canonicats partagez aux trois Ordres de l'Eglise & deux Dignitez ; celle de Prévôt vaut 3000 l. elle est possédée par le Comte Levestein grand Chanoine, c'est lui qui donne l'investiture aux nouveaux Chanoines, qui ont chacun une maison de 3 à 400 l. de loyer, 600 en argent, 130 sacs de grains & quelques vins : du nombre de ces Chanoines il peut y avoir quatre étudians aux grandes Universitez. Les Vicaires, au nombre de 15, ont chacun 700 l. de revenu quand ils résident, les Chapelles sont foibles : le Service Divin a été établi dans le Choeur de l'Eglise depuis la conquête de Strasbourg, mais la Nef est encore occupée par les Lutheriens. S. Pierre le Vieil est une Collegiale qui se prétend ancienne de 1200 ans, il est certain qu'elle étoit bien établie au tems de Charles le Gros Empereur qui lui fit une donation l'an 884, elle n'étoit pas alors dans la Ville, mais dans une Isle du Rhin à l'embouchure de l'Ill ; le fleuve en ayant consommé le terrain, en sorte qu'il n'en reste aucune vestige, les Chanoines obtinrent la permission de s'établir à Strasbourg, où ils occupoient le Choeur de l'Eglise de S. Pierre, dont, ils ont pris le nom, ayant renoncé à celui qu'ils portoient auparavant, ils sont 18, dont 12, obligez à la résidence, ont 7 à 800 l. chacun. La quatrième Collegiale, au compte de l'Auteur, est celle de Neuviller à trois lieuës de Strasbourg, c'étoit une ancienne Abbaye de Benedictins qui rapportoit sa fondation à Perininius, elle fut sécularisée en 1496, & la Dignité changée en celle de Prévôt. Les Prébendes valent 1000 l. de revenu. Le Comte de Hannau est Advoué & Protecteur de cette Eglise. La cinquième est Asback établie dans un lieu très-sauvage, c'étoit une ancienne Abbaye de la fondation des Rois de France & de l'Evêque S. Florent au commencement du VIII. Siécle, laquelle a été sécularizée au tems de l'Episcopat du Cardinal de Lorraine, qui en cedant le Baillage de Malsheim à la Ville lui fit perdre une partie de son bien ; il y a à présent dix Chanoines qui ont chacun 800 l. l'oisiveté & la solitude ont été ouïes si nuisibles à ces Messieurs, qu'on les
ALSACE, –
Lauttemback. Saverne. Sourbourg. Seltz. S. Leonard. Tous les Saints.
oblige à présent de venir habiter la Ville de Molsheim, & d'y faire le Service Divin dans l'Eglise que ce grand Chapitre a abandonné, ils paroissent y avoir quelque repugnance que l'Auteur ne croit pas qu'on doive écouter. La sixième Collégiale est celle de Lauttemback en Haute Alsace, qui étant comprise dans l'Evêché de Basie s'est sou^ mise volontairement à celui de Strasbourg à qui elle paye 100 l. de reconnoissance. La septième est celle de Saverne Régulière, établie à Styll dans la montagne, transférée à Saverne & sécularisée à la poursuite de l'Evêque Albert de Baviere, il y a deux D gnitez & huit Canonicats de 5 à 600 l. chacun. La huitième est celle de Sourbourg dans la forêt d'Haguenau, c'étoit une Abbaye de filles, bâtie par un Roi Dagobert fils de Sigebert II. au lieu où S. Argobast s'étoit retiré dans la solitude, & d'où il fut appellé à l'Episcopat, laquelle a été sécularisée dans la fuite pour 12 Chanoines & autant de Vicaires, mais les malheurs du Païs l'ont tellement ruinée qu'il n'en reste que trois du premier ordre qui ont 15 à 1600 l. de revenu, parce que les debtes & charges absorbent le surplus, c'est ce qui a porté le Roi à l'unir à la Cure S. Louïs de Strasbourg, mais l'affaire a été conduite de maniere qu'elle souffre à présent de grandes difficultez, l'Auteur se declare fortement pour l'union. La neuvième pourroit être omise, puis qu'elle ne consiste plus qu'en la Dignité de Prévôt, à laquelle tout ce revenu est réuni, c'est la Collegiale de Seltz Ville Impériale sous la protection de l'Electeur Palatin, à qui elle a été restituée au Baillage de Gerbresheim par le Traité de Riswik. bé Dez, Titulaire s'en est demis au profit des Jesuites de Strasbourg, il ne leur sera pas aisé de la conserver, n'ayant eu ni le consentement de l'Electeur ni celui du Pape. La dixième est la Collegiale de S. Leonard à Oberheim, autrefois Abbaye, comme la plûpart des autres, il y a 15 Chanoines, dont 5 sont résidens & jouïssent chacun de 700 l. la collation d'une de ces Prébendes appartient à une famille païsanne ou roturiere du lieu de Richsded, les autres sont à la disposition du Grand Prévôt de Strasbourg. La onzième est le Chapitre de tous les Saints fondée en 1350. dans la Ville de Strasbourg par une famille Bourgeoise nommée Miathaneim, qui ayant été depuis annoblie, est devenuë des plus considerables de la Province : il y a 12 Prébendiers, 6 Catholiques & 6 Lutheriens qui prennent l'investiture du Prévôt de S. Pierre le Jeune, auquel l'entiere collation appartiendroit si la famille des Fondateurs venoit à s'éteindre, ce Chapitre est sans dignitez & les Prébendaires ne doivent point prendre le titre de Chanoines, mais se contenter de celui de simples Prêtres.
Commanderies.
Les Commanderies du même Diocèse sont celle de Malthe à Strasbourg destinée aux Religieux Servans, cette Commanderie est élective par les Prêtres de la Maison, elle vaut 12000 l. de revenu. Celle de Stephenfeldt près Brumpt, de l'Ordre de S. Esprit de Rome, est une espèce d'Hôpital établi pour avoir soin des enfans exposez, elle a 5000 l. de revenu. Celle d'Orlesheim de l'Ordre de Malthe n'est que de 900 l. Celle de l'Ordre reutonique à Strasbourg est de 1200 l. Une autre du même Ordre à Andlau de 900 l. Il y a encore six autres petites Commanderies ou Maladreries, dont la destination n'a pas encore été règlée.
Maisons Religieuses. Jesuites. Autres Couvens.
Les Jesuites occupent quatre Colléges dans la Province ; celui de Strasbourg, auquel sont unies les Abbayes de Seltz & de Valbourg avec la Prévôté de Vensheim de 36000 l. de revenu, les Peres y enseignent la Philosophie & la Théologie, & doivent entretenir le Seminaire de 32 jeunes Ecclésiastiques –, celui de Haguenau de 5 à 6000 l. de revenu ; celui de Schelestat auquel sont unis les Prieurez de Ruffac & de Sainte Foix de 8000 l. celui de Molsheim de la fondation de l'Evêque de Strasbourg qui l'ont érigé en Academie où ils donnent le Doctorat en Théologie de leur pure autorité, il y a 10000 l. de revenu, & il est fort bien bâti. A l'égard des autres Couvens du Diocèse, le principal est la Chartreuse de Molsheim bâtie depuis que les Peres de cet Ordre furent chassez de Strasbourg. Le Roi Henri IV. s'étant chargé de les indemniser de la perte de leur premiere maison traita avec eux sur le pié de 6000 l. de rente qu'il leur assigna sur les en-
ALSACE.
trées de la Ville de Rouen, cette Maison est riche & de grande édification. Les filles Penitentes de Strasbourg, de l'Ordre de S. Augustin, sont les seules qui furent tolerées pendant l'hérésie, elles ont toûjours eu la permission de faire le service, & leur maison a servi de retraite aux Chanoines de S. Pierre le Vieil & aux Religieux de Malthe, elles ne sont point cloîtrées, & jouïssent de 6000 l. de revenu. Les Dominicaines sont cloîtrées & ont aussi 6000 l. elles se sont pareillement conservées durant l'hérésie. Les Religieux de S. Antoine ont une ancienne Maison de 900 l. de revenu, & le Roi en les rétablissant leur a donné la Cure de S. Etienne à desservir avec 1300 l. d'augmentation de revenu. Les Chanoines Réguliers de la Reforme de Mataincourt desservent, la Cure de S. Louïs, & ont 2100 l. du Roi avec le casuel de la Paroisse. Les filles de la Visitation qui prennent soin de l'éducation des jeunes filles y ont une maison, dont le Roi a payé la moitié, & il leur donne 1700 l. de pension. Les Capucins ont onze Maisons dans le Diocèse, les Cordeliers 5, les Recolets 2, les Jacobins 4, les Augustins, les Annonciades & les filles de Ste. Claire chacun une.
A l'égard du Gouvernement Politique du Diocèse, il y a 13 Chapîtres ruraux, 3 au de-là du Rhin & 10 en deça. Les 10 de l'Alsace sont, Rhenau, Markelsheim, Reinfeld, Schelestât, Obanheim, Biblontheim, Andlau, Berbure, le Haut Haguenau & le Bas. Ces Chapitres sont des Assemblées de certain nombre de Curez qui élisent entr'eux un Archiprêtre, qui a le droit d'inspection sur les confreres, un Camerier qui est le Procureur commun, & a soin de tout le temporel, & deux Definiteurs qui ont droit de deliberer avec les précédens sur les affaires qui se présentent d'une ou d'autre nature. L'Evêque de Strasbourg est en droit de tems immémorial de s'approprier après la mort tous les effets & biens des Curez & autres Ecclésiastiques de son Diocèse quand ils meurent sans tester, à la reserve des grands Chanoines de la Cathedrale, & comme d'autre côté ils ne peuvent le faire sans sa permission, & qu'il est maître quand ils le lui demandent de leur déclarer qu'il retient la disposition de tous leurs biens après leur mort, on peut dire qu'il est le Proprietaire foncier & réel de tout ce qu'ils ont en ces termes. Le Cardinal Furstemberg dernier Evêque a bien voulu traiter de ce droit avec son Clergé & remettre en general aux ecclésiastiques la disposition de leurs biens propres, à la charge néanmoins de lui payer chacun an 6 l. dans le mois de Janvier de chaque année, cela se nomme le droit d'indult. Quant à la Jurisdiction Episcopale, elle est éxercée dans la partie de deça le Rhin par le Grand Vicaire qui est aussi Official, l'on n'y connoit ni Archidiacre ni Théologal, tout roule sur le Vicaire, mais dans la partie de de-là, il commet un Vice-Official qui décidé les causes ordinaires, renvoyant les plus importantes au Superieur à qui il rend compte quatre fois l'année. Le nombre des Cures Catholiques de ce Diocèse est de 180, desquelles il y en a 26 dont le culte est en partie entre les Catholiques & en partie entre les Lutheriens, & le nombre des Paroisses Luthériennes est de 167. Le prêche des Calvinistes se tient a une lieuë de Strasbourg.
Benefices des Lutheriens.
Il y a aussi un assez grand nombre de Bénéfices qui sont encore entre les mains des Lutheriens ; outre deux Eglises Paroissiales de la Ville ils ont occupé les Monastères des Religieuses de S. Nicolas in undis, celui des Guillemites, qui sert aujourd'hui de Seminaire aux jeunes Prédicans, l'Abbaye de S. Etienne de l'Eglise de laquelle ils avoient fait un Magasin à suif, & qui a été reparée pour en faire une Paroisse qui a été mise sous la conduite des Peres de S. Antoine, cette Maison avoit été fondée par le Duc Adelbert environ l'an 650. pour 24 (d'autres disent pour 12) Chanoinesses ou Religieuses Ste. Athuta sa fille en fut la premiere Abbesse comme il a été dit, les Dames qui l'occupoient avant l'hérésie ne faisoient point de voeux & ne gardoient point de clôture, elles étoient fort riches avant la cession de 40000 l. de rente de leur revenu à l'Evêché. Il faut dire aussi que les dernieres Abbesses Catholiques ont eu une si mauvaise conduite, qu'elle n'a pas peu contribué à la ruine de la Maison, tant pour le revenu que pour l'introduction
ALSACE,
des Chanoinesses Luthériennes à leur place, le revenu est reduit à 1000 sacs de grain, 60 foudres de vin, environ 900 l. en argent & la proprieté du Bourg de Wengar, le tout peut monter ensemble à 10000 l. La derniere Abbesse est morte en 1694, & l'on n'en a point mis d'autre à sa place, il n'y reste qu'une Chanoinesse Luthérienne, de forte qu'il fera aisé de rétablir l'institut quand on voudra. Les Abbesses sont indépendantes de l'Evêque, & toutefois pour reconnoître son ancienne jurisdiction, toutes Lutheriennes qu'elles étoient, elles lui payoient 200 l. à chaque mutation, on n'a conservé les noms que des 34 dernieres que l'on voit toutes avoir été choisies entre les premieres Maîtresses de l'Allemagne, outre le College de Dames il y en avoit un de Chanoines dans la même Eglise, il y en a encore trois Lutheriens qui sont la fonction de Ministres. Le Monastere des jacobins a été converti en Collège, & c'est le Siége de l'Université. On prétend que Bucer étoit Religieux de cette Maison, mais cela n'est pas certain. Celui des Augustins a été converti en Hôpital pour les passans, celui de Ste. Catherine en un autre Hôpital pour les orphelins, celui des Cordeliers a été converti en magasin public, la Ville se sert de leurs caves pour enfermer les vins, l'Hôpital de Ste. Barbe fut appliqué à la subsistance des veuves des Ministres. Les autres Monasteres qui ont été tout à fait ruinez sont S. Jaques du vieux Marché, deux Couvens de Ste. Claire & hors la Ville ceux de S. Gal, de S. Argobast & la Chartreuse. La Ville, s'étant emparé de tous leurs biens, en possede pour 100000 l. de rente, mais il y en a pour 40000 l. qui lui ont été cedez par Concordat avec l'Evêque & le grand Chapitre pour la réparation de la Cathedrale, & ces 40000 l. ont été ôtez de l'Abbaye de S. Etienne très-anciennement, comme on l'a déja dit. L'Auteur fait encore le détail des Chapelles dans la Ville, dont les particuliers se sont emparez au nombre de 12.
Diocese de Spire.
Il reste à parler du Diocefe de Spire dont l'Electeur de Trèves est Evêque, il y avoit avant la guerre de 1688. un très-grand & magnifique Chapitre de même dignité que celui de Strasbourg & presqu'aussi riche, mais depuis la demolition de la Ville & de l'Eglise, les Chanoines se sont séparez, & résident les uns sur leurs terres & les autres dans d'autres Chapitres. Cet Evêché est si ancien qu'il remonte jusqu'au tems de Constantin. Le Roi Dagobert I. lui fit don de plusieurs terres très-considerables, & c'est ce qu'on appelle en Alsace Nidermundal, comme on nomme ce que l'Evêque de Strasbourg possedé au même titre Obermundal, Mundal est un nom corrompu du Latin, munus datum, ciber & nider signifient superius & inferìus, de sorte que ces donations ont retenu les noms de don d'en haut & don d'enbas par rapport à leur situation naturelle. Il n'y a que peu de benefices dans cette partie de l'Alsace & aucun où l'on fasse le Service Divin ; outre la ruine generale que la guerre y a causée, il faut sçavoir que les Princes Palatins qui ont eu le malheur de tomber dans l'hérésie, se sont emparez de tout ce qui étoit à leur bienséance ; d'ailleurs les Titulaires de ces tems-là ayant la plûpart changé de Religion, n'ont pris aucun soin à la conservation du temporel, ainsi ces Benéfices se sont, pour ainsi dire, anéantis, mais il y a encore une raison qui se rapporte d'un tems plus ancien, c'est que les Evêques & le grand Chapitre de Spire, pour grossir leurs revenus, ont unis autant qu'ils ont pu les Bénéfices de leurs dépendances à ceux qu'ils possédoient, cela s'est étendu jusqu'aux Cures qui se sont partagées entre les Dignitez du grand Chapître, & pour qu'il en coûtat moins à les faire desservir, ils en ont uni 3 ou 4 ensemble, établissant pour tout un simple Vicaire, c'est ce qui sait que pour les 108 Paroisses Catholiques, dont cette partie du Diocèse est composée, il n'y a que 36 Curez, qui n'ont même que des compétences fort legeres, en sorte que les changemens y sont fort fréquens, aucuns Ecclésiastiques ne pouvans s'arrêter en des lieux où il y a un travail au dessus de leurs forces sans subsistance raisonnable, cela fait aussi que l'on reçoit dans ce Diocèse tous les Prêtres qui se présentent de quelque nature qu'ils soient & de quelque mauvaise affaire qu'ils soient chargez.
Abbayes. Couvens. Commanderies. Moeurs des Ecclestastiques.
La plus considérable Abbaye qui s'y trouve est celle de Cluigmunster, fondée le VII. Siécle par le Roi Dagobert si célébré en Alsace, elle a été sécularisée & érigée en Chapître, mais l'Electeur Palatin s'en étant mis en possession, le titre en est demeuré éteint jusqu'en 1680. que le Baillage de Germesheim ayant été réuni par arrêt du Conseil souverain, & le Roi s'en étant mis en possession, il confera la possession de la Prévôté de ce Chapitre à l'Abbé de Cartigny Grand Vicaire de Strasbourg, à la charge d'y rétablir le Service & d'y entretenir un Doyen & six Chanoines, les revenus peuvent monter à 18 ou 20000 l. de rente. La seconde est celle de Hert pareillement secularisée, le Roi en a pourvu M. Gratabon Evêque d'Ypre sous les mêmes conditions, elle peut valoir 8000 l. de revenu. La troisième est celle d'Heirsertat, autrefois de l'Ordre de Cîteaux, de laquelle le Roi a rétabli le titre, en la conferant à l'Evêque de Grace, elle, peut valoir aussi 8000 l. Le Prieuré de Merlenheim qui en dépend a été donné à l'Abbé Yvonet Doyen de la Cathedrale de Blois. Le Chapitre de Germersheim ne pouvoit valoir que 2000 l. de revenu, le Roi en a fait don aux Religieuses de la Visitation de Strasbourg ; il y avoit au même lieu un Couvent de Religieuses qui a été converti en Hôpital, lequel a aussi 2000 l. de revenu : Le Chapitre de Landau est pareillement une Abbaye qui a été sécularisée, il y reste 3000 l. de revenu. La Commanderie de l'Ordre Teutonique de Weissembourg étoit autrefois affectée à la subsistance des Chevaliers estropiez, ou bien avancez en âge, elle vaut 6000 l. de rente, dont le Roi jouït par confiscation. Mais le plus celebre de tous les Bénéfices est celui de Weissembourg, autrefois une des quatre Abbayes de l'Empire, dont le territoire étoit borné par Orient, Occident, Nord & Midi comme ce seroit une Province. Le Roi Dagobert en fut le Fondateur l'an 624, l'Abbé étoit Prince & avoit sa voix dans les Diettes, ses Religieux ne pouvoient être que de la Haute Noblesse, mais ce sont ses distinctions qui l'ont ruiné, car ayant été sécularisée en 1545. sous l'Abbé Rudiger, l'Evêque Spire Philippe de Flersheim qui lui succéda en la Prévôté obtint du Pape Paul III. & de l'Empereur l'union de cette Dignité à son Evêché, il reste à Weissembourg un Doyen, un Custos, dix Chanoines & deux Vicaires. Les Prébendes ne valent que 6 à 700 l. de rente. A l'égard des moeurs des Ecclésiastiques d'Alsace en général, il faut reconnoître qu'ils sont bien dociles & plus aisez à gouverner que les François, parce qu'ils ont beaucoup plus de soumission qu'eux pour les Supérieurs ; ils sont aussi, pour ce qui regarde le Clergé, bien plus habiles dans les matieres de Théologie, car pour ce qui est de la discipline, ils en sont peu de cas, & c'est ce qu'il y a de plus difficile à obtenir d'eux que de porter les cheveux courts & l'habit Ecclésiastique ; ce qu'on appelle ponctualité & éxactitude n'étant point de leur goût. Les Pasteurs sont aussi plus respectez parmi les Allemands qu'ils ne le sont en France, ils ont la coûtume de condamner à l'amende ceux qui commettent quelques fautes dans l'Eglise, sans que personne y trouve à redire, & ils mettent en pénitence publique ceux qui ont fait du scandale. D'ailleurs ils n'ont nulle connoissance de ce que l'on nomme en France Jansénisme ou Quellenisme, attachez au noeud principal de la Religion sans scrupule & sans trop d'inquiétude, ils n'étudient gueres à un certain âge qu'autant qu'il faut pour contenter le Superieur, aiment la vie & la bonne chere, sont très-rarement avares, n'ont aucun attachement au Sexe, en un mot ont d'excellentes qualitez pour former un Clergé très-édifiant & très-saint.
Gouvernement Militaire.
Après avoir parlé de l'Eglise, l'Auteur passe au Gouvernement Militaire & Civil de la Province, le Duc de Mazarin en est Gouverneur, mais le Maréchal d'Huxelles y a le commandement en chef, le Marquis d'Antin en est Lieutenant de Roi, le Sieur Porchery Sous-lieutenant de Roi, le Sieur de la Grange Auteur de ce Memoire en a été Intendant pendant plus de 25 ans, & c'est sous sa direction que toutes les belles Places, qui sont de ce côté-là une barrière impénétrable aux ennemis de la France ont été fortifiez. Ces Places sont Beffort, dont le Sieur de Morton est Gouverneur, le Sieur de la Sabliere
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Fuzillers d'Alsace. Milice.
Lieutenant de Roi & le Sieur de Finauville Major. Huningues, dont le Marquis de Puisieux ambassadeur en Suisse & Chevalier de l'Ordre est Gouverneur, le Sieur de S. Cry Lieutenant de Roi & le Sieur de Bombelles Major. Landseroo, Château élevé sur les montagnes Suisses, où le Sieur de Beaulieu commande. Schelestat, dont le Sieur de Gondreville est Gouverneur, le Sieur de Barges Lieutenant de Roi & le Sieur Carles Major. Strasbourg, dont le Maréchal de Chamilly est Gouverneur, le Sieur de la Bastie Lieutenant de Roi, le Sieur de Boussarans Major de la Citadelle de Strasbourg, où le Sieur de Sissrisdy commande sous ses ordres, le Sieur de Bergeret est Lieutenant de Roi & le Sieur de Figeat Major. Le Fort de Kell, où commande le Sieur de Villemandor, le Sieur de Rois est Lieutenant de Roi & le Sieur Duplessis Major. Le Sieur de Chaumouseau commande au Fort du Kell. Le Sieur de Cantan au Fort des Isles ; Le Sieur Coulon au Reduit de la Porte blanche ; le Sieur de Belle-épine à celui de la Porte de pierre. Le Fort Louïs dont le Sieur de la Vaise est Gouverneur, le Sieur de S. Georges Lieutenant de Roi, le Sieur Papelon Major. Landau n'est plus au Roi. Brizac, dont le Duc de Mazarin est Gouverneur, le Sieur de la Chetardie Commandant en chef, le Sieur de Navigier de Ste. Aulaye Lieutenant de Roi, le Sieur de Chavigny Major. Fribourg n'est plus au Roi non plus que Philisbourg. Il y a des cazernes dans toutes ces Places pour le logement des Officiers & Soldats, qui ont été bâties & sont entretenues aux dépens de S. Majesté, à l'éxception de celles de Strasbourg & de Schelestat qui sont à la charge de ces Villes, tant pour le bâtiment que pour les fournitures des lits, le chauffage & la chandelle. Il y a aussi des Hôpitaux dans toutes ces Places pour les soldats malades, qui sont entretenus aux dépens du Roi : les fournitures qui s'y sont sont adjugées à un prix certain pour chaque Place, qui est différent selon les lieux, le plus haut à Strasbourg à 6s. 9 d. & le plus bas à Shelestat de 4 s. Le Roi paye encore les Chirurgiens Majors, Aidés ou Fraters, à raison d'un certain prix par mois, le plus haut est à Strasbourg & Colmar à 90 l. le plus bas est à Leschtemberg de 10 l. tous les autres sont de 50 l. Le Roi a fait construire depuis la guerre plusieurs redoutes le long du Rhin avec des ponts de communication en certaines Isles pour la sureté du Païs, elles sont gardées en tems de guerre par 10 Compagnies de Fuzillers de 50 h cha-cune, qui sont entretenus aux dépens de la Province, laquelle y joint ses Milices selon l'éxigence des cas ; à l'égard des garnisons des Places, elles sont entretenues par le Roi aussi bien que les Regimens d'Alsace, dont le Prince de Berkenfeld est Colonel. La Province a fourni outre cela deux Regimens complets de douze Compagnies chacune pour son contingent de la Milice ; le Sieur Baron de Montjoie a été Colonel du Regiment de la Haute Alsace & le Sieur de Berthol de celui de la Basse. La Marêchaussée d'Alsace est composée d'un Grand Prevot, trois Lieutenans & leurs Compagnies.
Gouvernement Judiciaire. Conseil. souverain.
Quant à la Justice, toute la Province est soumise à la Jurisdiction du Conseil sou verain qui fut établi premierement à Ensisheim pour y tenir lieu de la Regence, qui étoit sous les Princes d'Autriche. Le Cardinal de Mazarin, qui avoit de grandes vûës sur l'Alsace, le composa d'abord d'un Président, qui étoit feu M. Colbert de Croissy mort Secrétaire d'Etat, deux Conseillers du Parlement de Metz, un Abbé, un Gentilhomme & un Docteur du Païs ; un Avocat & un Procureur General, un Greffier, quatre Secrétaires Interprètes & c. Mais alors le ressort n'en étoit pas considerable, car on n'avoit pas encore imaginé le moyen de réünir toutes les Souverainetez particulières du Païs sur le fondement que le véritable sens du Traité de Munster a été de depouiller les Proprietaires des droits, dont ils avoient une possession aussi ancienne que l'Etat d'Allemagne. En 1661. après la mort du Cardinal on supprima ce Conseil pour en établir un sous le ressort du Parlement de Metz, mais en 1679. on s'avisa tout à coup que le Traité de Munster étoit demeuré jusques-là sans éxecution de la part du Roi, qui par une espèce de négligence & d'inattention n'avoit pas étendu les droits qui lui étoient cedez aussi loin qu'il devoit. Sur ce principe on établit un nouveau Conseil souverain avec attribution
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Sa competence.
bution de juger en dernier ressort de toute matiere civile & criminelle dans l'étenduë des terres que l'on estimoit cedées au Roi par ce célébré Traité, & que cette étenduë n'é-toit pas encore bien limitée. L'on autorisa ce même Conseil de proceder avec l'Intendant à la réünion de toutes les terres qui la devoient composer ; le nombre des Conseillers fut alors multiplié jusqu'à 9. En 1682, le Roi y ajouta deux Chevaliers d'honneur, l'un d'Eglise & l'autre d'Epée, & trois Conseillers, mais ces Charges étoient données Gratuitement, comme toutes celles du reste de l'Allemagne. En 1694, elles furent créées héreditaires au moyen d'une finance, & peu après le Conseil fut augmenté d'une seconde Chambre sous le pretexte de la multitude des affaires dont la premiere étoit accablée laquelle Chambre fut composée du même nombre d'Officiers & rendue héréditaire comme la précédente ; on a aussi transporté le siege de ce Conseil d'Ensìsheim à Brissac & de Brissac à Colmar, où l'on y a ajouté une Chancelerie : en cet état le premier Président a 3000 l. de gages, & 2000 l. de pension ; le second Président a 2000 l. de gages, les Chevaliers d'honneur 1000 chacun, les Conseillers 900, les gens du Roi autant, les substituts 300 ; les Greffiers de 650 l. les Sectetaires d'interpretes 150, le Garde-scel de la Chancelerie & les Conseillers, Secrétaires & Controlleurs chacun 900 l. les Secretaires du Roi 75, le Receveur des emolumens du Sceau 400 l. & le Chauffecire 300, le tout à prendre sur les emolumens du Sceau en cas de non-suffisance sur le Domaine. Le Conseil connoit en premiere instance des causes de tous ceux qui les avoient commis devant la Regence d'Autriche, sçavoir les Abbez, Prieurs & Communautéz Ecclésiastiques, les Princes, Seigneurs & Gentils-hommes, à l'éxception de ceux de la Basse Alsace, qui ont leur direction à Strasbourg, & par appel de toutes les instances qui lui sont portées des Justices Royales & Seigneuriales, même des Magistrats des Villes, & en cas d'abus des jugemens des Cours d'Eglise.
Au reste, il y a sort peu de Justices Royales dans la Province à cause des inféodations anciennes & modernes, pour lesquelles le menu Conseil reçoit les mêmes fois, hommage adveus & dénombremens, qui doivent être rendus au Roi. Les Justices Royales qui restent sous la Prévôté du Neuf-Brissac sont la Préfecture & Baillage de Haguenau, les Baillages de Weissembourg & de Germensheim, celui de Landz & la Prévôté de Huningue, Ensisheim & du Fort-Louïs, tous les Offices de ces Justices ont été créez hereditaires pour l'Edit général du mois d'Avril, 1694.
Justices Seigneuriales. Préfecture de Haguenau.
A l'égard des Justices Seigneuriales de l'Alsace, l'Auteur en fait une ample énumeration, que j'ai jugé mutile en ce lieu, puis qu'elle doit être repétée en l'article de la Noblesse : Les Magistrats des Villes de Strasbourg, Brissac, Bessort, Ste. Hipolite, ceux des dix Villes Impériales qui composoient autrefois la Préfecture de Haguenau, Colmar, Turckeim, Munster, Keiserberg, Schelestat, Obernheim, Rhozeim, Haguenau, Weissemberg, comme aussi ceux de Danvillers, autrefois Impériales, connoissoient de toutes matières civiles & criminelles dans leur ressort, & les appellations ressortissent nuëment au Conseil souverain, à la reserve pour Strasbourg des matieres criminelles & des civiles au dessous de 1000 l. qui ont jugées souverainement par le Magistrat. Surquoi il est à propos de sçavoir que les Villes de la Préfecture de Haguenau, s'étoient soumises à reconnoître la Justice commune établie en cette Ville sous le nom de Landrootgie, & que les appellations des jugemens des autres Magistrats y ressortissoient directement, c'est cette Justice que le Roi a abolie, faisant passer la même attribution au Conseil souverain, ainsi que les gages qui étoient payez aux Juges de Landrootgie, mais il y a plusieurs années que cette Préfecture étoit un fief de l'Empire, qui a été long tems possedé par les Electeurs Palatins, à titre d'engagement de 50000 florins d'Empire –, l'Empereur Sigismond en avoit fait le Traité en faveur de Louïs IV. Electeur Palatin, mais l'Empereur Ferdinand I. l'a retirée en 1558 : Maximilien II. en investit l'Archiduc Ferdinand, & depuis ce tems-là la Dignité de Grand Bailli de Haguenau s'est perpétuée dans la Maison d'Autriche, jusqu'à la cession faite au Roi. Ces Baillifs avoient des Lieutenans ou des Sous-baillifs, qui
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Du Comté à Hannau. Directoire de la Noblesse.
étoient des Nobles titrez, tels que les Comtes de Furstemberg, les Barons de Flekensthein, les Seigneurs de Ribaupierre, les Comtes de Foucerre, les Barons de Morimond & autres. Après la cession du Traité de Westphalie, le Roi investit le Cardinal Mazarin de ce Baillage, & enfin il en a supprimé la Jurisdiction pour lui faire succéder le Conseil souverain, qui termine même les appellations que l'on portoit auparavant au Conseil Aulique de l'Empereur, ou à la Chambre de Spire, & il n'est resté à Haguenau qu'un Bailli Royal, dont l'Office est un fief à la disposition du Roi, auquel appartiennent encore des revenus considérables : son Lieutenant juge les affaires de premiere instance du territoire. La Ville de Mulhausen dépendoit autrefois de cette Préfecture, elle continue même à payer tous les ans le droit du Grand Bailli pour marque de sa sujettion, mais elle a trouvé moyen de s'en séparer en s'unissant aux Cantons Suisses. La Maison d'Autriche a autrefois reclamé contre cette Alliance, à laquelle le Roi n'a point voulu toucher. La seconde Regence est celle du Comte de Hannau, elle est établie à Beauvillers, & connoit comme la précédente des appellations interjettées des Juges inférieurs, elle connoit aussi des affaires de la Religion, parce qu'on y professe le Lutheranisme, mais comme cet usage est contraire aux Ordonnances du Roi, l'Auteur donne avis de le reprimer ; le même Prince de Hannau a sa Chambre des Comptes établie dans la même Ville qui connoit des affaires de son Domaine. La troisième est la Regence ou plutôt le Directoire ou Présidial de la Noblesse de la Basse Alsace, c'est un Conseil composé de 7 personnes choisies à la pluralité des voix qui président alternativement par semaine selon le rang de leur ancienneté, le Roi confirme cette Election & leur accorde le droit de Judicature. Ils ont trois Assesseurs qui prennent place dans la séance de ceux du premier rang qui manquent aux Assemblées, & qui remplacent par rang d'ancienneté, ceux qui viennent à mourir. Ces Juges qui ont leurs Officiers subalternes connoissent non seulement des differens des Gentils-hommes & des appellations de leurs Baillifs définitivement jusqu'à la concurrence de 500 l. mais encore de toutes les affaires personnelles des Nobles & de leur Corps, tant en demandant qu'en deffendant, il y avoit autrefois un semblable Directoire à Ensisheim pour la Haute Alsace, mais il ne subsiste plus. Quant à la Justice de Nidermundal, qui est un certain district aux environs de Weissembourg, dont les bornes subsistent encore, établi par de très-grosses pierres qui tiennent lieu de bornes ordinaires, lors que Dagobert fit ce don à l'Evêché de Spire, il donna des loix à tout ce territoire, particulièrement au sujet des successions, & établit une Cour de Justice qu'il nomme Staffelghericht, devant laquelle on ne procede, que lors qu'on ne veut pas être reglé en la Justice ordinaire és matieres de successions & d'hypothèques, elle est composée d'un Préteur, qui étoit ci-devant nommé par l'Evêque de Spire en qualité de Prévôt deWeissembourg & de 4 Assesseurs que l'on choisit entre les Conseillers de Ville ; l'appel des jugemens de ce Tribunal va au Conseil souverain d'Alsace, & l'on fuit à présent cette Jurisdiction plus que jamais, parce que les appellations en sont abrogées, elles étoient autrefois portées à la Justice dite Ruderguericht, qui étoit l'Assemblée dé la Noblesse, sous la Présidence du Prévôt de Weissembourg, laquelle ne se tenoit que tous les trois ans.
Magistrature de Strasbourg Conseil des Treize.
A l'égard de la Magistrature de Strasbourg, elle merite sans difficulté un article à part, puis que les réglemens qu'elle fuit & l'ordre de ses Conseils est établi avec une sagesse qui s'est acquise beaucoup de réputation depuis long tems. Il y a cinq Conseils differens dans cette Magistrature. Le premier en dignité & le dernier en ordre, parce que c'est lui qui juge les appellations de tous les autres, est le Conseil des Treize, composé de Conseil Nobles, 4 anciens Consuls & 4 Bourgeois, tous consommez dans les affaires ; à ces 12 Conseillers se joint le Prêteur du quartier, le Conseil y propose les affaires, & le Prêteur y recueille les voix. Ce Conseil est souverain au Criminel & avoitreçû des Empereurs le pouvoir de la Chambre Impériale jusqu'à la somme de 600 florins d'or en capital, il subsiste dans ce droit encore aujourd'hui, si ce n'est que la somme a été réduite à 1000 l. au de-là de laquelle l'appel va directement au Conseil souverain. Le Roi a
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Conseil des Quinze. Conseil des Vingt. Grand Senat. Consuls. Tribus. Petit Senat.
ajouté au nombre de 13 un Prêteur Royal & un Syndic, qui ont droit d'assistances à tous les autres Conseilss. Ce Tribunal des treize avoit la direction durant la liberté de la Ville sur toutes les affaires de la guerre, des fortifications, de la garnison, de l'arcenal, de l'écurie, des revenus publics, des levées, & l'on y traitoit des affaires fecretes tant avec l'Empereur que les Rois, Princes & Electeurs avec lesquels la Ville avoit quelque chose à demêler. La seconde Compagnie est celle du Conseil des quinze, composée de cinq Gentils-hommes & de dix Bourgeois : elle a la direction de tout ce qui regarde l'oeconomie des revenus de cette Ville, la manutention des loix, & à cet égard elle a droit de correction sur tous les Membres de la Republique, soit à la Ville soit à la campagne, & sur toutes sortes d'Officiers, Receveurs, Conseillers & c. c'est elle qui conserve le Trésor public & qui en a la garde, ainsi que de tous les magasins auxquels elle pourvoir. Elle avoit ci-devant le droit de regler la monoye, le change, les poids & mesures, & en général tout ce qui s'appelle détail dépendoit d'elle ; elle élit tous les ans 2 grands Commissaires de son Corps, qui président successivement chacun six mois, qui sont seuls les impositions, les affaires s'y decident à la pluralité des voix, il faloit autrefois être né dans la Ville ou Territoire pour y avoir entrée, à présent tous les sujets du Roi y peuvent aspirer, mais à l'égard des Bourgeois de Strasbourg, il ne peut y en avoir qu'un de chaque tribu âgé de moins de 30 ans. La troisième Compagnie est celle qui porte le nom des Vingt, par une espèce de coûtume, puis qu'elle n'est composée à présent que de quatre au plus, il devroit y avoir, selon l'Institution, six Conseillers, un Gentilhomme, quelques Consulaires & le reste Bourgeois. Cette Chambre délibéré avec les deux autres dans les matieres importantes, & toutes les trois ensemble composent ce qu'on appelle la Regence perpétuelle, parce qu'elles ne sont sujettes à d'autres changemens qu'à ceux de la mort, ou la destitution juridique d'un sujet, ou de l'abdication. Les Conseillers de ces Chambres montent successivement de l'une à l'autre par élection, & pour remplir celle des vingt & un on choisit toûjours un Senateur. Le Senat est distingué en grand & petit ; le grand est composé de trente personnes, dont dix sont Gentilshommes & les vingt autres élûs dans les vingt Tribus de la Bourgeoisie. Le Prêteur Royal y préside avec le Consul en exercice & le Prêteur en quartier, le Consul propose les affaires, le Prêteur regarde le Grand Sceau de la Republique, & tous les Actes sont intitulez de son nom & de celui du Senat, c'est lui qui signe les lettres, mais le Conseil en a la direction. A l'égard des Consuls il y en a six perpetuels, qui demeurent chacun un an en éxercice & roulent entr'eux dans l'ordre de leur Election qui appartient au Senat. Le Consul en année donne audience au peuple trois fois la semaine, pour décider les contestations des Bourgeois, ou pour les adresser aux Tribunaux suivant leur compétence quand il ne peut les terminer, il reçoit aussi dans ces audiences les avis qui lui sont donnez & en informe le Senat quand ils le meritent. Les vingt Tribus qui partagent toute la Bourgeoisie ont un Chef, qui est Membre de l'une des trois Compagnies supérieures & quatre Conseillers Assesseurs, qui assemblent les Tribus tous les deux ans pour l'élection d'un Sénateur de son Corps, car c'est une regle constante qu'il sort tous les ans 10 Senateurs de Charge parmi les Bourgeois & 5 parmi les Gentilshommes. Le Senat juge toute sorte d'affaires civiles & criminelles sauf l'appel au Conseil souverain, en matiere civile seulement au dessus de 1000 l. Les Prêteurs sont toûjours en même nombre que les Consuls, mais ils n'éxercent que trois mois successivement. Outre ce grand nombre d'Officiers, il y a 300 Notables choisis dans toutes les Tributs, dont l'Assemblée se tient rarement, parce que ce n'est jamais que pour les causes les plus graves & sans un Decret du Grand Senat confirmé par le Conseil des treize, c'est dans le Corps de ces Notables que chaque Tribu choisit les Senateurs & les Aggregez qui reçoivent les deniers communs de la Tribu. Le petit Senat qui ne connoit que des matieres litigieuses est composé de 18 Conseillers, 6 Gentils-hommes & 12 Bourgeois du nombre des Notables. Telle est la distribution des Conseils & de la Magistrature de la
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Ville de Strasbourg, à quoi il faut ajouter que chaque Tribu a sa justice pour les Af¬ faires qui lui sont particulières sous la direction du Chef de la même Tribu, & enfin qu'on tire du Corps de la Bourgeoisie tous les ans des Visiteurs Jurez pour les moulins, le pain, la viande, les salines, le bois, le charbon & c.
Distinction des Nobles & Praticiens.
Il paroit par ce détail que l'ordre du Gouvernement de cette Ville est établi avec un grand choix des moyens qui pouvoient le faire prosperer ; les Statuts de Police y répondent parfaitement, mais le malheur est qu'ils sont mal éxécutez, à ce que dit l'Auteur, par la connivence des Officiers ou la fraude des Inspecteurs, qui y trouvent leur compte au désavantage du Public : il faut avouer aussi que depuis la perte de leur liberté ils sont découragez & ne donnent plus la même attention au Gouvernement. Il est à propos de remarquer que les Ordonnances ou Codes François de 1667. & 1670. ne s'observent point à Strasbourg, mais que tous les Jugemens y sont rendus conformément à l'ancien usage, quoique le Conseil souverain Juge Supérieur du Magistrat soit tenu de s'y conformer, ainsi qu'à toutes les Ordonnances émanées de l'autorité du Roi & de son bon plaisir ; mais toutes les raisons pesées, l'Auteur ne conseille pas d'entreprendre si tôt d'introduire le Droit François en cette Ville, estimant qu'il faudroit abolir l'usage de la Langue Allemande dans les sentences, plaidoyers & instruction des procez. Mais il ne faut pas changer d'article sans remarquer que le Roi a depuis peu établi deux Maîtrises des eaux & forêts, l'une à Ensisheim & l'autre à Haguenau à l'instar de celles de France, toutes deux relevant de la grande Maîtrise de Champagne ; & desquelles les appellations resfortissent à la Table de Marbre du Parlement de Metz. L'Auteur ne croit pas qu'on ait fait en Alsace aucun établissement plus onereux au peuple & moins utile au Roi, car supposant d'abord que les bois ne se vendent point, que la plûpart appartiennent aux Communautez, & enfin que les particuliers n'entendant rien aux contestations qui se sont en France sur cette matiere, ils n'ont pû s'éxempter de tomber dans des contraventions qui leur ont attiré de grosses amendes qui les ont tellement mortifiez qu'il arrive journellement, qu'étant au milieu des bois qui leur appartiennent, ils prennent le parti de ne se point chauffer, plutôt que d'étudier les Ordonnances qu'ils haïssent & qu'ils regardent comme faites éxprès pour les dépouiller de leurs biens. L'Alsace est toute gouvernée par le Droit écrit, l'on n'y connoit le droit coutumier qu'à l'égard des fiefs & de quelques questions nobles, outre quelques Statuts municipaux, dont l'observation est locale. Avant que les François fussent établis en cette Province on n'y connoissoit point les procès, s'il naissoit quelque contestation, elle étoit terminée sans fraix & sans depense, mais depuis la multiplication des Tribunaux & des Ordonnances, depuis aussi que les habitans se trouvent chargez d'impôts, ils s'accoutument aux affaires, & au lieu qu'ils ignoroient jusqu'au nom d'une requête, il n'y a peut-être pas une Province dans le Royaume, où elles soient plus fréquentes qu'en celle-ci. Je ne puis terminer cet article sans remarquer que l'Auteur de ce Memoire est si accoutumé, suivant le méchant usage des gens de Robe en France, à ne faire aucune distinction parmi la Noblesse, qu'il donne le nom de Gen-tilshommes aux Praticiens qui entrent dans la Magistrature de Strasbourg, dans le même sens & acception qu'il le donne aux Nobles de la Haute Alsace. Il faut être bien peu instruit des moeurs des Allemands pour confondre des choses si dissemblables, il suffit de dire, pour en marquer la disparité, qu'une alliance praticienne à l'égard d'une Noblesse d'Epée est regardée comme une derogeance qui éxclut les Nobles qui en sont tachez de l'entrée des Chapîtres & des Dignitez de leur Etat, estimant leurs filles qui veulent conserver ce droit, en gardant le nombre de leurs quartiers paternels & maternels.
Finances & Revenus.
La Province d'Alsace étoit autrefois un Païs d'Etat, composé de trois Membres ordinaires, Clergé, Noblesse, Tiers Etat. L'Archiduc qui en étoit Souverain y percevoit de deux sortes de droits ; ceux de Seigneur particulier dans les terres de son Domaine & ceux de Souverain dans tous les autres. Ceux-ci ne s'étendoient en tems de Paix qu 'aux entrées & sorties de la Province, aux droits sur les vins & les salines, aux amendes
ALSACE.
& aux confiscations ; & en tems de guerre ils étoient augmentez d'une subvention conforme aux besoins publics, lors qu'il étoit en obligation de se dessendre, mais elle n'étoit jamais bien considerable. Les droits du Seigneur particulier dans les terres de Beford Dell, Ferrette, Alkirk, Tannes, Lauser, Sernay, Enselsheim, Masmunster & lsheneim en Haute Alsace, dans le Baillage de Haguenau étoient entierement pareils à ceux des Proprietaires des fiefs dans la Province, consistant en rentes, profits, courvées, domaines & quelques droits sur le debit des vins & la vente des sels, mais le Roi ayant disposé de ces mêmes terres comme il a été dit, il ne lui reste que les attributions nouvelles du Domaine & les droits du Souverain, bien néanmoins différens de ce qu'ils étoient autrefois On lui paye d'abord la subvention qui est un revenu fixe liquidé à 99000 l. 2°. Pour l'éxemption ou plûtôt la suppression des Charges créées, ou que l'on ait pû créer dans la Province pendant la guerre, elle paye, en conséquence d'un arrêt du Conseil d'Etat du Mois de Juin 1694, la somme de 600000 l. en argent de France, dont le Clergé de Strasbourg paye 50000 directement au Tresor Royal, celui des autres Evêchez 25000 ; la Noblesse 36000 ; les Villes 120000, & les habitans de la campagne 369000. Mais il faut remarquer à l'occasion de ces deux articles & celui qui a été touché des maîtrises des eaux & forêts, qu'en l'année 1700. la Province a offert au Roi de convertir la subvention de 99000 en 300000 l. monoye de France, pour obtenir la protection de sa Majesté contre les poursuites des Officiers de la Maîtrise, auxquels il seroit fait deffense de prendre connoissance du fait des bois, appartenans aux Communautez de la Province & aux particuliers, tels qu'ils soient, comme aussi de la suppression des Offices des Lieutenans de Police & autres érections qui pourroient être faites pendant la paix, & qu'en conséquence de cet offre qui a été accepté, l'imposition de 300000 l. a commencé à courir en l'année 1701. 3°. La Capitation montant en l'année 1697. à 546433 l. 5s. mais elle a depuis été augmentée d'un quart en sus qui la fait aller à 683041 l. 11 s. 4°. La depense des palissades des Villes fortifiées le long du Rhin qui monte actuellement à 40000 l. 5. L'entretien de dix Compagnies de Fuziliers destinez à la garde des passages du Rhin, dont la dépense annuelle, depuis qu'elles sont sur pié, a été évaluée à 50265 l. 6°. Il faut mettre au rang des impositions ordinaires celle de 50111 l. qui se doit lever sur les terres & Communautez dépendantes de l'Evêché de Strasbourg pendant dix années pour l'acquit des debtes des tenans & sujets du dit Evêché, tant en principal qu'en intérêts. L'Evêque avant l'arrêt du Conseil du 11. Septembre 1699. qui a fait la liquidation de ces mêmes dettes à 501113 l. de capital, levoit annuellement 36000 l. pour l'acquit des intérêts, mais sa Majesté s'étant fait instruire des abus de cette imposition & de la facilité qu'il y auroit au payement des capitaux, a ordonné qu'ils seroient acquittez en dix ans, dix payemens de 60111 l. dont le premiere s'est dû faire en 1700.
Elections.
L'Alsace ne connoit point encore les Elections, Bureaux des Finances, & autres usages en France, c'est pourquoi les Ordres du Roi sont directement adressez aux Intendans, qui les sont tenir aux Baillifs & Magistrats du Païs avec le commandement qu'il donne en conséquence, sur quoi les Magistrats & Baillifs sont eux-mêmes la repartition des particuliers, & remettent ensuite les deniers entre les mains des Receveurs, dont il va être parlé, qui les sont passer aux Receveurs Généraux de la Generalité de Metz. Il n'y avoit ci-devant que 2 Receveurs de la Province d'Alsace, lesquels éxerçoient alternativement, mais ils ont été supprimez en 1696. & en leur place on en a créé six autres en chacun des Bureaux dont il a été parlé avec attribution de 6 d. par livre de taxation, mais comme les profits sont considérables, les traitans ont mis ces Charges à un si haut prix, qu'elles n'ont point été levées, & ils les sont éxercer par des Commis dans les trois lieux de recette à qui ils ont donné le nom de Bureaux, Strasbourg, Brissac & Landau. Le premier a produit en l'année 1697. la somme de 548234k 2s. 8d. & le Clergé a payé 50000 l. le second 431882 l. 10s. 10d. & le troisième 305581 l. 6 s. Mais ces sommes doivent être augmentées de 66666 l. 13s. 4d. à cause de ce qui est payé en argent de
France Partant l'imposition totale du Païs monte à 14023641. 18 S, 4 d. monoye du Païs. Outre ces sommes, le Clergé de la Basse Alsace paye encore 50000 l. mais la difficulté du recouvrement est éxtrèmement grande, parce qu'en effet le bas Ordre y est extrémement pauvre. Ce mal est général dans la Province, d'autant, selon l'Auteur, que les impositions dont elle est chargée éxcedent entièrement ses forces, puis qu'outre les sommes liquidées, dont il vient d'être parlé, elle a fourni pendant la guerre tous les fourrages des magasins & des Places & ceux de quartier d'hyver dans le Plat-païs les logemens, les suplemens, les ustencilles, l'entretien de deux Regimens de Milice, & enfin les corvées des chevaux & des voitures pour les Armées, ce qui monte bien plus haut que de l'argent. En ces circonstances, l'Auteur ne croit pas qu'on puisse dissimuler les veritables besoins que l'Alsace a d'être soulagée, outre la justice qu'il y a de le faire, le Roi y a le plus considerable intérêt pour la conservation des belles Places qu'il y poisede. Il ne faut pas, dit-il, penser à les munir par des secours etrangers, c'est danse, Païs même où il faut trouver des ressources pour le deffendre, d^ailleurs les habitans ont
un si grand & naturel éloignement pour tout ce qu'on appelle contrainte & chicanne des Partisans, qu'il vaut mieux prendre tout ce qu'ils ont en une fois, que de les matter de jour en jour par de nouveaux règlemens. Sa Majesté est si bien entrée dans ce caractere du Peuple d'Alsace, qu'elle n'a point encore souffert qu'on y ait introduit le papier timbré, le controlle des exploits ni actes notoriez, les taxes des bois, de bled & de tabac, des vins, les marques des chapeaux & c. d'autre côté, il n'y a pas moins d'inconvénient de tout prendre comme on fait, puisque les Païs voisins étant bien traitez, les habitans de l'Al-face sont journellement invitez de s'y venir établir, ce que plusieurs pratiquent, en forte qu'il n'y a rien de plus à craindre qu'une désertion génerale. De cette triste peinture, l'Auteur passe à l'hûreux teins où cette Province jouïssoit encore tranquillement des biens naturels ; la joye regnoit par tout, les violons, les dances, la bonne chere, la propreté des maisons, la culture de la terre, tout y ressentoit la liberté ou la favorable protection que sa Majesté accordoit ci-devant, à l'Alsace ; aussi l'Auteur ose-t-il dire que le Roi s'en est bien trouvé, & que c'est à l'esperance que donnoient pour l'avenir ces hureux commencemens de sa domination qu'il doit la conservation de cette belle Province. Il pourroit encore y joindre un motif plus puissant, sçavoir le nombre des Troupes qui y sont entretenués, ypuis que là comme par tout ailleurs c'est le nerf de la Monarchie Despotique.
Enumeration des Peuples.
L'Auteur traite ensuite de la quantité du Peuple & des feux il dit que le Bureau de Brissac comprend 15 Villes, y compris Fribourg, 354 Bourgs, Villages, Paroisses ou Hameaux, 13525 familles & 65355 ames, sçavoir 63180 Catholiques, 1050 Luthériens, 90 Calvinistes & 897 Juifs. LeBureaude Strasbourg 27 Villes, 271 Bourgs ou Village, 23772 feux & 122735 ames, dont 70990 Catholiques, 45740 Luthériens 4558 Calvi nistes & 1467 Juifs Le Bureau de Landau 23 Villes, 440 Bourgs, 4182 feux, 68913 ames, dont 37504 Catholiques, 2285 Luthériens, 7352 Calvinistes 1801 Juifs. Ainsi le tout ensemble fait le nombre de 66 Villes, 1056 Bourgs ou Villages 51422 feux, 257000 personnes, dont 17179 Catholiques, 69546 Luthériens, 12000 Calvinistes, & 2664 Juifs, 22000 chevaux, 1000 cavales & 51000 boeufs ou vaches. Il est certain par les anciens Mémoires du Païs, qu'avant la guerre de Suede, l'Alsace etoit d'un tiers plus peu-plée qu'elle ne l'est à présent ; mais la désolation y a été si grande au tems de cette guerre, qu'il y a peu d'éxemples dans l'Histoite, d'une aussi grande ruine. Il ne reste que le nom de plusieurs gros villages, & ceux qui subsistent à présent sont, ou bien des établissemens nouveaux, ou des lieux reparez par le travail des habitans, car il est vrai qu'ils ont beaucoup de patience dans l'adversité & beaucoup de courage pour travailler à leur établissement, quand il leut reste une raison d'esperance ; cela vient en partie de ce qu'ils sont proprietaires des terres, & d'ailleurs de ce que communément parlant, elles répondent parfaitement au moindre travail qu'on y donne.
Salines de Flakenshim
Quant au Domaine du Roi en Alsace, il n'en a point en fonds de terre, depuis la gratification dont il a été parlé, mais il leve dans toute la Haute Alsace un droit nommé Mapsening, qui consiste en une Aide sur le vin & sur le debit du sel : les Seigneurs de la Basse Alsace en levent une pareille sur leurs vassaux, ainsi le seul avantage que le Roi en ait retiré, est qu'ayant fermé les passages d'Allemagne, ils ont été obligez de tirer leur sel de la Lorraine, ce qui augmente de moitié la consommation des salines de ce Païs-là, mais depuis que la Lorraine a été rendue à son Prince, cet avantage ne subsiste plus L'Auteur est donc d'avis que le Roi y supplée, en imposant dans la Basse Alsace le même droit sur le sel & sur le vin qui est établi dans la Haute ; il ne prétend pas pour cela quon abroge ceux qu'il est usité de payer aux Seigneurs, mais il prétend que comme le Roi est le Souverain effectif, il a pouvoir d'établir telles impositions qu'il lui plait, comon l'a pratiqué réellement à un autre égard, en remplissant la Province de Bureaux & Traites pour l'entrée & la sortie des marchandises, lesquels bureaux sont unis aux cinq grosses fermes du Royaume, ainsi ce qu'on appelle Domaine du Roi se reduit aux droits ci-dessus éxprimez, qui ne sont affermez que 250000 l. L'Auteur espere toutefois qu'ils pourront doubler à la paix, tant parce que la consommation en sera plus grande, que par la facilité qu'il y aura d'étendre à la Basse Alsace tous les usages introduits dans la Haute. observe en passant que le Baron de Flekenstein a une petite saline dans son Domaine qui rend environ 200 quintaux, de laquelle il seroit aisé d'augmenter le produit en travaillant à la source & rectifiant la maniere dont on prépare le sel, cela veut dire en bon François que l'Auteur seroit d'avis que le Roi s'en accommodât à prix modique, pour en tirer un profit considerable dans la fuite à la place des salines de Lorraine. A l'égard du Baillage de Gemersheim, il paroit par les anciens Regîtres qu'on a trouvez que l'Electeur Palatin en a autrefois tiré jusques à 200000 écus par an, mais tant que le Roi en a été en possession, la pauvreté extrême des habitans causée par l'interruption du Commerce, n'a pas permis qu'il en astfait aucun profit considérable. L'Intendant est le seul Juge de toutes les contestations qui arrivent au sujet des droits du Roi anciens ou nouveaux, & l'on a créé par l'Edit du mois de Janvier 1697. un Procureur du Roi à la fuite, pour faire les réquisitions nécessaires & garder les minutes des Ordonnancesquil rend suivant les occasions, il a aussi la connoissance de la grande & petite voirie, entretien & reparation des chemins, ponts & chaussées, mais comme il n'y a point de fonds pour les faire, & qu'il est toutefois d'une éxtrème conséquence de n'y rien negliger, il y fait travailler les Communautez par corvées ce qui est fort à charge à certains lieux, pendant que d'autres, qui en tirent toute la commodité, en sont éxempts ; cest ce qui fait dire à l'Auteur qu'il seroit beaucoup plus à propos d'imposer une somme fixe sur toute la Province, comme par éxemple celle de 30000 l. qui pourroit suffire, & de faire adjuger comme on le pratique ailleurs les différentes entreprises des travaux qui seront jugées nécessaires.
Caractere du Peuple & ses moeurs.
L'Alsace est à présent, depuis les guerres de France & de Suede, habitée par disserentes Nations, mais l'Allemande, dont la Langue est feule d'usage parmi le Peuple fait toûjours le corps principal, la Langue Françoise commence néanmoins à s'introduire considerablement même dans les Villages. Le Peuple y est en général fort appliqué à la culture de la terre, labeur & façon des vignes, qui est en effet ce qu'il y a de plus précieux dans ce Païs. On avoit au tems des Suedois abandonné beaucoup de terres, où il y avoit cru des bois, dont on a entrepris depuis quelques années le défrichement en plusieurs endroits, & ils ont été hûreusement convertis en labeur ou en prairie d'éxcellent rapport. Les Alsaciens originaires sont bons & dociles quoique très-attachez aux coûtumes anciennes, l'abondance naturelle du Païs les rend paresseux & peu industrieux, mais cette paresse ne s'étend point à negliger les travaux nécessaires de la campagne ; elle les éloigne seulement de l'inquiétude & de l'ambition qui travaillent les autres Peuples ;
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Juifs & leurs privileges.
en effet nulles gens n'ont tant d'inclination au repos & à la tranquillité que ceux-ci, ils ne songent pas même à devenir riches, contens du nécessaire & d'en jouïr paisiblement. Il faut pourtant avouer que la continuité de la guerre altere visiblement leur naturel : au reste ils se payent de raison, ils ont besoin d'être conduits & guidez, & par dessus tout ils ont une grande inclination à la joye, aussi dit-on que du tems de leur liberté les moindres villages retentiffoient ès jours de fête de danses & de violons. Les Juifs qui habitent l'Alsace y sont beaucoup de commerce, particulièrement de chevaux & de bestiaux, ils prêtent à usure & se payent en denrées & de toutes façons commodes aux emprunteurs, de sorte que pendant la guerre ils ont été d'un assez grand secours à la Province, quoiqu'en général & en particulier ils ne soient pas riches, mais la peine qu'ils se donnent supplée à l'inaction des autres ; d'ailleurs ils sont exempts de toutes impositions & droits à la reserve de la capitation & du droit de protection qu'ils payent au Roi dans les terres du Domaine, ou aux Seigneurs des lieux où ils sont leur demeure.
Commerce. Des bois. Des vins. Tabac. Du bled. Des bestiaux.
Le Commerce que fait le Peuple est fort considerable en tems de paix & l'étoit au-trefois encore davantage, quand les Etrangers y faisoient leurs achapts en toute liberté, la contrainte qui a été introduite par l'établissement des Bureaux d'entrée & de sortie a diminué certainement leur abord continuel, mais dans l'état présent il faut dire que l'argent roule suffisamment en Alsace, & même bien plus que dans le centre du Royaume. Outre celui que le séjour des Troupes y apporte par la consommation des denrées, grains de toute espèce, vins, fourrages, bestiaux, bois, lin, tabac, legumes, fruits & c. en tems de paix, il en fort quantité des uns & des autres, par la commodité de la navigation du Rhin, soit pour la Hollande & le bas Rhin, soit pour la Suabe, la Franconie & le reste de l'Allemagne. Les Hollandois enlevent les bois propres à la construction des bâtimens & des vaisseaux, & les habitans gagnent au trafic, tant par la vente des bois, que par la fabrique & la voiture. Ce commerce a présentement pour obstacle les jurisdictions nouvelles des Forêts, & une certaine contrainte repanduë dans la négoce, qui a fait abandonner même les bois achetez, coupez, taillez & payez qui pourrissent sur les lieux. Il faut esperer que la paix rétablira la confiance & la pratique de ce trafic, dont on ne peut esperer que de l'avantage, puis que les bois sont si communs dans la Province, qu'on nen sauroit raisonnablement craindre le dégradement. Le vin se tire pendant la paix par la Hollande sur le Dannemark & la Suede, où il se debite sous le nom de vin du Rhin ; la Province en produit abondamment & l'éxpérience a fait connoître que sa qualité, loin de s'affoiblir par la navigation, s'y perfectionne. On prétend que cela vient dun souphre naturel contenu dans ce vin plus que dans un autre, & qui n'acquiert sa maturité, que par le nombre des années, ou par un long séjour sur l'eau. Les eaux de vie & le vinaigre étoient encore des marchandises d'un grand debit pour la Hollande & tout le rivage du Rhin, les uns & les autres sont fabriquez en la Haute Alsace, d'ou on les fait descendre à Strasbourg, où souffrant l'essai de la Ville & recevant sa marque sur chaque tonneau, ils portent ensuite le nom de Strasbourg en quelques Païs qu'ils soient transportez, la guerre a tout à fait rompu cette espece de commerce. Mais en récompense elle a beaucoup augmenté celui du tabac, & de telle sorte qu'on a compté jusqu'a 1500 personnes employées par jour à sa préparation dans la feule Ville de Strasbourg, & le debit a été de 1200 quintaux par semaine, dont les deux tiers ont passe en Suisse & le reste sur la Sarre, ce qui a produit près de 500000 l. tous les ans. Le Commerce du bled, qui étoit autrefois fort grand avec la Suisse quand la traite en etoit permise, est reduit à présent à une très-petite quantité, qu'on livre par semaine à la Ville de Basle pour sa subsistance ; si la paix rétablit l'ancienne liberté, ce sera certainement un grand avantage pour la Province, parce que faute de débit & de consommation suffisante, les grains sont à vil prix, mais ce n'est pas sans cause qu'on les a tenu en cet état, vu qu'autrement il auroit couté cher à remplir les magasins du Roi. La nourriture & l'engrais des bestiaux apportoit encore ci-devant un grand profit à la Province, soit a l'egard du labourage
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Des porcs gras.
soit à l'égard de la subsistance, & sans qu'il fut alors besoin de recevoir aux Païs voisins Suisse & Franche-comté pour en tirer ce que l'Alsace ne produit plus suffisamment. Il y a deux causes de cette diminution, la premiere l'éxtrême disete des fourages, les or-dres du Roi ayant obligé le Peuple à remettre toutes leurs recoltes dans set magasins depuis le commencement de la guerre, cela a fait qu'il ne leur a resté que des galins pour la nourriture de leurs chevaux de labeur, & conséquemment ils ont été obligez d'aè bandonner le profit qu'ils tiroient auparavant de l'engrais de leurs bestiaux. La seconde
est que la pâture des bois leur a été retranchée sans aucune raison de l'intérêt ni du profit du Roi, car l'herbe qui s'y perd étoit utilement employée quand elle étoit mangée des bestiaux, pour lesquels on payoit une certaine redevance qu'on n'est plus en droit d'éxiger. Il faloit donc mieux, selon l'Auteur, marquer annuellement aux Communautez qui avoient l'usage de mettre leurs bestiaux dans les forêts de la Province, les lieux où elle pourroit le faire sans dommage, que d'interdire un usage utile au Souverain &'aux sujets ; mais il faloit bien que selon l'usage, les nouveaux Officiers signalassent leur autorité au dommage du Public. C'est la même raison qui a ruiné le petit commerce qui le faisoit en charbon en tous les lieux voisins des forêts, lequel commerce faisoit subsister un très-grand nombre de familles : L'Auteur reprend en cette occasion ce qu'il a déja dit des grosses amendes que les Officiers des forêts tirent de ce pauvre Peuple par un abus insupportable, qui n'est fondé que sur ^impossibilité morale, où il est d'appeller de leur jugement à la Table de marbre de Metz par la dépense où la suite d'un Proces dans un Païs étranger, les jetteroit & par l'ignorance de la Langue, il vaudroit mieux encore une fois pour le profit du Roi, dont les bois n'ont pas assez de debit, marquer aux Communautez les Cantons où elles auroient une entiere liberté d'en abbattre & de les façonner à leur mode, en gardant l'Ordonnance dont il faudroit les instruire avec douceur, en payant néanmoins un droit proportionné à la valeur de ce même bois cela leur donneroit moyen de subsister & de payer les autres droits qu'on en tire, mais de réduire a acheter le bois en corde ceux qui le façonneroient à leur tems de loisir, c'est une vexation, contre laquelle l'Auteur s'emporte avec véhémence. Il auroit pû, dans les principes de son zèle pour la justice, trouver dans les différentes matières dont son Memoire est rempli d'autres sujets de blamer des innovations qui se pratiquent dans ce Païs-là, & de plaindre l'oppression où se trouve ce malhûreux Peuple qui goûtoit auparavant la liberté avec tant de douceur, mais en effet ce dernier desordre est d'autant plus criant qu'il se pratique contre l'intention & l'intérêt du Roi. L'engrais des porcs faisoit un commerce séparé & contribuoit beaucoup à la subsistance des Peuples, tous les Allemands étant accoutumez à manger du lard salé & fumé, il se faisoit par le moyen du glandage des forêts, où l'on mettoit de grands Troupeaux de ce bétail dans les faisons convenables, cet usage ne se soufire plus, & d'ailleurs le Païsan est si pauvre qu'il n'a pas le moyen d'acheter de jeunes cochons, il est donc reduit a prendre le lard de la main des bouchers, & l'on peut juger quelle diminution ce changement fait dans sa cuisine. A l'égard des fruits, il n'y en avoit que de méchante espèce avant que l'Alsace fut cédée à la France, elle commence à se remplir des meilleurs, & l'on remarque qu'ils y réussissent fort bien : le petit peuple tire beaucoup de secours des fruits communs, car il faut vivre de quelque chose & sa pauvreté le reduit à se nourrir de ce qui coûte le moins. Le Commerce des châtaignes & des prunes, qui de la Basse Alsace se transportoient à Cologne, est cessé entiérement depuis la guerre, mais il y a lieu de croire qu'il pourra se rétablir. Il en est de même de ceux des graines d'oignons, de pavots, d'anis, de fenouil ou saffran, de la terebentine, du chanvre, du tartre ou pierre de vin, des suifs, des treillis & cannevas que l'on transporte en Hollande & en Allemagne ; le produit de chacun en particulier étoit extrêmement considérable, & tout ensemble apportoit sans doute beaucoup d'argent dans le Païs, au lieu que depuis la guerre tout ce qui a roulé n'a pû parvenir que de la vente des vins & des grains, qui a servi à la subsistance des Troupes, & encore des voitures
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Des haras. Des chevaux.
du se qu'on y a amené de Lorraine & de Franche-comté. On a travaillé depuis 20 ans à établir des haras en Alsace, mais fort inutilement, puis qu'il ne s'y est pas encore trouvé un seul cheval du Païs propre à la Cavalerie ou aux Dragons, cela vient de ce que les jumens y sont trop basses pour les étalons qu'on y a établis, qui sont de grands chevaux étrangers & nullement sortables aux cavales ; d'ailleurs le travail que ces jumens sont sans discontinuer au labeur ou aux voitures & courvées du Roi, pendant qu'elles sont pleines ou qu'elles nourrissent, affoiblissent tellement leurs poulains, qu'ils ne réüssissent jamais : c'est en vain qu'on a proposé d'obliger les habitans d'avoir des jumens plus hautes & plus fortes, car outre qu'il faudroit leur donner dequoi les acheter, comme la Cavalerie du Roi consomme tous les fourrages, de fortes bêtes ne pourroient pas vivre de ce que celles du Païs ont accoutumé de manger pour toute nourriture, sçavoir des pailles & des pâtures seches qui ne coûtent rien aux Païsans, il est plus avantageux au Roi & au Public de laisser une entiere liberté d'élever des poulains, suivant l'ancienne méthode sans obliger personne d'envoyer des jumens à des étalons disproportionnez, qui n'engendrent pas & ne produisent rien qui vaille. En ces circonstances il ne faut point songer à retirer le commerce des chevaux des mains des Juifs, qui le Sont três-avantageusement pour le Roi, quoiqu'il soit vrai qu'on les prenne en Suisse, ils sont sortir beaucoup d'argent, mais il n'y a point de remede si les Provinces du Royaume n'en fournissent point de meilleurs & de plus convenables.
A l'égard des manufactures de la Province, il est certain que la fertilité de la terre y est un obstacle, le peuple s'occupant plûtôt à la faire valoir qu'à toute autre chose ; on fabrique cependant différens ouvrages dans les Villes, entr'autres de gros draps de Ste. Marie-aux-mines à Strasbourg & autres lieux, à 6 l. l'aune ; on y employoit ci-devant jusqu'à 100000 quintaux de laine, mais les draps de meuniers s'étant mis à la mode, cela a fait baisser cette manufacture tout à coup, & à peine la fabrique présente suffit-elle aux vêtimens de la moitié des habitans. On a entrepris de la rétablir dans la Ville de Strasbourg, mais il faudra attendre pour y réussir, qu'une bonne paix procure une plus grande abondance de laine qu'on n'en voit à présent en Alsace. Outre cette fabrique, il y a à Strasbourg celle des couvertures de laine, celle des bergames façon de Rouen, celle des futaines façon d'Ausbourg, celle des tiretaines moitié laine & moitié fil que les habitans consomment, celle des bas au metier, de laquelle les commencemens sont fort hûreux, celle des broderies de fil à Munster & de Dame Marie près Beffort, celle des blancheries de fil au lieu de Masmunster, où les eaux ont une force singuliere pour donner aux fils une blancheur que rien ne peut imiter ailleurs, quoique les Ouvriers y aillent porter leur secret, & celle des porcelaines & fayances à Haguenau, où les sables & les terres sont propres à ces fortes d'ouvrages, l'on travaille à en établir une nouvelle de savon à Strasbourg : Les tanneries sont encore très-considerables pour toute l'Alsace, & sont une très-grande consommation d'écorces de chesnes à l'avantage des habitans des montagnes qui les apportent dans les Villes aussi bien que des planches de sapins & de madriers, c'est là à peu près sur quoi on peut dire que tout le commerce de la Province roule effectivement, à quoi il est néces saire d'ajouter que la guerre y a apporté une interruption générale, & que les quartiers d'hyver, les milices, les fréquens logemens des Troupes ont tellement fatigué les Ouvriers, que la plus grande partie se sont retirez en Suisse & dans les lieux où ils ont esperé trouver de la tranquillité. La même chose a empêché les Assemblées des foires & des marchez, jusques-là même que les grandes foires de Strasbourg, qui se tiennent deux fois l'an à la S. Jean & à Noël, & sont franches pour la quinzaine, non compris la semaine des payemens, ont été tout à fait abandonnées.
Eaux minerales.
A l'égard des eaux minerales de cette Province, il faut les considerer à deux égards, E par rapport à la santé & par rapport au profit, il faut mettre dans le premier rang les eaux minerales de Soultzback près de Munster en Haute Alsace, qui sont estimées très-salutaires contre la paralysie, les foiblesses des nerfs & la gravelle ; celles de Soultz près de Molsheim, qui le sont beaucoup moins, & celles de Niderbroum, qui ont quelque réputation contre les douleurs de la Goute, mais les unes & les autres sont fort inferieures à celles
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m2T-Mines Salpêtre.
de Baden & d'Oberkirk de l'autre côté du Rhin. Dans le second rang il faut mettre les mines d'argent, cuivre, de fer qui sont en divers endroits de la Province. Le Duc de Mazarin en a deux considérables dans le territoire de Beffort près de Giromagny l'une nommée Phenningthorn & l'autre S. Pierre. Le cuivre & l'argent sont mêlez dans les mines, & on a besoin de plomb pour les séparer, aussi la Nature en a-t-elle placé une mine dans la distance d'environ une lieuë au village d'Auxelles le Haut, mais comme elle n'est pas encore suffisante, il faut que les Entrepreneurs de la mine d'argent en tirent des Païs étrangers, ce qui est assez difficile pendant la guerre ; d'ailleurs comme les mines sont profondes, & qu'il y coule des eaux souterraines, il y a des machines qui servent à les épuiser, qui tournent par le moyen des eaux qui coulent sur la terre & viennent de la montagne voisine, mais ces dernieres eaux sont sujettes à tarir en Eté, ce qui rend le travail des mines alors impraticable ; quand donc l'annee est pluvieuse & que le plomb ne manque pas on tire de ces deux mines jusques à 100 marcs d'argent & 24000 livres de cuivre, ce qui se fait avec une telle dépense, que le profit est reduit à très-peu de chose. Le Duc de Mazarïn Propriétaire n'en retire que 5 à 6000 l. par an. En 1633, avant la guerre de Suede, il y avoit une autre mine nommée la Trichepande voisine de Pheninghthurn, laquelle étoit beaucoup plus abondante que celle qui reste, le metail que l'on en tiroit n'avoit besoin d'aucun mélange pour se fondre, ainsi le profit en étoit incomparablement plus grand, mais elle est à présent abandonnée, remplie d'eau & de roches. Pour la mettre en état il faudroit abandonner le Pheninghthurn, parce que l'eau qui sert à la vuider seroit employée à l'autre, il en est de même d'une autre mine qui étoit à Auxelles le haut, pour laquelle il faudroit abandonner celle de plomb, dont il a été parlé ; quoiqu'il y eut pour l'une & pour l'autre une premiere dépense à faire, les Entrepreneurs seroient bien recompensez par l'épargne du plomb dont ils n'auroient plus besoin pour fondre leurs matieres, mais ces sortes d'entreprises ne sont convenables, qu'à un tems de paix & d'abondance. Il reste en tous ces territoires plusieurs vestiges d'anciennes mines, où l'on travailloit autrefois, mais comme tous les titres du Païs ont été perdus pendant la guerre, & qu'il ne reste personne de ce tems-là, on ignore le titre du métail qu'on en tiroit, & il faudroit beaucoup de dépense pour s'en instruire. Les autres mines de la Province sont celles de Stemback proche Sernay, qui est de plomb, de Munster, mêlée de cuivre & d'argent : on a depuis peu repris le travail en ces deux dernieres par permission du Roi, mais la plus considerable de toutes etoit celle de Ste. Marie qui est tout à fait abandonnée, & que le Roi seul peut rétablir parce que la dépense en seroit trop grande pour des particuliers. L'Auteur juge que le profit n'éxcéderoit-gueres ses fraix qu'il faudroit faire, il seroit toûjours très-utile d'y travailler, tant parce que c'est augmenter l'éspèce, que parce que le Roi donneroit moyen à un grand nombre de miserables de lui payer les droits qu'il leur impose, par la raison de leur pauvreté. Le sable d'or, que l'on trouve sur le rivage du Rhin, doit aussi entrer en considération, car quoiqu'il y soit en très-petite quantité, il est si fin que ceux qui sadonnent a le chercher gagnent 15 à 18 sols par jour à ce metier. Il y a un Hôtel de la monoye à Strasbourg pour convertir le métail qu'on tire de la Province ou qu'on y apporte d'ailleurs. Cet Hôtel appartient à la Ville, & elle y battoit monoye à son coing avant qu'elle fut soumise à l'obéïssance du Roi, mais depuis la reformation des espèces ordonnées en 1694, le Roi y établit ses Officiers, un General de la monoye, un Directeur, un Controlleur, des Changeurs, un Essayeur, un Monoyeur & un Graveur avec les Ouvriers nécessaires pour la fabrique & reformation. On voit par les Regîtres de la monoye que depuis le commencement de l'année 1682. jusques en 1689. inclusivement, le Magistrat de Strasbourg avoit fait battre à son coing pour 7506750 l. de monoye de toute espèce, mais comme l'alloi en est beaucoup plus bas que celle de France, elle n'a cours en Païs étrangers que pour un moindre prix, cela n'empêche pas que le Roi n'y ait fait un profit considerable, depuis qu'il s'est mis en possession de cette fabrique. Les montagnes fournissent une assez grande quantité de Salpêtre, les Entrepreneurs qui ont soin d'en faire la recherche en vendent tous les ans au Roi pour des sommes considérables, on les
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convertit en poudre à canon dans les moulins à Strasbourg & dans la Haute Alsace, laquelle est estimée la meilleure de l'Europe.
De la Noblesse & des gran-des Terres.
L'Auteur traite ensuite de la Noblesse d'Alsace distinguée selon ses deux parties en Hau-te & Basse, & il la considere d'abord par rapport aux terres qu'elle possede dont il fait l'é-numeration suivante. L'Evêque de Strasbourg y possédé l'Obermandat, les Baillages de Russack & de Marckelsheim en Haute Alsace, ceux de Reinfeld, Molsheim, Dantzheim, Mouzick, Kokesberg, Saverne, Lawentzenau ; & Viersheim dans la Basse. Le Prince Palatin de Berkenfeld, la Comté de Ribaupierre mouvante de l'Evêché de Basle, la terre de Bickweiller, la Principauté de la petite Pierre, le Bande de la Roche & le Baillage de Gouttemberg par indivis avec les Princes Palatins Ducs des Deuxponts. Il faut ici remarquer une singularité à l'égard du Comté de Ribaupierre qui est un droit de fief, pour lequel tous les violons de la Paroisse doivent comparoître une fois l'année, sçavoir ceux de Haute Alsace au Chateau de Ribauvillier, & ceux de la Basse à celui de Richeviller, & là prendre du Seigneur ou de ses Préposez une permission annuelle de jouer, qui leur est accordée au moyen de 100 sols par bande. Le Prince de Birkenfeld est encore en possession de ce droit qu'il tient en fief de sa Majesté. Le Prince de Montbeillard possédé la Comté d'Asbourg & la Seigneurie de Richwillier. La Princesse de Meizenheim, en qualité d Administratrice des Princes Ducs des Deuxponts, le Baillage de Neuschâtel, les Prévôtez de Clerebourg, Vigebourg & Fackembourg par indivis avec les Comtes de LinangesDabo. Le Prince Louïs de Bade, Bentheim & Gressentzheim. L'Eleóteur de Treves Evêque de Spire, le Baillage de Lautrebourg, la Prévôté de Meydebourg & la moitié des revenus de Laudek. Il a aussi en qualité de Prévôt de Weissembourg les terres, château & dépendances de S. Remi. Le Prince de Bade Dourlac, la Prévôté de Cantzenherzen entre la Baronie de Flekenstein & les terres du Comté d'Hannau. Les Ducs de Deuxponts la Prévôté de Cathariennenbourg au pié des montagnes de la Basse Alsace. Les Comtes de Linange, les Comtez Dabo & Doberbrome, la Prévôté de Linderbrown & les trois quarts de celle de Falkemberg. Les Comtes de Levestein, la Prévôté de S. Jean prés Dauveiller & Landau. Le Comte d'Hannau, Lichtembourg, les Baillages de Vest, Niterbroun, Hatten, Brumpt, Bouxweiller, Psassenhossen, Vestoffin, les Prévôtez d'Ossendorf & de Leimbourg. Le Baron de Flekenstein, le Baillage de même nom, dont le chef-lieu est à Soultz entre Weissembourg & Haguenau. Le Prince de Vaudemont la Ville de Reickhossen. La Princesse de Furstemberg le Baillage de Marmoutier & la Seigneurie de Ochsenheim. Le Duc de la Meilleraye, les Comtez de Ferrette & de Beffort, la Baronie d'Altkirk, les Seigneuries Dell, Tannes & Isenheim en vertu du don fait par le Roi au Cardinal Mazarin. Le Marêchal Roze la Comté de Palwillier & la Prévôté de Dutwiller. Le Marquis d'Uxelles le Marquisat de Rougemont. Le Marquis de Puisieux Gouverneur d'Huningue la terre de Midernainbron. Le Chapitre de Strasbourg le Baillage de Chatenoy, Erstein & Bersche. Le Magistrat de la même Ville ceux de Becar, Wassellonne, Marlem & Jakirk. Le Sieur de Rottembourg la Seigneurie de Masmunster. La Marquise de Rebé fille du Baron de Montelar autrefois Lieutenant General en Alsace, la Baronie de Hohen, Landsperg & la Seigneurie de Kieustain. Le Sieur Demandris ci-devant Intendant de Dunkerque, le Baillage d'Ensisheim & Keisesberg. Le Sieur Dervar, Maître des Requêtes, la Baronie de Landser. Les heritiers du Sieur Syrlauben Maréchal de Camp la Seigneurie'de Villy. Le Marquis de Vignacourt la Comté de Morimont. Le .... de Turkeim la Prévôté de Schonk. La famille de Gueningue le Village d'Isenheim à présent réuni au Baillage de Germersheim. La famille de Seringuen la Prévôté d'Helsbourg. Le Baron de Valdembourg la Prévôté de Taun, par indivis avec le Chapitre de S. Pierre & la Seigneurie de Berbelsheim. Le S. de la Grange ci-devant Intendant d'Alsace la Seigneurie d'Hatau. Le S. de Peschery Sous-lieutenant de Roi de la Province la Seigneurie de Stafelden. Le S. Burbault les Seigneuries de Grandvillers & de Florimont.
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L'on voit bien par ce détail, que la plupart de ceux qui y sont compris ne résident point dans ce Païs, mais comme cet article est aussi destiné à faire connoître la Noblesse qui y fait son sejour, voici les familles que l'Auteur y ajoute. En Haute Alsace, celle des Barons de Montejoye, très-distinguez, ayant donné des Vicerois de Sicile & des Chevaliers de l'Ordre de Savoye ; elle possedé en Haute Justice & Fief relevant du Roi les Seigneuries de Brobak, Vanstay & Montjoye. Celle des Barons de Remack de Montreuil divisée en plusieurs branches, dont l'aîné possédé les terres divisées de Chevau, le grand Magny, Tumagny, Lutran, Chevau sur l'Etang, Cuveiller & Montreuil & les autres Villes de Hatweiller, Lamocschviller, Fremingue & c. Celle des Barons de Chambourg les Seigneuries de Herlestieim, Soultzback, Niderkekeim, Janglotz : Celle d'Andlau très-distinguée par son antiquité & sa Noblesse, les Villages de Weittenheim, Kengersheim, Niffer, Landau. Celle de Truches, de Reinfeld très-nobles, la Seigneurie de Niderentzen & c. Celle de Zerheim les terres Dornack & de Psasftau. Celle de Schomberg la Seigneurie de Sernay par don du Roi. Celle de Faclenden divisée en plusieurs branches, les Seigneuries de Waldner, Brunckown, Ruisen'thein, Ober, Eplingheim, Bernfeld, Dirmenack & Niderhagenlhat, Nerwailer, Altorss, Schuighausen, Bouroghe, Secrejuts, Berweiller & Haguenheim, il y en a quatre branches Lutheriennes. Celle des Barons de Weissembourg la Seigneurie de la Chapelle. Et le S. Ropp la terre de son nom. Toutes ces Seigneuries sont Féodales, les suivantes sont Allodiales, c'est à dire, susceptibles d'hypothéqués, des dispositions testamentaires & de partage entre les filles. Les Barons de Salkinstein ont substitué aux mâles le village de Fossenheim. La Dame Klug de Bibrack résidente à Besançon qui possedé en Alleu la terre de Lavisheim. Le Sieur d'Andlau le village de Briakin. Les Sieurs de Landembourg le Château de Schap & les bans & finages de Weir. Il y a plusieurs autres familles nobles en Haute Alsace, jusqu'au nombre de 100, reste d'une bien plus grande quantité que les guerres ont fait perir, comme elles ont aussi interrompu & éteint l'Assemblée de leur Directoire, lequel étoit, si non pareil en droit & prérogatives à celui de la Basse Alsace, du moins de très-peu inférieur. Quant à la Noblesse de cette seconde partie de l'Alsace, elle a l'avantage particulier d'avoir autrefois fait Corps avec celle des Cercles de Franconie, de Suabe & du Rhin & d'avoir eu par conséquence séance aux Diettes de l'Empire, mais bien que dans la fuite des tems elle ait negligé de s'y trouver, pour éviter la dépense des voyages & celle des contributions avec les autres Etats de l'Empire, on n'a point cessé de la conserver comme Membre, & en cette qualité les Empereurs l'ont honorée de privileges, exemptions & immunitez, dans lesquelles elle a été expressément reservee par les Traitez de Westphalie & de Nimegue, en conséquence desquels le Roi en a confirmé la possession tant a l'egard des droits Régaliens, dont elle jouït, que de la tenue de son Directoire ou Présidial, dont il a été ci-devant parlé, il y avoit autrefois plus de 700 familles, dont il n'en reste que le petit nombre qui luit. Les Nobles d'Andlau, divisez en trois branches, dont l'une est établie en Haute Alsace, possèdent par indivis la Ville & Vallée d'Andlau, Reschfelder, Walist, Diepoltzeim, Bernhadwillier & c. Les Nobles Baptiste de Bolsentzeim consistent en deux branches. Les Nobles de Berckeim divisez en cinq familles possedent par indivis Gurmheim, Cranssergersheim & Jebsheim. Les Nobles de Bernthold. Ceux de Becrstett consistant en deux freres Seigneurs de la Terre de leur nom d'Obswisheim & de Hipseim. Les Nobles de Burckenvald ne sont aussi que deux freres Seigneurs de Burckenvald & de Pslagriessen. Les Nobles de Book de Blaisheim & Guertzheim. Les Nobles de Boisklin & de Boisklintzaur, divisez en quatre branches, sont Conseigneurs de Bischeim & Obentheim en Alsace & de Roust au delà du Rhin. La Famille de Bouchuc reduite à un seul mâle. Celle de Ettintghem possédé Searach & Bercheim. Celle de Près de Dortal. Celle de Flaxlan en, dont la branche aînée reside en Haute Alsace, & l'autre est attachée aux Evêques de Strasbourg. La Famille de Gaille, dont les Chefs éxercent à présent la Judicature Obernheim & à Haguenau. Celle des Nobles de Geygling attachée aux Comtes de Hannau. Celle de Cremp de Frindenstein. Celle de Hassuner Wasclenheim. Celle de Barons de Haindel ;
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Haindel ; celle de Huffec, de Windeck divisée en deux branches ; celle de Ischtrasheim finie ou prête à finir sans mâle. Celle de Mondolsheim, qui exerce la Magistrature de Strasbourg, celle de Kakincek pareillement, celle de Kippentheim laquelle ne subsiste qu'en une seule tête, celle de Landsperg assez puissante divisée en deux branches, celle de Nuttenheim très-ancienne avoit 22 branches, dont il ne reste qu'une seul tête ; celle de Nervisthein n'a aussi qu'une tête, ainsi que celle de Nidhiemer de Wassembourg ; celle d'Oberkirk en a deux ; celle de Bolzenhauzen divisée ci-devant en deux branches, dont l'une, dite Alapierre, est eteinte sans maies, des biens de laquelle le Roi a fait don au Sieur de Chanlay, & l'autre dite d'Ebenuwer divisée en trois branches qui possedent plusieurs terres par indivis ; celle de Reich de Plats, ci-devant attachée au Cardinal de Furstemberg ; celle des Barons de Reynack ; celle de Bleche de Rottembourg ; celle de Sinidberg ; celle de Streis 0. Immendigen ; ceile de Valo d Altenau ; celle des Barons de Winghen ; celle de Vietersheim ; celles de Wickersheim ; celle de Wombser, de Wendenheim divisée en plusieurs branches ; celle de Woltzel de Marseille, qui a 2 branches ; celle de Zorn qui de 32 branches est reduite à 2, & enfin celle de Zinckmantel. Outre ces familles, la matricule de la Noblesse en contient quelques autres, dont il ne se trouve plus personne, telles que celles de Brotzeim, Bodingheim, Laudemberg, Bellendorf, Kloekler, de Mundesthein & les Barons de Shonau. Il y a quelques familles étrangeres a l'egard de l'Alsace qui possedent des biens dans le district de cette Noblesse, sans être compris dans ion Directoire : telles font, le Sieur de Zedledy, dont la mere est née à Malenheim, les Barons de Truches & de Rheinfeld, les Barons d'Elzenheim, les Barons d'Ulm. Toute cette Noblesse est fort pure, mais communément fort pauvre, dont il y a deux raisons. La premiere est l'usage où elle est de partager les successions de pere & de mere par tete ; la deuzieme, qu'elle ne peut jamais se rétablir par des mariages, dans la necessité où elle est d'éviter les mésalliances, qui leur ferment l'entrée des Chapîtres ; mais il me fâche fort que cette illustre Noblesse éxerce les plus communs emplois de la Magistrature des Villes, cela n'est point en usage en France, à quelques mésalliances qu'on soit sujet. L'Auteur compte encore parmi les Gentilshommes d'Alsace le Baron Stein, le Sieur de Globitz, de Badern, de Disperg, de Saluss, de Winengheim, de Gruin, la Dame de Rathauzen, le Baron de Kribst & les Sieurs de Turckeim, de Lidau, de Hockhausen, delVTakau, & de Graben, quoiqu'ils ne soient pas immatriculez, mais ils sont en réputation de Noblesse, l'Auteur estime le tout à 120 familles.
Detail de la Province & des Villes. Strasbourg.
Il passe ensuite au détail des Villes de la Province en commençant par celle de Strasbourg, qui, selon lui, doit sa fondation aux Romains qui la bâtirent immediatement après que Jules César eut repoussé les Allemands au delà du Rhin dans la guerre contre Arioviste, elle fut des lois destinee au sejour d'une Legion pour la garde du passage, & dans la fuite ils y établirent un Arsenal avec une Manufacture de toute sorte d'armes de fer ou d'acier offensives ou deffensives, casques, cuirasses, boucliers, fleches & c. ainsi cette Ville devint assez considerable pour être regardée comme la Capitale de cette Province, & sous le bas Empire son Gouverneur portoit le titre de Duc, Dux Argentoratensis, parce que la Ville étoit alors nommée Argentuaria. Toutes ces prérogatives n'empêcherent point qu'elle ne fut à la fin enlevée aux Romains par les Allemands : les Empereurs Julien, Gratien, Valentinien la deffendirent néanmoins assez long tems, & même remporterent des victoires signalées contre ces Barbares dans son territoire ; après leur mort l'Empire n'ayant plus de soutien, & toutes les frontieres étant restées ouvertes, les Allemands y revinrent une derniere fois & s'en emparèrent. Ils en étoient en possession lors que Clovisl. Roi de France remporta sur eux la bataille de Zulpich, qui fut l'occasion de sa conversion, le fruit de cette victoire fut la reduction de l'Alsace à son obéïssance, & depuis ce tems-là Strasbourg a fait partie de la Domination Françoise. Dans le partage de Louïs le Debonnaire, elle échut à Lothaire l'aîné d'entr'eux, & après lui à ses enfans jusqu'à ce que sa Maison étant éteinte avec celle de Charlemagne & la Couronne de France étant transportée à une autre famille, toutes les contrées où l'on parloit Allemand furent réünies sous la puissance d'un Empereur de la Nation, depuis lequel tems Strasbourg & toute l'Alsace n'ont point
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reconnu d'autres souverains. Strasbourg rapporte l'origine de sa liberté aux tems de l'Empereur Otton III, après lequel divers Empereurs ont confirmé ces privilèges & lui en ont accordé de nouveaux, entr'autres celui de ne rien payer des contributions communes de l'Empire, le Traité de Westphalie ayant attribué au Roi la Souveraineté de l'Alsace en l'année 1648 ; il ne s'est pas d'abord fait reconnoître dans la Ville de Strasbourg, sa minorité & l'embarras des differentes guerres où il a été engagé, l'ayant obligé de suspendre ses prétensions ; mais le Traité de Nimegue de l'année 1678. l'ayant mis en état de faire valoir ses veritables droits, il obligea en 1681. le Magistrat de cette Ville, non seulement de reconnoître sa souveraineté, mais encore de donner entrée à ses Troupes, de recevoir Garnison Françoise & de rétablir le Culte Catholique. Depuis cela on n'a rien oublié pour augmenter les fortifications de cette Place, l'on y a bâti une Citadelle de 5 bastions avec un Fort à la tête du Pont, nommé le Fort de Kell, plusieurs Fortins dans les Isles, & deux Redoutes aux principales Portes. La Ville renferme 3 200 maisons, 11300 familles & 23000 habitans, elle est bien percée & bien bâtie, le Commerce y fleurit dans le tems de paix, le peuple y est doux & bon, ne connoissant ni l'ambition des honneurs ni l'avidité des richesses ; chacun ne cherche qu'à vivre doucement & librement dans sa Profession, sous l'obéïssance des Loix reçues. Tout le monde depuis le Magistrat jusqu'au dernier y éxerce un métier, ce qui fait qu'il y a très-peu de pauvres, comme par la raison précédente il y en a peu de bien riches. La Religion y est établie par l'autorité des Loix, & la Lutherienne, fort differente néanmoins de celle du reste de l'Allemagne, n'en ayant pris aucune cérémonie a reduit le tout à un rite très-simple. Les Catholiques, au nombre de 1000 familles, sont étrangères ou nouveaux converties, car il faut dire que depuis que le Roi a ordonné que la Magistrature seroit alternative entre les Lutheriens & les Catholiques, plusieurs de ceux qui y aspiroient ont changé de Religion dans la vûë d'y parvenir, ce n'est point une médisance, chacun sçait l'usage d'Allemagne, où l'on se resout assez aisément à suivre la Religion du Souverain. Les Calvinistes qui ont un Prêche hors de la Ville y sont environ 1500 personnes, la plûpart étrangers, & tous par les Loix éxclus de la Magistrature. Le sixième Article de la Capitulation de Strasbourg porte éxpressément, que tous les Bourgeois demeureront éxempts de toute forte de contributions, & que le Magistrat aura l'entiere disposition de celles qui étoient établies dans le Gouvernement, & de tous les revenus de la Ville, comme ils faisoient au tems de la liberté, pour l'employer aux besoins publics & payer les charges ordinaires, cependant ils se sont assujetis à payer annuellement au Roi 90000 l. moitié pour la continuation des lettres de repit qui leur ont été accordées pour la surséance du payement des dettes publiques, & l' autre moitié en consideration de la confiscation des sommes principales, qui étoient dûës par la Ville aux Etrangers non sujets du Roi. Outre cet impôt, les Fermiers du Domaine ont un Bureau, où on acquitte les droits d'entrée & de sortie de la Ville pour toutes les marchandises qui passent dans la Province, mais on n'y paye rien pour celles qui entrent aux termes de la Capitulation. Les revenus dont les Magistrats ont la disposition sont de deux espèces, la premiere consiste aux droits qu'ils levent sur le bled & le vin qui entrent dans la Ville, sur la moulure des grains tant pour le pain que pour la bierre, & sur le pied fourchu, la taille des Bourgeois & le droit de demeure pour les Etrangers, les péages du Pont du Rhin, la vente du sel, & enfin le revenu des Baillages qui appartient à la Ville, dont la recette se fait par les Officiers des lieux. Tous ces deniers sont réunis au Trésor public entre les mains d'un Trésorier, 3 notables Bourgeois & 2 Greffiers, lesquels rendent compte de leur recette toutes les semaines en pleine Assemblée, le total de ce revenu a monté en tems de Paix jusqu'à 500000 l. mais il est fort diminué depuis la guerre, tant par la cessation du Commerce, que par la mauvaise regie qui a été faite des droits de la Douanne & des péages du Pont. La dépense consiste I°. au payement de 90000 l. dûës au Roi dont il a été parlé ; 2°. A celui de 96000 l. pour les intérêts des sommes capitales qui sont dûës aux sujets du Roi, lesquelles sont acquittées sans jouïr de l'avantage des lettres de repit ; 3°. au payement des appointemens des Officiers & gratifications annuelles, qui se sont aux
eMagistrats,
eMagistrats, qui monte à 50000 l. 4°. à l'entretien des bâtimens publics, y compris c lui des anciennes gratifications, pourquoi il se consomme 80000 l. 5°. au payement des 40000 l. faisant partie des 500000 l. accordées au Roi pour la suppression des Charges de nouvelle création dans la Province. Ces articles ne montent en total qu'à 3 70000 l. ainsi comme il y a encore du revenant bon, il est d'usage de l'employer quand il s'en trouve au raquit de quelque capital des dettes de cette Ville. A l'égard de la vente du sel, il est bon ici d'éxpliquer que le Magistrat a droit de l'acheter où il lui plait, il le tiroit ci-devant des salines du Tirol, mais à présent il le fait venir de Lorraine, où il ne lui revient en achat & frais de voiture qu'à 16 l. la mesure, qui contient environ le tiers du muid, il le revend aux Bourgeois 281.16s. ce qui fait un profit annuel d'environ 60000 l. sur lesquelles le Magistrat acquitte les intérêts de 300000 l. qu'il a emprunté durant la guerre en hypothéquant ses magasins. La seconde espèce de revenu de la Ville de Strasbourg, est celui qu'elle tire des biens Ecclésiastiques, dont elle s'est emparée, lequel monte année commune à 100 ou 120000 l. la proprieté de ces biens lui a été abandonnée par le Traité de Munster, ainsi qu'aux autres Protestans de l'Allemagne, & ils sont appliquez 1°. au Grand Hôpital ; 2° à celui des Verolez ; 3°. à la maison des orphelins ; 4°. à l'Hôpital des pelerins ou passans ; 5°. à la fondation de S. Marc, où se distribuent les aumônes aux pauvres honteux, & enfin à l'établissement des basses Classes, à l'entretien des Docteurs, des Ministres, d'un Séminaire pour les jeunes Prédicans & d'un certain nombre de pauvres écoliers, il est certain que rien n'a plus apporté de profit à la Ville que l'établissement de ce College en forme d'Université, à cause du grand abord de Jeunesse de toute condition & de toutes les parties de l'Allemagne, & même de Dannemarc & de Suede ; on espere qu'à la paix elle deviendra aussi florissante que par le passé, sur tout si l'on continue d'y enseigner les exercices militaires à la jeune Noblesse. Il sembleroit que la situation de Strasbourg dans le Païs du monde le plus fertile, & au bord d'une grande riviere qui favorise son Commerce jusques en Hollande & en Angleterre, devoit la peupler de riches négocians, toutefois il s'y en trouve fort peu 1°. parce que nul Marchand ne peut faire un commerce pour son seul compte à peine d'amende ; 2°. parce que tout habitant de Strasbourg est obligé de donner chaque année un état au vrai de ses biens mobiliers & immobiliers, à peine de confiscation de ce qu'il n'auroit pas éxprimé ; cet ordre, qui est établi pour le reglement de la taille Bourgeoise, empêche qu'ils ne soient aussi actif pour leur profit qu'on Test ailleurs ; 3°. enfin parce que la navigation du Rhin n'est pas aussi avantageuse qu'on le pourroit croire, le grand nombre des péages qui ont été établis depuis la guerre de Suede, dans les Souverainetez que ce fleuve arrose, augmentant les fraix de la navigation au point de les égaler à ceux des voitures de terre, c'est pourquoi si d'une part les Bourgeois sont aisez & vivent commodément, de l'autre les moyens de faire une grosse fortune semblent leur être tout à fait ôtez, aussi ne paroit-il pas qu'ils ayent aucune envie de parvenir, ne songeant tous en general qu'à vivre doucement & en tranquillité.
La Ville de Colmar située au milieu de la plaine d'Alsace près de l'Ill & à une grande lieuë de la montagne, étoit autrefois Imperiale : elle est composée de 800 maisons, contient 1078 familles & 7142 personnes, le Roi, s'en étant rendu maître en conséquence du Traité de Munster, en fit raser les fortifications en 1673. à cause du voisinage de Brissac. Cette Ville que quelques-uns croyent bâtie des ruines de l'ancienne Argenîuaria, fut autrefois le théatre de la victoire remportée furies Allemands par l'Empereur Gratien, depuis ruinée par Attila, & enfin soumise par Clovis aux François, elle n'étoit pas alors à l'endroit qu'elle occupe à présent, mais au lieu où George Duc de Wirtemberg fit bâtir en 1543. le Château de Hosbourg de l'autre côté de l'Ill, elle fut environnée de murailles sous le Regne de Frédéric II. par ses ordres & par le Ministere de Volfelny, lors Prefet de Haguenau, elle séconda sous le Regne d'Albert I. la révolte d'Adolphe de Nassau, & par une fuite de la guerre fut ruinée une quatrième fois, puis rétablie par le même Adolphe, son Gouvernement est entre les mains d'un Prêteur Royal, de six Bourguemaîtres, un Syndic
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& 20 Conseillers, qui rendent la Justice aux Bourgeois & jouissent environ de 45000 l. de rente pour tous deniers patrimoniaux, c'est à présent le Siége du Conseil souverain d'Alface, qui a été transporté depuis la cession de la Ville de Brissac en conséquence du Traité de Riswik.
Fribourg. Beffort. Huningue. Scelestat.
Brissac, en Latin Mons Bristacus, Capitale du Païs de Brisgau auquel elle a communiqué son nom, est bâtie sur une élévation à la droite du Rhin, elle doit sa premiere fondation aux Romains qui pour la seureté de leurs frontieres avoient élevé plusieurs Châteaux en deça & au de-là du fleuve. l'Empereur Otton I. l'assiégea & la prit sur un Prince révolté contre lui, nommé Eberard Duc de Franconie & la rendit Impériale ; Hermand DucdeSuabe la ruina sous le regne de Henri II, comme plusieurs autres Villes de cette Province ; Othon IV. y trouva un refuge dans les guerres qui lui firent à la fin perdre l'Empire, mais elle est devenuë dans ces derniers tems encore plus considérable, parce qu'on a mieux reconnu l'éxcellence de sa situation, le Duc de Veimar la prit pour le Roi en 1638. après un long blocus, mais le Traité de Munster en ayant asseuré la possession à la France le Roi a pris plaisir d'en augmenter & perfectionner les fortifications, qui la rendent aujourd'hui l'une des plus fortes Places de l'Europe, c'est un rocher environné de 8 hauts grands bastions du côté de la terre & de plusieurs dehors defendus avec avantage par la hauteur. Le côté qui est arrosé par le Rhin est inaccessible, mais de plus on a fortifié toutes les Isles & construit une nouvelle Place en deça du Rhin, laquelle est enceinte par onze bastions réguliers & deux pieces isolées qui renferment des écluses, au moyen desquelles on peut inonder les environs. La Ville de Brissac contient 500 maisons, 800 familles & 4000 habitans : son Magistrat, qui rend la justice dans son district jouït de 28000 l. de revenus, qui sont les deniers patrimoniaux de la Ville, cette Place ayant été renduë à l'Empereur par le Traité de Riswik a été reconquise avec beaucoup de gloire par Monseigneur le Duc de Bourgogne, au commencement de cette nouvelle guerre. Fribourg en Brisgau a été bâtie en 1120. par Bathold Duc de Zeringh & depuis possedée par les Ducs de Furstemberg, de qui elle a passé à la Maison d'Autriche, le Maréchal de Crequi s'en empara pour le Roi en 1677. & le Traité de Nimegue lui en asseura la possession, à laquelle néanmoins il voulut renoncer par le Traité de Riswik, dans l'intervalle de sa possession il a fortifié cette Ville de huit bastions Royaux bien revétus de fossez très-profonds & de plusieurs dehors, mais la principale fortification est le Château bâti sur la montagne, il a six bastions & plusieurs redoutes pour l'asseurer contre les vûës de revers, l'attaque n'en peut être que très-difficile par l'avantage de la situation, on compte 800 maisons dans cette Place, environ 1000 familles & 4000 Catholiques, elle est gouvernée par un Magistrat qui a 32000 l. de revenu. Bessort est situé au passage d'Alsace en Franche-comté, au pié d'une montagne qui la commande, le Roi y a fait bâtir quelques fortifications, qui la rendent très-importante, la Ville est peuplée de 160 familles & environ 700 ames gouvernées par un Magistrat, dont les revenus communs ne vont qu'à 8 ou 10000 l. le Duc de la Milleraye est proprietaire de tout le Domaine & environs. Huningue, qui n'étoit qu'une simple redoute de maçonnerie élevée au bord du Rhin à la portée du canon de Basle, a été construite par le Roi qui en a fait une Place considérable, quoiqu'en effet elle soit très-petite, étant renfermée par cinq Bastions, il n'y a que 80 maisons, 120 familles & 500 ames gouvernées par un Magistrat qui a 4500 l. de revenu. Le Pont du Rhin est asseuré par deux beaux ouvrages, l'un dans une Isle & l'autre au de-là du fleuve. Scelestat Ville ancienne, autrefois nommée Helvetum & Heluba, fut ruinée par Attila, & n'a pû se remettre de sa chûte que dès le XIII. Siécle, par la protection particuliere de l'Empereur Frédéric II, il la fit fermer de muraillesen 1216. & fit des fondations dans l'Eglise de Ste. Foi, à présent possedée par les Jesuites, cette Place fut rasée en 1677, depuis relevée & ensuite rendue une des meilleures de la Province. Un marais impratiquable l'asseure d'un côté, & de l'autre elle est ceinte de six Bastions Royaux avec de beaux dehors, on y compte 700 maisons, 1100 familles & 5000 habitans gouvernez par un Magistrat qui a 3 6000 l. de revenu : cette Ville étoit Impériale avant le Traité de Munster, on y voit encore une fort belle Eglise qui sert de sepulture à plusieurs Doctes
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Ensisheim. Ribauvillier. Gebveiller Sultz. Keisesberg.
qui ont voulu y être inhumes. Ensisheim autrefois Capitale de la Haute Alsace & le siége de la Regence d'Autriche, avoit été précédemment le lieu de la résidence des Ducs d'Allemagne, il n'y a rien à présent digne de remarque particuliere que sa belle situation & le College des Jesuites, on y compte 200 maisons & 1200 habitans, le Magistrat n'a que 3000 l. de revenu. Rapoltzweiller, en François Ribauvillier, est le chef-lieu d'une Comté ancienne mouvante de l'Evêché de Baste, qui a été possédée pendant plusieurs Siécles pour l'illustre Famille de Rapolstein, éteinte dans les mâles, en 1650. le Roi en a donné l'investiture au Prince de Boikenfeld, dont la mere étoit fille du dernier mâle ; il y a 350 maisons, 500 familles & 2200 habitans, dont les deux tiers sont Luthériens, le Magistrat n'a que 2500 l. de revenu. Gebveiller petite Ville appartenante à l'Abbaye de Murback n'a rien de remarquable qu'un ancien Château, autrefois residence des Abbez, on prétend que les Bourgeois avoient plusieurs immunitez, par concession des Empereurs & des Seigneurs particuliers, énoncées en des Chartres authentiques, qui leur furent enlevées la nuit du jour de S. Martin 1448. par leur Abbé, les Suedois prirent cette Ville en 1634. & la ruinerent, il y reste 250 maisons, 230 familles & 14 à 1500 ames. Sultz est une petite & très-jolie Ville dépendante de l'Obermandat de Ruffac, les vins de son territoire sont éxcellens, il y a 200 maisons & 1200 ames, le Magistrat a 5000 l. de revenu. Keisesberg, petite Ville très-pauvre & très-jolie située dans le meilleur vignoble d'Alsace, a été environnée de murailles par Frederic II. qui la rendit Ville Impériale ; elle a souffert des malheurs infinis pendant les guerres de Lorraine & de Suede, & même durant celles de France dans les années 1674 & 1675, ayant été différentes fois pillée & brûlée des deux partis, il n'y reste que 1100 habitans, qui n'ont encote pû se relever de leurs disgraces passées.
Roussac. Tannes. Obernheim Molsheim.
Rouffac, Capitale de l'Obermandat, appartient à l'Evêque de Strasbourg, en c séquence de la donation du Roi Dagobert, dont il a été ci devant parlé, on y voit encore sur la montagne les restes du Château d'Issembourg que ce Prince avoit fait bâtir, & où son fils le Roi Sigebert II. prit naissance ; cette Ville a été plusieurs fois brûlée pendant les guerres des Empereurs Henri IV. & Philippe de Suabe dans les années 1364. & 1374, les Anglois la prirent en 1416, & tant de malheurs l'avoient presque détruite jusqu'en 1536 que Guillaume IIÍ, Evêque de Strasbourg de la Maison des Comtes de Holstein, en entreprit le rétablissement & la ferma de murailles, elle fut prise d'assaut en 1634. par les troupes du Rhingrave, reprise par les Imperiaux après un gain d'une bataille sur les Lorrains, & enfin surprise par escalade par le Gouverneur François de Colmar, elle contient à présent 350 maisons, 500 familles & 2500 habitans, son Magistrat jouït de 7500 l. de revenu. Tannes petite Ville du Sungau & à l'entrée de la Vallée de S. Amari, n'a rien de considerable que les bons vins de la montagne de Rang, qui se debitent à Baste, elle contient environ 2000 ames dans 350 maisons, le Magistrat n'a que 3500 l. de revenu. Obernheim, autrefois Ville Imperiale située dans les vignobles au pié des montagnes, est à 5 lieuës de Strasbourg, les habitans y sont au nombre de 3000 en 600 familles toutes Catholiques & fort aisées le Magistrat a 12 à 13000 l. de revenu. Molsheim à quatre lieuës de la Ville de Strasbourg appartient à l'Evêque de Strasbourg, le Chapître de la Cathedrale y fixa son séjour en 1605 sous le Cardinal de Lorraine, & les Chartreux s'y établirent pareillement, ayans été chassez de Strasbourg aussi bien que l'Evêque & le Chapître ; cette Ville doit ce qu'elle est aux bienfaits de Jean Erpheim, Suisse de Nation & Evêque de Strasbourg, c'est lui qui a fait bâtir le Château & fondé l'Hôpital, des biens duquel les Jesuites jouissent à présent, ils ont une fort belle Eglise en cette Ville, elle contient d'ailleurs 300 familles & environ 1500 personnes. Rosheim aussi autrefois Impériale, dont la Préfecture qui est un Fief Impérial, appartient a la famille de Rinnel, située à 1 lieuë
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Saverne. Haguenau. Le Fort Louis Veîsembourg. Landau. Auveiller. Philisbourg.
de la précédente, il y a 280 familles & 11 à 1200 ames, le Magistrat a 5000 l. de revenu, Saverne, résidence ordinaire des Evêques de Strasbourg, est située au pié des montagnes sur le passage de Lorraine qui va à Shalsbourg, l'Evêque Egon de Furstemberg y a fait bâtir un Château magnifique qui n'est pas achevé, la Ville contient environ 1500 ames & le Magistrat a 4500 l. de revenu. Haguenau, autrefois Ville Impériale & Chef de dix autres dont il a été parlé, n'étoit qu'un Village avant que l'Empereur Barberousse l'eut fait entourer de murailles, elle a été si florissante que les Archiducs y ont fait long tems leur résidence, on prétend néanmoins qu'ils n'y ont été attirez que par la commodité de la chasse ; quoiqu'il en soit, les guerres l'ont absolument ruinée, elle n'a plus qu'une feule muraille, il y reste 4000 familles très-pauvres ; le Magistrat, qui étoit autrefois composé des Nobles, auxquels on a substitué des Bourgeois à cause de leur mauvaise administration, n'a que 3000 l. de revenu. Le Fort Louïs est une Place nouvelle que le Roi a fait bâtir dans une Isle du Rhin, elle n'est que de 4 bastions, il y avoit deux ouvrages aux deux bouts du Pont qui est sur le Fleuve, mais en éxecution du Traité de Riswick, celui qui étoit sur les terres de l'Empire a été rasé & le Pont de ce côté-là détruit, comme l'Isle, où ce Fort étoit situé est assez grande, il s'est habitué quelque peuple dans la partie haute, on y compte 150 maisons & 800 ames qui sont gouvernées par un Magistrat qui jouït de 4000 l. de revenu en conséquence des ottrois que le Roi a accordé à cette Habitation. Veisembourg sur la Louter est située dans un terroir agréable & fertile, sur tout en châtaignes. Dagobert fonda la célébré Abbaïe qui est à présent changée en un Chapitre de Chanoines, on prétend aussi qu'il en fit bâtir l'Eglise qui est belle, Frédéric Barberousse fit entourer la Ville de murailles en 1164. & la rendit Imperiale, elle a beaucoup souffert depuis la guerre, il y reste 385 familles & environ 1300 personnes, le Magistrat a 12000 l. de revenu. Landau, qui est la plus considérable Ville de la Basse Alsace, autrefois Imperiale de la Prefecture de Haguenau, est située dans le meilleur terrain de la Basse Alsace, toute environnée de Prairies, de Villages & de Bourgs. On prétend qu'elle doit son origine à un Langfrid Duc d'Allemagne vivant en 750. & célébré par la longue guerre qu'il soutint contre Charles Martel & son fils Pepin, lequel unit trois Bourgs contigus pour former cette Ville à laquelle il donna son nom, le Roi l'a rendue une des plus fortes places, de l'Europe, l'ayant entourée de 8 gros bastions & de plusieurs dehors, ce qui n'a pas empêché qu'elle n'ait été prise & reprise differentes fois pendant la derniere guerre, elle est à présent au pouvoir des Allemands, on y compte 700 maisons, 2800 habitans tous Lutheriens, le Magistrat jouït de 3200 l. de revenu. Auveiller est située à deux lieuës de Landau sur la même Riviere, au pié d'une montagne où l'on voit les ruines d'un très-ancien château nommé Trifeles : cette Ville autrefois Imperiale appartient aux Ducs des Deuxponts. Ce qui la rend considerable est sa situation sur le passage de France & de Lorraine, il y a une Manufacture de draps & plusieurs Marchands Tanneurs ; on y compte 150 maisons seulement, 250 familles & environ ÍIOO habitans, le Magistrat a 2400 l. de revenu. Philisbourg au de-là du Rhin n'est plus au Roi qui l'a cédée par le Traité de Riswick, c'est une place très-bien fortifiée de 7 gros bastions & de plusieurs ouvrages qui occupent le terrain qui la separé du Rhin, elle a été prise & reprise plusieurs fois dans les guerres précédentes, le siege qu'y mit le Maréchal Montecuculy en 1676. dura 80 jours de tranchée ouverte, Monseigneur le Dauphin la reprit en 1688, en 29 jours, il n'y a que 80 ou 100 maisons dans la Ville, le Magistrat n'a que 2000 l. de revenu, le Domaine appartient à l'Evêque de Spire, elle occupe le passage, seul facile pour entrer dans l'Allemagne avec une armée. Il y a encore dans l'Alsace deux Châteaux considérables, Lichtemberg, à 9 lieuës de Strasbourg assis sur une montagne & très-bien fortifié, est consi-
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deré comme un poste important, le Roi y entretient une Garnison & un Etat Major. Landscroon sur la frontière de Suisse est aussi fortifié, & il y a toûjours une Garnison de deux ou trois Compagnies. Il reste une quarantaine de petites Villes ou gros bourgs qui occupent les plaines d'Alsace ou le pié des montagnes, dont le detail seroit inutile, elles sont toutes gouvernées par leur Magistrat ainsi que les précédentes, sur quoi il faut observer. I°. A l'égard des revenus des Communautez que tous ceux des Villes de la Haute Alsace ne montent qu'à 134555 l. que celles de la Basse jouissent en total de 210397 l. de sorte que toutes ces Communautez ensemble, non compris la Ville de Strasbourg, n'ont que 344952 l. de revenu fixe, ou annuel. 2°. Que tous les Magistrats étoient perpétuels avant l'année 1684, où le Conseil du Roi rendit un arrêt qui, confirmant les anciens Magistrats dans leurs Charges, ordonne que les places vacantes seroient à l'avenir employées par élection, comme il se pratiquoit en France avant que l'heredité fut introduite dans les Corps des Villes ; ces Elections se doivent faire de trois ans en trois ans, sans préjudice toutefois de la liberté qu'ont les Electeurs de continuer le Magistrat dont le Public est satisfait.
Des moeurs du Peuple.
L'Auteur parle ensuite & passe à quelques considérations generales. 1°. A l'égard des moeurs du Peuple, dont il est dit que le dessaut commun est d'aimer trop le vin & la joye, il n'omet pas non plus son indifference pour le bien & son trop grand attachement à une vie douce & aisée, surquoi l'on pourroit dire que si ces dernieres qualitez doivent passer pour des vices, l'ançienne Morale est bien changée, Il ajoute que les peres les plus riches sont toûjours apprendre des métiers à leurs garçons, & que quand ceux-ci se marient, ils ne les avantagent jamais plus que de 3 ou 4000 l. voulans qu'ils éxercent leurs talens & qu'ils s'accoutument à une vie simple & commune ; à l'égard de leurs filles, ils les marient ordinairement avec très-peu d'argent à des personnes de même profession & condition qu'eux mêmes. Leur ambition pour la Magistrature n'a d'autre objet que la prééminence & nullement le désir de dominer & de s'enrichir. La Noblesse s'habille à la Françoise & l'on peut juger qu'ils aimeroient l'éclat & la depense s'ils étoient en état de la soutenir. 2°. L'Auteur explique nettement les vûës secrètes qu'il a, comme Ministre d'une Monarchie, pour la suppression de tout le reste de liberté dans la Province ; il trouve donc que, dans la Magistrature des Villes d'Alsace, & particulièrement celui de Strasbourg, il reste trop de traces d'un Gouvernement Republicain, il dit que cela n'est bon qu'à conserver dans l'esprit de ces Peuples l'idée de leur ancien état, & que, comme il est trèsnecessaire de leur faire perdre jusqu'à la plus legere esperance d'y rentrer, on a fait très-prudemment dans les petites Villes d'abolir l'autorité des Magistrats perpétuels, mais il reste selon lui le principal à faire, qui est d'anéantir la même autorité dans la Ville de Strasbourg, & pour cela il suggere, comme le meilleur & plus court moyen, la suppression de ce grand nombre de Conseils, & de Magistrats appeliez au Gouvernement, le Grand Sénat suffiroit à ce qu'il prétend & l'on épargneroit par-là les deniers de la Ville, dont on pourroit faire d'autres usages à discrétion. Il dit que, quoique les personnes qui composent le Conseil Souverain d'Alsace soient de très-honnêtesgens, la maniere lente & pesante dont ils rendent la Justice est fort à charge au Public, & que la rareté de leur audience aggrave les fraix, obligeant les parties d'écrire & de produire dans les moindres instances. 4°. Que la regle la plus generale & la plus sure que l'on puisse se proposer pour les impositions qui sont à faire pour la Province, est de bien examiner ce qu'elle peut porter selon ses véritables Forces, & d'en faire la répartition tout à la fois, sans y revenir à diverses reprises ; il ajoute que ces Peuples veulent sçavoir sur quoi ils peuvent compter, que l'inquietude des affaires auxquelles ils ne sont point accoutumez les désole, & qu'enfin le peu d'attachement qu'ils ont aux richesses justifie suffisam-
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ment leur impuissance quand ils ne payent pas leurs taxes dans le teins préscript –, iî ajoute qu'il n'y a aucune Province dans le Royaume qui ait fourni des impositions durant la guerre avec tant de ponctualité & ; d'exactitude que celle-cy, quoiqu'il soir certain qu'elle a payé bien au dessus de ses Forces. L'Auteur asseure que le rétablissement des Chanoinesses Catholiques dans l'Eglise de S. Etienne de Strasbourg Feróic Une oeuvre digne de la pieté du Roi & qui deviendroit très-agréable aux Gentilshommes du Païs, en procurant une subsistance honnête à leurs filles, lesquelles sont d'ailleurs très-malheureuses pour la plûpart. Le moyen en seroit aisé, puis qu'il n'y auroit qu'à retrancher les 4.000 l. de rente, dont la Ville jouït, du fond de cette Maison ancienne, telle part que le Roi trouveroit convenable pour eh faire une nouvelle fondation. 6°. L'Auteur sait voir que la cession des Places d'au de-là du Rhin portée par le Traité de Riswick, loin d'être désavantageuse à l'Alsace, est très-utile au Roi, lequel dépensoit beaucoup à la Garde de ces Villes éloignées, au lieu desquelles il se trouve confirmé dans la propriété d'une belle Province, laquelle, étant ménagée avec prudence & tempérament, lui rend tout ce qu'elle peut valoir sans l'engager à aucuns frais extraordinaires. 7°. A l'occasion de cette matière, l'Auteur s'engage à discuter le fondement de la Souveraineté que le Roi éxerce dans l'Alsace, & il remarque qu'avant le Traité de Westphalie qui est le principe de son droit, il y avoit trois fortes de puissances dans la Province reconnues légitimes. 1°. La Seigneurie simple dont les droits exercez par les possesseurs des Fiefs qui ne peuvent être que Nobles & qui relevent d'autres Princes ou Seigneurs, à peu près comme il est pratiqué en France. 2°. La Seigneurie territoriale qui appartenoit à tous les possesseurs des terres relevant immédiatement de l'Empire, laquelle approchoit fort du droit de Souveraineté, à l'éxception du droit de faire battre monnaye, dont quelques-uns étoient en possession, Strasbourg & les autres Villes Impériales jouissent de cette espèce de Seigneurie dans leur Territoire. 3. La Souveraineté & Suprême Domaine, qui ne réside pas tant dans la puissance Imperiale que dans tout le Corps de l'Empire, en sorte que forte que les Seigneurs immédiats d'Alsace, qui en étoient des Membres participoient eux-mêmes à cette autorité superieure. La Paix de Westphalie contient une cession au Roi & Couronne de France de toute l'Alsace, qui lui est faite par l'Empire & la Maison d'Autriche. SS. Imperator. Mais l'expression qui a été employée est sujette à differentes explications, on convient toutefois que la supériorité territoriale, dont la Maison d'Autriche étoit en possession, a été pleinement cédée & même avec droit de Souveraineté par l'intervention de l'Empire, la principale contestation a roulé sur la préfecture de Haguenau, que l'on soutient n'être qu'une Dignité honorable & utile jusqu'à un certain point, parce qu'encore que les Villes qui y étoient soumises prêtassent ferment aux Baillifs, le Bailli de sa part juroit de les maintenir dans leurs droits & privileges, dont celui de la supériorité étoit le premier.
Quant aux autres Etats de l'Alsace qui n'étoient point du domaine de l'Alsace, le Chrijìiniajsimus Rex teneatur, fembloit les maintenir dans tous les droits usitez. Les choses étant en cette ambiguité, le Conseil d'Alsace rendit deux Arrêts le 22 Mars & 9 Août 1680, qui ont ordonné la réunion de tous les lieux exceptez par le Teneatur, & cette réunion a produit l'extinction absoluë de la superiorité territoriale dans les endroits où elle avoit été conservée, sans que le Roi ait depuis été troublé dans sa possession, mais comment l'auroit-il été puis que les seuls perdans ne se sont pas trouvez en état de contester ni de s'opposer à la réunion. Il est vrai que le Traité de Riswick donne un nouveau prétexte de dire que les réunions jugées précédemment, dont la cessation n'est pas éxprimée, doivent subsister au profit du Roi, puis que ce qu'il possédé en Alsace lui tient lieu d'équivalent pour les choses qu'il a
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bien voulu restituer à l'Empire, & c'est sans doute la plus forte raison qu'on employé pour établir le droit Souverain du Roi, dans l'étenduë que l'on lui donne aujourd'hui, mais on répond que ceux qui perdent leur Souveraineté effective n'ont point été appeliez à ce Traité & que les restitutions faites à l'Empire n'ont point dû être payées d'un équivalent, outre que les Princes particuliers d'Allemagne n'ont aucun droit de disposer des Etats & Seigneuries des Souverains d'Alsace sáns leur consentement. Quoiqu'il en soit, la Souveraineté réelle de sa Majesté est perfaitement établie, même dans la Ville de Strasbourg, où le genie Republicain domine le plus, l'Auteur remarque en cet endroit, que quoique les Magistrats employent avec profusion les termes de respect, de zèle & d'affection, ils se menagent davantage sur celui d'obéïssance, & reduiroient volontiers en negations tous les ordres qui leur sont donnez de la part du Roi ; sentiment, qu'il croit nécessaire d'abattre autant qu'on le pourra sans presser néanmoins les choses à contretems, mais profitant avec prudence des conjonctures qui se rencontreront à l'avenir. 8°. Ainsi tout ce qu'on peut nommer droit Seigneurial se reduit à présent à l'usage des fiefs dans leurs différentes mouvances, sur quoi l'Auteur, pour une éxplication plus étendue de ce qu'il en a déja dit, établit les distinctions suivantes, I°. des fiefs immediats qui relevent à présent de la Couronne, 2°. des fiefs ou arriere-fiefs & ceuxci sont encore de deux espèces, fiefs propres & fiefs oblats. Les oblats sont ceux qui étant naturellement allodiaux sont devenus sujets par la volonté des proprietaires, lesquels s'en étant dessaisis entre les mains des Seigneurs immédiats, les ont repris d'eux aux conditions éxprimées dans les investitures : les fiefs propres sont des demembremens des fiefs immediats qui ont été accordez à certaines conditions semblablement éxprimées dans les investitures. Ces conditions se reduisent pour l'ordinaire à deux, la premiere est le service en armes de la personne avec certain nombre de vassaux, & cette condition éxclud nouvellement les femmes & les Ecclésiastiques de la possession des fiefs, il y a toutefois quelques fiefs éxceptez où les filles sont appellées à la succession au desaut des mâles, mais cette espèce est fort rare ; la seconde est la reversion du fief au Seigneur dominant, faute de posterité masculine, cette condition éxclud les intentions des Collateraux, les aliénations, les ventes, les adjudications par decret de toute forte d'hypotheques contraires sans le consentement du Seigneur dominant. Si cette condition est incommode d'une part aux Proprietaires, puis qu'elle les reduit à la simple jouissance des revenus, elle est de l'autre fort avantageuse aux familles, puis que les enfans rentrans toûjours quittement dans la succession de leur pere en prenant l'investiture du Seigneur dominant, les veuves n'ont pas même d'hypothéqués sur ces sortes de biens, pour leurs conventions matrimoniales & sont reduites à une simple subsistance quand il n'y a point de biens allodiaux dans une famille, le droit qu'a le Roi en conséquence de cet usage de disposer des fiefs qui relevent de sa Souveraineté, avenant le cas de la vacance, est un des plus beaux qu'il y éxerce, il pourroit en conséquence les réunir à son Domaine utile, n'y ayant rien dans la jurisprudence du Païs qui y soit formellement contraire, toutefois ce n'est pas la coutume, & jusqu'à présent il en a accordé le don en entier aux personnes qu'il a choisies. 9. Il reste à faire une seconde observation au sujet des païsans qui vivent dans la dépendance des fiefs. Avant que l'Alsace fut au Roi ils étoient obligez de faire des corvées de bras & de chevaux toutes les fois qu'ils en étoient requis par le Seigneur, soit que ce droit fut une émanation de la superiorité territoriale ou un profit utile attaché à la Seigneurie. L'un des premiers changemens qu'on ait fait dans la Province a été la reduction des corvées illimitées à cinq seulement pour le cours d'une année, qui sont payées en essence ou en argent à raison de 15 s. par cheval & de dix par personne au choix du Seigneur,
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Les terres du Duc Mazarin, où cette reformation n'étoit point pratiquée, viennent d'y être assujetties par un arrêt. Mais à l'égard de la Basse Alsace, la chose est fort differente, les corvées dûës à la Noblesse immédiate sont réglées à douze par an payables en essence ou en argent au choix du Seigneur, celles dûës aux Gentils-hommes qui ne sont point du Corps de cette Noblesse, sont fixées à dix par an, mais l'option du payement en essence & en argent est reservée au païsan, il faut observer à l'égard des uns & des autres que le païsan qui paye corvée de son cheval est libre de sa personne hors dans la dépendance de l'Evêché de Strasbourg, où le païsan paye douze corveés en sa personne, & sept seulement de son cheval en essence ou en argent, au choix de l'Evêque ou de son Receveur.
EXTRAIT DU MEMOIRE DE LA Generalité ou Departement DE FLANDRES. Dressé par ordre de Monseigneur le DUC DE BOURGOGNE en 1698. Par Monsieur..... Intendant.
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Ses bornes. Histoire de la Flandres.
LA Flandre entiere a pour bornes au Midi le Hainault & une partie de la Pi-cardie, au Levant entre le Hainault & le Brabant, au Nord la Mer d'Allemagne avec l'embouchure de l'Escaut que l'on appelle le Hom, qui la sep de la Zelande, & au Couchant la Mer Britannique avec une partie de la riviere d'Aa qui la separe de l'Artois, & des Gouvernemens de Calais & de Boulogne. On divise la Flandre en trois parties, la Flandre Flaminguante, où l'on parle Flamand, la Flandre Gallicane où l'on parle François, la Flandre Impériale à cause d'Alost qui relevoit des Empereurs. La premiere est contenuë depuis la Mer du Nord jusqu'à Lille, ses Villes sont Gand Capitale, Bruges, Ypres, l'Ecluse, Ostende, Niewport, Furnes, Dunkerque, Bergue, S. Winocq, Gravelines & Courtray. La Flandre Gallicane a la précédente au Septentrion, le Cambresis au Midi, l'Escaut au Levant, & la Lys à l'Occident ; elle contient les Villes de Lille, Douay, Tournay. La Flandre Impériale est située entre l'Escaut & la Dendre & comprend le Païs d'Alost, ce qu'on nomme les quatre métiers. La Flandre a toûjours fait partage de la Gaule sous le nom de Belgique, dont elle n'étoit néanmoins qu'une petite partie, connue plus particulièrement sous le nom de ses Peuples, Nervii & Morini ; les premiers étoient proprement les habitans du Hainault & la Capitale des seconds étoit Therouanne, la domination de ceux-ci s'étendit jusques à l'embouchure de l'Escaut, en sorte que les Rhuteni, les Plamosii avec certains Peuples nommez Cimbres étoient leurs sujets en qualité d'Alliez..... succomboient tous sous la puissance des Romains, mais comme ils étoient les plus éloignez ils furent soumis les derniers. Le Païs étoit en ce tems-là fort diffèrent de ce qu'il est aujourd'hui, il étoit couvert d'épaisses Forêts & les terrains bas qui ont été tous déchessez depuis
FLANDREs.
n'étoient alors que marécages difficiles à penetrer à des Armées : cependant Cesar scût s' faire des chemins, au moyen des grands abbatis de bois qu'il fit faire, mais d'abord qu'il fut passé en Angleterre, les Morins secouérent le joug sur un faux bruit de sa mort ; dès qu'il eut appris cette nouvelle, il y fit marcher son Lieutenant & ce General, ayant trouvé moyen d'entrer le Païs dans le tems des basses marées, s'en rendit de nouveau le Maître en fort peu de tems, & ce fut alors qu'il y établit Roi Commenius, homme de grande autorité qui étoit d'Artois. César trouva plus de difficulté à reduire les Nerviens il leur livra la bataille ou il pensa perir, & ce fut en cette occasion que combattant à pied il arracha le bouclier d'un soldat pour s'en couvrir. Les Romains demeurèrent Maîtres paisibles des Gaules & de la Flandre jusqu'à l'irruption des François. Comme la Flandre se trouvoit la premiere sur le chemin c'est par-là qu'ils commencerent leur conquêtes. Clodion se rendit Maître en 423. de Cambrai & de Tournai & après avoir battu les Romains, il marcha, dit-on, contre les Morins, prit Golduerus Chef des Rutheniens & des Cimbres, avec sa fille, qu'il fit épouser à son neveu Flandeberg fils de sa soeur, lequel il établit Preset de cette Contrée maritime après en avoir chassé les Garnisons Romaines En ce temp-là la partie haute de la Flandre s'appelloit le Païs des Menapiens, & peu après la partie maritime commença à porter le nom de Flandres, que quelques-uns Ment de Flandeberg qui paroit aux autres tout à fait fabuleux. Le Païs se soumit aux François & petit à petit s'accoutuma à leur moeurs après qu'ils eurent fait une paix solide avec... .... en 431, on ne voint point que depuis ce tems-là ils y ayent fait ni guerres ni ravages, quoique les grosses Villes tinssent encore pour les Romains, mais en 489. les habitans chassèrent leurs Garnisons pour se donner tout à fait aux François, & l'on remarque que Gand fut la derniere de toutes qui se soumit à leur domination. En ce premier tems du Gouvernement des François la Flandre fut partagée entre plusieurs disserents Souverains ; Clovis prétendit qu'ils lui devoient obéissance & après l'avoir exigée, il les fit massacrer ou les tua lui-même pour n'avoir plus la peine de se faire obêïr. Les Rois de la premiere & de la seconde Race commettoient des Comtes pour le Gouvernement des Provinces, & l'on remarque que ceux de Flandres prirent le nom de Forestiers, ce qui fait connoître que c'étoit encore un Païs de bois ; on prétend que Charlemagne y établit le premier Comte héreditare Lidericq, que l'on surnomme de Harlebecq, il est au moins certain que cet Empereur connoissant que ce Païs manquoit d'habitans pour en defricher les forêts & dessecher les marécages, y transporta 60000 Saxons, il croyois que leur mélange avec les Flamands les accoutumeroit à la Religion & à l'obeissance, mais il se trompa, ce qui donne lieu à l'ancien Proverbe, que d'un Diable il en avoit fait deux, les Saxons ayant plus gâté les Flamands que ceux-ci n'amenderent les autres.
La premiere Race des Comtes de Flandres descendoit de Lidericq, Charles les Chauve en investit Baudouin qui fut surnommé Bras de fer, arriere-petit-fils de Lidericq, qui étoit devenu son gendre par l'enlevement de sa fille Judith veuve d'un Roi Saxon d'Angleterre. Depuis ce tems-là, la Flandre a été une Souveraineté séparée de la Couronne, quoiqu'elle en relevât en partie. Les Descendans de Lidericq s'éteignierent en la personne de Baudouin VII. dit la Hache, à qui succéda Charles de Dannemarc son neveu, puis Guillaume de Normandie, à qui Louïs le Gros avoit donné la Comté de Flandre au préjudice de Guillaume Delors, d'Arnoud le Danois & particulièrement Thierry d'Alsace petit fils du Comte Robert le Grison par sa mere Gertrude & cependant celui-ci eut assez de bonheur pour l'emporter sur tous ses Compétiteurs, de forte qu'il laissa la Flandre toute paisible à Philippe son fils, lequel après avoirété Tuteur de Philippe Auguste & l'avoir marié à sa niece Isabelle de Hainault soutint comme lui de grosses guerres & mourut enfin dans la Palestine sans laisser d'enfans de ses deux femmes Elizabeth heritiere de Vermandois & Mahault de Portugal. La succession revint par conséquent à sa soeur Marguerite épouse de Baudouin le Courageux Comte de Hainault, lequel laissa
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trois enfans mâles ; Baudouin IX, Comte de Flandres & premier Empereur Latin de Constantinople –, Philippe Comte de Namur & Henri aussi. Empereur d'Orient après son ainé. Baudouin IX. en quittant l'Europe laissa deux filles de sa femme Marie de Champagne, sçavoir Jeanne Comtesse de Flandres successivement épouse de Ferdinand de Portugal & de Thomas de Savoye, & Marguerite laquelle ayant épousé Bochard d'Avesne qui l'avoit séduite étant son Tuteur, en eut plusieurs enfans, après quoi elle s'en fit separer pour épouser Guillaume de Dampierre fils aîné d'Archambault le Grand Sire de Bourbon, dont elle eut pareillement d'autres enfans, entre lesquels & les enfans d'Avesnes S. Louïs jugea par arbitrage le procès qu'ils se faisoient réciproquement pour la succession maternelle. Il adjugea aux enfans de Dampierre la Comté de Flandres & celle de Hainault à ceux d'Avesnes quoique les aînez, parce qu'en effet la seduction dont leur pere avoit usé étoit d'autant plus odieuse qu'il étoit engagé dans les Ordres sacrés quand il abusa de sa pupille. Guy de Dampierre Comte de Flandres fils de Guillaume & de Marguerite se brouilla avec la France & mourut à Compiegne à l'âge de 80 ans dans les prisons de Philippe le Bel, lequel abusa, pour l'y tenir, de la parole du Comte de Valois son frere, sous le sauf conduit duquel Guy l'étoit venu trouver, il fut pere de Robert dit de Bethune aussi Comte de Flandres........ à l'heritiere de Nevers & de Rhetel & de Robert de Cassel fameux dans l'Histoire de Flandres. Louïs Comte de Nevers mourut avant son pere & laissa un fils de même nom que lui, mari de Marguerite fille du Roi Philippe le Long, laquelle lui apporta le grand heritage de la Comté d'Artois & de celle de Bourgogne, ce Prince mourut à la journée de Crecy, laissant LOUIS XI, qui fut surnommé de Marie, lequel soutint pendant 20 ans la guerre contre les Communes de Flandres & ne laissa qu'une fille du nom de Marguerite, qui porta sa succession, pour lors la plus grande de l'Europe, a Philippe de france Luc de Bourgogne fils du Roi Jean & frere de Charles V, dont la postérité s'est éteinte après quatre Générations en la personne de Marie heritiere de Bourgogne, qui porta la Flandre avec les autres Provinces qui composent les Païs-bas dans la Maison d'Autriche, laquelle étant peu après parvenue à la Monarchie d'Espagne & à 3'Empire en la personne de Charles-Quint a fait les derniers efforts pour se soustraire à l'hommage de la France, comme reciproquément la France, a fait les siens pour lui enlever ses Villes & ses domaines, & s'enrichir de ses disgrâces, jusqu'à ce qu'enfin nous avons vu de nos jours cette même Maison d'Autriche s'éteindre dans sa principale souche & faire passer ses vastes possessions, par la disposition d'un Testament, aux mains de ceux qui l'avoient si violemment attaquée depuis plus de deux Siécles. La partie de la Flandre que les Empereurs y possédoient, le Païs de Vaes & le territoire de Dendermonde, que les Comtes tenoient en Souveraineté, n'étoient point compris dans l'hommage qu'ils rendoient à la France, auquel François I. renonça. Violà ce qu'on peut dire de la Flandre en général considerée dans sa totalité, mais comme ce Memoire est destiné seulement à faire connoître ce que la France y possédé, c'est pourquoi il est peu nécessaire de suivie la division naturelle du Païs, l'Auteur se borne dans l'Article suivant à faire connoître la Flandres Occidentale.
Flandre Occidentale. Ses bornes. Rivieres.
La Flandre Occidentale sujette à la France fait partie de la Flandres Flamingante, elle a pour bornes au Midi une partie de la Flandres Gallicane & de l'Artois dont elle est séparée par la riviere de Lys ; à l'Occident l'Artois dont elle est separée, & une partie d la Picardie sur l'autre bord de la Riviere d'Aa ; à l'Orient la Chatelaine de Courtray & le Franc de Bruges dont elle est separée par l'Yper, & au Nord la Mer ; son étenduë est de 10 à 13 lieuës de long sur 15 à 14 de large, de sorte que son terrain contient environ 14 lieuës quarrées. Ses principales Rivieres sont la Lys qui vient d'Artois grossie de p sieurs eaux, elle devient navigable au dessus d'Aire, d'où elle continue son cours jusqu'à Gand. L'Yper ne meriteroit pas d'être mis en ce nombre s'il ne donnoit son nom à la. Ville d'Ypres, il va de cette Ville à la mer passant par Diximude à Niewport, il reçoit au
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bord de la Kenoque la Riviere dTsser, laquelle est toute entiere dans cette partie de la France, elle commence à la Roesbrocq & porte presque dans tout son cours des bateaux. plats, qui ne tirent que trois à quatre pieds d'eau, que l'on nomme Belandrin. L'Aa qui passe à S. Omer se separe en deux Branches, à Waten, celle qui continue la Séparation de la Flandre se perd à Gravelines ; celle qui va à Dunkerque prend le nom de Colmes ; la plupart de ces rivieres de la Flandre ne sont que des ruisseaux qui tarissent en Eté, mais en recompense le Païs est traversé par de. grands & gros cannaux qui sont communiquer toutes les principales Villes les unes avec les autres. L'on n'y trouve point de fontaine, & dans cette étendueë il n'y en a qu'une à Waten & une autre auprès d'Ypres, laquelle ne donne pas plus d'une ligne d'eau.
Description du Terrain. Qualité de l'air. Produit du Terroir. Bierre.
Tout le Païs qui est entre la Mer & la Colme, le Canal de Bruges & l'Yper est plat uni & fort bas à la reserve du long de la Mer, où sont des montagnes de fable qu'on nomme Dunes, qui lui servent de digues ; quelques-uns croyent que ce Païs a été entièrement gagné sur la mer, à quoi toutefois il y a peu d'apparence ; il y en a encore une partie considérable d'inondée qu'on nomme la grande & la petite Moere, mais on connoit la cause & le commencement de cette inondation & il en sera parlé ci-après. Le reste du Païs jusques à la Lys est mêlé & coupé de coteaux & de petites plaines & tout ce Canton est generalement rempli de vergers plantez d'arbres fruitiers, de terres en labeur, de pâtures & prairies ; chaque heritage est entouré de hayes & d'arbres à haute tige, ormes & bois blanc qui rendent le Païs trés-agréable à le vûë, il y a aussi du bois de coupe dans la Chatelainie d'Ypres & dans le Territoire de Poperinguen & de Warneton avec une Forêt de 4500 arpens qu'on nomme la Forêt de Nieppe qui appartient au Roi aussi bien que les bois d'Oudhubst près d'Ypres qui contiennent 3305 arpens. L'air du Païs est par tout rude & épais tant à cause du voisinage de la Mer qu'à cause des canaux & des Watergants où les eaux croupissent, d'ailleurs les vents du Nord y sont fréquens, l'hyver y est long, l'Eté pluvieux & quelquefois extrèmement chaud, mais les chaleurs ne durent gueres. Tout ce qui est nécessaire à la vie croit abondamment dans le Païs & est d'excellente qualité, le froment, le seigle, l'orge, l'avoine, le sarrazin, les carottes, les foins, trufes, lin en quantité, le colsat qui est un choux sauvage, de la graine duquel on fait de l'huile à brûler & en general tous les legumes & les fruits, sur tout les beurres, y sont excellens, mais il n'y a aucune vigne, la boisson ordinaire est la bierre qu'on fait avec de l'orge hatif appellé dans le Païs Surgeon, que l'on fait germer à l'eau, puis secher & moudre, on y ajoute une huitiéme partie d'avoine courte que l'on fait moudre sans germer & bouillir le tout dans une chaudière pendant 24 heures, après quoi on entonne la liqueur dans des vaisseaux de demi muids où elle se fermente par le moyen d'une certaine quantité de levain à faire le pain, cette liqueur est en état d'être buë 15 jours après qu'elle est faite, elle est forte à proportion du grain qu'on y a mis. Le houblon est une plante qui croit fort haute en s'attachant à des perches de dix à douze pieds, elle donne une fleur qui étant séchée sert à faire la bierre, en y donnant le goût & la couleur, il n'en croit que dans le territoire de Poperingue. L'on a deja dit que le Païs en general est rempti de bois, mais celui qui approche de la Mer comme le Turnemback, la Chatelainie de Bourbourg, & c. qui ont moins de bois que le reste ont la facilité de creuser des tourbes en creusant la terre dans la profondeur de quatre ou cinq pieds, on y trouve par tout un lit de deux pieds ou environ qui ne contient que du bois pourry, il se rencontre de grands arbres renversez de feuilles & même de noisette entieres, de forte qu'il paroit que tout le dessus de cette terre a été autrefois une grande & vaste Forêt que la Mer a renversée & couverte a la hauteur du terrain qui les surpasse d'un amas de sables & de coquillage, au dessus duquel les eaux douces ont amené le sol qui est aujourd'hui éxposé à l'air, lequel n'étant effectivement que la graisse des lieux voisins plus élevez, fait le terroir du monde le plus fertile, la difficulté est de sçavoir comment ces arbres ont pû croître dans un terrain si bas, & qui
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Engrais des bestiaux.
suivant la hauteur des eaux d'à-présent ne pouvoit manquer d'être inondé, ou si pénétré d'eau salée qu'il devoit être hors d'état de produire autre chose que des joncs. Il y a des gens qui rapportent ce changement au Deluge & par ce moyen levent toutes les difficultez, mais il faut remarquer que dans ce beau Païs on ne permet pas ordinairement de tirer des tourbes de peur de gâter les terres, & que d'ailleurs comme elles sentent très-mauvais, il n'y a que les pauvres qui en usent. Ce Païs est admirable pour la nourriture des tous les bestiaux, on y en amêne de maigres de toutes les Provinces voisines qui s'y engraissent en peu de tems, les vaches y donnent une quantité de lait étonnante, & il se trouve dans le Furnemback des brebis qui sont ordinairement trois portées par an & souvent 5, 6 & 7, les chevaux du Païs ne sont gueres propres qu'au labourage, parce qu'ils sont trop grands & qu'ils ont toûjours presque trop de tête, on y emmene des poulains d'Artois & du Boulonnois pour y prendre nourriture. Les terres portent tous les ans tantôt du froment & tantôt des moindres grains, mais il s'en faut bien que le reste de la Flandre lui ressemble, car il y a beaucoup d'endroits dans la Chatelainie de Cassel & d'Ypres, qui rapportent à peine de quoi payer les charges, la terre de Furnemback doit en partie sa fertilité à l'engrais qu'elle tire de la matiere des tourbes qu'elle enferme en son sein, c'est un éxcellent fumier, qui véritablement échauffe par trop la terre la premiere année, mais qui l'engraisse pour 50 ans. Au reste, ce terrain ne produit ni pierres ni ardoisses, c'est pourquoi tous les anciens bâtimens étoient presque tous de bois, ce qui les rendoit si sujets aux embrasemens qu'on a été obligé de deffendre de bâtir dans les Villes qu'avec de la pierre & de la brique, ce qui a diminué sensiblement les incendies.
Caractere des Peuples. Leur nourriture.
Les Flamands sont presque tous gros, gras & grands, la jeunesse y est d'une belle v nuë, ils sont tous d'un naturel pezant & lent dans la maniéré d'agir, cependant très-la borieux tant pour la culture des terres que pour les Manufactures & le Commerce, que nulle Nation n'entend aussi bien qu'eux. Ils sont fort ennemis de la servitude & grands amateurs de la liberté ; on les gagne plus aisément par la douceur que par la force, ils aiment & haïssent tout differemment de nous, ils se sachent aisément & se reconcilient de même, jamais bien sensibles à aucuns égards ils se consolent de tout ce qui leur pourroit arriver de pis ; ils ont de l'esprit & du bon sens sans avoir l'imagination vive, c'est peutêtre pour cela qu'ils aiment à boire entr'eux, à faire leurs affaires & leurs marchez le verre à la main, & ils le sont si bien qu'ils trompent quelquefois ceux qui croyent être plus fins qu'eux. Ils sont fort attachez à la Religion Catholique & principalement aux Dévotions monachales, ils sont éxacts à la Messe & aux Sermons, le tout sans préjudice du cabaret qui est leur passion dominante. Il étoit autrefois assez ordinaire à la populace dans la chaleur de la debauche de se battre à coups de couteaux, & ils se tuoient impunément, les coupables se sauvoient aussi-tôt dans les Eglises, où ils étoient à couvert des recherches, pendant que leurs amis negocioient leurs accommodemens, mais comme le crime n'a point cette ressource sous la domination du Roi, les homicides y sont présentement plus rares. Les Flamands naissent tous avec du courage, mais ils n'aiment point la guerre, tant parce que la Fortune ne s'y fait point assez promptement à leur fantaisie, que parce qu'ils n'aiment point à l'acheter par une sujettion qu'ils regardent comme une bassesse. On a vû par les actions des Armateurs de Dunkerque & des Regimens de Solre & de Robeck pendant la guerre, que les Flamands ne cédoient en valeur à aucune Nation de l'Europe. Les femmes y sont belles & blanches, mais leur beauté se passe aisément, elles ont plus d'esprit & de bonnes qualitez que les hommes, elles sont sages tant par le temperament que par le peu de talens & d'attachement des hommes, la vûë d'un établissement les mene quelquefois trop loin, mais le mariage y opere si bien en Flandre qu'il fait toûjours une femme vertueuse d'une fille coquette, aussi les maris n'y sont point jaloux, leurs femmes, qui sont la grande partie de leurs affaires de la maison, jouissent d'une entiere liberté, prenant part aux festins de leurs maris & beuvant aussi-bien qu'eux. La nourriture la plus commune pour le peuple est le pain bis, le lait, l
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beurre & la chair salée, ils sont aussi sobres dans leur domestique que passionez pour la bonne chere en compagnie, mais sur tout ils sont louables de ce qu'ils proportiennent toûjours leurs dépense à leur revenus, ne se faisant point d'affaires de diminuer leur trains & équipages quand leurs rentes diminuent, & l'on peut dire quil y auroit eu bien des familles reduites à la mendicité pendant la guerre sans cette ressource. Au reste, ils sont tous hommes & femmes, grands amateurs des Fêtes publiques, chaque Ville & chaque Village a la sienne qui dure huit jours, c'est ce que l'on nomme Kermesse, l'ouverture s'en fait par une Procession du Saint Sacrement, où l'on ne manque jamais de voir des représentations de geants, de grands poissons, de Saints, de Diables, le Paradis, l'enfer tout cela marche en cortege par la ruë & fait le divertissement géneral du Public.
Villes de Flandres.
La Flandre de cet Article a 5 Villes fortifiées, Ypres, Furnes, Dunkerque, Bergues & Gravelines, & treize Villes ouvertes, Rousselaer, Messines, Werwik, Warneton, Merville Cassel, Watten, Etaire, Hasbrouck, Poperingue, Bailleul, Bourgbourg, Hanscooth & Loo, dont les Chefs de Collège, comme l'on parle en ce Païs, & les autres dépendent des principales, mais toutes sont gouvernées par leurs Magistrats particuliers. Ypres est le Chef-lieu de quatre Membres de Flandre, dont trois restent encore au Roi d'Espagne, elle a été autrefois fort grande & fort peuplée, mais elle est éxtrêmement déchue par les frequentes séditions de ses Habitans & par les grandes pertes qu'elle a souffert, elle est située sur un ruisseau formé des égouts du Païs, lequel ne laisse pas de lui donner son nom, il a aussi facilité la perfection d'un Canal utile pour le commerce de la. Ville qui se communique par son moyen à toutes les Villes de Flandre, il est entretenu pendant l'Eté des eaux de deux étangs qu'on a creusez au dessus de la Ville. Le circuit d'Ypres, qui étoit autrefois triple de ce qu'il est aujourd'hui est reduit à 2693 toises qui est la même enceinte que Philippe le Hardi lui donna en 1385, lorsqu'il fit bâtir les murailles de brique qui subsistent encore en partie, le terrain des environs est plat & gras s'élevant doucement à demi lieuë de la Ville, mais les chemins étoient tellement impraticables, que les Habitans ont été obligez d'élever des chauffées pavées à tous les abords, entre lesquelles il y en a deux qui ont été continuées au depens du Païs, l'une jusqu'à Lille & l'autre jusqu'à Dunkerque, toute la campagne des environs est coupée de fossées pour le desseichement des terres, & bordée de hayes pour la clôture des héritages. Cette Ville est ancienne puis que l'Histoire nous rapporte qu'elle fut saccagée par les Normands l'an 880, où ces Peuples pillèrent toute la Flandre qu'ils trouverent ouverte & sans défenseurs. Après leur retraite Baudouin le Chauve cinquième Comte de Flandres la fortifia à la maniere du tems, c'est à dire, qu'il y fit des ramparts de terre avec une haye vive ; en 1128. elle fut prise par Louïs le Gros Roi de France, qui vouloit mettre Guillaume le Normand en possession de la Flandre, on la pilla & on en brûla plus de la moité ; en 1213, elle fut encore prise par Philippe Auguste ; en 1240, le tiers de la Ville fut brûlé par accident ; en 1297, les Fauxbourgs le furent par les Garnisons que Philippe le Bel tenoit sur la Lys. Ypres étoit dans ce tems-là dans les intérêts de son Prince Guy de Dampierre qui avoit été retenu prisonier en France ; en 1325, les Bourgeois d'Ypres se revolterent avec presque toute la Flandres contre Louïs de Nevers XXVI. Comte, ils firent alors abbattre la vieille enceinte pour en faire une nouvelle, dans laquelle ils enveloperent les fauxbourgs qui étoient éxtrêmement peuplés parles Tifferans & autres ouvriers servans à la manufacture des draps & serges, laquelle fleurissoit dans toute la Flandre. L'abondance rendoit ce Peuple tout à fait mutin, & ils ne pouvoient souffrir que les villages & les bourgades voisines eussent des Habitans qui travaillassent aux mêmes ouvrages ; en 1344, ils allerent attaquer Poperingue avec 12000 hommes & ne purent le prendre, ils emmenerent des prisoniers & rompirent plusieurs métiers, ils firent pareille incursion contre un village à demi lieuë de la Ville nommé la Quenoque qu'ils saccagèrent & jusques dans l'année 1383. ce furent des revoltes continuelles qui aboutirent à la bataille de Robeque où les Flamands perdirent tant de monde que les
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Habitans de la Ville d'Ypres rentrerent dans leur devoir ; mais les Gantois assistez de l'Angleterre persistèrent dans leur revolte & vinrent assiéger Ypres que Jean Vanhoutre, qui en étoit alors Vicomte, défendit si bien qu'ils furent obligez de lever le siege, ce Capitaine brûla les fauxbourgs & réduisit sa defence à la vieille enceinte ; on fait tous les ans une procession au jour de cette delivrance qui donne commencement à la Kermesse d'Ypres. Les Anglois rapporterent de cette expedition des outils & instruments propres à la manufacture des draps, qu'ils établirent depuis chez eux.
La Flandre étant tombée l'année suivante à Philippe Duc de Bourgogne par son mariage avec Louife Marguerite fille unique du Comte Louïs de Marie, il s'appliqua dans la fuite de son Regne à fortifier Ypres, & parce que l'enceinte à laquelle il le reduisit se trouva trop petite pour contenir tout le peuple qui demeuroit autrefois dans les fauxbourgs, il en prit occasion de separer les ouvriers que le grand nombre rendoit difficile à gouverner, il les établit à Poperingue, Werwick, Commines, Menin, &c. & depuis ce tems la manufacture des draps s'est insensiblement anéantie dans cette Ville, où le peu qu'il en reste ne sert qu'à faire voir qu'on y travaille aussi bien qu'en lieu du Monde. En 1567, Ypres souffrit comme les autres Villes de Flandres les desordres des Religionaires, qui pillerent les Couvents & chassèrent les gens d'Eglise, elle se revolta enfin comme toutes les autres Villes & Communautez du Païs, contre le domination de Philippe II. Roi d'Espagne, & ne fut reduite qu'en 1584. par le Prince de Parmes ; en 1648, elle fut attaquée par l'Archiduc Leopold : l'année suivante pendant les guerres de Paris, le Vicomte Ruffaine la prit encore en 1658, mais on la rendit par le Traité des Pirénées ; enfin le Roi l'attaqua en personne en 1678, & la reprit en 8 jours, elle lui a été cedée par le Traité de Nimegues, & depuis ce tems on l'a tellement fortifiée qu'elle peut passer pour une des meilleures Places des Païs-bas. Le dénombrement qui fut fait de ces Habitans en 1247. témoigne qu'elle étoit peuplée de 200000 personnes, nombre qui est encore bien diminué puis qu'il n'y en a plus que 9063. On compte dans la Ville 2266 maisons, quatre Paroisses, 8 Couvens & trois Hôpitaux avec une Tequinaye, c'est à dire, une maison où de certaines filles ont leurs logemens avec un leger revenu qui leur aide à vivre avec ce qu'elles peuvent avoir ou gagner d'ailleurs ; elles portent un habit de Religieuse, mais elles peuvent neanmoins se marier si bon leur semble, en cedant leur place à un autre. Le temporel de l'Eglise a si bien fructifié dans cette Ville que le tiers de sa superficie est occupée par les Couvens, ou leur appartient. La Ville d'Ypres a titre de Vicomté qui appartient au Prince d'Ifanghin, elle est le siege d'un Evêché dont il fera parlé en son rang, il y a 29 Villages dans sa Chatelainie avec une petite Ville nommée Mepine, qui étoit aussi grande il y a 300 ans que l'est Ypres aujourd'hui, elle contenoit 2000 maisons, les Anglois la brûlerent en 1380, elle eut le même fort pendant les Regnes de Maximilien & de Charles-quint, le feu y ayant consommé la derniere fois plus de 300 boutiques de tisserans, elle a depuis souffert pendant la guerre infiniment, de forte qu'elle est aujourd'hui reduite à 115 maisons & 576 Habitans, toute la Chatelainie d'Ypres contient 66622 mesures de terre & 17114 personnes.
Rousselaer. Veroïque.
Rousselaer sur le chemin d'Ypres à Bruges fut ruinée en 957. par les Normands & se rétablit peu à peu ainsi que les autres Villes qui eurent le même fort, elle a de tout tems été éxpofée & particulièrement dans les dernieres campagnes : la Seigneurie en appartient à l'Electeur Palatin qui l'a engagée au Prince de Swartzemberg, le commerce des toiles y étoit autrefois très-considèrables, mais elle est présentement reduite à 318 maisons & contient avec ses dépendances 5944 mesures de terre & 1099 Habitans. Veroïque, petite Ville située sur la Lys, étoit très-considerable, il y a 800 ans par ses m nufactures de draps, il ne paroit point qu'elle ait jamais eu de murailles, mais bien un rempart & un fossé ; elle a perdu jusqu'à 2260 maisons dans un embrasement, elle
FLANDRES.
Varneton Bailleul. Poperingue. Cassel.
est présentement réduite à 543 maisons & 2172 Habitans-, la Seigneurie en appartient au Comte de Brosnay, son terroir contient 1208 mesures de terre, qui produit entr'autres choses beaucoup de tabac. Varneton, petite Ville sur la Lys, a souffert des embrasements qui l'ont absolument ruinée, elle est reduite à 172 maisons & à 996 Habitans ; c'est un Chef-lieu de Chatelainie, composé de dix Villages & 15052 mesures de terre, dont il n'y en a que 239 de vagues. Le nombre des Habitans est de 5303, la Seigneurie en appartient au Roi d'Angleterre Prince d'Orange, & par engagement au Prince d'Isanghin. Bailleul, à trois lieuës & demi d'Ypres, fut fortifiée par Robert Grison Comte de Flandre qui y bâtit un Chateau ; elle fut prise & brûlée par les François en 1213, & depuis elle a été brûlée par accident, le dernier arriva en 1681, il y reste 527 maisons & 2362 Habitans. L'ancien commerce de cette Chatelainie étoit la fabrique des draps & du fil à coudre qui passoit en Angleterre : ces commerces sont éteints, la Chatelainie contient 18 Villages, 10308 personnes & 31255 -mesures de terre dont il y en a 4500 en friche ; les autres produisent du froment & des grains de toute forte, il y a d'éxcellens pâturages & des bois taillis : la Seigneurie en appartient au Comte d'Horn Grand d'Espagne. Poperinge, à deux lieuës d'Ypres sur la Chaussée de Dunkerque, autrefois très-celebre par ses Manufactures est reduite à 586 maisons 2300 Habitans. Son territoire renferme 7876 mesures de terres & 7592 Habitans ; la moitié des terres sont en bois & en houblons qui sont d'un grand debit, le reste est en labeur, il y en a mille mesures en friche, on a laiffé combler le petit canal de Poperingue depuis la perfection de la Chaussée de Dunkerque, si toutefois le commerce se rétablit jamais, il deviendra necessaire. La Seigneurie en appartient à l'Abbé de Saint Bertin qui y a une Cour féodale. Cassel, Chef-lieu d'une grande Chatelainie, a dans sa dépendance 3 Villes, 47 Villages & 13 branches, en enclavemens que nous nommons Hameaux, elle est située sur une montagne où l'on découvre à 10 lieuës à la ronde : il y avoit une Forteresse, considérable autrefois, du tems que les Peuples en étoient nommez Morins soit de celui des Romains, les Comtes de Flandres y firent bâtir des murailles pour s'en servir contre les François, elle a été pillée & brûlée tant par accident que par les malheurs de la guerre differentes fois. Le Prince de Parme l'ayant prise en 1584. sur les Revoltez de Flandres, on en a laissé ruiner les fortifications, ce lieu est celebre par deux grandes batailles données, l'une en 1328 par Philippe de Valois Roi de France, & l'autre en 1671. par Monsieur frere du Roi : la Ville est présentement réduite à 250 maisons & 1300 Habitans, elle est gouvernée par ses Magigrats & la Chatelainie par la Cour ou College de Cassel, qui est aussi une Cour féodale : cette Place fut demembrée du Comté de Flandres avec les Chatelainies de Verneton, Bourbourg & Dunkerque quand elle fut donnée à Robert de Cassel fils puisné de Robert dit de Bethune Comte de Flandres de la Maison de Dampierre ; mais en 1433. le Chef de cette maison ayant été fait prisonier en la guerre de Lorraine, il ceda pour sa rançon au Duc de Lorraine la Ville & Chatelainie de Cassel, qui par ce moyen furent réünies au Comte de Flandre. Les Villes qui en dependent sont Hasbourg, qui contient 560 mailons & 3725 Habitans. Etaires sur la Lys au Prince de Robecq, qui contient 190 maisons & 1027 Habitans. Et Waten sur l'Aa, à Mr. le Prince d'Ysanghien, qui n'a que 35 maisons & 165 Habitans : on tient que cette Ville, qui est fort ancienne, est originairement une Colonie de Bataves, sans qu'on sache le tems ni l'occasion de sa venue. Tout le Territoire de Cassel, y compris les Villes dont on vient de parler, contient 14 Châteaux Nobles, 6023 autres maisons, 66 personnes Nobles, 37969 autres Habitans & 103416 mesures de terre, desquelles il y en a d'incultes, quoique bonnes par defaut d'Habitans, qui ont abandonné le Païs, pour n'en pouvoir soutenir les charges ; tout ce terrain est très-fertile en grains, en pâturages, bois, fruits, & c. mais il manque de facilité pour le debit, les chemins y étant impraticables 8 mois de l'année. Merville sur la Lys appartient au Chapitre de Douai, la Ville & son district contiennent 644 maisons, 2958
FLANORES.
habitans & 4854 mesures de terres, aussi y fait-on beaucoup de toiles, les terres sont grasses & difficiles à labourer. Toutes les Chatelainies & territoire ci-dessus dependent d'Ypres quant à la Primauté, mais non quant à la Jurisdiction, elles ont été cédées au Roi à la Paix de Nimegues.
Furnes.
Furnes, Chef d'une grande Chatelainie & du Païs compris entre l'Isser & la Mer, ess située à 7 lieuës d'Ypres & à une petite lieuë du rivage dans un terrain plat & decouvert, à la rencontre de cinq canaux par où elle communique à toutes les Villes des environs ; elle a eu part à tous les malheurs des autres Villes de Flandre, elle fut pillée en 880. par les Normands, rétablie par le Comte Baudouin III, mais elle n'a été revêtue de murailles qu'en 1390. Sous le Regne du premier Duc de Bourgogne une horrible tempête la renversa en 1136. les François la brûlerent en 1287. sous la conduite de Robert Comte d'Artois ; elle fut de nouveau brûlée en 1364. prise sur les Flamands rebelles en 1583. par le Prince de Parme ; en 1646. par le Prince de Condé sur les Espagnols, reprise en 1648. par l'Archiduc, attaquée de nouveau la même année & reprise par le Maréchal de Rantzau ; reperdue en 1651 ; reprise par M. de Turenne en 1658, rendue par la Paix des Pyrénées, reprise en 1667. & enfin cédée au Roi paf le Traité d'Aix la Chapelle ; les ennemis s'en emparèrent de nouveau en 1688. & le Maréchal de Bouflers la reprit l'année suivante. On voit par ce detail à quel point cette Ville & ses environs ont souffert des malheurs de la guerre. Le Roi l'a fait fortifier & l'a rendue une très-éxcellente Place dont le circuit éxact est de 1369 toises, elle contient 459 maisons & 2650 habitans, sa Chatelainie comprend 42 villages qui sont gouvernez par le Magistrat de la Ville n'ayant point de Seigneurs particuliers, & 8 autres Paroisses, lesquelles, quoique soumises à des Seigneurs, sont Membres avec les autres, sans être néanmoins comprises sous la même Jurisdiction. C'est en general le plus fertile Canton du Departement particulier du côté de Diximude, mais il est fort sujet aux inondations qui viennent du côté de Niewport, dont le Gouvernement inonde les environs pour sa seureté, en retenant les eaux qui n'ont d'autre issuë vers la Mer que par cette Place, raison absoluë pour les faire regorger ; d'ailleurs comme ce terrain est par lui-même gras & humide, les chemins y sont presque toûjours impratiquables, c'est aussi pourquoi les habitans, qui ont un intérêt si confiderable à faciliter la voiture de leur denrées, ont coupé d'une infinité de canaux ce Païs, lesquels se déchargent dans les plus grands, & ils se fervent des uns & des autres, soit pour le transport des marchandises, soit pour l'égout de la trop grande quantité d'eau qui les incommode. La necessité de travailler sans cesse à l'écoulement des euax, a donné lieu à l'institution d'une Police ou Justice, qu'on nomme Waterringhe, c'est à dire, foin des eaux : elle est établie dès le tems des Comtes de Flandre, qui firent dresser des cartes de chaque Département, qui contiennent avec éxactitude tous les lieux qui ont intérêt commun à un même desseichement, ou qui, pouvant être inondez per une même cause, peuvent être desseichez par un même écoulement. Tous ces lieux sont membres d'une même Wateringue, dont les Officiers sont nommez par les Magistrats des lieux & changez aussi souvent qu'il eh est besoin : Les Watergraves ou Intendans des eaux éxécutent toute leur autorité par le moyen des impositions qu'ils sont sur chaque terrain intéressé, les ordres qu'ils donnent tous les ans pour l'entretien des canaux, des ponts, des digues & en général de tout ce qui est nécessaire à la conduite des eaux, les comptes se rendent tous les ans très-éxactement, & quand plusieurs Seigneuries composent ensemble les membres d'une même Wateringue, les Magistrats n'ont d'autres droits que d'intervenir dans les comptes pour empêcher les abus, & les Seigneurs nomment entr'eux les Officiers de la Wateringue & leur Watergrave. II y a dans cette Chatelainie un grand Lac qu'on appelle la Moere, qui est un terrain bas où les eaux se sont arrétées dès l'an 1624, mais un Ingenieur, qui étoit au Service d'Espagne nommé Vencesias-Coberg, entreprit de le mettre à sec & en vint à bout ; toutefois son travail ne fut gueres respecté ; en 1646. le Gouverneur de Dunkerque inonda derechef le terrain par le moyen des écluses, prétendant éloigner
FLAN DRES.
¬ approches du Prince de Condé qui en vouloir faire le siège, mais il arriva au contraire que cette inondation servit de circonvalation à un de ses quartiers. Depuis ce tems là la Moere est demeurée remplie d'eau salée dans le commencement, mais qui s'est adoucie & devenue potable par le mélange de ses eaux douces, on auroit à présent bien plus de facilité pour la dessêcher que l'on n'en avoit autrefois, parce que le Port de Dunkerque est creusé de 7 ou 8 pieds plus bas qu'il ne l'étoit.
Leo. Bergues. Bourbourg. Graveline.
Il y a une petite Ville dans ce Territoire nommé Loo qui contient 104 maisons & 474 habitans, elle a été ruinée en disserens tems par les guerres & par le feu, toute la Chatelainie de Furnes est couverte du côté de la Mer par un terrain sabloneux, où s'élevent de petites montagnes qu'on nomme les Dunes non seulement c'est un territoire infertile, mais il communique sa mauvaise qualité aux environs par le moyen du vent qui fait voler les sables, il est peuplé d'une infinité de lapins qui ne valent rien, qui désolent les bonnes terres prochaines. La Chatelainie générale contient 288 maisons, 21292 habitans & 43665 mesures de terre sans y comprendre les deux Moeres. Bergues, S. Winocq Chef d'une Chatelainie est située sui un grand Canal à 2 lieuës de Dunkerque au pied d'une montagne qui portoit autrefois le nom de Groenberg, c'est à dire, montagne verte, S. Winocq Seigneur Breton y bâtit une Abbaïe auprès de laquelle s'est formée la Ville ; le Comte Baudouin VII. la ferma d'un fossé & le Comte Guy de Dampierre d'une muraille, elle fut prise & reprise par les Anglois & François en 1383. & consommée par un incendie si grand la derniere fois qu'il n'y resta que trois Eglises. Gaston duc d'Orleans la prit en 1646. sur les Espagnols, elle fut reprise par Monsieur du Turenne en 1658, & enfin cédée par le Traité d'Aix la Chapelle : c'est à présent une fort bonne Place, qui a 1828 toises de circuit l'étenduë de la Chatelainie comprend six Seigneuries & 24 villages avec la Ville de Houschooles laquelle est reduite à 388 maisons & 1800 personnes, de 22000 qui y étoient en 1644. Le Comte de Horn mort depuis peu en étoit Seigneur. Le terroir de cette Chatelainie est fertile en grains & en herbes, & toutes les denrées s'y debitent aisément par la facilité du transport à Dunkerque, où les armemens sont une grande consommation la Ville de Bergues contient 768 maisons & 3175 habitans & toute la Chatelainie en général 2104 habitans & 67458 mesures de terre ; à une lieuë de Bergues, sur le Canal de Dunkerque, il y a un Fort de quatre Bastions, nommé le Fort François, qui en depend Bourbourg situé sur le Canal qui va à Dunkerque de la Riviere d'Aa fut prise en 1383 par les Anglois pendant les premieres gureres du Regne de Charles VI. & ils en firent leur place d'armes, les François la reprirent & la brûlerent, depuis ce tems jusqu'à la guerre de 1635. elle s'étoit rétablie, mais elle a beaucoup souffert depuis, elle appartient à la France par le Traité des Pyrénées. La Ville & la Chatelainie qui contient dix Villages, sont gouvernées par un même Magistrat, le tout comprend 1033 maisons, 5307 habitans & 28950 mesures de terre, dont il y en a 2600 en friche, le nombre des habitans étant diminué de moitié : elle depend pour le Spiritual de l'Evêché de S. Omer. Gravelines, petite Ville fortifiée à un quart de lieuë de la Mer sur la Riviere de l'Aa, a toujours été plus considerable par sa situation, que par le nombre des ses habitans, elle fut prise en 1383. par les Anglois, en 1644. par Gaston de France, en 1652. par l'Archiduc, en 1658 par le Maréchal de Turenne & enfin cédée à la France par le Traité des Pyrenées ; les Espagnols avoient entrepris d'y faire un Port, mais le dessein en a été abandonné, cette Ville fut totalement brulée en 1694. L'Empereur Charles-Quint est le premier qui l'avoit fortifiée de six bastions, comme on le voit encore ; les François y ont perdu une grande bataille eu 1558. étant commandez par le Maréchal de........... & les Espagnols conduits par le Maréchal d'Egmond qui eut depuis la tête coupée par la cruelle justice du Duc d'Albe lors Gouverneur du Païs-bas. Le territoire de cette Ville ne contient que 1525 mesures de terres & 1162 habitans.
Dunkerque.
Dunkerque Ville maritime, situé sur un terrain sabloneux & un peu élevé, n'étoit dans son commencement qu'un hameau composé de quelques cabanes de Pescheurs, il y a même apparence que le lieu où elle a été autrefois ait été un banc de fable, avant que le Païs voisin eut été gagné sur la Mer, on prétend que S. Eloy venant prêcher l'Evangile à ce Canton bâtit une petite Eglise, de laquelle s'est formée l'appellation de Dunkerque, qui signifie à la lettre l'Eglise des Dunes. Il y avoit autrefois deux Ports très-considerables à cette Côte, Mardyck & Lombardens que la négligence des Peuples a laissé périr c'est ce qui donna occasion à Baudouin le Jeune Comte de Flandre environ l'an 960. de former une Ville à l'embouchure de la Coline, elle s'est accruë dans la fuite au point où nous la voyons à la faveur des priviliges qui lui ont été accordez & de sa situation sur la mer à l'entrée de quatre grands Canaux qui communiquent à toute la Flandre. La Ville a 2691 toises de circuit, sans comprendre la Basseville, elle a un bon Port où les vaisseaux de 70 canons peuvent entrer en prenant le tems des vives eaux, & un Bassin capable de contenir 30 vaisseaux de guerre, une soit belle écluse, des arsenaux, des magasins, deux Risbans de maçonnerie & des jettées de Charpenterie, qui s'étendent une demi lieuë dans la mer jusqu'à l'entrée du Canal qui est defenduë par deux Châteaux aussi de charpenterie, sur lesquels on peut mettre 50 pieces de canon ; ce furent ces Châteaux qui empêcherent les ennemis d'approcher assez près de Dunkerque en 1695. pour le pouvoir bombarder, parce qu'ils ne pûrent jamais soutenir le feu des canons. Les anciennes fortifications étoient fort peu de chose, Baudouin III. n'y fit faire qu'une simple muraille suivant l'usage de son tems ; Robert de Cassel qui l'avoit en partage de son neveu le Comte de Flandre y fit faire un Château en 1322. qui fut démoli par les Revoltez de ce tems-là. Robert de Dart qui herita de lui du chef de sa femme y fit faire une nouvelle enceinte qui se voit encore aujourd'hui du côté du Port, mais Charles-Quint y fit bâtir un Château en 1538. pour defendre l'entrée du Havre, lequel a été entiérement démoli dans les derniers tems à la reserve d'une seule Tour. Cette Ville étoit du Patrimoine de la Maison de Bourbon, y étant entrée par le mariage de Marie de Luxembourg petite fille du Connétable Comte de Saint Pol & de Marie de Bar. Maximilien d'Autriche ne laissa pas que de s'en emparer, & elle est demeurée à ses Successeurs jusqu'en 1658. qu'elle fut prise pour la derniere fois sur les Espagnols ; elle fut livrée aux Anglois immédiatement après sa prise en éxecution d'un Traité particulier, mais le Roi la racheta en 1662 & depuis ce tems-là il n'a point cessé de l'embellir & de la fortifier ; elle contient à présent 1640 maisons & 13200 habitans. Son territoire ne s'étend que sur six villages qui étoient de la dépendance de Bergues, desquels les Anglois s'emparerent par le seul droit de bienséance, ils comprennent ensemble 9936 mesures de terre & 1107 habitans. A une demi lieuë de Dunkerque sur le Canal de Bergues est le Fort Louïs de quatre bastions qui a été bâti en 1670. Il paroit par ce detail que ce Canton de la Flandre contient en tout 377766 mesures de terre & 146123 habitans.
Administration de la Justice.
La justice y est administrée par les Magistrats des Villes & des Chatelainies & les sentences y sont rendues à la pluralité des voix, mais comme il n'est pas besoin d'être gradué pour être Echevin, & même que la plus grande partie des Magistrats est d'une Profession fort éloignée de l'étude, chacune des Villes a un ou plusieurs Conseillers habiles dans le Droit & la Coûtume qui rapportent les procès & qui donnent leurs avis, sans toutefois que le Magistrat ait aucun engagement à le suivre ; cette Foncton est celle que l'on nomme Conseiller Pensionaire, terme connu par rapport au Gouvernement de Hollande. Le Roi a rendu ces Emplois héréditaires dans les Places de sa Domination, au moyen d'une finance considerable, ainsi le Magistrat de chaque territoire est en possession de ren dre la justice aux particuliers dans toute l'étenduë de la Flandre, mais il a de plus le pouvoir de faire toute forte de réglemensde Police, d'ordonner & d'administrer toute forte de deniers de Communauté avec ceux des Hôpitaux, de faire conjointement avec ceux
Amirauté & autres Justices Royales.
qui représentent le Peuple les impositions dans leur district, suivant les besoins de l'Etat la demande du Souverain. L'appel de tous ces Jugemens ressortit au Parlement de Tournay à la réserve de Dunkerque, Gravelinës & Bourbourg qui vont au Conseil d'Artois & de-là à Paris. Toutefois le Roi ayant depuis peu créé un Baillage à Ypres, il y aura un nouveau degré de Jurisdiction entre les Magistrats ordinaires & le Parlement de Tournay. Au surplus il est à remarquer touchant les impositions, que les Magistrats des Chatelainies ne peuvent mettre aucune charge sur le peuple de leur ressort, sans le consentement des Seigneurs des villages de l'étenduë, comme il se pratiquoit autrefois en Flandre. Le détail de la Magistrature de chaque lieu seroit assez inutile, mais par rapport aux Juridictions nouvelles il est nécessaire de remarquer que le Roi a établi un siège d'Amirauté à Dunkerque dont les Charges sont considérables ; une Prévôté des Marêchaux & une Maîtrise des eaux & forêts qui depend de celle de Picardie, dont le siege est à la Motte dans la forêt de Nieppe & depuis que le Roi tient un Intendant de Justice Police & Finance dans ce Canton qui fait sa résidence à Ypres ou à Dunkerque selon son choix.
Gouvernement Mitaire. Etat de la Marine.
Le Gouvernement Militaire est sujet à tant de changemens qu'il est difficile d'en parler avec exactitude, cependant il faut sçavoir que le Canton de la Flandre Occidentale est di-visé en trois Gouvernemens disserens, Ypres, la Kenoque, Furnes, Bergues & le Fort François sont du Gouvernement général de France –, Dunkerque est un Gouvernement séparé & Gravelines est du Gouvernement de Picardie. Le Gouvernement d'Ypres vaut 43000 l. de rente au Maréchal de Tessé, le Commandant qui est à présent Mr. de Chevigny a 12000 l. & la Majorité vaut 8000 l. Le Fort de la Kenocque dépend du Commandant d'Ypres & vaut 2800 l. la Majorité 1500. Le Gouvernement de Furnes vaut 12000 l. la Place de Commandant 2000 l. à Mr. Davesan, la Lieutenance de Roi de 600 l. à Mr. de Casteja, & la Majorité 450. Le Comte de Medavi est Gouverneur de Dunkerque & en tire 23000 l. le Commandement en a été donné à Mr. le Comte de Lomont, la Lieutenance de Roi vaut 6000 l. & la Majorité 7000 l. Le Gouvernement de la Citadelle vaut 6000 l. la Lieutenance de Roi 6000 l. & la Majorité 3200. Le Commandant du Risban a 3800 l. Le Gouvernement du Fort Louïs autant, & la Majorité 1000 l. Le Gouvernement de Bergues vaut 20000 l. au Comte de la Mothe, la Lieutenance de Roi 6000 l. & la Majorité 4500. Les Officiers du Fort François ont les mêmes appointemens que ceux du Fort-Louïs. Le Gouvernement de Gravelines vaut 14000 l. la Lieutenance de Roi 3200 & la Majorité 3000. Il y a deux résidences de Lieutenant d'Artillerie l'une à Ypres & l'autre à Dunkerque sous les ordres du Commandant d'Artillerie de Flandre : il y a dans toutes les Villes des Commissaires de guerre & des Ingenieurs qui répondent à l'Ingenieur Provincial qui a la direction des fortifications de la Province ; celle de Dunkerque & de tout ce qui depend de la Marine sont sous l'inspection d'un autre Directeur qui a pareillement plusieurs Ingenieurs à ses ordres. Il y a à Dunkerque une Encadre de vaisseaux de guerre & un Corps d'Officiers de Marine commandez par un Chef d'Escadre avec un Capitaine & un Lieutenant du Port, un Intendant de la Marine, qui a sous lui deux Commissaires, un Controleur, un Garde-magazin, deux Maîtres pour la construction des visseaux, plusieurs Ecrivains & plusieurs Archers. Rien n'est plus grand, ni plus digne de la magnificence du Roi que le nombre & la beauté des Fortifications de tant de Places, mais ce qui les doit faire d'autant plus admirer est la disposition avec laquelle elles se répondent les unes aux autres & forment une barrière impénétrable à l'ennemi, en forte qu'au plus fort de la guerre les Peuples y sont avec autant de seureté qu'aux environs de Paris, pendant que les Escadres du Roi & les Armateurs de Dunkerque causent des pertes considérables à l'ennemi. Il s'est fait à Dunkerque pendant la derniere guerre pour 17533000 l. de rançons & de prises, sans compter les pillages des matelots & les reprises faites par les Hollandois, de sorte que les Ennemis furent obligez, pour se garantir du dommage, de faire garder le Port de Dunkerque par une Escarde de
FLANDJl. E
30 vaisseaux avec des fraix immenses, & toutefois ce Port est si heureusement disposé, qu'à la vuë des Ennemis les Armateurs ìegers sortoient & emmenaient leurs vaisseaux sans qu'ils les pussent empêcher, sur quoi il faut observer que la petite Rade de Dunkerque qui est une espèce de Mer fort profonde & large d'environ 1300 toises, laquelle donne entrée dans le Port, s'étend fort loin à l'Est & à l'Ouest, mais qu'elle est couverte vis-à-vis la Ville par un grand banc de fable, qu'on nomme le Brack, Sur lequel les gros vaisseaux ne peuvent s'engager sans se hazarder –, ainsi pendant que les Ennemis gardoient les passées de la Rade à l'Est & à l'Ouest, qui sont en Mer ce que des deistés sont sur terre, les Armateurs à la faveur des bonnes marées passoient par dessus le Banc, soit pour sortir soit pour ramener leurs prises.
Etat des impôts.
Le Roi lève ensemble plusieurs fortes de droits comme dans le reste du Royaume & plusieurs autres qui y sont inconnus, mais on peut dire qu'il n'y a point de Païs qui lui rapporte plus que celui-là, eu égard à son étenduë, cependant le sol en est si bon & les Païs si industrieux pour le Commerce & les Manufactures, que s'il eut eu le tems de se remettre, il n'y en auroit point de plus à son aise dans sa Domination. Au tems des Comtes de Flandre & des Rois d'Espagne, les Souverains ne levoient en Flandre aucun impôt ; ils jouïssoient de leurs Domaines & de quelques droits anciens d'entrée &
de sortie des marchandises, mais quand ils avoient besoin d'un secours extraordinaire, ils assembloient les Etats du Païs divisez en quatre Membres, comme on l'a dit, Gand, Bruges, Ypres, & le Franc Bruges, & leur faisoient une demande qu'ils accordoient en tout ou en partie, ou qu'ils refusoient même tout à fait, le droit du Peuple pour le consentement aux impôts n'ayant jamais été contesté. La guerre continue qui sest faite dans le Païs ayant donné lieu à rejetter souvent ces demandes, les quatre Membres de Flandre mirent de certains impôts sur le poisson, les bestiaux, les boissons & autres denrées pour payer les sommes qu'ils accordoient a leurs Princes & ces impots devoient cesser avec la cause pour laquelle ils étoient accordez. Toutefois lorsque ce Païs a été cédé à la France par la Paix de Nimegue, le Roi se crut non seulement en droit de jouir de tout ce qui avoit été accordé au Roi d'Espagne, mais de se donner de nouveaux droits sans égard à la coutume du Païs. La premiere subvention établie du tems de l'Espagne est celle de certaine quantité de fourages évaluée dans les Départemens à 589998 florins, à 20 patars le florin valant 25 sols monnoye de France –, [l'Espagne déduisoit sur cette somme les secours particuliers que la Province fournissoit, charettes, pioniers, bateaux, & c. C'est ce qui a donné lieu à la taille réelle qu'on nomme imposition à titre d'aide, mais au lieu que du tems de l'Espagne cette somme étoit payée au Souverain sur les revenus & droits des quatre Membres de Flandre, le Roi les ayant réunis à son domaine de sa pleine autorité à la reserve de trois particuliers, on impose annuellement sur le Païs cette somme de 589998 florins & l'Intendant en fait la reparation sur chaque Paroisse en vertu d'un Arrêt du Conseil. Mais d'autant qu'il est arrivé quelquefois du tems du Gouvernement Espagnol que les moyens du Païs, c'est à dire, les revenus des Etats n'avoient pas assez poduit pour payer les sommes accordées au Prince, ou bien qu'on s'est trouvé dans la necessité de faire quelque ouvrage public & imprevû, en forte qu'il n'y avoit de fonds pour l'un ou pour l'autre, l'Etat s'est trouvé obligé d'emprunter à rente au denier 16 dequoi faire ce supplément, & l'intérêt en avoit été assigné sur les moyens du Pays ; quand Ypres a été soumise au Roi il étoit dû plusieurs arrérages de ces rentes dont le Roi ne s'est volu charger que du jour de la prise de la Ville & envers ses sujets seulement : Le droit des Traites qui est perçu sur les marchandises qui entrent ou qui sortent de Flandre aux Bureaux de Furnes, Dunkerque, la Quenoque, Ypres & Rousselaer, montent annuellement à 28718 1. l'imposition à titre d'Aide reduite du florin à la livre Françoise à 737491 l. 6 s. 9d. l'imposition des quatre patards par Douvier de terre à 36915 l. 10 s. Tes droits sur les bois à Ypres à 6900 l. le domaine fixe qui consiste
EL ANDRES.
en moulins & rentes 3000 l. le nouveau Domaine, qui se nommoit avant le changement de Domination droit des quatre Membres 970000 l. la coupe de la Forêt d'Ousuln 14500 l. celle de la Forêt de Nieppe 125000 l. toutes ces impositions & revenus montent à 2207990 l. 16 s. 3 d.
Autres Charges.
L'Auteur remarque expressément que dans cette somme il ne comprend point plusicharges extraordinaires dent le Païs n'est pas moins travaillé que par les impôts précédens ; sçavoir la plus valuë des fourages qui se consomment dans le Departement par les Troupes, lesquels fourages le Roi ne paye qu'à 6 sols la ration, le surplus étant en perte ou à la charge du Païs ; les voitures d'artillerie, la plus valuë des chariots que les Troupes prennent en marchant, dont il n'est payé que 30 s. par cheval ; le chauffage des Troupes, les cazernes & les lits ; les ustencilles des Officiers Majors ; les ponts, chaussées, canaux & ouvrages publics ; les fraix des Assemblées & députations pour l'interét commun ; les fraix des Auditeurs des comptes communs ; les gages des Magistrats, Grands Ballifs, Pensionaires, les Bouviers ; les chariots, les avoines & les fourages éxtraordinaires en tems de guerre ; les fraix des constructions & entretien des Lignes ; les quartiers d'hyver des Troupes qui hyvernent dans le Plat-Païs ; les rentes dûës à des particuliers dont les terres ònt ete enveloppees dans les foitifications ; la Capitation, la vente des Charges des Maires & Efchevins que les Communautez ont rachetées ; les cens & rentes ou dons gratuits ; la vente des Offices & Directeurs des bierres rachetée par un impost de 7 patars & demi sur chaque tonne ; la vente des Offices des mouleurs de bois & mesureurs de charbon ; la vente des Charges de Greffiers & Baillifs, la vente der Offices de Police, la vente du controlle des Exploits, la vente des Charges des Notaires & Tabellions, l'affaire des petits sceaux, les amortissemens des Eccleasistiques, la taxe pour les eaux, la revente des foires & marchés, les armoiries, les arts & metiers & enfin plusieurs Charges locales, dont le detail seroit infini : Tant de differentes charges jointes à celles que le voisinage des grandes armées a procuré à cette Province l'ont tellement épuisée que les Proprietaires des terres ont payé année commune les deux tiers de ce qu'elles valent, & que les Proprietaires, dont les biens sont affermez, n'ont pas tiré le dixième de leurs revenus. A l'égard de celui des Communautez qui consiste en droit sur les boissons, chaussées, canaux, louages de barque, taxe sur les maisons, & c. ils sont tellement insuffisans pour acquitter les charges ordinaires que l'Auteur ne prévoit aucun moyen d'y pouvoir satisfaire. Mais on auroit bien plus lieu de s'étonner de la quantité d'argent qui se leve dans ce petit Canton, si on ne faisoit connoitre par quels cananx il y entre réellement. Le prémier & le principal est l'argent que le Roi y répand pour le payement des Troupes, pour les fortifications & pour les armemens des vaisseaux. Le second est l'abondance naturelle du Païs, qui jointe a l'éxtrème diminution du Peuple, fait qu'il est impossible que ce qu'il produit s'y puisse consommer ; d'ailleurs la proximité des Armées & des grandes Villes avec le séjour des Troupes leur en facilite le débit ; le beurre se transporte à Lille, Douai & S. Orner. II s'y fait aussi un grand commerce de bestiaux, & il paroit par le Regître de Vaquelage (c'est un impôt de 8 patars par chaque boeuf, taureau, vache & genisse de deux ans & à proportion du reste) il paroit dis-je qu'il y a dans la Province 88946 boeufs ou vaches & 39579 moutons. On fait dans le Païs trois ou quatre fortes de fromage & l' on y imite parfaitement celui de Hollande ; l'huile de Colfa est encore d'un grand debit, quand celle de baleine ne va pas ; on s'en sert tant à brûler qu'à faire du Savon ; le houblon de Poperingue se transporte dans la Flandre Espagnole & en Angleterre ; le bois à brûler, les legumes, les pommes renettes, le bled, le tabac, les lins, les toiles, le fil à coudre, tout cela entre dans le commerce. Mais d'ailleurs toutes les Manufactures de Flandre sont toutes abbatuës, on ne fait plus qu'environ 200 pieces de drap à Ypres & très-peu de teintures en écarlatte, quoiqu'elle soit aussi belle qu'à Paris ; on fait encore quelques serges à Honscoot. La Tannerie s'éxerce plus considerablement, soit à l'égard
FLANdes
FLANdes du Païs soit à l'égard de celles qu'on apporte vertes ou salées d'Angleterre ou d'Irlande : on raffine du sel en plusieurs endroits & du sucre à Ypres & Dunkerque ; On fait aussi du Savon noir & blanc qui contrefait celui des étrangers, mais la Ma facture des dentelles est si considérable, que la plûpart de ce que l'on vend en France & en Angleterre pour Malines viennent de ce Païs là, où l'on fait encore quantité de poteries & pipes à tabac qui passent en Artois. Quant aux marchandises qui viennent dans la Province du dehors, le principal commerce est celui des vins de Bourdeaux rouge & blanc, sous le nom desquels on comprend aussi celui de Languedoc, qui descendent par la Garonne ; ceux de Tourraine & d'Anjou qui arrivent tous par Ypres, Lille, & Dunkerque servent de magazins à toute la Flandre, tant pour les vins que pour les eaux de vie, dont il se fait grande consommation. Les vins d'Espagne, les ardoises, le plomb & l'étain d'Angleterre, la rosette & le cuivre de Suede, le bois à bâtir & le sapin de Norwegue, les tuiles de Hollande, la houille, le fer blanc coulé & en barres & en general toute forte de denrées commestibles y viennent de France ou des Païs-bas Espagnols.
Etat de l'Eglise. Evêché d'Ypres.
Il reste à parler du Clergé & de la Noblesse. II n'y a qu'un Siège d'Evêché en cette Province qui estYpres érigé peu après la ruine de Therouanne par la Pape Paul IV, il est Suffragant de l'Archevêché de Malines. L'Eglise Cathédrale étoit auparavant C legiale dediée à Saint Martin, on l'a fort augmentée en creant l'Archevêché, par ce qu'on y a uni neuf Canonicats de Therouanne & ceux de l'Eglise de Furnes, de sorte que ce Chapitre est aujourd'hui composé de trois Membres ; 9 Chanoines de Therouanne, 12 de Saint Martin & 9 de Saint Valbruges de Furnes. Les premiers Canonicats sont afiectez aux Gradués, les seconds sont à la costation de l'Evêque & les autres à celle du Pape. Entre les Evêques d'Ypres il y a eu Corneille Jansenius qui a fait grand bruit après sa mort arrivée en 1638. & comme sa reputation est devenuë douteuse, l'Auteur s'est cru obligé de dire, qu'après une éxacte information c'étoit un très-digne Prélat & d'un très-grand éxemple, une Religieuse qui servoit les malades pestiferez, & qui étoit auprès de lui, a rapporté que peu d'heures avant de mourir il soumit son Augustinus au jugement de l'Eo-lise, n'ayant différé de le faire que faute de s'en être avisé plûtôt. Il est enterré dans la Cathédrale, mais on a ôté sa tombe par ordre du Roi d'Espagne, parce qu'il y étoit parlé trop avantageusement de son Livre. Le Diocèse d'Ypres a 150 Paroisses divisées en 8 Doyennez, sans y comprendre la Ville Capitale & celle de Dunkerque,
Diximude & Niewport avec quatre parts dans le Franc de Burges qui sont de sa dépendance. Aucune des Abbayes de ce Diocèse n'est en commande, on en compte cinq de Chanoines Reguliers de petit revenu ; deux de Saint Benoît, dont celle de Bergues a 50000 l. de revenu ; une de Prémontrés à Furnes assez pauvre. L'élection des Abbés se fait par devant des Commissaires nommez par le Roi. Il y a de plus quatre Eglises Collégiales, cinq Maisons de Jesuites qui tiennent College & un Noviciat pour les Jésuites Anglois, deux Couvens des Carmes anciens, deux de Dechaussez, deux de Dominicains, trois d'Augustins, sept de Recolets, cinq de Capucins, deux de Mathurins, un de Guillemistes ou de blancs manteaux, un de Freres Alexiens pour enterrer les morts & servir les pestiferés & plusieurs Religieux du tiers Ordre qui servent dans les Hôpitaux du Roi. Il y a pareillement trois Abbayes de filles, sçavoir deux de Saint Benoît à Messine & à Bourbourg ; trois Couvents d'Augustines ; dix de Saint François ; deux de Bénédictines Angloises, deux de Clarisses Angloises ; un d'Annociades, un de Nobertines & un de Dominiquaines. II y a encore à Ypres un Seminaire de Prêtres avec plusieurs bourses fondées pour les pauvres Etudians. L'Orde de Malthe a quelques biens dans les Chatelainies de Cassel & d'Ypres, mais ils ne sont pas considérables. Le Concile de Trente est reçu dans ce Diocèse quant à la Doctrine & à la Discipline.
FL DRES.
Avis de l'Auteur sur le Commerce de la Province.
Après avoir parlé de chaque matiere & de chaque Ville en particulier, il reste à l'Auteur à s'expliquer sur certaines choses, qui dans l'état présent sont les moindres à desirer pour le bien public & même pour l'intérêt du Roi. Sur quoi il est nécessaire, à son avis, de réfléchir premièrement à ce qui a été dit que la Province contenoit autrefois plus de PeuPle 1u'elle n, en c°MieM aujourd'hui, puis que la feule Ville d'Ypres avoir 247000 habitans, qui est à peu près le double de ceux de la Province entiere qui a été determiné par les calculs précédens à 146623, ce qui ne peut monter tout au plus qu'à 161000 de tout âge & de tout sexe, surquoi il y en a la treizième partie de Mendians. Or s'il est véritable que la puissance des Souverains se mesure par le nombre de ses sujets & par l'état où ils sont réellement de fournir leurs biens pour leur service ; c'est une chose aussi utile au Roi qu'au Public que de rechercher les moyens d'augmenter le nombre des habitans de cette Province, si non au point où il a été sous des Maîtres qui ne demandoient presque rien, du moins à un point pour faire valoir les biens naturels du Païs & pour porter avec quelque douceur les charges qu'il plait au Roi lui imposer. La premiere chose qu'il y auroit donc à faire seroit, dans le sentiment de l'Auteur, de rétablir les Manufactures en diminuant les charges des Villes, cela y appelleroit les Etrangers, & non seulement elles se peupleroient, mais la campagne en retireroit de l'utilité, en débitant plus aisément ses denrées, les terres qui sont abandonnées seroient de nouveau cultivées : à la vérité le Roi seroit obligé de faire des remises, mais ces remises ne seroient que des avances qu'il retireroit bien-tót avec interét, tant par l'augmentation des traites que par celle de son nouveau Domaine, dont le produit augmentera ou diminuera toûjours à proportion de la consommation & du nombre des habitants. La seconde chose nécessaire seroit de soutenir à Dunkerque ce que le Roi y avoit promis par sa Déclaration de 1662, qui porte que Sa Majesté voulant rendre cette Ville plus abondante & plus florissante qu'elle n'avoit jamais été, & n'ayant eu pour objet dans sont acquisition que le rétablissement du Commerce, il veut que cette Ville soit remise en possession non seulement des privileges dont elle a jouï ci-devant, mais encore lui accorder les franchiches, éxemptions & immunitez dont jouïssent les Villes les plus florissantes, c'est pourquoi Elle entend que tous les Marchands, Negocians & Trafiquans de quelque Nation qu'ils soient y puissent aborder en toute seureté, vendre, debiter, acheter & tirer toutes les merchandises que bon leur semblera franchement, acquittemment de tous droits d'entrée & de sortie, droits forains & domaniaux, & c. & de tous autres droits sans éxception ni reserve. Mais on a donné de fortes atteintes à cette déclaration en surprenant la bonté du Roi, c'est pourquoi les Marchands demanderoient I°. la Suppression des Arrêts qui y sont si contraires ; 2°. la permission de négocier aux Isles de l'Amerique, car bien que de droit ils ne deussent rien payer pour ce qu'ils y envoyeroient ou en retireroient, ils disent, que sans attention à leurs privilèges, ils le payeroient volontiers comme on le paye à Nantes, pourvu que ce fut aux Isles & non à Dunkerque pour ne pas nuire à la franchise du Port. Une telle facilité favoriseroit le négoce du Nord l'on meneroit des sucres & d'autres marchandises de Ponent, pour en rapporter de bois, du goudron, du cuivre, du chanvre, dont la plus grande partie passeroit ensuite aux Isles. Enfin cela enleveroit quelque chose au Commerce des Anglois qui débitent leurs sucres avec grand profit dans la France Espagnole ; 3°. il faudroit autant qu'il seroit possible rétablir la pesche, qui étoit autrefois d'un si grand débit & profit qu'il y avoit 600 batimens pêcheurs dans le Port de Dunkerque & 6000 matelots qui rapportoient au moins pour 6 millions de poisson salé : il est certain qu'il y avoit dans la ville 52 Maîtres Tonneliers avec chacun 8 ou 10 garçons employez au seul barrillage. Tout cela est ruiné parce que les particuliers ne sçauroient faire la pesche librement, tant parce que les droits établis contre l'expresse déclaration du Roi les rebutent, que parce qu'on a formé des Compagnies de negoce, dont toute l'utilité est devenue suspecte par la mauvaise conduite des Administrateurs, outre la gêne qui resulte
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des Loix qu'elles se sont imposées contre le principe évident que la Liberté est l'ame du Commerce. 4°. Les Marchands demanderoient que les vaisseaux Hollandois & tous autres Etrangers qui sont sur le retour à Hambourg ou autres Ports libres pûssent faire leurs décharges au Port du Dunkerque en conséquence de la franchise, sans que les Compagnies de France ou autres, sous quelque prétexte que ce fut, puisse empêcher cette d'écharge, ni saisir les navires & marchandises, si ce n'est pour dettes particulieres, or il est certain que les droits du Roi ni les Compagnies de France n'en recevroient aucun préjudice, puisque, Dunkerque étant réputée Province étrangère, tout ce qui passeroit en France payeroit les droits à son entrée & puis que d'ailleurs ces mêmes marchandises peuvent être portées dans la Royaume par les Anglois & Hollandois venant directement chez eux. Mais ce qui nuit le plus & ce qui renferme une contradiction manifeste à l'intention du Roi, c'est que Dunkerque étant réputée Province étrangère à l'égard de la France, toutes les marchandises qui sortent du Royaume pour y venir sont censées devoir un droit de sortie à la frontiere & un autre droit d'entrée dans la Flandre, & cela fait une multiplication de droit tellemement onéreuse qu'elle oblige les Negocians à prendre une autre route où tout au plus/elle ne paye qu'un seul droit. Les Marchands de Dunkerque ne s'appercevoient presque point de ces inconveniens, lors qu'il étoit permis aux habitans de la Campagne d'acheter en detail & d'emporter, sans payer de droits, ses marchandises dont ils avoient besoin & réciproquément d'y apporter leurs denrées selon leurs anciens privilèges & la sus-dite déclaration de 1662, mais depuis qu'on a dessendu d'entrer ou sortir sans payer les droits, sous prétexte de fraude contre les traites, les marchands en détail ont abandonné la Ville, & le Commerce de France est diminué des deux tiers : les marchandises étrangères sont dans le même cas, c'est pourquoi comme elles encherissent par la voye de Dunkerque, les François aiment mieux les tirer de la Flandre Espagnole où elles viennent directement. Les Fermiers du Roi ont si bien reconnu que les grands droits qu'ils tirent sont tort à leur fermes, qu'ils ont souvent diminué les troits quarts, par éxemple au lieu de 61. qu'ils faisoient payer de la raziere de sel à Dunkerque, en conséquence d'un Arrêt surpris au Conseil, ils l'ont reduit à 30 s. parceque le sel, pour entrer, prenoit la route de Calais où la même raziere ne paye que 23 s. & de cette maniere ils gagnent encore 7 s. par raziere à le faire passer par Dunkerque, en relachant néanmoins les trois quarts du droit qu'ils avoient fait établir dans l'esperance d'un plus grand profit.
Pour ce qui est d'Ypres, il y a deux moyens de la rendre opulente, le premier est de donner moyen à l'augmentation de le manufacture de draps, en formant une Societé à laquelle le Roi seroit quelques avances & promettroit l'entrée de ses fabriques dans l'interieur du Royaume, ce qui attireroit de Hollande une infinité d'Ouvriers Catholiques, lesquels n'y sont leur demeure que par nécessité. 20. II faudroit faire rétablir les habitans d'Ypres dans les privilèges qui leur appartiennent, de passer à Niewport francs de tous droits avec leurs bâtimens & leurs marchandises ; mais pour entendre la nature de ce privilege, il faut sçavoir que les Bourgeois d'Ypres prêterent en l'année 1250. 8000 livres pesant d'or à Guillaume Dampierre & à Marguerite Comtesse de Flandre son épouse pour la rançon de ce Prince qui avoit été pris avec S. Louïs par les Sarazins ; c'étoit une somme fort considerable en ce tems-là, chaque pesant valoit 50 s. & chaque sol évalué à la monnoye d'à-présent en valoit 20, aussi c'étoit au moins 400000 l. La Comtesse Marguerite en acquit de sa dette accorda aux Bourgeois d'Ypres présens & à venir l'exemption de tous droits, de tout lieu ou autres à elle appartenans pour tous leurs biens & marchandises qui passeroient par Niewport, ce qui fut confirmé par Guy son fils Comte de Flandre, & depuis par Philippe le Bel Roi de France, & par Philippe II. Roi d'Espagne lors qu'il prit possession de la Souveraineté des Païs-bas. Ceux d'Ypres ont jouï de leurs droits tant qu'ils ont été sous la Domination d'Espagne & l'ont même exercé à titre onereux ayant entretenu le Port de Niewport & reparé le Canal, mais depuis qu'ils sont
FLANDRES.
Noblesse.
à la France, le Commerce de Lille ayant pris son cours par Dunkerque, les Bateliers d'Ypres ont souffert qu'on leur ait sait payer l'entrée & la sortie en terre d'Espagne croyant que cela devoit être ainsi à cause du changement de Domination, ce n'est que depuis peu que les Marchands ont ouvert les yeux, c'est pourquoi ils poursuivent actuellement leur rétablissement, espérant que le Roi voudra bien soutenir leur prétensions pleines de justice, ainsi il pourroit arriver par ce moyen que la Ville d'Ypres redeviendroit, comme au tems passé, l'entrepôt des vins de Bourdeaux qui se débitent en Flandre Comme toutes les Communautez sont fort obérées & particulièrement les Villes où il y a de grosses Garnisons, auxquelles il faut fournir le chaufage, le logement & les fournitures, on pourroit soulager celle d'Ypres & de Furnes en faisant construire des cazernes la premiere étant d'autant plus foulée qu'elle fournit le logement en argent. Il faudroit enfin, pour faciliter le debit des denrées dans la Chatelainie de Cassel où les chemins sont impratiquables, faire construire une Chaussée pavée depuis Cassel jusques à Bergues dans la longueur de quatre lieuës, nettoyer, élargir & même allonger un Canal de Hasbrug à la Riviere de la Lys, la Chatelainie de Bailleul tireroit aussi un avantage inéxprimable de cette construction qui est fort aisée. L'Auteur finit l'article de cette partie de la Flandre par la Noblesse, dont il dit qu'il s'est trouvé par les rolles de la Capitation 183 familles auctuellement résidentes au Païs, la raison d'un si petit nombre est que les Gentilshommes n'ont aucune éxemption par le seul droit de leur naissance & qu'ils payent toutes les charges comme le moindre Païsan, cela ruine totalement la distinction, quand la Noblesse n'est pas riche & ne donne d'ailleurs aucune envie aux riches & aux Bourgeois de se faire annoblir, secondement tous ceux qui avoient du bien en terres d'Espagne y sont passez par affection, ou pour chercher un Gouvernement plus doux, ceux même qui sont sujets du Roi sont passez dans l'Artois & dans la Flandre Gallicane pour y jouïr des éxemptions que la Noblesse y possede. Les principaux Seigneurs qui ont des biens dans ce Département sont le Comte de Hornes, le Prince de Robecq, le Prince d'Epinay, le Duc d'Aumont, le Comte d'Egmont, le Comte de Solre, le Prince de Chimay, le Comte de Montray, le Prince de Ligne & le Prince de Hornes.
L'Article des Foires & Marchés ne semble meriter aucune remarque particuliere.
Fin de la Flandre Occidentale.
FLANDRE GALLICANE.
Son étenduë. Son Climat. Sa division.
La Flandre Galicane comprend le terrain qui est entre la Lys, l'Escault & la Scarpe depuis la Gorgue jusqu'à Menin, outre une partie qui est au de-là de l'Escaut. Le Cli¬ y est froid, l'hyver dure six grands mois de l'année, on n'y connoit gueres de printems, mais l'automne y est assez belle. Cet espace comprend le Tournaisis & la dependance de Menin avec la Chatelainie de Lille, les Villes d'Orchies & de Douai avec le Païs de l'Alleu, mais l'on ne traitera dans ce Memoire que des derniers, parce que Menin & le Tournaisis auront leur article separé. Le Païs a neuf à dix lieuës de longueur sur une largeur à peu près pareille, de sorte que la superficie peut contenir environ 90 lieuës quarrées : il est divisé en neuf quartiers nommez, Melanthois, Carembaut, Weppe, Ferrain, Peuelle ou Puelle, le Païs d'entre l'Escaut, Comté ou terre de l'Empire, Gouvernance de Douai & Païs de l'Alleu. Les quartiers de Melanthois & de Carembourg se joignent & comprennent tout le terrain qui est entre la Riviere de Marque & la Haute
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Deulle ; la Weppe en est séparée par la Haute Duelle, elle s'étend jusqu'à ia Lys ; le Fer rain comprend depuis la Basse Deulle tout le territoire qui est jusqu'à Menin & au Tournaisis ; la Puelle, au Midy du Melanthois, dont elle est séparée par la Marque, s'étend jusqu'au Tournaisis ; le Quartier d'entre l'Escaut est un petit Terrain de trois lieuës de long¬ une lieuë & demie de large entre Tournai, le Mont de la Trinité & le Pont des Pierres ; la Comté n'est point un Quartier séparé, mais consiste en villages dispersez dans les autres quartiers qui ressortissent à des Juridictions disserentes en Flandre & en Hainault ; la Gouvernance de Douay s'étend des deux cotez de la Scarpe en 28 Villages ; le Païs de l'Alleu entre Esterre & Merville n'en contient que cinq. Le total de cette étendue comprend 298 Bourgs, Villes ou villages avec Lille, Douai & Orchies, ce qui compose la Flandre Gallicane, ainsi nommée, tant parce qu'elle appartient d'ancienneté à la France, que parce qu'on y parle François.
Histoire Génerale.
Cependant elle faisoit encore plus anciennement partie du Comté de Flandre & n'en auroit jamais été demembrée sans la guerre que le Comte Ferdinand de Portugal entreprit mal à propos contre Philippe Auguste, dans laquelle il succomba & fut pris prisonier. Guy de Dampierre eut le même sort sous Philippe le Bel & mourut à Compiegne en 1304. Ce fut alors que le Roi prit par transport les Villes & Chatelainies de Lille & de Douai pour aider à se payer & pour acquiter le Comte des grandes sommes qu'il prétendoit lui être dûës. Les Communes de Flandre prétendirent de leur part que ces Villes n'avoient été cédées que par engagement & pour fureté de la somme qu'elles avoient promises pour fureté de la Paix, & ce fut le principal fondement de leur haine contre la Domination Françoise, qu'elles signalèrent par une guerre de près d'un Siécle. Cependant les Rois de France ne se relacherent point, ils établirent un Gouverneur dans le Païs & des Cours de Justice à Lille & à Douai, & demeurèrent en cette possession malgré tous les efforts des Flamands jusqu'en 1369, qu'à la consideration du Mariage de Marguerite heritiere de Flandre & d'Artois avec Philippe le Bon Duc de Bourgogne, le Roi Charles V. y renonça en faveur de son frere & de sa posterité masculine seulement. On prétend néanmoins que par un autre Traité secret passé à Arras la même année, le Duc Philippe avoit renoncé à jouïr de cet avantage, qui n'auroit été stipulé que pour obtenir le consentement des Flamands à son mariage, quoi qu'il en soit le cas de la réversion etant arrivée, Maximilien d'Autriche, loin d'y consentir, deffendit ce Païs par la guerre, qui est devenuë ensuite continuelle entre les deux Monarchies de France & d'Espagne a cette occasion, puis que toutes les autres querelles n'en ont été que des consequences.
Rivieres du Païs.
Les principales Rivieres de cette étenduë sont la Lys, dont il a été parlé, ainsi que de la Scarpe & de la Deulle Haute & Basse ; les trois premieres sont navigables & la quatrième ne l'est pas. Il y a un Canal depuis Douai jusqu'à Lille, par lequel on a établi la navigation de l'Escaut & de la Scarpe à la Deulle & à la Lys ; celle-ci passe par Merville, Sally, Armentieres, Bourlemont, où elle reçoit la Basse Deulle, Varneton, domines, Werwick, Bousbeck & Hailliun où finit la Chatelainie de Lille. La Scarpe passe à Douay, Marchienne, S. Amand, & se perd dans l'Escaut à Mortaigne. La Deulle passe au Mont Aventin, Haut Bourdin & Lille. La Marque vient d'Orchies & se jette dans la Deulle au dessous de Lille. Les grandes commoditez que le Païs reçoit par le moyen de ces Rivieres sont dûës aux Ecluses qui en retiennent les eaux & sans lesquelles la Navigation ne se pourroit faire-, les principales sont au Fort de la Scarpe pres de Douay &... où la Deulle fait un grand sault, qui auroit pû interrompre la navigation entiérement. On a proposé d'en faire une autre dans la Ville de Lille pour rendre la communication libre de la Haute & Basse Deulle, ce qui semble devoir être d'une grande utilité à tous les Marchands, cependant on peut dire que quoique la Navigation a reg la dépense, elle a de grandes incommoditez par la longueur, a cause du nombre de férentes écluses où il faut attendre l'eau, elle est toutefois préférable aux voitures de terre. sur tout dans un Païs où les longs hyvers rendent les chemins mauvais pendant les
FLAN DRES.
Qualité du Terroir. Son Produit. Caractere des Peuples.
deux tiers de l'année. Les autres écluses sont à Vambrechy sur le Deulle, à Houppelines, à Comines & à Menin sur la Lys : on a encore proposé de tirer un Canal de Menin à Tournay pour joindre la Lys à l'Efcaut & un autre de Comines à Ypres, mais cela souffre de grandes difficultez. Le terrain de cette Chatelainie est uni presque par tout l y a beaucoup de bois, mais ils sont de petite étendue ; à l'égard de la fertilité, les quaro¬ de Carembaut, Melanthois, Puelle & Douay sont secs & ne laissent pas de produire de trés-bons grains ; ceux de Weppe, Ferrain & l'Alleu sont si gras, si bons & si fertiles que les terres n'y reposent jamais, à quoi il faut ajouter que l'industrie & le travail des gens de la Campagne seconde éxtrêmement la bonté du terrain des uns & des autres. Outre les grains de toute espèce, la terre rapporte du lin, des feves & des carottes, de la garence, du tabac, des trefles, des raves ou gros navets, des foins & de toute forte de legumes. Il n'y a que les colsats & les lins que l'on transporte hors du Païs, car les bleds & autres choses qui y croissent ne suffisent pas au nombre d'habitans & de bestiaux qui y sont, c'est pourquoi il vient encore des bleds, des avoines & des foins d'Artois & de Flandre Occidentale. Le Peuple est si peuplé qu'il y a tel village, comme Turquoing, où l'on compte 12000 Communiants, & à l'égard des bestiaux, il y a 12000 chevaux, 5000 vaches, autant de moutons. Cette grande abondance de bestiaux ne vient pas feulement de la bonté des pâturages, mais encore du sin que l'on prend de les bien nourrir, car on ne se contente pas de leur laisser la nourriture ordinaire des prairies, on leur prépare encore à boire & à manger : on donne aux vaches le marc du grain dont on a tiré la bierre, on leur fait chauffer l'eau qu'elles boivent, on y detrempe des tourteaux qui sont faits du marc des colsats, après qu'on en a tiré l'huile, & l'éxperience fait connoître combien cette forte de nourriture leur est profitable, puis qu'il n'y a point de vaches qui ne rendent à l'heure deux seaux de lait. Le treffle est une herbe qui leur profite beaucoup, on la semé avec le froment, & la premiere année elle ne rapporte rien que le fourage, mais l'année suivante elle repousse si fortement qu'on la coupe deux ou trois fois & qu'après la derniere coupe, on y pâture des bestiaux, qui y trouvent une nourriture si forte qu'il est de la prudence d'empêcher d'en trop prendre, après le mois de Septembre on leur donne le treffle sec avec de gros navets, quon nomme rapes ou petites feves ; on seme les rapes au mois d'Août sur un labeur fort leger dans les champs où on a depouillé du bled, on en peut receuillir six semaines après, mais ordinairement on les laisse en terre tout l'hyver, parce qu'elles y grossissent, on les tire à proportion du besoin qu'on en a, & il n'en doit plus rester au mois de Mars parce qu'alors on prépare la terre à une nouvelle recolte ; les feves sont aussi une éxcellente nourriture pour les bestiaux, quand on les a fait amolir dans l'eau chaude, la tige sert à brûler, ainsi il n'y a rien de perdu. Quant aux lins ils sont d'un si grand rapport que quand ils viennent bien, ils valent presque toûjours le prix du fonds sur lequel on les a receuilli, mais il faut beaucoup de foin & de dépense pour en procurer une bonne récolte ; le colsat doit être semé à la fin du mois d'Août & on les transporte au mois d'Octobre, la tige en est bonne à brûler, les Hollandois emportent beaucoup de cette graine pour y gagner la façon de l'huile & profiter du marc pour leurs bestiaux. Outre les terres cultivées il y en a un grand nombre qui étoit autrefois des marais & qui en ont retenu le nom, lesquels ayant été desseichez servent de pâture commune à certains Villages. On y éleve des poulains, des genisses & quantité d'oyes, plusieurs de ces marais sont plantez d'ormes, de peupliers, de saules en Symetrie, & comme on en met aussi sur le grand Chemin, tout le Païs a l'air d'une promenade continuelle. Les vergers sont remplis darbres fruitiers de toute espece. A l'égard des richesses souterraines il n'y en a aucune, si ce nest de la pierre blanche & molle propre à bâtir. A l'égard du genie des habitans, il est certain quils ne sont pas on les trouve toûjours particuliers & reservez, ils ne s'appliquent jamais aux Sciences ni aux belles Lettres ; toute leur inclination est tournée vers le Commerce à quoi ils ré-
FLANDRES.
ussissent assez bien, ils se défient des Etrangers & ne se communiquent point, ils aiment la liberté ou plutôt haïssent la contrainte, sont fidèles & néanmoins interessez ; le petit Peuple est grossier, les femmes y sont belles & ont de l'esprit, mais elles aiment le luxe, & ménagent tout en particulier pour paroître en Public avec éclat.
De la Ville de Lille. Bureaux des Finances. Souverain Baillage. Hôtel des monnoyes.
La Ville de Lille, non feulement Capitale de cette Province, mais encore de toutes les Conquêtes du Roi dans le Païs-bas depuis qu'il y a établi la résidence d'un Gouverneur General, est située dans un terrain marécageux, elle contient dans un éspace qui a une lieuë de tour 55000 habitans & 6000 maisons, les anciennes ne sont bâties que de bois, mais les nouvelles sont de pierres & de briques qui sont un aspect fort agréable, c'étoit au commencement un Château des Comtes de Flandre, dont les environs se sont si fort accrus peu à peu dans l'espace de 7 à 800 ans jusqu'à former une grande Ville, telle qu'elle est aujourd'hui. On voit par les titres que ce Château fubsistoit encore sous Baudouin III. Comte de Flandre en 1067 ; il y a diverses Cours de Justice qui y sont leur résidence. Philippe le Hardi y établit en 1385. une Chambre des Comptes, qui connoissoit des matieres de finances & de celles de la justice ordinaire. Le Duc Jean trouva à propos en 1409. d'en former deux Corps séparés, l'un pour la Justice fut envoyé à Gand, où il subsiste encore sous le titre de Conseil de Flandre, & l'autre pour la Finance fut fixé à Lille, où il à duré jusqu'à la reduction de cette Ville que les Officiers se sont retirez sous la Domination de l'Espagne, où ils sont leurs fonctions à Bruxelles. Cette Chambre avoit son ressort dans les Comtés de Flandre, d'Artois, de Hainaut, de Namur & la Seigneurie de Malines, avec la connoissance des affaires des Officiers comptables de la Cour du Prince, on y avoit amassé plus de 50000 Regîtres, qui contiennent les titres originaux de toutes les affaires de France, le Roi pour leur conservation y a commis un Garde des Archives qui en a soin sous les Ordres del'Intendant. De plus le Roi y a nouvellement créé par Edit du mois de Septembre 1691. un Bureau des Finances, dont le ressort s'étend sur l'Artois, le Hainault & le Païs que le Roi possedé en Flandre, sa compétence renferme la Jurisdiction contentieuse du Domaine l'enrégistrement des lettres d'octroy, d'érections, d'annoblissement, les matieres des finances, l'audition des comptes des plusieurs Villes, Bourgs & Villages, & enfin la réception des hommages dûs au Roi, ce qui est considerable, y ayant 8000 fiefs qui en relèvent immediatement, les Charges ont été vendues au profit du Roi environ 450000 l. il y a 2 Présidents, 13 Trésoriers, & c. Le Souverain Baillage de Lille ainsi nommé parce que le Gouverneur en est le Chef, & qu'il a la connoissance des cas Royaux est un Tribunal ancien établi par Philippes le Bel. Le Roi en a créé les Charges héréditaires en 1693. & les a vendus à son profit environ 283000 l. il est composé de deux Lieutenants, un général & l'autre particulier, de six Conseillers, d'un Avocat & d'un Procureur du Roi, d'un Receveur de consignations qui a payé 100000 l. de sa Charge & d'un Greffier propriétaire qui a payé 28000 l. de la sienne. Le Baillage ordinaire étoit l'ancienne Jurifdiction des Comtes de Flandre, le Baillif n'a point de voix deliberative, il n'a point d'autres droits que de semoncer les hommes des Fiefs, de rendre justice sur les cas qu'il leur propose. Cet Office avoit été engagé par le Roi l'Espagne, mais celui de France l'a réüni à son Domaine & depuis engagé nouvellement pour 40000 l. Les Baillifs des quatre Hauts Justiciers de la Chatelainie s'en sont rendus Adjudicataires au profit de l'Etat avec faculté de l'éxercer tour à tour trois mois de l'année, comme aussi ils ont racheté la Charge de Lieutenant pour 90000 l. Le Roi créa encore en 1693. six Offices de Conseillers qu'il a vendu 6000 l. chacun, cependant cette Jurisdiction n'est que féodale, mais ces Officiers ont un droit particulier dans la passation des Contracts qui portent constitution de rentes, lesquels doivent être signez du Greffier & d'un Auditeur du Baillage & porter le sceau de Baillage, au moyen de quoi l'hypotheque est acquise par preference sur les biens situez dans le ressort : le droit du Greffier est le centième de la somme principale. Le Roy a pareillement créé à Lille un Hôtel des Monnoyes en 1685, & l'on
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peut dire qu'après Paris & Lion, aucune n'a fabriqué ni reformé plus d'especes que celui-ci, il y a passé 25000000 en huit années. On a aussi établi une Jurisdiction de Traites dont la Présidence a été vendue 15000 l. & les autres Charges à proportion. Les Baillages de la Chatelainie de Lille, autrement dit Phalempin, est l'ancienne Jurisdiction de Chatelains de Lille, dont le Domaine, ayant passé de la maison de Luxembourg en celle de Bourbon, a été réuni à la Couronne par l'événement de Henry IV, la Charge de Bailli a été vendue 28000 l. il a le premier rang dans les Assemblées des 4 Seigneuries, & d'ailleurs dans sa Jurisdiction il n'a d'autres droits que celui de semoncer les hommes de Fiefs. Le Roi a aussi créé une Maîtrise d'eaux & forêts pour la Chatelainie.
Magistrats Ses revenus Manufacctures.
A l'égard des Magistrats de la Ville, il est composé de 49 personnes qui sont de Beuwast, douze Echevins, douze Conseillers & cinq Gardes Orphèvres qui sont renouvellés tous les ans au jour de la Toussaints, huit Preud'hommes & cinq Appaiseurs qui sont nommez par les Curés de la Ville, ce Magistrat a toute Jurisdiction civile & criminelle & de Police dans la Ville & Banlieuë, à la réserve des Cas Royaux ; les Offices des Conseillers Pensionaires, des Syndics & de Greffiers ont été créés héréditaires en 1693. & vendues en total 18000 l. en comptant l'Office de Prévôt. Il y a de plus dans la Ville quelques Justices particulières des Seigneurs, sçavoir celle du Chapitre de S. Pierre & celle de Broucq au Prince d'Epinay. La Ville a 800000 l. de rentes ordinaires, dont les Magistrats ont l'administration, la recette s'en fait par deux Officiers que le Roi a rendus hereditaires, au moyen de la finance à laquelle ils ont été taxés, mais si ce revenu paroit bien considerable les charges sont aussi très-grandes, parce qu'outre 300000 l. de rentes constituées que la Ville doit, elle est obligée à sa cotte part des impôts ordinaires, aux logemens des Troupes, aux feux & lumieres des Corps de Garde, à l'entretien des fortifications, cazernes & batimens publics & à fournir l'entretien des dépenses journalieres. Le Magistrat a encore racheté sur le revenu de la Ville les Charges de Maires & d'Assesseurs, de Mouleurs de bois, de Controlleurs & de Receveurs ; il a payé les taxes de cens & rentes, de garde bierre, d'Augeurs, Brasseurs, les bougies & lanternes & quantité d'autres, ce qui l'a obligé à surseoir le payement des arrérages des rentes constituées, mais en même tems il a tout à fait ruiné son credit. Cependant les ressources de cette Ville sont grandes, il y a plus de 4000 Marchands ou Maîtres de toute forte de métiers, & il y en a plusieurs parmi eux qui entretiennent jusqu'à 1200 Ouvriers. On y fabrique toute sorte d'étofes, ratines, serges, damas, velours, camelots, coutils, dentelles, tapisseries, savons. Les deux principales Manufactures sont celles des Sagetteurs & Bourgeteurs qui travaillent tous deux aux serges, à la difference que les derniers ont tiré leur noms de la Ville de Bourges d'où ils sont venus, & la jalousie qui est entre ces deux corps a produit autrefois une émulation très-profitable, mais elle a dégeneré en haine & en envie qui ruine les uns & les autres. Il y a 40 ans que ces Ouvriers fabriquoient jusqu'à 500000 pièces d'étoffe, mais la misère inséparable de la guerre, la cherté des vivres & les impôts les ont obligez de quitter, la moitié a passé dans les Villes d'Allemagne, à Gand & à Bruges, où ils ont établi des Manufactures, cependant le Peuple de Lille est augmenté, mais d'une maniéré qui n'apporte aucun profit, le nombre des Domestiques a triplé & de même de tous les métiers qui fervent au luxe & à la dépense.
Douay.
Douay Ville ancienne sur la Scarpe avoit autrefois des Seigneurs particuliers, elle s'est trouvée dans la fuite réunie à celle de Lille dans un même Corps d'Etat : c'est présentement une Ville très-fortifiée, protégée par une grande inondation & par le Fort de Scarpe, qui en est à un quart de lieuë, elle est plus grande que Lille, mais elle n'a pas le tiers des habitans, ni la dixième partie de ses richesses ; elle a une Gouvernance & un Baillage, dont les Offices ont été vendus au plus offrant, un Magistrat Electif dont les Conseillers, Penfionaires, Procureurs sont aussi devenus héréditaires. Les ordonnances du Magistrat sont exécutées par deux Prévôts, l'un de la Ville qui est le Prince d'sspinay, l'autre de S. Albin qui est le Comte d'Egmont, ils ont des Lieutenans qui sont leurs
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Orchies. Seclin. Armentieres. Comines. Lannoy. La Bassée La Gorgue.
fonctions à leurs places. Les revenus de la Ville ne montent qu'à 25000 l. les charges sont grandes & les ressources très-petites parce qu'il n'y a plus de Manufactures. L'Université de cette Ville fut établie en 1559. avec les mêmes privilèges que celle de Louvain, dont elle n'a toutefois pû se mettre en possession : ses Colléges principaux sont ceux du Roi, d'Anchien, Marchiennes & de S. Wast. Il y a plusieurs bourses, & la jeunesse voisine y vient apprendre la Philosophie, la Théologie, le Droit & la Medicine. Le Recteur Magnifique a droit de correction sur les suppots, ce qui lui donne de l'autorité dans la Villes Orchies n'est plus considérable que par le droit qu'elle a d'envoyer ses Deputez aux Etats de la Province, on prétend qu'elle étoit autrefois plus grande que n'est à présent Lille, elle a un Baillage & un Magistrat, mais ses revenus sont si petits qu'elle n'est pas en état de payer seulement les 180751. qu'elle doit pour son contingent du don gratuit que la Province fait au Roi. Seclin à deux lieuës de Lille est un petit lieu de 300 maisons qui a un Baillage & un Magistrat comme les autres. Armentieres sur la Lys a 600 habitants, un Baillage & un Magistrat, ses revenus ne montent qu'à 25000 l. elle appartient au Comte d'Egmont, le grand debit de ce lieu ne consiste qu'en briques qu'on fait cuire aux environs. Comines sur la Lys appartenoit autrefois à la maison de la Clises, dont étoit Philippe dit de Comines qui a écrit la vie de Louïs XI, le Prince de Chymais en est possesseur, il renouvelle le Magistrat quand il lui plaît. L noy a donné son nom à une Famille illustre, il y a un Château qui la rend assez considérable & un petit commerce d'étofes de laine qui se sont aux environs. Le Prince d'Isenghein en est Seigneur & dispose du Magistrat. La Bassée est un démembrement du Domaine de Phalampin, elle a été fortifiée dans la minorité du Roi & son Gouverneur tiroit d'immenses contributions de la Chatelainie de Lille, cela est présentement oublié. La Gor°ue Capitale du Païs de Lalleu est situee sur la Lys dans un Païs soit agréable, il y a un Bailly dont la fonction est de conjurer les Echevins pour rendre la justice. L'Abbaye de S. Wast prétend avoir la Jurisdiction de la Campagne, qui est éxtrêmement peuplée le grand commerce qui s'y fait est la blanchisserie des toiles, le Conseil d'Artois éxerce la Justice dans ce Canton, ce qui le rend dependant de deux Provinces, puis que quant à la finance, aides & subsides, qui montent pour les quatre Villages à 12500 l. il est Membre de la Chatelainie de Lille. Outre ces Villes, il y a de gros Bourgs qui valent mieux qu'elles, Turcoing & Roubaix sont de ce nombre, il s'y fabrique beaucoup d'étofes mêlées de soye & de laine. La commodité, qu'ont les habitans de joindre le labeur au travail de leur métier, leur donne le moyen de subsister plus aisément que dans les Villes fermées, & cela contibue à y faire fleurir davantage les Manufactures, mais d'autre part, de peur que cela ne nuisit à celles des Villes, il y a de certaines fabriques interdites à la Campagne.
Etat Ecclesiastique. Chapitres. St Pierre. S. Piat. De Douai.
L'Etat Ecclésiastique est très-storissant dans cette Province, qui est partagée entre les Diocèses de Tournay, Cambray, Aéras & S. Orner. Le plus considérable Chapitre s'y trouve est celui de S. Pierre de Lille, composé de cinq Dignitez, 48 Chanoines, plusieurs Chapelains & Vicaires, le tout au nombre de 100 perionnes, il est sujet immédiatement du Pape. La Prévôté a 20000 écus de rente, elle est à la nomination du Roi, le Doyen & le Chantre sont électifs, les Canonicats valent 1600 l. par an, ils ont été fondés par Baudouin V. Comte de Flandre en 1069. Il y a trois Prebendes affecteesaux Evêques de Tournay, Bruges & Ypres, le Pape & le Prévôt nomment aux autres Prébendes, chacun dans leur mois, le Prévôt n'a que ceux de Juin Mars Septembre & Decembre Le Chapitre de S. Piat de Seclin est le plus ancien de la Flandre, on l donne 1300 ans de fondation, il y a cinq Dignitez & 12 Prébendes qui valent 1000 l. chacune & sont à la nomination du Prévôt & du Pape comme celle de Lille & dans es mêmes conditions : le Prevôt a 3000 l. de revenu. Le Chapitre de Douay étoit une a cienne Abbaye sondée au VIII. Siècle à Merville sur la Lys, elle a ete transférée & secularizée, il y a cinq Dignitez & 24 Prébendes de 800 l. chacune : le Roi nomme le Prévô
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Abbaïes.
Prévôt comme aux précédents, & celui-ci avec le Pape nomment chacun à leur mois les Chanoines. Le Chapitre de Comines est entiérement à la nomination de l'Evêque de Tournay, depuis que la Prévôté est unie à son Eveché ; il y a 12 Chanoines & un Doyen. Les Abbaïes de cette Province'font Marchiennes, Ordre de S. Benoît, en regle de 60000 l. de revenu. Los près Lille, Ordre de Cîteaux en regle, de 30000 l. Choisin, Ordre de S. Augustin en regle, de 25000. Phalanpin, id, de 10000 l. & le Prieuré de Sujes dépendant de S. Nicaise de Rheims de 8000 l. Les Abbaïes de filles sont Mosquete, Ordre de Citeaux de 30000 l. Beaupré sur la Lys du même Ordre de 15000 l. S. Adouan Ordre de S. Augustin de 3000 l. La Paix à Douay, Ordre de S. Benoît, de 4000 l & Flines, Ordre de Cîteaux, de 50000 l. Toutes ces Abbayes sont électives, & l'Election se fait en présence des Commissaires du Roi ; mais Sa Majesté ne s'est pas astreinte à la suivre quoiqu'il arrive rarement qu'elle nomme d'autres sujets que l'un de ceux dénommez au procès verbal de l'élection. Les Villes outre cela ont beaucoup d'autres Eglises qui ont toutes des revenus, l'on compte dans cette partie de la Flandres environ 1500 Ecclésiastiques & autant de Religieuses. Le crédit des Moines étoit autrefois si grand dans la Flandre qu'ils dominoient dans toutes les Familles, mais quoique le Peuple soit toûjours fort attaché à la Religion, encore que très-mal instruit, il paroit s'être fort relâché de sa soumission précédente ; les Ecclésiastiques de ce Canton cultivent rarement les Sciences, toutefois on n'y voit aucun Heretique.
Gouvernement Militaire. Marêchaussée.
Le Gouvernement Militaire de la Ville de Lille est attaché au Gouvernement Gerieral des Païs-bas, dont étoit pourvû M. le Marêchal de Boursiers & son fils en survivance ; le Comte de Móntbront étoit Lieutenant General de la Province ; auquel M. le Chevalier de Luxembourg a succedé ; il y a de plus un Commandant particulier de la Ville, un Major, trois Aides-Majors & trois Capitaines des Portes. Le Gouverneur de la Citadelle a sous lui un Lieutenant de Roy, un Major & un Aide-Major. Le Fort de S. Sauveur, qui est aussi clans la Ville de Douay, & le Fort d'Escarpe ont aussi pareillement leurs Gouverneurs & autres Officiers. C'est une regle génerale pour les Villes de Flandre des conquêtes du Roi que les Troupes y soient logées, sçavoir les Officiers dans les Pavillons bâtis au depens des Villes & à leur defaut dans des cabarets & les soldats dans les cazernes. Les Magistrats fournissent l'ustencille, c'est adiré, l'ameublement aux Officiers, les lits, le chaufage pendant l'hyver aux Soldats. Les Troupes des Citadelles sont entiérement à la charge du Roi, il n'y a point d'étapes dans les Païs-bas, les Troupes doivent y vivre de leur solde, où il n'y a point de cazernes, on leur fournit le couvert & de la paille pour se coucher. Le Roi a établi dans les Païs-bas une Maréchaussée composée d'un Grand Prévôt, dont la Charge, avant d'être divisée, valoit 100000 l. six Lieutenants, deux Assesseurs & autant de Procureurs du Roi & de Greffiers, 8 Exempts & 70 Archers. II y a à présent deux Prévôts, l'un qui réside à Lille & l'autre pour le Hainault, les Archers sont divisez selon les Départemens.
Etats. Don gratiuit.
La Province de Lille est un Païs d'Etats, qui s'assemblent ordinairement à la fin de chaque année, en vertu d'une Lettre de cachet du Roi en présence du Gouverneur & de l'Intendant qui y président, celui-ci fait les propositions. L'Assemblée se tient à Lille & est composée d'un Magistrat qui tient le premier rang, des quatre Seigneurs Hauts Justiciers, qui sont le Roy, à cause de la Chatelainie de Lille, terre & Seigneurie de Phalempin ; le Prince d'Epinoy pour la Baronie de Sisoing ; le Comte d'Egmont ou ses Repréfentans ppur celle de Warin & le Prince de Chymay pour celle de Comines ou des leur Bailisss –, Áles Députés des Magistrats de Douay & de ceux d'Orchies. Les Ecclesiastiques & la Noblesse n'assistent point à ces Etats, parce qu'ils sont exempts naturellement des subsides, mais soit pour le soulagement du Peuple soit pour augmenter le profit du Roi, le Gouverneur les assemble séparément, & l'Intendant leur fait une demande au nom du Roi pour le soulagemenr des Villes & des Peuples de la Campagne, en conséquence duquel ils accordent ordinairement un vingtiême & demi des revenus
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Autres subsides. Comptes publics. Observation au sujet des Hauts Justiciers. Impositions du Païs de l'Allen. Domaine.
qu'ils tiennent par leurs mains : mais quant aux véritables Etats, le Roi leur fait une demande ordinaire de 250000 l. qui ne manquent jamais d'être accordées, & la somme d'être fournie, moitié par les Villes, moitié par les habitans de la Campagne ; sur lesquels on la leve par vingtième des revenus des biens ; Lille donne outre cela 113000 l. par a pour l'entretin des Fortifications ; la Ville de Douay en donne 40000 pour le même sujet. Plus le Roi lève un droit de quatre patards par bonnier de terres qui produit 13600 l. le bonnier de Flandre fait trois arpens de France, mais comme ce secours ne suffit pas toûjours pour les besoins du Roi, il se fait selon les occasions une levée d'aides extraordinaires, par maniere de taille, en vertu des Rolles arrêtez par l'Intendant de la Province de concert avec les Justiciers. Plus cette même Province fournit la plus valuë des fourages que le Roi ne paye que cinq fols, les pensions des Gouverneurs, l'entretien des Chaussées, la fourniture des Chariots & Pioniers, la dépense des Députés aux Etats ; de sorte que les levées ordinaires qui se sont dans cette Province montent à près de deux millions par an, qui sont employez au profit du Roy & aux dépenses publiques, effet de la bonne volonté des Peuples qui passe toute croyance, si l'on fait attention à la petite étenduë du Païs, qui ne contient que 200 villages tout au plus, & la continuation de leurs efforts pour fournir annuellement de si grosses sommes, dans le même tems qu'ils ont payé la capitation, racheté les Charges des Collecturs, Contrôleurs, Greffiers, Syndics, Maires, Echevins & autres Officiers qu'il a plu au Roi de créer pendant les dernieres guerres. Les comptes de toutes ces impositions se rendent, sçavoir ceux des Villes à la mutation du Magistrat en présence du Gouverneur & de l'Intendant ; ceux de la Campagne en présence de Bailliffs des Hauts Justiciers ; ceux de l'Etat commun en présence des uns & des autres, & ceux des levées aux quelles les Nobles ont contribué en présence de deux Députez de chaque Corps, l'Intendant assiste & préside à tous. La raison pour laquelle les Hauts Justiciers dirigent ces impositions & entendent les comptes des mises, est qu'ils jouïssent encore du droit autrefois commun à tous les Seigneurs de Haubert, d'imposer eux mêmes à leur vassaux des taxes proportionnées à ce qu'ils accordoient volontairement aux Souverains, le Roi n'ayant point anciennement le droit d'éxiger aucune somme des vassaux des Seigneurs, si eux-mêmes n'y avoient consenti & n'en avoient fait l'imposition, ainsi les Comtes de Flandre & Ducs de Bourgogne se sont toûjours addressez aux quatre Justices de cette Province, qui étoient alors les seules afin qu'ils voulussent laisser lever sur les habitans de leurs terres les sommes convenuës & dont ils avoient besoin ; ces fortes de taxes étoient alors modiques & rares, mais elles sont accrues à mesure que le Païs est augmenté en biens, & comme la possession de ces Hauts Justiciers n'a jamais été troublée ils ont continué de prendre connoissance des derniers qui se levent à la Campagne pour les subsides ordinaires & éxtraordinaires à quelque titre que ce soit. Il faut remarquér que les subsides de l'Alleu ne sont point compris en celui du reste de la Province & qu'il monte pour les quatre villages à 10500 florins, toutefois par arrêt donné en 1671. l'administration de ces deniers a été attribuée aux quatre Justiciers. Mais comme les Seigneurs ont negligé de se trouver aux Assemblées, usant à leur propre préjudice du droit qu'ils ont de commettre leurs Bailiffs à leur place, & que dailleurs les affaires qui passent par leurs mains interessent tout le Public, l'usage des Conseillers Pensionaires qui les assistent de leur avis s'est établi avec juste raison, il y en a deux avec un seul Greffier & deux Receveurs qui ont acheté leurs Charges avec le droit dhérédité chacun 25000 l. Le Roi a encore dans cette Province un Domaine qui lui rappoiteroit 60000 l. par an, s'il n'étoit presque entiérement engagé tant du fait du Roi d'Espagne que du sien, il n'en tire pas à présent plus de 10000 l.
Noblesse.
Comme la Province de Lille est un Païs de Commerce, il n'est pas étonnant quil y ait peu de Noblesse & que les terres érigeés en Dignité y soient si rares, il y a cependant de très-bonnes maisons, le Comte d'Egmont y possedé la Baronie d ? Armentieres, Erquinghem sur la Lys, Radinghan, Rouvroy, S. Simon, Verlinghen, Wavieres & S. Albin. e
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Le Prince d'Epinoy du nom de Melun, le Marquisat de Roubaix, la Baronie de Clison, Brocueq, Baissieaux, Ennechin, la Royere & Montreuil Achevens. Le Prince de Robecq, du nom de Montmorency, Capelle en Puelle, Bersées, des Watines, Roupy & Nonaing ; Le Comte de Horne la terre d'Ecluse ; le Prince de Bournonville, Wasque, Helle & Bonduës ; le Prince d'Ifanghein, du nom de Villain, Gang, Capinghen, Honglois, Lys, Launoy, Comines, Sequettin, Lincette & S. Oupplines ; le Duc d'Arrech Turcoing ; le Prince de Chimay de la maison de Hamin, Comines & Hallin ; le Comte de Bossu, le Bas Warneton ; le Comte de Souastré, Courtis & Empoye à Roncq ; le Prince d'Et-nicuse petit-fils du Président Richardot, la Terre d'Auberhot ; le Marquis de Longastre, le Vicompté de Haut Bourdin & Emmerin ; le Comte de Coupignies Beaucam & Vieres ; le Comte d'Alennes, Alennes avec Herquincq, Hem le sec ; le Comte de Maldeghem, Marquet en Ostervant ; le Comte de Rache, la terre de Rache ; le Comte de Ribaurie la terre de son nom ; le Marquis de Lade, Peronne ; le Baron d'Ederem du nom de Renesse, Visignon ; le Comte d'Etrées, la terre de ce nom ; le Baron de Fosseux de la maison de Hennith Lietard, la terre de la Motte au Ploick ; le Vicomte d'Amast, la Sei-gneurie de Hennequin ; le Baron d'Orchies, Huelles, Malle & Florent ; le Comte de Mourville, Houpy ; le Marquis de Han du nom de Sand, la terre de Hem, Sailly & la Rive ; le Comte de Flestre du nom de Vignacourt Marquilliers, Hautay, Fesches la Rance & Herlies ; le Comte d'Aunaples du nom de Robles, le Comté d'Aunaples, Santes & Quinquempoix ; le Comte de Lumbres de la Maison de Fiennes, Etain ; le Comte d'Aunerval, Thumieres ; le Marquis de Henchein du nom de Cro, Ferlinghen ; le Marquis de Quesnoi, la terre de son nom ; le Comte de Genech, Fermelles & la Prairie de Barlaimon ; le Comte d'Avelain, Auclain & la Magdelaine ; Je Baron de Bruques, Neuville en Ferrain ; le Baron de Wordent la terre de Chevens ; le Baron de
Landafs, la terre de son nom ; le Sieur de Bourgogne, la terre de Herbaine ; le Sieur des Croix, la terre des Pottes ; le Sieur d'Assigny, la Terre de Hensclimieres ; le Sieur de Wandergrack, la Prévôté de Fretin ; le Sieur du Chatel, la Houarderie la Motte, Ringueval & Halluim à Fleirs ; le Sieur de la Croix d'Adizelles, Hebuternes, & MulF embus ; le Sieur de Hennein Bernicule, le Meines ; le Sieur de Thauremonde Merignies, & c. Les plus considerables de ces terres sont Chisoing de laquelle dépendent près de 300 fiefs ; Waurin qui en a 280 ; Comines qui en a 200 ; Roubaix qui en a 150 ; le Quesnoy, Rasches, Aunaples, Avelin, Hausbourdin & Boubesque érigé en Baronie en saveur des descendans de celui qui a donné la relation de son voyage de Turquie. Parmi les personnes qui viennent d'être nommées, il y en a plusieurs, dont les Ancêtres ont possedé les plus grandes Dignitez & des biens fort considérables, mais leur Posterité est bien déchue, à la reserve des Seigneurs de la Haute Noblesse qui sont au Service de la France & de l'Espagne ; les autres sont peu de chemin dans le Service & à la Cour, les honneurs de celle-ci ne leur sont point assez sensibles pour les y attirer.
Commerce de la Province. Avec la France.
La Province de Lille a beaucoup d'avantage pour faire fleurir son Commerce ; la fertilité du Païs, la commodité de la Navigation, le debit facile des Marchandises & sur tout le genie des habitans qui y est porté. La Ville de Lille est celle qui met toutes les autres en mouvement, parce que ses habitans sont assez riches pour former de grandes entreprises : on aura peine à croire, ce qui est très-vrai, que cette feule Ville fait subsister dans le Païs plus de 100000 personnes, par le moyen de ses Manufactures ; mais en traitant de cette matiere, il est bon de remarquer que le Commerce a rapport à deux sortes de choses, celles qui croissent dans un Païs pour y être consommées plus loin & celles que l'on fait venir des Païs étangers, pour suppléer à ce qui manque naturellement. A l'égard du premier, on a parlé ci-devant du produit de la Province en grains, legumes, huiles, fruits, & c. étoffes de laine, fil, soye, dentelles, & c. mais on n'a pas encore expliqué ce qu'elle tire de ses voisins. La France lui fournit des vins, de l'eau
DRES,
La Hollande. Les Païsbas. L'angleterre. L'Espagne & les Indes.
de vie, des confitures, des fruits secs, des huiles à manger, des étoffes de pure soye, des galons, des rubans, du papier, des armes, du soulphre, du salpêtre, des verres, de la fayance. Elle tire de la Hollande ou par son moyen des draps, du poisson sallé, des cheveux, des baleines, des épiceries, des drogues, des teintures, des couleurs, des cendres de bois, de l'allun, des cuirs, des fromages, du goudron, de sa corne, du cuivre, de l'yvoire, des curiositez des Indes, des caractères d'Imprimerie, des livres, du papier, du miel, du marbre, du cotton, & c. Elle tire des Païs-bas Espagnols du Païs de Liege & d'Allemagne, des laines, des soyes, des bestiaux, de la volaille, des foins, du charbon de terre, du fer, du plomb, des fils d'archal & de laiton, & c. Elle tire d'Espagne & Portugal de l'or, de l'argent, des draps, des laines, des vins, des huilles, des olives. Elle tire d'Angleterre & d'Irlande des draps, des beurres, des chairs salées, des suifs, des cuirs, des pelleteries, des chapeaux, & enfin à proportion de toutes les parties de l'Eu-rope selon ce qu'elles produisent. Le Commerce de Lille avec la Flandre s'entretient pour l'ordinaire par charois ou par Mer, par la voye de Dunkerque, elle tire une infinité d'argent de la Province, à cause de la grande consommation des vins & eaux de vie, il est vrai que les Troupes y en apportent, mais il retourne aussi-tôt à sa source ; ainsi on doit dire que cette Ville est plus utile à la France qu'à elle-même. Le Commerce avec la Hollande est necessaire, mais les Hollandois, emportent tout le profit, parce que l'on prend chez eux ce qu'on pourroit tirer en droiture des lieux mêmes où ils le vont chercher. Celui du Païs-bas Espagnol leur est plus avantageux naturellement que la Province de Lille, parce qu'ils manquent généralement de débit. Il ne reste donc de commerce veritablement utile que celui d'Espagne & des Indes, c'est pourquoi les Ne-gocians de Lille le recherchent avec tant d'ardeur, ne se contentant pas des marchandi ses que les Païs, qui sont naturellement à leur portée, leur fournissent, mais cherchans dans tous les lieux du Monde ce qu'ils croyent être propre à y debiter, & quand ils ne peuvent, le faire eux-mêmes, ils se joignent avec des Marchands étrangers pour faire ensemble un plus grand effort, mais d'ailleurs cette jonction sert très-utilement pour éviter les inconveniens des guerres, ils tachent par son moyen de sauver des accidens, en mettant leur marchandises sous des noms impruntez, en appliquant aux étoffes des plombs contrefaits & autres moyens que la necessité fait imaginer, lesquels diminuent pourtant le profit à proportion des peines & des soins qu'ils donnent. Il y a deux manieres de negocier avec l'Espagne & dans les Indes, l'une quand un Négociant envoye en Espagne des marchandises qu'il fait ensuite passer aux Indes pour son compte & à ses risques, ce qui s'appelle grojfe avanture –, l'autre quand un Negociant achete pour le compte des Marchands d'Espagne, ce qui se nomme Commission : le premier est plus profitable, le second est plus sûr à cause des risques de la Mer, du mauvais debit, des guerres fréquentes & sur tout à cause des induits, qu'il faut payer au Roi d'Espagne, ce qui tient les Negocians dans une crainte continuelle, ou de ne pas réüssir ou de ne pas retirer leurs effets avec seureté. C'est pourtant le seul commerce qui enrichit cette Province, puisque c'est le seul qui lui apporte de l'argent, que l'on feroit venir en nature, si l'Angleterre & la Hollande ne trouvoient moyen de l'attirer chez eux, pour envoyer la valeur en marchandises ou en draps ou en lettres. La Province de Lille fait tous les ans pour quatre à cinq millions de commerce avec l'Espagne & les Indes, les marchandises qu'elle tire de Hollande ne consomment pas la cinquième partie de cet argent, ainsi elle devroit attirer tous les ans trois à quatre millions en especes, cependant, on n'y en apporte point & on n'y en'apportera jamais tant que les choses seront sur le pied ou elles sont, & que l'on ne laissera pas aux negocians la liberté de trafiquer des espèces comme d'autres marchandises. Il y a trois choses principales qui sont que l'argent qui devroit venir en espèce passe en Hollande & en Angleterre, premièrement la facilité qu'ont les Negocians à trouver des vaisseaux Anglois & Hollandois qui viennent d'Espagne, sur lesquels ils mettent plus volontiers leurs effets que sur les vaisseaux François à qui ils ne se fient gueres. 2°. le
FLANDRES.
lncommodité des Traites.
prix qu'ils retirent des lingots ou castilles ou reaux d'argent, qui est bien plus grand en Hollande & en Angleterre qu'en France ; 30. l'antipathie naturelle des Espagnols & des François, qui fait qu'ils se serviront plutôt des Etrangers prêts à partir d'autant qu'ils sont en défiance de la fidelité ou de l'impuissance des François. Pour attirer dans un Royaume des espèces d'or & d'argent, il faut au moins en payer la valeur & la connoître auparavant, mais c'est un secret que la France paroit ne pas vouloir apprendre ; en Angleterre ce sont les Orphèvres qui achetent les matières d'or & d'argent ; en Hollande tous les gros Negocians en sont trafic, le prix n'en est pas fixé, celui qui en a plus de besoin en donne davantage, le poids & le titre est la feule chose qu'on y examine & sur ce pied il y a encore de l'avantage à envoyer des matieres en Hollande, parce que l'essai qu'on y fait est plus avantageux qu'en France ; or quoique cet estai ne soit pas toûjours juste, le Marchand en profite & les Hollandois n'y perdent pas, puis que cela leur attire une infinité d'argent qu'on ne porteroit pas chez eux, s'il étoit aussi éxact qu'il le pourroit être. Enfin le prix exorbitant des changes de France en Hollande détermine les Marchands à y faire mettre leurs matières d'or & d'argent pour le payement des marchandises qu'ils en tirent, parce qu'autrement ils perdroient la plus grande partie de leur profit.
Quant au commerce d'Angleterre l'on peut assurer qu'il n'est pas favorable à la Province, puis qu'on n'y fçauroit envoyer avec profit aucune des marchandises qui y naissent ou qu'on y fabrique, & qu'on se peut au contraire aisément passer de celles qu'on en tire à la reserve de l'étain & des cuirs. Les Hollandois apprehenderent autrefois beaucoup que l'on n'établit le commerce des Villes Françoises sur un pied certain & raisonnable, par éxemple, que l'on ne retirât directement du Nord, ou des autres Païs les marchandises qu'on prend chez eux, mais ils paroissent aujourd'hui rassurez par l'incompatibilité de nos moeurs & de nos desseins avec l'Ordre & la Regle. La Flandre Françoise est considerée comme un Païs étranger à l'égard du reste du Royaume, & les marchandises qui y arrivent des Païs étrangers y payent les droits ordinaires, suivant le tarif de 1671, à moins qu'on ne veuille les faire passer plus avant, auquel cas il suffit de prendre un acquit à caution pour entrer en France, ou l'on paye au Bureau d'Amiens, Peronne & autres, suivant le tarif de 1664. Il en est de même des droits de sortie, soit que l'on fasse sortir les marchandises du Royaume, soit qu'on les destine au Païs conquis, mais pour empêcher les fraudes, il a été établi des Bureaux dans toutes les Villes où l'on est obligé d'y faire déclaration des marchandises & d'y prendre passavant, quoiqu'il ne soit dû aucun droit pour aller d'une Ville à une autre, or les droits du tarif de 1671. sont si hauts, que les Marchands risquent tout pour ne les point payer, ils sont même favorisez à commettre ces fraudes par ceux qui sont préposez pour les empêcher, le profit particulier prévalant à l'interêt des Fermiers. Ainsi il est certain que la reduction de ces droits en augmenteroit le produit, d'ailleurs l'obligation où se trouvent les Marchands & Voituriers de s'arrêter à tous momens & de mettre la main à la bourse, chose peu agréable aux Flamands, leur fait souhaiter de voir diminuer le nombre de ceux qui éxigent ces differens droits ou déclarations. Les Gabelles n'ont aucun cours dans la Flandre Gallicane, où les Peuples ont été maintenus dans le droit de franc salé, mais en revanche on y a chargé les poissons & toutes sortes de marchandises d'une éxtrême quantité de droits, de forte qu'on ne peut pas dire qu'il s'y consomme la moindre chose qui en soit exempte.
MENIN ET SON TERRITOIRE.
Meniz. Son Magistrat. Commerce. Ses revenus Eglises & Couvens. Gouvernement Militaire. Son produit. Revenus du Roi.
LA Ville de Menin est située sur la Riviere de Lys & est le Chef-lieu de 13 Villages qui composent une des cinq verges de la Chatelainie de Courtray. –, c'étoit anciennement une Seigneurie particulière qui fut acquise vers l'an 1350. par Louïs de Cressy Comte de Flandre. Philippe II. Roi d'Espagne, dans le dessein de la fortifier, fit abbattre un partie des maisons qu'il y avoit pour lors au nombre de 1200, le Roi a fait démolir les anciens ouvrages & en a fait faire de nouveaux en 1678, qui-Pont rendue une des meilleures Places de Flandre. Il y a un Grand Bailly qui est Semonceur & un Corps de Magistrature qui se renouvelle selon la volonté du Roi, il connoit de toutes mat res à la reserve des Cas Royaux, qui vont au Parlement de Tournay, ainsi que l'appel des jugemens du même Magistrat, il ne reste dans la Ville que 5 à 600 maisons. Le seul commerce qui s'y fait est celui des grains, des toiles & du fil qu'on y blanchit, & celui de la bierre blanche qui est fort recherchée, il y a aussi une Manufacture de chapeaux, fins & sans apprest qu'on pouvoit fáire fleurir, comme aussi on pourroit augmenter le commerce des toiles & du fil ; le blanchissage de Menin approchant celui de Hollande. Les revenus de la Ville ne montent pas à 50000 l. par an & les charges les éxcèdent de beaucoup, ce qui a porté souvent le Roi à faire remise de 4000 l. que la Ville lui devoit payer de subside. II n'y a qu'une Paroisse, deux Couvens de Religieuses, deux maisons de charité pour les pauvres, elle est de la maison de Tournay. Le Gouvern de la Ville est le Marquis de Bully l'Etendart, qui a acheté cet employ, il a sous lui u Lieutenant de Roi, un Major, Aide-Major, & c. les Troupes sont logées dans les c zernes. Le terroir de Menin est composé, comme on a dit, de 13 villages & d'envi ron 100 bonniers de terre, il y croit toute forte de grains & surtout de la bouquette, ou bled Sarrazin, dont il se fait une grande consommation à Menin pour la bierre blanche. Il y a une Cour Serdale pour la verge, c'est a dire pour le territoire de Menin, où les affaires sont jugées par les vassaux, le Baillis de la Ville en est Chef. L'aide, que le Roi tire de ce Païs, est d'environ 50000 l. qui se levent en forme de tailles, suivant un rolle arrêté par l'Intendant de la Province, le Roi y lève de plus à son profit les droits que l'on nomme des quatre membres de Flandre, qu'il a fait réunir à son Domaine environ à 100000 l. par an, y compris une trentaine de 1000 l. d'autres droits dominaux, mais la maniere dont on les percevoit les rendoit si onereux au Peuple, que pour en adoucir le joug en quelque maniere, l'on a changé ce droit de moulage en une capitation pécuniaire. II n'y a qu'une Abbaye de Religieuses dans ce territoire, elle est de l'Ordre de Cîteaux & se nomme Wenelghen, elle est élective comme les autres de Flandre. Il n'y a point de Noblesse à Menin & tous les Seigneurs des villages de la dépendance n'ont autre Justice que celle qui est nommée fonciere & féodale, qui n'informe que la Police, toutes les affaires coutentieuses vont au Parlement de Tournay jusqu'à ce que la Baillage d'Ypres sont établi.
TOURNAY ET PROVINCE DE TOURNAI SIS,
Tournay.
LE Tournaisis est une petite Province de dix lieuës de long sur trois & tout au plus quatre de largeur, de deux cotez des Rivieres de la Scarpe de l'Escaut ; elle commence à S. Amandfurla Scarpe, continue par Mortaigne, Antoing & Tournay jusqu'au dessus du Pont de Pierre. Ce Canton avoir presque toûjours été indépendant &
FLAN
DREs.
Rivières.
gouverne en forme de Republique, depuis le demembrement de l'Empire François jufqu'à ce que les guerres d'Edouard Roy d'Angleterre contre Philippe de Valois, engagerent celui-ci à s'asseurer de Tournay. Edouard qui regarda ceci comme une injure faite à l'Empire, dont il étoit Vicaire, en forma le siege, mais la Place fut si bien defenduë par Godemard de Pequiny Seigneur de Fay en Ponthieu, qu'elle demeura à la France, elle fut cedée à Philippe Duc de Bourgogne à l'occasion de son mariage, comme Lille, Douai & les autres Places demembrées de la Flandre dont il a été parlé. Louis XI. la fit-surprendre en 1477. par les intrigues d'Oliver le Dain sur l'heritiere de Bourgogne. Enfin Charles V. s'en rendit le Maître l'an 1521. & ses successeurs l'ont possédé jusqu'en 1667, que le Roi fit la conquête des Villes de Tournay & de ses dépendances qui lui furent cédées définitivement par le Traité d'Aix la Chapelle. Cette Province ne contient en tout que 86 Villes, Bourgs, Villages ou'Hamaux, son terrain est uni, ses terres seches & cependant assez propres pour les grains : les prairies y sont bonnes & en quantité, le bois de petite étendue, mais frequens toutefois, ceux de l'Abbaye S, Amand sont de 4000 arpens, les arbres qui y sont ordinaires sont le Charme & le Chesne. Il y a des eaux minerales à S. Amand qui ont de la réputation, on tire dans tout l'espace d'entre S. Amand & Tournay une pierre noire dont l'usage particulier est d'être reduite en chaux, qui est la plus excellente du Monde, on en envoye fort loin, aussi bien que de la cendrée, qui fait un ciment admirable dans les lieux aquatiques. Il y a aussi une autre terre qu'on nomme Derle, qui sert à faire de la fayance, les Hollandois la viennent chercher en quantité au village de Brayelle & s'en servent très-utilement, puis que leur porcelaine qui en est faite a par tout beaucoup de reputation, les Tournaisiens au contraire la travaillent fort mal. II n'y a pas d'autres Rivieres navigables que l'Escaut & la Scarpe, encore la Navigation de celle-là est interrompue à Tournay par un fault qu'elle y fait, qui à obligé de bâtir une écluse, dont le principal usage est de faire tourner les beaux moulins de cette Ville & de procurer une inondation pour fortifier la Place ; ces moulins, dont on vient de parler, peuvent moudre en 24 heures assez de farine pour nourrir 8000 hommes pendant un jour.
Etat de l'Eglise & de la Justice.
II n'y a point de Villes aux Païs-bas où Tournay ne puisse porter son commerce par le moyen de ses rivieres, mais cette Province a été si ruinée par la guerre que les villages sont presqu'entiérement abandonnez, & que les habitans qui restent n'ont pas la moitié des bestiaux nécessaires, ainsi la Campagne ne fournit qu'à peine la subsistance des habitans, loin d'être en état que les autres Païs profitent de son abondance. La Ville de Tournay est si ancienne que son établissement remonte jusqu'au tems des Romains, on ne ne sçait pas toutefois quel en a été le Fondateur. L'Escaut se divise en deux & separe du reste de la Ville la partie qui est du Diocèse de Cambray. Il y a un Parlement, un Baillage Royal, une Justice de Traites. L'Evêque & le Chapitre ont chacun la leur, & enfin la Ville a son Magistrat ordinaire comme toutes les Villes de Flandres. Le Conseil souverain qui a été érigé à Tournay en 1668. fut élevé à la Dignité de Parlement en 1686 & son ressort fut augmenté de toutes les Conquêtes du Roi pour recompense de ce qu'il avoit perdu a la reddition de Courtray, d Oudenardc, d Aeth, Binsick, Charleroy, que le Roi voulut bien remettre à l'Espagne en 1679. Les Charges de ce Parlement ont été rendues héreditaires en 1693, il est composé d'un premier Président que le Roi nomme ; de trois Présidens-à-Mortier qui ont achété leurs Charges 45000 l. chacune ; de trois Chevaliers d'Honneur qui ont payé 20000 l. chacun & de 24 Conseillers qui en ont payé 25 à 30000 l. Le Parquet a ses Officiers ordinaires, le Baillage est l'ancienne Justice des Rois de France : il tenoit autrefois son Siège au Bourg-leMaire, parceque, comme il a été dit, la Ville se prétendoit libre & indépendante. Les Charges en ont été créées héréditaires & vendues en 1693, il connoit des Cas Royaux & de toutes les affaires contentieuses en premiere instance dans le Tournaisis, il est compose d'un Bailly, de deux Lieutenans & de six Conseillers, & c. La Justice des Traites est
FLANDRES.
Sa Situation. Ses Revenus S. Amand.
pareille aux autres du Departement, celle de l'Evêque & du Chapître sont féodales ayant leurs Baillifs & hommes de fiefs. Le Magistrat connoit entre les Bourgeois des affaires contentieuses & de Police, comme dans les autres Villes de Flandre, il est renouvelle lesCommissairesduRoi, maislesOffices de la Ville, commecelui des
tous les ans par Pensionaires, Conseillers, ceux des Trésoriers, Greffiers, & c. ont ete rendus héréditaires ainsi que les Offices d'Assesseurs. La Ville est située dans un terrain inégal, elle conti ent près de 4000 maisons mêlées de pierre noire & de briques, & 26000 habitans. L'air y est pur ; ce qui rend le naturel des habitans assez vif, maisilsn'employent gueies leurs esprits aux Sciences. Les revenus de la Ville consistent en droits sur les boissons & denrées & autres biens Patrimoniaux, ils montent environ a 500000 l. mais ils sont chargez de 200000 l. de rentes constituées, ainsi il ne lui en reste que 300000 qui ne sont pas suffisans pour payer les Aides ordinaires & extraordinaires & les autres charses des Villes de Flandre, de sorte que ce Magistrat ne pouvant pas subvenir, a été contraint de surseoir le payement des rentes, ce qui a totalement ruine son credit. Les ressources de cette Ville sont fort petites, & si le Parlement n'y attiro.t du monde on la verroit diminuer de jour en jour. Les seules manufactures qu'il y a sont les base rame les mocades ou moquettes & les fayances. On y compte 2000 Maîtres de tous métiers, mais ils sont très-pauvres ainsi que le reste des habitans. La Ville de.man merite un article particulier, elle est sur la Scarpe, l'Abbe du lieu en est Seigneur Temporel & dispose du Magistrat ; il y a 3 ou 4000 habitans & 600 massons.
Etat Ecclesiastique.
Quoique le Tournesis soit si petit il est partagé en trois Diocèses Tournay, Cambray & Arras depuis l'érection des Evêchez de Gand & de Bruges Celui de Tournay a é renfermé dans son éxtension sur le Tournesis & les Chatelainies de Lille & de Courtray, ainsi il ne lui reste que 350 Paroisses dans le Tournaisis, & Arras setend jissqu a pres de Mortaigne. L'Evéché de Tournay vaut 50000 l. de rente en temps de paix & à peine 2000 pendant la guerre, parce que ses biens sont situez sur la domination d Espagne. Le Chapitre de la Cathedrale est très-considerable, il est compose de 42 Prébenes, vêque n'y a d'entrée qu'en qualité de Chanoine, lesquels doivent tous être Nobles & Gradués, leur revenu est inégal, y ayant des Prébendes de 4000 l. & d'autres de 1500. Le plus ancien Chanoine a toûjours droit d'opter celle qui vaque toutes les Collations appartiennent à l'Evêque, hors celle de deux Prébendes, dont le Roi a a nomination. Le Choeur de cette Eglise est rempli de 200 Ecclésiastiques dans les Fetes solemne les, parce que le bas Choeur est nombreux & que les Curés qui dépendent du Chapitre ont droit de s'y trouver & même d'y recevoir une attribution. Les Abbayes de la Province so S. Martin de Tournay Ordre de Citeaux enRegle de 60000 l. S. Nicolas, Ordre de S. Austin 10000. S. Amand Ordre de S. Benoît en regle de 100000 l. Chateau près Mortaigne
Ordre de Prémontré en regle de 8000 l. Les Abbayes de filles sont Les Prez a Tournay Ordre de S. Augustin de 6000 l. & le Saul-Choy Ordre de Cîteaux de 7000 l. Outre ces Abbayes, celles des Provinces voisines possedent de grandes terres dans le territoire de sorte que les Ecclésiastiques sont estimez avoir la proprieté des trois quarts de tous les bien
Gouvernement Militaire.
qui y sont.
La Ville de Tournay a un Gouverneur particulier, un Lieutenant de Roi qui y commande, un Major, deux Aides-Majors & deux Capitaines des Portes ; la Citadelle a un Gouverneur, un Lieutenant de Roi, un Major, &c. Le Tournaisis est un Païs d'Etats qui sont composez de trois Corps ordinaires, Clergé, Noblesse & Tiers Etats semblent tous les ans sur la convocation d'un Grand Baillif ; le Gouverneur & l'Intendant y président, celui-ci y fait aussi les demandes au nom du Roy. Le Clergé est composé de l'Evêque, des Deputés du Chapître & des Abbés de la Province avec le Prévôt de S. Amand ; La Noblesse n'admet que les Seigneurs de Mortaigne, de Rhum, de Pecq, de Warcoing & des Pierres représentez par les Baillifs & le Tiers Etat, les Deputés des Communautez du Plat Païs. Ces Etats donnent ordinairement au Roi 62500 l. pour
FLANNoblesse.
FLANNoblesse.
aide ordinaire & rachapt de Garnison ; le Magistrat de Tournay accorde en particulier 50000 l. pour le même sujet & 30000 l. pour les Fortifications. On lève de plus l'impôt ordinaire de quatre patards par bonnier de terre qui produit 5500 l. Les Etats payent encore la plus value des fourages, dont le Roy n'acquite que 7s 6d par ration, et sont là les charges ordinaires : quant aux extraordinaires, comme elles dépendent des besoins publics, il n'y a point de règle certaine que la volonté du Roi ; le revenu des Etats est de 12000 l. que l'on perçoit sur les boissons, sur les bestiaux & en deux tailles ordinaires, mais cette somme ne suffit jamais à ce qu'on exige du Païs. Quant au maine, tout ce que le Roi possède dansleTournesis ne va pas à plus de 15000 l. de revenu, dont la plus grande partie est engagée. A l'égard de la Noblesse il y a de reveSeigneurs qui y possedent de belles terres, mais ils ne demeurent point dans le Païs ; le Comte de Sobre a la terre de Rhum, le Prince d'Epinoy celle d'Abing, de Vechin & de Peronne ; le Prince de Robeque Beuveries ; le Baron de Mortagne la terre de son nom ; le Baron des Pierres de la maison de Lannoy, la terre des Pierres ; le Baron d'Eu, la terre du même nom ; le Marquis de Hem, dont il a été parlé en l'article de Lille, Eplechem & Lesd.n 5 le Rheingrave, la terre de Peich. L'Auteur finit ses observations ur ce Païs, en disant qu'il seroit facile d'en augmenter le commerce, en soutenant les Manufactures & prenant de bonnes mesures à l'égard des Negocians.
VILLES ET DEPENDANCE DE CONDÉ.
Condé.
LA Ville de Condé n'est considérable que par ses Fortifications, elle a peu de territoire & en encore moins, si Je Roi n'avoit fait desseicher 30000 bonniers de terres qui avoient été inondées du tems du Gouvernement d'Espagne & dont l'inondation faisoit alors la plus considérable defenfe de cette Place, elle est située à l'embouchure de la Riviere de Haine dans l'Efcaut & faisoit autrefois partie de la Chatelainie d'Ath dont elle a été démembrée par le Traité de Nimègue. Le Comte de Sobre en est Seigneur propriétaire & possède aussi les trois quarts des bois qui en dépendent ; l'autre quart est au Roi. La nomination du Magistrat appartenoit toûjours au Seigneur du lieu mais depuis la cession, le Roi a jugé à propos de le faire établir en son nom, parce que for autorité est grande, ayant seul la Juridiction dans la Ville. Les revenus communs ne montent qu'à 30000 l. sur lesquelles la Ville en doit 12000 l. de rente & 6000 qu'elle paye a l'Etat Major, de forte qu'il lui reste si peu que le Roi ne lui demande aucune aide & qu'il fournit à la garnison les mêmes choses qu'il donne ordinairement aux Troupes des Citadelles ; la Ville a 300 maisons & environ 3000 habitans qui n'ont point de Manufactures. Il y a un Chapitre de 26 Prébendes, dont il n'y en a que 22 de remplies. Le Roi en nomme douze y compris le Prévôt, & le Comte de Sobre dix. Il y a dans la Place un Gouverneur particulier, un Lieutenant de Roi, un Major, un Aide-Major, un Capitaine des Portes. Le Domaine du Roi à Condé rapporte par an 80000 l. il consiste en quelques droits & revenus anciens, & dans les droits qu'on nomme d'Etats d'Hainault, entre lesquels est une imposition sur le charbon de terre qui passe par cette Ville laquelle produit annuellement près de 50000 l. Le Roi jouït encore de 550 arpens de ois qui sont partie de son Domaine. Les Dépendances de Condé consistent en six Villages, dont trois sont dans la Banlieuë ; l'aide de ces trois villages rapporte 1200 l. on y lève aussi au profit du Roi les droits des Etats de Hainault qui sont partie de la sous-ferme générale du Domaine de Flandres.
VILLE DE VALENCIENNES.
FLAN-DRES.
Valenciennes. Sa situation. Manufactures. Revenus.
LA Prévôté du Valenciennes s'étend le long & des deux cotez de l'Escaut depuis le village de Try, jusqu'auprès de Condé dans l'espace de quatre lieuës de long & deux de large, elle étoit possédée anciennement par des Comtes particuliers, & les Comtes de Hainault l'ayant acquise, ont tâché de la confondre avec leur ancien Domaine, toutefois les habitans se sont toûjours regardez comme Membres d'un Etat particulier, c'est pourquoi le premier Officier du Plat-païs est nommé Prevót-le-Comte, c'esta dire, Prévôt du Comté ou Comte de Valenciennes. Cette Province contient 28 Villages, dont quatre sont dans la banlieuë de la Ville, le terroir y est très-bon & rapporte grande quantité de grains, de foins & de bois : on y trouve de toutes les pierres propres à bâtir, l'Escaut commence à être navigable par lui-même dans la Ville de. Valenciennes, Cette Place est non seulement la Capitale du Comté, mais encore le Chef-lieu de la Chatelainie de Bouchain & de la Prévôté du Quesnoy, on rapporte sa fondation à l'Empereur Valentinien, sa situation est éxtrèmement commode par l'abondance des eaux qui y sont portées en quantité de maisons particulieres par differens Canaux. II y a dans la Ville une Justice Royale qui est la Prévôté, une Justice des Traites, un Magistrat & la Justice particulière de l'Abbaye de S. Jean ; le Prévôt-le-Comte est Chef de la premiere & a sous lui un Lieutenant General, 4 Conseillers & les gens du Roi, ces Cnarges sont héréditaires depuis 1693, ils connoissent de tous les cas Royaux ; le Prévôt est outre cela Chef de la Justice Criminelle, où il fait les fonctions de Semonceur. Le Magistrat est renouvelle tous les ans par les Commissaires du Roi comme dans les autres Villes de Flandre à la réserve des Officiers qui ont été créez héréditaires. La Ville a seulement racheté les Charges de Maire & d'Assesseur : quant a la Jurisdiction, elle est pareille à celle des autres Villes ; il y a de plus un petit Magistrat particulier pour le métier de Drapier qui se nomme la Halle basse, & dont la Jurisdiction se renferme dans les matieres propres à leur negoce. Quant aux affaires de la Ville, elles sont gouvernées par un Conseil nommé particulier, composé de 25 personnes notables, & relatif a un autre Conseil, qu'on nomme General ou Grand Conseil, lequel est compose de 200 personnes, mais il ne s'assemble jamais que pour les affaires extraordinaires. D'ailleurs comme Valenciennes este Chef-lieu de la Chatelainie de Bouchain & de divers Villages au nombre : de 335, le Magistra de Valenciennes revoit par appel tous les Jugemens rendus dans les Justices féodales de ce District, à la reserve des lieux qui sont sous la Domination d Espagne ; la Justice de l'Abbaye S. Jean s'éxerce dans le quartier de la Ville qu'on nomme la Tannerie par de Echevins qui sont perpétuels, elle n'est que féodale. La Ville est bâtie sur une douc pente, sa figure est ronde, & elle contient 4 à 5000 mailons avec 25000 habitant, entre lesquels il y a 1500 Maîtres de tous les métiers. L'air y est pur & bon, & le Peuple n'y manque ni d'esprit ni de genie. Il y a deux Manufactures assez considerable tant d'étoffes de laines, Baracans & c. & l'autre de toiles fines, qu'on nomme en France Baptistes : toutes les deux sont fort diminuées, celle de laine étant reduite à 100 metiers rie 500 qui y étoient ci-devant, ce qui vient de ce qu'il n'y a point de Negocians riches qui puissent soutenir les Ouvriers, d'où il arrive journellement que la plupart passent dans ses Villes voisines. Les revenus de cette Ville consistent en biens patrimoniaux & endroits qu'on leve par ottroi & montent environ à 600000 l. mais les charges on beaucoup plus grandes, de sorte que le Magistrat n'y pouvant pas satisfaire a été contrain de vendre le Patrimoine à l'occasion du rachat des charges de Ville que le Roi avoit ordonné. & enfin de suspendre le payement des rentes qui montent à plus de 400000 l.
FLANDRES.
par an. La seule esperance qui reste à cette Ville est l'éxtinction des rentes viageres qui montent à 250000 l. d'ailleurs son crédit est entierement perdu.
Etat Ecclesiastique. Gouvernement Militaire. Subsides. Noblesse.
A l'égard de l'Etat Ecclésiastique, la Ville & la Province sont divisées en 2 Diocèses par l'Escaut, la partie Orientale est de Cambrai & l'Occidentale d'Arras Il y a dans Valenciennes un Chapitre de Chanoines nommé de S. Gery, qui est composé d'un Doyen & de 15 Prébendes de petit revenu. L'Abbaye de S. Jean, Ordre de S. Augustin, est de 20000 l. la Prévôté de Nôtre-Dame, Ordre de S. Benoît, dependance de Hanon. L'Abbaye de S. Saure près de Valenciennes, Ordre de S. Benoît, de 13000 l. l'Abbaye de Crespin, du même Ordre, de 25000 l. & l'Abbaye de Fontenelle, de filles, Ordre de Citeaux, 10000 l. La Ville a un Gouvernement particulier, qui a sous lui un Lieutenant de Roi, un Major & autres Officiers : la Citadelle a pareillement les siens. Au tems de la domination d'Espagne, la Ville de Valenciennes avoit droit d'envoyer ses Deputez a l'Assemblée des Etats de Hainault seulement pour prendre garde qu'il ne se passât rien contre ses intérêts, car elle étoit indépendante de ces Etats, aussi le Roi a-t-il continué de la laisser jouïr de cette indépendance, & le Magistrat est en possession d'administrer seul les Finances de la Ville. A l'égard de la Prévôté, c'est à dire, des 28 Villages dont elle est composée, quoiqu'ils eussent le droit d'assister aux Etats de Hainault, dont ils faisoient partie avant la cession, le Roi a voulu depuis, que l'Intendant de la Province fut chargé de regler leurs impositions ordinaires en vertu d'un Arrêt du Conseil qui est donné tous les ans à cette fin. La Ville donne au Roi tous les ans 50000 l. d'aides ordinaires, 4000 l. pour trois villages réunis & 312501. pour les fortifications, sur quoi elle lève à son profit quatre patards au bonnier qui lui rapporte 2500 l. mais pour les villages de la Prévôté, l'imposition ordinaire est de 17000 l. qui est repartie par l'Intendant Le Roi y lève de plus les droits sur les boissons & les bestiaux qui appartenoient auparavant aux Etats de Hainault, qui ont été réunis à son Domaine, & leur produit annuel est de 10000 l. & davantage. Il y a peu de Noblesse dans la Province de Valenciennes, les plus considérables terres sont possédées par des Seigneurs qui n'y sont point résidence. Le Prince d'Aremberg y possédé Breuvage & Pronny. Le Comte de Sobre la Pairie de France ; le Prince de Chymay la Seigneurie de S. Salve ; le Sieur de Neuville Witasse, de la maison de Montmorency, y possedé la Houardiere & Hannaing. Le Comte de Sainte-Aldegonde, la Seigneurie de Beaumont à Valenciennes, le Sieur de Claibe, la Vicomté de Raibourg ; le Sieur de Quernain, Artus & Quernain : aucune de ces terres n'est érigée en Dignité. Les étoffes & toiles qui sont dans la Province de Valenciennes, passent en France, en Espagne & jusques dans les Indes, de sorte que ce Commerce pourroit enrichir la Ville & le Païs, mais il souffre les mêmes inconveniens qu'on a remarquez dans celui de Lille. Il y a au village de Pronny près de Valenciennes un moulin a poudre qui en fabrique tous les ans trois cens milliers, mais le Païs ne produit point les matériaux, on est oblige de les amener de Normandie & particulièrement de Rouen.
VILLE ET CHATELAINIE DE BOUCHAIN.
Bouchain. Histoire du Pays.
LA Chatelainie de Bouchain n'étant que ce qu'on nommoit autrefois le Comté d'Ostreu vant, lequel les Comtes de Flandre, ou bien plus précisément du Hainault, tenoient en hommage de la Couronne de France en 1245, & dans la fuite : cette terre donna occasion à une contestation celebre entre les deux filles heritieres de Baudouin IX. Comte de Flandre & Empereur de Constantinople. J'ai déja remarqué que l'aînée Jeanne fut Comtesse de Flandre, & que la cadette Marguerite se maria par inclination à
FLAN'A-
Bouchard Grand Seigneur du Hainault, dont elle étoit Comtesse, & qu'elle en eut deux enfans ; que sa soeur aînée prétendit que ce mariage étoit nul, parce que Bouchard d'Avennes avoit été engagé dans les Ordres sacrez, & qu'il avoit abusé de son pouvoir de Tuteur : elle poussa même si loin la contestation que le mariage fut déclaré nul par le Pape, & cependant comme Jeanne n'avoit point d'enfans & qu'elle prevoyoit que la posterité de Marguerite lui succederoit, elle lui fit épouser Guillaume de Dampierre de la maison des anciens Seigneurs de Bourbon, de la seconde tige, auquel elle vouloit du bien, il vint encore des enfans de ce mariage, de forte qu'après la mort des Comtesses Jeanne & Marguerite il y eut un grand different entre les enfans d'Avennes & de Dampierre pour le partage de leurs successions. S. Louïs, qui fut pris pour arbitre, adjugea la Comté de Hainault aux enfans d'Avennes, & celle de Flandre à ceux de Dampierre, mais ce premier reglement ne faisoit point mention du Comté d'Ostravant, de sorte que le different s'étant renouvellé à son occasion, le Roi, pour le pacifier, éxamina l'affaire de nouveau, après quoi il adjugea par derniere sentence le Comté d'Ostrevant aux ensans d'Avennes, en récompense de celui d'Alost qu'il adjugea à ceux de Dampierre. Depuis ce tems, l'Ostrevant a fait partie du Hainault, & a été le titre des aînez des Princes de ce Païs-là, ce qui a duré jusqu'en 1248. que Jaqueline de Dampierre regnoit. Cette Princesse étant veuve de Jean Dauphin de France fils de Charles VI. épousa Jean Duc de Brabant, dont elle fut si peu contente, qu'elle s'en sépara pour cause d'impuissance, le procez étant intenté elle n'en attendit point le jugement, mais par une imprudence singuliere elle passa en Angleterre, où elle épousa Humphroi Duc de Glocester frere du Roi Henri V, duquel elle esperoit de l'appui, mais comme les affaires d'Angleterre alloient mal en ce tems-là ; elle n'en tira aucun secours. Le Duc de Bourgogne son plus proche héritier profitant de ce desordre s'empara de ses biens & la réduisit à se contenter de quelques terres en Hollande pour sa subsistance & du côté d'Ostrevant. Alors le Duc de Glocester ne la regardant plus comme une heritiere importante qui se pouvoit enrichir, renonça à son mariage & en épousa une autre dans ce tems même. Le Duc de Brabant son premier mari mourut, ce qui la mit en liberté, de sorte qu'elle épousa en quatrièmes noces le Seigneur de Bercelles en Hollande avec lequel elle ne vécut gueres étant morte sans enfans à l'âge de 36 ans ; alors le Duc de Bourgogne réunit le Comté d'Ostrevant au Hainault, & depuis il n'en a été séparé que par la Conquête de Bouchain faite par le Roi en 1677.
Etendue de la Chatelainie. Son terroir Ville de Bouchain. Son Magistrat.
La Chatelainie de Bouchain comprend tout le terrain d'entre les rivieres d'Escarpe, de Feurel & d'Escaut, sa longueur s'étend depuis Douay jusques à Valenciennes & sa largeur depuis la Forêt de Haspre jusques à Arleux en Artois, cet espace contient 65 Bourgs, ou Villages ; il y en avoit autrefois davantage, mais ils ont été démembrez & unis tant à la Prévôté de Valenciennes qu'au Gouvernement de Douay. Le tèrroir y est très-b pour les grains, les prairies y sont abondantes & la forêt de Haspres fournit du bois suffisamment, il y a quelques hauteurs peu considérables, on tire des pierres blanches au Village d'Avennes le Sec, & on les porte jusqu'en Hollande, étant les meilleures des Païs-bas. Il y a 1000 ans & plus que la Ville de Bouchain est bâtie, & toutefois elle n s'est pas augmentée, n'étant considérable que par ses fortifications, il y a une Prévôté Royale & un Magistrat, les Officiers de la premiere sont héréditaires depuis 1693, & ont la jurisdiction contentieuse dans la Ville aussi bien que dans les villages concurrément avec les gens du Roi. Le Magistrat a l'administration du revenu & des finances de la Ville qui ne montent qu'à 40000 l. par an, les charges les éxcedent de beaucoup, c'e pourquoi cette Ville n'a aucun credit, il n'y a point de Manufactures, le seul commerce qui s'y fait est celui des grains & des bestiaux qui pourroit augmenter si le Païs étoit rétabli, & si l'Escaut étoit rendu navigable depuis Cambray jusqu'à Valenciennes, comme on l'a proposé. Il y a près de la Ville de Bouchain une grande prairie commune
FLANDRES.
d'une lieuë de tour, dans laquelle on eleve plusieurs bestiaux ainsi que dans les autres Communaux de ce Païs.
Etat du Clergé. Gouvernement Militaire.
Bouchain & la Chatelainie sont de l'Evêché d'Arras, il n'y a qu'une Paroisse dans cette Ville, un petit Couvent de filles penitentes & un Hôpital. Les Abbayes de ce Territoire sont Jasnon, Ordre de S. Benoît en regle, de 50000 l. Vicoque, Ordre de Prémontrez on regle, de 5000 l. le Cardinal de Bouillon en est Abbé, le Prieuré de Beaurepaire dépendant de Chisoing, Ordre de S. Augustin, de 1000 l. le Prieuré d'Apres dépendant de S. Wast d'Arras de 12000 l. Il suffit qu'il n'y a qu'une Abbaye de filles qui est séculière, l'Abbesse en est élective par 12 Chanoinesses Nobles, c'est l'Abbayed'Enaing, qui est de 14000 l. l'Abbesse a 6000 l. pour sa part, les Chanoinesses partagent le reste, celles-ci se peuvent marier, mais l'Abbesse n'a pas la même liberté. Le Roi nomme aux Prébendes. La Ville & Chatelainie ont un Gouverneur particulier dépendant du Gouvernement General de Flandre, il y a sous lui un Lieutenant de Roi, un Major & les autres Officiers militaires ordinaires. Le Roi fournit aux Troupes de la Garnison tout ce qu'il leur donne dans les citadelles. La Ville & Chatelainie de Bouchain ont été depuis la Conquête separez du Hainault & de ses Etats, l'Intendant de la Province y fait les impositions ordinaires de l'aide qui produit 28000 l. par an, l'imposition de quatre patards aux bonniers produit 3800 l. qui sont appliquez aux fortifications. Le Roi a réüni à son Domaine les anciens droits des Etats de Hainault qui rapportent environ 70000 l. par an. Les terres les plus considerables de cette Chatelainie sont Avich, Auberchicourt, Buignicourt, Mauchicourt, Ville Freming, Hostaing & Huit au Comte de Ste. Aldegonde. L'Allaing & Valers au Prince d'Aremberg, Ifaners au Comte d'Egmont, Helesme au Vicomte de Sebourg, Mastain au Comte de ce nom, Aubigné au Sieur Rubenspré, Masny, Raucourt & Vasne au Sieur d'Emesse Baron d'Eldren.
VILLE DE CAMBRAI ET CAMBRESIS.
Cambray. Histoire du Pays.
LECambresis étoit si bien une partie du Royaume de France dès le commencement de la Monarchie que nos premiers Rois y ont tenu leur Cour, les Empereurs s'en sont rendus maîtres, ayant établi des Comtes héréditaires qui étoient Souverains à la maniere des autres Princes de l'Empire, mais après la mort du Comte Arnould, un Evêque de Cambray, profitant de la conjoncture, s'addressa à l'Empereur Henri, & lui demanda la suppression de cette Dignité de Comte, ou du moins le pouvoir d'en disposer tant lui que ses successeurs & de la réunir à l'Eglise s'il jugeoit que ce fut l'avantage du Public, le pieux Empereur lui accorda facilement une telle demande, qui paroissoit fort extraordinaire, cela arriva environ l'an 1007, cependant les derniers Comtes avoient laissé des heritiers, qui prétendoient que l'Empereur n'avoit pû disposer d'une succession qui leur appartenoit, & les Rois de France furent mécontens que cette aliénation se fut faite sans leur participation. Dans la fuite les Evêques trouverent moyen d'appaiser les premiers, & à l'égard de nos Rois ils se comportèrent si bien qu'encore que la France ne les ait pas reconnus pour Souverains, les neutralitez qu'elle a accordée à l'Etat de Cambray en differentes occasions sont connoître qu'elle ne regarderoit plus le Cambresis comme un Païs soumis. Le Roi s'en est emparé en 1677, l'Archevêque n'a pas fait difficulté de lui prêter serment.
Sa situation.
Le Cambresis a le Hainault au Levant ; l'Artois au Couchant ; l'Ostrevant au Nord, & la Picardie au Midi : le terrain en est uni, mêlé de quelques colines, sa longueur est de 10 lieuës depuis Arleu jusques à Chatillon sur Sambre & sa largeur inégale ; il est
FLANDRES.
Qualité du
terroir.
Cambray.
arrosé de l'Escaut & de la riviere de Selles & bordé de la Sambre & du Sauzet, on a proposé de rendre l'Escaut navigable jusques à Valenciennes, mais la guerre a surcis l'éxécution de ce dessein, qui est très-facile & qui sera d'un très-grand avantage au Païs & au service du Roi, pour le transport des munitions de guerre & de bouche. Les terres y sont seches, rapportant néanmoins toute forte de grains & de lins, dont on fait du fil si fin qu'il a donné lieu à la manufacture des toiles de Malines. Les pâturages y sont éxcellens par tout, particulièrement pour les chevaux & les moutons, dont la laine est très-estimée, les bois n'y manquent point, quoiqu'il n'y ayent point de grande étenduë : la Province comprend 97 Villes ou Villages & un Cateau Cambrefis & ses dépendances. Cambray, qui en est la Capitale, est située sur l'Escaut en bon air. Le Peuple y est laborieux & industrieux, & l'on y compte 12000 personnes : l'Evêque en étoit Seigneur spirituel & temporel depuis l'an 1007. jusqu'en 1543. que Charles V. qui s'en rendit maître y faisant élever une Citadelle au lieu nommé le Mont des boeufs, qu'il prétendoit lui appartenir, comme étant de la Chatelainie de Bouchain ; l'autorité de l'Evêque depuis ce tems s'est trouvée restrainte au Cateau-Cambresis & à ses dépendances.
Administration de
de Justice.
Revenus & Manufactures
Manufactures
de la Ville.
La feule Justice Royale de cette Ville est celle du Baillage de la Feuillée que le Roi possedé aux droits des Comtes de Hainau, elle n'est que féodale. Le Magistrat a même droit que les autres Villes de Flandre, il connoit même des cas Royaux, mais les jugemens en matiere civile & criminelle sont portez par appel au Parlement deTournay. Le Prévôt, qui en est le chef, fait les fonctions de Semonceur, le corps en entier est renouvellé tous les ans par l'Intendant à la reserve des Officiers permanens qui ont acheté leurs Charges ; il faut aussi dire, que ce même Tribunal juge toutes les appellations des Baillages & Cours inferieures dans les 89 Villages de la Province ; il y a aussi une plus basse magistrature qu'on nomme la Justice du Marché qui connoit des saisies & arrêts en matiere réelle & personnelle, il ressortit aussi bien que le précedent audit Parlement de Tournay. L'Official de l'Archevêque de Cambray éxerce encore deux sortes de Jurisdictions –, l'une purement Ecclésiastique qui ressortit aux Juges supérieurs ; l'autre purement civile, qui ressortit au Parlement, sur quoi il faut sçavoir que les habitans ont droit en matiere personnelle de choisir pour Juges ou le Magistrat ou l'Official, qui est tenu d'éxprimer dans ses jugemens en quelle matiere il prononce pour regler les appellations. L'Archevêque a encore une Justice féodale qu'on nomme Baillage de Cambresis ou Tour du Palais, dont la Jurisdiction s'étend sur tous les biens de l'Archevêché, des Officiers Fiefs au nombre de 24, tels que le Grand Prévôt, le Maître d'Hôtel, le Pannetier, l'Echanson, le Grand Veneur & autres sur les 12 Pairs de Cambresis & sur le Baron de Crevecoeur : il reçoit aussi les appellations des Justices féodales en matiere civile feulement, le Chapitre a aussi sa Justice éxercée par les hommes de Fief, ainsi que le Chapitre de S. Genis, celui de Ste. Croix & les Abbayes de S. Aubert & du S. Sepulchre. Les revenus de la Ville de Cambray qui consistent en droits peuvent monter à 100000 l. sur quoi elle en doit 80000, ainsi il ne lui reste pas dequoi satisfaire aux dépenses éxtraordinaires, ce qui l'a obligée de surseoir le payement de ses rentes com me la plupart des autres Villes du Département. Les seules Manufactures de la Ville sont les fils & les toiles fines faits à Valenciennes & à S. Quentin, elles ont éxtrêmement diminué dans cette Ville, mais en même tems celle de Cateau-Cambresis sont beaucoup augmentées à cause des privilèges d'impôts dans lesquels elle est maintenue.
Etat où Clergé du
Diocese 13 Archevê-ché de cambray.
L'Archevêque en est Seigneur temporel & spirituel, c'est lui qui a établi le Ma strat, qui reçoit les appellations des 7 Villages qui en dépendent, mais il ressortit lui-m pour le Criminel au Parlement de Tournay & pour le Civil au Magistrat de Cambray. La Province est entierement du Diocèse de Cambray qui s'étend aussi dans une partie du Brabant, du Hainault & dans le Comté de Valenciennes, il comprend en tout 600 Paroisses, le revenu du Prélat est de 100000 l. de rente ou plus, il prend la qualité de
FLA DRES.
Chapitres.
Abbayes.
Prince du S. Empire & de Duc de Cambray depuis l'érection faire en 1510, en faveur de Jacques de Croy qui en étoit lors Evêque ; le Pape érigea ce Siège en Archevêché l'an 1560, il luiu donna des suffragans, & il démembra une partie de son Diocèse pour composer ceux des nouveaux Evêques des Païs-bas : l'Archevêque de Rheims de qui Cambray dépendoit auparavant s'opposa à cette innovation, & ce n'est que depuis peu au moyen de l'union qu'on a fait à son Eglise de l'Abbaye de S. Thierry qu'il s'en est desisté. Les suffgrans de Cambray sont Tournay, Arras & S. Omer. Le Chapitre de la Cathedrale est de 43 Chanoines électifs & de huit Dignitez, ils ont environ 2000 l. de rente chacun ; le bas Choeur est très-considerable. Il y a de plus dans la Ville le Chapître de S. Gery de 36 Chanoines & de 5 Dignitez, ils sont aussi riches que ceux de la Cathedrale. Les Chanoines de Ste. Croix, au nombre de 12, n'ont que 500 k. de revenu chacun. Les Abbayes de la Province & autres Benefices sont, l'Abbaye de S. Aubert, à Cambray, Ordre de S. Augustin en regle, de 4000 l. le S. Sepulchre, à Cambray, Ordre de St Benoît en regle, de 15000 l. l'Abbaye de Cauttimpré, Ordre de S. Augustin de Chanoines Reguliers en rgele, de 16000 l. Les Religieuses se sont retirées au Prieuré de Bellinghen en Hainault près la Ville d'Enghien. Premy, à Cambray de filles Chanoinettes de S. Augustin, ar 3000 l. Les Benedictins, à Cambray, id. S. André, au Cateau-Cambresis, Ordre de S. Benoît en regle, de 25000 l. de revenu. Cette Ab. baye jouït des bien que celle de Fremy avoit dans la Cambresis, ceux qu'elle possedoit en France ayant passe en commande. Les Guillemains de Valenciennes & le Chapitre du même lieu, ou il y a un Doyen & 7 Chanoines ; ces deux derniers ont peu de revenu. On compte dans la Province 8 à 900 tant Religieux que Religieuses, il y en a 300 des dernieres.
Gouvernement Militaire.
Etat de la Province.
Revenus. Finances.
Domaine.
Comme la Ville de Cambray est Ville de guerre, & qu'elle a une Citadelle, il y a dans l'une & dans l'autre un Gouverneur particulier, un Lieutenant de Roi, Major Aide-Major & Capitaine des Portes. Cambray ne fait qu'un Corps d'Etat avec la Province qui est composée de trois Membres ordinaires, Clergé, Noblesse & Tiers Etat Le premier est représenté par les Deputez des Chapîtres de la Cathedrale de S. Gery & de Ste. Croix & les Abbez de S. Aubert, de S. Sepulchre & de Vaucelerre ; la Noblesse par les Seigneurs de Premont, de Thun, de S. Martin, de Ligny, d'Aumoing de Ste Olle le Vicomte d'Arleu, celui de Clermont, le Baron d'Eme & par les Gentils-hommes qui sont actuellement leur demeure à Cambray ; le Roi envoye ses ordres pour les Assemblées & en conséquence l'Intendant en fait la convocation & y préside Mais quoique la Ville & la Province ne fassent qu'un Corps d'Etat, ils ont chacun leurs revenus pariculiers ceux du Cambresis montent à 22000 l. qui sont chargez de rentes pour la moitié, de sorte que pour subvenir aux affaires éxtraordinaires, ils ont eu recours à l'éxpédient commun de surseoir le payement des rentes. Le Roi ne tire des Etats de Cambray & de Cambresis que 5000 l. par an d'aides ordinaires, la plus value des fourages est aussi payée par les Etats, à qui le Roi ne rembourse que 7 s. 6 d. par ration : enfin e Roi leve pour les fortifications le droit de quatre patards au bonnier de terre qui pro-duit 8000 l. & quelques autres droits sur les boissons qui lui en donnent 38000. A l'égard du Domaine, le Roi n'y a que le Baillage de la Feuillée, qui ne vaut pas 100 écus, epuis qu'il a fait remise du droit de garenne qui valoit 4000 l. cette gratification a été faite aux Ecclésiastiques en reconnoissance de leur soumission. Les terres les plus considérables de la Province sont les 12 Pairies du Cambresis, fçavoir Rumilly, S. Souplit au Marquis de Wargnies ; Larroy au Baron d'Eme ; Cantin au Prince de Bergues ; Marcoing au Prince de Chimay ; Cuvilliers au Baron de Fosseva, Bousies au Baron du même nom ; Eme au Baron d'Eme ; Audencourt au Sieur Dufart de Prémont qui a aussi de Prairie de Premont ; Blangies au Baron de Comignies ; Nierguy & Vieilly au Chapître de la Cathédrale ; Montrefcour dont les Archevêques de Cambray disposent toûjours en aveur de leurs Officiers, ne le pouvant garder pour eux-mêmes & Crevecoeur. Les
autres terres considerables appartiennent à l'Archevêque ou au Chapître. Le seul C merce de Cambresis consiste en grains, moutons, laines très-fines & toiles.
omDRES.
TERRES FRANCHES, INTENDANCE DE FLANDRES.
Renaix.
Chievres.
Antoing.
IL y a 24 petites Villes, Bourgs, Villages & Hameaux enclavez & épars dans les Provinces particulières, qui ne reconnoissent point les Juridictions ordinaires, les plus considérables sont Renaix, Chievres, Antoing & le Village de Melle. Renaix est enclavé dans la Flandre à cinq lieuës de Tournay & deux d'Oudenarde, le Roi y reçoit les droits des quatre Membres qui montent à 20000 l. le Domaine du lieu appartient au Comte de Nassau, il y avoit anciennement une Abbaye qui a été sécularisée & érigée en Collegiale ; il y a trois Dignitez & quinze Chanoines qui auront un assez bon revenu, quand le Païs sera remis de la Guerre : Chievres à deux lieuës d'Ath est illustre depuis que le Grand Guillaume de Croy Tuteur de Charles-Quint en a porté le nom, Roi y reçoit les droits des Etats de Hainault qui rapportent par an 5000 l. Je Domaine du lieu est aux heritiers du Comte d'Egmont. Antoing sur l'Efcaut a été cédé au Roi par le Traité de Ryswik, le poste est important à cause des écluses qui y sont. Le Roi y reçoit le droit des Etats du Hainault & des Membres de Flandre, parce que la Ville relevoit de tous les deux en partie, car il y en a une d'indépendante, ces droits montent à 3000 l. Le Prince d'Epinoy en est Seigneur, il y a une Collégiale de deux Dignitez & quatorze Chanoines. Melle, village situé à une lieuë de Tournay n'est considerable que parce que le Chapitre de cette Ville en prétend la souveraineté, toutefois ce lieu a été cedé au Roi par le Traité de Ryswick. Les autres terres indépendantes sont si peu considérables qu'elles ne méritent ancun détail, le Roi tire de toutes ensemble environ 22000 l. dont l'imposition est faite par l'Intendant.
DEPARTEMENT DE LA PROVINCE DE HAINAULT.
Hainault. Ses bornes. Son Hitoire.
LE Hainault est situé au Nord de la Picardie & du Soissonnois, il a au Couchant la Flandre Gallicane & le Cambresis ; au Levant le Comté de Namur ; au Nord le Duché de Brabant ; sa longueur depuis la Chapelle jusques à Hall & sa largeur depuis Piancourt jusqu'à Beaumont est de 18 lieuës ; le Climat est froid & pluvieux à cause du voisinage des Ardennes. Au commencement de la Monarchie ce Païs faisoit partie du Royaume d Austrasie, Dagobert I. donna à S. Guillain en 631. le lieu où il fonda son Abbaye, qui retient encore son nom, près de Mons avec le Village de Horne & quelques dépendances. Le Roi fit faire le procès à Untnulphe Comte de Hainault, le fit mourir & confisqua ses biens. Sigibert son fils aîné Roi d'Austrasie rétablit le Château de Mons & y fit quelque tems sa demeure, pendant lequel il édifia l'Eglise des Chanoinesses ; ce même Prince & ses successeurs avoient un Palais au village des Etiennes entre Mons & Pinch, où il se tint un Synode en 743, auquel Carloman frere du
FLANDRES.
Ancien & nouveau Gouvernement.
Roi Pépin & fils de Charles Martel assista en qualité de Maire du Palais d'Australie Ainsi l'on juge aisément que le Comte de Hainault, dont il est parlé sur ce tems-là, n'étoit qu'un Gouverneur amovible, ces Comtes toutefois devinrent héréditaires dans la fuite, c'est à dire, en 915. sous le Regne de Charles le Simple & Regnier surnommé le Long Col, fut le premier Comte de ce nom que ses successeurs tirerent absolument de l'hommage de la France, pour le mettre sous celui des Empereurs, toutefois dans le XI. Siécle il y eut un Comte de Hainault, lequel, pour surmonter une revolte de ses sujets & obtenir un secours présent, soumit sa Comté, du consentement de l'Empereur, au Prince de Liege. Mais le Duc de Bourgogne en 1465. engagea l'Evêque lors vivant à renoncer à cette mouvance, & peu de tems après l'Empereur y renonça lui-même en saveur de Charles le Hardi dernier Duc de Bourgogne. La Maison du Comte Regnier s'est éteinte dans celle des Comtes de Flandre & le Hainault a passé dans la Maison d'Avennes, puis dans celle de Bavierre, de Bourgogne & d'Autriche, sur qui le Roi l'a conquise dans la plus grande partie. Les Traitez de Paix, en fécondant la valeur du Roi, lui ont acquis le Quesnoy, Landrecies & Avennes en 1659, Bouchain, Ccndé, Valenciennes, Maubeuge, Bavay avec leurs Baillages & dépendances en 1671. Les réunions lui ont attribué la possession de Chimay & de Beaumont avec de grandes dépendances ; enfin les Villes de Mons & d'Ath ont été conquises en 1691. & 1697. Sous la Maison d'Autriche le Païs étoit gouverné par les Etats composez de trois Membres ordinaires, à la tête desquels étoit le grand Bailli, ils donnoient à leur Prince ordinairement 100 florins, mais dans les besoins publics ils augmentoient ce secours à proportion. Depuis la Conquête le Roi a aboli ces Etats & réuni à son Domaine les droits qui leur étoient attribuez & sur lesquels ils payoient les aides ordinaires, il ne reste que la Ville de Mons dans l'ancien privilège.
Qualité du Terroir.
Rivieres. Pays d'entre Sambre & Meuse.
Le hainault ejft un Vaïs mêlé de labeurs, de bois & de prairies, les terres du côté de Flandre sont assez bonnes, mais celles d'entre Sambre & Meuse sont bien differentes, aussi bien que les dépendances de Maubeuge. Les habitans y sont éxtrèmement laborieux, & on peut dire qu'ils ne se rebutent d'aucun travail, puis que malgré le fouragement des armées, depuis tant d'années consécutives, ils ne laissent point de cultiver leurs terres & de les ensemencer, n'y ayant qu'une nécessité absoluë qui les puisse forcer à les abandonner. Les Rivieres les plus considérables sont l'Escaut, dont il a été ci-devant parlé, la Haine, qui vient de Brinck & se jette dans l'Escaut à Condé, laquelle porte des bateaux de 150 milliers, depuis Mons par le moyen des écluses, & la Sambre qui vient d'auprès de la Chapelle, passe à Landrecy, Maubeuge & Charleroy, & se jette dans la Meuse à Namur. Cette Riviere n'est pas creuse, & par conséquent ne porte pas fort pesant, il n'y avoit pas autrefois de navigation entre Landrecy & Maubeuge, mais les Munitionaires des armées ont construit des écluses pour la facilité des transports, lesquelles ont si bien réussi que tout le Païs s'en est ressenti, il ne leur manque plus à présent que de leur donner de la solidité suffisamment, mais il y auroit un autre travail plus nécessaire au debit des fers de cette Province, qui seroit de faire remonter la navigation de la Sambre jusqu'à l'Abbaye de la Chapelle & de tirer de-là un Canal à Guise pour joindre la Riviere d'Oyse, ce dessein n'est pas de difficile éxécution, car il se trouveroit des eaux suffisantes, & il n'y auroit d'autre dépense que celle des écluses nécessaires pour les ménager. Le Païs d'entre Sambre & Meuse est tellement ingrat qu'il n'y croit point de blé, on seme le seigle sur des terres dont les bois ont été nouvellement coupez, on brûle le reste de ce qui n'a pas été fagoté & mis en corde, & l'on seme sur la cendre épanduë sans aucune autre façon. La plûpart des habitans du Païs sont occupez aux. bois & aux mines. Leur Commerce se sait par la Meuse, mais d'une maniéré bien imparfaite, parce que cette riviere est chargée d'une si prodigieuse quantité de droits, que les voitures de terre, quels qu'en soient les frais, sont beaucoup à meilleur marché, ce
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qui fait autant de préjudice à la Campagne pour le debit de ses denrées qu'en Hainault pour celui du fer.
Etat du Clergé.
Abbayes.
Chanoinesses.
Chapître de Maubeuge.
Toute la Province de Hainault est du Diocèse de Cambray à l'éxception de Chimay, Beaumont, Ph.hppeville, Char emont, Dinant & d'une partie des Villages entre Samb « & Meuse qui sont de celui de Liège, & encore à l'éxception de Charleroy, & d'une partie des Villages de sa dépendance qui sont de Namur. Il y a 417 Villages du Departement qui dependent de Cambray. Les Abbayes de cette étendue sont le Val-desEcoliers a Mons, Ordre de S. Augustin en regle, de 500 l. S. Guillain, Ordre de S. Benoît en regle de 30000 l. Bonne esperance, Ordre de Prémontré, de 15000 l. Cambray, Ordre de Cîteaux, de 35000 l. S. Denis en Bose, Ordre de S. Benoît, de 11000 l. S. Feuillant de Raux, Ordre de Prémontré, de 10000 l. Marville près Landrecy, Ordre de S. Benoît de 30000 l. Liesnes proche Avennes, Ordre de S. Benoît, de 25000 l. Hautemont près Maubeuge Ordre de S. Benoît, de 15000 l. tous ces revenus sont estimez en tems de paix, car en tems de guerre ils sont bien éloignez de monter à ces sommes. Entre les Abbayes de filles, l'Auteur met au premier rang la Maison des Chanoinesses de Mons dont le Roi est Abbe ; il y a 30 filles nobles qui jouissent chacune d'une Prébende & sont gouvernées par les quatre anciennes. Toutes les Paroisses de la Vile dependent de ce Chapitre dont l'Eglise est la Paroisse des Nobles. La fondation de cette Maison est rapportée à Ste. Vaudrille fille de Walbert Comte de Hainault en l'année 650 ; les Demoiselles qui y sont reçues doivent prouver par droits authentiques 32 quartiers de Noblesse paternelle & maternelle. Le Roi en qualité de Souverain confere les Prebendes, mais comme il ne le fait qu'aux Charges ordinaires, le Chapitre a droit d'examiner les titres & de rejetter les sujets qui ne conviennent pas : cette liberté a conservé ce Chapitre dans son état, il est rempli de la plus ancienne & de la plus illustre Noblesse des Païs-bas. Dans la premiere institution de ces Communautez leur Regle approchoit assez de celle des Religieux, mais dans le X. Siècle Burnon Archevêque de Cologne frere de l'Empereur Othon le Grand, ayant été chargé par le Pape de la reformation du Clergé & du rétablissement des Maisons Religieuses, que les courses des Normands avoient ruinées, trouvant d'ailleurs la Noblesse du Païs peu accommodée, inventa ces sortes de Chapîtres, pour servir de retraite aux Demoiselles ; en effet toutes les Provinces, ou la reforme de cet Evêque s'est étendue, ont differentes maisons de cette espèce, qui ne diffèrent entr'elJes que du plus au moins. Les Dames dont il s'agit ici sont l'Office Divin dans l'Eglise, & ne sont point obligées au breviaire particulier, étant vêtuës, hors les heures du service divin, comme les personnes du monde ; elles jouissent chacune de 800 l. de revenu. Le Chapitre de Maubeuge est entiérement semblable à C celui de Mons, si ce n'est qu'il est gouverné par une Abbesse, que les Prébendes valent b environ 1000 l. toutefois ce n'est jamais le revenu qui fait rechercher ces sortes de Places, puis qu'elles ne sont possédées que par des personnes illustres, mais l'éxclusion des Chapîtres étant une notte pour les femelles qui n'y sont point admises, celles qui y peuvent prétendre le sont en honneur d'y parvenir. L'Abbaye de Pinlieu, Ordre de Cîteaux, vaut 8000 l. Ath de même Ordre 4000 ; l'Olive de Brinck 4000 ; Beleau, Ordre cle S. Augustin, 4000 ; la Thuse, du même Ordre, 7000 ; Ginslishin, Ordre de S. Benoit, 15000. Cette Maison est noble ainsi que le Chapître, mais les preuves n'y sont pas si fortes, n'étant que de quatre quartiers ; enfin Ste. Elizabeth du Quesnoy, Ordre de S. Benoît, vaut 4000 l.
Chapitre des Chanoines.
A l'egard Chapitre des Chanoines, on compte premiérement celui de S. Germain de Mons composé d'un Prévôt, d'un Doyen & douze Chanoines, huit Vicaires, huit Co-adjuteurs : les Prébendes valent 400 l. & sont à la nomination du Prévôt ; le Doyen fait la fonction de Curé dans l'Eglise des Dames & les Chanoines sont leur Chapelains ; le Prévôt de S. Germain a droit de séance dans l'Eglise des Dames & au dessus d'elles, sans
FLANDRES,
Prieuré. Commanderie.
Cures.
toutefois aucune Jurisdiction ; c'est toûjours une personne très-considerable qui possedé cette Dignité, laquelle est à la nomination du Souverain & vaut 1000 l. De Chapitre de Binch est de douze Chanoines qui ont chacun 300 l. ils sont a la collation de l'Abbé Lobbes. Le Chapitre de la Soignie est de douze Chanoines, dont huit sont nommez par le Souverain & quatre par le Chapître. Le Chapitre de Leuse prés Ath est de virmt Chanoines qui n'ont que 250 l. ils sont les Chapelains des Dames, l'Abbesse les nomme pendant quatre mois & le Pape les huit autres ; enfin le Chapitre d'Avennes est de douze Chanoines nommez par le Roi qui ont 300 l. Le Prieuré de Bois-Seigneur près Mons Ordrè de S. Augustin, vaut 1000 l. le Prieur en est électif, Belinghe uni à l'Abbaye de Bolimpré, & qui est le séjour présent des Religieux de cette Maison, vaut 5000 l. Dampierre proche Avennes 800, Aimeries pres Maubeuges 100 l. La Commanderie de Guton, Ordre de Malthe, vaut 18000 l. la plûpart de ses biens sont proche de Mons toutes ces Maisons sont du Diocèse de Cambray ; celles du Diocèse de Namur sont les suivantes. L'Abbaye de Vausobre, Ordre de S. Benoît, de 16000 l. Moulins du même Ordre, de 10000 l. S. Gérard, du même Ordre, uni à l'Evêché de Namur, de 15000 l. le Jardinet, Ordre de Cîteaux, 4000 l. Les Abbayes du même Païs dans l'étenduë du Diocèse de Liege sont, l'Est au Fauxbourg de Dinan, Ordre de Prémontré, 10000 l. Florens, Ordre de S. Benoît, de 6000 l. l'Abbaye de Foelix de filles, Ordre de S. Benoît, située près Griel n'a que 2000 l. le Prieuré de Guies près Charleroy, Ordre de S. Augustin, vaut 6000 l. Les Chapîtres de ce Canton sont Chymay de douze Chanoines qui ont 300 l. chacun, à la nomination du Seigneur ; Valcourt de huit Chanoines qui en ont autant à la nomination de l'Abbé du Jardinet ; Florennes oc quatre Chanoines qui ont 400 l. à la nomination de l'Abbé du lieu, & Dînant de douze Chanoines qui n'ont que 200 l. chacun. Le Roi nomme aux Abbayes de Hainault comme à celles de Flandre, en conséquence d'une Election, à l'éxception de l'Eff & de Florennes où il a laissé les Religieuses en pleine liberté de se choisir leur Abbe. Il y a encore dans l'entre Sambre & Meuse deux grandes Abbayes qui sont de la dépendance de Liege pour le temporel aussi bien que pour le Spirituel, mais la plûpart de leurs biens se trouvent à présent sous l'obéïssance du Roi, elles sont toutes deux de l'Ordre de S. Benoît. Lobbes qui est la premiere vaut 50000 l. de rente, & Aluc en vaut 3000. Les Cures de tout le Hainault sont reduites à la portion congrue, parce que les gros Benefices y possedent toutes les dixmes, mais les portions congruës de ce Païs sont réduites à 300 florins qui sont 365 l. monnoye de France ; d'ailleurs le nombre des Maisons Religieuses est fort grand dans toute la Province, on en compte 21 dans la seule Ville de Mons & près de 800 Ecclésiastiques, ce qui fait la vingtième partie du total du Peuple de cette Ville, à quoi l'Auteur ajoute que l'on peut estimer le reste de la Province sur le même pié. A l'égard des moeurs & de la Capacité de ces Ecclésiastiques il n en parle pas avantageusement, & il espere une grande reforme de la vigiance & des soins de l'Archevèque de Cambray, qui s'applique à les instruite & à les iriger, mais il n'en attend pas autant de ceux qui sont dans les autres Diocèses, lesque vivent ans une entiere indépendance, parce que les Evêques de Liege & de Narnur n ont point etabli d'Officiaux pour les parties de leur Diocèse qui sont sous la puissance du Roi. y a de plus divers Collèges & Hôpitaux dans les Villes, particulièrement à Mons.
Gouvernement Militaire.
Mons.
e¬Le Hainault est presque tout entier du Gouvernement généra e an re, il n'y que les Villes de Landrecy & du Quesnoy qui sont de celui de Picardie parce que lors qu'elles furent cédées à la France, le Roi ne possedoit encore lien en Fanre. On com-pte dans le Gouvernement du Hainault dix Places fortes, dont quatre sont l'entrere Sam-bre & Meuse. Mons Capitale de toutes a ce titre depuis Charlemagne en 504 : ce Prince lui accorda aussi de beaux privileges, elle est située sur une petite hauteur qu'elle pe & le plat-païs des environs est facilement inondé par les rivierese Haine & de Trouille
nciDRES.
Ath. Maubeuge.
Le Quesnoy, Avennes, Landrecy.
Philippeville.
Charlemont.
Dinant. Charleroy.
Bavay.
au moyen des écluses. L'enceinte de la Ville n'est qu'une muraille terrassée, ses pri pales fortifications consistent dans les dehors. ; il y a des cazernes très-confiderables. Le Roi fit la conquête de cette Place au mois de Mars 1691, mais il la rendit par la paix de 1697. Ath est une Ville que le Roi a fait fortifier depuis la paix d'Aix-la-Chapelle, elle est située sur la Dindre, qui ne commence à porter bateau qu'à Grammont, il y auroit été facile de la rendre navigable jusqu'à Ath, mais cette Place n'est plus de l'obéïsfance du Roi. Maubeuge sur la Sambre n'étoit qu'un Bourg fermé que le Roi commença de fortifier en 1680 : on a pratiqué des inondations, des fossez & des bâtimens aussi beaux qu'en aucune Place du Royaume, mais sa situation a des défauts insurmontables à cause des hauteurs qui découvrent tous ses Ouvrages à revers. Le Quesnoy, Avenues, Landrecy sont trois autres Places assez réguliérement fortifiées, mais elles sont petites, & l'on n'en peut par conséquent tirer les secours ni y trouver les ressources or naires dans les grandes Villes, ce qui oblige à beaucoup de précautions pour remplir les Magasins. Philippeville est une Place de cinq Bastions, un peu plus grande qu'une C tadelle, le défaut de sa fortification est le peu de profondeur de son fossé : il y a des c zernes pour neuf Bataillons & 600 chevaux. Charlemont sur la Meuse est aissi une b ne Forteresse, mais comme on n'y peut loger que deux Bataillons, le Roi a fait fortifier le Bourg de Givai, où il a fait aussi construire des cazernes pour trois Bataillons & 500 chevaux. Ces deux dernieres ont été bâties par Charles-Quint qui acheta les fonds des particuliers à qui ils appartenoient, il s'embarassa peu de la souveraineté du Prince de Liege, & quoiqu'il lui en eut promis recompense, sa promesse n'a jamais été éxécutée. Dinant appartient à l'Evêque de Liege qui avoit consenti après le Traité de Nimegue que le Roi tint garnison dans le Château, mais la guerre étant revenus en 1688. le Roi s'est aussi emparé de la Ville, & il y a ajouté tant de Fortifications qu'il en a fait une très-bonne Place, le Roi n'en avoit aucune où il y eut tant de souterrains. Charleroy sur la Sambre a commencé d'être fortifiée après la Paix des Pirénées, le Roi s'en empara en 1677, la rendit au Traité de Nimegue & la reprit dans la derniere guerre. Les fortifications ont été augmentées du côté de Namur & l'on y a pratiqué une inondation qui asseure entièrement la Ville basse. Cette Place appartient à présent au Roi d'Espagne. Le Roi paye dans les Places qui sont à lui un Etat Major composé de tous les Officiers ordinaires ; les Gouvernemens de Quesnoy, Avennes & Landrecy sont sur lancien pié de 8437 l. os. Philippeville & Charlemont sur le pié de 11250 l. Outre ces Places le Roi fait encore occuper pendant la guerre les postes suivans, qui asseurent la frontiere & facilitent le Commerce d'une Place à l'autre. Beaumont & Thuim entre Maubeuge & Philippeville, Chimay peu distant d'Avennes & Mariembourg, Place autrefois considéra ble, mais qui n'est plus qu'une simple muraille. Bavay entre Maubeuge & Valencien
nés est encore un de ces Postes qui méritent un Article separé, puis qu'il a été autrefois une Ville très-importante & Capitale de toute la Belgique. Outre les ruines, les decombres & les medailles qu'on trouve en fouillant la terre des environs, on en a une autre preuve dans le nombre des Chaussées ou Grands Chemins qui partans de-là conduisent à toutes les principales Villes anciennes, l'une à Mastricht & à Cologne par Tongres, l'une à Rheims qui traverse ensuite la Champagne, une autre à Soissons, une à Amiens qui est poussée jusqu'à Montreuil, une à Mardick qui passe à Valenciennes & Tournay, ^une à Utrecht & la derniere à Gand. Ces Chaussées furent faites du tems d Auguste pai Agrippa, tant pour occuper les Troupes Romaines que pour faciliter la marche des Armées & la conduite des vivres ; il paroit qu'elles étoient tirées en ligne autantquil le pouvoit, assez élevées au dessus du terrain, & l'on y trouve en plusieurs endroits des pierres à fuzil & des cailloux, qui n'ont pû être apportez que de fort loin. Brunehault Reine d'Austrasie les repara presque toutes 550 après leur premiere construction, & c'
FLANDRES
pour cela qu'on leur donne presque par tout le nom de Chaussée de Brunehault. Bavay n'est plus qu'un village de 15 feux.
Etendue des Gouvers.
Sejour des Troupes.
Chaque Gouvernement de Places fortes a sous lui assez grand nombre de villages, celui de Mons en avoit 157, & celui d'Ath 96, le Gouvernement du Ouesnoy en a 57, celui de Landrecy 16, celui d'Avennes 21, celui de Maubeuge 71, & quant à celui de Phihppeville il n'avoit naturellement qu'un village dans sa dependance, mais on a trouve les moyens de l'augmenter par les réunions de Chymay & de Poil à Vache ; Chymay dépendoit de Mons & Poil à Vache de Namur. L'Auteur n'entre point dans les motifs de cette réünion, que les Etrangers ont regardé comme une infraction de Paix il lui suffit qu'elle ait été faite, mais il remarque que l'on a eu plus de ménagement pour l'Electeur de Cologne Prince de Liege, dont on n'a point réuni les terres. Cette étenduë réunie a été partagée entre les Gouvernemens de Philippeville, Charlemont & Dînant, le premier en a eu 54, le second 44 & le troisième 43. Charleroy n'avoit au cune dépendance dans le Plat-païs, cette division par Gouvernement est d'un plus grand usage que celle par Baillages & parPrévôtez, parce que toutes les fois qu'il y a des cour vées à faire, soit de chariots soit de pionniers, on commande les habitans par Gouvernemens. Dans tout le Hainault les Troupes vivent de leur solde, le fourage est fourni à la Cavalerie par des Entrepreneurs, & il est si abondant que le fouragement d'une Armée, & les Cantonnemens ne fauroient empêcher qu'il ne s'en trouve encore assez pour fournir les Magasins des Places, pourvu qu'on les remplisse de bonne heure.
Tribunaux. de Justice.
Magistrat de Mons.
Conseil ordinaire.
Loy particuliere.
Il y a un Grand Prévôt à Maubeuge dont les Lieutenans résident à Avesnes & à Philippeville. La Justice des Comtes du Hainault étoit administrée par une Cour souveraine résidente à Mons, composée de douze Pairs de la Province, qui étoient les Seigneurs d'Avesne, de Roeux, de Chymay, de Barbançon, de Ribais, de Silly, de Longueville, de Vaulencourt, de Baubourg, de Chiveret & du petit Quesnoy. Le Grand Bailly y présidoit au nom & en l'absence des Comtes de Hainault, cependant il n'y avoit point de voix deliberative, mais en revanche il éxerçoit d'ailleurs tous les droits de Souverain, accordant des lettres de grace & de remission, c'est aussi ce qui a procuré la suppression de cet Office sous la domination de France, mais comme les Comtes d'Hainault avoient substitué un Baillis à leur place, les Pairs prirent aussi la liberté de substituer à l'éxercice de la Justice, & c'est ce qui a donné occasion à l'institution des douze Conseillers qui les représentent : Cette Cour jugeoit les matieres féodales & les appellations de tous les juges, subalternes, les affaires des Nobles, tant pour le Civil que pour le Criminel, & generalement tout ce qui est éxprimé dans la Charte de Hainault. Le Magistrat de Mons a la jurisdiction en premiere instance sur les Bourgeois en matiere civile & criminelle, & reçoit les appellations des Châtelains & Majeurs de village en pareilles matieies, mais il a la jurisdiction criminelle en dernier ressort, & le droit de faire tous les reglemens de Police. Il y a aussi dans cette Ville une Jurisdiction nommée Conseil ordinaire, laquelle affecte l'égalité avec la Cour souveraine, il a le droit de connoître du pouvoir en matière Ecclésiastique, il y a même celui de prévention sur toutes les Juridictions subalternes, le Grand Baillif en étoit le Chef & y avoit voix déliberative, il est aujourd'hui composé de 7 Conseillers, dont le premier a la commission de Président. Le ressort de l'une & de l'autre Jurisdiction est fort diminué depuis la Paix, puis que tout ce qui est resté au Roy ne leur est plus soumis & qu'il a voulu que toutes les appellations de Justice ordinaire de la Domination ressortissent au Parlement de Tournay. Il y a une coutume en Hainaut fort differente de nos usages & sur laquellel'Auteur fait damples reflexions en la comparant à ce qui se pratique en France, que les matieres n'y sont jugées en déffinitif, que par la Justice Souveraine, soit du Parlement de Tournay pour les terres qui sont de l'obéïssance du Roi, soit de la Cour de Mons, pour celles de sa nomination, au lieu que parmi eux, ils sont Juges sans appel ; le moin-
'AuDRES.
Justices Royales. Observation.
dre juge condamnant À la mort & faisant exécuter sa sentence, ce qui fait dire à l teur, qu'il lui semble que les Peuples, en redigeant leur Coûtume, ont eu plus d'égard aux biens qu'à l'honneur & qu'à la vie des hommes, ce qui forme un préjugé fort defavantageux contre une semblabe Police ; c'est pourquoi l'on s'est efforcé dans ces tems modernes de chercher quelque temperament à une Loi si dure, mais il ne s'en est point trouvé d'autres que de permettre aux condamnez de porter une plainte au Conseil ordinaire, lequel en conséquence peut suspendre l'éxécution, mais comme dans les condamnations de mort, le remede ne venoit presque jamais assez tôt, il a plu au Roy par son autorité d'abroger cette Loy & ordonner que tous les Jugemens portans peines afflictives ne seroient plus éxécutez dans la partie du Païs qui lui est soumise, qu'après qu'ils auront été coufirmez par le Parlement. A l'égard des Justices Royales subalternes, le Roi a créé des Officiers héréditaires, il a même créé de nouveaux Baillages, mais toûjours avec peu de succès pour le debit des Charges, les hommes de ce Païs ne se pouvant accoutumer à des Charges héréditaires ni venales, ni se persuader qu'ils ayent de l'avantage à payer le droit annuel. En general les Officiers de Justice ont beaucoup d'intégrité en cette Province, mais peu d'étude ; les esprits y sont bornés, ils ne connoiffent point l'homme attaché aux Factions, ils n'en regardent que le profit, raisons pour lesquelles il conte éxtrêmement cher à plaider, parce que les Juges ne terminent jamais d'audience & que tous les Procès se discutent par tout, toutefois il n'y a pas encore eu de Commentaires de la Coutûme du Hainaut.
Impositions & Finances. Inconvenions de la taille personelle.
Il y a un assez grand nombre de differens droits établis dans la Province, mais ils Il y sont tous sur les fonds, les bestiaux & les denrées ; on n'y connoit point la taille per lle. L'Auteur ne peut s'empêcher de donner des éloges à cette forme d'imposition, qui n'est jamais plus sorte que quand la consommation est plus grande & qui ne donne jamais occasion aux vangeances & aux inimitiés qui regnent dans les autres P vinces du Royaume : il fait une grande énumeration des effets de la taille personnelle, dont les principaux sont que les riches s'éxemptent toûjours ou en achetant des privileges ou en se retirant dans des Villes éxemptes, de telle sorte que l'Intendant ne peut remédier au mal que quand il est fait, outre que les procès & les vangeances héréditaires ruinent les familles ; tout cela n'a point de lieu en Hainaut, chaque Proprietaire y paye ne taxe égale à proportion de son fonds & de sa richesse effective. Du reste il y a en Hainaut trois fortes d'impositions sur les fonds ; le vintième sur les feux & cheminées, les unes & les autres ne sont devenues annuelles qu'en 1604. L'Archiduc Albert qui gouvernoit alors les Païs-bas aiant obligé les Proprietairies des fonds à donner une juste declaration de leur valeur, il fut arrêté que chacun payeroit le vingtième du revenu sur le pied des déclarations données. L'Auteur estime que la taxe ainsi faite doit naturellement être parfaitement égale, parce que chaque fond de terre a du être estimé se on sa valeur, car encore qu'il puisse y avoir de l'erreur ou de l'abus par la mauvaise foi des particuliers qui pourraient s'entendre avec les Majeurs des lieux, toutefois cela n'est pas considérable par Rapport au total, & de plus il asseure que l'erreur y a été si peu sensible que le cahos de 1604. sert encore aujourd'hui de regle invariable, quoique au lieu du 20e de ce tems-là, on en paye à présent 3 ou 4 de plus. Au reste, comme on pourroit croire que quand on parle de quatre 20e. un tel impôt emporterait le cinquième du revenu, l'Auteur avertit qu'il n'en faut pas juger ainsi, parce que l'argent étant devenu bien plus commun qu'il n'étoit en 1604, les fermages sont tellement haussez que ce qui étoit alors affermé 20 l. l'est à présent 40, ainsi quatre vingtièmes n'emportent que le 13 ou 14e. du revenu & tout au plus le douzième. Le Droit de feu n'a ete etabli qu'en 1635. pour fournir à l'étape des Troupes lesquelles passoient en Hainaut, les Ecclésiastiques & les Nobles en sont éxempts aussi bien que les Bourgeois des Villes, il est de 20 patards & égal pour tous ceux qui y sont sujets : on n'a point examine si le nombre des feux étoit aug-
FL DRES.
Taxe sur les Cheminées. Bestiaux. Etats du Païs.
menté, ou s'il étoit effectif, la taxe est demeurée sur le pied de sa premiere imposition. La taxe des cheminées a été établie en même tems que le 20e. & elle s'applique non pas au tuyau, mais à chaque corps de cheminée vu par dehors, cette taxe n'étoit d'abord oue de cinq patards, elle est aujourd'hui de 30 sur chaque cheminée, de plus les chevaux & les vaches sont sujets à une taxe particuliere, le cheval paye tous les ans 30 patards, les vaches & les boeufs 15 ; on en fait la visite deux fois par an, & cela s'appelle Retrouve. Il y a aussi du droit sur la consommation des bestiaux, en conséquence du quel on paye 40 patards pour boeuf que l'on tuë, 5 patards pour une vache, 8 pour un porc ou un mouton, 4 pour une brebis, un veau ou un agneau ; les Ecclésiastiques ne sont point exempts ni les Nobles du droit de fonds qui est reél, non plus que du droit des bestiaux ni de la consommation. Les impôts sur les boissons tiennent aussi une place considerable dans le produit du droit de Hainaut, celui de la bierre est le plus grand, sçavoir de 39 patards par tonne de bierre vendue au Cabaret & de 27 par tonne consommée chez le Bourgeois, la tonne est reglée à 52 pots, le pot de vin paye 3 fols, le pot d'eau de vie en paye 15 & la livre de tabac 7 & demi : à l'égard de ce dernier, les particuliers n'en peuvent faire aucun debit, il n'y a que le Fermier du Roy ou celui qui est à son droit, cela a été ainsi ordonné pour éviter les abus. L'usage du sel qui est deffendu sous de grosses amendes dans tout ce département par la crainte qu'on n'y en repandit dans le Soissonois & le sel qui y est le seul en usage paye par sac 15 patards de droit. Tous ces fortes de droits se levoient au profit des Etats sous la domination d'Espagne & les Etats accordoient au Roy un subside tous les ans selon les besoins & facultez, ils étoient de plus chargez de dépenses éxtraordinaires de la guerre, fortifications des Places & lors que leurs revenus ne suffisoient pas ils faisoient des emprunts, espérant que les bonnes années leur procureroient le moyen de les rembourser ; en 1649. ils donnerent une somme très-considerable pour entreprendre le siège de Landrecy qui les incommodoit étant dès lors à la France, depuis ce temps les Gouverneurs de Flandre les ont invitez souvent à faire des avances sous des prétextes spécieux, mais pour en profiter seuls, ce qui joint à la mauvaise administration, a obligé les Etats à multiplier leur vingtième tant qu'ils ont pû le faire, & enfin emprunter jusqu'au point qu'ils doivent plus de 200000 écus de rente, & 25 années d'arrérages, mais ce qui les met hors d'état de sortir jamais de cet embarras, c'est que le Hainaut ayant été demembré, ils ne jouissent plus du quart des revenus anciens, & les dettes sont demeurées en leur entier sur le corps des Etats de Mons, ils prétendent bien que le Roi, possedant la plus grande partie du Hainaut, les doit justement acquitter à proportion, & ils se fondent pour cela sur les Traités de Paix qui disent, que les dettes réelles des biens cedez de part & d'autre feront liquidées par des Commissaires ; le Roi prétend au contraire que les dettes desEtats de Mons sont personnelles, ainsi la feule ressource apparente qui leur reste consistant dans l'éxtinction des rentes viageres qui finiront avec le tems & soulageront les Etats s'il n'y survient point de charges nouvelles.
Le Roy n'a rien changé au pouvoir & à l'administration des Etats deMons pe ndant qu'il possedoit cette Ville, leur revenu montoit en tems de Paix à 660000 l. savoir, les 20es. feu & cheminées à 313250 l. les droits sur la bierre à 160000 ; ceux d'eau de vie à 62000 ; la traite des bêtes à 73000. la consommation ou tuage à 16000 ; le droit de 2 patards sur la waque de charbon qui se tire dans la Province 39500 l. sur quoi il est nécessaire d'observer que ces droits diminuant considérablement pendant la guerre, parce que la coutume est de décharger des trois quarts de la premiere de ces impositions les lieux qui ont été fouragez sur les revenus : les Etats donnoient au Roi 130000 florins d'aydes ordinaires & 7000 l. pour être exempts de nouveaux Edits, à la reserve de la Capitation à laquelle ils se sont soumis. Mais dans toute la partie du Hainaut qui est de l'ancienne conquête, les droits des Etats ont été réunis au Domaine du Roy & sont confondus dans le même bail avec ceux qui se levent dans le département de Flandre & d'Ypres, le changement qui est arrivé en
FLANDRES.
conséquencedarìs ïa régie de ces droits est extrêmement sensible aux Peuples, le Fermier toûjours dur & éxact a pris à la lettre & fait exécuter rigoureusement tout ce qu'il a trouvé à son avantage, au lieu que sous les Etats on usoit de condescendance & on avoit des égards. Il est certain aussi que les fermes produisent plus au profit du Roy que les droits ne faisoient au profit des Etats, l'augmentation est d'un quart entier, surquoi il faut observer que quoique tous les mêmes droits subsistent au profit du Roi, le Païs d'entre Sambre & Meuse paye très-peu de chose, parce que le Roi s'est fixé à laisser les choses sur le pied où il les a trouvées & qu'heureusement pour ce Païs, lors qu'il s'est fait des réunions, il n'y avoit point de taille cette année sur les terres de Liege. Quant au droit sur la bierre il ne va qu'a deux fols par tonne en plusieurs endroits, de sorte que le Fermier n'en tire tout au plus que 20000 écus, surquoi il y en a la moitié produit par les petits Domaines & les rentes Seigneuriales dûës par les Communautez.
Denombrement du Peuple.
La Capitation que le Roi a ordonné par sa déclaration du 18. Janvier 1695. a donné lieu de faire un dénombrement des habitans de cette Province, par lequel on a trouvé que dans la Ville de Mons il y a 4478 feux ou proprement Chefs de famille & 15292 habitans ; dans 150 villages de la dépendance de Mons 15977 feux & 52304 habitans ; dans Ath 830 feux & 3320 habitans –, dans les 96 Paroisses de la Dependance 7272 feux & 22000 habitans ; dans Maubeuge 409 feux & 2543 habitans ; dans les villages du Gouvernement au nombre de 53, 3405 feux & 14933 habitans ; dans la Ville de Beaumont les 29 villages de sa dépendance 1573 feux & 6292 habitans ; dans la Ville de Chymay & les villages de sa dépendance au nombre 7, 1047 feux & 4711 habitans ; au Quesnoy 1631 feux & 2680 habitans ; dans les Villages du Departement au nombre de 63, y compris la Prévôté de Bavay 4147 & 15893 habitans ; dans les seize villages du Gouvernement 1532 feux & 6977 habitans ; à Avenues 702 feux & 2555 habitans ; dans les 21 villages du Gouvernement 1986 feux & 0083 habitans ; à Philîppeville#2i 8 feux & 807 habitans ; dans les villages de l'entre Sambre & Meuse dépendans de ce Gouvernement, y compris Mariembourg, lesquels sont au nombre de 48 Paroisses, 1815 feux & 6680 habitans ; à Charlemont & Givet S. Hilaire 441 feux & 1952 habitans ; dans les villages de la dépendance y compris Fumay & Reum au nombre de 46 Paroisses, 2250 feux & 8608 habitans ; dans les Villes, Bourgs & villages de Dinant 999 feux & 4862 habitans ; enfin à Charleroy 368 feux & 1555 & habitans. Ainsi le total des feux monte à 52655 & des habitans 201012 personnes. Le Païs en cet état produit au Roi suivant les anciens Rolles de Capitation 218429 b L'Auteur croit inutile d'éxpliquer en ce detail tous les autres droits dont on a charge ce Département dans letems de la Guerre en menageant autrefois ces Peuples de la frontière, & l'on peut dire que c'étoit le meilleur moyen de dissiper insensiblement l'aversion qui leur est naturelle pour la Domination Françoise, mais les besoins de l'Etat n'ont pas permis que l'on continuât à suivre cette maxime, quoiqu'elle soit etablie sur la Justice, ce Païs étant accablé par le campement de differentes Armées & toûjours plus fatiguequaucun autre pour les fournitures des Pioniers & des chariots, en sorte que durant le siege de Namur ce Païs fournissoit 1500 chariots & 500 Pioniers, l'Etat étant obligé à payer les premiers à 6 l. par jour, les seconds à 15 liv. c'étoit une dépense de 12000 l. par jour nui toutefois n'entroit point en diminution des taxes ordinaires & extraordinaires.
Il faut ajouter que toutes les Villes ont des revenus d'octrois qui comment en droits sur les denrées & boissons, particulièrement de la bierre ; les octroys de Mons produifoient 230000 l. qui étoient employez tous entiers pour le Service du Roy, l'entretien des cazernes des lits, chaufages, &c. les octroys d'Ath montent à 60000 l. ceux de Maubeuge à 30000 l. ceux du Quesnoy à 12000 : ceux d'Avenues & de Landrecis à 10000 l. ceux de Givet à 7000 & ceux de Dinant à 30000 l. les charges égalent par tout les revenus & il n'en reste presque rien qui ne soit employé au profit & a la décharge du Roi. Les
FLANDRES.
Domaines. Forêts.
Domaines du Hainaut étoient autrefois considérables, mais ils sont engagez presque par tout ; celui de Mons l'est de l'année 1626. & dans ce même tems le Roi d'Espagne aliéna au Comte d'Egmont le droit de morte-main dans tous les lieux où il étoit en usage, ce droit consiste au choix du meilleur meuble qui se trouve dans la succession du Roturier, c'est un reste de servitude qui peut faire juger que les Peuples du Hainaut étoîent autrefois tout à fait esclaves-, l'engagement est fait pour 127000 l. & le produit n'est au plus que de 3000 l. Lors de la Paix d'Espagne avec la Hollande, le Roy céda la Baronie deZerimberg au Prince d'Orange, les Sieurs Tablet furent quelque tems après engagez au Duc de Lorraine Charles IV. qui les a laissez au Prince de Vaudemont, la Pairie de Baudour appartient au Prince de Ligne à menu titre, ainsi il ne reste dans la dépendance de Mons que le Domaine de Binch qui peut valoir 10000 l. c'est près de ce lieu qu'est la Maison Royale de Murimont, bâtie par Marie Reine de Hongrie soeur de Charles-Quint, il y a des jardins & un Parc, mais les bâtimens en sont trés-peu considerables. Le Roy possede quelques Forêts dans le Hainaut, sçavoir celle de Mormalle qui contient 17560 arpens de bois hêtre & chesne, le fond en est humide, ce qui fait quee bois n'est pas propre aux bâtiments & se debite entièrement pour le chaufage dans le Cambresis, le produit est de 8000 florins, outre les revenus du Chateau de l'Ocquignol qui est de 3000 l. Il y a une Maîtrise particulière au Quesnoy pour sa conservation. La Forêt de Marlague entre Sambre & Meuse appartenoit aussi au Roi en conséquence des réünions & lui apportoit 40000 l. par an, mais le Roi n'en a pû jouïr pendant la guerre. A l'égard des Traites du Hainault, elles se trouvent dans une situation tout à fait fâcheuse, étant regardée comme terre étrangere tant par la France à qui il est soumis, n'étant point dans l'étenduë des cinq Grosses fermes, que par l'Espagne dont il vient d'être démembré, cette consideration fait que les droits d'entrée & de sortie n'y sont payez que suivant le tarif de 1661. qui est un peu plus moderé que les subséquens. On peut dire toutefois que c'est un grand supplice pour ces peuples que d'être privez du commerce des Païs-bas Espagnols, avec lesquels ils se sont entretenus long tems & des denrées desquelles ils ne peuvent presque aucunement se passer.
Commerce. La Houille.
Le principal commerce du Hainault consiste dans la houille & le fer. La houille ou le charbon de terre se prend sur les terres situées dans la dépendance de Mons depuis Quewin jusques à Marimont dans l'espace d'environ sept lieuës de long & deux lieuës de large, le travail en est tres-penible ; il faut premierement creuser des puits de 35 toises de profondeur, & quand on a trouvé la veine de charbon, il faut toûjours travailler entre deux bancs de roc très-dur. La veine n'a jamais que trois ou quatre pieds d'épaisseur, en sorte que quand les Ouvriers ont percé les bancs du Roc qui la couvrent, ils sont obligez d'être continuellement sur leurs genoux pour travailler & quelquefois couchez sur une épaule. Ces veines sont d'ailleurs toûjours en pente & descendent jusques à 150 toises de profondeur, après quoi elles remontent. A mesure qu'on s'enforce plus avant sous terre on trouve la houille meilleure & plus grosse, mais aussi le péril de l'eau augmente à proportion, elle fort quelquefois dans une telle abondance qu'elle remplit tout leur travail & les Païsans ne sont pas quelquefois assez riches pour faire les fraix de l'épuiser, cela fait qu'ils ne travaillent gueres que la superficie de la mine ; ce qui pourra à la longueur ruiner toutes leurs houilleries & porter un grand préjudice à la Province. Il seroit donc à souhaiter que des personnes plus riches & plus intelligentes que les Païsans ordinaires s'appliquassent à ce travail, dont le gain est considérable ; il s'est fait depuis peu une Société d'Ouvriers & de Marchands à Wasne à deux lieuës de Mons qui ont établi le travail des houilleries où il est à Liege, il leur en a couté 25000 écus d'avance qu'ils retirent avec profit, car le charbon de cette mine est des meilleurs, aussi est-il tiré à 75 toises de profondeur, ils ne craignent point que l'eau les surmonte, car ils ont une Machine d'un modèle pareil à celle de Marly qui la vuide sans cesse ; d'ailleurs ils
FLANDRES.
en levent a la fois 2500 pelant de charbon, au lieu que les Païsans n'en peuvent lever que 150 par le moyen de leur tourniquet, aussi le travail se fait avec beaucoup plus de diligence & à moins de frais. Il y a actuellement 120 fosses d'ouvertes dans la Province qui occupent 45 personnes, ce qui fait la totalité de 500 Ouvriers. Á l'égard du debit, il fort de la Province, sans compter ce qu'elle en consomme, qui est très-confiderable, environ 300000 waques de charbon, chaque waque vaut 15 s. dont il yen a 12 au profit du Marchands 2 s. 6 d. pour les droits des Etats de Mons & 6 d. pour les écluses : sur ce pied les 300000 waques rapportent à la Province 225000 l. surquoi il faut remarquer que ce travail qui se fait sous la terre n'empêche point que la superficie ne rapporte des bleds en assez grande quantité. Devant que Tournay & Condé eussent été cedés au Roy, le debit du Charbon étoit beaucoup plus grand, parce qu'il descendoit par Condé, remontoit par Gand, & de-là à Anvers & à Bruxelles, mais comme le droit est double à présent, les Flamands ont meilleur marché du charbon d'Angleterre quoi qu'il ne soit pas si bon que celui de Hainaut, ainsi le secret de ce commerce feroit, si d'ailleurs il étoit possible que tout fut à un même Maître, de moderer tellement les droits sur le charbon que celui de Hainaut ne fut que d'un sol par waque plus cher que celui d'Angleterre : car alors on n'acheteroit que de celui-là, il ne seroit pas moins utile à la Province de faire passer ce charbon jusqu'à Paris, ce qui seroit facile si l'on ayoit creusé le Canal projetté pour joindre la Sambre & la Riviere d'Oyse.
La Partie du Hainaut qui joint l'Entre Sambre & la Meuse tire toutes ses richesses des mines de fer & du travail des forges : on y compte 14 fourneaux & 22 forges, 9 fourneaux & 13 forges sur la terre de Chimai & 6 à Beaumont avec une fonderie, 3 fourneaux sur la terre deTeilon dependant de Maubeuge, deux fourneaux sur la terre d'Avennes & 10 forges. Chaque fourneau occupe no hommes toute l'année en y comprenant les ouvriers qui façonnent les bois & charbons des Forêts, une forge en occupe 30 & une fonderie 10, de forte qu'il y a en tout 2500 Ouvriers employez à ce travail, un fourneau consommant 25000 cordes de bois, une forge 2800 : ainsi les mines de Hainault procurent une consommation de 25000 cordes de bois par an qui coutent au Marchand un écu chacune, y compris la voiture & c'est-là le seul debit du bois du Païs. L'on fabrique dans toutes les forges du Hainaut environ six millions de livres pesant de fer par an & on le vend 15 l. le millier pris dans la forge, par conséquent le produit du total est de 100000 écus, qui viennent de bon à la Province, puis que tout ce qui est nécessaire à la fabrique du fer s'y trouve, les voitures pour l'enlevement des fers rapportent encore un profit considerable, il en passe assez peu dans la France, si ce n'est à Charleville pour la fabrique des armes, mais pendant que le Roi a fait travailler à la conduite de la riviere d'Eure à Versailles, il y avoit deux fourneaux à Chimay continuellement employez à faire des tuyaux, le travail étant cessé, le principal debit du fer du Hainaut depuis la guerre s'est fait à Dunkerque, les Hollandois en tirent aussi beaucoup par la Meuse, mais comme pendant leur guerre avec l'Espagne, ils avoient intérêt à la dimiminution des Manufactures de Hainaut, ils trouverent moyen de debaucher des Ouvriers, & de les emmener avec eux aux dits lieux, où ils ont établi des fourneaux & des forges dont le fer leur revient à meilleur marché d'où s'est ensuivie une interruption du Commerce de la Hollande avec le Hainaut, ainsi il fera toûjours facile quand on le voudra de rétablir le commerce, à cause de la bonté des marchandises, toutefois Chimay & Beaumont ne demeurant point au Roi a peu dequoi s'en embarasser, parcequ'il ne sera pas dans le Hainaut François plus de forges qu'il n'en faudra pour la Consommation du Païs.
Verrieres. Commerce de grains.
Il y a aussi quelques Verreries proche d'Avesnes & de Maubeuge, mais l'on n'y travaille que 7 mois de l'année, la fabrique des poteries est aussi considerable dans la Province, elle se repand dans Paris. A l'egard des grains, il en passe du Hainaut à
FLÀN DRES
Houblon. Pâturages foins. Toiles.
Bruxelles & dans le reste de la Flandre, mais le plus grand debit s'en fait par la Sambre quand la Traite en est permise. En 1688. il en passa 1500 muids, mesure de Paris le bled valoit alors 6 l. le septier, ainsi la Province profita de 100000 l. pour ce seul côté ; & celui de Flandre ne fait pas une moindre consommation. Quant à celle qui se sait dans le Païs, il la faut compter double de celle qui se fait en France pour la nourriture des hommes, à cause de la quantité de grains qui sert à la façon de la bierre, ainsi il peut moins sortir de bled de cette Province que d'aucune nonobstant son grand rapport Le houblon doit aussi entrer au nombre des marchandises de la Province, on en receuille beaucoup aux environs de Mons, toutefois il ne paroit pas qu'il se fasse un grand debit au dehors. Les pâturages sont bons & abondans par tout le Païs à cause du grand nombre de petits ruissaux dont il est arrosé, mais tous les fourages sont consommez ou par les Troupes ou par les bestiaux. On sçait qu'il y a plusieurs milliers de vaches dans la Province & d'autres bestiaux à proportion, ce qui fait une forte consommation de foin ; à l'égard du lait & du beurre c'est la nourriture ordinaire des habitans avec laquelle ils se passent de tout le reste, excepté d'eau de vie & de tabac. On y debite jusqu'à 80000 pots d'eau de vie, quoi qu'elle coute ordinairement 35s. & environ 60000 livres de tabac. A l'égard des Toiles du Païs, il s'en consomme environ 1500 pieces dans la Province. Le commerce des toiles qui se sont du côté d'Ath & d'Enghein est aussi très-considerable, il s'en debite pour 100000 écus & davantage, quoique la chaux dont on se sert pour gacher altere fort leur qualité : le lin dont elles sont fabriquées croit du côté de Grammont au dessous d'Ath, particulièrement à la Hamaide. La pluspart des Couvens frabriquent des dentelles, mais cela ne peut être compté pour une Manufacture.
Commerce du Païs d'entre Sambre & Meuse. Ardoises.
A l'égard des Païs d'entre Sambre & Meuse la principale fabrique est le fer, mais d'une qualité plus aigre que celui du Hainault, on y compte 100 fourneaux, 28 forges & 4 fonderies. Il n'y a rien à répéter au sujet du nombre des Ouvriers qui y sont employez, ni consommation des bois & du produit, cela ayant été expliqué, mais quant au debit il faut demeurer d'accord que ce fer passe tout entier dans les Païs Etrangers, à la reserve de celui qui est converti en clouds, qui vient jusques à Parïs & se debite dans toute la Flandre. Le fer de Suede porte un grand préjudice à celui-ci, les Maîtres des forges ont été obligez d'en diminuer le prix, & plusieurs, en conséquence, ont été obligez d'abandonner leurs fabriques, quoique le Roi ait reduit les droits de sortie à 3 l. 10s. par mille en cette considération. A l'égard de la qualité de la mine on a cherché les moyens de l'adoucir & il ne s'en est point trouvé de meilleur que le mêlange d'une autre mine que l'on va chercher près de Namur. On use encore dans les forges & dans les fonderies du charbon de terre mêlé avec celui de bois, on tire le premier du côté de Namur & ceux qui ont besoin du second le tirent d'entre Sambre & Meuse. Il y a au dessus de Givet une petite Ville qui dépend de l'Electorat de Trèves, nommée Fumay, où il y a des Carrières d'Ardoises, d'où l'on en tire ordinairement cent milliers par an, qui sont vendus au prix de 40 s. le millier & rapportent dans le Bourg environ 24000 l. Tout le reste du Commerce consiste en bois qui descend en Hollande, à Namur & à Liege, tant pour brûler que pour servir à l'entretien des Digues & autres usages ; il faut aussi compter les écorces qui sont d'un très-grand débit pour les Tanneurs du Païs.
Terres Nobles.
Il y a dans le Hainaut un assez grand nombre de belles terres qui appartiennent aux plus grands Seigneurs du Païs-bas. Le Comte de Sorre y possedé celle de son nom entre Avênes, Beaumont & Peruez dans laChatelainie d'Ath ; le Comte de Merode étoit Seigneur de Torlon ; le Comte d'Egmont ou ses héritiers possedent Barlemont & Longueville proche Maubeuge, Lens, Rebaix & Chievres dans la dépendance de Mons & d'Ath & Hurges dans l'entre Sambre & Meuse. Le Prince d'Epinoy y possède Tunoin près Maubeuge, Blasquis près de Mons, Vievres dans la Chatelainie d'Ath & Thein le Chateau entre
FLANDRES.
Sambre & Meuse ; le Prince de Vaudemont Leffine 5 le Comte de Rhoeux & Duc d'Autrecht les terres de leurs noms le Prince d'Aremberg la terre d'Enghein que le Roy Henry IV. a vendue, Bresnes, Hall & la Pairie du Petit Quesnoy. Le Prince de Ligne possede la terre de ce nom avec titre de Grand Senechal & la Pairie de Beaufour ; le Prince de Chimay les terres de Chimay, Beaumont, Avênes & Bossu qui valent ensemble plus de 100000 l. de revenu ; le Prince de Bergues la terre de Felny ; le Marquis de Risbourg la Pairie de Valincourt ; le Marquis de Trasignes la Pairie de Silly. L'Auteur ne juge pas à propos de parler du reste de la Noblesse, il remarque seulement que les grands & les petits sont endêtez par l'esset ordinaire de la Guerre, qui est la confiscation d'un côté & le ravage de l'autre : il est si vrai que les dettes hypothéquées ne se payent point, tant que les biens sont en confiscation, non plus que les arrérages ; mais seulement, lorsque la Paix vient, le Proprietaire rentre dans un bien dégradé, de sorte que les revenus ne suffisent plus à acquitter les dettes : il est néanmoins fort rare de voir vendre des terres en Hainaut, parce que les Contracts s'y sont conformément à la Coutume, d'une maniéré qui n'oblige que les fruits de la terre, ainsi le plus ancien Créancier se met en possession & jouït jusqu'à l'acquit parfait de sa dette, il est succedé à un autre, en sorte qu'il y a des terres qui demeurent des Siècles entiers en Regie de Justice, le Propriétaire n'en ayant que le droit nom, les droits de casuel & la faculté de vendre les Charges de Baillisss, Greffiers & autres avantages, dont il n'est jamais dépossedé.
Fin de Province de FLANDRE.
TABLE
;
Des Matières contenues dans lé I. Volume,
lement l'Etat de la Franc, consideré dans ses
MCommissaires, départis dans les Provinces, Préface, 2^ Partie laouele rJ^ –, I.
en 1697 p t Mmni* zj-a , îl, e"e regarde principalement les
Préface de l'Auteur, 1e. Partie, laquelle regarde principa-Memotres
principa-Memotres l Histoire du Gouvernement de France des le commencement de la
Monarchie,
MEllobaudés, premier Roi
I
Cuenebaut, Marcomir 8c Sunnon, Rois
ib.
Theodomer, Cinquième Roi
2
Clojo, ou Clodion, sixième Roi
4
Childeric, Huitieme Roi
6
Clovis I. Neuvieme Roi
10
Etat de la Nation Frar çoiíè
15
Liberté des François
1.6
Noblesse des François
18
Avantage ds François après la conquête
19
Partage égal entre les François
11
Justice communément exercée entre les François
Droit de Guerre parmi les Français
27
Des Loix Saliques
28
Exclusion des Femelles en succession Salique
30
Etat des Peuples apiès k Conquête
31
Des Lides
32
Des Serfs
33
Origine des Dignitez parmi les François
34
Nombre des Dignitez panni les Français
37
Des finances parmi les François
38
Ordre Judiciaire parmi les François
41
Guerres particulieres des Francs
4
Assemblée generale au Champ de Mars
46
Manufactures anciennes de la Gaule
48
Thierry I, Clodomir I, Childeric I. 6c Clotaire Ros
49
Theobalde, quinzième Roi
54
Clotaire, seul Roi
5j"
Cherebert, Cmtchrrtm, Sigebert I. & Childeric, Rois,
56
Childebert II. Vingtième Roi
57
Clotaire II. Vingt-unième Roi
6r
Theodebert II & Thierry II. Rois
6z
Clotaire II. seul Roi
6b
Dagobert I. Vingt-quatrième Roi
Sigebert II. Vingt-cinquième Roi 6
Clovis II. Vingt-sixième Roi
Clotaire III. Vingt-íept : ème Roi 70
Childeric II. Vingt-huitième Roi V"
Childeric III. seul Roi
Thierry II. Vingt-neuvième Roi 11
Dagobert II. Trentième Roi
Clovis III. Trente-unième Roi o
Dagobert III, Tt en te-troisième Roi
Chilperic IL Trente-quatrième Roi ot
Charles Martel, Maire gg
Thierry III. Trente-cinquième Roi o„
Interrègne
Childeric III. Trente-sixième Roi
Pepin le Bref, Trente-septième Roi
Charles I. & Carloma », Rois
Charles, seul Roi
Charles, Empereur & Roi de France, sous le nom de
CharLernagne
Louis I. Quarantième Roi, & 2. Empereur l'
Lothaìre- troisième Empereur ; Louis k Charles Rois 14S
Cnarles II. dit ie Chauve, Roi jè,
Charles le Chauve, Empereur IAT
Louis III. 6c Carloman II. Rois 147
Carloman, seul Roi 148
Charles le Gros, Empereur, 47e. Roi
Eudes, Quarante-hutième Roi 149
Charles IV. Quarante-neuvicme Roi
Robert I. Cinquantième Roi l6í
Louis IV. dit d'Outre-mer, 52e. Roi 1 (1y
Lothaìre II. Cinquante-troisième Roi 17L
Louis V. Cinquante quatrième Roi 174
Hugues Capet ; Cinquante-cinquième Roi 77í
Etat de la Franee, considéré dans ses Generalitez.
Généralité de Paris,
ETablissement des Generalitez, 1
Avantage de celle de Paris ib.
Sa Situation ib.
Ses Rivieres
Etat Ecclésiastique 3
L'Archevêché de Paris, Doyennez, Chapitre, Annexes
Chapitres dépendans 3, 4
Abbayes de Paris 6
Monasteres de filles
Benefices & Prieurez
Maisons Religieuses du Dioccíc 9 ç
Hôpitaux 9, 10
Archevêché de Sens & ses Chapîtres 10
Abbayes & Prieurez 12
Hôpitaux ib.
Evêché de Beauvais, son Chapître & ses Abbayes 14
Evêche de Meaux, ses Chapitres 6c Abbayes 16
Evêché de Senlis, ses Chapîtres & ses Abbayes 18
Bénéfices de l'Election de Mantes 19
de l'Election de Montfort 20
– – – – – de l'Election de Tonnerer ib.
– de l'Election de Vezelay 21
Ordre de Malthe, son Institution & son Histoire, & ses
Revenus dans la Generalité 22
Gouvernement Militaire 23
Gover¬
C
Gouvernement de Paris 24
A
– de Brie ib.
E
Histoire des Villes & Pays de la Généralité 25
de Pontis & de Valois ib.
de Crepy, Beaumont, Montmorency » Pontoisc
ib.
.de Mantes, Meulan, Montfort, Dreux, Etampes,
Melun, Nemours, Courtenay, Provins 26
de Coulommiers, Montereau, Sens, Joigny 29
Des Villes des Voisinage de Paris ib.
Denombrement du Peuple 3°
Nombre des Huguenots ib.
De la Poudre à Canon & du Salpètre 31
Gouvernement Judiciaire 32
Origine des Fiefs ib.
Duchez. 5c Pairies
Autres Dignitez 23
Justices de Paris ib.
Le Parlement, Grand'Chambre, Tournelle ib.
Grand Conseil 34
Chambre des Comptes 35
Cour des Aides 36
Cour des Monnoyes 39
Table de Marbre
Connêtablie & Maréchaussée 40
Amirauté, Baillage du Palais, Chatelet ib.
Del'Election, delaVarenne du Louvre, des Consuls, Corps
de Métiers, Justices & terres considérables 41
Election de Senlis ib,
De Beauvais, de Pontoise 43
De Mantes, de Montfort, de Dreux 4t
D'Etampes, de Melun, de Nemours, de Meaux 45
De Rosay, de Coulommiers, de Provins 46
De Nogent, Montereau, Sens, S. Florentin 47
De Tonnerre & de Vezelay 46
Des Revenus du Roi
Le Domaine ib.
Des Aides & du Droit de Gros 49
Des Tailles 50
Gabelles, & petites Gabelles 52
Grosse ferme 53
Recolte & nature des Terres ib.
Eaux & Forêts 57
Commerce 59
Foires & Marchez 60
Des Mines & Carrières 61
Maisons Royales 62
Généralité de Picardie*
SA Situation & ses Rivieres 64.
Son Terroir & ses Mines 65
Caractere des Peuples, Coutume,
Son Histoire generale 67
Ses Villes & Elections
Amiens
Abbeville 69
Calais 70
Gouvernement Militaire 71
Manufactures 71
Commerce 73
Ports de Mer 74
Marchands & leurs Classes 75
Revenus du Roi
Les Aides, Tabac, Domaine, Tailles, Gabelles 77
Familles Nobles 79
Terres titrées
Le Vermandois, Boulogne
Guines, Poix, Magneley, Croy, Chaunes *2
Brçteuil, Ancre. Piennes
Etat Ecclésiastique 84
Evêchez. Archidiaconats
hapitres, Abbayes, Maisons de Filles 85
bbayes & Prieurez 87
vêché de Boulogne 88
aisons Religieuses ib.
Abbayes & Prieurez 89
. Quentin & son Chapitre ib.
Province d'Artois*
SA Situation, Rivieres 6c terroir 91
Privilèges, Villes & Bourgs & son Commerce 92
Manufactures 93
Tribunaux de Justice 6c Conseil d'Artois ib„
Election d'Artois 94
Histoire generale 95
Etats d'Artois 96
Domaine du Roi 99
Noblesse 6c Maisons illustres ib.
Terres titrées 103
Gouvernement Militaire 105
Communautez & Personnes ib.
Etat Ecclésiastique
Evêchez & Abbayes ib.
Election des Abbez 107
Revenus Ecclésiastiques 108
Généralité de Soijsons.
SES Rivieres 110
Ses Electionsns Soissons 111
Laon ib.
Manufacture de Glaces 112
Guise ib.
Noyon, Clermont, Crespy, Chateau-Thierry 113
Evêché de Soissons 114
Ses Abbayes & Monastères ib.
Autres Bénéfices de la Généralité 116
Gouvernement Militaire 1 [8
Baillages 119
Maîtrises
Etat des Finances ib.
Histoire de la Comté de Soissons ib.
du Vermandois 128
Grans chemins, Ponts & Chaussées, Marchez, Etapes 123
Seigneuries & Maisons distinguées 124
Des Huguenots 125
Généralité d'Orléans.
Canaux de Briare & d'Orléans 128
Commerce de la Loire 129
Manufactures ib.
Etat de l'Eglise 132
Evêché d'Orleans ib.
Ses Chapitres, & c. 133
Evêché de Chartres, & c. î ?4
Evêché de Blois & ses Abbayes 136
L'Evêché du Mans 137
Histoire generale d'Orléans 138
Gouvernement Militaire 141
Etat de la Justice, Baillage d'Orléans ib.
Baillage de Chartes
Baillage de Blois 142
Histoire generale de Blois 143
SA Situation & ses qualitez 126
Ses Rivieres 127
G g g g g
Comté de Dunois 144
Baillage de Montargis ib.
Dourban, Gien & Vendosine 145
Des Forêts ib.
Etat des Finances 147
Généralité des Trois Evêchez, Metzy/ Toul
& Verdun.
Situation du Pays 150
Ses Qualitez 2c Rivieres 151
Son Histoire generale 152,
Ancien Gouvernement 161
De la Ville de Metz 163
Toul ib.
Verdun, Thionville, Marsal 164
Moeurs des Habitans ib.
Juifs & Hugenots 165
Etat de l'Eglise & ses 3. Evechez ib.
Etat des Armes 166
Etat de la Justice, Parlement de Metz 168
Etat des Finances 169
Fiefs & Franc-aleus 170
Commerce du Pays ib.
Duchez de Lorraine & de Bar.
OCcasion de ce Memoire 172,
Idée de ces 2, Duchez ib.
Ses Rivieres & ses Montagnes 174
Son Commerce 175
Genie de ses Habitans 176
Etat de la Justice ib.
Justices Seigneuriales 178
Gouvernement Ecclésiastique 179
Chapitres & Monastères 280
Ancienne Chevalerie de Lorraine 181
Magistratures 184
Manufactures ib.
Etendue des Etats de Lorraine 185
Gouvernement ib.
Histoire generale 186
Revenus du Prince ib.
Généralité de Champagne.
SES bornes, son Climat & Genie des Peuples 190
Ses Rivieres ib.
Sa Division & son Histoire generale 191
Histoire particuliere des Villes 195
Troyes, Châlons ib.
Ste. Menehout, Epernay, Rheims 196
Rocroy, Rhetel ib.
Bar sur Aube ib,
Etat de l'Eglise 179
Archevêché de Rheims & ses Chapîtres 189
Evêché de Langres & ses Chapitres 8c Bénéfices 199
Evêché de Châans & ses Chapitres, & c. 200
Evêché de Troyes, & c. 201
Gouvernement Militaire 202
Etat de la Justice ib.
Maîtrise des Eaux & Forêts 203
Etat des Finances ib.
Commerce 205
Familles distinguées 206
Duché de Bourgogne, Pays de Brejse, Gex
& Bugey.
Situation du païs & ses productions 209
Chemins & Rivieres
Histoire generale
Familles nobles & illustres
Gouvernemens Militaires 225
Gouvernement Civil 226
Coutumes de Bourgogne ib.
Mains-mortes 227
Tribunaux pour les droits du Roi ib.
Etablissemens des Haras ib.
Etats Generaux de Bourgogne 8c leur ordre 226
Finances 230
Baillage de Dijon
Ses produits, bois, forges, chemins ib.
Noblesse du Pays
Description de la Ville de Dijon ib.
Son Histoire, ses Eglises, Hôpitaux, Maisons Religieuses
234
Palais de Justice, Chancelerie 236
Baillage & Présidial ib.
Baillage de Beaune 237
Ville de Beaune 238
Baillage de Nuiz ib.
de S. Jean de Laune 239
– d'Auxonne 240
d'Autun 241
– de Bourbon-Lancy 243
de Semur
de Chalcns jb.
d'Avalon
d'Arnay le Duc ib.
de Saulieu
de Châtillon
La Comté d'Auxerre & son histoire 252
Ses Rivieres, sa Noblesse jb.
Le Charolois 253
Ses Rivieres, ses Bénéfices, íà Noblesse 254
De la Ville de Charoles 255
Du Maconnois & son histoire ib.
Ses Abbayes & Prieurez 256
Clugny, Chef d'Ordre ib.
Noblesse ib.
Baillage de Mâcon 257
Ville de Mâcon 258
Tournus, Marcigny 259
La Comté de Bar 260
Abbayes & Terres Seigneuriales ib.
Ville de Bar 261
De la Bresse ib.
Singularitez du Païs 262
Terres Seigneuriales ib.
Rivieres & Chemins z63
Moeurs & Coutumes ib.
Abbayes & Cures 265
Noblesse 265
Assemblées de la Noblesse & du Tiers Etat 266
Ville Bourg 267
Commerce ib.
Eglise de N.D. de Brou & ses Monumens ib.
Pont de Vaux & Pont de Ville ib.
Chatillon, S. Trevier, Beaugé 2 68
Du Bugey 269
Evêché de Bellay ib.
Noblesse 270
Terres Seigneuriales ib.
Etat du Pays 271
Ville de Bellay 270
Seissel, S. Rambert íb.
Du Pays de Gex. 271
Province de Franche-Comté.
BOrnes, étendue » température du Pays 273
Rivieres 274
Etat de l'Eglise ib.
Archevêché de Bezançon ib.
Abbayes 8c Prieurez, 8c Eglises Collégiales 275
Gouvernement Civil 285
Commerce de la Province 286
Haras 287
Manufactures 288
Besançon, Dole, Salins ib.
Gray, Montbeliard, ib.
Histoire Generale du Gomté de Bourgogne 293
Province d'Alsace,
SES bornes & Rivieres 297
Ses Canaux 298
Division de l'Alsace ib
Ses forêts, & son produit 299
Histoire Generale du Pays 300
Etat de l'Eglise 302
Diocese de Basse ib.
Abbayes ib.
Diocese de Constance 304
Diocèse de Strasbourg 305
Sa Cathedrale ib.
Le Chapître 306
Bas Clergé 306
L3Abbaye d'Andelau ib.
& autres 307
Eglises Collégiales 310
Maisons Religieuses 3Í1
Gouvernement politique 312
Bénéfices des Lutheriens ib.
Diocese de Spire 313
Moeurs des Ecclésiastiques 314
Gouvernement Militaire ib.
Gouvernement Judiciaire Sc Conseil des Finances 315
Justices Seigneuriales 316
Préfecture de Haguenau ib.
Directoire de la Noblesse 317
Magistrature de Strasbourg ib
Finances & revenus 319
Enumération des Peuples 321
Leur Caractere 322
Juifs & leurs privilèges 323
Commerce ib.
Haras, Eaux Minérales 323*
Noblesse & grandes terres 327
Ville de Strasbourg 328
Colmar 331
– Brisac 332
– Fribourg ib.
Befort ib.
Huningue ib.
– Schelstat ib.
= – – -Ensisheim ib.
Ribanviller ib.
– – Gebreiller ib.
– Sultez ib.
– Keiserberg ib.
Ruffac ib.
Obernheim ib.
Molsheim ib.
.
Rosheim ib
– Saverne ib.
– Haguenau ib.
Le Fort Louis íb.
– – – Weissembourg ib.
– Landau ib.
Auveiller ib.
– Philisbourg ib.
– – -Landskroon jb.
Moeurs des Peuples 334
Observations générales. 336
Généralité de Flandres,
CES bornes & son histoire 337
Sa division & ses qualitez 338
Caractere des peuples 341
Villes de Flandres 342
Ypres ib.
Rousselaer 343
Bailleu), Poperingue, Casseì 34.5
Fumes ib.
Loo, Bergues, Gravelines 346
Dunkerque ib.
Administration de la Justice 347
Amirauté & autres Justices Royales 348
Gouvernement Militaire
Marine ib.
Etat des Impôts 349
Etat de l'Eglise 351 :
Evêché d'Ypres ib.
Commerce de la Province 352
Noblesse 354
Flandre Gallicane, son étendue & son Climat ib.
Histoire generale 335
Rivieres du Pays ib.
Qualitez du terroir 356
Caractere des Peuples ib.
De la Ville de Lille 2 57
Bureau des Finances ib.
Hôtel des Monnoyes ib.
Magistrat 258
Manufactures ib.
Douay & son Université ib.
Salie, Armentieres ib.
Comines, Lannoy, la Gorgue 359
Etat Ecclésiastique ib.
Evêchez & Chapitres ib.
Abbayes ib.
Gouvernement Militaire 360
Maréchaussée ib.
Don gratuit & subsides 361
Hauts Justiciers ib.
Pays de l'Aleu ib.
Domaines ib.
Commerce de Lille ib.
Incommodité des Traites 364
Menin & son territoire 365
Ses Magistrats & son produit ib.
Tournay & son territoire fo.
Son Evêche & ses Abbayes 366
Etats du pays ib.
Noblesse 368
Condé & ses dépendances ib.
Valenciennes, & c. 369
Bouchain, & c. 370
Le Cambraisis & son Histoire 372
Ville de Cambray 373
Son Archêveché ib.
.
Chapitres & Abbayes 374
Domaines ib.
.
Terres franches de Flandre. 375
Du Hainaut & son histoire generale ib.
Son Gouvernement ib.
Qualité & Rivieres ib.
Pays d'entre Sambre & Meuse 376
Etat du Clergé, Abbayes ib.
Chanoinesses ib.
Chapitre de Maubeuge 377
Chapîtres des Chanoines ib.
Prieurez & Commanderies ib.
Gouvernement Militaire 378
Mons, Aeth, Maubeuge
Philippe ville, Charlemont
Dînant, Charleroy
Gouvernemens particuliers ib.
Sejour des troupes
Tribunaux de Justice ib.
Magistrat de Mons ib.
Loi particulière ib.
Justice Royale 381
Taille personnelle ib.
Etats du Pays 382,
Denombrement des peuples 385
Domaines 384
Houille ou charbon de terre ib.
es nobles 386
Fin de la Table pour le Premier Volume.